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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 12 juin 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 95

Présidence de M. Gilles Carrez, Président.

–  Audition, ouverte à la presse, de MM. Philippe Wahl, président du directoire de La Banque postale, et Philippe Mills, président-directeur général de la Société de financement local (SFIL), sur le dispositif public de financement des collectivités locales

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, MM. Philippe Wahl, président du directoire de La Banque postale, et Philippe Mills, président-directeur général de la Société de financement local (SFIL), sur le dispositif public de financement des collectivités locales.

M. le président Gilles Carrez. Nous accueillons M. Philippe Wahl, président du directoire de La Banque postale, et M. Philippe Mills, président-directeur général de la Société de financement local (SFIL). Cette audition succède à celle des nouveaux responsables de Dexia, le 22 mai dernier : nous poursuivons ainsi nos travaux sur le dispositif public de financement des collectivités locales. En effet, la SFIL vise à prendre le relais de Dexia en matière de prêts consentis aux collectivités. Elle a d’ailleurs repris, à travers la Caisse française de financement local – CAFFIL –, les activités de l’ancienne société de crédit hypothécaire Dexia Municipal Agency – DMA. Ce faisant, la CAFFIL a repris des actifs de mauvaise qualité, ce qui nous amène à nous interroger sur leur proportion au sein de l’ensemble de ses actifs.

Au-delà, comment La Banque postale et la SFIL vont-elles s’inscrire dans les circuits de financement des collectivités territoriales, profondément bouleversés par la disparition de Dexia, par l’entrée en vigueur des nouvelles normes de solvabilité et de comptabilité ainsi que par la décision du tribunal de Nanterre sur les emprunts dits sensibles ? Quand le nouveau dispositif sera-t-il pleinement opérationnel ? Quel sera le rôle de la Caisse des dépôts, qui est à la fois actionnaire à 20 % de la SFIL mais qui, par ailleurs, lui avance de l’ordre de 12 milliards d’euros ? Dans quelle mesure les anciens salariés de Dexia pourront-ils participer aux activités de la nouvelle structure ? Comment la gouvernance va-t-elle être organisée ?

M. Philippe Wahl, président du directoire de La Banque postale. Le dispositif est déjà opérationnel. La situation en 2011 comme en 2012 a été caractérisée par une impasse quant au financement des collectivités locales en France. Or, ces collectivités représentent 70 % de l’investissement public dans le pays et, évidemment, des commandes considérables pour les entreprises. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a cherché à mettre en place un nouveau dispositif public organisé de manière à assurer la pérennité du financement des investissements en France. C’est ce qui a été fait et c’est ce à quoi La Banque postale s’est engagée avec la SFIL. L’organisation mise en place peut, il est vrai, paraître un peu complexe. Dans un schéma idéal, il aurait suffi d’une banque et de sa société de crédit foncier : La Banque postale et son véhicule financier pour s’adresser au marché, la CAFFIL. Mais la résolution ordonnée de Dexia vient perturber ce schéma idéal, dans la mesure où il convient de gérer les 90 milliards d’euros d’encours de Dexia sur les collectivités locales.

Dans ce schéma, que fait La Banque postale ? Elle vend des prêts et des produits aux collectivités locales. Elle s’inscrit donc dans une fonction de commercialisation et de conseil à l’égard de milliers de collectivités locales. Une fois qu’elle a vendu ses prêts, elle cherche à les refinancer soit en les portant dans son propre bilan, soit en trouvant de la liquidité auprès de la SFIL et de la CAFFIL. En effet, son bilan n’étant pas suffisant, elle doit se refinancer partiellement sur les marchés. Partie de rien il y a un an, La Banque postale a besoin des prestations de la SFIL : le refinancement se fait par la CAFFIL tandis que les prestations pour faire fonctionner la banque sur son bilan sont assurées par la SFIL. Comme la Caisse des dépôts est notre partenaire à la fois historique et stratégique, nous avons également une structure commune avec elle. Cette complexité n’est donc pas un choix in abstracto, mais est dictée par la réalité.

M. Henri Emmanuelli. La Banque postale ne peut-elle pas émettre directement des obligations sur le marché ?

M. Philippe Wahl. Rien ne l’en empêche, mais plutôt que de créer une société de crédit foncier, nous utilisons celle qui existe déjà, qui est propriété publique de l’État et qui dispose déjà d’un réseau et de l’expérience du métier. C’est bien ce qui fait la différence entre un modèle pur et idéal – la banque et son véhicule de refinancement – et la réalité – qui consiste à utiliser la société de crédit public préexistante.

Nos clients, les collectivités locales, sont en bonne santé et la dimension du risque à laquelle, nous les banquiers, sommes très attentifs est bonne dans les collectivités locales françaises. Certes, la dette a fortement augmenté en valeur absolue depuis 2000, mais en proportion du PIB, elle reste stable aux alentours de 8 %. Le risque est donc faible et le potentiel de développement réel.

Mais l’avenir sera compliqué en raison de la baisse des dotations de l’État prévues en 2014 et 2015 ; en outre, le levier fiscal sera plus difficile à mettre en œuvre dans un certain nombre de collectivités locales tandis qu’existera une pression à la hausse des dépenses. Pour autant, nous pouvons affirmer qu’un an après le lancement de cette opération qui vise à structurellement rééquilibrer le financement des collectivités locales, le dispositif est désormais en place. La création de la SFIL, désormais opérationnelle, est le deuxième volet du succès de l’opération après l’investissement de La Banque postale.

