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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 17 avril 2013

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 81

Présidence de M. Gilles Carrez, Président puis de Mme Valérie Rabault, Vice-présidente

–  Audition de M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances, et M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances, chargé du budget, sur le projet de programme de stabilité et de croissance 2013-2017 et examen d’un rapport d’information sur le programme de stabilité et de croissance présenté par le Gouvernement pour les années 2013 à 2017 (M. Christian Eckert, Rapporteur général)

–  Présences en réunion

La Commission entend M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances, et M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances, chargé du Budget, sur le projet de programme de stabilité et de croissance 2013-2017.

M. le président Gilles Carrez. Nous accueillons M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances, et M. Bernard Cazeneuve, ministre chargé du budget, pour débattre du projet de programmation des finances publiques pour la période 2013-2017 – dit programme de stabilité –, qui, assorti d’un programme national de réformes – PNR –, fera l’objet, mardi 23 avril, d’une déclaration du Gouvernement en séance publique, suivie d’un vote, avant d’être transmis à la Commission européenne.

Je tiens à saluer la présence parmi nous de Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des Affaires européennes ; j’avais également proposé à Mme Élisabeth Guigou d’assister à cette audition, mais son agenda ne le lui permettait pas.

Le ministre du Budget nous a confirmé que le déficit budgétaire pour 2012 sera plus élevé que prévu : il devrait atteindre 4,8 points et non 4,5 points de PIB. Par ailleurs, l’objectif de déficit public pour 2013 n’est plus fixé à 3 points de PIB, mais à 3,7 points.

Hier, le président du Haut Conseil des finances publiques – HCFP – a exposé devant la Commission les méthodes de travail de cet organisme et a commenté l’avis public qu’il a rendu concernant les hypothèses macroéconomiques associées au programme de stabilité que vous allez nous présenter. Il en est ressorti que le HCFP, s’il ne considère pas comme irréalistes les hypothèses retenues par le Gouvernement sur la période, relève un certain nombre d’aléas et de fragilités qui affectent le scénario retenu. Au terme de son analyse, les risques baissiers s’avèrent plus importants que les risques à la hausse.

Il relève également que, si les prévisions de la Commission européenne présentées en février sont analogues à celles du Gouvernement, elles reposent sur des scénarios très différents et le Haut Conseil juge optimistes les perspectives retenues par le Gouvernement.

Quant aux dernières prévisions du FMI, elles sont plus faibles que celles du Gouvernement, puisque le FMI prévoit une légère récession de 0,1 % en 2013 et une croissance de 0,9 % en 2014, alors que le Gouvernement table sur une augmentation du PIB de 0,1 % en 2013 et de 1,2 % en 2014.

Les prévisions macroéconomiques et la programmation budgétaire relèvent d’un art difficile. Bien que les prévisions doivent contenir une dimension de volontarisme et d’optimisme, le Gouvernement n’a-t-il pas retenu des hypothèses insuffisamment prudentes ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances. Les programmes de stabilité et de réforme décrivent la stratégie économique du Gouvernement, les prévisions macroéconomiques qu’il a élaborées et la trajectoire des finances publiques. Ils revêtent une importance et une portée symbolique égales à celles d’un projet de loi de finances, même si leur nature diffère. C’est donc avec solennité et avec la conscience des responsabilités qui nous incombent que M. Bernard Cazeneuve et moi-même présentons à la commission des Finances ces premiers programmes de la législature.

Le Président de la République a récemment rappelé les grandes orientations de la politique suivie par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault : le redressement de l’économie du pays autour d’une approche équilibrée conciliant la remise en ordre des finances publiques, les réformes ambitieuses de notre économie et la recherche active de la croissance. Nous traçons ce sillon depuis notre arrivée aux responsabilités, équipés d’une boussole – la justice – et ne perdant pas de vue la ligne d’horizon représentée par l’inversion de la courbe du chômage.

Le programme de stabilité et le PNR s’inscrivent dans un contexte difficile. En 2012, la France a souffert d’un endettement supplémentaire – le ratio de la dette rapportée à la richesse nationale a augmenté de vingt points en l’espace de peu d’années –, d’un déficit structurel élevé et d’un déficit nominal supérieur à 5 % du PIB sans les mesures d’ajustement prises à l’été 2012. Souffrant de lourdes faiblesses structurelles, notre pays a connu, au cours de la période 2007-2011, une croissance nulle en moyenne annuelle et une forte augmentation du chômage. Le rapport Gallois avait également mis en évidence le grand affaiblissement de la compétitivité de notre économie dans les dix dernières années, qui s’est traduit par le développement d’un fort déficit commercial – encore supérieur à 65 milliards d’euros en 2012. Nous menons des efforts de redressement de long terme pour faire face à cette situation.

En outre, la zone euro se trouve confrontée à une crise sans précédent. Nous avons apporté des réponses adaptées à chacun des pays qui ont dû faire face à de forts déséquilibres financiers. Néanmoins, la zone n’a pas encore retrouvé la croissance et subit même, depuis la fin de l’année 2012, une dégradation de sa situation économique ; ainsi, la Commission européenne prévoit que la zone euro restera en récession – de l’ordre de 0,3 point de PIB – en 2013, sachant que le chômage touche près de 19 millions de personnes en Europe.

Le programme de stabilité illustre le sens de notre action, visant à conduire des réformes pour le redressement économique du pays. En France et en Europe, on débat du rythme et de l’ampleur de la réduction des déficits au regard de la croissance. Pouvons-nous redresser l’économie sans assainir les finances publiques ? D’autres choix sont-ils envisageables ? Il y a toujours des alternatives en économie, car toutes les décisions résultent d’arbitrages, mais il nous paraît impossible de laisser dériver les comptes publics, car l’excès d’endettement pèserait sur les générations futures et le coût de la dette se renchérirait – alors que la France emprunte à un taux d’intérêt à dix ans qui ne dépasse pas 1,8 %, record historique qui allège le service de la dette et favorise le financement des entreprises. Nous partageons tous le constat selon lequel un pays qui s’endette est un pays qui s’appauvrit et qui s’affaiblit. Or la France souffre d’un endettement public excessif – supérieur à 90 % du PIB – qui ne doit plus s’accroître.

La vraie question ne concerne donc pas la nécessité du redressement des finances publiques, mais son rythme et son équilibre par rapport à la croissance. Depuis l’élection de François Hollande, la France porte ce sujet avec force dans l’ensemble des forums de coopération économique internationale ; à l’échelle européenne, nous plaidons depuis mai 2012 pour un rééquilibrage des politiques en faveur de la croissance, notamment auprès de notre partenaire allemand – notre relation avec l’Allemagne constituant un moteur puissant dans la zone euro –, dont la solidité des finances publiques devrait l’inciter à dynamiser davantage son économie. Nos idées progressent dans les enceintes du G7, du G20, du FMI, de l’OCDE où nous défendons l’importance des politiques de relance de la croissance, mais notre voix sera d’autant plus entendue que nous serons crédibles et forts. Le programme de stabilité et le PNR ont précisément pour objet de définir cette politique conciliant soutien à la croissance et remise en ordre des comptes. Nous devons trouver le bon rythme pour que le nécessaire assainissement ne bride pas les moteurs de l’activité.

Afin de peser dans le débat européen, nous devons conduire – à notre façon et sans reniement – les réformes qui sont attendues de nous. C’est dans cet esprit que nous avons élaboré le pacte de compétitivité et le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, et nous devons poursuivre cette politique de réforme pour nous renforcer et peser davantage sur la scène internationale.

Nos prévisions de croissance pour les années 2013 et 2014 – progression du PIB de 0,1 % et de 1,2 % – sont identiques à celles de la Commission européenne. Nous tablons sur une croissance annuelle de 2 % entre 2015 et 2017, niveau qui ne nous permettrait d’ailleurs pas de rattraper la diminution de notre croissance potentielle enregistrée ces dernières années. Le HCFP – nouvelle instance de notre cadre rénové de gouvernance des finances publiques – estime que le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement est entouré d’aléas – certains à la baisse, d’autres à la hausse. Je confirme devant la Commission les prévisions de croissance du programme de stabilité. Compte tenu de l’ampleur des réformes engagées, il serait inopportun de se fixer un objectif de croissance plus prudent, comme vous l’évoquez, monsieur le Président, et de prendre par exemple en compte la prévision du FMI – qui pense que la France connaîtra une récession de 0,1 % cette année ; cela conduirait en outre à programmer un ajustement excessif pour ramener le déficit sous la barre de 3 % du PIB en 2014. Nos hypothèses reposent sur la conviction du redémarrage progressif de l’économie européenne – puisque la plus grande part de l’effort a déjà été effectuée dans de nombreux pays – et sur celle de l’impact des réformes que nous avons menées – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) de 20 milliards d’euros, la réforme du financement de l’économie, les mesures volontaristes pour l’emploi, le plan d’urgence en faveur du logement, l’action pour l’investissement des collectivités locales, la création de la Banque publique d’investissement (BPI).

