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Commission d’enquête sur l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Jeudi 20 novembre 2014

Séance de 8 heures 30

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Thierry Benoit, Président,

– Audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Présences en réunion

COMMISSION D’ENQUÊTE
SUR L’IMPACT SOCIÉTAL, SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
DE LA RÉDUCTION PROGRESSIVE
DU TEMPS DE TRAVAIL

La séance est ouverte à huit heures trente.

——fpfp——

La commission d’enquête procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

M. le président Thierry Benoit. Monsieur le ministre, nous vous remercions d’avoir accepté l’invitation de notre commission d’enquête. Comme beaucoup de nos concitoyens, j’ai été très intéressé par vos propos sur la réduction du temps de travail. Le Premier ministre, et vous-même avez des idées précises sur le sujet et nous souhaitons connaître le fond de vos convictions.

Aux termes de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la commission d’enquête pourra citer dans son rapport le compte-rendu de votre témoignage qui fait l’objet d’un enregistrement et d’une retransmission télévisée. Vous pourrez adresser des observations à la commission sur le compte-rendu qui vous aura été communiqué au préalable.

Le même article de l’ordonnance de 1958 impose aux personnes auditionnées de déposer sous serment, sans toutefois enfreindre le secret professionnel. Elles doivent jurer de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite, monsieur le ministre, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Emmanuel Macron prête serment).

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. La réduction du temps de travail est un sujet important pour nos concitoyens qui, depuis l’importante décision de la fin des années 1990, ne cesse d’animer le débat politique. Cette question a donné lieu à beaucoup de caricatures et de postures, si bien qu’il s’avère difficile de faire entendre des propos nuancés en la matière.

Je défends les 35 heures sans les mettre sur un piédestal. Compte tenu de la réalité économique et du monde tel qu’il va, il convient d’évaluer les 35 heures avec pragmatisme.

Notre histoire économique et sociale est marquée par une réduction progressive du temps de travail, fruit de conquêtes sociales obtenues après des luttes acharnées. Il y a lieu de veiller à ce que les droits pour lesquels nos devanciers se sont battus soient réels et non simplement formels, afin que chacun puisse en bénéficier et non pas seulement les personnes intégrées dans le système. Lorsque l’on considère un progrès social, il faut regarder s’il ne constitue pas un obstacle à d’autres avancées comme la liberté de choisir son temps et, dans une certaine mesure, ses conditions de travail.

Les conquêtes sociales s’avèrent indissociables du développement économique : M. François Mitterrand a institué la semaine des 39 heures à la sortie des Trente glorieuses et le gouvernement de M. Lionel Jospin, grâce à la détermination de Mme Martine Aubry, a réduit la durée légale du temps de travail hebdomadaire dans une période de progression soutenue de l’activité économique. Les avancées sociales s’inscrivent donc dans des contextes économiques profitables ; or nous ne sommes plus dans la situation d’il y a quinze ans, si bien que la discussion sur le bilan des 35 heures s’avère d’autant plus importante.

Le passage de la durée légale du temps de travail à 35 heures a eu un effet bénéfique sur l’emploi, l’activité et la productivité en France. L’impact sur l’emploi fait aujourd’hui l’objet d’un consensus : selon la revue Économie et statistique, le processus de réduction du temps de travail a conduit à un enrichissement de la croissance en emplois de près de 350 000 postes entre 1998 et 2002.

Cette réforme n’a pas induit de grands déséquilibres financiers pour les entreprises, non pas parce que nous aurions « partagé le gâteau » mais parce que les lois élaborées par Mme Aubry ont ménagé un équilibre entre la baisse de la durée du travail, un allègement de charges, des aides publiques, une réorganisation des entreprises, une modération salariale et des gains de productivité.

Les 35 heures ne sont pas responsables de la perte de compétitivité de notre pays. La flexibilisation qui a accompagné le passage à la durée légale du temps de travail à 35 heures a incité les entreprises à revoir et réorganiser en profondeur leur mode de production. Au final, les sociétés françaises ont réalisé d’importants gains de productivité : entre 1998 et 2002, la productivité horaire du travail a augmenté de 2 % à 3 %, et l’on produit désormais autant en travaillant moins. Comme le bilan global s’avère positif, nous devons nous battre contre les fausses idées et les préjugés.

Néanmoins, les 35 heures ont envoyé un message négatif pour les entreprises étrangères souhaitant investir en France, cette réforme ayant été interprétée comme le signe que ce pays ne voulait plus travailler. Cette image ne correspond pourtant pas à la réalité car le travail reste une valeur centrale pour les Français qui en attendent beaucoup ; en effet, le travail est un vecteur d’émancipation individuelle, si bien qu’il représente un élément central de notre politique économique et de celle de justice sociale.