M. Philippe Mills, président-directeur général de la SFIL. L’ensemble du dispositif a été conçu à la suite du financement en urgence de certaines opérations, réalisé par la Caisse des dépôts en 2011 et 2012, et au vu de la nécessité de mettre au point un mécanisme de financement pérenne des collectivités après la faillite de Dexia. La solution trouvée autour d’un dispositif public garant de la stabilité a été présentée et agréée par la Commission européenne. Le but du dispositif tel qu’il a été organisé est de consentir environ 5 milliards d’euros de prêts par an.

La SFIL est détenue par trois actionnaires : l’État, la Caisse des dépôts et La Banque postale. L’État, qui détient 75 % du capital, est l’actionnaire de référence, ce qui signifie qu’il choisit les dirigeants avec l’accord du conseil d’administration, il surveille la politique poursuivie par la société, notamment en matière de risque, et s’engage à fournir le soutien nécessaire à la poursuite de l’activité en veillant à ce que la société puisse honorer ses engagements. La Caisse des dépôts détient 20 % du capital, mais il s’agit d’actions spécifiques.

M. Henri Emmanuelli. Pouvez-vous nous dire exactement comment s’exercent les engagements de l’État, car il ne s’agit pas d’actions ordinaires ?

M. le président Gilles Carrez. Que se passerait-il, par exemple, dans le cas d’une augmentation de capital ?

M. Philippe Mills. En cas d’augmentation de capital, c’est l’État qui apporterait le financement nécessaire, pas la Caisse des dépôts, ni La Banque postale. C’est la raison pour laquelle l’État est qualifié d’« actionnaire de référence ». C’est l’État qui garantit la société.

M. Philippe Wahl. Une éventuelle augmentation de la participation de La Banque postale, qui est une option si les choses se passent bien, se ferait au détriment de l’État, pas de la Caisse des dépôts. Nous sommes déjà en partenariat avec la Caisse dans la structure qui s’appelle La Banque postale – Collectivités locales, détenue à 35 % par la Caisse des dépôts et à 65 % par La Banque postale.

M. le président Gilles Carrez. En résumé, les dirigeants de La Banque postale et de la Caisse des dépôts se sont sécurisés au maximum : l’essentiel du risque a été laissé à l’État. Cela peut se comprendre, car il s’agit des conséquences de la résolution de Dexia.

M. Philippe Wahl. Pourquoi avoir agi ainsi ? En 2011, Dexia a perdu 11 milliards d’euros ; or, le capital de La Banque postale s’élève à 5,7 milliards d’euros. Nous devions donc nous protéger.

M. Philippe Mills. La Banque postale ne détient donc que 5 % du capital de la SFIL avec l’option de pouvoir monter jusqu’au tiers du capital, en fonction des nouveaux prêts qui seront consentis par le dispositif et qui viendront progressivement remplacer les anciens prêts.

La SFIL et sa filiale auront trois missions essentielles :

– fournir toutes les prestations nécessaires à La Banque postale pour qu’elle puisse proposer les offres de prêt au secteur public local ;

– assurer le refinancement via la CAFFIL, société de crédit foncier qui est la filiale à 100 % de la SFIL ;

– conduire une politique de réduction du risque associé à certains prêts structurés, présents dans le stock dont elle a hérité de Dexia.

Quels sont les atouts du dispositif ? D’abord, bien sûr, le support des trois actionnaires publics – l’État, la Caisse des dépôts et La Banque postale – et leurs rôles complémentaires. Il y a ensuite le caractère spécifique de l’activité, limitée au seul financement des collectivités locales françaises, de la SFIL et de sa filiale CAFFIL, qui fait que nous pourrons disposer d’un financement performant et pérenne. En effet, ce type de prêt a une durée moyenne d’une quinzaine d’années ; les amortissements ont une durée de vie très proche et les obligations émises par CAFFIL ont une durée de vie de dix ans. La durée de vie entre l’actif et le passif sera donc extrêmement proche, sans les contraintes réglementaires que connaissent les banques commerciales privées en matière de ratios de liquidité ou de solvabilité. L’objectif du dispositif est de consentir 5 milliards d’euros de prêts par an en moyenne, en se limitant à 3 milliards en 2013.

La notation du dispositif constitue également un point important. Fin janvier et début février, les trois principales agences de notation ont évalué la SFIL : Moody’s et Fitch, à un niveau en dessous de la note de l’État, et Standard & Poors, au même niveau que l’État. C’est une bonne surprise, qui provient de notre proximité avec l’État. En outre, les émissions réalisées par la CAFFIL sont notées AAA par les trois agences car, au-delà de la qualité de la société elle-même, il y a la force du système juridique associé à des obligations foncières, sécurisées par un collatéral.

M. le président Gilles Carrez. De quoi le collatéral est-il composé ?

M. Philippe Mills. Lorsque la CAFFIL émet une obligation, ce n’est que pour refinancer des prêts au secteur local. En face, il y a l’ensemble des prêts repris de DMA, dont deux tiers sont composés de prêts au secteur local français et un tiers de prêts au secteur local dans d’autres pays européens. Cette société est soumise à la loi du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière, qui confère une très forte garantie de remboursement de ces obligations aux créanciers : quoi qu’il arrive, ceux-ci bénéficient d’un paiement prioritaire, gagé par l’ensemble du stock de prêts. La force de cette garantie juridique explique l’excellente notation donnée par les agences, supérieure à la note même de l’entité. Pour disposer d’une sécurité supplémentaire, une part de liquidités, représentant 10 % du montant du stock de prêts, est donnée à la société de crédit foncier : c’est ce qu’on appelle le surdimensionnement. Cette garantie financière s’ajoute à la garantie juridique : le cumul de ces deux garanties explique la notation AAA accordée par les trois agences.