Le programme de stabilité et le PNR portent des réformes nécessaires pour renouer avec une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire. Ils s’orientent autour de trois axes.

Le premier concerne la compétitivité. Beaucoup a été fait en onze mois et l’année en cours sera consacrée à la mise en œuvre et à l’approfondissement des mesures prises. Le CICE traduit la réorientation de notre système fiscal vers l’encouragement de la compétitivité et de l’innovation ; nous incitons les entreprises à se saisir de ce dispositif déjà opérationnel et dont la montée en puissance va se poursuivre – notamment grâce à son préfinancement par le système bancaire pour les PME. La nouvelle fiscalité des dividendes et l’extension du crédit impôt recherche constituent d’autres mesures favorables à l’investissement.

Dans le cadre des assises de l’entrepreneuriat, d’autres décisions seront arrêtées. La création de la BPI, la loi bancaire, le plan trésorerie et le soutien à l’investissement des collectivités locales ont remis le secteur financier au service de l’investissement des PME, des PMI et des ETI. Pour la prochaine étape de la réforme du financement de l’économie, nous mobiliserons le rapport de Mme Karine Berger et de M. Dominique Lefebvre pour utiliser plus efficacement l’épargne abondante des Français.

Plusieurs réformes dans les secteurs des services, de l’énergie et du logement visent également à soutenir notre compétitivité ; je présenterai ainsi début mai avec Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, un projet de loi sur la consommation qui renforcera les droits des consommateurs et luttera contre les rentes injustifiées. Une réforme ferroviaire sera élaborée prochainement. Enfin, le Président de la République nous a demandé de conduire un choc de simplification. Toutes ces initiatives tendent à restaurer la compétitivité de notre tissu productif.

Le deuxième axe vise à préparer l’avenir en structurant notre économie autour de filières industrielles clefs et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d’investissements ciblés. Un fonds multisectoriel, doté de 590 millions d’euros et placé au sein de la BPI, appuie les filières prioritaires. Nous développons également une stratégie d’investissement de long terme dans les secteurs cruciaux du logement, de la rénovation thermique et du numérique, notamment.

Le troisième axe englobe la politique de lutte contre le chômage et la précarité avec le plein déploiement des mesures déjà adoptées, comme la réforme du marché du travail.

Au total, nous souhaitons mettre en œuvre ces réformes dans les prochains mois avec le concours de la représentation nationale, afin de stimuler la croissance, objectif principal de notre action.

Trois temps scandent notre stratégie de redressement des comptes publics. Le premier couvre 2013 où nous ajusterons le rythme d’assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance. Le deuxième s’ouvrira en 2014 où nous approfondirons notre effort structurel pour atteindre nos objectifs de déficit. Enfin, à partir de 2015, nous commencerons à réduire la part de l’endettement dans le PIB afin de progresser vers l’équilibre structurel grâce à la montée en puissance des économies en dépenses.

Il ne s’agit pas, comme l’a rappelé le Président de la République, d’une politique d’austérité, mais d’une politique sérieuse et juste, car nous sommes revenus sur notre objectif – voté par le Parlement dans la loi de programmation des finances publiques – de 3 % de déficit en 2013 du fait de la détérioration du contexte économique européen : le maintenir nous aurait conduits à précipiter l’entrée de la France en récession avec des conséquences sur les entreprises et sur l’emploi. Nous avons donc élaboré une nouvelle prévision de déficit
– identique à celle de la Commission européenne et située à 3,7 % du PIB. Il n’y aura pas d’effort d’ajustement budgétaire supplémentaire – et pas de collectif budgétaire – en 2013 afin de ne pas peser sur la croissance.

En 2014, nous réduirons le déficit à 2,9 %, grâce à un effort structurel de 1 point de PIB, obtenu notamment par la modernisation de l’action publique – MAP –, qui nous permettra de respecter nos engagements européens sans briser l’activité. Au-delà de 2014, nous maintenons le cap de l’équilibre structurel pour l’atteindre en 2017.

En 2013, deux tiers des efforts d’assainissement proviennent de la fiscalité et un tiers seulement des dépenses ; cette proportion sera inversée à partir de 2014, l’objectif étant de stabiliser le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB en 2015, avant de le faire diminuer en 2016 et 2017. Le rythme de progression de la dépense publique n’atteindra que 0,5 % et sera donc divisé par quatre par rapport à celui de la dernière décennie ; le poids de la dépense publique dans le PIB sera réduit de trois points de PIB au cours du quinquennat – soit plus de 60 milliards d’euros – grâce à la montée en puissance de la MAP qui dégagera des économies pérennes. Enfin, tous les acteurs publics contribueront à l’effort de redressement des comptes : ainsi, les dépenses de l’État – hors dette et pensions – baisseront de 1,5 milliard d’euros en 2014 et les concours financiers aux collectivités locales diminueront de 1,5 milliard d’euros en 2014 et de 3 milliards d’euros en 2015.

Le programme de stabilité et le PNR représentent l’occasion de valider nos orientations responsables et équilibrées de politique économique. Le Gouvernement entend associer crédibilité et ambition en adoptant un rythme de consolidation budgétaire qui ne pénalise pas la croissance, en mettant en œuvre les réformes qui préparent l’avenir, qui permettent de réorienter la construction européenne et qui donnent plus de poids à la France. Nous refusons l’austérité que les Français ne veulent pas, mais nous opérons des choix sérieux et responsables, ambitieux et réalistes. Je souhaite donc que votre Commission, avant l’Assemblée nationale dans son ensemble le 23 avril, soutienne ces programmes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je publierai un rapport sur le programme de stabilité et le PNR à la fin de cette semaine, afin de contribuer à nourrir le débat en séance publique le 23 avril.

La réduction du déficit structurel constitue la référence au regard de laquelle on doit estimer l’ampleur de l’assainissement des finances publiques. De ce point de vue, il est impossible de reprocher une quelconque inaction au Gouvernement, puisque le déficit structurel aurait diminué de 1,4 point de PIB en 2012 et devrait baisser de 1,9 point en 2013 et de 1 point en 2014. Cet effort en 2014 est le double de celui qui avait été prévu dans la loi de programmation. Le rythme d’amélioration des finances publiques connaît donc une accélération. Entre 2011 et 2014, le déficit structurel passera de près de 5 % à 1 % du PIB. Après l’adoption des textes financiers de cet automne, l’essentiel du redressement budgétaire aura été accompli. La dégradation du déficit nominal en 2013 serait essentiellement due à la conjoncture et il est de bonne méthode – comme le promeut l’OCDE – de ne pas réagir aux effets de la conjoncture sur le déficit public, afin de préserver la croissance et d’éviter un cercle vicieux conduisant à accumuler des mesures d’économies qui pèseraient à leur tour sur l’activité.

Les prélèvements obligatoires devraient augmenter légèrement, contrairement à ce que la loi de programmation prévoyait. Il convient de relativiser cette hausse, car elle concerne avant tout les dépenses fiscales dont le montant en valeur doit être gelé au cours de la législature. Cet accroissement – de l’ordre de 0,3 % en 2014 – s’avère nettement inférieur à ce qu’il a pu être dans le passé, notamment en 2011.

Plus important, le Gouvernement entend faire porter l’essentiel de l’assainissement budgétaire sur les dépenses d’ici à 2017. Ainsi, en 2014, 70 % de l’effort se concentrera sur les dépenses publiques. Outre les mesures déjà prévues en loi de programmation des finances publiques – gel en volume et en valeur des dépenses de l’État, plafonnement des taxes affectées aux opérateurs, réduction de 750 millions d’euros des concours aux collectivités locales –, le Gouvernement propose d’accroître ce mouvement en abaissant de 1,5 milliard d’euros les dépenses de l’État – hors dette et pensions – afin de réduire de moitié le rythme de progression de la dépense publique entre 2013 et 2014. Néanmoins, cette politique ne remettra pas en cause les priorités du Gouvernement en faveur de l’emploi, de l’école et de la justice. À partir de 2015, tout le poids de l’effort de réduction du déficit structurel reposera sur les dépenses avec l’objectif – difficile à atteindre – de réaliser 10 milliards d’euros d’économies en moyenne annuelle.

