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La Commission procède à l’audition de M. Ramon FERNANDEZ, directeur général du Trésor, sur l’avenir du Crédit immobilier de France (CIF).
M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie tout particulièrement d’avoir répondu à notre invitation, car depuis plusieurs mois, notre Commission suit avec la plus grande attention l’évolution de ce dossier.
Vous le savez d’ailleurs fort bien, monsieur le directeur général, puisque nous vous avions déjà entendu sur ce sujet en octobre dernier, avec M. Michel Bouvard, alors président-directeur général du Crédit immobilier de France – CIF. Nous avions également rencontré l’intersyndicale du CIF.
Depuis lors, l’article 108 de la loi de finances pour 2013 a été adopté : il assortit le bénéfice de la garantie de l’État à la présentation au Parlement d’un rapport du Gouvernement « sur les résultats de l’examen de la situation du CIF ». Alors qu’il devait être remis avant la fin du mois de mars, ce rapport ne nous est pas encore parvenu.
Je crois pouvoir dire au nom de la Commission que plus encore que la question formelle du dépôt de ce rapport, la préoccupation tient à ce que de nombreuses interrogations nous semblent demeurer sans réponse. De ce point de vue, l’audition des nouveaux responsables du CIF, le 29 mai dernier, ne nous a guère rassurés. Alors que le temps presse, désormais, nous avons eu l’impression que les choses n’avaient guère avancé.
Je rappelle que notre Commission a été unanime à voter la garantie de l’État. Sans garantie de l’État, le CIF aurait purement et simplement disparu. La rentabilité, même faible, demeure positive, et les fonds propres suffisants. En revanche, le modèle de financement pose un problème structurel de liquidité : ce n’est pas nouveau, car à plusieurs reprises, on a recherché des possibilités d’adossement. Ces projets ont avorté et il est inutile de tenter de revenir sur le passé ou de le réécrire. L’objectif est maintenant d’élaborer un plan de résolution ordonnée, le plus constructif possible.
Les questions demeurent donc nombreuses alors que les enjeux, tant sociaux que financiers, sont considérables. Nous nous interrogeons sur l’avenir des différentes activités du CIF, que nous connaissons bien en tant qu’élus locaux, sur l’évolution du portefeuille et des conditions de financement.
Où en est le plan de résolution ordonnée discuté avec la Commission européenne ? La création d’un service d’intérêt économique général – SIEG – est-elle envisageable ? Qu’est-il prévu pour le personnel, en particulier pour ceux qui ne seront pas retenus pour gérer l’extinction de l’encours, et dont l’expertise en matière d’accession sociale à la propriété est pourtant reconnue par tous ? Qu’en est-il de son transfert à La Banque postale ou de la cession des filiales viables ?
M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor. Je vous remercie de votre invitation. Mon propos liminaire tentera de répondre aux principales questions qui peuvent être soulevées sur cette question du Crédit immobilier de France, sans revenir sur la spécificité de son modèle économique ni sur ses difficultés de financement. Je vous indique, par ailleurs, que le rapport prévu par l’article 108 de la loi de finances pour 2013 a été transmis au Parlement par le secrétariat général du Gouvernement le 10 juillet dernier.
La garantie prévue par la loi de finances pour 2013 a été autorisée par la Commission européenne pour une durée de six mois. Ce délai doit permettre la présentation d’un plan de résolution ordonnée, qui permettra de distinguer les activités non viables, qui seront mises en extinction, des activités viables, qui seront cédées. Sur la base de ce plan, la Commission européenne pourrait décider d’une autorisation définitive de la garantie.
Nous avons travaillé sur la possibilité de restructurer l’établissement pour lui permettre de retrouver un modèle économique viable et de poursuivre ses activités. Un tel scénario aurait été impossible sans aide de l’État. Or, la Commission européenne, qui examine la compatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, requiert plusieurs critères pour admettre de telles aides : le fait qu’elles soient limitées au strict nécessaire, l’absence d’atteinte à la concurrence, une rémunération appropriée de l’aide octroyée et la contribution des bénéficiaires et des actionnaires.
Dans le cadre ainsi défini par la Commission européenne, nous avons examiné la possibilité de la poursuite des activités de l’ensemble de l’établissement. Dès lors qu’aucun adossement n’était possible, un retour rapide à bonne fortune était exclu et nous avons donc abandonné cette option.
