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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Vendredi 19 octobre 2012

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235) :

Examen et vote sur les crédits de la mission Travail et emploi ; sur le compte spécial Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage, et sur l’article 71, rattaché (M. Christophe Castaner, Rapporteur spécial)

– Présences en réunion

La Commission examine d’abord, sur le rapport de M. Christophe Castaner, les crédits de la mission Travail et emploi.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Le Président de la République a fixé deux caps pour son quinquennat : l’emploi et la jeunesse.

En ce qui concerne l’emploi, la France doit faire face à une situation très dégradée. Les jeunes sont d’ailleurs les premières victimes de la hausse du chômage. Le taux de chômage atteint 10,2 % de la population active et la barre des 3 millions de chômeurs a été franchie dès cet été.

Sur les deux premiers semestres de l’année, 138 000 personnes supplémentaires se sont déjà inscrites en catégorie A, c’est-à-dire sans aucune activité et l’Unédic fait état de 250 000 chômeurs de plus d’ici à la fin de l’année. Nous nous trouvons donc dans une situation que l’on peut qualifier de préoccupante, voire d’alarmante, le nombre de chômeurs de longue durée – c’est-à-dire depuis plus d’un an – ayant progressé de presque 10 % sur l’année écoulée.

Ce bilan négatif doit être mis en perspective avec la baisse continue du budget de l’emploi, qui est passé de 16,80 milliards d’euros en 2002, à 9,95 milliards en 2012.

Par conséquent, le budget qui vous est présenté ici est un budget de redressement, qui doit répondre à l’urgence de la situation sociale. Alors que l’on s’attendait à une aggravation de la crise, et donc du chômage, les crédits consacrés aux politiques publiques d’accompagnement avaient diminué. Aujourd’hui, il est mis fin à cette tendance.

En 2013, les crédits de la mission « Travail et emploi » progresseront globalement de 2 % en CP, par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, ce qui représente un total de 10,12 milliards d’euros, hors compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Cette perspective de croissance du budget ne doit pas être considérée comme un élément positif. Il ne faut pas chercher à comparer les budgets entre eux, mais répondre à l’urgence sociale. Ce budget y contribue.

Les crédits de la mission progressent surtout de 22 % en AE, en raison d’un engagement fort sur le financement des 150 000 emplois d’avenir qui seront principalement créés en 2013 et en 2014 – 100 000 en 2013 et 50 000 en 2014. L’objectif est que les premiers contrats soient opérationnels dès novembre 2012, le Président de la République ayant d’ailleurs annoncé qu’il irait lui-même signer le premier d’entre eux. Ainsi, les AE atteignent 12 442 millions d’euros pour l’ensemble de la mission.

C’est un budget un peu particulier, qui nous impose d’être réactifs. Comme on l’a vu précédemment, des modulations sont souvent nécessaires en cours d’année. J’en veux pour preuve l’annonce, hier matin, par le ministre Michel Sapin, de 40 000 emplois aidés supplémentaires, qui viendront compléter les 80 000 emplois aidés supplémentaires annoncés dès le mois de juin.

L’effort considérable qui est consenti en faveur de l’emploi des jeunes les plus éloignés du marché du travail doit être souligné, alors que le Gouvernement s’est fixé un autre objectif majeur qui est le redressement des comptes publics.

La mission « Travail et emploi » pour 2013 reflète donc ce double objectif : garantir des moyens exceptionnels et ciblés pour relancer l’emploi et faire participer les administrations à l’effort de réduction des dépenses, là où cela est possible et nécessaire. Ainsi, bien que ce budget soit en croissance, l’accent a été mis sur l’amélioration de la gestion interne de l’administration.

L’objet de cette brève présentation n’étant pas de rentrer dans le détail de l’ensemble des dispositifs, j’aborderai uniquement deux points principaux : d’une part, les principales évolutions budgétaires par programme ; d’autre part, le maintien des crédits en faveur de l’apprentissage, notamment à travers la réforme du compte d’affectation spéciale « Fonds pour la modernisation et le développement de l’apprentissage », dont le périmètre va évoluer sensiblement en 2013, ce qui répond à la volonté politique du Gouvernement de cibler budgétairement les crédits mobilisés.

