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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 23 janvier 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 58

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Nicolas Dufourcq, dans la perspective de sa nomination aux fonctions de directeur général de la société anonyme BPI – Groupe

–  Vote sur la proposition de nomination de M. Nicolas Dufourcq dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement

–  Information relative à la Commission

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Nicolas Dufourcq, dans la perspective de sa nomination aux fonctions de directeur général de la société anonyme BPI – groupe.

M. le président Gilles Carrez. Nous accueillons M. Nicolas Dufourcq, que le Président de la République envisage de nommer aux fonctions de directeur général de la société anonyme BPI – groupe.

Si l’établissement public BPI-Groupe a un simple rôle de portage de la participation de l’État, la société anonyme BPI-Groupe, qui aura le statut de compagnie financière, est son organe exécutif. Un décret désigne parmi les quinze membres composant son conseil d’administration une personnalité choisie en raison de sa compétence en matière économique et financière, pour exercer les fonctions de directeur général.

Depuis sa modification, en 2008, l’article 13 de la Constitution donne au Parlement un droit de regard sur certaines nominations à des emplois ou fonctions pourvus par le Président de la République « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation. » La loi organique n° 2012-1557 du 31 décembre 2012 a inscrit la fonction de directeur général de la SA BPI-Groupe parmi ces dernières. Aux termes de la loi relative à la création de la BPI, les commissions des Finances sont compétentes pour donner leur avis sur cette nomination.

Après l’audition, les commissaires se prononceront par un vote secret hors de la présence de M. Dufourcq. La Commission des finances du Sénat se réunira en fin de matinée pour procéder à son tour à une audition et à un vote. Les dépouillements des scrutins auront lieu en fin d’après-midi dans les deux assemblées.

M. Nicolas Dufourcq, candidat à la direction générale de la BPI. Âgé de quarante-neuf ans, je dirige des entreprises depuis vingt ans. C’est en 1993 que je suis entré chez France Télécom pour créer la division multimédia, devenue Wanadoo, que j’ai dirigée par la suite. J’ai également créé la société Pages jaunes, que j’ai intégrée à Wanadoo. J’ai coté Wanadoo en 2000, que j’ai développé à l’international. J’ai pris en charge la division téléphonie grand public de France Télécom, que j’ai quittée en 2003 pour Cap Gemini, où j’ai passé une dizaine d’années. Entré comme directeur pour l’Europe, j’ai été nommé l’année suivante directeur général adjoint et directeur financier de Cap Gemini. Progressivement, j’ai pris en charge des responsabilités opérationnelles liées à la production du service informatique et au développement international. L’essor considérable de la société, dont l’effectif est passé de 50 000 salariés en 2003 à 130 000 en 2013, s’est effectué en France. Entrepreneur hors normes, Serge Kampf a créé sa société en 1967 en décidant qu’elle deviendrait aussi grande qu’IBM. S’il n’a pas atteint cet objectif, son groupe figure dans le top 5 mondial. Il est intéressant de voir comment et grâce à quels soutiens il s’est développé. Le capital patient est au cœur du projet de la BPI : que faire pour accompagner dans la durée les entrepreneurs français qui décident de partir à l’attaque des géants afin de construire la France de 2030 ?

Contacté dix jours avant ma pré-nomination à la BPI, j’ai immédiatement accepté cette proposition, qui s’inscrit dans la continuité de ma culture professionnelle. Pour avoir toujours effectué des missions dans un contexte difficile ou entrepreneurial, j’ai été attiré par la perspective de fusionner le Fonds stratégique d’investissement – FSI –, CDC Entreprises et OSÉO, dans une conjoncture sérieuse. Enfin, la mission d’intérêt général de la BPI m’a enthousiasmé. Pré-désigné le 17 octobre, j’ai formellement quitté Cap Gemini fin novembre, mais, dès le début du mois de novembre, j’avais commencé à travailler sur la BPI, qui m’occupe à plein temps depuis près de trois mois.

La BPI est une compagnie financière qui comprend deux filiales : l’une bancaire, OSÉO ; l’autre intervenant en fonds propres, qui fusionnera le FSI et CDC Entreprises, et peut-être d’autres sociétés de gestion de la Caisse des dépôts et consignations – CDC – pour regrouper la totalité des équipes spécialisées du périmètre de la Caisse des dépôts et de l’État. Je présiderai les deux filiales. On évitera ainsi que la société faîtière ne prenne la forme d’une holding. Pour « faire banque », c’est-à-dire pour créer des transversalités et de la fluidité tant pour les hommes que pour le capital, le directeur général de la BPI doit disposer d’un comité exécutif qui, loin d’être éclaté en deux baronnies qui ne se parleraient pas, représente fidèlement les six métiers du groupe. Ceux-ci regroupent la garantie, le financement, l’innovation, l’activité de fonds de fonds, c’est-à-dire le financement des fonds privés d’investissement, activité historique de la Caisse des dépôts, les fonds directs « gros tickets », qui relèvent aujourd’hui du FSI, et les fonds directs dans les PME françaises, pour des tickets compris entre 50 000 et 10 millions d’euros. Bien que l’organisation ne soit pas encore calée, il est probable que chacun de ces métiers sera incarné dans la BPI.

Celle-ci est déjà à l’œuvre pour les deux grands produits du Pacte de compétitivité : la facilité de trésorerie de 500 millions d’euros et le préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE.

Depuis le 3 janvier, tout entrepreneur confronté à des difficultés de trésorerie peut obtenir un crédit chez OSÉO. Nous avons agi très vite dans ce dossier, car, selon les statistiques de la Banque de France, les crédits de trésorerie ont diminué de 7 % en 2012, ce qui représente un stress important, alors même que les crédits à moyen et long terme étaient, fin novembre, en légère croissance par rapport à 2011.

