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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 13 mars 2013

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 74

Co-Présidence de M. Gilles Carrez, Président et de Mme Catherine Lemorton, Présidente de la commission des Affaires sociales

–  Audition publique, conjointe avec la commission des Affaires sociales, de Mme Marguerite Bérard-Andrieu, préalable à sa nomination au Haut Conseil des finances publiques par le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition publique, conjointement avec la commission des Affaires sociales, Mme Marguerite Bérard-Andrieu, préalablement à sa nomination au Haut Conseil des finances publiques par le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

M. le président Gilles Carrez. La loi organique du 17 décembre 2012, qui prévoit le vote de lois de programmation pluriannuelle des finances publiques, a créé un Haut conseil des finances publiques – HCFP – qui sera présidé par le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, et comportera en outre dix membres. Quatre d’entre eux seront des magistrats de la Cour des comptes et les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat, des deux commissions des Finances du Parlement et du Conseil économique, social et environnemental – CESE – doivent en nommer chacun un autre ; s’y ajoutera, conformément à la volonté des deux commissions des Finances du Parlement, le directeur général de l’INSEE, ès qualités. La loi organique dispose en outre que les quatre membres désignés par les autorités parlementaires seront « nommés après audition publique conjointe de la commission des Finances et de la commission des Affaires sociales de l'assemblée concernée » : d’où la présente audition.

À la demande d’une de nos collègues, Mme Karine Berger, nous avons adopté un dispositif complexe qui vise à assurer une stricte parité dans ces nominations confiées au Parlement. Un décret en Conseil d’État organise ainsi un processus de tirage au sort. Ce dernier m’a été très favorable puisque le président de l’Assemblée nationale s’étant vu contraint de nommer un homme, j’ai eu la grande satisfaction d’avoir à désigner une femme ; mon choix s’est porté sur Mme Marguerite Bérard-Andrieu.

Le HCFP devra apprécier – sous forme d’avis certes, mais cet avis comptera – les hypothèses macroéconomiques et les prévisions de croissance, et il aura également, exercice complexe, à évaluer le solde structurel : toutes tâches que la commission des Finances souhaitait depuis longtemps voir confier à un organisme indépendant du Gouvernement. Surtout, il aura à porter un jugement sur les prévisions de recettes et de dépenses consolidées, cela dans l’ensemble du champ des finances publiques et, dans cette perspective, il m’est apparu indispensable d’assurer au Haut conseil une expertise opérationnelle des comptes sociaux. En effet, ceux-ci pèsent pour près de la moitié au sein des comptes publics et constituent le poste qui a connu la plus forte croissance au cours des dernières décennies. De surcroît, il est extrêmement difficile d’établir dans ce domaine des prévisions de dépenses, particulièrement lorsque celles-ci résultent de la création d’une nouvelle prestation ou de réformes : ainsi le coût de la mesure relative aux carrières longues, intégrée à la réforme des retraites de 2003, s’est révélé très supérieur aux estimations réalisées à l’époque, mais on pourrait faire le même constat à propos de la prestation d’accueil du jeune enfant – PAJE – ou de l’allocation personnalisée d’autonomie – APA. Sachant que nous allons être bientôt saisis d’une réforme de la prise en charge de la dépendance, nous devons tout faire pour essayer d’améliorer cette capacité d’évaluation des dépenses sociales. C’est aussi cette considération qui m’a incité à nommer Mme Bérard-Andrieu, en raison des compétences qu’elle a acquises dans ce secteur, en sus de ses compétences générales d’inspectrice des finances.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les finances sociales occupent en effet une place prépondérante dans l’ensemble des finances publiques. Nous sommes tous attachés à notre système de protection sociale, dont nous voyons bien qu’il sert d’amortisseur en période de crise. Le modèle allemand, que l’on nous a présenté comme idéal au Parlement européen il y a quelques mois, devient financièrement déficitaire si l’on prend en compte les dépenses nécessaires pour réduire l’écart des taux de pauvreté existant entre nos deux pays : sur la base de la définition européenne qui fixe le seuil de pauvreté à 964 euros de revenu mensuel, ce taux en Allemagne est en effet supérieur de près de trois points à ce qu’il est en France.