Dans le scénario du Gouvernement, la dette publique atteindra 93,6 % du PIB en 2013, puis un pic à 94,3 % en 2014, avant de se replier jusqu’à 88,2 % à la fin de 2017. Sans les mesures d’ajustement, notre taux d’endettement dépasserait 100 % du PIB très prochainement, ce qui nous exposerait à une hausse des taux d’intérêt.

Au-delà de ce propos liminaire, je souhaite vous poser quelques questions.

Messieurs les ministres, quelle forme prendra la décélération des dépenses des collectivités locales – qui ne doivent progresser que de 0,2 % en 2014 après avoir crû de 1,3 % en 2013 ? En effet, la réduction de 1,5 milliard d’euros des concours de l’État ne peut expliquer à elle seule cette diminution de la croissance des dépenses locales.

Monsieur le ministre de l’Économie et des finances, vous proposez de repousser à 2014 le retour du déficit public sous la barre des 3 % du PIB : réussirez-vous à faire accepter ce report à la Commission européenne ?

Selon le programme de stabilité, les recettes nouvelles n’assureront plus que 30 % de l’effort structurel en 2014. Quels prélèvements obligatoires seront augmentés ?

L’évolution prévue de la dette publique est-elle compatible avec le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), qui enjoint une réduction annuelle de un vingtième de l’écart au seuil de 60 % du ratio dette sur PIB ?

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des Affaires européennes. Vue de la commission des Affaires européennes, cette audition constitue une deuxième étape du dispositif de suivi du semestre européen, qui doit être mis en œuvre de manière d’autant plus rigoureuse que les mécanismes européens de surveillance budgétaire et macroéconomique viennent d’être renforcés par l’adoption du « Two-Pack », qui prévoit que la Commission européenne donne un avis sur le projet de budget annuel.

Le projet de loi de finances pour 2013 avait déjà pris en compte les orientations budgétaires européennes et cette audition fait suite à l’adoption il y a un mois, à l’initiative des deux commissions des Affaires européennes et des Finances, d’une résolution sur les orientations européennes de politique économique. Une troisième étape de ce processus de suivi portera sur les recommandations formulées par la Commission européenne sur les programmes de stabilité et de réforme. M. Maroš
Šefčovič, vice-président de la Commission européenne, participera à notre réunion prévue sur ce sujet le 26 juin prochain.

Je sais qu’il vous tient à cœur, messieurs les ministres, de maintenir l’équilibre délicat entre bonne gestion, impératif de solidarité et préparation de l’avenir. Le conseil européen des 14 et 15 mars 2013 a rappelé la nécessité de satisfaire les besoins d’investissement d’avenir, tout en garantissant la discipline budgétaire dans le cadre d’un volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. Il a également insisté sur la question de l’emploi, notamment celui des jeunes auquel la présidence irlandaise attache une grande importance.

La Commission européenne privilégie un scénario économique pessimiste à ce stade. Comment le Gouvernement compte-t-il concilier les investissements nécessaires à la réindustrialisation, à l’adaptation au changement climatique et à l’innovation avec la réalisation d’économies épargnant nos concitoyens les plus fragiles ? Messieurs les ministres, sortons-nous de la logique d’austérité que le Président de la République avait portée dès l’été dernier et qui se trouve aujourd’hui contestée par le FMI, mais également par la BCE ?

S’agissant des nouvelles recettes nécessaires au redressement budgétaire, n’y aurait-il pas de piste à creuser sur la fiscalité environnementale ? La commission des Affaires européennes va d’ailleurs se pencher sur la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Plus largement, pourrait-on redéfinir les critères de bonne gestion afin d’exclure du calcul des déficits les investissements nationaux ou transnationaux positifs – par exemple dans les biens communs comme le réseau ferroviaire ?

M. le ministre de l’Économie et des finances. Monsieur le Rapporteur général, la négociation avec la Commission européenne a déjà débuté, puisque, le 12 avril, j’ai rencontré à ce sujet M. Olli Rehn, commissaire aux affaires économiques et monétaires. La Commission joue son rôle de gardienne des textes et souhaiterait que la France consente un effort plus important de réduction de son déficit à partir de 2014, afin qu’il se situe autour de 2,5 % du PIB. J’ai expliqué à M. Rehn que l’essentiel résidait dans l’effort structurel et dans le niveau de la dépense publique, que nous ne voulions pas casser la croissance, que nous refusions l’austérité et que nous défendions une politique sérieuse, calée sur un rythme soutenable de réduction des déficits.

Cette négociation ne sera pas facile, car la Commission nous demandera de documenter l’ensemble des éléments du programme de stabilité – y compris pour l’année 2013, bien que le débat sur la situation de nos finances publiques soit moins vif – et parce qu’elle se montrera exigeante sur les réformes structurelles – nous en faisons d’ailleurs, comme l’atteste ce programme de stabilité. Je veux croire que la Commission européenne sera soucieuse de permettre à la France – deuxième économie de la zone euro – de conserver un taux de croissance qui soit suffisant et qui valide ses propres prévisions.

J’ai également rencontré M. Wolfgang Schäuble, ministre des Finances allemand, pour lui dire qu’il était de l’intérêt de l’Allemagne que la France soit forte pour relancer la construction européenne. Ce programme de stabilité sera transmis à la Commission européenne le 30 avril ; celle-ci ajustera ses prévisions de croissance début mai et émettra des recommandations à la fin du mois de mai avant l’adoption des programmes de stabilité nationaux au Conseil européen des 27 et 28 juin.

Le règlement sur le volet correctif du pacte budgétaire – modifié dans le cadre du « Six-Pack » – prévoit une réduction du ratio d’endettement de un vingtième par an pendant trois ans. Compte tenu du niveau de dette publique en France, il faudrait une baisse moyenne de 1,5 point de PIB pour respecter ce critère. La décrue moyenne annuelle entre fin 2014 et fin 2017 sera de l’ordre de deux points, si bien que nous respecterons cette obligation dans la période 2015-2017.

Le taux de prélèvements obligatoires progresse de 0,3 % de PIB entre 2013 et 2014, soit 6 milliards d’euros. Il n’y aura pas d’augmentation générale des impôts d’État sur les ménages en 2014, hors la refonte des taux de TVA – déjà votée par l’Assemblée nationale – pour financer le CICE. S’agissant des taux de TVA, nous serons attentifs aux propositions que pourra avancer la commission des Finances, car je confirme que nous souhaitons respecter le travail du Parlement.

Madame la présidente, nous sommes préoccupés par les politiques d’austérité à l’échelle européenne ; ce n’est pas l’orientation que suit la France et le Président de la République a proposé, dès son premier conseil européen, un pacte de croissance ciblé sur l’investissement. Nous posons la question du rythme de consolidation budgétaire au regard de nos capacités de croissance, et souhaitons qu’émerge une approche plus coopérative entre les pays qui disposent d’excédents et ceux qui souffrent de déficits. La réorientation de la construction européenne reste insuffisante, mais elle progresse et la France ne réussira à la promouvoir davantage que si sa politique budgétaire est jugée crédible.

Le Gouvernement est ouvert à la discussion avec la représentation nationale sur la fiscalité écologique – à condition que le taux de prélèvements obligatoires reste inchangé.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le Rapporteur général, dans les économies programmées pour l’année 2014, 1,5 milliard d’euros concerneront les collectivités territoriales, mais l’évolution des dépenses des collectivités territoriales tient également au cycle électoral qui explique que le niveau d’investissement sera significatif en 2013 et en repli à partir de 2014.

En 2014, deux tiers de l’effort structurel proviendront d’économies en dépenses et un tiers, soit 6 milliards d’euros, résultera de mesures fiscales. Celles-ci ont déjà été engagées pour partie, notamment avec l’augmentation des cotisations sociales résultant de l’accord sur les retraites complémentaires. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, nous avions prévu certaines recettes fiscales qui ne pourront être perçues ; ainsi, l’imposition à 75 % des revenus supérieurs à 1 million d’euros par an a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel et certains prélèvements auront un produit inférieur, parfois de moitié, aux prévisions – je pense notamment à la taxe sur les transactions financières. Grâce à la nouvelle taxe de 75 % sur les rémunérations très élevées et à d’autres mesures, nous souhaitons récupérer ce manque de recettes en 2014.