Parmi les principales évolutions budgétaires par programme, j’évoquerai en premier lieu le programme 102, Accès et retour à l’emploi, qui concentre les principales évolutions de la mission.

Les AE progressent de 44 % et ses CP de 6 %. En valeur, cela représente 2 389 millions d’euros supplémentaires en AE et 331 millions supplémentaires en CP, la forte progression des AE étant principalement due au financement des emplois d’avenir.

S’agissant de ces derniers, l’engagement pris par le Gouvernement il y a quelques semaines, au moment du vote de la loi, est concrétisé par la budgétisation de 466,6 millions d’euros, destinés à financer les 100 000 emplois prévus en 2013, auxquels viendront s’ajouter les 50 000 emplois prévus en 2014.

Sur cette enveloppe, 30 millions d’euros seront consacrés à l’animation, en particulier aux missions locales au titre de l’accompagnement. La discussion budgétaire permettra peut-être de cibler ces 30 millions d’euros directement sur les missions locales.

Le postulat du Gouvernement est de présenter un programme 102 qui assure le même niveau de contrats aidés qu’en loi de finances initiale 2012, pour un coût total de 1,47 milliard d’euros – 340 000 contrats de type « contrats d’accompagnement dans l’emploi » et 50 000 « contrats initiative emploi » destinés au secteur marchand. L’ambition du Gouvernement est de porter la durée moyenne de ces contrats à 8,7 mois contre moins de sept mois jusqu’à présent – le ministre a évoqué cette question avec les préfets. Il faut préciser que l’année 2012 avait été un peu particulière : l’essentiel des contrats avait été mobilisé dans les premiers mois et il s’agissait de contrats de plus courte durée.

Au sein de ce même programme 102, plusieurs dispositifs sont maintenus. La volonté politique du Gouvernement et du ministre est de prendre le temps d’analyser la situation, sans remettre en cause, par principe, tout ce qui a été fait par le Gouvernement précédent. C’est le cas des Maisons de l’emploi.

C’est aussi le cas des CIVIS – contrats d’insertion dans la vie sociale – avec 50 millions d’euros, des Écoles de la deuxième chance, avec 24 millions d’euros ou des programmes d’insertion par l’activité économique, avec près de 200 millions.

Pour illustrer mon propos, le ministre a sollicité une mission de l’IGAS et de l’IGF sur l’insertion par l’activité économique. Un rapport sera présenté à l’ensemble des acteurs intervenant dans ce secteur. La refonte du dispositif sera négociée au cours de l’année 2013. Mais en attendant, le Gouvernement a proposé que l’on maintienne l’enveloppe qui lui était attribuée.

C’est enfin le cas de l’EPIDE – Établissement public d’insertion de la défense – et de l’allocation spécifique de solidarité, versée par le Fonds de solidarité, qui est maintenue aux alentours de 2 milliards d’euros.

En revanche, certains dispositifs sont renforcés.

Ainsi, l’allocation équivalent retraite – AER – est complétée par une allocation transitoire de solidarité – ATS – dotée de 10 millions d’euros, même si la question reste ouverte pour l’avenir.

De même, l’aide aux postes adaptés progresse, passe de 267 millions d’euros en 2012 à 289,86 millions en 2013. Cette aide, qui concerne des personnes en situation de handicap, devrait permettre de prendre en charge 1 000 bénéficiaires supplémentaires par rapport à 2012, soit un total de 21 535 travailleurs handicapés en 2013. De fait, le ministère a souhaité accompagner budgétairement – et même renforcer – l’engagement qu’avait pris le Gouvernement précédent en leur faveur.

Enfin et surtout, les moyens accordés à Pôle Emploi connaîtront une très forte augmentation. Ceux-ci passent de 1 360 millions d’euros en LFI 2012 à 1 467 millions d’euros dans le PLF 2013, soit un effort de 107 millions d’euros, principalement dû à la volonté du Gouvernement de financer les 2 000 emplois annoncés au début de l’été pour renforcer les moyens de Pôle Emploi.