L’écart de la durée effective de travail entre la France et ses partenaires européens n’est d’ailleurs pas aussi important qu’on le dit. Les salariés à temps complet travaillent ainsi 39,5 heures par semaine contre 40,4 dans l’Union européenne (UE) ; cette différence s’avère encore plus réduite avec les temps partiels, car nous y avons moins recours que dans des pays comme l’Allemagne. Le défi actuel consiste à offrir plus d’emplois à temps plein à ceux qui le souhaitent plutôt que de faire travailler plus longtemps ceux qui en disposent déjà.

Le bilan des 35 heures doit prendre en compte la manière dont les salariés et les entreprises ont vécu cette réforme. Les 35 heures ont été acceptées et bien reçues par les Français, et peu de salariés et de chefs d’entreprises demandent leur remise en cause du fait de l’équilibre global de la réforme. Elles apparaissent donc comme un progrès, car elles ont permis à nos concitoyens de se consacrer davantage à leurs familles ou à eux-mêmes.

Les 35 heures sont une durée légale qui ne correspond pas à la durée effective ; dès 2002, la loi a été assouplie par un décret relevant le contingent d’heures supplémentaires de 130 à 180 heures par an et par salarié, ce plafond ayant été porté à 220 heures en 2004. Or un salarié effectuant 180 heures supplémentaires dans l’année travaille en moyenne 39 heures par semaine, ce qui équivaut pratiquement à la durée moyenne des salariés à temps plein dans les années 1990. En outre, les heures supplémentaires comptent parmi les moins chères d’Europe.

Il existe de grandes divergences entre les secteurs, et certains pans de l’économie française ont souffert d’une application trop uniforme des lois Aubry. Les réorganisations se sont parfois avérées difficiles voire impossibles, notamment dans la fonction publique hospitalière (FPH) et dans l’hôtellerie. Nous avons commis des erreurs dans la mise en œuvre effective des 35 heures, et, pour certains Français – principalement des femmes et des employés du bas de l’échelle, comme les aides-soignantes, les personnels de maintenance, les infirmières et les femmes de chambre –, le travail est devenu plus aliénant après la réforme, alors que ces personnes doivent se trouver au cœur de nos priorités. Cette réforme a pu accentuer les inégalités au travail plutôt que de contribuer à les réduire. Je n’incrimine personne car il est facile de juger quinze ans après la mise en œuvre d’une telle réforme, mais nous devons chercher à améliorer le dispositif.

Les 35 heures continuent à susciter des débats, et notre responsabilité réside dans l’élaboration de solutions concrètes pour traiter ce rapport au réel. Certains souhaiteraient passer à 32 heures par semaine quand d’autres aimeraient que la durée légale coïncide avec celle de la durée effective. Cette controverse est légitime. Les 35 heures sont nécessaires mais insuffisantes. Elles constituent un progrès qui bénéficie à des millions de Français et est normal de mieux rémunérer les salariés effectuant des heures de travail au-delà de la norme ; pour ces raisons, il me semble opportun de maintenir la durée légale de travail hebdomadaire à 35 heures. Diminuer cette durée n’irait pas dans le sens du moment économique que nous vivons. Cependant, le cadre légal ne suffit pas, car les salariés et les entreprises ont besoin de plus de souplesse. Qui serions-nous pour refuser à quelqu’un voulant travailler davantage de ne pas dépasser 35 heures par semaine ? De même, si un salarié souhaite travailler moins, il doit pouvoir le faire si cela correspond au projet de l’entreprise. Le vrai progrès réside dans la possibilité de donner à chacun la liberté de choix dans un cadre organisé et sécurisé par l’État et par les partenaires sociaux. Les 35 heures représentent parfois une trop grande rigidité pour les entrepreneurs, notamment dans des petites sociétés ; donner plus de souplesse aux entreprises dans l’application des 35 heures ne vise pas à accroître la rentabilité des entreprises du CAC 40, mais à permettre aux petites et aux jeunes entreprises de ce pays de s’adapter à la conjoncture, de faire face à la crise et d’affronter plus facilement les aléas économiques. Si cela correspond au projet de l’entreprise et en accord avec les syndicats, des adaptations durables de l’organisation du temps de travail doivent pouvoir être mises en œuvre. Ces accords majoritaires, de branche ou d’entreprise, peuvent fournir des cadres plus adaptés à la négociation du temps de travail sans remettre en cause les 35 heures. Cette flexibilité permettra de sauver des emplois et d’éviter des fermetures d’entreprises ; l’Allemagne utilise de tels accords tout en appliquant les 35 heures dans cinq branches, si bien que la durée effective du temps de travail s’adapte facilement à la conjoncture.