Nous avons également examiné l’option défendue par la nouvelle direction du CIF, installée en octobre dernier, qui consistait à liquider la plus grande partie des activités de l’établissement et, dans le même temps, à créer un nouveau Crédit immobilier de France reprenant les mêmes activités que l’ancien. Il nous est apparu qu’une telle solution n’était pas viable pour plusieurs raisons. Elle aurait nécessité un bas de coût de financement, qui aurait requis une aide d’État incompatible avec les règles posées par la Commission européenne. Les hypothèses de croissance de la production étaient trop volontaristes et leur réalisation aurait posé des problèmes de maîtrise des risques et de faibles marges. Enfin, dès lors que les fonds propres de l’ancien établissement auraient couvert les actifs mis en extinction, de nouveaux fonds propres auraient dû être rapportés, ce qui renvoie à la question initiale, restée sans réponse, de l’impossibilité d’adosser l’établissement à une autre banque.
En résumé, cette option n’était pas praticable sans aide d’État. C’est pourquoi nous avons examiné la possibilité d’accorder au CIF la qualification de SIEG.
Pour retenir une telle qualification, plusieurs critères doivent être remplis. En premier lieu, il doit être constaté une défaillance de marché. Or, le CIF ne détenait qu’une part minoritaire, inférieure à 20 %, du marché de l’accession sociale à la propriété – d’autres acteurs, comme La Banque postale, étant, par ailleurs, en passe d’entrer sur le marché. En second lieu, une entreprise qualifiée de SIEG ne peut être en difficulté financière. Il aurait donc fallu créer une nouvelle entité, à laquelle il aurait été impossible de transférer les actifs et le personnel du CIF. Enfin, l’octroi d’une mission de service public impose le respect d’obligations de transparence, de publicité et de limitation de la mission dans le temps.
En définitive, compte tenu de la double impossibilité de maintenir le CIF sans aide d’État et de le qualifier en SIEG, la seule solution était la résolution ordonnée, consistant à gérer en extinction les activités non viables et à céder les activités viables. Cette option a été soumise aux organes de gouvernance et aux institutions représentatives du personnel de l’établissement.
Dans ce cadre, une question importante est le devenir des fonds propres du CIF. Il n’existe aucune volonté de l’État d’accaparer ces fonds. D’ailleurs, si tel avait été le cas, l’État aurait imposé un niveau de rémunération élevé de la garantie – lequel a été limité à un taux de 0,05 %. L’objectif de l’État est de sécuriser la gestion en extinction des activités de l’établissement. Pour cela, il est nécessaire d’en garantir la solvabilité donc de protéger le niveau de ses fonds propres.
L’État estime, par ailleurs, que, pour que les actionnaires soient intéressés à la bonne gestion de l’établissement géré en extinction, ils doivent pouvoir récupérer une partie de leur mise.
Il est prévu de mettre en extinction le CIF, à l’exception de ses activités viables. Plus ces dernières seront importantes et plus l’ampleur du plan social et l’assiette du bilan garanti pourront être limitées. Afin de définir ces activités viables, le CIF a mandaté deux banques conseil chargées de chercher des repreneurs. Toutes les entités pour lesquelles une offre ferme a été reçue avant le 15 juillet pourront continuer leur activité en attendant que la cession soit effective.
Dans ce processus, nous encourageons toutes les cessions d’activité. Pour autant, nous constatons que les pôles régionaux du CIF n’ont pas suscité d’offre. En revanche, des propositions fermes ont été reçues pour plusieurs filiales qui emploient au total entre 200 et 300 salariés. Le CIF, en collaboration avec l’État, s’assure que ces cessions se feront dans les meilleures conditions possibles pour les salariés.
Si l’on rapporte les effectifs concernés par les cessions à ceux qui sont destinés, au sein du CIF, à gérer dans la phase initiale la mise en extinction du portefeuille (environ 800 salariés), entre 1 000 et 1 400 salariés sur les 2 400 du groupe qui pourraient in fine être concernés par le plan de sauvegarde de l’emploi dont les négociations ont commencé le 18 juin. L’État a pleinement conscience de l’enjeu que cela représente et est mobilisé pour accompagner les efforts de la direction du CIF. Un dialogue a été engagé avec la Fédération bancaire française pour faciliter la reprise de salariés, même si nous sommes réalistes sur l’ampleur des recrutements qui pourraient être réalisés dans ce cadre ; mais les banques se sont engagées à examiner avec un regard positif toutes les candidatures de salariés du CIF qui leur seront soumises. Le ministre a demandé aux représentants des banques françaises de s’impliquer. J’ai personnellement évoqué ce sujet avec MM. Yannick Borde et François Morlat au cours de ces derniers jours. Le temps presse, dans la mesure où de nombreux salariés du CIF ont une activité fortement réduite depuis juin 2012, lorsque l’autorité prudentielle a limité l’octroi de nouveaux crédits.