En parallèle à cette augmentation d’effectifs, l’opérateur modifie en profondeur son fonctionnement : d’une part, 2 000 postes des fonctions support seront redéployés vers l’accompagnement du public ; d’autre part, une offre différenciée et renforcée sera proposée aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Pôle emploi a la volonté d’abandonner son approche quantitative pour une approche qualitative, qui fait la différence entre ceux qui ont besoin d’être accompagnés au plus près et ceux qui peuvent s’en dispenser – parce qu’ils savent, par exemple, travailler avec les nouveaux supports comme internet. L’objectif est que les conseillers qui se consacreront à ces accompagnements renforcés ne suivent pas plus de 70 personnes ; aujourd’hui, certains conseillers en suivent plus de 300.

S’agissant du programme 103, Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi, son budget accuse une diminution en trompe-l’oeil. Certes, les CP passent de 3 907 millions d’euros en LFI 2012, à 3 750 millions en PLF 2013, mais cette baisse de 157 millions d’euros résulte du changement de périmètre lié au redéploiement d’une partie de la dotation générale de décentralisation « formation professionnelle » vers le compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », à hauteur de 250 millions d’euros. Par conséquent, si nous enlevons ces 250 millions, le programme 103 progresse, en valeur, de 93 millions.

Cela s’explique, notamment, par l’augmentation des crédits alloués au financement de l’activité partielle, qui atteignent 70 millions d’euros dans le PLF 2013.

Il convient de noter, par ailleurs, l’évolution du contrat de sécurisation professionnelle, qui a pour objet l’organisation et le déroulement d’un parcours de retour à l’emploi en cas de licenciement économique.

Je tiens malgré tout à signaler une fragilité budgétaire. Les crédits consacrés à la GPEC – la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences – accusent une baisse, passant de 97 millions d’euros de CP en 2012 à 60 millions d’euros de CP en 2013. Or la GPEC est utile pour inciter et aider les petites et moyennes entreprises à anticiper leurs besoins en matière de gestion de ressources humaines. Cela a un impact fort sur les licenciements, qui peuvent être prévenus en amont.

Je note enfin deux évolutions majeures, s’agissant de ce programme 103.

En premier lieu, les contrats d’autonomie sont supprimés. Ils avaient un coût élevé, n’atteignaient pas toujours leur cible et étaient, pour l’essentiel, sous-traités à des structures privées. Celles-ci, dont la rémunération dépendait en partie du résultat obtenu, étaient amenées à « sélectionner » les jeunes qui avaient le plus de potentiel pour trouver un emploi. Très clairement, ce ne sont pas les jeunes qui en avaient le plus besoin qui ont bénéficié de cet accompagnement.

En second lieu, le Gouvernement ne reconduit pas les prélèvements régulièrement opérés ces trois dernières années sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. J’imagine que les remarques de notre collègue Christian Eckert, qui l’année dernière était rapporteur spécial, ont été entendues. Il avait notamment dénoncé en 2012 l’utilisation abusive des crédits du Fonds, laquelle ne correspondait pas aux objectifs qui lui avaient été assignés : financer la formation professionnelle des publics les plus éloignés de l’emploi.

Pour ce qui est du programme 111, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail – l’Inspection du travail étant un des leviers d’action –, les crédits restent à peu près stables, à 78 millions d’euros pour 2013.

On note un certain nombre d’évolutions, notamment la réforme de la représentation syndicale, un grand projet dont le but est de renforcer la légitimité et l’action des syndicats, et donc de promouvoir un dialogue responsable et renforcé dans notre pays. Une étape importante sera franchie en août 2013 avec la publication de la nouvelle liste des organisations syndicales représentatives par branche et au niveau national et interprofessionnel.

Au sein de ce programme, la plupart des dispositifs sont maintenus, que ce soit le Plan de santé au travail, avec 30 millions d’euros, la formation des responsables syndicaux, avec 24 millions d’euros, ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, pour 9 millions d’euros.

Une ligne de 10,6 millions d’euros est spécialement réservée à la préparation de la nouvelle élection des prud’hommes. Sa forte hausse s’explique par le début du cycle qui aboutira, en décembre 2015 au renouvellement des 14 500 conseillers prud’hommes.