Les partenaires sociaux sont investis d’une forte responsabilité dans ce processus de modernisation des 35 heures et se sont saisis de cette question en signant l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi en janvier 2013, que le Parlement a transposé dans la loi en juin 2013. Ce texte offre davantage de flexibilité aux entreprises en leur permettant d’aménager le temps de travail et les salaires pendant deux ans en cas de graves difficultés. Nous devons poursuivre dans cette voie, et j’espère que les partenaires sociaux puis le législateur aménageront dans les prochains mois l’ANI de 2013. Après plus d’un an de mise en œuvre, on s’aperçoit que les conditions de mise en œuvre de la flexibilité offerte aux entreprises s’avèrent trop restrictives. Le projet de loi pour la croissance et l’activité, qui vous sera soumis au début de l’année prochaine, a vocation à intégrer les fruits de la négociation en cours entre les partenaires sociaux sur la modernisation du dialogue social.

La loi ne peut plus prévoir tous les cas particuliers, car chaque entreprise et chaque salarié évoluent dans un contexte spécifique, et nous devons offrir à chacun les armes nécessaires à son développement et à son épanouissement. C’est pourquoi le travail de votre commission d’enquête me paraît salutaire ; il permet de s’affranchir des postures, des caricatures et des solutions simplistes.

Pour conclure, je souhaiterais poser deux questions collectives auxquelles je n’ai pas la réponse : que souhaitent les jeunes Français entrant dans le marché du travail ? Que sera le travail pour cette génération ? Il sera sans doute plus long, mais moins pénible et plus différencié. La France a pensé son travail avec la conviction d’un progrès social constant qui permettrait à la classe moyenne d’être toujours plus nombreuse et elle doit faire face aux contraintes de la mondialisation qui impose une fragmentation des parcours sociaux, certains connaissant une situation précaire quand d’autres s’enrichissent grâce à leur spécialisation. Si on élude ces deux questions, on manque la réflexion plus large sur le temps de travail pour la génération qui arrive, alors que là réside principalement notre responsabilité.

M. Jean-Pierre Gorges. La diminution du temps de travail ne découle pas des luttes sociales, mais du progrès technologique dans le contexte d’une économie de production. Il est facile de réduire le temps de travail dans une économie où il suffit de produire pour vendre. Or, au moment où les 35 heures sont mises en place, on entre dans une économie de marché ; la technologie permet toujours de réduire le temps de travail, mais dans un contexte concurrentiel.

Au moment du vote de la loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat (TEPA) en 2007, tout le monde fut surpris de découvrir que 10 millions de personnes étaient restées à 39 heures de travail hebdomadaire. D’ailleurs, les 35 heures n’existent plus depuis août 2008 et seul subsiste le seuil déclenchant les heures supplémentaires.

Monsieur le ministre, vous nous avez présenté la voie des 32 heures et celle des 40, mais il me semble que nous devons emprunter celle de la flexibilité. En Allemagne, ce sont les partenaires sociaux qui fixent le cadre de la flexibilité. Des conventions collectives de branche définissent la durée hebdomadaire de travail qui peut varier de 32 à 40 heures. La flexibilité touche également l’entreprise et l’individu par le biais de la négociation de comptes épargne-temps (CET). Si l’État traite ces questions, on rencontrera les mêmes problèmes que pour les 35 heures. À l’hôpital, leur mise en œuvre a provoqué un véritable drame.

Monsieur le ministre, pensez-vous que c’est au législateur de fixer la durée du temps de travail dans notre monde en mouvement ? L’Union européenne définit le cadre et nous devrions simplement obliger les entreprises à élaborer de bons accords. Nos interlocuteurs allemands nous ont expliqué que l’État, dans les périodes difficiles, n’aidait pas les entreprises qui n’avaient pas conclu de conventions collectives.

Vous avez affirmé que les Français travaillaient plus de 35 heures, que l’on avait su s’adapter à part à l’hôpital, mais que notre pays souffrait tout de même d’une mauvaise image. Que proposez-vous pour lutter contre cette situation et pour donner aux entreprises étrangères l’envie d’investir en France ? Ne conviendrait-il pas d’abandonner cette norme de 35 heures qui ne correspond pas à la réalité et qui nous nuit vis-à-vis de l’extérieur ?

Mme Kheira Bouziane. Je me réjouis que les 35 heures demeurent le seuil à partir duquel les heures supplémentaires sont déclenchées, celles-ci étant, comme vous l’avez souligné monsieur le ministre, les moins chères d’Europe.