Nous avons engagé une lutte déterminée contre la fraude fiscale, qui a déjà donné des résultats en 2012, puisque les recettes résultant de cet engagement ont crû de près de 11 % et ont atteint 18 milliards d’euros – 14,3 milliards d’euros de droits et 3,7 milliards d’euros de pénalités –, dont 6 milliards d’euros qui proviennent de la traque de la fraude fiscale de grande ampleur. Nous entendons intensifier cette politique et en escomptons des recettes importantes. Nous souhaitons également limiter les niches sociales et fiscales.

Au total, l’effort en recettes ne provient pas de contributions supplémentaires des citoyens.

En 2012, la dette s’est élevée à 90,2 % du PIB et devra atteindre 88,2 % en 2017 ; le TSCG dispose que la dette doit baisser de un vingtième de l’écart au seuil de 60 % par an, au cours des trois années suivant la sortie de la procédure de déficit excessif. Les chiffres d’évolution de la dette entre 2012 et 2016 montrent que nous remplirons cette obligation.

Mme Karine Berger. Ce programme de stabilité essaie de concilier le retour de la croissance économique à court et à long termes avec le rétablissement des finances publiques.

Monsieur le Président, nous n’avons pas retenu les mêmes éléments de la position du HCFP. Le HCFP a avant tout souligné que toute prévision de croissance comportait des incertitudes. Parmi celles-ci, le niveau du déficit structurel peut faire l’objet de débats, davantage liés à la théorie économique qu’à la statistique.

Messieurs les ministres, les deux objectifs de finances publiques sont-ils bien de retrouver le plus rapidement possible un niveau de dette et de déficit – inférieur à 3 % du PIB – publics soutenables, et de ramener le déficit structurel à 0,5 % du PIB – niveau correspondant à nos engagements européens – voire en dessous de ce seuil ? Si ces cibles sont atteintes plus rapidement que prévu, pourriez-vous modifier l’équilibre entre la lutte pour le redressement des finances publiques et la stimulation de la croissance ?

Le PNR décrit les réformes mises en œuvre au cours des neuf derniers mois, mais il ne mentionne l’évaluation de leur impact que pour une seule d’entre elles, le CICE, dont l’appréciation dépend de l’école de pensée économique à laquelle on se rattache. Le PNR ne fait ainsi aucun état de l’évaluation des emplois d’avenir, des contrats de génération, de l’évolution du SMIC et des trente-quatre autres mesures du pacte de compétitivité. Disposez-vous d’éléments permettant d’estimer tout ce que ces réformes de fond, de soutien à l’offre et à la demande apporteront à notre économie en 2013 et en 2014 ?

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, vous avez affirmé qu’il n’était pas possible de redresser l’économie si les finances publiques n’étaient pas assainies. Nous sommes d’accord avec vous, mais votre effort s’avère d’une ampleur insuffisante et il ne bénéficie pas du plein soutien de votre majorité. Il sera d’ailleurs intéressant d’entendre votre réponse à l’intervention de Mme Berger qui vous incite, une fois atteint l’objectif de 0,5 % de déficit structurel – concept intéressant, mais ambigu et périlleux –, à faire une pause dans l’effort. Le déficit structurel n’efface pas les déficits qu’il faut payer, car ils engagent une dette supplémentaire. Nous nous inscrivons dans une démarche opposée à celle de Mme Berger, mais nous attendons votre réponse avec impatience.

Madame Auroi, nous nous opposons aux velléités constantes de changer les règles du jeu : sortir l’investissement du calcul du déficit dans le secteur ferroviaire, dans la défense ou dans l’enseignement supérieur, c’est risquer d’ôter toute pertinence aux chiffres.

Les réformes nécessaires au retour de la croissance ont-elles réellement été engagées ? Le FMI signale que notre pays souffre d’un déficit de confiance et indique que 2013 sera la première année de récession depuis 2009. Le FMI et le HCFP constatent que vous anticipez une baisse du taux d’épargne. Monsieur le ministre de l’Économie, une telle diminution est-elle compatible avec les grandes orientations de votre future réforme des retraites ? En effet, la logique de désindexation des pensions soutenue par le Gouvernement et par les partenaires sociaux ne pousse-t-elle pas au contraire à stimuler l’épargne en grevant la confiance ?

Le HCFP vous demande de documenter les effets du CICE. Dans quel délai répondrez-vous à cette exigence, et transmettrez-vous cette évaluation à la représentation nationale ?

Vous ne voulez pas présenter de collectif budgétaire en 2013, car cela vous gêne ; en outre, vous souhaitez demander davantage de temps à la Commission européenne pour atteindre votre objectif de réduction du déficit tout en affirmant que l’essentiel de l’effort a été engagé, ce qui est pour le moins contradictoire.

Sur la question des effectifs de la fonction publique, continuez-vous de penser qu’ils doivent rester stables, ou la lettre de cadrage du Premier ministre du 8 mars amorce-t-elle une petite évolution bienvenue en affirmant que, s’agissant des économies, « l’effort portera principalement sur les dépenses hors masse salariale » ?

Le programme de stabilité repose sur un accroissement des prélèvements obligatoires de 0,2 point de PIB, soit 4 milliards d’euros en 2014. Mais le CICE comporte un solde s’élevant également à 4 milliards d’euros. Les impôts conçus uniquement pour 2013 – représentant 6 milliards d’euros – ne doivent pas non plus être omis, car, si leur disparition n’était pas compensée par des impôts nouveaux, les prélèvements obligatoires n’augmenteraient pas de 0,2 point de PIB, mais diminueraient. Bref, j’arrive à 14 milliards d’euros d’impôts supplémentaires.

Quelle sera la part de la cession d’actifs de l’État dans la réduction de la dette en 2014 et au cours des années suivantes ?

Enfin, chacun aura noté que ce programme de stabilité consacre l’abandon de votre engagement de retour à l’équilibre des finances publiques en 2017.

M. Charles de Courson. Messieurs les ministres, le HCFP écrit qu’un « léger recul du PIB en 2013 et une croissance sensiblement inférieure à 1,2 % en 2014 ne peuvent pas être exclus », preuve de la surévaluation de vos prévisions de croissance pour 2013 et 2014. À partir de 2015, vous prévoyez 2 % de croissance chaque année, alors que le HCFP est d’avis que « la prévision d’une croissance effective de 2 % par an dès l’année 2015 est incertaine ». En moyenne, les gouvernements ont surestimé les taux de croissance de l’ordre de 1 point depuis vingt ans, ce qui entraîne chaque fois un déficit plus élevé, car le réajustement des dépenses et des recettes prend du temps. Vous commettez donc la même erreur, que je dénonce depuis quinze ans, que je sois dans la majorité comme dans l’opposition. D’ailleurs, comment l’économie française retrouve-t-elle brutalement un chemin de croissance de 2 % en l’absence de tout facteur structurel explicatif ?

En 2013, vous nous avez expliqué que le solde budgétaire bénéficiait de 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires et de 10 milliards d’euros de dépenses en moins. Or le programme de stabilité fait apparaître des prévisions réévaluées pour 2013 : au lieu d’une diminution de 10 milliards d’euros, les dépenses augmenteront de 6 milliards d’euros et l’accroissement des prélèvements atteindra en fait 28 milliards d’euros – ce que n’a cessé de clamer l’opposition. La proportion de deux tiers d’effort en recettes et un tiers en dépenses ne correspond pas à la réalité, puisque l’ajustement en dépenses est nul.

Pour 2014, les recettes nouvelles ne s’élèvent pas à 4 milliards d’euros, comme vient de le dire notre collègue Hervé Mariton, mais à 14 milliards d’euros, si bien qu’il faudrait une réduction de 10 milliards d’euros de certaines recettes pour arriver à une hausse totale de 4 milliards d’euros. Quelles sont ces recettes qui diminuent ? S’agissant des dépenses, vous affichez une réduction de 10 milliards d’euros en 2014, de 18 milliards en 2015, de 16 milliards en 2016 et de 14 milliards en 2017. Rien que pour la modeste baisse de 10 milliards d’euros en 2014, quels postes de dépenses seront affectés ? En effet, le programme de stabilité prévoit une contraction des dépenses des collectivités locales de 1,5 milliard d’euros, un allègement de 1 milliard des allocations familiales, une diminution de 1 milliard des dépenses en faveur des entreprises – ce qui n’est pas cohérent avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi – et une réduction de 1 milliard d’euros des achats de l’État – vos prédécesseurs nous ayant tous promis de tels gains sur les achats sans jamais y parvenir, je puis vous assurer que vous gagnerez à peine 300 millions d’euros sur ce poste de dépenses : comment arrivez-vous à 10 milliards d’euros ?