Mais préserver ce système protecteur nous impose un devoir de bonne gestion : il faut employer au mieux les crédits qui lui sont alloués – sans pour autant considérer les bénéficiaires d’allocations sociales comme des fraudeurs : se trouver dans la pauvreté ne résulte pas d’un choix et les trois millions de chômeurs de catégorie A n’ont pas décidé de ne pas travailler.

Mme Bérard-Andrieu ayant occupé plusieurs fonctions dans ce champ qui intéresse directement notre commission des Affaires sociales – directrice de cabinet de M. Xavier Bertrand, conseillère chargée des questions d’emploi et de protection sociale auprès de la présidence de la République –, elle peut contribuer à cette conservation. En tout état de cause, nous serons appelés à nous revoir, madame !

M. le président Gilles Carrez. Je précise que MM. Claude Bartolone, Jean-Pierre Bel, Philippe Marini et Jean-Paul Delevoye ont nommé respectivement au Haut conseil M. Jean Pisani-Ferry – que nous entendrons en fin d’après-midi –, M. Michel Aglietta, Mme Mathilde Lemoine et M. Philippe Dessertine.

Mme Marguerite Bérard-Andrieu. J’occupe actuellement les fonctions de directrice générale adjointe du groupe Banques populaires-Caisses d’épargne – BPCE –, chargée de la stratégie, du secrétariat général, des affaires juridiques et de la conformité. Mais j’ai débuté ma vie professionnelle à l’inspection générale des finances, en 2004, participant à différentes missions dans le champ des finances publiques et, plus particulièrement, dans celui des finances sociales : évaluation de la mise en place de la tarification à l’activité dans les hôpitaux, rapprochement des procédures entre lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, études sur la fiscalité et la dépense locales. J’ai rejoint en mai 2007 la présidence de la République en tant que conseillère technique – puis conseillère – sur les questions d’emploi et de protection sociale. À ce titre, j’ai eu l’occasion de contribuer à l’élaboration des projets de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – et à des réformes structurelles, comme celle des retraites. De novembre 2010 à mai 2012, j’ai dirigé le cabinet de M. Xavier Bertrand, alors ministre du Travail, de l’emploi et de la santé, ce qui m’a conduit, là encore, à m’occuper du pilotage des dépenses sociales, notamment de santé et de retraite.

Je serai très heureuse de participer aux travaux du HCFP et chercherai à lui apporter la contribution d’une ex-praticienne. J’ai en effet pu mesurer la difficulté à laquelle est confronté un gouvernement lors de l’exercice budgétaire, à la fois entreprise de prévision et acte politique puisque les mesures que comporte la loi de finances et les prévisions sur lesquelles elle repose rétroagissent sur les anticipations des agents économiques et donc sur leur comportement.

Je suis également totalement convaincue de la pertinence de la loi organique du 17 décembre dernier, car l’avis public d’un organisme indépendant sur les hypothèses macroéconomiques et sur les efforts réalisés en dépenses et en recettes participe d’une démarche vertueuse, propre à conférer de la crédibilité à ces exercices.

Mon regard d’ancienne praticienne peut être un apport pour le HCFP, car on a parfois tendance à négliger la sphère sociale qui, au sens large, représente pourtant la majeure part des dépenses publiques et plus de 30 % du PIB. Beaucoup de progrès ont certes été réalisés dans le pilotage des dépenses relevant du champ des lois de financement de la sécurité sociale, en particulier dans le pilotage des dépenses d’assurance maladie, mais cet effort de discipline est plus récent que celui qui s’est appliqué aux dépenses de l’État. Pour mémoire, à l’exception de sa première année – 1997 –, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM – n’a été respecté ou sous-exécuté qu’à trois reprises –  au cours des trois derniers exercices –, même si le pilotage s’est progressivement amélioré, le dépassement moyen tombant de 2,5 milliards d’euros par an entre 1998 et 2002 à 300 millions d’euros par an entre 2008 et 2012.