Pour préfinancer le CICE, les chaînes informatiques d’OSÉO ainsi que les services en région seront opérationnels dès la publication de l’instruction fiscale du ministère des finances. Les équipes de la BPI sont mobiles : en région, 1 000 salariés se déplaceront pour rencontrer chacun une centaine d’entreprises par an. Le volume d’engagement d’OSÉO représentera 2 milliards d’euros. Nous n’attendons pas le bouclage de l’opération de fusion-acquisition, qui interviendra en mai, pour commencer à travailler en mode BPI.

Nous menons également d’autres initiatives qui ont été annoncées dans le courant de l’automne ou qui sont au cœur de notre projet. Le prêt pour l’innovation, annoncé par le Président de la République à OSÉO Excellence, doit mobiliser 20 millions d’euros de liquidités. La BPI servira aussi de société de place pour aider à titriser des crédits de PME de qualité, ce qui leur permettra d’être achetés par l’assurance-vie, la dernière niche fiscale, qui draine de ce fait des masses de liquidités. Sur tous ces dossiers, nous travaillons comme si la BPI existait déjà. C’est également le cas pour le marché obligataire des PME, où la France a beaucoup à apprendre de son voisin allemand.

Pour les fonds propres, le premier acteur est le FSI, avec un capital de presque 16 milliards d’euros auxquels s’ajoutent 3,6 milliards de capital non appelé, qui devrait être libéré avant septembre 2014. Depuis sa création, il a procédé à quatre-vingt-dix investissements de 10 à 70 millions d’euros. Il peut donc soutenir tant un build-up, c’est-à-dire la création d’une entreprise de taille moyenne par agrégation, consolidation ou concaténation, qu’un investissement souverain, comme Eramet, ou une intervention en défense, comme celle dont a bénéficié Valeo, quand il a fallu contrer le fonds Pardus.

Le second acteur est CDC Entreprises, qui investit chaque année directement ou non dans 800 à 900 entreprises françaises. Nous sommes décidés à augmenter nos investissements en fonds propres, notamment dans les PME, dans le cadre du programme France Investissement. En 2013, nous investirons dans un millier d’entreprises françaises un total de 2 milliards d’euros, ce qui représentera une augmentation de 10 % à 15 % par rapport à 2012. Par ailleurs, nous augmenterons de 15 % le volume de crédits à moyen terme, qu’il s’agisse de crédits secs ou mezzanine, prévoyant un contrat de développement participatif à sept ans avec différé de remboursement de deux ans, sans prise de garantie sur le patrimoine de l’entrepreneur. Nous augmenterons également de 10 % le volume de garanties. Le nombre de dossiers d’innovation connaîtra lui aussi une hausse de 10 %.

À titre indicatif, la partie bancaire de la BPI accorde chaque année 50 000 garanties, finance 5 000 prêts et 2 500 dossiers d’innovation. La partie fonds propres représente 1 000 tickets par an dans les entreprises françaises, soit environ 2 milliards d’euros. La partie bancaire constitue une faible part du marché du financement des entreprises françaises, 5 % à 6 % au plus, et elle ne grossira pas car la BPI est une banque de place. Sa vocation est de faire la courte échelle au marché. Parce qu’elle permet de monter des crédits qui ne seraient pas accordés, c’est une banque non de plein exercice ou de flux, mais de co-financement. N’ayant pas vocation à se substituer aux réseaux mutualistes et commerciaux classiques, elle restera minoritaire en termes de parts de marché.

En revanche, elle possède une part considérable des interventions en fonds propres. L’antenne de la banque qui leur sera dédiée – que je proposerai d’appeler BPI France Investissement – représentera, quand le capital du FSI aura été entièrement libéré, un total de 20 milliards d’euros, soit la taille d’Axa Private Equity, un des plus gros cabinets européens de private equity. Toutefois, à la différence de ceux-ci, elle se concentrera sur le capital-risque, l’amorçage, le capital développement des PME, le retournement et les situations stratégiques du FSI. Le public equity ne ressemblant jamais au private equity, le rendement de ces missions d’intérêt général n’a rien à voir avec celui des entreprises privées. Tandis que le taux de rendement d’Axa Private Equity varie entre 15 % et 35 %, les investissements de la CDC en fonds propres rapportent 2 % en moyenne depuis 1996. La Caisse s’est concentrée à juste raison sur la faille de marché massive : le capital-risque et l’amorçage. La BPI possède 95 % des tickets sur le capital-risque français. Quant au FSI, il ne cherche pas à pousser à tout prix la rentabilité aux taux du privé. Compte tenu de sa doctrine, le sien ne dépasse pas 6 %.

M. le président Gilles Carrez. OSÉO, qui, de l’avis général, fonctionne bien, et qui, lors de la crise, a mis en place des facilités de trésorerie sous la forme d’aides aux fonds de roulement, dispose d’un atout considérable. Son adossement direct à l’État lui permet de se financer sur le marché obligataire à un taux à peine supérieur aux emprunts d’État : un peu plus de 2 % pour sa dernière émission. Peut-on maintenir ces conditions, puisque, dans le nouveau dispositif, la garantie de l’État fait l’objet d’un échelon intermédiaire : elle passe par BPI SA qui garantit sa filiale bancaire ? Par ailleurs, resterez-vous fidèle au principe selon lequel OSÉO intervient conjointement avec des banques ?

La presse a abondamment relayé le fait que les régions souhaitent participer aux comités d’engagement. Si la commission des Finances considère qu’aucun élu ne doit siéger dans une instance attribuant des prêts, on peut imaginer une variante lorsqu’il s’agit de fonds propres et que les régions apportent des tickets substantiels. Comment concevez-vous leur intervention dans le dispositif opérationnel ? Y a-t-il lieu de modifier les deux modèles prudentiels qui ont fait leurs preuves, celui d’OSÉO pour la partie bancaire et celui de la CDC pour la partie fonds propres ?