M. Éric Alauzet. Comme M. Moscovici, nous sommes attachés à la résorption de la dette, pour nos enfants et petits-enfants. Mais, contrairement à ce qui est censé se passer, le creusement de la dette ne fait pas augmenter les taux d’intérêt, ce qui affaiblit notre argumentaire. Certes, les taux auxquels nous empruntons sont faibles, parce que d’autres pays vont encore moins bien que nous, et la machine implosera tôt ou tard. Mais quand ? Pour l’instant, cet état de fait perdure.

Atteindrons-nous l’objectif des 3 % ? Aucun d’entre nous n’en est certain et le passé n’est pas fait pour nous rassurer. Le problème principal est la dégradation de la confiance de nos concitoyens et des observateurs – plus que le rajustement, d’autant plus facilement envisageable qu’en effet la différence entre – 0,1 % et + 0,1 % est ténue : on est bien loin des erreurs d’appréciation commises auparavant, notamment pour 2012 où la marge d’erreur atteignait 0,7 point !

Cette situation entraîne une pression sur la dépense. Dès lors, une question se pose : à quel stade la baisse des dépenses devient-elle excessive ? Quel est le seuil en deçà duquel elle entraîne des effets délétères sur notre société ? L’opposition, qui considère que la baisse n’est jamais assez forte et qu’il suffirait de réduire le gaspillage pour résoudre le problème, nie l’existence d’un tel seuil. On constate déjà les conséquences néfastes de la diminution des dépenses qui financent nombre d’actions de l’État ; en particulier, les réductions de personnel placent nos administrations dans une situation très délicate, par exemple à l’Office national des forêts ou à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

En ce qui concerne les recettes, le débat sur le financement du CICE par la TVA – à 5 %, 10 % ou 20 % – n’est pas encore tranché. Pour notre part, nous l’avons beaucoup dit, nous nous inquiétons des effets de la hausse du taux réduit de TVA de 7 à 10 %, qui touche aux besoins primaires de nos concitoyens. Nous préférerions une augmentation du taux normal qui le porterait à 20 ou à 20,5 %. Le fait que l’opposition ait formulé la même proposition ne saurait m’empêcher de la défendre, à moins de m’enfermer dans une posture.

La fiscalité écologique devant elle aussi contribuer au financement du CICE et abonder certaines compensations, il n’en restera plus grand-chose pour mener des actions « écologiques ». Il est d’autant plus nécessaire d’en définir l’assiette de manière claire et cohérente : prenons garde aux exonérations qui risqueraient de brouiller le message.

Contraints sur les dépenses comme sur les recettes, nous devons donc trouver de nouvelles recettes. Je vous l’ai dit hier dans l’hémicycle, monsieur le ministre de l’Économie : à mon sens, c’est la lutte résolue, au niveau européen, contre la fraude et l’évasion fiscales qui devrait nous les apporter, nous permettant ainsi de rembourser la dette et de retrouver des marges de croissance et de développement.

M. Jean-François Lamour. Sur l’avis du Haut Conseil des finances publiques, je ne suis pas d’accord avec Mme Berger : les incertitudes ne portent que sur l’efficacité des mesures prévues ou sur les perspectives de réduction des dépenses, notamment du fait du taux de croissance. Pour 2014, comment pouvez-vous prétendre atteindre le taux de croissance de 1,2 % prévu par la Commission européenne alors que celle-ci évalue à 0,2 % la hausse de la dépense publique, que vous prévoyez quant à vous de réduire de 0,8 % ? Ce problème est posé dans l’analyse que vient de nous remettre M. Migaud. Selon vous, deux éléments compenseraient cet ajustement budgétaire : le CICE, peu documenté, comme l’a souligné M. Mariton, et un dynamisme réduit des importations. Pourriez-vous expliciter ce dernier point ?

Mme Valérie Rabault. Monsieur Lamour, il a été rappelé hier, lors de l’audition de M. Migaud, que le Haut Conseil avait souligné plusieurs risques, mais aussi étudié des scénarios de hausse.

Messieurs les ministres, vous montrez les effets positifs sur la France d’une reprise de la croissance à l’étranger. Comment intégrez-vous à vos calculs la reprise assez nette qui s’amorce aux États-Unis et en Asie ?

Mme Valérie Pécresse. Madame Rabault, j’ai sous les yeux l’avis du Haut Conseil, qui dit bien que le scénario gouvernemental est très différent de celui de la Commission puisque le déficit budgétaire se réduit dans le premier, mais s’accroît dans le second, et qui indique que « l’ampleur de l’ajustement budgétaire envisagé […] pèserait sur la croissance ». On verra si le Gouvernement a raison ; en tout cas, il ne saurait prétendre qu’il propose les mêmes perspectives que la Commission européenne. Le Haut Conseil parle de risque à la baisse, non de risque à la hausse.

Si la croissance n’est pas au rendez-vous, si elle ne dépasse pas 1,5 % au lieu d’atteindre 2 %, pouvez-vous confirmer que la dette du pays continuera d’augmenter jusqu’à la fin du quinquennat ?

Confirmez-vous les calculs d’Hervé Mariton et Charles de Courson qui additionnent 6 milliards d’euros destinés à stabiliser la pression fiscale, 4 qui vont l’accroître, 4 de fiscalité écologique et 6 de TVA, soit, au total, 20 milliards d’euros de nouveaux impôts en 2014 ?

S’agissant de la baisse des dépenses, le tableau qui nous est présenté a été légèrement maquillé pour rendre la mariée plus belle, selon les techniques dont Bercy a coutume et que nous connaissons tous ici. Ainsi le précédent quinquennat a-t-il été amputé de l’année 2012 et le quinquennat en cours prolongé jusqu’à la fin 2017, ce qui permet sans doute d’accentuer l’augmentation des dépenses sous le gouvernement précédent et leur baisse sous celui-ci. Vous ne nous reconnaissez donc même pas le vote du budget 2012, auquel nous avons pourtant beaucoup travaillé avec Gilles Carrez, notamment pour réduire la dépense. Ce n’est pas bien grave ; le problème, c’est que, lorsqu’on maquille la mariée pour la faire paraître plus belle, cela fait douter de son honnêteté.

Selon le document que vous nous avez transmis, « la dépense a été strictement tenue en 2012 : elle a évolué de 0,7 % en volume hors éléments exceptionnels ». Or les éléments exceptionnels sont toujours inclus dans les calculs de dépenses. Ils l’étaient en 2011. Pour mon information personnelle, j’aimerais connaître le montant des éléments exceptionnels qui ont fait déraper la dépense en 2012.

Dernière question : quand, en 2013, présenterez-vous un collectif budgétaire ? Le budget que vous êtes en train d’exécuter n’est plus sincère et vous procédez à ce que Jérôme Cahuzac appelait pudiquement un « surgel », c’est-à-dire à des annulations de crédits votés par le Parlement. La croissance ne sera pas de 0,8 % du PIB, mais de 0,1 %. Nous voulons que le Parlement puisse se prononcer sur les réductions de dépenses auxquelles vous allez procéder. Si vous ne le lui permettez pas, il y aura déni de démocratie !

Mme Arlette Grosskost. Messieurs les ministres, dans le document que vous nous présentez, vous affirmez que « les craintes sur la pérennité de l’euro se sont dissipées ». Pourtant, le spectre de la déflation plane sur la zone euro. Le taux de change faisait d’ailleurs partie des incertitudes soulignées hier par le Haut Conseil. Qu’en pensez-vous ? Qu’en est-il du maintien de nos coûts de production et des marges de nos entreprises, alors que le coût des matières premières et des produits importés augmente, ce qui risque de neutraliser les effets de vos mesures, notamment du CICE ?