M. Jean-François Lamour. La CAFFIL est une filiale à 100 % de la SFIL : dès lors, il est difficile de comprendre comment la seconde peut être mieux notée que la première. La notation tient-elle seulement à ce que l’État remboursera les créanciers ? Quel est le montant de l’encours de prêts ? Sont-ils à la CAFFIL ou à la SFIL ?

M. Philippe Mills. Une partie des prêts étant restée chez Dexia, le montant des prêts récupérés par la CAFFIL s’élève à 65 milliards d’euros. Ils sont chez CAFFIL puisqu’ils sont la garantie donnée pour les émissions d’obligations foncières par la société de crédit foncier.

La notation repose sur la notation de la société mère, la SFIL, notée à un niveau équivalent ou juste inférieur à celui de l’État. Mais en raison de la garantie de l’État, actionnaire de référence détenant 75 % du capital, du système juridique faisant des détenteurs des obligations ainsi émises des créanciers privilégiés qui bénéficient, en vertu de la loi de 1999, de la garantie assise sur l’ensemble des prêts accordés au secteur local en France et en Europe, et du fait du surdimensionnement, les agences considèrent qu’il est logique de mieux noter les émissions de la filiale de crédit foncier que celles de la société mère.

M. le président Gilles Carrez. C’est cependant ce que nous expliquaient voici quelques années les dirigeants de Dexia : selon eux, il y avait une société d’obligations hypothécaires qui émettait dans les meilleures conditions possibles, car elles bénéficiaient de la garantie des prêts aux collectivités locales, qui représentent un risque faible, et d’un surcroît de liquidités. Finalement confronté à un problème de liquidités, même si l’on a pu expliquer qu’il trouvait son origine dans d’autres opérations que celles portant sur les collectivités locales, c’est un montage du même type qui a failli.

M. Philippe Wahl. Dexia a certes fait faillite, mais DMA n’a pas fait faillite, ce qui montre bien que mieux noter une filiale parce qu’elle est adossée à de la liquidité et à des actifs de prêts a du sens, alors que la maison mère elle-même a disparu pour d’autres raisons.

Mme Marie-Christine Dalloz : Un autre élément entre en ligne de compte : quel serait l’impact d’un abaissement de la note de l’État sur la SFIL et ses répercussions sur la CAFFIL ?

M. le président Gilles Carrez. L’ancien directeur général de l’Agence France Trésor est particulièrement qualifié pour répondre à cette question.

M. Philippe Mills. Cela dépend de la méthodologie des différentes agences. Pour certaines agences, les caractéristiques techniques d’une société de crédit foncier, c’est-à-dire la garantie juridique et la garantie financière qu’elle apporte, peuvent les conduire à maintenir la note, même en cas de dégradation de la note de l’État de plusieurs crans, par exemple pour Moody’s jusqu’à quatre niveaux de dégradation. En revanche, la notation de la SFIL est étroitement liée à celle de l’État, actionnaire de référence, d’autant que sa mission est une mission stratégique d’intérêt national. Mais avec d’autres agences, si l’on veut maintenir la notation AAA, il faut un peu plus de liquidités en garantie : le système juridique et le système financier de ce type de sociétés disposent donc de moyens pour absorber un éventuel choc.

M. Alain Rodet. Je ne soupçonnais pas l’importance des crédits structurés dans la dette des collectivités territoriales, car à l’époque, il n’était point besoin d’être grand clerc pour comprendre que les produits proposés par Dexia étaient toxiques. Je m’étonne que tant de responsables locaux se soient laissé piéger alors qu’un attaché territorial ayant un an d’expérience pouvait détecter les produits frelatés. Monsieur Mills, votre réussite à la tête de l’Agence France Trésor, votre expérience et votre expertise pourraient vous désigner pour aller chercher de la ressource en complément des 5 milliards d’euros prévus pour les prêts aux collectivités locales.

M. Henri Emmanuelli. Pour récapituler aussi clairement que possible, il y a trois sécurités juridiques pour les emprunteurs : les crédits des collectivités territoriales, la garantie de l’État et le surdimensionnement, c’est-à-dire une réserve de 10 % de liquidités. De plus, sous le contrôle de M. Mills, on a observé que la dégradation de la notation par les agences n’avait aucune influence sur les émissions sur les marchés financiers.

M. Philippe Mills. Les 5 milliards d’euros dont il est question sont la somme qui a été présentée à la Commission européenne. Quand une banque ayant de nombreuses activités, comme Dexia, fait faillite, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne s’assure que son démantèlement ne se déroule pas dans des conditions pouvant être considérées comme des aides d’État, en l’occurrence la France et la Belgique. Sur la partie concernant la France, c’est-à-dire le financement au secteur public local, c’est ce dispositif public associant la SFIL, la CAFFIL et La Banque postale qui a été autorisé, notamment la coentreprise La Banque postale – Collectivités locales constituée entre La Banque postale et la Caisse des dépôts, moyennant deux conditions : d’une part, un plan d’affaires associé, pour un montant de 5 milliards d’euros de prêts par an en régime de croisière, correspondant à la part des précédentes activités de Dexia que le secteur privé ne pouvait assurer ; d’autre part, une relation d’exclusivité, jusqu’à ce niveau de 5 milliards, entre l’offre de prêts de La Banque postale et ce que la SFIL fait en termes de refinancement de ces prêts. Cette relation est exclusive pendant au moins trois ans. Au-delà de cette période, l’évolution du dispositif est ouverte, dépendant notamment de ce que les actionnaires, à savoir l’État, la Caisse des dépôts et La Banque postale, veulent faire de ce dispositif et de cette société publique de crédit foncier.