Pour que le CICE fonctionne dès 2013, il faut que les créances soient sûres et certaines, par conséquent assorties du moins de conditionnalités possibles. Les précisions que nous avons introduites dans ce but à l’intérieur du texte ne risquent-elles pas de vous gêner quand vous voudrez mobiliser les créances ?

M. Guillaume Bachelay, rapporteur du projet de loi relatif à la création de la BPI. Si nous pouvons nous entretenir avec M. Dufourcq, nous le devons aux présidents Gilles Carrez et Jean-Jacques Urvoas, ainsi qu’au rapporteur général Christian Eckert, qui ont permis à notre Commission de se prononcer avant que le Président de la République ne nomme le directeur général de la BPI. Au reste, notre rendez-vous avec M. Dufourcq ne sera pas sans lendemain. Les commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat sont destinataires des grandes orientations du pacte d’actionnaires conclu entre l’État et la CDC. En outre, la doctrine d’intervention de la BPI doit leur être présentée avant de l’être au conseil d’administration.

Lors de la discussion du projet de loi, un consensus s’est dégagé pour étendre le champ des entreprises concernées aux TPE, comme aux entreprises en mutation. Dans le prolongement du rapport Gallois, le législateur a souhaité ajouter aux missions de la BPI le soutien aux grandes entreprises qui feraient l’objet d’OPA sauvages. La composition du conseil d’administration a également bénéficié de la discussion. Les principes de parité, de transparence et de pondération des rémunérations sont désormais gravés dans la loi. Ces engagements témoignent que la BPI n’est pas tout à fait une banque comme les autres. J’ajoute que sa gouvernance doit être exemplaire.

Il est souhaitable que la BPI soit organisée, comme OSÉO, en directions régionales. Un modèle de base, commun à l’ensemble des territoires, pourrait être adapté en fonction des liens plus ou moins étroits noués par la Banque avec les régions. Quels seront les pouvoirs exacts des directeurs régionaux de la BPI pour chacune des deux activités ? Les équipes des conseils régionaux et de la BPI seront-elles regroupées au même endroit, ce qui constituerait un facteur essentiel de simplification et permettrait un meilleur accompagnement des chefs d’entreprise qui n’ont pas besoin que de financements ? Les fonds communs de placement que les régions gèrent ou co-gèrent seront-ils mutualisés, ce qui serait rationnel puisque la situation varie beaucoup d’un territoire à l’autre ? Qui présidera les comités d’engagement en matière de fonds propres ? Quel sera le montant maximal des investissements qu’ils décideront ? Les régions ont émis des vœux à ce sujet, notamment quand les fonds propres qu’elles apporteront dépassent un certain seuil.

Quelle sera la stratégie de la BPI ? D’après vous, quel soutien doit-elle apporter à la politique industrielle de l’État ? Vous avez affirmé récemment que la BPI n’a pas vocation à intervenir dans les entreprises en difficulté structurelle. Qu’en sera-t-il lorsque des entreprises durablement viables qui rencontrent des problèmes conjoncturels – perte d’un marché à l’export, chute de l’activité dans un secteur, défaut de paiement d’un donneur d’ordre – attestent d’un projet d’innovation technologique, sociale ou environnementale ? Quelle conception de la viabilité la BPI appliquera-t-elle ?

M. Henri Emmanuelli, président de la Commission de surveillance de la CDC. Pour la partie bancaire, on retiendra sans doute le modèle prudentiel de l’Autorité de contrôle prudentiel – ACP – et, pour la partie fonds propres, celui, plus exigeant, de la CDC.

La mobilisation des crédits consentis aux PME par la BPI est un enjeu considérable. En permettant qu’ils soient repris en partie par l’assurance-vie, nous nous attaquerons à un problème qui se pose depuis des décennies, et qui tient au fait qu’une part importante de l’épargne française ne se tourne pas vers le secteur productif. Peut-être faudra-t-il prendre à cet égard des dispositions législatives, par exemple dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

Vous annoncez que 2 milliards d’euros devraient être distribués par France Investissement à un millier d’entreprises mais, l’an dernier, CDC Entreprises a eu 21 000 contacts et, après une première sélection, n’a instruit que 11 000 dossiers, dont 800 ont abouti. Sans me prononcer sur leur contenu, je relève que passer de 800 à 1 000 dossiers ne permettra pas de couvrir tous les besoins. Ce chiffre est-il appelé à croître, auquel cas il faudra trouver des fonds plus importants ?

Au nom de la Commission des finances, qui, depuis 2008, a pour mission de surveiller la CDC, je ne crois pas pertinent que les fonds du FSI ou de la CDC soient attribués par les régions. Je comprends que celles-ci participent à la distribution des crédits qu’elles financent, mais on ne saurait aller au-delà. Il faudrait par conséquent deux volets pour France Investissement : l’un pour la BPI, l’autre pour BPI régions.

Enfin, je regrette que vous n’ayez rien dit du crédit export, car notre pays connaît un problème considérable de crédit acheteur.

M. Nicolas Dufourcq. Pour évaluer les garanties, il faut se mettre à la place des investisseurs coréens, japonais ou chinois en obligations OSÉO. Si, l’été dernier, lors de la phase de discussion, la complexité des dispositifs envisagés pouvait les inquiéter, la situation ne pose plus problème, à présent que nous réunissons le meilleur du privé – la gouvernance de l’entreprise – et du public – la mission d’intérêt général. La réunion dans BPI-Groupe de l’ancien EPIC OSÉO, devenu EPIC BPI, et de la filiale composée à 90 % d’OSÉO, devenue BPI Financement, inspire pleinement confiance. Vendredi matin, Arnaud Caudoux, actuel directeur financier d’OSÉO que je proposerai au poste de directeur financier de la BPI, et moi-même avons rencontré pendant plusieurs heures des représentants de Moody’s pour confirmer la notation d’OSÉO. Le 31 janvier, nous partirons sur les marchés avec un road show qui me permettra de me présenter aux investisseurs et de les rassurer sur le fonctionnement de la BPI. Je n’ai pas d’inquiétude sur le spread, intuition confirmée par les grandes banques de la place parisienne, particulièrement les départements obligataires souverains de la BNP, de la Société générale et de HSBC, que j’ai consultés. Ils relèvent que le risque est très faible, ce qui m’amène à dire qu’il n’y a pas lieu d’hésiter entre le schéma qui aurait fait d’OSÉO la société faîtière et celui que nous avons retenu qui fait de la compagnie financière la société faîtière, et qui permet de fonctionner.