Un point positif : l’OCPABAIA, organisme collecteur paritaire interbranche des fonds de la formation professionnelle des banques, sociétés et mutuelles d’assurances, est prêt à intervenir pour financer la formation des salariés qui rejoindront ces établissements. Ceci viendra en complément des dispositifs de formation prévus par le plan social en cours de négociation.
Enfin, le travail avec La Banque postale commence à porter ses fruits. Elle s’est engagée à développer une offre dans l’accession sociale à la propriété, ce qui implique le recrutement de 300 salariés d’ici 2014, en priorité parmi ceux du CIF. De nombreuses fiches de postes ont été diffusées et, à ce jour, 25 collaborateurs ont été embauchés par La Banque postale. L’objectif de 150 recrutements par cet établissement dès cette année sera tenu.
Ayant pris des engagements au mois de décembre dernier pour développer son offre en matière d’accession sociale à la propriété, La Banque postale a mis en place en avril 2013 à Clermont-Ferrand une plateforme consacrée à cette activité. Cette offre en faveur des ménages les plus modestes monte en puissance rapidement puisqu’à la fin du premier semestre de cette année, ce sont 600 millions d’euros d’offres de prêts qui ont déjà été émises et qui permettent d’atteindre une part de marché de près de 8 %. L’objectif de La Banque postale est d’atteindre un niveau de prêts d’accession sociale d’un milliard euros à la fin de l’année, c’est-à-dire autant que le CIF en 2011. Le Gouvernement sera attentif à la montée en charge de cette offre.
Je rappelle enfin les efforts du Gouvernement en termes de recentrage du prêt à taux zéro – PTZ – pour les ménages les plus modestes ainsi que les efforts faits en matière de mobilisation du foncier public.
Il y a donc des inquiétudes légitimes sur le vide qui est laissé par le CIF auprès des populations fragiles, mais des mécanismes se mettent en place pour que les salariés du CIF puissent retrouver un emploi et La Banque postale se mobilise pour proposer une nouvelle offre de prêts pour les populations fragiles.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les cessions possibles de filiales du groupe CIF ? Avez-vous une idée de la valorisation que cela pourrait représenter, ainsi que du nombre de personnels concernés par une éventuelle reprise ?
Je souhaiterais également obtenir des précisions sur la position de la Commission européenne sur ce dossier. Que pense-t-elle, par exemple, de la possibilité pour les actionnaires de récupérer une partie des fonds propres du groupe ?
Le point principal, ainsi que vous l’avez évoqué, c’est la question sociale. J’ai rencontré, il y a quelques jours, les représentants des organisations syndicales. Je les ai trouvés dans une disposition d’esprit très constructive, ce qui n’empêche pas un certain nombre de remarques dures sur le comportement de la direction du CIF sur des questions très précises comme la suspension du contrat de travail ou l’organisation de la discussion. Il me semble que la réponse à leur demande d’organisation du plan de sauvegarde de l’emploi est assez inquiétante. Comment vous-même percevez-vous cela ? J’ai également retiré de cette entrevue le sentiment que La Banque postale semble remplir les engagements qu’elle a pris à l’égard du personnel.
Enfin, je souhaite revenir sur la précédente audition avec la direction actuelle du CIF. J’ai rarement vu un tel naufrage devant notre Commission : aucune de nos questions n’a véritablement trouvé de réponse. Quel est l’état précis de vos discussions sur le maintien des missions sociales des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété – SACICAP ? Y a-t-il des pistes concrètes au-delà des discours, par exemple sur la question de la rénovation thermique des bâtiments ?
M. Dominique Lefebvre. Je m’associe aux propos et aux questions de Christian Eckert. À la suite de l’audition des dirigeants du CIF et compte tenu des propos que j’avais tenus, j’ai été sollicité par les représentants du personnel de cet organisme. J’avais alors dénoncé le déni dans lequel se trouvait la direction du CIF, déni qui s’est poursuivi au moins jusqu’au 12 juin, date à laquelle j’ai reçu une lettre du président du CIF qui adoptait encore une position d’arrière-garde. J’ai alerté le ministre de l’Économie et des finances ainsi que celui du Travail sur notre préoccupation : déboucher le plus rapidement possible sur une validation du processus de résolution par la Commission européenne pour entrer dans les meilleures conditions dans le processus de cession et mettre en place le plan social pour les personnels. Je voudrais m’assurer que le Gouvernement et les administrations poursuivent bien cet objectif. J’ai peur que le calendrier ne se « dilue » à nouveau, avec la perspective d’un agrément qui ne serait accordé par la Commission européenne qu’en novembre.