Pour ce qui est de la notation, elle est toujours relative : la question est donc de savoir comment sont notées les sociétés de crédit foncier dans les autres pays européens et combien des sociétés les mieux notées émettent de manière comparable.

M. Jean-François Lamour. Quel est le rôle de la société de moyens La Banque postale – Collectivités locales ?

M. Philippe Wahl. Pour aborder le marché des collectivités locales, La Banque postale est partie de rien lorsque le Gouvernement et le Parlement se sont adressés à elle. Elle a construit des équipes avec des collaborateurs de Dexia, auxquelles nous avons associé des savoir-faire de la Caisse des dépôts ainsi que la direction des études de Dexia, dont les élus disent qu’elle faisait du très bon travail. Avec notre partenaire, nous avons décidé de partager ces moyens et nous avons donc créé une coentreprise opérationnelle, de personnels et de moyens, qui n’est pas une banque. Comme la Caisse des dépôts est à la fois un intervenant important du monde des collectivités locales et des territoires et actionnaire de La Poste, la création de cette structure purement opérationnelle a paru opportune : elle n’a pas du tout vocation à aller sur les marchés, mais la SFIL et la CAFFIL vont nous représenter sur les marchés.

M. Jean Launay. Pourquoi La Banque postale ne communique-t-elle pas sur le thème « Nous sommes une banque sans traders ? » Peut-être parce qu’elle emploie quand même des traders – une quinzaine en 2011 et vingt et un en 2012, si mes renseignements sont bons ? Je me félicite de ce que les conditions des prêts aux collectivités locales soient sécurisées par des produits plus simples, adossés en liquidités, selon des principes de bon père de famille. Si ces traders ne sont pas à La Banque postale, sont-ils chez la SFIL ou la CAFFIL ? J’aimerais être éclairé sur le fait qu’à La Banque postale, les opérateurs de marché de la direction des opérations financières sont considérés comme étant les personnes dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise.

M. Philippe Wahl. En France, La Banque postale est la seule banque surliquide, c’est-à-dire ayant plus de liquidités qu’elle n’accorde de crédits, en raison des milliards de chèques postaux qu’elle détient. Comme elle a moins de crédits qu’elle n’a de dépôts, elle place ces sommes. Ce n’est pas du trading, car nous ne profitons pas de ces opérations pour spéculer, mais nous devons bien faire quelque chose de ces sommes, ne serait-ce que parce que des millions de clients nous les confient. Les opérateurs de marché – je ne veux pas les appeler autrement – font cela, et comme ces montants se situent entre 30 et 40 milliards d’euros, il faut qu’ils soient donc un peu plus de deux ou trois. Chacun est rassuré qu’il y ait au sein de La Banque postale une direction des opérations financières encadrée par la direction générale et soumise, bien entendu, au contrôle de notre direction des risques, de notre inspection générale et de l’Autorité de contrôle prudentiel. Nous n’exerçons aucune activité spéculative et n’investissons pas par exemple dans les matières premières alimentaires. Nous devons nous occuper de nos liquidités excédentaires, mais nous n’avons pas de banque de financement et d’investissement : sans que nous ayons choisi de communiquer sur cette question, les Français savent bien que nous sommes une banque grand public et une grande banque de détail.

M. Philippe Mills. De même, il n’y a aucun trader à la SFIL, pas plus qu’à la CAFFIL. Nous avons néanmoins des opérateurs de marché qui assurent les opérations de couverture, notamment pour dénouer les prêts structurés.

Mme Arlette Grosskost. La Banque postale – Collectivités locales a été créée par les deux partenaires pour offrir uniquement des prestations de services. La SFIL est quant à elle chargée des opérations de refinancement. Pourquoi cette partition ?

M. Philippe Wahl. En 2011, lors de cette création, il existait un savoir-faire en matière de refinancement sur le marché au sein de DMA. La structure, les moyens, les encours, le capital… étaient opérationnels et il aurait été dommage de ne pas s’appuyer sur ces ressources. Plutôt que de créer une structure entièrement nouvelle, nous avons préféré partir de l’existant.

M. Dominique Baert. Les actifs de Dexia repris par la CAFFIL constituent l’essentiel de sa « richesse ». Pourtant vous n’avez pas repris tous les actifs de Dexia. Comment le partage s’est-il opéré et selon quels critères ? Par ailleurs, les collectivités territoriales ont-elles été informées de la substitution du prêteur ?

Mme Valérie Rabault. Quelle est la sensibilité du portefeuille repris de Dexia par rapport à certains indices comme les devises ou les index ? Quel en est le risque financier aujourd’hui ? Il serait utile que la CAFFIL publie cette information, comme le fait aujourd’hui par exemple la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

M. Philippe Mills. Au sein de Dexia, il convient de distinguer les prêts logés chez Dexia proprement dit et ceux qui relevaient de DMA. Ce sont ces derniers que la SFIL a repris. En février dernier, tous les emprunteurs ont été avisés de la création de la SFIL et de la CAFFIL et du fait que ces structures reprenaient les prêts auparavant logés au sein de DMA.

La sensibilité par rapport au taux est publiée dans le rapport annuel de la CAFFIL. En décembre dernier, le risque pour 100 points de base était limité à 3 % des fonds propres, soit 40 millions d’euros.

Mme Valérie Rabault. C’est très peu !