Les assouplissements permis par l’ANI n’ont pas permis de créer des emplois et ont, au mieux, maintenu l’activité – ce qui n’est certes pas négligeable. On accuse les 35 heures de bloquer la création d’emplois : approuvez-vous cette assertion ?

Les 35 heures sont-elles responsables des difficultés rencontrées dans les hôpitaux publics ou ne serait-ce pas plutôt le fait que leur mise en place ne s’est pas accompagnée des embauches nécessaires ?

Vos propos sur la jeunesse m’ont inquiétée : l’avenir des jeunes ne doit pas être marqué par les régressions sociales, alors que la réduction du temps de travail résulte du progrès, comme vous l’avez indiqué. Notre jeunesse sera-t-elle privée de progrès ?  

M. Gérard Sebaoun. Vous avez participé, en 2008, à la Commission pour la libération de la croissance française, présidée par M. Jacques Attali, dont le projet de loi que vous présenterez au début de l’année 2015, initialement conçu par votre prédécesseur, s’inspire en partie.

Cette commission souhaitait rénover la représentation des patrons et des salariés ainsi que le financement de leurs organisations, afin de moderniser le dialogue social. La question du mandatement avait été introduite dans les lois Aubry, et la commission Attali voulait améliorer le système tout en respectant la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social qui n’autorise le mandatement qu’en cas d’accord de branche.

La décision 236 de la commission visait à permettre aux entreprises de déroger à la durée légale du travail à la condition qu’existent un accord de branche et un accord majoritaire d’entreprise. Qu’en pensez-vous ?

Cette commission proposait de réduire le coût du travail de toutes les entreprises en transférant une partie des cotisations sociales vers la CSG et la TVA. Les allégements liés aux 35 heures représentent un coût qui provoque un débat. Quelle charge représente ce dispositif pour les finances publiques ? Seriez-vous favorable à ce transfert de cotisations sociales vers la CSG et la TVA ?  

M. Denys Robiliard. Le progrès social ne constitue-t-il pas une source du progrès économique, alors que vous avez indiqué que c’était le développement économique qui permettait les avancées sociales ? Le pouvoir d’achat peut ainsi rendre des marchés solvables, l’augmentation des salaires ayant un impact sur la demande dans une approche fordiste qui conserve sa pertinence. Les deux phénomènes se nourrissent donc l’un l’autre. Les conquêtes sociales ne s’obtiennent d’ailleurs par forcément au moment d’une période d’essor économique, comme l’illustre l’exemple de 1936.

La réduction du temps de travail constitue d’ailleurs un stimulant de l’industrie des loisirs et du tourisme. Menez-vous une réflexion sur l’impact économique de cette politique ?

La question des 35 heures à l’hôpital se trouve-t-elle devant ou derrière nous ? Les hôpitaux publics ont-ils a-t-elle digéré cette réforme et ne créerait-on pas de difficultés supplémentaires si l’on décidait de modifier à nouveau la durée de travail ? Des auditions que nous avons conduites, il ressort que la fonction publique n’avait pas de conception précise de la durée du travail et que les lois Aubry ont contraint l’hôpital à se réformer sur ce point, même si cela fut conduit de manière trop rapide. La réorganisation est aujourd’hui achevée et dispense que l’on modifie à nouveau la norme horaire.

La question de la répercussion des 35 heures sur l’hôtellerie et la restauration ne recouvre-t-elle pas en fait celle des horaires d’équivalence que l’on a dû abandonner ?

Mme Catherine Coutelle. Nous envoyons deux messages aux jeunes à leur entrée dans le monde du travail : il faut avoir de l’expérience pour décrocher un emploi, et leurs contrats de travail seront précaires – stages, essais, contrats à durée déterminée (CDD) – avant, éventuellement, de bénéficier d’un travail plus stable autour de 30 ans. La situation est encore pire pour les femmes, car on estime qu’elles peuvent faire des enfants jusqu’à 30 ans et qu’elles deviennent trop âgées après 40 ans ; ainsi, elles ne peuvent avoir un travail offrant des responsabilités et un bon salaire que pendant environ dix ans.

Les femmes travaillent et souhaitent le faire de plus en plus en France, ce phénomène étant un vecteur d’émancipation pour elles. Lorsque l’on demande plus de flexibilité, il ne faut pas oublier que beaucoup de salariés la vivent déjà aujourd’hui, et les emplois à temps partiel – dont le nombre a explosé depuis les années 1990 – dans les services sont occupés à 80 % par des femmes. Nous avons inséré une mesure dans la loi transposant l’ANI afin qu’aucun contrat à temps partiel ne prévoie une durée hebdomadaire de travail inférieure à 24 heures ; néanmoins, nous avons prévu des exceptions qui, en pratique, s’appliquent aux femmes. Ne faudrait-il pas privilégier les accords entre partenaires sociaux plutôt que la loi ? Le problème est que les organisations représentatives prennent peu en compte la situation de ces salariés à temps partiel car ils sont peu syndiqués. Comment améliorer la situation des employés à temps partiel qui subissent la flexibilité ?