Pour parler clairement, les représentants du personnel du CIF jugent très sévèrement les actionnaires, considérant que leur seule préoccupation est la préservation de leurs fonds propres tandis qu’ils se désintéressent de l’avenir des personnels qui doivent pouvoir, pour certains, rester, moyennant des garanties, dans l’organisme qui aura à gérer pendant de très nombreuses années – au moins une dizaine me semble-t-il – les suites du CIF et, pour les autres, être reclassés dans les meilleures conditions grâce à l’implication, le plus rapidement possible, de tous les adhérents de la Fédération bancaire française.
M. Éric Woerth. Était-il réellement impossible d’adosser le CIF à La Banque postale ? Quelles sont les activités viables du CIF susceptibles d’être reprises ? Et par qui ? Quelles sommes et selon quel calendrier le partage des fonds propres du CIF pourrait–il apporter à l’État actionnaire ?
Mme Valérie Rabault. Je rejoins la question d’Éric Woerth, que j’avais moi-même posée le 22 octobre dernier et qui était restée sans réponse. Dès cette époque, j’avais demandé combien cela aurait coûté à La Banque postale de reprendre les activités du CIF.
Par ailleurs, vous avez évoqué un montant de 600 millions d’euros, avec une montée en charge à un milliard d’euros du portefeuille de financement des prêts pour l’accession sociale. Il me semblait que c’était plutôt 2 milliards d’euros qui avaient été réalisés par la CIF. Nous nous situerions 50 % en dessous de ce niveau. Comment envisagez-vous de combler l’écart entre ces deux chiffres ?
Enfin, vous avez fait référence à ce rapport que nous avions demandé dans le cadre de l’article 108 de la loi de finances pour 2013. Or, depuis un an, nous manquons d’éléments sur le CIF. Depuis votre audition du 22 octobre dernier, nous n’avons pas eu, à ma connaissance, d’éléments chiffrés sur les différents scénarios en termes d’adossement. Pour que la représentation nationale puisse se faire une idée claire et précise, elle doit avoir accès aux données chiffrées des différents scénarios et aujourd’hui ce n’est pas le cas malgré un certain nombre de demandes que nous avions formulées.
M. le président Gilles Carrez. Je confirme.
M. Michel Piron. Concernant les inquiétudes des salariés, il a bien été dit que les banques « regarderont avec une attention particulière les dossiers des salariés du CIF lorsqu’il y aura une adéquation avec les besoins de recrutements externes ». J’aimerais que vous nous en disiez un petit peu plus sur les moyens dont disposent les pouvoirs publics pour s’assurer que ces engagements seront tenus.
En matière de prêts d’accession sociale, vous venez de nous rappeler que le CIF détenait quelque 20 % de parts de marché. Même l’objectif de 1 milliard à la fin de l’année 2013 reste très éloigné de ce montant. Pouvez-vous nous donner des précisions complémentaires sur l’évolution du PTZ, s’agissant par exemple du premier trimestre 2013 ?
Enfin, pouvez-vous nous éclairer sur les rumeurs selon lesquelles les encours de prêts du CIF pourraient être rachetés et qu’en conséquence les personnels appelés à gérer l’extinction pourraient être appelés à quitter l’entreprise plus tôt que prévu ? Cela me conduit à vous demander quelle durée vous envisagez pour – selon les termes que vous avez choisis – la gestion dite « extinctive » du CIF.
M. Éric Alauzet. J’attends moi aussi avec impatience le rapport qui doit nous être remis par le Gouvernement. Sans vouloir épiloguer sur l’issue regrettable du CIF, une structure qui était saine avec des excédents importants, je voulais vous faire part de mon sentiment d’amertume, partagé par beaucoup. Peut-être tout n’a-t-il pas été fait pour rendre possible une restructuration, et ce qui a été annoncé semble plus problématique que ce qui est finalement proposé. En particulier, la reprise du personnel par le secteur bancaire est de plus en plus hypothétique, notamment au regard des difficultés que rencontre l’ensemble des banques. Je rappelle qu’il n’était pas du seul devoir de La Banque postale d’assurer la reprise du personnel, mais de l’ensemble des banques françaises. De ce point de vue, je suis plus inquiet qu’il y a six mois sur les perspectives de reprise de salariés.