M. le président Gilles Carrez. Quelle est la décomposition complète des actifs ?

M. Philippe Mills. Avant d’en venir à la liste des actifs, je souhaiterais détailler la situation de nos émissions. Nous avons aujourd’hui une bonne capacité en la matière, les marchés jugeant favorablement les titres de DMA. Nous nous situons ainsi seulement à 10 à 15 points de base au-dessus des OAT de même maturité. J’ajoute que compte tenu du stock de titres repris de DMA, il faudra plusieurs années avant que le total des nouvelles émissions ne vienne dépasser ce stock. L’ensemble est donc tout à fait positif.

En ce qui concerne les encours, ils sont composés pour deux tiers de prêts au secteur public local français et d’un tiers de prêts au secteur public local européen, essentiellement en Italie, en Belgique et en Suisse.

Sur l’ensemble des prêts, les prêts dits « Vanille », c'est-à-dire les prêts simples, qu’ils soient à taux fixe ou variable, représentent 44 milliards d’euros. Les prêts structurés atteignent 15 milliards d’euros, dont 8,3 milliards d’euros de prêts structurés à risque, soit 18,8 % du stock total. Pour ces derniers, il n’existe pas de différence selon la nature des emprunteurs : les collectivités et les hôpitaux ont un taux équivalent de prêts à risque.

Sur ces 8,3 milliards d’euros, 4 milliards sont des prêts hors « charte Gissler » correspondant aux catégories 3E, 4E et 5E. La différence entre ces catégories tient au nombre d’indices auxquels les prêts sont associés. Globalement, il s’agit des prêts liés à des écarts de taux et qui ont les effets multiplicateurs les plus importants lorsque leurs formules sont activées.

Pour les 4 milliards d’euros de prêts hors charte Gissler, nous avons élaboré une nomenclature plus précise reposant sur une décomposition en cinq catégories établie en fonction du degré de risque et surtout de la nature de l’emprunteur. La catégorie S1, c’est-à-dire la plus sensible, regroupe les prêts des collectivités de moins de 10 000 habitants et des hôpitaux de moins de 250 lits. Ces prêts sont indexés sur la formule euro/franc suisse. Ils représentent un encours de 270 millions d’euros au 31 mars 2013 pour environ 80 emprunteurs.

La catégorie S2 regroupe les autres collectivités et hôpitaux ayant le même type de prêts. Elle représente 190 emprunteurs et 1,4 milliard d’euros.

La catégorie S3 correspond à toutes les autres formules de change. Elle concerne 130 emprunteurs pour un total de 2,3 milliards d’euros.

Les catégories S1, S2 et S3, c’est-à-dire les prêts hors charte, représentent un total de 4 milliards d’euros pour environ 400 emprunteurs.

Les deux autres catégories correspondent à des prêts inclus dans la charte et dont la formule n’a pas été activée. La catégorie S4 correspond à des prêts avec des écarts de taux sur plusieurs indices. Si cette formule n’est pas aujourd’hui active, elle a pu l’être dans le passé. Elle représente 3,5 milliards d’euros et 440 emprunteurs.

Enfin, dans la catégorie S5, on trouve des prêts dont la formule n’est pas activée et qui reposent sur un seul indice, généralement lié au marché monétaire. Il faut par exemple que l’Euribor dépasse 6 % pour qu’ils soient déclenchés. Ils représentent un encours de 800 millions d’euros et environ 30 emprunteurs.

Au total, les prêts structurés à risque ne concernent que 878 emprunteurs pour un total de 19 000, soit une proportion assez réduite.

M. le président Gilles Carrez. Il y a effectivement une forte concentration des emprunteurs ! Un même emprunteur peut-il être compté deux fois dans votre nomenclature ?

M. Philippe Mills. Les emprunteurs sont répartis dans la catégorie ad hoc et même s’ils peuvent avoir plusieurs types de prêts, ils ne sont comptés qu’une fois. 5 % des emprunteurs correspondant à 18 % des stocks, il y a donc une certaine concentration.

M. le président Gilles Carrez. Ces données montrent bien que toutes les collectivités n’ont pas cédé à la tentation de pareilles formules ! Il me semble important de le rappeler : les prêts structurés ne concernent pas toutes les collectivités.

Mme Arlette Grosskost. Quel est l’état des contentieux sur ces prêts ?

M. Philippe Mills. Aujourd’hui 124 assignations ont été déposées sur des prêts logés à la CAFFIL.

M. le président Gilles Carrez. Il y a quelques semaines, il n’y avait que 90 assignations. La situation évolue donc très vite !

Mme Christine Pires Beaune. Quel est l’encours total des prêts qui font l’objet d’un contentieux ?

M. Philippe Mills. L’encours total est de 1,5 milliard d’euros.

Il faut rappeler qu’à ce jour un seul jugement a été rendu, en première instance, par le tribunal de grande instance de Nanterre. La décision repose d’ailleurs sur un point formel puisque la télécopie de confirmation d’une opération de couverture ne comportait pas de taux effectif global – TEG –, contrairement au contrat. Les juges ont néanmoins considéré que la télécopie constituait d’ores et déjà un élément contractuel et ont donc substitué au taux prévu le taux légal.

J’ajoute que le contentieux est significatif mais pas général, puisqu’il ne concerne que 124 des 878 prêts structurés.

M. le président Gilles Carrez. Si l’on applique le taux légal de 4 points de base, soit 0,04 %, le risque pour les prêteurs est particulièrement élevé et se chiffre en milliards d’euros ! Cela me semble excéder les fonds propres de la SFIL !