M. Philippe Noguès. Le marché partage de fait le temps de travail, puisque des salariés travaillent en contrat à durée indéterminée (CDI), d’autres en contrats à durée déterminée (CDD), certains sont à 40 heures quand d’autres sont à 35 heures. Enfin, nombreux sont ceux qui se retrouvent au chômage. Contrairement à ce que dit M. Jean-Pierre Gorges, l’État n’a-t-il pas un rôle à jouer dans la régulation du cadre général de la durée de travail ?

Monsieur le ministre, vous avez évoqué le signal négatif envoyé par les 35 heures aux entreprises étrangères, mais l’installation de celles-ci dans notre pays n’a pas connu de déclin dans la période de mise en œuvre des 35 heures.

Les Français vivraient mal la remise en cause des 35 heures et, notamment, l’abandon des jours libres supplémentaires que cette réforme leur a apporté.

La flexibilité doit être négociée, et l’on peut comprendre que les entreprises aient besoin de moduler le temps de travail à certains moments. Mais si l’Allemagne bénéficie d’une culture d’entreprise partenariale dans laquelle les salariés ont du poids, la négociation entre les partenaires sociaux en France pâtit de la faible influence des salariés.  

Mme Fanélie Carrey-Conte. Monsieur le ministre, les aménagements des 35 heures que vous préconisez visent-ils à réduire le coût du travail ?

Vous souhaitez aménager la loi de sécurisation de l’emploi : cette modification toucherait-elle le plancher de durée de travail de 24 heures hebdomadaires ?

La liberté des salariés de moduler leur durée de travail s’avère des plus relatives. Où se situe l’équilibre entre l’émancipation individuelle que vous avez évoquée et la protection que doit le législateur aux travailleurs confrontés à des abus indûment qualifiés de choix ?

Mme Barbara Romagnan, rapporteure. Monsieur le ministre, à l’excellente question que vous avez soulevée relative aux aspirations des jeunes, il convient de répondre qu’ils souhaitent avant tout avoir un travail ; celui-ci doit pouvoir leur offrir des conditions acceptables au regard des progrès techniques effectués. Ils désirent également bénéficier de temps libre pour se former, s’engager ou élever leurs enfants. Comment concilier les besoins des entreprises et des salariés avec la préservation de l’intérêt général ? Les accords sociaux sont chargés de répondre aux besoins, quand le second objectif relève de la mission du législateur qui se doit de rééquilibrer le rapport de forces entre le patron et les salariés, cette relation étant encore plus inégalitaire en période de chômage de masse. Quant aux employés précaires, ils ne se trouvent jamais en situation de négocier et de bénéficier d’une quelconque liberté en matière de durée de travail. Enfin, n’oublions pas qu’une importante partie de la population active ne travaille pas alors qu’elle le souhaiterait.

Vous avez affirmé que la réduction du temps de travail n’avait pas visé à « partager le gâteau », mais la richesse de notre pays devrait pourtant inciter à le partager afin de ne plus nous priver des talents de tant de personnes au chômage. Il convient ainsi de partager davantage le travail ainsi que les ressources qu’il produit.

M. Jean-Patrick Gille. On a accompagné les 35 heures de 15 milliards d’euros d’allègement de cotisations sociales pour les entreprises, qui ont été complétés par 5 milliards d’euros de défiscalisation des heures supplémentaires ; celles-ci seraient les moins chères d’Europe, mais devons-nous nous en réjouir ? Les grandes entreprises ont digéré la réforme des 35 heures, mais des problèmes subsistent dans certains secteurs et pour de plus petites entreprises – dans lesquelles les heures supplémentaires représentent 200 000 équivalents temps plein (ETP). Devons-nous nous satisfaire de cette situation ?

L’encadrement des heures supplémentaires pourrait-il constituer un thème du dialogue social ?

M. le président Thierry Benoit. La plus ou moins facile application des 35 heures selon les secteurs n’a-t-elle pas créé une disparité d’attrait des métiers ? Le Gouvernement souhaite conduire le redressement productif de l’outil industriel français, mais certains postes ne sont pas pourvus dans l’industrie.

Les horaires décalés et les cadences atypiques se sont multipliés depuis une quinzaine d’années : voyez-vous dans ce phénomène, monsieur le ministre, une corrélation avec la mise en place des 35 heures ?

