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Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire, dans le périmètre du mix électrique français et européen, ainsi qu’aux conséquences de la fermeture et du démantèlement de réacteurs nucléaires, notamment de la centrale de Fessenheim

Mardi 27 mai 2014

Séance de 8 heures 30

Compte rendu n° 66

Présidence de M. François Brottes Président

– Remise du rapport préparé par la Cour des comptes à la demande de la commission d’enquête – Audition de M. Gilles-Pierre Levy, président de chambre, de Mme Michèle Pappalardo, conseiller-maître, et de Mme Anne-Sophie Dessillons, rapporteur à la Cour des comptes.

L’audition débute à huit heures quarante.

M. le président François Brottes. Monsieur Gilles-Pierre Levy, madame Michèle Pappalardo, soyez les bienvenus. Le 9 janvier 2014, quand vous nous aviez présenté le rapport que vous avez rédigé en 2012 sur le coût de la filière électronucléaire, nous étions convenus que vous prolongeriez ces travaux, tandis que la commission d’enquête mènerait les siens. Le temps est venu de faire le point sur vos investigations.

L’augmentation du coût de la production nucléaire est-elle seulement liée à des événements conjoncturels ? Était-elle prévisible ? S’agit-il d’une réactualisation ou d’un rattrapage sur des investissements qui n’avaient pas été faits, auquel cas l’augmentation devrait être lissée sur toute la période d’exploitation ?

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Gilles-Pierre Levy et Mme Michèle Pappalardo prêtent serment.)

M. Gilles-Pierre Levy, président de chambre à la Cour des comptes. Je rappellerai d’abord l’objet, le périmètre et les méthodes du rapport que nous vous avons adressé le 23 mai. Nous avions prévu d’actualiser nos travaux sur le sujet avant la fin de l’année, mais c’est avec plaisir que nous avons anticipé cette échéance en fonction de votre calendrier. Le code des juridictions financières prévoit d’ailleurs que nous répondions à vos questions.

Nous avons analysé l’évolution des différents éléments qui constituent le coût de production de l’électricité nucléaire en France, en nous penchant plus spécifiquement sur le contenu du programme d’investissement d’EDF, ainsi que sur l’évaluation du coût des accidents éventuels et de leur prise en compte. Notre travail intègre les différents types de dépenses passées – les investissements –, présentes – le fonctionnement – et futures – le démantèlement des centrales, la gestion des déchets et des combustibles usés –, ainsi que le coût de la production d’électricité nucléaire – hors nucléaire militaire et hors usages civils, industriels ou médicaux – par le parc nucléaire fonctionnant en France.

M. le président François Brottes. Le travail exclut donc l’EPR ?

M. Gilles-Pierre Levy. Oui. De plus, l’exercice ne tient pas compte des modes de financement. Nous raisonnons sur le coût de production et non sur le prix de l’énergie qui se compose pour 40 % du coût de production, pour 40 %, de la distribution et pour 20 % des impôts, des taxes et de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Notre propos exclut toute comparaison entre le coût de l’énergie nucléaire et celui d’autres énergies. Enfin, nous n’analysons pas le rapport entre coûts et bénéfices, ce qui supposerait d’observer l’impact du nucléaire sur la balance des paiements, l’environnement ou l’emploi.

Vous connaissez nos méthodes de travail. La Cour analyse les sources, les documents et les comptes. Elle rencontre les responsables des exploitants et des autorités qui les contrôlent. Elle respecte le principe du contradictoire. Enfin, quel que soit le rôle décisif que jouent les rapporteurs, le rapport, qui est discuté avant et après contradiction par la chambre concernée, est collégial.

Nous avons disposé d’un délai anormalement court pour un sujet aussi complexe. Compte tenu de la règle du contradictoire que nous impose le code des juridictions financières et qui garantit la solidité de nos travaux, l’instruction des rapporteures n’a pas pu excéder deux mois et demi.

Comme pour le rapport précédent, nous nous sommes fait assister par un comité d’experts, de profils et de sensibilités différents. Nous avons auditionné les présidents ou responsables d’EDF, d’AREVA, de l’Agence des participations de l’État (APE), de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), et de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Tous ont eu le souci de nous répondre dans les délais.

Notre rapport de 2012 conclut que la moins mauvaise façon de prendre l’investissement en compte est d’employer la méthode du coût courant économique (CCE), qui révèle un coût de 49,50 euros par mégawattheure (MWh) en 2010. Pour les dépenses futures, bien qu’il n’existe pas de coût caché, les montants sont incertains. Au vu des tests de sensibilité, il semble qu’il n’y ait pas lieu de craindre des erreurs sur le coût moyen présent et que les charges futures ne devraient pas évoluer fortement. Les dépenses qui doivent intervenir dans des dizaines, voire des centaines d’années, sont assez faibles, quand on les actualise pour les ramener à leur valeur actuelle. Le rapport souligne l’impact des investissements et l’importance stratégique de la durée de fonctionnement des réacteurs. Pour calculer les charges supportées par l’État, nous prenons en compte la part financée par les crédits publics, soit une partie de la recherche et de la sûreté/sécurité, ce qui induit un coût de 1,7 ou 1,80 euro par MWh. Enfin, l’État couvre de facto la majeure partie du risque nucléaire.