J’en viens au programme 155, Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, qui est le programme support de la mission.

Ils progressent de 40 millions d’euros des CP – passant de 742 millions d’euros en LFI 2012 à 782 millions d’euros dans le PLF 2013 –, augmentation qui s’explique principalement par une progression des coûts en personnel. Certes, cette évolution pourrait paraître contradictoire avec ce que j’ai indiqué au début de cette présentation sur l’effort fait par le ministère. Toutefois, elle s’explique par le rattachement des effectifs et des moyens de fonctionnement de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle – la DGEFP. Aujourd’hui, le pilotage central par le ministère est affirmé, ce qui se traduit par un transfert de personnels, et donc de moyens.

En revanche, les crédits de fonctionnement restent stables. Une légère baisse est même constatée pour les crédits d’études et le financement de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

La maîtrise des coûts est donc bien un enjeu essentiel pour le ministère du travail. Au-delà de la hausse de ses crédits, que justifie la situation sociale, celui-ci se doit d’être exemplaire.

Globalement, la mission « Travail et emploi » perd, à périmètre constant, 141 emplois permanents par rapport à 2012. Cela représente une diminution de 1,4 %, qui, malgré tout, le distingue d’autres ministères – auxquels le Premier ministre, dans ses lettres de cadrage, a demandé de consentir un effort de 2,5 %. L’emploi est donc bien une priorité, à côté de l’éducation, la justice et l’intérieur.

Par ailleurs, un cycle de consultations et de réflexions sur les méthodes, l’organisation et les objectifs des services du ministère a été engagé. Le climat social au sein du ministère est en effet assez dégradé, comme le prouvent les deux suicides qui ont touché l’Inspection du travail l’année dernière.

Le ministre, qui organise actuellement un tour de France sur ces sujets, s’est rendu à Marseille lundi dernier, pour ouvrir trois chantiers sur les thèmes suivants : moderniser le fonctionnement de l’Inspection du travail ; rénover le fonctionnement des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi
– DIRECCTE – et réfléchir à l’accompagnement des mutations économiques. Je remarque que les DIRECCTE ont été touchées à la fois par la mise en place de la RPGPP, parfois brutale, et par la fusion d’un certain nombre de grandes directions. Il fallait le prendre en compte. L’objectif du ministère est que les premiers arbitrages soient rendus à la fin du premier trimestre 2013. Cela pourrait avoir des conséquences sur notre approche budgétaire.

La deuxième partie de mon propos portera sur la situation des exonérations en faveur de l’apprentissage, et sur l’élargissement du périmètre du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » .

Par principe, le ministère n’a pas souhaité remettre en cause un certain nombre de dispositifs, sous réserve d’en faire l’inventaire et l’analyse, et de proposer, éventuellement, au Parlement, de les modifier.

Globalement, les exonérations de cotisations sociales en faveur de l’apprentissage sont reconduites. Le Gouvernement a fait le choix de maintenir le financement de ce dispositif en raison des résultats positifs obtenus en matière d’insertion dans l’emploi durable des jeunes de 16 à 25 ans qui ont bénéficié d’un contrat d’apprentissage. Ainsi, sont prévus 1 234 millions d’euros en AE et en CP, contre 1 335 millions d’euros en 2012 – cette légère diminution s’expliquant uniquement par une correction de la méthode de calcul de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui s’est aperçue que le coût calculé en 2012 était surévalué.

Par ailleurs, le CAS « Fonds national pour le développement et la modernisation de l’apprentissage » connaîtra un changement important de périmètre. En effet, l’article 35 du PLF 2013 prévoit qu’il contribuera désormais à hauteur de 250 millions d’euros à la compensation des indemnités forfaitaires compensatrices, que l’on connaît mieux sous le nom de « primes d’apprentissage » et qui sont destinées aux régions. La compétence des régions, au titre des primes d’apprentissage, date en effet de 2002.

L’objectif poursuivi est de faire du CAS, à moyen ou à long terme, le réceptacle de l’ensemble des mesures destinées à encourager l’apprentissage. Cela apparaît d’autant plus nécessaire que le troisième acte de la décentralisation achèvera certainement de transférer aux régions l’ensemble des compétences en matière de formation professionnelle.