Je ne travaille plus dans la sphère publique aujourd’hui, mais je pense que cela peut contribuer à l’indépendance requise des membres du HCFP. Soyez en tout cas assurés qu’en me présentant devant vous, mesdames et messieurs les députés, je mesure pleinement les obligations qui s’attachent à cette fonction, en particulier les exigences de confidentialité et d’absence d’expression divergente par rapport à l’avis émis par le Haut conseil et, plus généralement, le devoir de réserve.

M. Pierre-Alain Muet. Le décret qui a permis la parité dans les nominations au HCFP a également favorisé la diversité dans le recrutement de ses membres. M. Jean Pisani-Ferry est un spécialiste de macroéconomie alors que vous êtes, madame Bérard-Andrieu, plus particulièrement compétente en matière de finances sociales.

Comment envisagez-vous la fonction de membre du HCFP ? De quelle manière cette institution peut-elle, selon vous, contribuer à améliorer le pilotage des finances publiques ? Quelle pourra être votre valeur ajoutée en son sein ? Quel regard portez-vous sur les prévisions macroéconomiques sachant que vous travaillez actuellement dans un établissement financier disposant d’un service chargé d’en élaborer ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur Muet, le décret a prescrit la parité, et non la diversité ! Cette dernière s’est donc imposée d’elle-même, même si le fait que le HCFP comporte dix membres y a aidé.

Vous avez souligné, madame Bérard-Andrieu, que vous ne travailliez plus dans le secteur public. J’apprécie beaucoup cela, car nous devons cesser de ne nommer que des spécialistes recrutés dans cette sphère. La richesse de votre expérience professionnelle garantira au HCFP l’apport d’une approche singulière de praticienne, qui me semble positive a priori.

À l’occasion du vote de la loi de programmation triennale des finances publiques, le groupe UMP avait dénoncé le manque de crédibilité de la prévision de croissance du Gouvernement, de 0,8 % du PIB pour 2013 et, surtout, de 2 % pour 2014. Comment peut-on imaginer un assainissement des finances publiques dans la situation que nous connaissons ?

Comment allons-nous réussir à ce qu’un jour les dépenses d’assurance maladie respectent l’ONDAM ?

M. Pascal Terrasse. Madame Bérard-Andrieu, ne pensez-vous pas que le HCFP fera doublon avec le Haut conseil de financement de la protection sociale, qui élabore une trajectoire à long terme devant servir à l’élaboration des lois de programmation pluriannuelle ? Et je ne parle pas du Conseil d’analyse économique – CAE– ainsi que de la pléthore d’autres conseils d’experts dont notre pays dispose !

Même si cette position ne fait pas l’unanimité, je souhaiterais que la présente législature soit l’occasion d’un rapprochement progressif entre projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale. Les seconds représentent en effet une masse financière qui excède de beaucoup celle des premiers et c’est à leur propos que se posent les problèmes de déficit structurel les plus aigus. Quel serait votre avis sur une telle évolution ?

Mme Marguerite Bérard-Andrieu. La mission confiée au HCFP n’est en aucune manière de se prononcer en opportunité sur les mesures qui lui sont présentées. Son rôle consiste, à partir de prévisions économiques qui lui sont soumises et d’un certain nombre de mesures en dépenses et en recettes qui viennent documenter un solde structurel, à évaluer la crédibilité des trajectoires de finances publiques, ainsi que leur cohérence par rapport aux lois de programmation et aux engagements européens.

La valeur ajoutée que j’espère apporter au Haut conseil réside dans mon expérience de l’élaboration des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Je sais comment l’administration travaille et établit un tendanciel, et je connais également les tentations de normer les prévisions et de documenter plus ou moins précisément les hypothèses en dépenses et en recettes. Je ne prétends pas être macroéconomiste mais j’apporterai, je le répète, le regard d’une praticienne des comptes sociaux – sans pour autant négliger les comptes de l’État.