J’en viens au point central de notre travail : l’évolution du coût entre 2010 et 2013. Le coût de production est composé des dépenses d’exploitation – personnel, frais de fonctionnement, impôts –, des investissements de maintenance, de la prise en compte des dépenses futures – démantèlement, gestion des déchets et des combustibles usagés – et du coût de l’investissement initial.

Pour calculer celui-ci, nous avons appliqué la méthode du CCE, qui revient à recalculer un loyer économique constant sur toute la période, en tenant compte de l’inflation et en se fixant pour objectif de reconstituer l’investissement à l’identique, à la fin de la vie des centrales. Lors de la précédente étude, cette méthode, qui ne tient pas compte de l’historique du parc, a abouti au coût le plus élevé.

M. le président François Brottes. On conserve l’hypothèse d’une reconstruction même lorsqu’on prolonge la durée de vie d’une centrale ?

M. Gilles-Pierre Levy. On fait comme si elle devait être reconstruite à l’identique, en sachant qu’elle ne le sera vraisemblablement pas. Des trois méthodes que nous avons présentées dans le précédent rapport, ce mode de calcul semble le plus proche de la réalité. Il est très difficile de prendre en compte des investissements qui, sur le plan comptable, sont très largement amortis, et dont la durée de vie est incertaine.

Entre 2010 et 2013, le coût de production passe de 49,6 à 59,80 euros par MWh, soit une augmentation de 21 % en euros courants et de 16 % en euros constants. Le coût total augmente ainsi de 20,2 à 24,1 milliards, pour une production qui diminue de 407,9 à 403,7 térawattheures (TWh). Celle-ci n’est pas constante, puisqu’elle dépend du taux de disponibilité des centrales. Les coûts augmentant de 19 %, alors que la production baisse de 1 %, le ratio coût/production augmente.

M. le président François Brottes. Le ratio baisserait si le taux de disponibilité augmentait.

M. Gilles-Pierre Levy. Dans ce cas, les dépenses de combustibles et d’entretien augmenteraient mais, l’essentiel de l’investissement restant stable, le ratio diminuerait.

L’augmentation du coût de production s’explique par différents facteurs. Les dépenses d’exploitation augmentent de 11 % ; les investissements de maintenance, de 118 % ; les provisions pour charges futures, de 14 % ; le loyer économique, de 8 %.

Les dépenses d’exploitation, qui progressent de 11 % en euros courants, avaient déjà fortement augmenté depuis 2008. Ce chiffre est affecté par le transfert de 13 milliards de dépenses d’exploitation (OPEX) en 2012 vers des dépenses d’investissements (CAPEX) de maintenance. Toutes les dépenses d’exploitation sont en hausse. Le combustible augmente de 10 % en euros par MWh, d’abord parce que les coûts de l’uranium étaient particulièrement bas, il y a trois ans, ensuite parce qu’EDF doit remplacer d’anciens contrats arrivés à terme par d’autres moins avantageux. Les coûts de dépense de personnel entraînent une augmentation de 14 % en euros par MWh, car il a fallu créer des doublons pour anticiper le remplacement des opérateurs qui vont partir à la retraite. Or la formation d’un opérateur de centrale exige plusieurs années. En outre, il a fallu renforcer les équipes de sûreté. Une autre augmentation des dépenses de personnel tient à l’augmentation des dépenses de maintenance, qui induit en partie la hausse de 7 % en euros par MWh des consommations externes. La hausse des impôts et taxes représente 14 % en euros par MWh ; celle des fonctions centrales et de support, 11 % en euros par MWh, compte tenu du poids de la récente direction des services partagés.

Les investissements de maintenance, qui augmentent de 118 %, s’inscrivent dans un projet industriel d’EDF qui vise, sous réserve de l’accord de l’ASN et de l’État actionnaire, à prolonger au-delà de quarante ans la durée d’exploitation des réacteurs. En conséquence, les investissements annuels de maintenance, après avoir fortement augmenté depuis 2008, ont doublé entre 2010 et 2013. Ils sont passés de 1,2 milliard en 2008 à 1,7 milliard en 2010, pour atteindre 3,8 milliards en 2013.

Les prévisions sur la période 2011-2025 ont évolué de 57 milliards d’euros (en valeur 2010) en 2010 à 62,5 milliards d’euros (en valeur 2010) en 2013. C’est l’effet d’un premier travail d’optimisation. Un lissage des dépenses permettra de reporter, sous réserve d’accord de l’ASN, quelque 8 milliards d’investissement après 2025. L’évolution du schéma de gestion permet de transférer l’imputation de 13 milliards des OPEX vers les CAPEX.