Je vous confirme que la BPI restera une banque de place, donc de cofinancement et de co-investissement. Si nous nous aventurions en dehors de cette position, les banques privées ou mutualistes nous enverraient les mauvais risques. Nous n’avons donc pas les moyens de ne pas respecter le principe du cofinancement, qui appartient à notre code génétique.

Vous m’avez interrogé sur le rôle des comités d’engagement. Puisqu’il s’agit d’un problème de sémantique, veillons à ne pas tomber dans le piège des mots-valises. Les comités d’engagement qui statuent sur les prêts sont très classiquement bancaires. Actuellement, 90 % des décisions de prêt, d’avance remboursable et de prêt à taux zéro d’OSÉO Innovation, sont prises en région. Il n’y a donc pas lieu de les décentraliser davantage. Si l’on peut encore transférer certains éléments de production du prêt, donc de back office, cela restera marginal. En matière de fonds propres, l’alvéole de base, pour la gestion des investissements en equity dans les PME françaises, est une ou plusieurs sociétés de gestion agréées par l’Autorité des marchés financiers – AMF –, qui gèrent des fonds communs de placement à risque – FCPR –. L’architecture de la décision sur les investissements est celle des comités d’investissement des sociétés de gestion. La BPI, qui finance quatre-vingt-dix sociétés de gestion régionales, possède en outre sa propre société de gestion régionale, qui s’est appelée Avenir Entreprises avant de devenir FSI Régions. Celle-ci emploie six salariés à Paris, sur un total de quarante-quatre, sachant qu’il n’existe en tout que dix-huit délégations régionales.

Aux quatre-vingt-dix fonds régionaux, sociétés de gestion privées qui gèrent des FCPR, s’ajoute un fonds national, qui est le fonds propre de la BPI. Il existe donc quatre-vingt-onze comités d’investissement. On en compte sept en Aquitaine, chez Alain Rousset, et quatre en région parisienne, chez Jean-Paul Huchon, soit autant que de fonds. Nulle part n’a été créé de comité d’engagement ombrelle, au-dessus des différents comités d’investissement, ce qui entrerait en contradiction avec la structure des sociétés de gestion.

Un des objectifs possibles de la BPI, dans son activité de fonds propres indirecte, est d’aider à la concentration française du capital investissement. Depuis quinze ans, la Caisse a poussé à la création d’une multitude de sociétés de gestion, de sorte que nous finançons 300 fonds, dont 90 régionaux. C’est peut-être trop pour un pays comme la France, qui manque de grandes sociétés d’investissement dédiées aux PME. On ne trouve pas chez nous, comme dans le capital-risque américain, de gros blocs comme Sequoia Capital, qui réunissent 60 à 150 investisseurs ; en revanche, beaucoup de sociétés françaises réunissent dix, quatre, voire deux investisseurs. Compte tenu de cette dilution, dans des régions potentiellement très riches en capital investissement, comme Midi-Pyrénées, Aquitaine, Rhône-Alpes et Île-de-France, la BPI pourrait consolider ces sociétés, qu’elle finance au moins à hauteur de 20 %, et créer de véritables sociétés régionales d’investissement. Mais, si nous prenons une telle décision, ces sociétés souhaiteront devenir interrégionales, comme l’Institut régional de développement industriel de Midi-Pyrénées – IRDI – à Toulouse ou Siparex à Lyon, qui rayonne partout en France. La gouvernance de la décision en investissement dépendra toujours de la structure des sociétés de gestion. Il peut donc exister un comité d’orientation régional pour les fonds propres, mais pas de comité d’engagement régional tant que nous n’aurons pas fusionné toutes les sociétés de gestion.

La même logique s’applique au cas particulier de FSI Régions, qui appartient en totalité à la CDC et à la BPI, et qui, seul ou avec des partenaires, investit des fonds propres de la BPI. Dès lors qu’il s’agit d’un FCPR national, ce sont ses équipes de gestion qui prennent les décisions. J’ai choisi de décentraliser les décisions de FSI Régions, non dans les vingt-deux régions, parce que toutes ne possèdent pas la masse critique – dans certaines, il n’existe qu’un seul investisseur –, mais dans les six interrégions d’OSÉO et de FSI Régions, qui deviendront les interrégions de la BPI. Les décisions d’investissement inférieures à 4 millions d’euros seront prises, sans remonter à Paris, par les comités d’investissement des six interrégions. Certains ont proposé que les dossiers inférieurs à 20 millions d’euros soient décentralisés en région, mais ce seuil n’a pas grand sens : pour des PME, seuls quatre ou cinq dossiers atteignent une telle somme.