Quant aux prévisions macroéconomiques, j’en suis utilisatrice puisque, comme vous l’avez dit, monsieur Muet, la BPCE dispose, comme tous les autres grands établissements financiers, de services dédiés à ce genre d’analyses – je précise qu’ils ne sont pas placés sous mon autorité et que je ne dépends pas d’eux. Notre groupe bancaire est le deuxième sur le marché national – 25 % de nos dépôts et crédits sont effectués en France. En observant l’activité de nos clients, nous disposons d’indicateurs à l’instant T sur la consommation, sur la politique d’investissement des entreprises ou sur les variables de la croissance. Nous contribuons ainsi, par l’intermédiaire de Natixis et de M. Patrick Artus, et comme d’autres institutions, à l’élaboration du « consensus forecast », mais ces prévisions ne me lient en aucune manière. D’autres membres du Haut conseil seront d’ailleurs plus à même que moi de porter des jugements macroéconomiques. Je peux en revanche porter un regard différent sur la documentation des dépenses et des recettes.

La question du respect de l’ONDAM rejoint celle d’un éventuel rapprochement entre élaboration de la loi de finances et élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale. L’ONDAM, institué en 1996, a pour spécificité, comme son nom l’indique – objectif national des dépenses d'assurance maladie –, d’être non une norme de dépense, mais un objectif. Son pilotage a fait l’objet de grands progrès, notamment grâce au comité d’alerte de l’ONDAM, une instance légère de trois membres : un économiste – actuellement M. Michel Didier –, le directeur général de l’INSEE – M. Jean-Luc Tavernier – et le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale – M. François Monier. Le comité a tout d’abord pour mission, durant l’exercice, de lancer publiquement l’alerte en cas de risque de dépassement de 0,5 % ou plus, ce qui est très contraignant pour un gouvernement. En effet, le caractère déplaisant d’une telle éventualité, notamment au cours du premier semestre, conduit les administrations à se mettre dans la situation de respecter l’objectif. À cette fin, un comité de pilotage de l’ONDAM se réunit mensuellement sous la présidence des ministres concernés en vue de vérifier que l’exécution est conforme à la programmation. De plus, comme dans le cadre du budget de l’État, des crédits, à hauteur de 500 ou 600 millions d’euros, sont mis en réserve en début d’année : ils ne sont dégelés qu’en cours d’exercice. Il faut se rappeler que l’ONDAM a été dépassé de 4 milliards d’euros en 2002 et de 3 milliards en 2007 : c’est grâce à de tels mécanismes, qui obligent chaque administration à intérioriser la contrainte, que son pilotage a pu ensuite être amélioré.

Depuis la loi de financement de 2011, le comité d’alerte doit également donner son avis sur la crédibilité de la construction de l’ONDAM avant que le PLFSS ne soit examiné par le Parlement. Cette disposition est vertueuse car elle permet de mieux documenter les dépenses envisagées.

Je suis d’accord avec vous, monsieur Terrasse : la liste des conseils de toutes sortes est déjà très fournie. Toutefois, la création du Haut conseil des finances publiques répond à une exigence acceptée par l’ensemble des États européens dans le cadre du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – TSCG – signé en 2012 : l’examen de leurs prévisions en dépenses et en recettes par un organisme indépendant.

Il est assurément souhaitable que ce Haut conseil demeure une structure légère puisque sa mission, comme je l’ai dit, n’est que d’apprécier la crédibilité macroéconomique des hypothèses qui lui sont présentées en matière de recettes comme de dépenses. Le rôle d’un organisme comme le Haut conseil du financement de la protection sociale est plus large : réfléchir à l’équilibre de notre protection sociale et conseiller le Gouvernement et le Parlement en la matière. Le Haut conseil des finances publiques ne remplira pas un tel rôle et le risque de doublon est donc limité.

M. Charles de Courson. Le Haut conseil aura-t-il les moyens de remplir sa mission ? Du reste, quels doivent-ils être à vos yeux ?