M. Pascal Cherki. J’aimerais faire part ici d’un motif d’insatisfaction dont les ministres ne sont pas responsables. Vous avez raison, monsieur Moscovici, d’accorder à ces deux programmes la même importance qu’à un projet de loi de finances. Des deux documents de 83 et 84 pages que nous venons de recevoir dépend en effet la crédibilité de nos hypothèses de croissance. Cela justifierait que nous puissions en discuter. Ainsi, à la page 13 du Programme national de réforme, il est question, à propos de « réformes structurelles au service de la croissance potentielle pour soutenir le pouvoir d’achat et réduire les coûts des entreprises », d’un projet de loi sur la réforme ferroviaire destiné à moderniser le « cadre social » « afin de créer les conditions d’une concurrence équitable entre l’opérateur historique et les nouveaux entrants ». Le bilan à moyen et à long terme de la privatisation du rail sous Margaret Thatcher, la dégradation du réseau et la hausse des coûts qui se sont ensuivis invitent à s’interroger sur des affirmations aussi abruptes, qui appelleraient un débat plus approfondi.

Cette audition va déboucher sur une déclaration du Gouvernement relative au programme de stabilité, qui ne pourra donner lieu à aucun amendement, alors même qu’il détermine le respect par la France de ses engagements vis-à-vis de l’Union européenne. En d’autres termes, l’essentiel du travail est accompli indépendamment des représentants de la nation. Cette situation, dont nous héritons, devrait inciter le Gouvernement, qui réfléchit à la transparence et à la modernisation de nos institutions, à s’interroger sur notre équilibre institutionnel. Il y va de la crédibilité du politique : le Parlement doit pouvoir contrôler l’action du Gouvernement – quelque résolument qu’il le soutienne, comme le font les élus socialistes.

Au regard des prévisions de croissance, le rythme de la réduction – nécessaire – des déficits n’est-il pas un peu trop rapide pour ne pas compromettre une croissance fragile ? De ce point de vue, le chiffre de 2,9 % est-il le bon ?

M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur Moscovici, vous avez affirmé qu’un pays qui s’endette s’affaiblit et s’appauvrit. Je ne suis pas d’accord avec vous : la dette peut permettre à un pays de s’enrichir si elle ne résulte pas de dépenses de fonctionnement. Peu importe son montant : ce qui compte, c’est la capacité du débiteur à la rembourser. C’est justement celle-ci qui nous fait aujourd’hui défaut, parce que nous manquons d’investissements productifs. Peut-être devrions-nous nous endetter dans certains domaines pour créer de la croissance.

Je suis membre de la commission des Finances depuis 2002 et tous les ans, c’est la même chose : gauche et droite se servent de la croissance comme d’une variable d’ajustement budgétaire. On fait les comptes, on s’efforce de se mettre en conformité avec les exigences européennes, puis on fixe la croissance en conséquence. Vous l’estimez ainsi à 2 % pour 2017 alors que nous ne sommes pas capables de dire ce qu’elle sera dans quinze jours ! À côté de ces pratiques, la météo est une science exacte ! Je vous renvoie au débat que nous avons eu hier avec le président du Haut Conseil des finances publiques.

Monsieur Moscovici, je vous repose la question à laquelle M. Migaud m’a dit hier ne pas avoir le droit de répondre : ne serait-il pas possible de proposer une présentation du budget incluant d’emblée les amortisseurs, en dépenses et en recettes ? Si, par exemple, en ce qui concerne les dépenses, on a prévu d’augmenter le glissement vieillissement-technicité au profit des fonctionnaires, on pourrait le porter à 3 % si la croissance est là, à 2 % dans l’hypothèse contraire. C’est d’ailleurs ce que l’on finit par faire lors des collectifs budgétaires. En l’état, l’exercice est mensonger. Monsieur le ministre, je vous l’ai dit l’année dernière lorsque vous affirmiez que la dépense publique allait être réduite de 10 milliards d’euros : si le taux de dépense, en pourcentage du PIB, est constant alors que le PIB augmente de 0,8 %, cela signifie en réalité que vous prévoyez 16 milliards de dépenses supplémentaires. Vous aviez répondu qu’il s’agissait d’une diminution de l’augmentation. Arrêtons de mentir aux Français !

M. le ministre de l’Économie et des finances. Le Haut Conseil des finances publiques est une instance indépendante qui a rendu son avis au terme d’une semaine d’échanges avec nos services. Il a d’ailleurs également formulé des observations sur la forme de l’exercice, laquelle est perfectible puisqu’il s’agit d’une procédure nouvelle, qui s’est déroulée dans la plus grande transparence et qui a demandé beaucoup de travail supplémentaire à notre administration. Au total, l’expérience a été concluante et elle sera renouvelée. Son résultat m’inspire le même sentiment qu’à Mme Berger. Si notre scénario ne va pas sans risques ni sans aléas, le Gouvernement n’a aujourd’hui aucune raison de modifier ses prévisions de croissance. En effet, il ne serait pas opportun de se fixer un objectif exagérément prudent pour 2014 étant donné la politique que nous menons et l’ampleur des réformes engagées ; en outre, cela nous conduirait à programmer un ajustement structurel excessif.

J’invite Mme Pécresse à relire l’avis du Haut Conseil, selon lequel « un certain nombre d’aléas pourraient […] avoir un impact positif sur la prévision », dont « une contribution plus forte des stocks à la croissance sous l’effet d’une amélioration des anticipations d’activité des entreprises », ainsi qu’« une dépréciation éventuelle du taux de change effectif réel ». Si les aléas baissiers mentionnés par le Haut Conseil sont plus nombreux que les aléas haussiers, l’on ne peut pour autant passer ces derniers sous silence.

Je le répète après M. Alauzet, les prévisions du FMI diffèrent très peu des nôtres, les deux variant légèrement autour d’une croissance nulle en 2013. Nous devons viser cet objectif en proscrivant tout pessimisme qui pourrait entraîner un effet récessif supplémentaire.

Plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur la sincérité de nos prévisions. Nous sommes convaincus que, en 2014, la croissance sera soutenue par le redémarrage de l’activité de nos principaux partenaires, par la reprise au sein de la zone euro, à laquelle nous travaillons, et par les réformes mises en œuvre par le Gouvernement. On peut dénombrer quatre bonnes raisons pour que la situation s’arrange dans la zone euro au cours du deuxième trimestre 2013, puis en 2014. D’abord, il y aura forcément moins d’austérité en 2014 qu’en 2013 : à l’exemple de la France, on peut ajouter celui des Pays-Bas et même celui de l’Allemagne, où le débat s’engage sur la reprise de la demande. Ensuite, les décisions adoptées lors du Conseil européen de juin dernier vont produire leurs effets ; je songe notamment à l’union bancaire. Troisièmement, la politique monétaire restera durablement accommodante, comme l’a annoncé la Banque centrale européenne. Enfin, nos partenaires européens appliquent des réformes tendant à réduire le déficit par des politiques de croissance.

Plusieurs éléments expliquent que nous ayons les mêmes prévisions de croissance que la Commission européenne tout en présentant un scénario différent : une demande internationale un peu supérieure du fait de cette réorientation des politiques européennes, l’effet des réformes qui n’avaient pas été intégrées aux calculs de la Commission – ce que nous lui avions d’ailleurs signalé –, auxquels s’ajoute un niveau d’importations légèrement inférieur. Tels sont les éléments dont découlent nos prévisions, qui sont parfaitement sincères. Voilà pourquoi, tout en saluant le travail du Haut Conseil et en prêtant la plus grande attention à ses conclusions, nous avons maintenu nos chiffres.

En ce qui concerne l’important débat sur la cible structurelle ouvert par Karine Berger, le solde public nominal est passé de + 0,5 % en 2017, prévu en loi de programmation des finances publiques, à – 0,7 % dans le présent programme, et le solde structurel de 0 à – 0,3 %. Mme Berger le sait bien, les évaluations du solde structurel, si intéressantes soient-elles, notamment pour le Haut Conseil auquel elles servent de boussole, sont très incertaines, a fortiori à l’horizon 2017. Elles opposent d’ailleurs les économistes. Toutes choses égales par ailleurs, la Commission estimera que notre progression, vue au prisme de son analyse plutôt conservatrice, devrait nous conduire en 2017 à un solde structurel proche de l’équilibre, mais négatif, alors que selon, l’OFCE, par exemple, nous aurions déjà atteint l’équilibre structurel en 2013 ou en 2014 et devrions donc cesser nos efforts. Je n’approuve ni l’une ni l’autre. Ne mettons pas en péril notre crédibilité, en général et vis-à-vis de la Commission en particulier. Quoi qu’il en soit, l’écart confirme que l’analyse économique n’est pas une science exacte et que nous avons raison de porter au niveau européen le débat relatif au calcul de la croissance potentielle et à l’écart de production. Nous devons nous fonder sur des principes simples : la poursuite de l’effort est indispensable ; le cap, c’est la réduction du déficit structurel sans austérité inutile, sans masochisme et en préservant les moteurs de la croissance. L’inversion de la courbe de l’endettement prévue pour 2015 devrait y concourir.

