Accueil > Travaux en commission > Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 24 juillet 2013

Séance de 9 heures 45

Compte rendu n° 114

Présidence de M. Gilles Carrez, Président.

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, et de Mme Évelyne Ratte, présidente de la 7e chambre, sur le rapport d’enquête réalisé par la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes

–  Présences en réunion

La Commission procède à l’audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, et de Mme Évelyne Ratte, présidente de la 7e chambre, sur le rapport d’enquête réalisé par la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

M. le président Gilles Carrez. Pour notre avant-dernière réunion de la session extraordinaire, nous accueillons ce matin M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, accompagné de la présidente de la septième chambre, Mme Évelyne Ratte. Ils viennent nous présenter le rapport qu’a préparé la Cour suite à la demande d’enquête que nous lui avions adressée le 13 décembre dernier, en application des dispositions du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF –, sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Le même jour, nous avions également saisi la Cour d’une demande sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence, sujet sur lequel, monsieur le Premier président, vous nous avez présenté votre rapport le 17 juillet. En outre, vous nous remettrez deux autres rapports, l’un sur le crédit d’impôt recherche et l’autre sur le recours à des organismes privés pour le placement de personnes sans emploi.

Les présidents de Vinci Autoroutes et de la Société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France – SANEF –, MM. Pierre Coppey et Alain Minc, ainsi que les présidents-directeurs généraux de la Société des autoroutes Paris-Normandie – SAPN – et de la société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône – APRR –, MM. François Gauthey et Philippe Nourry, m’ont fait parvenir la semaine dernière un courrier, dont l’objet était de me faire part de leur souhait de pouvoir communiquer leurs observations sur les questions abordées par la Cour des comptes. Ils estimaient en effet que la procédure du contradictoire n’avait pas été menée à son terme, mais je leur ai rappelé que celle-ci ne prend pas sa forme habituelle dans le cadre des rapports commandés en application du 2° de l’article 58 de la LOLF ; je les ai néanmoins invités à rédiger une contribution écrite, qui sera annexée au rapport d’information de nos rapporteurs spéciaux, Olivier Faure et Alain Rodet.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir organisé cette audition qui me permet de présenter à votre commission l’enquête que la Cour des comptes a réalisée à votre demande, en application du 2° de l’article 58 de la LOLF ; celle-ci porte sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Je suis accompagné de Mme Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre, et sont également présents M. François-Roger Cazala, conseiller maître, président de la section des transports à la septième chambre et contre-rapporteur, et Mme Claire Aldigé, auditrice et rapporteure de cette enquête.

Je tiens à préciser que ce rapport n’est pas le résultat d’un contrôle des concessions, ni davantage des sociétés concessionnaires d’autoroutes, car la Cour n’est pas compétente pour mener de tels travaux. Ce sont donc les services de l’État chargés des relations avec ces sociétés qui ont été contrôlés. Les chiffres qui figurent dans les tableaux du rapport proviennent du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, et non des sociétés.

Ce travail a suivi les procédures traditionnelles – collégialité et contradiction – encadrant la production des travaux de la Cour et qui forment la garantie de leur neutralité et de leur rigueur. La Cour a adressé le rapport provisoire aux administrations et aux sept sociétés concessionnaires historiques qui ont été concernées par l’enquête – pour les extraits les concernant – et elle a reçu de volumineuses réponses écrites de leur part. Ces sociétés ont également pu faire valoir leurs arguments à l’occasion d’auditions, organisées pour les cinq d’entre elles qui en ont fait la demande. C’est après une analyse approfondie de ces éléments que la Cour a forgé sa propre opinion et a établi les éléments factuels qui figurent dans le rapport. Pour répondre aux inquiétudes que les sociétés ont exprimées sur le contenu des constats et des recommandations retenus par la Cour, j’ai suggéré à la présidente de la septième chambre de leur transmettre les extraits du rapport définitif qui les concernaient avant qu’ait lieu la présente audition, ce qu’elle a accepté de faire.

Afin de financer le développement rapide d’un réseau autoroutier moderne, l’État a mis en place des concessions grâce auxquelles la construction et l’entretien des infrastructures sont financés par les usagers – à travers le paiement d’une redevance –, et non par le contribuable comme pour le reste du réseau routier. Cette dérogation au principe de gratuité de l’usage des voies de circulation vise à permettre de financer par des péages l’amortissement des constructions déjà réalisées, ainsi que l’exploitation, l’entretien et l’extension du réseau existant. Ce système transfère au concessionnaire les risques liés aux travaux et au trafic.

Les opérateurs qui ont assuré la construction et l’exploitation du réseau étaient pour l’essentiel des entreprises publiques. La privatisation des six sociétés historiques, mise en œuvre en 2006, a modifié la relation entre l’État et celles-ci. Elles ont été regroupées au sein de trois groupes : le premier est Vinci Autoroutes, qui comprend Cofiroute, Autoroutes du Sud de la France – ASF – et les Autoroutes Esterel-Côte d’Azur – ESCOTA –, le deuxième, contrôlé par Eiffage, rassemble APRR et la société des Autoroutes Rhône-Alpes – AREA –, et le troisième réunit la SANEF et la SAPN. C’est sur les relations entre l’État et ces sept sociétés – qui réalisent 95 % du chiffre d’affaires du secteur – que l’enquête s’est concentrée.