M. Emmanuelli m’a demandé si le nombre de 800 investissements aujourd’hui et d’un millier demain me paraissait suffisant. FSI Régions compte quarante-quatre chargés d’investissement, qui réaliseront quatre-vingt-dix investissements par an, soit beaucoup de petits tickets. En doublant leur nombre, nous lui accorderons un supplément de 400 millions d’euros d’investissement, ce qui fera passer le nombre de tickets à 150. Quand ses effectifs seront passés de quarante-quatre à quatre-vingts personnes toutes implantées en région, FSI Régions sera la plus grande structure française en equity dans les PME. Celle-ci a des concurrents, comme BNP Paribas Développement ou Crédit mutuel Arkéa. Le chiffre de 1 000 entreprises n’est pas considérable, mais il ne sera pas facile de trouver autant d’entreprises qui accepteront d’ouvrir leur capital. Il ne s’agit pas d’un problème de fonds, mais plutôt d’un problème culturel et conjoncturel. Le moral des patrons de PME n’est pas bon. La BPI devra jouer vis-à-vis d’eux un rôle de coaching et de parrainage, afin de les accompagner et de recréer la confiance.

Techniquement, le problème de la conditionnalité, qui aurait empêché la cession du CICE, a été évacué. Il s’agira donc d’un vrai Dailly fiscal, sous forme de transfert pur et simple de créance fiscale de la PME à OSÉO. Ce dispositif très puissant sera mis en place dès la publication de l’instruction fiscale. Il est dans l’intérêt du pays que tout le monde dise qu’il marchera. Et il marchera parce que les patrons de PME en ont besoin.

En faisant le tour des régions, je me rends compte qu’elles ne se ressemblent absolument pas. Nous ferons donc vingt-deux plans d’articulation BPI-conseils régionaux différents, selon qu’il existe ou non des fonds de garantie, d’innovation, ou d’investissement communs, ou que les régions bonifient déjà les crédits développement participatif d’OSÉO. Si certaines d’entre elles souhaitent partager avec nous un lieu d’accueil unique des entrepreneurs, nous accepterons, mais toutes ne sont pas sur cette ligne. Mon message est le suivant : la Caisse des dépôts a décidé de concentrer de l’argent, mais surtout de réunir les métiers d’art de la finance des entrepreneurs et des PME au sein de la BPI. Ce sont des métiers très raffinés et il faut des années avant de les maîtriser : on ne s’improvise pas investisseur ou banquier. Ce grand atelier de la finance des PME qu’est la BPI est à la disposition des régions. En fonction de ce qui nous sera demandé, nous ferons tantôt plus de garantie, tantôt plus d’innovation, tantôt plus de crédit mezzanine. Tous les présidents de région que je rencontre commencent l’entretien par : « Vous n’allez pas nous casser ce qui existe déjà… ». Tant mieux, cela signifie qu’il y a déjà du travail qui a été fait.

Sur l’export, nous allons suivre la recommandation de l’Inspection des finances et débloquer une ligne de refinancement de 1,5 milliard d’euros, pour les banques commerciales et mutualistes qui financent les PME et ETI exportatrices, à l’image de la KfW allemande. Il est aussi question que la couverture du crédit export des chantiers navals STX soit transférée à la BPI, mais les très grands contrats, du type nucléaire ou ferroviaire, continueront à nous échapper. Nous nous concentrerons sur les PME-ETI.

Toujours dans cette optique, nous allons accueillir dans nos locaux quarante délégués d’Ubifrance qui seront installés en région, de façon à les mettre au contact des PME, car nous avons en tête que la BPI doit être le grand réseau de distribution de tous les services financiers à destination des PME.

Mme Arlette Grosskost, membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts. Le problème réside dans l’organisation en région, dont vous avez déjà parlé. Le FSI Régions a été créé il y a plus d’un an, afin de se rapprocher des investisseurs locaux. Or, en pratique, il rencontre des difficultés. CDC Entreprises s’appuie aussi sur des équipes régionales pour exercer son activité de fonds de fonds. L’effet de levier entre fonds publics et fonds privés est assez efficient pour le moment. Mais ne craignez-vous pas d’instaurer la compétition entre équipes locales ? De surcroît, confirmez-vous que seront maintenues toutes les sociétés de gestion ? Et augmenterez-vous les effectifs de FSI Régions car le but me semble hors d’atteinte dans la configuration actuelle ?

À l’instar du président de la commission de surveillance de la CDC, mais davantage en proie au doute que lui, je me demande comment maintenir à long terme la cohérence du modèle prudentiel. Les comités régionaux ne risquent-ils pas d’utiliser les fonds de retournement à des fins autres que purement économiques ? Quelles précautions prendre ?

Comment mobiliser des créances fiscales qui ne sont ni certaines, ni exigibles ?

M. Marc Goua, membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts. Vos propos si conciliants avec les régions m’ont quelque peu inquiété, moi qui suis de ceux qui pensent que les entrepreneurs doivent entreprendre et les banquiers financer. Ne faudrait-il pas préciser qu’il y aura des différences entre les souhaits des comités d’orientation et la décision finale ?

M. Laurent Wauquiez. Monsieur Dufourcq, connaissez-vous l’article 13 alinéa 5 de la Constitution ? Votre nomination ne peut intervenir qu’après notre vote. Vous êtes en place depuis novembre et, indépendamment du fait que vous êtes sûrement quelqu’un de très bien, votre audition n’a rien de celle d’un candidat. Vous nous présentez non pas un projet, mais un rapport d’activité. Depuis que vous êtes en poste, vous n’avez pas pris, dans votre expression, la moindre précaution de langage. Vous n’avez même pas pris la peine d’introduire dans vos propos la moindre condition, du type « si vous validez ma candidature,… ». Vous nous avez déroulé votre discours, comme si vous étiez déjà directeur général ! Vous avez même donné aujourd'hui une interview dans Acteurs publics en vous présentant comme le futur directeur général de la Banque publique d’investissement !

Nous n’avons sans doute pas tous la même vision de ce que sont les pouvoirs du Parlement, et je m’étonne même que ceux qui, tel M. Emmanuelli, se montrent d’habitude si ombrageux sur le sujet, n’y trouvent rien à redire. Vous n’êtes pas encore directeur général, monsieur Dufourcq, et je suis extrêmement choqué du mépris complet que vous affichez vis-à-vis des prérogatives du Parlement !