Il existe des problèmes d’articulation, voire d’incohérence, entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale : le Haut conseil pourrait-il y remédier et dans quelle mesure ?

D’aucuns prétendent qu’il n’est pas possible d’instituer une limitation des dépenses sociales. C’est à tort selon moi : rien n’interdit de prévoir le déclenchement automatique de dispositifs de non-réévaluation ou de réévaluation partielle en cas de dérive des dépenses. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, votre parcours vous conduira-t-il à faire preuve d’indulgence ou de sévérité à l’égard des prévisions des gouvernements successifs ?

Mme Marguerite Bérard-Andrieu. Je ne puis vous donner d’indications sur les moyens dont disposera le Haut conseil : celui-ci ne tiendra sa première réunion, sous la présidence du Premier président de la Cour des comptes, que le jeudi 21 mars et c’est alors que cette question pourra être évoquée.

La valeur ajoutée de cet organisme résidera à coup sûr dans la qualité des questions qu’il pourra poser et dans la manière qu’il aura d’amener le Gouvernement à mieux documenter ses prévisions et à étayer solidement ses mesures, en dépenses comme en recettes. La loi organique que vous avez votée donne également au Haut conseil la possibilité d’auditionner des personnalités extérieures à l’administration dont il souhaitera connaître l’avis, afin de croiser les regards. C’est ainsi que, pour asseoir la documentation des hypothèses de croissance de la masse salariale, dont l’impact sur les dépenses sociales est important puisque cette croissance détermine celle des cotisations, les prévisions de l’Unedic sur l’évolution tant de la masse salariale privée que du chômage seront particulièrement intéressantes à connaître. Ces auditions seront d’autant plus nécessaires que le Haut conseil ne pourra pas toujours disposer d’études sur l’impact des différentes mesures budgétaires, ces études n’étant pas forcément disponibles à temps.

Outre le fait que le dispositif « carrières longues », inclus dans la réforme des retraites de 2003, avait probablement été décidé sans aucune étude préalable, a joué dans la sous-estimation de son coût l’ignorance où l’on était du nombre de trimestres susceptibles d’ouvrir des droits supplémentaires dans ce cadre. En effet, les intéressés eux-mêmes ne s’étaient pas préoccupés de les valider tant qu’ils n’étaient pas pris en compte pour leur retraite. Il faut aussi avoir en mémoire le caractère incertain des informations susceptibles d’être fournies par la CNAV sur des carrières qui avaient débuté au début des années 1960. Cet exemple illustre la difficulté des exercices de prévision lors de la création d’un dispositif, surtout si celui-ci rétroagit en modifiant le comportement des acteurs. Toute évaluation du coût d’un nouveau dispositif doit donc tenir compte de ses éventuels effets rétroactifs ou de son éventuelle déformation au fil du temps.

Nous sommes, monsieur de Courson, capables de piloter correctement les dépenses sociales – la maîtrise de l’ONDAM le prouve – même en l’absence d’un cadre limitatif de dépenses. L’État lui-même doit faire face à de nombreuses dépenses dites « de guichet » sans que cela soit un obstacle à l’établissement d’une norme de dépenses. Pour maîtriser un budget, il faut, d’une part, procéder aux prévisions les plus affinées possibles et, d’autre part, placer des crédits en réserve, dans le cadre d’un pilotage mensuel des dépenses. Il faut enfin assurer l’exécution la plus proche possible des prévisions contenues dans les lois de finances ou de financement.

Quant à mon expérience passée, elle me permet comme je l’ai dit de mesurer la difficulté de l’exercice budgétaire tout en étant lucide sur les tentations auxquelles il expose. Par exemple je sais que, lors de la construction de l’ONDAM, le calibrage du tendanciel joue sur le volume des économies affichées.