La France dispose aujourd’hui d’un réseau autoroutier de 11 000 kilomètres, dont 8 800 sont concédés. La partie la plus ancienne est amortie, mais, même pour cette portion du réseau, les coûts d’exploitation et d’entretien sont importants : en effet, 25 % du trafic routier passe par le réseau autoroutier, alors que celui-ci ne représente que 6 % du réseau. La qualité et la sécurité des infrastructures autoroutières sont unanimement reconnues et participent de l’attractivité économique du territoire ; il convient toutefois de s’assurer que le rapport entre le coût et l’efficacité soit le meilleur possible, ce qui est le rôle de la puissance publique lorsqu’elle négocie les concessions autoroutières et fixe l’évolution des péages.

La Cour a déjà eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet des péages autoroutiers, notamment dans un chapitre du rapport public annuel de 2008. Elle avait critiqué l’inadaptation des règles de négociation et de fixation des péages aux enjeux actuels, la déconnexion de ces péages par rapport à la mesure des coûts, l’insuffisante répercussion de la fin de l’amortissement du réseau le plus ancien par une baisse des péages dans les sections concernées, l’incohérence des tarifs dans différents tronçons et, dans l’ensemble, un système devenu trop favorable aux concessionnaires.

La Cour a constaté dans la présente enquête que les recommandations qu’elle avait formulées en 2008 avaient été assez largement suivies, mais que beaucoup restait à faire pour améliorer la maîtrise des concessions autoroutières. Elle s’est concentrée, pour répondre à la demande de votre Commission, sur une analyse de l’évolution des péages depuis dix ans et sur le contrôle par l’État du respect par les sociétés concessionnaires des obligations qu’elles ont contractées en contrepartie des hausses tarifaires obtenues ces dernières années.

Plus généralement, l’analyse se porte sur le cadre de négociation entre les services de l’État et les sociétés concessionnaires, et en particulier sur la deuxième génération de contrats de plan discutés depuis 2009. Ces documents ne sont pas publics et sont conclus dans des conditions peu transparentes ; c’est le rôle de la Cour de faire la lumière sur l’équilibre de ces négociations et sur leur contenu, et de formuler des recommandations pour renforcer l’efficacité du système des concessions autoroutières dans l’intérêt du contribuable et de l’usager du service public.

Les principaux constats et recommandations figurant dans ce rapport peuvent être résumés en trois messages : le ministère assure un meilleur suivi du respect des obligations par les concessionnaires, mais sans toujours tirer les conséquences du non-respect de cellesci ; la négociation tarifaire ne permet pas de protéger les intérêts de l’État et ceux des usagers ; enfin, cette insuffisante maîtrise du cadre contractuel par l’État résulte d’un déséquilibre dans la négociation au profit des concessionnaires autoroutiers. La Cour formule des propositions afin que l’État s’organise mieux pour négocier et dispose d’informations plus nombreuses de la part des sociétés.

S’agissant des progrès dans le suivi des obligations des concessionnaires qui ne débouchent pas assez sur des évolutions, il faut tout d’abord constater que l’administration bénéficie d’une expertise reconnue ; elle a mis en place une série d’indicateurs de performance qui servent à rendre compte de son action devant le Parlement dans le cadre de la LOLF. Ces indicateurs concernent tant la qualité des routes et des ouvrages d’art que celle des aires ou le délai d’intervention après un événement ou pour un dépannage. Ils ont été repris dans les contrats de performance avec les sociétés concessionnaires et ont été associés à des objectifs modulés selon les concessions.

Ce système est novateur et constitue une évolution positive. Il souffre cependant de deux défauts : le premier réside dans l’absence de contre-expertise par les services du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie des données transmises par les sociétés et une démarche d’audit pourrait être mise en place pour assurer leur évaluation ; la seconde faiblesse a trait au fait que les indicateurs n’ont de réelle importance que si le non-respect des engagements qui y sont associés trouve une concrétisation – que ce soit par le déclenchement de pénalités ou par l’insertion de nouvelles dispositions dans le contrat de plan suivant. Or, cette traduction s’avère encore insuffisante ; un régime de pénalités a bien été mis en place pour certains indicateurs, mais ses effets financiers restent modestes : le plafond des pénalités ne représente que quelques centaines de milliers d’euros, soit, selon les concessions, entre 0,029 et 0,055 % du chiffre d’affaires.

Le système d’indicateurs est donc prometteur, mais il doit être pérennisé et consolidé pour mieux contribuer au suivi du respect des obligations contractuelles par les sociétés.

La Cour a examiné les autres aspects du suivi du respect de ces engagements. Les cahiers des charges des contrats de plan prévoient, en contrepartie des hausses tarifaires, des travaux d’entretien et la réalisation de nouveaux investissements. Ces mêmes contrats donnent à l’État la faculté de mettre en demeure puis d’exiger des pénalités en cas de non-respect de ces obligations.