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Wauquiez, il y a tout de même une différence par rapport aux autres projets de nomination que nous avons eus à examiner : M. Dufourcq s’est vu confier une mission de préfiguration dès le mois d’octobre. Je me souviens avoir interrogé M. Moscovici sur une déclaration de M. Dufourcq dans laquelle il expliquait que la structure de garantie indirecte compliquerait le modèle et qu’il vaudrait mieux remonter OSÉO au niveau de la structure faîtière, ce qui prouve le rôle éminent qu’il a joué. En revanche, pour les autres cas, les choses se présentaient différemment.

Cela étant, sur le seul plan juridique, il est d’usage de prendre des précautions oratoires, ce qui n’a pas été fait, sinon dans la phrase introductive de M. Dufourcq.

M. Guillaume Bachelay. En commission, nous ne sommes pas en meeting et la modération est de mise. Il y va de l’image du Parlement. Ensuite, M. Dufourcq était préfigurateur et, si, aujourd'hui, il ne se comportait pas comme tel, le même M. Wauquiez le lui reprocherait !

M. le président Gilles Carrez. Il s’agit là d’un procès d’intention !

M. Guillaume Bachelay. On aurait aimé que M. Wauquiez se soit investi avec la même énergie dans le travail en commission sur la banque publique d’investissement et dans nos débats dans l’hémicycle. Mais il avait, à l’époque, autre chose à faire !

Mme Annick Girardin. Moi qui suis arrivée à l’heure, je vous assure, monsieur Wauquiez, que les premières phrases de notre invité étaient tout à fait prudentes.

Vous avez fait le constat, monsieur Dufourcq, de la richesse de certaines régions et, a contrario, de la pauvreté de certaines autres où, à mon sens, la BPI devrait être plus présente. Qu’en sera-t-il ?

Le Premier ministre et le ministre de l’outre-mer ont annoncé que des guichets uniques seraient également ouverts dans les DOM-TOM, qui n’échappent pas non plus à la crise économique. Y avez-vous réfléchi ou en avez-vous discuté avec eux ?

M. Thierry Mandon. Comment allez-vous aborder la question de la vitesse d’instruction des dossiers ?

Dans le domaine de l’innovation de rupture, l’investissement en fonds propres est une activité très risquée, alors même que les sommes en jeu dépassent parfois 10 millions d’euros. Comment appréhendez-vous ce secteur ?

Vous avez souligné que, dans plusieurs régions, beaucoup de choses existaient déjà. Envisagez-vous d’évaluer les dispositifs existants et vos propres interventions ? Et comment ?

M. Jean-François Lamour. Si M. Dufourcq avait été auditionné au moment de sa nomination en tant que préfigurateur, nous ne nous trouverions pas devant ce qui ressemble bien à un fait accompli, avec le risque d’affaiblir encore les pouvoirs du Parlement. Il y a donc un problème de méthode.

Lors de la campagne, nous avions fait le choix d’une banque de l’industrie s’appuyant sur OSÉO. Le Gouvernement en a décidé autrement. Nous jugerons au résultat opérationnel. Monsieur Dufourcq, puisque votre préfiguration est très avancée, dites-nous comment vous allez réagir aux pressions des régions qui feront partie du conseil d’orientation. Comment éviter l’écueil du saupoudrage ?

Nous avons compris que la BPI serait une banque offensive, et non défensive. Et la pression risque de venir non plus seulement des régions, mais du Gouvernement qui voudra venir en aide à des entreprises en grande difficulté. Monsieur le futur directeur général, qu’est-ce qui différencie une entreprise en quasi-faillite d’une entreprise qui mérite d’être renflouée ?

Il est tout de même paradoxal que le Gouvernement aide d’une main les entreprises au moyen de la BPI et, de l’autre, plombe les ETI, qui emploient 23 % des salariés, en abaissant de 500 millions d’euros à 250 millions de chiffre d’affaires le seuil de versement du dernier acompte d’impôt sur les sociétés et en en modifiant les modalités de calcul.

Mme Sandrine Mazetier. Je rappelle, à toutes fins utiles, que la BPI et les modalités de désignation de son dirigeant ont fait l’objet d’un vote unanime de notre assemblée, révélant par là même le degré d’exigence et d’ambition de la représentation nationale. Le consensus portait à la fois sur l’organisation et sur le champ d’intervention de la BPI qui couvre les TPE, vous avez omis de le dire, monsieur Dufourcq. Nous veillerons donc à ce que les plus prometteuses d’entre elles aient accès à vos financements.

Dans l’attente de la réforme, certains projets instruits par OSÉO et par le FSI ont été en quelque sorte suspendus. Je suis donc très pressée que la direction de la BPI soit désignée officiellement car il faut mettre un terme aux manœuvres dilatoires qui ont empêché certaines PME d’obtenir rapidement leurs financements.

J’ai bien compris que vous interviendrez en cofinancement, mais j’espère bien que vous serez les premiers à vous démarquer du conformisme bancaire qui pénalise notre tissu industriel, et que vous saurez fédérer autour de vous les sources de financement.

Enfin, la propriété des entreprises. Certaines PME très innovantes n’ont d’autre choix, pour garder leurs meilleurs collaborateurs, que d’en faire des actionnaires, prenant ainsi le risque d’une dilution de leur capital. Comment sortir de ce dilemme, crucial pour l’innovation ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Je vous renvoie à l’interview de Nicolas Dufourcq dans laquelle il déclare que la mission de préfiguration est terminée et que les établissements existants ne sont pas entravés dans leur travail.

Après vos propos, je suis partagé car, en Rhône-Alpes, j’ai monté trois fonds d’investissement dont j’imagine mal qu’ils puissent être fusionnés immédiatement car ils répondent à des besoins différents : l’un favorise la reprise des entreprises par leurs salariés, le deuxième la création d’entreprises, et le troisième le financement du développement.