Il en résulte une forte progression de ses moyens. Ses recettes sont évaluées à 688 millions d’euros, mais ses crédits sont portés à 825 millions. L’écart de 137 millions d’euros entre les dépenses et les recettes sera compensé par les 160 millions d’excédent de trésorerie qui se sont accumulés ces dernières années.

Ces 825 millions d’euros de dépenses se décomposent de la sorte : 200 millions d’euros au titre de la péréquation entre les régions ; 250 millions d’euros pour la compensation des primes d’apprentissage ; 360 millions d’euros pour les contrats d’objectifs et de moyens de seconde génération ; enfin, 15 millions d’euros au titre du bonus versé aux entreprises qui respectent ou dépassent le quota d’alternants.

Il convient de préciser que ces mouvements n’auront aucun impact sur les régions. En effet, la dotation globale de l’État dont elles bénéficieront – soit directement du ministère, soit à travers le CAS – conservera le niveau prévu dans la loi de finances initiale 2012.

En conclusion, l’analyse de ce budget montre bien que l’emploi est aujourd’hui une priorité du Gouvernement, tout comme l’enseignement, la sécurité et la justice.

Le Gouvernement n’a pas fait table rase des dispositifs existants, mais a plutôt introduit des dispositifs innovants, comme les emplois d’avenir. Il se préoccupe également de lisser les effets de l’activité économique sur l’emploi par la sécurisation des parcours professionnels et le financement de l’activité partielle.

Toutefois, ce budget n’englobe pas l’ensemble des mesures qui seront prises en faveur de l’emploi, et de nombreux engagements restent à mettre en œuvre.

C’est le cas des contrats de génération, qui serviront à renforcer l’emploi des jeunes et des seniors, qui sont les publics les plus touchés par la récession économique. Les partenaires sociaux doivent indiquer aujourd’hui sur quelle base ils sont tombés d’accord. Il faudra, peut-être même dès la loi de finances rectificative, voir dans quelle mesure ou comment le Gouvernement mettra en œuvre les décisions prises. Mais celui-ci a clairement choisi de ne pas encadrer budgétairement les négociations et les discussions sociales en cours car les partenaires sociaux l’auraient mal vécu.

C’est le cas également de la décentralisation de la formation professionnelle, à propos de laquelle des consultations sont en cours. Là encore, nous pouvons nous attendre à des évolutions, susceptibles de se traduire au niveau budgétaire.

Enfin, c’est le cas du sauvetage de l’AFPA, à laquelle nous sommes tous attachés. Si rien n’est fait, l’association risque la faillite – entre mi-décembre et mi-février. C’est une préoccupation majeure, pour nous tous comme pour le Gouvernement. Il faut trouver une solution de financement innovante – peut-être sous forme de titres participatifs. Des discussions sont en cours et je ne peux pas en dire davantage aujourd’hui.

Toutes les orientations retenues en faveur du renforcement des politiques de l’emploi ne sont donc pas fixées dans le budget 2013 de la mission. Cependant, les engagements déjà pris dans le cadre du projet de loi de finances traduisent les efforts concrets et rapides du Gouvernement pour essayer d’inverser au plus vite la courbe du chômage.

Bien sûr, nous savons que l’essentiel des sommes mobilisées par l’État pour lutter contre le chômage servent à en réparer les effets, alors que l’enjeu majeur réside aujourd’hui dans la création d’emplois mais ce sujet est abordé dans d’autres lieux.

M. Marc Goua. Un quart des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont demandeurs d’emploi, et dans les zones urbaines sensibles, ce chiffre atteint souvent 50 à 60 %. Dans ma collectivité, nous sommes passés en quelques mois de 350 à 1 240 demandeurs d’emploi ! Je me réjouis donc de la création des emplois d’avenir, mais aussi du maintien des emplois aidés : les premiers ne doivent pas se substituer aux seconds. Or l’annonce de la création des contrats d’avenir a provoqué un certain attentisme, et il est difficile aujourd’hui d’obtenir des contrats aidés.