M. Lionel Jospin a expliqué qu’il n’avait jamais été question d’appliquer les lois Aubry dans la sphère publique. Que proposez-vous pour y décloisonner et y assouplir les 35 heures ?

Quel est le coût de la réduction du temps de travail ? Les 35 heures ont engendré un coût pour les finances publiques lié à l’allègement des cotisations sociales, cette charge ayant été renforcée, pendant la durée de la précédente législature, par la défiscalisation des heures supplémentaires.

M. le ministre. Monsieur Gorges, lorsque vous affirmez que la rupture entre l’économie de production et de celle de marché impose le développement d’une flexibilité négociée, vous vous trouvez en accord avec mes propos. Sommes-nous condamnés à un tripartisme productif reposant sur des syndicats dont on ne cesse de pointer leur manque de représentativité, des patrons qui seraient par essence mauvais et un législateur qui pourrait décider pour la France entière ? Je ne crois pas. Cela ne signifie pas que nous devions abandonner du jour au lendemain le cadre légal, car la loi fixe un cadre parce qu’elle continue à protéger le plus faible.

Nous devons retrouver les fondamentaux de notre culture et les adapter pour faire réussir la France dans la mondialisation. Quand la loi veut tout faire, régler tous les détails et s’immiscer dans toutes les situations, elle entrave et crée des blocages. Le législateur continue de fixer le cadre en matière de temps de travail, mais il existe des marges de manœuvre à l’intérieur de celui-ci, comme le montrent les accords signés depuis 2008 et 2013. On doit ménager des flexibilités intelligentes qui soient adaptées aux situations des entreprises ou des branches.

Le problème d’image créé par les 35 heures existe, même si cela ne signifie absolument pas que la France n’est pas attractive ; néanmoins, on ne résoudra pas cette difficulté en supprimant la loi sur les 35 heures. Il convient d’adopter une approche pragmatique qui nous permette de montrer le bon fonctionnement de notre démocratie sociale ; nous devons d’ailleurs continuer d’améliorer cette dernière afin de rendre la loi plus intelligente. Depuis deux ans et demi, nous avons fait le pari de la confiance, et, comme le disait M. Emmanuel Levinas, « la confiance, c’est le problème de l’autre » ; faire confiance nous oblige et je ne crois pas à la défiance généralisée qui conduit à l’infantilisation des partenaires sociaux. Cette politique marche, comme le montrent les nombreux accords qui se signent localement. J’ai assisté à la réouverture d’une ligne de production à Sandouville, produit de la signature d’un accord de compétitivité qui fut même signé par des syndicats qui refusent la négociation à l’échelle confédérale depuis deux ans et demi. Les syndicats sur le terrain font face aux réalités, et, le fonctionnement du dialogue social s’avère un facteur de compétitivité important pour notre pays, puisqu’il repose sur des dirigeants et des représentants des salariés qui partagent une communauté de destin. Voilà ce que nous devons promouvoir !

Dans le cadre de l’ANI de janvier 2013 et de la loi de juin 2013 le transposant, seulement six accords ont été signés, car parvenir à un assentiment majoritaire est rendu difficile par la limitation de deux ans et par le fait que la suspension par l’employeur de l’accord et le déclenchement de licenciements économiques nécessitent une procédure devant la juridiction judiciaire ; cette étape devant le juge judiciaire dissuade les patrons de négocier un accord car elle leur apparaît trop complexe et trop porteuse d’obstacles, notamment en matière de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Nous avons donc créé des contraintes qui empêchent la bonne utilisation de l’instrument. Les salariés qui acceptent de réaliser des efforts – par exemple, une baisse de salaire – devraient obtenir une compensation de ceux-ci dans le PSE.

S’agissant de la réorganisation hospitalière, on peut toujours se dire qu’en mettant plus de moyens, on résoudra tous les problèmes, mais nous devons réfléchir dans un monde budgétairement contraint afin de ne pas nous affranchir de la réalité. La réduction du temps de travail à l’hôpital a été accompagnée par un important soutien public, mais elle a déstabilisé les secteurs dans lesquels les gains de productivité sont difficiles à opérer. Pour certaines catégories de fonctionnaires au niveau de qualification élevé, il conviendrait d’adopter une pratique plus souple des 35 heures. Le système est tellement contraint par des éléments statutaires, budgétaires et de fonctionnement que les 35 heures ne représentent plus aujourd’hui un problème dans la fonction publique – même si cette réforme a engendré une organisation du travail plus complexe pour les personnels.