Cependant, quand bien même on se contenterait de prolonger tous les réacteurs au-delà de quarante ans, il faudrait continuer d’investir jusqu’en 2033, date de la fin des quatrièmes visites décennales des réacteurs. L’estimation de ces dépenses entre 2011 et 2033 représente un budget total de 90 milliards d’euros (en valeur 2010), soit 110 milliards d’euros courants.

Pour la période 2014-2025, les investissements de maintenance se divisent en deux parties pratiquement égales.

La première correspond aux investissements de sûreté, qui regroupent les investissements post-Fukushima. Sur les 11 milliards demandés par l’ASN, qui représentent 700 millions par an, 6 milliards sont indissociables, selon EDF, d’une décision d’allongement de la durée d’exploitation. Le groupe attend l’accord de l’ASN pour étaler cette dépense jusqu’en 2033. D’autres investissements, d’un montant de 1,6 milliard par an, permettront d’élever les objectifs de sûreté au niveau de la troisième génération, c’est-à-dire de l’EPR. Je rappelle que l’ASN conditionne l’obtention de toute autorisation à l’augmentation du niveau de sûreté.

La seconde partie des investissements de maintenance regroupe les travaux à effectuer pour maintenir la production même sans prolonger la durée de vie des centrales. Le coût de la maintenance normale, correspondant aux travaux à faire inévitablement, représente schématiquement 1 milliard d’euros par an (en valeur 2011), auquel s’ajoute 1,3 milliard par an pour la rénovation ou le remplacement de gros composants. Les travaux, qui doivent de toute façon être faits, prolongeront la vie des centrales, puisque ces composants ont une durée de vie supérieure à ceux qui permettraient d’atteindre la prochaine visite décennale.

Observons la prise en compte des dépenses futures.

Le premier poste correspond aux charges brutes, qui représentent 87,2 milliards d’euros 2013, soit une augmentation de 5,4 % en euros constants par rapport à 2010. S’il est facile d’évaluer la gestion des combustibles usés, il reste des incertitudes fortes sur deux points.

Les charges de démantèlement représentent, en coût brut, 34,4 milliards d’euros 2013. Sur les premiers démantèlements, qui concernent des centrales antérieures au parc actuel, on constate des surcoûts de 22,4 % pour la première génération d’EDF et de 46 % pour Eurodif chez AREVA. Des facteurs probables de surcoût, comme la dépollution du sol, sont déjà identifiés, sans parler des aléas fréquents sur les grands chantiers.

La gestion des déchets correspond, en charges brutes, à 31,8 milliards d’euros 2013. Une incertitude demeure sur la création d’un nouveau centre de stockage des déchets nucléaires à faible activité à vie longue (FAVL). On s’interroge aussi sur le devenir de certaines matières, notamment les combustibles usés – MOX et uranium enrichi –, que l’on tient aujourd’hui pour valorisables, mais dont il n’est pas certain qu’elles le soient. La dernière incertitude concerne le coût du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), à Bure.

Sur ce projet, les provisions sont calculées sur la base du devis de 2005, d’un montant de 16,6 milliards d’euros 2013, fiscalité et assurance comprises. La dernière estimation de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), contestée par les exploitants, est de 28 milliards, hors fiscalité et assurance. C’est dire qu’il existe des écarts d’analyse importants dans l’analyse des besoins, chapitre technique sur lequel la Cour ne se prononce pas. Une approche opérationnelle consisterait à regarder les dépenses à engager sur 150 ans et à décomposer le devis de l’ANDRA en grandes phases : 19 milliards d’investissements, dont 6 pour la première tranche ; 9 milliards d’exploitation ; 8,5 milliards pour le devis actualisé.

M. le président François Brottes. Quels seront les volumes de déchets traités par Cigéo ?

M. Gilles-Pierre Levy. Il s’agira de l’ensemble des déchets produits par tous les réacteurs pendant quarante ans.

M. Denis Baupin, rapporteur. D’après l’ANDRA, pendant cinquante ans.

M. le président François Brottes. On peut admettre qu’il y ait des incertitudes sur les chiffres, mais il importe de connaître la base de calcul !

Mme Michèle Pappalardo, conseiller-maître à la Cour des comptes. La dernière estimation table sur une exploitation des réacteurs pendant cinquante ans, mais l’ANDRA a chiffré différentes hypothèses.

M. Gilles-Pierre Levy. Pour les dépenses futures, les provisions se montent à 43,7 milliards d’euros 2013, soit une augmentation de 14 % en euros courants, largement due au changement de taux d’actualisation. C’est le facteur qui pèse le plus sur l’impact réel. En 2012, le taux a baissé de 5 % à 4,8 % pour EDF, et à 4,75 % pour AREVA et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), ce qui se traduit par une différence de 850 millions sur le bilan des exploitants.