M. Philippe Mills. Il faut rappeler que la procédure sanctionnée par le tribunal de Nanterre a été utilisée par d’autres établissements sur d’autres prêts ; il faut donc regarder le possible impact global d’une généralisation d’une telle décision. La différence entre le taux servi et le taux légal est effectivement importante puisque le taux légal est assis le taux des bons du Trésor à taux fixe – BTF – à trois mois et qu’il est actuellement particulièrement bas.

La prescription de certains prêts devrait être possible à compter de la mi-juin, ce qui explique sans doute que nombre de collectivités ont décidé d’introduire un recours avant cette date.

M. Dominique Baert. Le risque par rapport au taux retenu me semble concerner surtout le refinancement. Avec le taux légal, il sera impossible aux banques de se refinancer.

Les produits structurés, s’ils posent des difficultés aux emprunteurs, n’en restent pas moins des produits rentables pour les prêteurs compte tenu de l’algorithme de calcul du taux d’intérêt. Si les choses ne changent pas, ce portefeuille est donc plutôt un avantage pour vos organismes.

Les collectivités ont néanmoins indiqué leur volonté de renégocier ces prêts, soit parce qu’elles jugent le taux d’intérêt trop élevé, soit parce que le niveau de l’indemnité en cas de remboursement anticipé est trop élevé. D’aucuns considèrent d’ailleurs que les clauses sur le remboursement anticipé dans les anciens contrats de Dexia sont léonines.

Comment allez-vous dénouer cette situation ? Quelles en seront les conséquences sur la profitabilité de la CAFFIL ?

Enfin, Dexia avait conclu plusieurs contrats de couverture de ses prêts structurés. En reprenant les prêts de DMA, avez-vous aussi repris les instruments de couverture ?

Mme Valérie Rabault. Il me semble que les marchés se sont fermés s’agissant des produits de couverture couvrant les produits Dexia. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ? La structure que vous représentez réussit-elle néanmoins à se couvrir sur tous les facteurs de risque ?

M. Philippe Mills. Toutes les opérations sont couvertes, sans aucune exception, et les opérations de microcouverture sont toujours faites. Si la banque reçoit aujourd’hui un taux d’intérêt élevé, comme toutes les opérations en question sont des opérations couvertes, elle le paie dans le prix de sa couverture, puisque demeure toujours la probabilité associée que le taux redevienne bas ou que le taux ait été bas auparavant. Ce n’est pas parce que les options s’activent que le niveau de profitabilité de la SFIL ou de la CAFFIL s’accroît, puisqu’il est compris dans le prix de la couverture.

Mme Valérie Rabault. Le fait que ces produits aient été vendus à des prix ayant augmenté la profitabilité de certains établissements repose sur un modèle. Il y a donc bien, à un moment, un risque non couvrable, qui ne peut être porté : portez-vous bien ce risque de taux dans la structure CAFFIL ?

M. Philippe Mills. Nous portons un risque de taux, qui peut exister, mais qui nous paraît très limité. Comme toutes ces opérations sont faites au cas par cas, il n’y a pas en tant que tel de modèle associé global de macrocouverture de ces opérations. Il y a une couverture spécifique pour chaque prêt. L’effet de contagion est ainsi diminué, car chaque prêt spécifique est couvert, à chaque fois qu’une opération a lieu ou qu’il y a une modification de la nature de la couverture associée, sous forme de diminution du risque.

Mme Christine Pires Beaune. Nous avons évoqué l’augmentation du nombre d’assignations. Depuis la création de la SFIL, quel est le pourcentage de prêts ayant fait l’objet d’une désensibilisation ?

M. Philippe Mills. Une fois que nous avons fait le constat d’un stock de 8,3 milliards d’euros de prêts à risques et de la manière de les répartir, il nous a ensuite fallu définir la stratégie à proposer aux collectivités et aux hôpitaux afin de réduire ce risque associé. Le degré de difficulté est varié et peut être décrit schématiquement autour de deux types principaux, selon qu’ils sont dans la charte ou non et selon qu’ils sont aujourd’hui dans une formule activée ou non. Le but est que nos propositions incitent le plus possible les collectivités et les hôpitaux à réduire ce risque de manière définitive : ils transforment leurs prêts structurés en prêts à taux fixe. Mais vu la taille du stock et dans les circonstances actuelles, cela signifie proposer une réduction progressive du risque et il faudra plusieurs années pour réduire totalement le risque associé et le montant du stock.

L’offre que nous faisons, qui rencontre un certain succès et qui sera renouvelée chaque année, consiste à proposer 1 milliard d’euros de liquidités, offertes aux collectivités qui souhaitent renégocier leurs prêts sensibles. Nous négocions avec chaque collectivité la part qu’elle veut utiliser pour le financement de l’indemnité de transformation du prêt en prêt à taux fixe et des financements nouveaux lui permettant de réduire le montant total de sa dette. La SFIL propose ce milliard à prix coûtant : pour les indemnités, le taux se monte à 2,90 % pour des prêts à quinze ans, variant suivant les conditions de marché, et pour les financements nouveaux, le taux se situe autour de 3,60 % à 3,70 %, soit les meilleures conditions de marché qui peuvent exister, mais la marge réalisée sur les prêts à financements nouveaux est reprise pour diminuer le montant de l’indemnité que doit refinancer la collectivité : le total est donc réalisé à prix coûtant. Tout cela a été approuvé par notre conseil d’administration du 28 février dernier.

Enfin, pour les collectivités les plus petites et les plus exposées, qui ont contracté les prêts les plus compliqués et qui sont en « médiation Gissler », nous acceptons également de faire des offres où le niveau de taux qu’elles payent en année budgétaire, pour les prêts en euro/franc suisse, est limité. Pour ce faire, une provision de 17 millions d’euros est inscrite à notre budget pour 2013 : c’est le coût, pour la SFIL et la CAFFIL, de la politique de désensibilisation ainsi proposée.