Ma question sur la jeunesse n’invitait absolument pas à envisager l’abandon du progrès, mais on ne peut plus décréter le progrès pour les nouvelles générations. Il faut les laisser l’inventer et davantage leur faire confiance ! La pire des choses pour un jeune est de ne pas avoir d’emploi et, donc, de ne pas être en mesure de construire un projet. Notre société est marquée par un taux de chômage de 25 % des jeunes ; en outre, 90 % des jeunes entrent dans l’emploi par un stage, un CDD ou un contrat d’intérim. Cette situation les empêche d’accéder au crédit et à une vie stable et normale. Nous devons redonner des opportunités et rouvrir notre société afin que les jeunes soient en mesure de prendre leur destin en mains. Ce n’est ni le Gouvernement, ni le législateur, ni les partenaires sociaux qui leur diront ce qu’est le progrès, car nous vivons dans un monde de ruptures et c’est à eux d’inventer le progrès.

Je ne peux pas répondre, monsieur Sebaoun, au nom de la commission Attali dont je n’étais qu’un rapporteur. Les allègements de cotisations sociales consentis en contrepartie des 35 heures ont représenté environ 10 milliards d’euros. Il y a lieu de poser cette question des aides là où l’on a instauré de la flexibilité ; il me semble que certaines branches et entreprises y sont prêtes. Nous ne devons pas créer un système encore plus complexe, mais arrêtons de créer des contraintes que l’on compense par de l’argent public. Un accord majoritaire signé par les partenaires sociaux prévoyant une augmentation du temps de travail peut entraîner la conduite d’une réflexion sur la pérennité des aides publiques octroyées lors de la mise en place des 35 heures. Nous créons trop de droit, et les petits patrons se plaignent de l’empilement de la législation et de la taille du code du travail qui nuisent à la compétitivité et à l’emploi. Le manque de stabilité de la norme crée par ailleurs des blocages pour le développement des petites entreprises et de l’anxiété pour les dirigeants de ces structures.

Le débat relatif au transfert des cotisations sociales vers la fiscalité a eu lieu ; le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et les allégements de charges sociales du pacte de responsabilité et de solidarité sont financés par une réduction des dépenses publiques et un transfert vers la fiscalité ; ces deux mesures équivalent à faire disparaître les charges employeurs pour les salariés rémunérés au SMIC. Néanmoins, il n’y a pas lieu d’aller plus loin, car la cotisation sociale patronale renvoie à une forme de responsabilité collective dans l’entreprise et assoit la place, importante, des partenaires sociaux. Il convient de renforcer ces derniers, et d’accroître leur représentativité et donc leur légitimité, plutôt que d’abandonner le paritarisme.

L’importance du dialogue social pour la compétitivité illustre bien les rapports réciproques des progrès économique et social. Nous ne pouvons pas renouer avec le fordisme en économie ouverte, mais nous devons insuffler une nouvelle dynamique qui marie ces deux composantes du progrès.

La polyactivité s’est répandue depuis l’instauration des 35 heures, celles-ci ne nous ayant pas entraînés dans la société du loisir ; en effet, beaucoup de Français ont cumulé les activités : ainsi, 50 % des auto-entrepreneurs ont un emploi complémentaire. Le temps partiel a bien entendu favorisé le développement de cette multiplicité d’activités. Ce phénomène est porteur de fragmentation et de déstabilisation sociales, et il convient donc d’y être attentif.

Le temps est fini où les jeunes pouvaient se dire qu’ils passeraient toute leur vie en CDI dans la même entreprise avant de prendre leur retraite à 60 ans. Nous ne pouvons plus élaborer notre politique sur ce fondement et devons adapter nos dispositifs à une vie professionnelle plus longue et se déployant dans un monde plus incertain, afin de réduire les incertitudes du début de la vie professionnelle, qui peuvent durer dix ans. Les femmes soumises au temps fractionné – encore plus dur que le temps partiel – ont bénéficié de la disposition relative au plancher de 24 heures de travail hebdomadaire créé par la loi de juin 2013, même si tous les métiers ne peuvent pas appliquer cette mesure, et que des accords majoritaires de branche peuvent y déroger. Cependant, la loi oblige opportunément les partenaires sociaux qui veulent y déroger à se pencher sur cette question.

Les outils technologiques comme le télétravail permettent d’aménager les conditions de travail à certaines périodes de la vie, comme la grossesse, dans beaucoup de métiers.

Je n’exagère pas l’image négative des 35 heures, mais elle existe ; cela n’empêche pas la France de demeurer un pays attractif : 2 millions de Français travaillent dans des entreprises étrangères, et nous sommes le premier pays en termes d’investissements directs industriels. Les 35 heures n’ont pas brisé l’image de la France, mais elles restent incomprises à l’étranger – notamment parce que nous n’avons pas suffisamment expliqué le mélange de progrès social et de nouvelle organisation du travail induits par cette réforme.