Le taux d’actualisation dépend du taux plafond réglementaire, moyenne mobile sur quatre ans des taux d’obligations d’État à trente ans, majoré de cent points de base. La baisse du second taux entraîne celle du premier. Pourtant, en 2013, quand le taux plafond a continué à baisser, ce qui aurait dû réduire le taux d’actualisation à 4,6 % – et faire augmenter les provisions de 1,5 milliard –, les chiffres n’ont pas été révisés, même si l’administration n’a officiellement accordé sa dérogation que la semaine dernière, peut-être au vu de vos travaux ou des nôtres. Quoi qu’il en soit, des discussions sont en cours pour clarifier les règles de calcul du taux plafond.

Deux autres facteurs pourraient jouer de manière non négligeable sur les provisions : l’allongement de la durée d’exploitation des centrales, qui, en repoussant les dépenses futures, réduit leur impact présent, et la révision du devis Cigéo.

Le Parlement a décidé que les exploitants devaient constituer des actifs en vue de financer les dépenses futures. Si le taux de couverture des provisions par les actifs dédiés atteint 100 % pour tous les exploitants, ce chiffre apparemment satisfaisant appelle deux remarques. Dans le cas d’EDF, la couverture n’est possible que grâce à la créance de la CSPE que le groupe possède sur l’État. Cette créance, qui représente 25 % du portefeuille d’actifs dédiés, limite la diversification, donc réduit la sécurité du portefeuille. En outre, sa rentabilité se monte à 1,72 % par an, alors que le taux d’actualisation est 4,6 % ou 4,8 %. Autant dire que le compte n’y est pas. Dans le cas d’AREVA, la couverture de 100 % est atteinte grâce à une créance sur le CEA, dont le coût est très élevé pour les finances publiques.

En 2013, le décret encadrant la constitution du portefeuille d’actifs dédiés a été révisé, mais, la possibilité de dérogations et de demandes au cas par cas étant maintenue, le résultat n’est pas parfaitement satisfaisant, surtout pour un système qui doit fonctionner sur le long terme.

Je serai plus prudent en ce qui concerne le coût et la durée de l’exploitation, car le métier de la Cour est d’observer davantage ce qui est, que ce qui pourrait être. On distingue toutefois des éléments factuels et d’autres qui relèvent de tendances. La plupart des coûts s’orientent à la hausse. Les dépenses d’exploitation risquent de continuer à augmenter. La mise en œuvre du projet industriel d’EDF suppose, pour réaliser le programme d’investissement, une augmentation de quelques centaines de millions d’euros par an. Le prix de l’uranium est également en hausse. Je ne me prononcerai pas sur l’évolution des impôts et taxes. Pour les investissements de sûreté, le maximum n’est pas encore atteint. Depuis des années, le degré d’exigence augmente, ce qui a un coût. Enfin, pour les charges futures, l’évolution du taux d’actualisation reste incertaine, et le devis Cigéo dépassera vraisemblablement la somme prévue de 16,6 milliards.

En revanche, la décision de prolonger la durée d’exploitation des centrales limitera l’augmentation du coût moyen de production. Si la durée moyenne des réacteurs atteint cinquante ans, on aboutira, selon la méthode du CCE adoptée par la Cour, au prix de 62 euros par MWh pour 2011-2025. Dans son calcul, EDF fait porter le gain sur la seule période restante, ce qui conduit, selon la méthode du CCE, à un coût de 57 euros.

M. le président François Brottes. Le taux de disponibilité peut-il augmenter ?

M. Gilles-Pierre Levy. Nous ne disposons d’aucune donnée technique indiquant qu’il pourrait varier. On constate cependant qu’il est remonté, du fait de la forte augmentation des investissements de maintenance, qui étaient très bas au début des années 2000.

Reste à savoir quelle forme de disponibilité on vise. Le taux de disponibilité de nos centrales semble inférieur à celui des autres pays qui, selon un expert belge, se situe normalement entre 90 % et 92 %. Mais la priorité d’EDF est moins d’atteindre un taux moyen de 90 %, que d’élever le taux au plus haut quand on a le plus besoin d’électricité, c’est-à-dire en hiver. Il n’est donc pas facile d’établir des comparaisons, d’autant que la France est le seul pays à disposer d’une telle proportion d’électricité nucléaire. La Cour constate seulement que le taux évolue peu. La variation de 1 % que j’ai mentionnée correspond peut-être uniquement au rythme d’arrêt dû à la maintenance.

M. le président François Brottes. Avez-vous fait l’hypothèse que quelques réacteurs pourraient fermer, ce qui exigerait une plus grande disponibilité des autres ?

M. Gilles-Pierre Levy. Nous n’avons pas envisagé cette éventualité.

Mme Michèle Pappalardo. Nos calculs retiennent le chiffre de 62 ou de 57 euros par MWh sur la base d’une production de 410 TWh, moyenne des quatre dernières années, ce qui représente une production supérieure à celle de 2013, qui était de 404 TWh.