M. le président Gilles Carrez. Je souhaiterais, madame, que vous reveniez sur la question du rapprochement des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, d’autant que l’actuel Premier président de la Cour des comptes a, lorsqu’il était député, rédigé avec M. Alain Lambert un rapport où il préconisait la fusion de l’examen des deux premières parties – c'est-à-dire de l’examen des recettes.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, telle est la question que je souhaitais également poser à Mme Bérard-Andrieu : j’aimerais en effet que le PLFSS s’inspire davantage, au moins dans sa présentation, de l’esprit de la LOLF.

Le Haut conseil aura-t-il pour principale vocation d’apprécier les hypothèses de croissance, comme vous l’avez dit, ou de veiller au respect de la trajectoire du solde structurel, comme je l’avais compris ? Que pensez-vous d’une lecture souple du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en matière de respect des contraintes budgétaires visant à éviter une dérive de cette trajectoire ?

Mme Marguerite Bérard-Andrieu. Je peux avoir un avis personnel sur la question du rapprochement de l’examen des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, mais le Haut conseil des finances publiques n’aura pas à se prononcer sur le sujet.

Du reste, au fil des années, les procédures d’examen de ces deux textes se sont rapprochées, notamment en raison de l’adoption, en 2005, de la LOLFSS. Nous avons connu, de plus, l’examen et l’adoption d’une LFSS rectificative : c’est une innovation.

Surtout, l’existence d’un ministère chargé de l’ensemble des comptes publics permet au Gouvernement de consacrer plus de temps aux vrais sujets et de délaisser des questions comme celle des compensations entre finances de l’État et financement de la sécurité sociale, qui n’ont guère d’intérêt, se résumant à de petites batailles de frontières.

Certes, fusionner l’examen des premières parties du PLF et du PLFSS aurait des avantages, ne serait-ce que celui de faire gagner du temps, mais les dépenses doivent, elles, impérativement faire l’objet d’examens séparés car les deux exercices sont de natures différentes. Et, en tout état de cause, il est essentiel de conserver un regard couvrant l’ensemble des administrations publiques.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je ne suis pas certaine, monsieur Terrasse, qu’une fusion de l’examen des parties recettes du PLF et du PLFSS soit une bonne idée car le financement de la sécurité sociale est hybride – cotisations sociales et CSG.

M. Charles de Courson. Le budget de l’État comprend lui aussi des cotisations sociales implicites.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le financement de la sécurité sociale a un caractère bien spécifique. Je ne suis pas favorable à la fusion, même du seul examen des recettes.

Quant aux redondances, elles seront sans doute inévitables entre le Haut conseil des finances publiques et, par exemple, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie
– HCAAM –, dont je suis membre, mais je tiens à souligner que la diversité des horizons d’où sont issus les membres de ce dernier ne leur interdit pas, loin de là, de travailler efficacement ensemble.

Je tiens enfin à m’élever contre toute approche purement comptable de la question du dépassement de l’ONDAM : la politique sociale relève de l’humain. Certes, pour respecter cet objectif, il suffirait de fermer des hôpitaux ou d’interdire à des patients de se soigner – ainsi geler le financement de missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation – MIGAC –se traduit par autant de renoncements aux soins ! Mais le comité d’alerte n’a-t-il pas déjà pour mission de s’émouvoir d’un dépassement constaté au premier semestre ? Ce qui, par parenthèse, pourrait aussi faire double emploi avec la tâche impartie au Haut conseil des finances publiques…

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie, madame Bérard-Andrieu, et vous souhaite de bien travailler sous l’autorité du Premier président Didier Migaud à compter du 21 mars.

La diversité des nominations au Haut conseil sera pour celui-ci un atout : je m’en réjouis.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 13 mars 2013 à 14 heures

Présents. - M. François Baroin, M. Laurent Baumel, M. Étienne Blanc, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Pierre-Alain Muet, Mme Valérie Rabault, M. Thierry Robert, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, M. Michel Vergnier

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Pascal Cherki, Mme Annick Girardin, M. Jérôme Lambert, Mme Valérie Pecresse, Mme Monique Rabin, M. Nicolas Sansu

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