De la même manière, le financement pour les publics les plus modestes des crédits pour l’accession sociale à la propriété n’incombe pas à la seule Banque postale. On peut là aussi, être plus réservé et inquiet par rapport à ce qui avait été annoncé. Tout cela laisse un sentiment de frustration. Il faut regarder la réalité en face : cela va être beaucoup moins facile, tant pour ce qui concerne la reprise du personnel que pour les prêts aux ménages les plus modestes, d’atteindre les objectifs fixés. À mon sens, l’extinction qui nous a été présentée comme étant l’unique voie n’était pas la seule solution. La Commission européenne, à qui la question a été posée, a d’ailleurs confirmé que l’extinction n’était pas sa recommandation exclusive.
Sur le plan social, je comprends que les personnels se placent plutôt dans une démarche positive, puisque les informations que je détiens montrent que cela ne se présente pas trop mal pour eux.
Enfin, je pense que la rénovation, en termes de précarité énergétique, du logement des personnes en difficulté, qu’elles le soient du point de vue de leurs revenus ou de leur handicap, peut sans doute être assurée à partir du réseau existant des SACICAP, qui disposent d’un maillage étendu et d’une compétence forte. Il y a là quelque chose à approfondir pour ne pas tout perdre dans cette affaire. Il existe déjà un financement de base qui représente à peu près 10 % des fonds propres. Cela n’apparaît pas extravagant. Si cette opération fonctionnait, on pourrait alors reposer la question de l’accession sociale, si toutefois le réseau bancaire se mobilisait à cette fin.
M. Xavier Bertrand. Monsieur le directeur général, j’ai un sentiment désagréable : on continue de reprocher au CIF la gestion passée et la précédente direction. J’ai aussi le sentiment que les fonds propres intéressent particulièrement l’État. En définitive, c’est l’impact social qui est l’élément le plus fort dans les différentes hypothèses possibles. La question du financement de l’immobilier est reléguée loin derrière. Il n’y a pas de tentative d’étudier à fond les solutions alternatives. Cette question n’était pas facile et je ne vous demande pas de prendre position sur le volontarisme politique. Mais comment pourriez-vous dissiper cette impression selon laquelle on a avant tout cherché à tourner la page de la gestion passée et à s’intéresser uniquement à la gestion en fonds propres ?
M. Jean-Louis Dumont. Il est inutile de refaire l’histoire : elle est ce qu’elle est. Mais quand on la connaît, on sait quand même qu’il y a eu plus que des complicités, puisque le statut actuel du CIF est issu de négociations entre la gouvernance de l’époque et, me semble-t-il, le Trésor. Or, dans la continuité républicaine, les hommes passent mais les cultures demeurent. Je suis profondément persuadé qu’au-delà du ticket d’entrée de 500 millions d’euros qui a été voté par nos assemblées, il y avait un modèle qui a d’abord prospéré, puis qui pouvait à un moment donné être considéré comme dépassé du fait de la crise, et sur lequel il fallait faire une opération chirurgicale. On a préféré la peine de mort. Je m’interroge, s’agissant de la dernière période, sur les dossiers ouverts concernant tant la gestion des emplois que des compétences et de l’expertise.
Il est vrai que la montée en puissance de La Banque postale, à un moment très particulier pour notre économie, est peut-être plus lente et doit se faire avec prudence. Son efficacité sera sûrement au rendez-vous. Mais les objectifs ambitieux sont manifestement réservés à un créneau d’intervention sur l’accession sociale à la propriété. Or, l’expertise du CIF allait bien au-delà. L’excellence sociale, dont personne ne veut parler, qui consiste à mener des opérations – certains diront pour quelques dizaines de millions d’euros sur l’ensemble du territoire –, pour aider des publics vraiment très fragiles à leur démarrage dans le parcours résidentiel, même si c’est dans un terrain familial, était utile. Nous avons tous cette expérience dans nos régions et dans nos provinces. Tout ceci a été balayé.
Le reproche que l’on peut faire, et que l’on vous a fait, monsieur le directeur – je sens désormais beaucoup plus d’assurance de la part de vos services sur ce dossier – est que l’objectif assigné depuis longtemps était de faire disparaître le CIF. Aujourd’hui, cet objectif est pratiquement atteint. Vous n’empêcherez cependant pas qu’on puisse faire de la résistance par rapport à des opérations qui, dans un État républicain comme le nôtre, devraient être menées à bien.