Quelle est la réception de ces offres ? Nous avons conclu, depuis la fin du mois de mars, des opérations avec quinze clients, pour un volume d’environ 100 millions d’euros, nous avons des négociations bien avancées avec vingt-cinq clients, pour environ 250 millions d’euros, et nous avons fait des propositions précises à 185 autres clients, pour environ 2,3 milliards d’euros.

M. Philippe Wahl. Au total, le dispositif fonctionne : La Banque postale a fourni 600 millions d’euros de crédits à moyen et long termes aux collectivités locales. L’impasse de financement des collectivités locales a été réglée par ce dispositif. Nous allons abaisser encore les conditions de crédit pour aller jusqu’à 50 000 euros pour les plus petites collectivités locales, puisque vous nous l’avez demandé, et lancer de nouveaux produits à la fin du mois pour couvrir toute la gamme des collectivités locales. S’agissant du traitement du passé, le dispositif dont hérite Philippe Mills est également en place : il est difficile et complexe, mais il est opérationnel, utile et efficace.

M. le président Gilles Carrez. Nous pouvons néanmoins constater que 600 millions d’euros, par rapport à un objectif de 4 ou 5 milliards d’euros de prêts nouveaux à moyen et long termes, cela peut paraître assez peu. La Caisse des dépôts va donc devoir continuer à dégager des enveloppes de prêts de moyen et long termes, dès lors que le besoin global de financement des collectivités locales et des hôpitaux est de l’ordre de 20 milliards d’euros.

M. Philippe Wahl. Nous avons déjà proposé 600 millions d’euros de prêts à ce jour mais nous ne sommes pas inquiets. Certes, le besoin de financement des collectivités locales en France est de 20 milliards. Les banques traditionnelles vont continuer à financer les collectivités à hauteur de 9 milliards d’euros. Nous serions prêts à offrir plus de 3 milliards, mais si nous avons retenu ce montant, c’est que nous pensons que le marché sera quasiment surfinancé. La Caisse des dépôts, répondant ainsi à un besoin du pays et des collectivités, va proposer 4 milliards d’euros de prêts à très long terme (entre vingt et quarante ans) pour les projets plus structurants. La BEI, doublant ses interventions en France, va également proposer 2 milliards d’euros de prêts, tandis que les plus grandes collectivités ont de plus en plus recours à des emprunts obligataires, pour environ 2 milliards d’euros. Il ne reste donc que 3 milliards d’euros à financer pour couvrir le besoin de financement des collectivités et La Banque postale s’y emploiera. Si certaines banques abandonnent ce marché, La Banque postale est prête à accorder davantage de prêts, jusqu’à 4 ou 5 milliards d’euros.

M. Henri Emmanuelli. Je serai moins optimiste : je constate que, pour le moment, l’intervention de la Caisse des dépôts, prévue à hauteur de 4 milliards d’euros par an, demeure très limitée, car depuis près de six mois, le Trésor s’ingénie à tout faire pour que cette enveloppe ne soit pas opérationnelle. Il était contre l’idée, puis contre le montant, puis contre le taux ; il s’est battu sur tout : l’éligibilité, la finalité, les taux. C’est le Trésor, et non la Caisse, qui décide de l’utilisation des fonds d’épargne : pour nous, commissaires aux Finances, le problème est réel et sérieux. En revanche, il est vrai que les banques privées sont bien revenues sur le marché, que La Banque postale monte en puissance et qu’en 2013, année préélectorale, et en 2014, le besoin de financement des collectivités sera moins important.

M. le président Gilles Carrez. Jean Launay, qui a suivi ces questions pour le bureau de l’Association des maires de France, confirmera peut-être que le nombre de collectivités territoriales se plaignant de difficultés de financement est moins élevé que l’an dernier.

Mme Valérie Rabault. Je partage votre sentiment, monsieur le président, mais il y a quelques exceptions. J’ai transmis un courrier à ce sujet au président du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts : même si, dans l’ensemble, il n’y a effectivement pas de problèmes de financement stricto sensu, notamment par rapport à la situation de 2011, des projets ont été jugés inéligibles et refusés pour des motifs qui me paraissent obscurs et mystérieux.

M. Philippe Wahl. Nous devons avant tout être lucides : nous constatons, nous aussi, qu’il y a moins de remontées de problèmes de financement des collectivités territoriales. S’agissant de la Caisse des dépôts, la doctrine d’emploi de ses 4 milliards d’euros est enfin prête et La Banque postale va commencer à financer avec elle ces grands projets. Enfin, s’il manquait 1 ou 2 milliards d’euros, le dispositif a été conçu de telle sorte que La Banque postale, avec la SFIL, puisse les financer. Cela me semble autoriser un optimisme mesuré sur le bouclage du financement des collectivités locales, ce qui constitue un vrai progrès par rapport à 2011 et 2012.

M. Dominique Lefebvre. Vous nous avez dit que la structure est opérationnelle et vous nous l’avez démontré. Vous nous avez indiqué la part du portefeuille en risque à la fois pour votre structure et pour un certain nombre de collectivités. Vous nous avez présenté les conditions de refinancement de la CAFFIL sur les marchés, mais je souhaiterais savoir, dans le contexte actuel, rendu incertain par la décision du tribunal de Nanterre, qui sera ou non confirmée en appel, à quel moment et dans quelles conditions la SFIL et la CAFFIL pourront émettre sur les marchés et quels seront les risques sur le coût de refinancement. Y a-t-il un problème et quelle est son ampleur ? De la réponse à ces interrogations découlent les solutions à envisager : la semaine dernière, lors de l’examen en séance publique du projet de loi bancaire, le ministre de l’Économie et des finances, s’exprimant sur un amendement d’appel du président de la commission des Finances qui a finalement été rejeté, s’est engagé à nous présenter des éléments et une approche globale de cette question.