À ce stade, je voudrais rassurer mes collègues. Au niveau régional, les élus n’interviennent pas en permanence dans les décisions d’investissement des fonds. Les règles prudentielles s’appliquent à tous, et, à moins d’être totalement irresponsable, on s’abstient de faire des investissements hasardeux. Les fonds de retournement n’existent pas en France.

Vous avez cité, monsieur Dufourcq, la banque allemande KfW, détenue à 80 % par l’Etat fédéral et à 20 % par les Länder. C’est grâce à ce type d’investisseur public que l’industrie allemande se porte aussi bien. Elle va par exemple investir 100 milliards d’euros dans la transition énergétique et c’est la banque publique quasiment la mieux notée au monde. Elle représente pour nous un horizon. L’objectif est peut-être lointain, mais il devrait faire consensus. Ce modèle mérite d’être développé et décliné efficacement au niveau des territoires pour ne pas brider les plus performants, ni ne rien faire pour les autres.

Il n’a pas été fait mention de l’économie sociale et solidaire, essentielle même si elle est oubliée depuis longtemps des circuits de financement traditionnels. Elle n’entre certes pas dans le champ de la BPI mais vous sera-t-il possible un jour d’intervenir ?

Mme Valérie Rabault. Monsieur Dufourcq, les entreprises, notamment les PME, nous font part de leurs difficultés à obtenir du crédit à court terme. Pour le préfinancement du CICE, 500 millions d’euros ont été annoncés. Je voudrais connaître le calendrier car les encours de crédits de trésorerie ont baissé, au détriment surtout des petites et très petites entreprises.

Les groupes bancaires se retirent de secteurs tels que la restauration, compromettant la reprise d’affaires dans les territoires ruraux. Ainsi, les dossiers de financement des rachats de fonds de commerce valant entre 100 000 et 150 000 euros sont refusés. OSÉO est saisi. Envisagez-vous de retenir une approche sectorielle ?

Sur un plan purement pratique, quand saura-t-on qui contacter dans les régions ? Cela nous permettrait d’orienter tout de suite les entreprises vers les plates-formes régionales.

M. Alain Rodet. Monsieur le futur directeur général, vous visez apparemment les entreprises à fort potentiel d’innovation ou de développement. Quel accueil réserverez-vous à celles qui présentent un fort coefficient de main-d’œuvre, comme le cuir, le textile ou le bâtiment ?

Quel sera le profil de ceux qui composeront vos équipes ? Combien d’ingénieurs, de managers, de financiers,… ?

M. Michel Pajon. Vous avez déclaré, monsieur Dufourcq, être favorable à la création de fonds régionaux de retournement, que la BPI pourrait cofinancer, pour venir en aide aux entreprises non éligibles aux concours de la BPI mais qui seraient importantes pour le tissu économique local. Quels seraient les avantages de tels fonds, par rapport aux fonds de consolidation et de développement des entreprises – FCDE – ? Auraient-ils vocation à s’y substituer ? Quelle serait leur gouvernance ?

M. Olivier Dassault. Le 10 janvier, sur RTL, vous avez déclaré que l’année 2013 serait difficile, mais que tout deviendrait possible en 2014, et que vous vous proposiez de « terrasser le dragon de l’amertume » qui sévit en France. C’est une belle formule et je voudrais que vous me confortiez dans cette détermination.

Les régions, avez-vous dit, auront un rôle déterminant à jouer. On se souvient des errements des sociétés de développement régional dans les années 1990, et des expériences douloureuses des banques publiques. Comment éviter la politisation des décisions au niveau régional ? Et comment prévenir toute interférence des régions dans les décisions d’investissement ? C’est un point sur lequel j’ai besoin d’être rassuré. Nous garantissez-vous que ce nouveau guichet unique de financement sera bien au service de l’innovation et des filières d’avenir, et ne subventionnera pas pour des raisons politiques des secteurs condamnés ?

M. Pascal Terrasse. La plupart des investissements futurs prendront la forme de partenariats public-privé – PPP –, en particulier dans le secteur hospitalier. Dans quelle mesure la BPI interviendra-t-elle dans ce type d’opération ?

M. Claude Goasguen. Monsieur Dufourcq, appartenez-vous à un quelconque parti politique ?

M. Nicolas Dufourcq. Comme tout le monde s’intéresse à la BPI, je consacre 40 % de mon temps à expliquer ce que je fais des 60 % qui restent. Je n’arrête pas de préfigurer… Il est possible que des articles de presse relatent que le « directeur général de la BPI, Nicolas Dufourcq,… », je n’y suis pour rien. M. Apathie, sur RTL, a précisé que j’étais préfigurateur, et Michel Field, sur LCI, a pris la précaution de dire : « si vous êtes confirmé par les commissions parlementaires,… ». Dans mon intervention liminaire, je l’ai dit, mais je ne peux pas le répéter à chaque phrase.

Je n’appartiens pas à un parti politique. Cela fait vingt ans que je fais du business. J’ai créé cinq PME entre vingt et un et vingt-six ans, j’ai perdu beaucoup d’argent. Ma profession, c’est chef d’entreprise. Dans ma première intervention publique, j’ai affirmé que la BPI serait une banque ni politique, ni idéologique. Les choses sont claires.

Pour le reste, s’agissant du CICE, dès que nous aurons l’instruction fiscale, les chefs d’entreprise pourront demander à l’antenne régionale d’OSÉO une avance de trésorerie. Elle sera calculée au mois le mois sur la masse salariale puisque le CICE correspond à 4 % de la masse salariale – 6 % l’année prochaine. Nous échelonnerons les avances, en accompagnant le versement des salaires de la PME.