Je vais faire un constat amer en me référant à Pierre Bérégovoy. Il y a près de vingt ans, alors que je l’interrogeais sur la qualité des aides en faveur du mouvement HLM – et j’en profite pour souligner qu’un pacte a récemment été signé en ce sens avec le Premier ministre puisque le besoin de logements est connu tant en quantité qu’en qualité –, il me répondait que Bercy lui disait quotidiennement qu’il y avait assez de logements et qu’il n’y avait donc plus besoin d’argent public pour le logement. Vingt ans après, on passe un nouveau pacte en faveur du logement, mais la culture du Trésor reste la même : pas d’intervention de l’État, il n’y a plus besoin de mettre d’argent ! Et c’est nous, en région, qui allons devoir mobiliser des moyens importants pour permettre à des personnes, y compris des travailleurs et des étudiants, d’avoir un toit et une adresse. Voici pour le contexte général.
Pour le reste, il y a dans le groupe CIF des filiales et des sociétés qui font de l’excellent travail, mais il y a aussi des actionnaires. Ce qui me choque, c’est qu’on ne parle jamais des SACICAP. Car ce modèle est en place, je le répète, depuis les négociations entre vos services et les dirigeants de l’époque. Si elles ont changé de statut, c’est avec l’accord du Trésor et des gouvernants de l’époque. Et le Parlement a voté. Cela signifie qu’aujourd’hui, on ne peut traiter cela d’un revers de main parce qu’il fallait faire un exemple. Quand on parle d’adossement, on voit bien aujourd’hui que ce n’est plus possible parce que l’extinction du CIF a été décidée le 20 août 2012. Pourquoi n’est-on pas intervenu à l’époque, avec les moyens à la disposition de l’État ou des banques sur lesquelles il dispose d’un pouvoir, pour régler cette situation ? Et on nous dit aujourd’hui qu’on va essayer de régler le sort des personnels, alors que cela fait déjà un an qu’ils attendent. Dans quelles conditions vont-ils se retrouver sur le marché du travail ? Par conséquent, le retard sur un rapport et les non-réponses aux questions posées dans et hors de l’hémicycle ont de quoi nous inquiéter. Nous ressentons vraiment un manque de confiance à l’égard des services qui ont piloté cette opération, alors qu’il aurait dû y avoir une négociation et que d’autres capacités d’intervention auraient pu être mobilisées. Nous ne devons pas revivre une crise comparable à celle du Crédit foncier de France.
M. Marc Goua. Je constate aujourd’hui, s’agissant de la position de Bruxelles, des différences très nettes par rapport à des réponses plusieurs fois exprimées lors d’auditions antérieures. On nous avait en effet expliqué que l’extinction était exigée, alors que ce n’était pas le cas : cela est extrêmement désagréable. Je rejoins Jean-Louis Dumont, président de l’Union sociale pour l’habitat, pour dire que l’adossement a été négligé puisqu’on était parti du principe d’une fermeture du site. L’État ayant prise sur certains établissements bancaires, on aurait pu s’en préoccuper plus tôt.
J’ai deux inquiétudes à ce sujet. La première tient à l’accession sociale à la propriété : il est déjà très difficile d’obtenir, pour une clientèle moyenne, des financements de la part du système bancaire traditionnel. Je doute que les banques se précipitent sur le financement de l’accession sociale à la propriété des clientèles plus fragiles. La seconde inquiétude tient à l’avenir des personnels du CIF au moment où le système bancaire est en train de réduire ses effectifs. Je sais que, dans un premier temps, on va certainement aboutir à un accord avec des indemnités. Néanmoins, je crains qu’à terme on ne retrouve un certain nombre de personnes sur le carreau.
M. le rapporteur général. Je suis informé à l’instant que le rapport du Gouvernement venait d’être communiqué à l’Assemblée par voie électronique.
M. le directeur général du Trésor. Les questions qui me sont posées portent notamment sur le plan d’ensemble : y avait-il une alternative ? Y a-t-il eu un acharnement ? J’ai noté dans certaines interventions que l’idée selon laquelle nous aurions pensé qu’un train avait quitté la gare et devait donc arriver à terme nous aurait interdit de réfléchir à des solutions alternatives. Je peux simplement vous relater mon expérience à partir du jour où le précédent président du CIF est venu me voir pour me dire qu’il y avait un problème.