M. Gilles-Pierre Levy. L’évolution des coûts du nucléaire futur appelle deux remarques. La Cour ne sait pas calculer le coût sans prolongation de la durée de vie des centrales. Si cette option n’est pas retenue, EDF ne réalisera probablement pas de gros investissements de maintenance, ce qui fera baisser la production dans une proportion que nous ne pouvons pas chiffrer. La Cour ne sait pas non plus déterminer le coût de production de l’EPR. Pour Flamanville, l’évaluation stabilisée atteint 8,5 milliards, avec une production prévue en 2016, mais l’on ignore le prix de production d’EPR fabriqués en série, bien qu’AREVA affiche des ambitions dans ce domaine. On peut penser que les coûts d’investissement seront plus élevés que prévu, mais que le coût de fonctionnement, rapporté au MWh, sera plus bas que ceux des centrales actuelles.

Le contrat signé par EDF pour la construction de deux EPR à Hinkley Point prévoit un prix de vente de 114 euros 2012 par MWh sur trente-cinq ans. Le prix passerait à 111 euros si EDF devait en construire deux autres. Or les chiffres du BTP sont particulièrement élevés en Grande-Bretagne : dans ce domaine, le prix en livres est l’équivalent du prix en euros. D’autre part, le site d’Hinkley Point suppose des tuyauteries longues et compliquées. Enfin, EDF a obtenu une marge d’aléa du fait que le contrat l’engage sur trente-cinq ans.

M. le président François Brottes. Avez-vous échangé avec la Commission européenne sur ces questions ?

M. Gilles-Pierre Levy. Non.

Les coûts supportés par la puissance publique sont de trois natures.

Les dépenses de recherche sont en augmentation. Elles sont portées par le programme d’investissements d’avenir (PIA). Le budget total, pour le public et le privé, représente 1,1 milliard, soit 10 % de plus qu’en 2010. Les financements publics, qui en soutiennent la moitié, accusent une hausse de 25 %. Ce niveau devrait rester élevé dans les années à venir, car une partie de la recherche porte non sur le parc actuel mais, entre autres, sur la quatrième génération.

Les dépenses de sûreté, de sécurité et de transparence s’élèvent à 217 millions en 2013. La baisse légère – 6 % – des crédits publics tient à la mise en place d’une nouvelle contribution que les exploitants versent directement pour financer l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Les besoins des deux autorités de sûreté, ASN et IRSN, augmenteront sans doute avec la mise en service de l’EPR, le démantèlement probable de Fessenheim et l’allongement de la durée de vie des centrales.

Les règles de la responsabilité nucléaire civile n’ont pas changé depuis trois ans. La responsabilité des exploitants, qui reste limitée à 91 millions par accident, pourrait passer à 700 millions dans le projet de loi sur la transition énergétique, si la France applique le protocole de la convention de Paris, de 2004. Implicitement, l’État assure le risque restant, à hauteur de 1,1 milliard, dans le respect de certains protocoles et en combinaison avec les autres États, mais il peut aller au-delà de cette somme.

Le principe de l’assurance consiste à multiplier un risque connu par une probabilité connue. Pour obtenir le premier, on analyse ce qui peut se produire ; pour calculer la seconde, il faut disposer de séries suffisamment longues pour être significatives. Or il existe très peu de rapports sur le coût des accidents. Deux chercheurs de l’IRSN, qui ont réalisé de manière presque artisanale une étude mise en ligne en 2012, chiffrent les risques d’accident sans fuite importante à 120 milliards, et avec fuite importante à 450. Leur travail a le mérite de prendre en compte, outre les coûts directs de l’accident – évacuation des zones usagées, remplacement de la production d’électricité et des matériels –, les coûts indirects, tels que les effets d’image sur les exportations, la production agricole ou le tourisme. Ces chiffrages sont préliminaires, les experts étant loin d’être unanimes sur ces sujets.

Par définition, la probabilité d’occurrence des accidents est difficilement chiffrable. Si tant est qu’on parvienne à définir une probabilité, on obtient des chiffres extrêmement faibles, de l’ordre de 10-4 ou 10-5 par réacteur et par an. Comment faire une série à partir de deux accidents, Tchernobyl et Fukushima, et d’un accident contenu, Three Mile Island, sachant que les méthodes de sécurité ont évolué ? Le risque est de toute façon très faible. Dans un rapport précédent, la Cour avait calculé, à titre purement indicatif, les sommes à provisionner en retenant les chiffres de l’IRSN sur toute la durée de vie des réacteurs, mais on est si éloigné de toute donnée factuelle qu’elle ne préconise pas de créer un tel fonds.

Je terminerai par nos recommandations. À l’issue du précédent rapport, nous en avions formulé huit, dont aucune n’a été totalement appliquée. Nous en avons ajouté deux : clarifier le taux d’actualisation, les pouvoirs publics devant se doter d’une règle claire et stable, et traiter rapidement la question de la créance d’AREVA sur le CEA, qui, pour l’heure, coûte cher à la puissance publique.

Enfin, nous renforçons notre recommandation de clarifier la position des pouvoirs publics sur la durée d’exploitation des réacteurs. Compte tenu des délais de huit à douze ans nécessaires pour construire une énergie alternative, nucléaire ou non, ne pas trancher revient à prendre une décision de prolongation.