Les entreprises d’insertion connaissent aujourd’hui de graves difficultés et certaines sont au bord du dépôt de bilan. Il faut savoir que le forfait par poste n’a pas évolué depuis 2008 ou 2009. Ne faudrait-il pas se pencher sur ce problème ?

Je me réjouis du maintien de l’aide à l’apprentissage, car nous sommes en retard par rapport à d’autres pays : il faut consentir un effort important en ce domaine, tout comme pour l’alternance.

J’ai lu qu’un tiers des entreprises seulement étaient intéressées par le contrat de génération : il faut, je crois, agir pour les encourager.

M. Dominique Baert. Le Gouvernement vient d’annoncer 40 000 contrats d’avenir supplémentaires : leur financement figure-t-il déjà dans le projet de loi de finances ?

En raison de la création de ces contrats d’avenir, il a été très difficile, depuis l’été, notamment dans le Nord–Pas-de-Calais, de faire renouveler les contrats aidés, dont beaucoup ont été signés en début d’année et pour de très courtes périodes. Certes, les nouvelles enveloppes budgétaires sont en train d’arriver, mais cette interruption a été dramatique sur le plan social. Je compte sur vous, monsieur le rapporteur spécial, pour évoquer ce sujet avec le Gouvernement.

La mise en place de l’allocation transitoire de solidarité (ATS) – inférieure à l’allocation équivalent retraite (AER) – a eu pour conséquence un excédent de trésorerie, réutilisé cette année pour financer l’ATS. Je ne peux que m’en féliciter. Cela dit, dans une région industrielle comme le Nord–Pas-de-Calais, la situation des demandeurs d’emploi âgés est souvent très difficile ; pour beaucoup d’entre eux, la mise en place de l’ATS a signifié une diminution de ressources. Ne faudrait-il pas rouvrir la question de l’allocation équivalent retraite ? Le groupe d'action demandeurs d'emploi de la CFDT (GADE) m’a interpellé récemment sur ce sujet ; c’est l’une de leurs principales revendications.

Le mal-être est grand dans les inspections du travail. Les effectifs ont fortement diminué ces dernières années. Dans la région de Roubaix et de Tourcoing, des réorganisations, des projets de regroupements ont provoqué de grandes inquiétudes. Or, notre région est proche d’une frontière de l’autre côté de laquelle ont cours des méthodes de management parfois un peu brutales : nous avons besoin d’une inspection du travail forte, solide.

Je voudrais également évoquer la situation difficile de certains tribunaux de prud’hommes ; je pense notamment à la mauvaise répartition des moyens, notamment des postes de greffiers au regard du nombre de dossiers – à Roubaix, le nombre des dossiers traités par un agent est supérieur à la moyenne. J’ai interpellé la Chancellerie – car ce n’est pas les crédits du ministère du Travail qui sont concernés – mais, je dois l’avouer, sans grands résultats. Or une bonne politique du travail a besoin d’une bonne justice du travail.

On me pose souvent la question de l’augmentation des minima sociaux, et il n’est pas facile d’y répondre, surtout lorsque vos interlocuteurs ont vraiment le plus grand mal à payer leurs factures et à boucler leurs fins de mois, voire à venir dans votre permanence. On me demande souvent s’il ne suffirait pas, pour dégager de nouveaux moyens, d’augmenter la contribution de solidarité, qui s’élève à 1 % de la rémunération des fonctionnaires et agents publics, laquelle sert à financer l’allocation équivalent retraite et l’allocation spécifique de solidarité. Serait-il possible, à un moment ou à un autre, de faire le point sur cette question ?

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le rapporteur spécial, je tiens tout d’abord à vous féliciter chaleureusement pour la qualité et la clarté de votre présentation.

Le Gouvernement a choisi de reconduire l’essentiel des actions conduites ces dernières années : financement de 400 000 contrats aidés, maisons de l’emploi, missions locales… Je m’en réjouis.

Ce budget comporte deux nouveautés majeures : l’augmentation, à laquelle je souscris, du budget de Pôle Emploi, afin qu’il y ait plus de conseillers face au public – cela passe par des embauches, mais aussi par des redéploiements ; la création des emplois d’avenir, qui, elle, constitue un véritable pari !