Depuis 2006, de manière constante, l’État et l’Autorité de contrôle prudentiel essayaient de convaincre les partenaires du CIF de trouver un partenaire et d’expliquer que le modèle économique du CIF, depuis 2006 au moins, était voué à l’échec. Que s’est-il passé, au début de l’année 2012, lorsque M. Sadoun m’a fait part de difficultés ? On a de nouveau exhorté plusieurs fois la direction du CIF à rechercher un partenaire, ce qu’elle n’a pas voulu faire. On a obtenu, à la fin du printemps 2012, qu’elle recrute enfin un conseil pour essayer de travailler à ces scénarios. Il a fallu beaucoup de temps. Le gouvernement précédent connaissait la situation et a fait ce qu’il a pu, entre mars et la fin de l’été, pour essayer d’encourager la recherche de cet adossement. Le nouveau gouvernement a récupéré ce dossier et poursuivi sur cette même voie, à travers des discussions intensives conduites notamment avec La Banque postale. Il n’y a donc pas eu de renoncement ni de fatalité visant la mise en extinction. Au contraire, nous avons mené toutes les tentatives possibles et imaginables.
On me demande pourquoi il n’y a pas eu de réponses plus tôt. En réalité, ce n’était pas qu’une question de prix. Les discussions qui ont eu lieu avec tous ceux qui ont été approchés portaient sur un objet qui était le CIF dans son entier, en tant que banque dotée d’un portefeuille. Je crois me souvenir que La Banque postale a posé 667 questions à la direction du CIF et qu’elle a accédé à une data room où elle a minutieusement examiné tous les portefeuilles et qu’elle s’est dit, au terme de cet examen extrêmement approfondi, qu’elle ne pouvait pas prendre ce risque au regard de son intérêt social, de sa stratégie et de ses objectifs. Et ce alors qu’il est de notoriété publique qu’il y a eu une intense discussion entre le Gouvernement et les dirigeants de La Banque postale sur ce sujet. Je vous prie de croire que la direction du Trésor, en dépit de tout ce qu’on peut lui reprocher, a cherché une solution. Notre idéologie était d’essayer de sauver cette banque : on a fait tout ce qui était possible de faire pendant des mois avant et après mai 2012. Vous n’êtes pas obligés de me croire mais j’ai d’innombrables documents qui en attestent.
Pourquoi n’avons-nous pas trouvé de solution ? Parce que c’est une banque qui a des difficultés, parce que son modèle économique ne fonctionne plus et que personne n’a voulu entrer dans une discussion, ne serait-ce que sur le prix. Pourquoi aucun acteur, ni en France ni à l’étranger, n’a-t-il manifesté de marques d’intérêt en dépit de toutes les sollicitations ? Nous n’avons pu trouver de solution alternative en raison, d’une part, des obstacles juridiques dont j’ai parlé et, d’autre part, d’obstacles économiques. Ce n’est pas de l’acharnement. L’État a travaillé de bonne foi pour essayer de trouver une solution avec M. Michel Bouvard et son équipe. Nous connaissons tous ses talents et son opiniâtreté, mais il n’a pas pu trouver de solutions. M. Borde est arrivé avec la même idée selon laquelle il devait y avoir une solution, mais il doit désormais se rendre à l’évidence : il n’y a pas d’autres solutions.
Sur les cessions des filiales du CIF, je suis un peu gêné pour vous donner plus de précisions, car cette audition est publique alors que les négociations sont en cours. Je peux simplement vous indiquer que trois filiales importantes du groupe CIF font l’objet de marques d’intérêt importantes qui devraient permettre de reclasser 200 à 300 salariés.
Sur la dimension sociale de ce dossier, nous avons rencontré les mêmes organisations syndicales que vous tous. Elles sont soucieuses de se concentrer complètement sur le plan de sauvegarde de l’emploi. Les négociations ont démarré le 18 juin dernier et les organisations syndicales doivent rendre un avis dans les prochaines semaines sur le plan de résolution qui doit être présenté à la Commission européenne.
Je constate que l’objectif assigné à La Banque Postale de recruter 150 salariés en 2013 sera atteint. Au total, l’objectif est qu’elle recrute 300 salariés en deux ans. Nous menons par ailleurs des négociations avec l’ensemble des réseaux bancaires pour les inciter à recruter des salariés du groupe CIF, mais cela suppose de se concentrer sur un seul objectif, la résolution bancaire, sans s’éparpiller.
Vous vous demandez également si l’État a pour objectif de capter les fonds propres du CIF. La réponse est clairement négative. Nous nous rendons demain à Bruxelles avec la direction du CIF pour négocier avec les services de la Commission européenne quelle devrait être la participation des actionnaires aux pertes du groupe CIF et à la mise en œuvre du plan de résolution. Il faut néanmoins préciser que les règles relatives aux aides d’État dans le secteur bancaire sont très strictes et visent en priorité à faire peser les pertes bancaires sur les actionnaires, puis sur les créanciers seniors, puis sur les créanciers juniors etc. En outre, dans la mesure où certains prêts accordés par le CIF courent encore pour trente ans, il est important de conserver une part suffisante de fonds propres. La part des fonds propres qui pourra revenir aux SACICAP pourra éventuellement servir au financement d’autres activités de ces sociétés.