M. le président François Brottes. Dans quel délai faut-il traiter cette question ?

M. Gilles-Pierre Levy. Le plus tôt possible. Chaque jour de retard peut être interprété comme une décision implicite de prolongation.

M. le rapporteur. Est-ce le choix de la méthode du CCE qui vous amène à fixer à 20 % l’augmentation des coûts d’exploitation ? Obtient-on un autre résultat en variant le mode de calcul ?

Que se passerait-il si l’ASN ne validait pas le calendrier d’EDF, qui prévoit l’étalement de certains investissements post-Fukushima ? Elle peut en effet demander que ceux-ci soient faits plus rapidement.

À l’horizon de 2033, vous chiffrez à 90 milliards d’euros 2010 ou 110 milliards d’euros courants les investissements liés au grand carénage. D’après Henri Proglio, il restera un trend de 50 millions par an et par réacteur, soit 3 milliards d’euros par an pour les cinquante-huit réacteurs, donc un total de 60 milliards si on les prolonge de vingt ans. Avez-vous intégré cet élément dans votre calcul ?

Si difficile qu’il soit d’évaluer le coût d’une assurance liée aux risques nucléaires, pouvez-vous du moins proposer une méthode qui permettrait d’apprécier l’avantage comparatif ainsi donné au nucléaire par rapport aux autres énergies ?

La Cour pense-t-elle toujours, comme elle l’avait indiqué en 2013 dans un rapport rédigé pour le Sénat, qu’il faut inscrire au hors-bilan de l’État le fait que celui-ci assume la responsabilité d’un accident nucléaire ?

Enfin, tous les élus sont sensibles au fait que la non-décision des pouvoirs publics équivaille à une décision implicite. Ce message nous engage à effectuer un choix.

M. Jean-Pierre Gorges. Je félicite la Cour des comptes pour son rapport, quoi que, lors de votre première audition, j’avais estimé qu’elle prenait la recherche à la légère. Malgré son intitulé, la commission d’enquête a plus longuement réfléchi à la transition énergétique qu’au coût de la filière nucléaire. Nous revenons aujourd’hui au point de départ. Je regrette que nous n’ayons pas eu vos chiffres au début de nos travaux.

En matière de coûts, le facteur déterminant est la durée de vie du dispositif actuel, soit la durée sur laquelle on calcule l’investissement. Nous disposons désormais d’une base solide. Vous avez pris le sujet de la sécurité comme il faut le faire, sachant que, si l’État assume les risques au-delà d’une certaine limite, il le ferait aussi pour la rupture d’un barrage ou un risque lié à l’éolien ou au photovoltaïque. Les accidents restent exceptionnels. Celui de Fukushima n’a d’ailleurs pas incité les Japonais à renoncer au nucléaire.

L’énergie nucléaire est la moins chère. En outre, pour la quatrième génération, nous disposons de réserves pour 5 000 à 7 000 ans, et non pour 130. C’est pourquoi la transition énergétique doit se faire non du nucléaire vers l’éolien ou le photovoltaïque, mais du nucléaire vers le nucléaire, grâce au passage de la troisième à la quatrième génération. Évitons seulement de creuser un fossé entre celles-ci, alors que tous les autres pays s’installent dans la quatrième génération.

La non-décision ou les remises en cause, au gré des changements de majorité, nous sont préjudiciables. Grâce aux éléments que vous nous avez apportés, nous disposons de suffisamment d’informations pour effectuer des choix politiques.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je vous remercie à mon tour pour ce rapport très complet. Est-il exact que le prolongement du parc nucléaire, grâce auquel on pourrait étaler les investissements d’EDF sur dix années supplémentaires, permettrait de réduire de trois points la hausse du prix de l’électricité ? Confirmez-vous que le report de dix ans des obligations, en matière d’actifs dédiés, permettrait à EDF de reprendre 3,3 milliards d’actifs provisionnés, ce qui augmenterait le montant de son impôt sur les sociétés de 1,3 milliard ? A contrario, le non-prolongement ferait-il baisser les coûts d’exploitation, puisque le groupe renoncerait à effectuer certains investissements, ou les ferait-il monter, puisqu’EDF ne pourrait reprendre une partie des actifs dédiés ?

M. Michel Sordi. Pouvez-vous nous rappeler le total des provisions passées pour démantèlement, qui figurent dans les comptes de l’exploitant ?

M. Marc Goua. Est-il vrai que les actifs dédiés comprennent des participations croisées d’EDF et d’AREVA, ce qui est pour le moins étrange ? Selon les spécialistes, la durée de vie des centrales ne peut être uniforme, car leur cœur connaît différents degrés de vétusté. Comment intégrer cette incertitude dans les calculs ? Comment une société cotée en bourse peut-elle amortir des actifs, dont elle ignore la durée de vie ?

M. le président François Brottes. Sur ce point, les commissaires aux comptes ont apporté des réponses qui restent virtuelles.