Les vingt-deux comités régionaux d’orientation comprenant chacun vingt-cinq personnes, cela signifie qu’il y aura près de 600 personnes pour orienter la BPI. Pour que ces instances soient productives, je recommande au président de conseil régional d’en faire une sorte de comité de place réunissant tous ceux qu’animent l’intérêt général et le souci d’aider les PME françaises, un comité de « niaque » où se traitent les vrais sujets. Il serait vain de se couvrir une fois de plus la tête de cendres.

Dans les DOM, c’est l’Agence française de développement qui distribue nos produits et, pour l’instant, il n’est pas prévu de changer. Les TOM, eux, ne sont pas en zone euro, et nous n’y sommes pas présents. Peut-être y a-t-il là une faille.

Monsieur Mandon, la vitesse d’instruction des dossiers est une donnée fondamentale. La culture OSÉO en la matière, c’est l’extrême rapidité : cinq jours pour une garantie, quinze pour un crédit. Ces délais sont intenables dans l’activité fonds propres, mais, ceux de FSI Régions, certes pour de petits tickets, sont très inférieurs à ceux de la profession. C’est une machine à traiter les fonds propres particulièrement efficace : en 2012, quatre-vingt-cinq dossiers traités et quinze réalisations. On peut toujours demander d’accélérer les délais mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit de sujets compliqués. En tout état de cause, on ne doit pas mettre six mois à dire non.

S’agissant des actions en faveur des entreprises en difficulté et de retournement, elles s’inscrivent dans une réalité. La nation nous confie 20 milliards d’euros d’épargne qu’il a fallu des dizaines d’années pour accumuler. À la fin de mon mandat, il faudra que je vous les rende, c’est un minimum. Donc, les entreprises en difficulté structurelle sur des marchés en décroissance, ce n’est pas pour la BPI. Elle doit se réserver pour les autres, celles qui ont une taille significative, sont sur un marché en croissance, mais qui font une crise d’adolescence, ou ont connu un problème transitoire. C’est ce qu’on appelle le retournement : nous y serons, mais pas seuls. Nous mettrons un ticket de 15 % si, d’aventure, l’entreprise trouve un investisseur pour la reprendre.

En ce qui concerne les fonds de retournement destinés aux petites PME, le privé n’y va pas. Et pour cause : on y perd 90 % de sa mise. C’est le segment le plus dangereux de la profession. Si la BPI doit faire du retournement, je le dis tout net : il nous faut une enveloppe spécifique, prise ailleurs que sur nos fonds propres. Si vous décidez de nous donner 400 millions d’euros par exemple, il faut que tout le monde sache que, probablement, nous n’en rendront que 100. C’est la règle.

Les TPE sont au centre de notre stratégie. Les 500 millions d’euros de facilité de trésorerie mis en place par OSÉO depuis début janvier profitent à 80 % aux TPE. Le préfinancement CICE bénéficiera également aux TPE auxquelles sera dédié un petit fonds de garantie.

La KfW est un modèle pour nous, mais nous ne lui ressemblerons pas complètement : elle fait pour le moment exclusivement du refinancement bancaire, même si elle va lancer une activité de crédit direct sur Internet. Ce qu’il faut retenir, c’est que cet établissement est profilé pour maintenir sa réputation inaltérable parce qu’il se finance sur les marchés. Il doit en être de même pour la BPI qui est amenée à se refinancer de plus en plus sur les marchés obligataires mondiaux, d’où l’importance vitale du modèle prudentiel.

Madame Rabault, aidez-nous à faire savoir partout que la facilité est en place et que nous attendons les clients.

En revanche, une organisation par secteur est inenvisageable parce qu’elle serait trop coûteuse. Nous nous efforçons donc de mettre en place une organisation par métier, selon un schéma matriciel transversal, qui mette en relations les spécialistes entre eux.

En ce qui concerne les filières, mon expérience m’a appris qu’il y a toujours une excellente entreprise, deux ou trois bonnes, et beaucoup de moyennes. Le rôle de la BPI n’est pas de saupoudrer ses concours sur les plus nombreuses. Elle doit au contraire concentrer ses efforts sur la très bonne qui va consolider les autres. Pour moi, les fonds filières sont des fonds champions. On doit trouver le champion, celui qui sera au rendez-vous France 2030.

Le FCDE existe, il a été créé par la Médiation du crédit avec un apport de 49 % de la BPI et de 51 % du privé. Il fonctionne correctement puisqu’il est intervenu dans une dizaine d’opérations, mais il est un peu insuffisant à l’échelle des problèmes, d’où mes déclarations sur les fonds régionaux de retournement.

Monsieur Dassault, si j’ai parlé du dragon de l’amertume, c’est parce que nos clients ne nous demandent pas assez de crédits ou de fonds propres. Tous les dispositifs sont en place, l’argent est là, les hommes aussi, la signature d’OSÉO sur les marchés est excellente et le crédit n’est pas cher. Il ne manque que l’appétit des chefs d’entreprise. Que peut faire la BPI ? Exercer un magistère de la parole – qui n’est ni politique ni idéologique – en direction des entrepreneurs, pour les inciter y venir chez elle.

Quant aux PPP, ils sont du ressort exclusif de la Caisse des dépôts et consignations. La répartition des tâches est très claire entre les deux opérateurs.

Je vous remercie de votre attention.

La Commission procède ensuite au vote à bulletins secrets.

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Information relative à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de Mme Karine Berger, rapporteure du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires (n° 566).

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 23 janvier 2013 à 9 h 45

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. François Baroin, M. Laurent Baumel, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Xavier Breton, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, Mme Carole Delga, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Christian Estrosi, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Jean-Louis Gagnaire, Mme Annick Girardin, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, M. Thomas Thévenoud, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Jean-Marie Beffara, M. Christophe Castaner, M. Jean-Louis Dumont, M. Marc Francina, M. Jean-Claude Fruteau, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Pecresse, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

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