Sur le montant des prêts d’accession sociale – PAS –, j’ai cité le chiffre de 1 milliard d’euros qui devrait être réalisé par La Banque postale en 2013 et qui correspond au montant des PAS accordés par le CIF en 2011. Je rappelle que d’autres banques interviennent également sur ce segment de marché, à commencer par le Crédit foncier de France, la part de marché du CIF au titre des PAS et des PTZ se limitant respectivement à 10 % et 5 %. Le CIF disposait néanmoins d’une part de marché plus importante sur la première tranche du PAS et dans le secteur rural (20 %), sur lesquels La Banque postale doit justement se positionner.
Comme je l’ai déjà dit, ce n’était pas une question de prix. Vous pouvez auditionner les dirigeants de La Banque postale. C’est la structure même du CIF qui a repoussé d’éventuels investisseurs, à commencer par La Banque postale qui a étudié très précisément ce dossier – 667 questions ont été posées si ma mémoire est bonne – et elle a considéré qu’il n’était pas dans son intérêt social de reprendre le CIF.
Mme Valérie Rabault. Je peux reformuler ma question : dans un adossement de portefeuille où le financement de crédit à long terme est adossé à un appel aux marchés à court terme, quel était le point d’équilibre ? De combien fallait-il augmenter les taux d’intérêt pour atteindre ce point d’équilibre ?
M. le directeur général du Trésor. Je vous donnerai des éléments chiffrés complémentaires, car je ne voudrais pas citer de chiffres incertains, mais je rappelle que le problème du CIF est le problème du stock de prêts existants, qui repose sur un modèle financièrement dangereux puisqu’il s’agit de financer des prêts de maturité très longue par un appel aux marchés sur des obligations de court terme. Il n’y avait pas de chiffre qui aurait permis un adossement à un établissement financier public. S’il avait été possible de soutenir une solution d’adossement fin 2012, nous l’aurions fait, mais il n’y en a pas eu.
M. Henri Emmanuelli. Arrêtons de dire que le CIF est une banque saine. Cette banque qui fait du crédit à long terme, qui n’a pas de dépôts et dont la signature est remise en cause n’est pas une banque saine. Son modèle était structurellement menacé, voire condamné. J’estime néanmoins que cette situation résulte davantage de la responsabilité de la précédente direction et je vous suggère d’auditionner M. Sadoun sur ce sujet. M. Bouvard a essayé d’y remettre de l’ordre et vous avez pu constater qu’il s’est très vite fait « expulser ».
M. Jean-Louis Dumont. N’était-il pas possible de stopper la dérive de l’ancienne direction sans envisager immédiatement la mise en extinction des activités du CIF en août 2012 ? Je constate que l’on a voté le même jour la garantie accordée au CIF et celle accordée à PSA Finance, mais dans le premier cas, la banque était condamnée à l’extinction, pas dans le second. Peut-être y avait-il d’autres intervenants que La Banque postale pour reprendre les activités du CIF, comme le 1 % logement par exemple ?
M. le directeur général du Trésor. La décision prise fin août 2012 a permis d’éviter la catastrophe en écartant le dépôt de bilan immédiat mais n’a pas gelé l’avenir du CIF. Des discussions ont été engagées par la nouvelle direction du CIF, en premier lieu M. Michel Bouvard, afin de trouver des solutions. Force est de constater que personne n’y est parvenu, malgré tous les conseils mobilisés par le CIF. Je tiens également à préciser que la situation de PSA Finance était tout à fait différente, car contrairement au CIF, cette banque est viable.
Sur le SIEG et les missions sociales des SACICAP, les réflexions sont en cours avec le ministère du Logement afin d’envisager dans quelle mesure les SACICAP peuvent intervenir en matière de rénovation thermique des logements, de prise en charge des financements publics différés – je pense notamment au crédit d’impôt développement durable - et de reste à charge des ménages modestes. Il faut distinguer la question du SIEG/CIF de la question du SIEG/SACICAP. Cette discussion est engagée parallèlement.
M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie. C’est un dossier dont il sera très certainement de nouveau question à la rentrée.
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Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 17 juillet 2013 à 9 h 30
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. François Cornut-Gentille, Mme Carole Delga, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Marc Francina, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Marc Goua, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Thierry Robert, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Gaby Charroux, Mme Annick Girardin, M. Camille de Rocca Serra
Assistait également à la réunion. - M. Michel Piron
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