Mme Frédérique Massat. La Cour n’entend pas que les fonds dédiés sortent du compte des exploitants, ce qui reviendrait à transférer la responsabilité de leur gestion à l’État. Elle souhaite néanmoins que la DGEC puisse exercer un contrôle efficient, en s’appuyant sur des expertises extérieures. Est-ce à dire que celle-ci dispose des moyens de contrôle insuffisants ?

Comme le rapporteur, j’aimerais qu’on évalue les conséquences financières, pour l’État, de la couverture du risque nucléaire, lequel me semble hors de mesure avec celui de l’éolien ou du solaire.

M. le rapporteur. Je rappelle à M. Gorges que la responsabilité d’EDF en cas d’accident hydraulique est illimitée. J’ajoute une question pour M. Levy : est-il possible de calculer la rentabilité d’une centrale, indépendamment du reste du parc ?

M. Éric Straumann. Dans le même ordre d’idées, peut-on évaluer le coût de la fermeture d’une centrale, par exemple de celle de Fessenheim ?

M. le président François Brottes. Quand vous prévoyez une augmentation des coûts du nucléaire futur, quelle que soit la solution retenue, prenez-vous en compte le fait que l’EPR est conçu pour durer soixante ans ? Dans vos conclusions, vous précisez que l’ASN reste maîtresse de la décision finale pour chaque réacteur. Faut-il comprendre que personne d’autre ne peut prendre pareille décision ?

M. Gilles-Pierre Levy. La méthode du CCE n’a d’impact qu’indirect sur le montant du coût d’exploitation. Nous l’avions retenu dans le précédent rapport, parce qu’elle permet de prendre en compte l’investissement initial, auquel il faut ajouter des dépenses de maintenance.

Au reste, diverses méthodes ont été appliquées. Sur le plan comptable, on a calculé l’amortissement d’abord sur trente ans, puis, depuis une dizaine d’années, sur quarante ans. La méthode Champsaur concentre la somme restant à amortir sur le reste de la durée de vie des réacteurs. La méthode du CCE est la plus pertinente pour comparer 2010 et 2013. Les ajustements mineurs intervenus depuis le dernier rapport sont liés à l’actualisation du taux d’intérêt.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur la durée de vie des centrales. Au-delà des décisions économiques, la loi donne mandat à l’ASN d’autoriser ou d’interdire la prolongation, compte tenu de ses exigences en matière de sûreté. L’Agence apporte dans ce domaine une garantie technique.

Si l’on ne prolonge pas la durée de vie des centrales, EDF ne réalisera pas tous les investissements de maintenance prévus, qui permettent non seulement d’entretenir les réacteurs mais aussi d’intégrer des gros équipements qui fonctionneront encore vingt à vingt-cinq ans. Ce choix, qui réduirait son budget d’investissement, entraînerait aussi des arrêts plus fréquents dans certaines centrales. Le raisonnement selon lequel prolonger la durée de vie d’une voiture coûte moins cher qu’en acheter une neuve, vaut aussi pour un réacteur. Les investissements de maintenance seront vraisemblablement rentables.

Sachant que les États-Unis ont allongé la durée de vie des deux tiers des réacteurs jusqu’à soixante ans, EDF songe sûrement pouvoir le faire en France, puisque les deux pays ont les mêmes équipements. En revanche, notre système d’autorisation est différent. Les Américains établissent une autorisation initiale pour une durée fixe, alors que la loi française oblige l’ASN à se prononcer tous les dix ans sur la prolongation.

Pour la plupart des risques majeurs, l’État devient de fait assureur en dernier recours. Si une catastrophe chimique se produit dans la vallée du Rhône – supposons qu’une série d’explosions graves se produise dans une usine proche de Lyon, alors que le vent souffle vers l’agglomération –, je ne suis pas sûr que les assurances couvrent la totalité du risque. Celui-ci, sur le plan comptable, devrait figurer au moins au hors-bilan de l’État, mais ce n’est le cas pour aucun risque énergétique. Dans le même ordre d’idée, si un barrage rompait sur la Durance, on peut penser qu’EDF ne serait pas capable de couvrir les dégâts et que l’État prendrait la réparation en charge.

La comptabilité analytique permet d’isoler la rentabilité d’une centrale, mais une partie des frais – direction centrale d’exploitation, équipes centrales – sont communs à toutes les unités. Si un groupe n’en exploitait qu’une seule, celle-ci aurait un coût de revient très élevé, ne serait-ce que parce qu’il faudrait constituer une équipe spécifique.

La durée de vie du dispositif actuel joue un rôle majeur dans la rentabilité, mais la Cour n’est pas compétente sur des questions de sûreté, qui relèvent de l’ASN. Nous pouvons seulement constater que, dans d’autres pays, les mêmes centrales sont calées pour vivre soixante ans, et que les exigences de l’ASN vont croissant.

Madame Battistel, je n’ai pas les chiffres que vous avez cités, concernant l’impact du prolongement du parc sur le prix de l’électricité ou la fiscalité d’EDF. Reste que, si l’on reporte à plus tard les dépenses futures du groupe, on diminue ses provisions actuelles, donc ses reprises sur provisions annuelles. De ce fait, ses bénéfices vont augmenter, ce qui lui permettra d’acquitter des impôts supplémentaires.