Les mesures contenues dans le PNR ont fait pour la plupart l’objet d’études d’impact : c’est le cas du CICE, des emplois d’avenir, des contrats de génération. L’effet de chaque réforme est intégré au scénario macroéconomique. Toutefois, il est exact que nous ne disposons pas d’une évaluation globale. Je vais donc demander à mes services d’y travailler afin d’améliorer l’information du Parlement. Précisons que le rythme de la croissance potentielle va, selon nos prévisions, s’accélérer au cours des quatre années à venir sous l’effet de nos réformes, pour atteindre 1,5 à 1,6 %, ce qui représente une hausse de 0,5 point au cours du quinquennat.

Monsieur Mariton, vous m’avez interrogé sur les prévisions du FMI. Après avoir été, de son propre aveu, trop optimiste quant aux effets des politiques d’ajustement, il semble avoir aujourd’hui tendance à accroître exagérément les multiplicateurs. Plusieurs facteurs sont en jeu. Notre hypothèse de croissance potentielle de 1,5 à 1,6 % intègre l’évolution du stock de capital, du travail, de la productivité globale des facteurs.

Quel est notre cap ? Nous visons l’équilibre structurel à la fin du quinquennat et comptons nous rapprocher de l’équilibre nominal en 2017. Nous nous y tiendrons, compte tenu des incertitudes attachées aux prévisions à long terme. En ce qui concerne l’après-2017, il conviendra de déterminer à nouveau la meilleure trajectoire.

La baisse du taux d’épargne me paraît logique, car elle reflète une résilience de la consommation dans un contexte où les ajustements ciblent les agents les plus susceptibles d’épargner. Elle n’est pas du tout incompatible avec la réforme des retraites. Sur ce dernier sujet, l’approche qui sera retenue dépend des partenaires sociaux, qui doivent jouer leur rôle, et des travaux de la commission Moreau. Il s’agit d’assurer l’équilibre des régimes de retraite à court, moyen et long terme.

Les cessions d’actifs n’apporteront pas de recettes maastrichtiennes, mais des recettes en capital, que l’État peut affecter soit au désendettement, soit à des dépenses en capital. On peut citer l’exemple de la cession de 3,1 % d’actions Safran, pour un peu plus de 450 millions d’euros. Par ailleurs, l’État apporte des ressources nouvelles à la BPI pour financer des investissements d’avenir. Responsable de la politique patrimoniale – prérogative du ministre des Finances depuis 1948 –, je vous présenterai une doctrine globale d’utilisation de ces cessions d’actifs, préférable à des débats au coup par coup.

S’agissant de l’effet du CICE, nous escomptons la création de 300 000 emplois et un gain de 0,5 point de PIB d’ici à 2017. Nul ne peut le nier, la mise en œuvre du dispositif a été exceptionnellement rapide. On nous a même reproché de l’avoir fait voter trop vite une fois que le Président de la République l’eut décidé dans le cadre du pacte national pour la compétitivité. Nous avons lancé l’offre de préfinancement de la BPI dès le 26 février et nous l’avons étendue le 5 avril aux TPE pour lesquelles le CICE ne dépasse pas 25 000 euros, constatant que les banques commerciales ne jouaient pas leur rôle auprès d’elles. Selon mes informations, plus de 1 400 demandes de préfinancement ont été accordées au cours de ce bref laps de temps, pour près de 500 millions d’euros. Je vous propose de revenir vous présenter d’ici à un mois l’état d’avancement de ce dispositif, qui fonctionne bien et dont nous souhaitons accélérer la mise en place, comme l’a rappelé ce matin le Président de la République en Conseil des ministres.

Madame Pécresse, j’ai déjà en partie répondu à vos questions. En ce qui concerne la sincérité de nos prévisions, notre objectif de croissance pour les années 2015 à 2017 n’est pas hors de portée ; je le qualifierais même de tout à fait raisonnable – même si, vous le savez comme moi, à cet horizon l’exercice de prévision demeure très conventionnel et assez incertain. Mais ce n’est pas parce que la France vient de vivre deux années de croissance nulle qu’elle y est condamnée pour l’éternité. Au cours des dix années qui ont précédé la crise, la croissance française était en moyenne supérieure à 2 %, soit un rythme à peine supérieur à la croissance potentielle que nous prévoyons pour la période 2015 à 2017, alors que nous disposons d’une capacité de rebond nettement plus élevée qu’alors.

Je n’ai pas pour habitude de raisonner avec des « si ». Si la croissance n’atteint pas 2 %, nous en débattrons le moment venu. Mais, pour notre part, nous n’avons nullement l’intention de mener une politique d’austérité. Il n’y aura donc pas de projet de loi de finances rectificative, parce que notre stratégie est absolument opposée à celle du gouvernement précédent : nous n’entendons pas revenir tous les trois mois sur le cap et sur la trajectoire que nous avons fixés. Je le répète, nous ne ferons pas d’effort supplémentaire outre ce qui a déjà été voté.

Mme Valérie Pécresse. Et le surgel ?

M. le ministre de l’Économie et des finances. Je n’ai pas exclu des mesures techniques, mais un plan d’ajustement supplémentaire.

Monsieur Alauzet, toute mesure d’ajustement pèse incontestablement sur la croissance. Cela étant, s’il n’y a pas de consolidation expansionniste, l’évaluation du multiplicateur budgétaire n’est pas non plus une science exacte qui vaut partout et toujours. Elle dépend de la nature de la consolidation, notamment du partage entre recettes et dépenses, et surtout du ciblage des mesures. En l’espèce, nous nous sommes efforcés de faire porter la hausse des prélèvements sur les agents dont les capacités contributives sont les plus élevées.

En ce qui concerne les taux d’intérêt, la France jouit d’une crédibilité qui résulte de son statut économique, de l’importance de son épargne, de la politique qu’elle mène. Nous devons la préserver, car une hausse de 100 points de base a des effets considérables sur nos finances publiques, sans parler de la croissance. Les exemples de l’Espagne et de l’Italie montrent un effet boule de neige : on sait comment cela commence, on ignore comment cela finit. Pour ces raisons, je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Gorges : l’endettement ne peut pas être considéré comme un atout. Je le maintiens, une économie qui s’endette est une économie qui s’appauvrit, qui s’affaiblit, et qui subit une hausse déraisonnable du service de la dette.

S’agissant de l’assiette de la fiscalité écologique, M. Cazeneuve et moi-même sommes tout disposés à y réfléchir. En ce qui concerne la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, je vous répondrai, monsieur Alauzet, comme hier lors de la séance de questions au Gouvernement : il s’agit d’un impératif à la fois moral – car ces comportements sont insupportables dans le contexte que nous connaissons – et économique.

Enfin, monsieur Cherki, le chiffre de 2,9 % de déficit public en 2014 correspond à la voie que nous avons choisie et qui concilie l’exigence de redressement des comptes et l’impératif de croissance. Cet objectif doit nous permettre de respecter nos engagements en termes tant nominaux que structurels. La Commission européenne en demande évidemment davantage, mais la France ne souhaite pas ajouter l’austérité à la récession. La négociation sera donc difficile, mais elle aboutira. Nous modifions l’approche en faisant découler les cibles nominales de l’effort structurel plutôt que l’inverse. Cela étant, sans être identique à celle de la Commission, notre cible nominale est défendable : elle ne constitue pas un handicap dans nos discussions au niveau de l’Union européenne et de la zone euro dans la situation que celle-ci connaît actuellement.

M. le ministre délégué chargé du budget. J’aimerais pour ma part répondre aux interpellations de l’opposition, qui a tenu son discours habituel : premièrement, les efforts portant sur la dépense ne seraient pas suffisants ; deuxièmement, il y aurait des impôts cachés ; troisièmement, le niveau de déficit obtenu ne serait pas conforme à ce qui est annoncé.

Madame Pécresse, le talent que vous prêtez à l’administration pour maquiller les chiffres n’a pas dû s’exercer lorsque vous étiez en fonction, tant les chiffres de l’époque sont mauvais.

Mme Valérie Pécresse. Vous ne comptez pas 2012 dans votre bilan alors que j’étais encore en fonction.