M. le président Gilles Carrez. Je me demande également jusqu’à quel point les négociations entamées pour désensibiliser les collectivités sur les emprunts à risques, grâce aux 17 millions d’euros que vous avez évoqués, ne sont pas entravées par le fait que les collectivités pourraient privilégier l’action contentieuse.

M. Philippe Mills. Les comportements des collectivités sont variables et dépendent de la nature des prêts dont elles disposent, de leur stock de dettes et de leur attitude générale vis-à-vis de ces problèmes. Les discussions sont possibles avec un certain nombre d’entre elles. Il est cependant incontestable que l’incertitude juridique générée par le jugement du tribunal de Nanterre, le montant extrêmement faible du taux légal et le contexte politique lié aux prochaines élections municipales sont un frein pour certaines collectivités pour la négociation ou la renégociation de ces prêts. C’est un constat. Notre stratégie reçoit cependant un accueil plutôt positif. Ce sujet mériterait d’être dépassionné afin d’aller plus vite et d’aboutir à davantage de renégociations.

En ce qui concerne les émissions, le fait d’émettre pour la première fois sur un marché, avec une nouvelle signature, impose d’établir dès le départ des relations de confiance avec les investisseurs. D’autre part, une émission sur le marché des obligations sécurisées – le terme « foncières » est à ce sujet trompeur – s’effectue essentiellement via un programme spécifique, le programme EMTN que connaissent certains responsables de collectivités. Ce programme prévoit qu’une demande est adressée aux émetteurs permettant aux investisseurs d’avoir une explication complète, transparente et à jour des risques disponibles. Aujourd’hui, pour aller sur les marchés financiers, nous devrions présenter et traiter le risque associé à ces prêts structurés sensibles, ainsi que les chiffres des contentieux. Globalement, le stock est de très bonne qualité, mais cette incertitude juridique peut objectivement nous gêner pour la première émission.

Mme Christine Pires Beaune. Les collectivités concernées par ces prêts toxiques ont-elles l’obligation de faire des provisions budgétaires en prévision de ces risques ?

M. Philippe Wahl. Le risque n’est pas encore avéré et la comptabilité publique des collectivités locales n’autorise pas les provisions. Il s’agit d’ailleurs là d’un facteur favorable à la prise de risque de ces produits structurés, le risque pris n’étant pas provisionné.

Mme Arlette Grosskost. À en croire la presse, la pénurie serait terminée. Cependant, dans ce contexte, comment envisagez-vous la création éventuelle de l’Agence de financement des collectivités locales et la concurrence qui en découlerait ?

M. Philippe Wahl. Ce n’est pas un problème. Cela va animer le marché et garantir une certaine pérennité du financement pour les collectivités locales.

M. le président Gilles Carrez. La diversité dans l’accès à l’emprunt est dans l’intérêt des collectivités. Cette agence n’est pas encore créée et j’imagine que la direction du Trésor n’approuve pas forcément ce projet.

M. Éric Alauzet. Quelles seraient les conséquences, pour les collectivités, du report de leur décision de renégociation de leurs prêts ?

M. Philippe Mills. La plupart de ces prêts ont été conclus avant la crise, entre 2005 et 2007, sur des durées de vie longues, voire très longues. Les échéances courent donc encore sur quinze à vingt ans. L’expérience montre la volatilité des formules sous-jacentes associées à ces calculs. Sur les quinze à vingt années à venir, le risque n’est pas négligeable pour les collectivités qui souhaiteraient attendre. Pour la catégorie non activée, nous conseillons aux collectivités de transformer leurs prêts structurés en prêts à taux fixe, surtout en raison des taux actuels, particulièrement bas. Transformer un prêt structuré en taux fixe ne coûte actuellement que 50 points de base, ce qui n’est vraiment pas beaucoup. Dans le respect de l’autonomie des collectivités, nous ne pouvons que leur conseiller de transformer leurs prêts structurés.

M. Henri Emmanuelli. Qu’en est-il du généreux prêt de 12 milliards d’euros consenti à la SFIL par la Caisse des dépôts ? Le profil de remboursement vous paraît-il observable ?

M. Philippe Mills. Il est parfaitement observable, sachant qu’il est étalé sur de nombreuses échéances.

M. Philippe Wahl. Pour conclure, je voudrais d’abord vous réaffirmer que le dispositif est place, malgré les complexités existantes. Les équipes y font face. L’impasse du financement des collectivités locales est un problème résolu. Ensuite, La Banque postale, la Caisse des dépôts, la SFIL et la CAFFIL vont assurer la pérennité du modèle de financement des collectivités locales. Les outils sont là. C’est un nouveau modèle fondé sur des produits simples. Nous n’allons pas construire des produits structurés ou trop complexes. Nos produits seront adossés en liquidités sur La Banque postale et la SFIL, avec une marge transparente et raisonnable. C’était notre devoir de mettre en place ce nouveau modèle de financement des collectivités territoriales.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie pour cette audition très intéressante et pour vos réponses très précises à des questions non moins précises.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 12 juin 2013 à 16 h 15

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Arlette Grosskost, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Patrick Ollier, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Alain Rodet

Excusés. - M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Gaby Charroux, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Pascal Terrasse

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