M. le président François Brottes. Ou de verser des dividendes.

M. Gilles-Pierre Levy. Ou d’investir. Dans tous les cas, EDF devra financer un important volume d’investissement pour entretenir les centrales ou les remplacer. Si un EPR coûte 8,5 milliards pour produire une fois et demi plus qu’une centrale actuelle, on voit à combien se monte le coût du remplacement du parc actuel par un parc d’EPR. Cela dit, les coûts d’investissement sont également très élevés pour les énergies renouvelables, auxquelles nous avons consacré un rapport il y a un an.

La Cour considère qu’il est important d’adopter une règle stable pour calculer le taux d’actualisation, qui n’a pas à être sans cesse renégocié. Il faut se doter une fois pour toutes d’une référence simple.

Le non-prolongement ferait baisser les coûts d’exploitation et de maintenance mais diminuerait la production, dans une proportion que nous ne sommes pas capables de déterminer.

Le rapport de 2012 évoquait les provisions pour démantèlement. Afin de calculer la valeur de cette opération, qui ne s’est jamais produite, on peut utiliser une méthode forfaitaire, qu’emploie EDF. Une autre méthode – dite « de Dampierre » – consiste à analyser les coûts sous-ensemble par sous-ensemble, en chiffrant le démantèlement de chaque mètre cube de béton ou d’acier. Cette méthode, qui nous paraît la meilleure techniquement, aboutit à un coût moindre que celui retenu par EDF. Une troisième manière de procéder consiste à rapporter au parc français les méthodes des autres pays. Elle révèle que l’évaluation pratiquée en France est loin d’être absurde, mais se situe en bas de la fourchette.

Nous avons essayé de tester la sensibilité d’une erreur sur les coûts, qui, du fait de l’actualisation, s’avère très faible. De même, une erreur ne changerait pas radicalement la donne sur le devis Cigéo, qui s’étale sur une très longue période.

Vous m’avez interrogé sur les participations croisées dans les actifs dédiés. La Cour a critiqué, entre autres, l’importance des actions de RTE dans les actifs d’EDF, dont les métiers sont trop proches.

Je conviens que la durée de vie de toutes les centrales ne peut pas être uniforme, mais, dans tous les cas, une autorisation technique doit être délivrée par l’ASN. Certains pays admettent une durée de vie plus longue que celle envisagée par la France.

Nous n’avons pas analysé le coût de la fermeture de Fessenheim, qu’EDF a évalué. La Cour ne possède aucun chiffre à ce sujet, même si celui de 4 milliards a été avancé oralement.

Mme Michèle Pappalardo. Sur Cigéo, le rapport cite non le montant du devis, qui n’est pas arrêté, mais une estimation faite du point de vue de l’ANDRA, sachant que celle-ci doit encore trouver avec les exploitants le moyen de réduire les coûts. La Cour, qui insiste pour que cette opération intervienne rapidement, tente de rapprocher les extrêmes.

La proposition faite par EDF d’étaler les investissements post-Fukushima jusqu’en 2033, c’est-à-dire jusqu’à la fin des visites décennales, n’a pas encore été examinée par l’ASN. Nous n’en avons pas mesuré l’impact sur les coûts, qui est probablement faible. En effet, le montant maximal de l’investissement d’ici à 2033 – au lieu de 2025 – est de 6 milliards sur un total de 90 ou 100. Il est toutefois essentiel d’adopter un calendrier plus clair.

Pour évaluer le trend d’investissement à 90 milliards en euros 2013, nous avons additionné tous les investissements, de sécurité ou de renouvellement, de gros composants ou de maintenance normale, avant que chaque réacteur n’arrive à la quatrième visite décennale. Cet ensemble se répartit entre deux catégories : la sûreté et la production, laquelle demande un milliard par an en moyenne pour l’ensemble du parc. Peut-être ce chiffre correspond-il aux 50 millions par an et par réacteur que vous avez cité. Cela reste à vérifier. Vous disposez du total et de la répartition. En les croisant, vous retrouverez les éléments dont vous avez besoin.

Nous n’avons pas chiffré l’avantage comparatif du nucléaire sur les autres sources d’énergie, en matière d’assurance. Les données du rapport permettent cependant de proposer une évaluation. L’étude de l’IRSN fournit également des chiffres, des explications et des méthodes. Enfin, si la Cour n’a pas estimé la probabilité des accidents nucléaires, elle cite des chiffres communs à tous les experts. En réunissant ces données, on aboutit à un chiffre inférieur à un euro par MWh.

M. le président François Brottes. Je vous remercie une nouvelle fois pour ces précisions.

L’audition s’achève à dix heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Réunion du mardi 27 mai 2014 à 8 h 30

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. François Brottes, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Marc Goua, Mme Frédérique Massat, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Stéphane Travert

NB : le document mis à la disposition de la commission est accessible en fin de la version pdf