Sans aspirer forcément à devenir l’Allemagne, nous pouvons créer les conditions d’un dialogue social plus constructif grâce aux accords majoritaires que la loi doit valoriser. La norme législative ne doit pas imposer trop de contraintes aux accords et ne doit pas envisager l’absence d’accord pour prétexter la création de protections. Elle doit inciter à négocier et donc faire plus confiance a priori pour, éventuellement, se montrer plus dure a posteriori. Cela ne signifie pas, madame la rapporteure, qu’il n’y ait pas de rapport de forces dans l’entreprise, mais l’accord majoritaire en constitue la meilleure réponse. En l’absence d’accord majoritaire, il doit rester impossible de déroger à la loi. Ces accords, tout comme l’entrée des salariés dans les conseils d’administration, imposent une conception différente de la vie de l’entreprise et permettent de sortir d’une conflictualité reposant sur des postures afin de reconnaître que les patrons des très petites entreprises (TPE) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) partagent le même destin que celui de leurs salariés. Les accords majoritaires traduisent l’intelligence productive des acteurs du terrain, et il convient de donner des marges de manœuvre à ceux qui s’inscrivent dans cette démarche tout en refusant toute dérogation à la loi à ceux qui n’empruntent pas ce chemin.

Il y a lieu de faire grandir le gâteau plutôt que de le partager. Les accords peuvent prévoir une nouvelle diminution du temps de travail dans certains secteurs afin de conserver des compétences, mais il ne faut pas que la loi le prévoie pour toutes les entreprises car cela créerait les mêmes problèmes que les 35 heures.

Nous avons trouvé un équilibre pour les heures supplémentaires, et nous enverrions un mauvais signal en les plafonnant. Les entreprises utilisent beaucoup les heures supplémentaires car les employeurs craignent d’embaucher ; nous devons donc contribuer à dédramatiser l’embauche en la simplifiant et en donnant plus de visibilité à l’employeur. IL faut laisser les Français qui le souhaitent et le peuvent travailler davantage, mais la rémunération de ces heures doit être majorée et il n’y aucune raison que les finances publiques compensent cet avantage, d’où l’abandon du mécanisme de défiscalisation des heures supplémentaires à l’été 2012.

Monsieur le président, les 35 heures ne constituent pas la raison principale du manque d’attrait pour les métiers de l’industrie. Parmi ces derniers, beaucoup furent dévalorisés alors que leur potentiel était élevé. À chacune de mes visites dans une entreprise aéronautique ou automobile, on me dit qu’il n’y a plus de chaudronniers ; les 35 heures ne sont pas responsables de cette situation. Il s’agit d’un problème collectif, notamment de notre appréhension de l’apprentissage et du manque de valorisation de certains parcours.

Les 35 heures ont apporté de la flexibilité et l’évolution des cadences s’explique par la réorganisation productive opérée dans les années 1990 et 2000 : la valeur ajoutée s’est répartie dans les différents lieux de production, ce qui brutalisa la vie des salariés et des ouvriers. Nous devons anticiper la prochaine étape, celle de la nouvelle industrie – que les Allemands nomment « l’industrie 4.0 » – qui intègre le numérique et les services. L’éclatement du fait productif durcit les cadences et fragmente le temps de travail, y compris dans l’usine, et la séparation entre l’industrie et les services s’efface. Il ne faut pas lutter contre cette transformation productive, mais nous devons la préparer collectivement en investissant pour conserver un tissu productif et d’emplois de service.

Nous devons également réfléchir à l’organisation du temps de travail de demain et former les salariés en conséquence. Les 35 heures n’ont pas été une erreur – qu’on soutienne cette réforme ou que l’on s’y oppose –, car elles ont représenté un progrès qu’il convient d’adapter à l’acceptation par la société de davantage de flexibilité. En revanche, nous n’avons pas suffisamment anticipé les changements productifs, et les évolutions de notre société et de notre économie car nous en avions peur. Nous devons mieux former les jeunes avant que ceux-ci n’entrent sur le marché du travail, mais également tout au long de leur vie. Un jeune chaudronnier sera peut-être responsable de services coordonnant une production éclatée dans l’espace ; il n’exécutera plus les gestes pour lesquels il a été formé et, pour ce faire, il devra être formé, ce qui requiert des investissements. La réforme de la formation professionnelle constitue un premier élément, mais nous devons aller plus loin en réfléchissant aux changements qui viennent.

L’audition s’achève à neuf heures cinquante-cinq.

Présences en réunion

Présents. - M. Thierry Benoit, Mme Kheira Bouziane, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Patrick Gille, M. Jean-Pierre Gorges, M. Philippe Noguès, M. Denys Robiliard, Mme Barbara Romagnan, M. Gérard Sebaoun