M. le ministre délégué chargé du budget. Je vais vous parler très précisément de 2012 – plus précisément qu’hier, d’ailleurs, puisque j’ai maintenant en tête toute la chronologie des événements. Je rappellerai d’abord quelques éléments très simples et incontestables. Madame Pécresse, monsieur Mariton, monsieur de Courson, comment les dépenses, à propos desquelles vous jugez que nous n’en faisons pas assez, ont-elles évolué au cours des deux quinquennats pleins pendant lesquels vous étiez au pouvoir ? Elles ont augmenté en moyenne de 2,3 % par an entre 2002 et 2007 et de 1,7 % entre 2007 et 2012. Depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons dû procéder à des corrections du budget, qui n’avait pas été fondé sur des hypothèses sincères.

Mme Valérie Pécresse. La Cour des comptes a jugé notre budget parfaitement sincère. Par ailleurs, vous n’étiez pas à ce poste à l’époque.

M. le ministre délégué chargé du budget. La continuité de l’État me permet de savoir ce qu’ont fait mes prédécesseurs, y compris au titre du semestre européen. Laissez-moi terminer et vous pourrez contester mes dires. En ce qui concerne le budget que nous avons trouvé à notre arrivée, le rapport publié par la Cour des comptes en juillet 2012 montrait que 2 milliards d’euros de dépenses n’avaient pas été correctement évalués. Vous avez fondé le budget pour 2012 sur une hypothèse de croissance de 1,75 %, puis de 1 %, que vous avez ensuite ramenée à 0,5 % en loi de finances rectificative.

Mme Valérie Pécresse. C’étaient des correctifs.

M. le ministre délégué chargé du budget. Non, c’était la marque de votre propension à vous tromper, qui rend peu crédibles les reproches que vous nous adressez aujourd’hui. Si nous n’avions pas pris des dispositions pour tenir compte des conditions dans lesquelles vous aviez élaboré le budget, le déficit aurait atteint en 2012 5,5 % au lieu de 4,8 %. Et, s’il s’est élevé à 4,8 % et non à 4,5 %, c’est notamment à cause de l’affaire Dexia et du budget européen, dont nous ne sommes pas responsables. Pourquoi les moyens alloués, en crédits de paiement, au budget européen ont-ils été rabotés à ce point ?

Mme Valérie Pécresse. Cela se passe ainsi pour chaque budget.

M. le ministre délégué chargé du budget. Non : en novembre 2010, M. Sarkozy a envoyé à la Commission une lettre dans laquelle il annonçait sa décision délibérée de raboter tous les crédits de paiement destinés au financement du budget européen au titre des engagements pris. Il n’est pas interdit de donner des leçons à toutes les séances de questions au Gouvernement et de la commission des Finances ; encore faut-il être capable de rendre compte de la manière dont on a exécuté ses propres prévisions budgétaires.

Mme Valérie Pécresse. Chaque fois que nous avons modifié nos prévisions de croissance, nous avons fait un collectif budgétaire. Et la Cour des comptes nous a donné quitus.

M. le ministre délégué chargé du budget. Comment le déficit structurel a-t-il évolué au cours des deux précédents quinquennats ? Il a été presque constamment très dégradé. À aucun moment vous ne l’avez redressé, sauf en 2011, alors que la situation économique était bien différente de celle que nous connaissons. De notre côté, nous avons procédé à un redressement du déficit structurel par les mesures correctives que je viens d’indiquer, à hauteur de 1,2 point de PIB en 2012 ; nous nous fixons un objectif de 1,9 point en 2013 et 1 point en 2014.

En ce qui concerne les dépenses de l’État, elles ont diminué de 300 millions d’euros en 2012 ; elles ont vocation à diminuer de 1,5 milliard en 2014. Madame Pécresse, monsieur Mariton, en quelle année les dépenses de l’État ont-elles diminué dans ces proportions au cours des deux quinquennats qui viennent de s’écouler ? Je serais heureux de le savoir.

Mme Valérie Pécresse. En 2011.

M. le ministre délégué chargé du budget. Pas du tout : en 2011, M. Fillon a indiqué que le niveau des dépenses de l’État en exécution était inférieur de 4,7 milliards aux prévisions. Cela ne veut pas dire que les dépenses de l’État ont diminué. D’ailleurs, vous vous êtes souvent targués d’avoir réalisé grâce à la révision générale des politiques publiques des économies absolument mirifiques, à hauteur de 12 milliards d’euros, alors même que les dépenses de l’État augmentaient de 170 milliards ! Car c’est l’évolution tendancielle des dépenses publiques que l’on mesure. Voilà pour la maîtrise des dépenses.

Mme Valérie Pécresse. Et les éléments exceptionnels ?

M. le ministre délégué chargé du budget. Je le répète, il s’agit d’abord de Dexia, recapitalisée à hauteur de 2,5 milliards d’euros, ce dont nous ne sommes pas responsables ; ensuite de 800 millions d’euros au titre du budget européen qui auront un effet négatif sur le budget 2012 mais positif sur le budget 2013 ; enfin, de raisons qui tiennent à la conjoncture, en l’espèce au décalage entre l’hypothèse de croissance de 0,3 % sur laquelle nous avons fondé le projet de loi de finances rectificative et le taux de 0 % constaté à la fin de la période.

J’en viens aux impôts. Monsieur Mariton, 6 milliards d’euros d’impôts sont inclus dans la trajectoire pour 2012. Je rappelle la manière dont nous les documentons : 1 milliard de réduction de cotisations sociales résultent de l’accord sur les retraites complémentaires ; nous sécurisons en 2014 les recettes attendues mais non perçues en 2013, dont le produit de la taxe de 75 % ou celui de la taxe sur les transactions financières, deux fois moins élevé que prévu ; par ailleurs, nous continuons de travailler sur les niches fiscales et sociales et nous avons la ferme intention de poursuivre notre lutte déterminée contre la fraude fiscale, qui a rapporté 2 milliards d’euros supplémentaires l’an dernier – 18 milliards en tout – et devrait nous permettre cette année d’atteindre le chiffre de 6 milliards sans imposer une nouvelle taxe aux Français.

Vous ne pouvez pas ajouter à ce montant les 4 milliards du CICE : si le financement des 10 milliards de diminution des charges pesant sur les entreprises est compensé par 6 milliards de TVA, l’effet du CICE sur les prélèvements obligatoires est de moins 4 milliards, et non de plus 4 milliards.

M. Hervé Mariton. Dans ce cas, pourquoi le taux de prélèvements obligatoires ne baisse-t-il pas davantage ?

M. le ministre délégué chargé du budget. Quant aux one shot, ils étaient intégrés, en produit, au budget pour 2013. Vous ne pouvez pas considérer comme une hausse de la pression fiscale la consolidation d’une recette de 2013 dans le budget pour 2014 par la pérennisation de taxes : il ne s’agit pas d’impôts supplémentaires mais d’impôts déjà acquittés en 2013 et que nous pérennisons.

M. Hervé Mariton. Ce ne sont plus les mêmes puisque c’est un one shot : ce sont donc d’autres impôts !

Mme Valérie Pécresse. Ce sont de nouveaux impôts, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué chargé du budget. Pas du tout : ces 6 milliards de produit fiscal faisaient partie des produits fiscaux engrangés en 2013.

Mme Valérie Pécresse. Nous, nous nous plaçons du point de vue des Français !

M. le ministre délégué chargé du budget. Nous consolidons ce produit en 2014 : vous ne pouvez donc pas les ajouter.

M. Hervé Mariton. Il faut bien trouver vos 6 milliards quelque part !

M. le ministre délégué chargé du budget. Je conçois que vous défendiez ce raisonnement pour faire peur, mais en toute honnêteté intellectuelle et en toute transparence fiscale, il ne tient pas.

Mme Valérie Rabault, présidente. Merci, messieurs les ministres.

La Commission autorise la publication du rapport du rapporteur général sur le programme de stabilité et de croissance présenté par le Gouvernement pour les années 2013-2017.

Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 17 avril 2013 à 11 h 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. François Baroin, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Dominique Lefebvre, M. Thierry Mandon, M. Hervé Mariton, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pecresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Gérard Terrier, M. Thomas Thévenoud, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Jean-Claude Fruteau, Mme Annick Girardin, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Pierre-Alain Muet, M. Thierry Robert, M. Pascal Terrasse, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

Assistaient également à la réunion. - Mme Danielle Auroi, M. Sylvain Berrios, M. Charles de Courson, M. Lionnel Luca, M. Michel Ménard

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