En 1997, j’avais choisi de créer, dans ma mairie du Perreux-sur-Marne, dix postes d’emplois-jeunes. Je ne l’ai jamais regretté : les postes avaient été définis pour que leurs titulaires puissent aller plus loin. C’est ce qui s’est passé : sur la quarantaine de personnes qui ont été concernées, un tiers est parti dans le privé, un tiers est resté, un tiers est parti ailleurs pour différentes raisons. Au même moment, l’éducation nationale embauchait une vingtaine de personnes dans ce même cadre, par exemple pour accueillir les enfants à l’école le matin, mais au bout de trois ou quatre ans, ces personnes faisaient toujours la même chose…

Bref, ce type de contrat n’est pas inutile, surtout pour aider des jeunes à traverser la passe difficile que nous connaissons. Toutefois, il faut absolument en profiter pour leur offrir une formation ; or pourra-t-on maintenir les exigences de qualité et de formation à si grande échelle ? Il s’agit tout de même de 150 000 emplois.

Je souligne enfin que la mission « Travail est emploi » est une mission très importante – 12 milliards en autorisations d’engagement, 10 milliards d’euros en crédits de paiement – et que c’est celle qui évolue le plus entre deux lois de finances : en 2009, en 2010 et en 2011, nous avons dû abonder son budget de façon très importante – des centaines de millions – en cours d’année, notamment au titre des contrats aidés. À l’époque, une partie des économies faites sur les intérêts de la dette avaient été recyclées sur la mission « Emploi ». Aujourd’hui, ce n’est plus possible, et si l’on a besoin de 300 ou 400 millions d’euros en cours d’année, il faudra les prendre sur d’autres missions ; j’attire votre attention sur ce point.

C’est aussi une mission très complexe, qui comporte une multitude de mécanismes de toutes sortes, adaptés à des situations très diverses. Il faut donc rester très prudent et ne pas jouer à l’apprenti sorcier !

M. le rapporteur spécial. En matière de contrats aidés, le Gouvernement a en effet souhaité reconduire les financements déjà en place. Certaines années, il y a d’ailleurs eu jusqu’à 650 000 contrats aidés : nous restons bien en deçà.

Sans polémiquer inutilement, on peut s’accorder à reconnaître que le Gouvernement précédent a financé beaucoup de contrats, souvent de courte durée, en tout début d’année : dès l’été, les financements étaient donc rares. Le Gouvernement actuel a annoncé l’ouverture de 80 000 contrats supplémentaires, mais les inquiétudes des opérateurs sur la réalité de l’avenir de ces contrats ont freiné les effets de cette décision. M. Michel Sapin a rencontré les préfets récemment pour leur rappeler que l’exécution de ces budgets n’était pas totale et qu’il restait des emplois disponibles. Et il a annoncé hier l’ouverture de 40 000 contrats supplémentaires, ce qui relance la dynamique. Il est vrai que, sur le terrain, on pensait qu’il n’y aurait pas autant d’emplois et, en conséquence, on a mis la priorité sur l’éducation nationale, les contrats bénéficiant notamment aux personnes accompagnant les enfants ayant un handicap. Bref, la mobilisation n’a pas été parfaite.

Effectivement, les contrats d’avenir viennent s’ajouter aux contrats aidés : les uns ne chassent pas les autres. Ils sont bien différents : ils n’ont ni la même durée, ni la même typologie ni le même type d’accompagnement en matière de formation.

La reconduction par rapport à la LFI de 2012 est peut-être une bonne nouvelle, mais nous avons connu des années où il y avait jusqu’à 650 000 emplois aidés en France. Compte tenu de la situation de l’emploi, nous sommes sur une base qui reste moyenne, mais les contraintes budgétaires empêchent d’envisager d’aller plus loin.

En ce qui concerne les entreprises d’insertion et le forfait par poste, vous avez raison, monsieur Goua : il y a un problème de montant, d’assiette et de nombre. Si, pour ce qui est des travailleurs handicapés, il y a une augmentation du nombre des bénéficiaires, ce n’est pas le cas pour l’IAE, et il n’y a pas de revalorisation pour les travailleurs handicapés non plus que pour le forfait par poste. Ce point mérite que l’on y réfléchisse.

Malgré une augmentation apparente de 107 millions d’euros due à l’existence d’un reliquat dans les comptes de Pôle Emploi en 2012, le budget consacré à l’AER et à l’ATS est simplement reconduit, en 2013, à hauteur de 120 millions d’euros.

La question de la remise en place de l’allocation équivalent retraite est aussi récurrente que complexe. À court terme, il faut attendre l’évaluation des conséquences du décret de cet été sur la retraite à soixante ans ; on estime aujourd’hui que 30 000 personnes qui auraient auparavant bénéficié de l’AER ont pu partir à la retraite, mais le ministère travaille encore sur ces chiffres. C’est un sujet très politique et très sensible : cela coûterait tout de même un demi-milliard d’euros par an. Nous attendons donc les réflexions du Gouvernement.

Il faut effectivement constater le mal-être de l’inspection du travail. M. Gérard Larcher, lorsqu’il était ministre, était très attentif à ce sujet ; ce fut moins le cas de ses successeurs. Il ne faut pas oublier que la crise rend le métier des inspecteurs du travail encore plus difficile, car les tensions sont très fortes au sein des entreprises, et le dialogue n’en est que plus compliqué.

M. le président Gilles Carrez. Vous avez raison d’insister sur ce point car dans les entreprises – notamment les petites – qui connaissent de grandes difficultés, le dialogue avec l’inspecteur du travail devient très compliqué.

M. le rapporteur spécial. Quant aux prud’hommes, c’est un enjeu important ; il faut notamment, je crois, consentir un effort en matière de formation.

Monsieur le président, les 2 000 emplois que proposera Pôle Emploi seront des CDI, car il s’agit de réduire la précarité dans cette entreprise et de renforcer ses moyens. Outre la volonté d’entraîner un mouvement du back office au front office, un effort est fait pour construire une offre de service différenciée, car certains ont besoin d’un accompagnement renforcé, d’autres d’un accompagnement guidé et d’autres encore ont la capacité de rechercher eux-mêmes un emploi – le même accompagnement pour tous répond certes à un principe d’égalité, mais pas à un principe d’efficacité. Il y a également une volonté de renforcer l’autonomie locale des directeurs en leur permettant d’avoir une analyse propre du taux de retour à l’emploi sur le territoire dont ils ont la charge. Un fort accent sera également mis sur la territorialisation et le partenariat avec l’ensemble des acteurs – je pense aux régions pour la formation professionnelle – et, plus globalement, sur la question des freins périphériques au retour à l’emploi, qui peuvent être liés à la santé, au logement, voire aux violences conjugales.

Pour ce qui est des emplois d’avenir, vous avez raison, monsieur le président, la qualité de la formation est essentielle. Et comme il y aura beaucoup moins d’emplois d’avenir – l’objectif est de 150 000 personnes – qu’il n’y avait d’emplois-jeunes, nos capacités d’accompagnement seront un peu plus fortes.

Cette mission est, vous l’avez dit, celle qui évolue le plus : cela nous permettra de suivre au plus près les évolutions de l’emploi. Le ministre du Budget nous a dit qu’il y avait une volonté forte de s’inscrire dans un cadre pluriannuel permettant une baisse des moyens alloués à ce ministère, mais qu’il faudrait, bien évidemment, répondre au cas par cas, aux besoins et aux urgences. Dès lors, on peut imaginer que ce budget évolue en tant que de besoin.

M. le président Gilles Carrez. Je vous félicite, monsieur Castaner, de cet excellent rapport sur une mission des plus importantes.

La Commission adopte les crédits de la mission « Travail et emploi ». Elle adopte ensuite les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». Elle adopte enfin l’article 71, rattaché.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du vendredi 19 octobre 2012 à 14 heures

Présents. – M. Dominique Baert, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner,
M. Marc Goua

Excusés. – M. Guillaume Bachelay, M. Jean Lassalle, Mme Valérie Rabault,
M. Thierry Robert, M. Michel Vergnier

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