L’administration a effectué 503 visites de chantier en 2011 ; la Cour a constaté que celles-ci se concentraient excessivement sur les ouvrages d’art et les constructions nouvelles, au détriment de la vérification de l’état des chaussées et des ouvrages en terre existants. Seuls deux audits ont été consacrés à l’état des chaussées en 2010 et en 2011, dont l’un a constaté une dégradation suffisamment grave pour justifier une mise en demeure. Le contrôle des obligations environnementales est également très limité. La Cour recommande que la politique de contrôle soit mieux formalisée et qu’elle donne davantage de place à la vérification de l’état des chaussées et au respect des obligations environnementales.

Le maintien du bon état des ouvrages d’art fait partie des obligations à la charge des concessionnaires – donc non rémunérées par des hausses de péage supplémentaires à la hausse de 70 % de l’inflation prévue par le décret de 1995. La Cour a constaté que la plupart des sociétés – notamment Cofiroute – fournissent des informations trop limitées sur les opérations menées et sur leur coût. Même si les sommes consacrées sont croissantes et que le réseau autoroutier est plus sûr et mieux entretenu que les autres réseaux routiers nationaux, les moyens consacrés par les concessionnaires se situent encore à un niveau insuffisant compte tenu du vieillissement et de la dégradation du patrimoine. L’analyse des campagnes d’audit révèle pour plusieurs sociétés – en particulier ASF et la SAPN – le mauvais état des ouvrages et la faiblesse des moyens consacrés à leur maintenance. Ces constats particulièrement défavorables n’ont pas conduit l’État à mettre en demeure le concessionnaire, ni a fortiori de lui infliger des pénalités ; ils n’ont pas même eu d’impact sur la négociation du contrat de plan suivant.

La Cour recommande à l’État d’avoir bien davantage recours aux dispositions contraignantes, le défaut d’action pouvant engager sa responsabilité en cas d’accident ; elle conseille également qu’une plus grande importance soit accordée, dans le renouvellement des contrats de plan, au respect par les concessionnaires de leurs obligations de base, en particulier pour ce qui concerne la sécurité des routes et des ouvrages d’art.

Dans l’ensemble, l’administration se refuse à établir un bilan de la situation financière de chaque société, au motif que celle-ci assume le risque d’exploitation de la concession. Cependant, l’évolution de la situation des entreprises constitue un paramètre important pour la négociation du contrat suivant et la Cour invite donc l’État à dresser un bilan de l’exécution de chaque contrat de plan, en exploitant toutes les données permettant de le faire ; elle recommande que les données transmises sur la nature et le coût des investissements réalisés soient plus précises, notamment s’agissant de ceux donnant droit à augmenter les péages.

Le deuxième message du rapport est que la négociation tarifaire ne permet pas de protéger les intérêts de l’État et ceux des usagers. La règle d’évolution des tarifs figure dans un décret de 1995 ; elle garantit une hausse annuelle minimale du tarif kilométrique moyen à hauteur de 70 % de l’inflation. Si un concessionnaire s’engage à réaliser des investissements dans un contrat de plan, cette augmentation peut être supérieure, sans qu’aucun plafond ne soit défini. En pratique, le contrat de plan fixe presque systématiquement la tarification, et la revalorisation est nettement supérieure au plancher. Ainsi, les contrats de plan, qui devaient demeurer l’exception compte tenu de l’état presque achevé du réseau autoroutier, sont, à la demande des sociétés concessionnaires, devenus la règle. On peut en outre s’interroger sur la notion de plancher garanti de hausse, qui interdit toute baisse ou tout gel des péages. Le système repose sur le principe que tous les investissements doivent être compensés par des hausses de tarifs ; par conséquent, les bénéfices des sociétés n’ont pas vocation à être réinvestis ou à permettre une diminution des tarifs. Ce modèle ne peut qu’aboutir à une hausse constante et continue de ceux-ci. Le bien-fondé de cette exception au principe de désindexation des prix a déjà été contesté par la Cour ; à tout le moins, celle-ci recommande qu’un acte réglementaire fixe un plafond d’évolution des hausses de tarifs qui puisse s’appliquer même lorsqu’un contrat de plan a été signé, avec des montants différenciés.

Les hausses tarifaires des dernières années sont fortes. Entre 2009 et 2012, pour les véhicules légers, la progression s’est établie à 2,2 % par an pour la SAPN, ASF et ESCOTA, à 1,9 % pour Cofiroute, à 1,8 % pour APRR et AREA, soit des montants systématiquement supérieurs à l’inflation annuelle – 1,6 % –, à la seule exception de la SANEF. En 2010, le choix de retenir une inflation nulle alors qu’elle était négative a nourri cette augmentation.

Ces augmentations visent à prendre en compte des investissements nouveaux, à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Ce niveau et la composition des investissements retenus soulèvent trois critiques. La demande d’investissements supplémentaires n’émane pas principalement de l’État, mais des sociétés ; la question de leur opportunité se pose, en particulier pour la mise en place du télépéage sans arrêt – très présent dans le contrat de Cofiroute, alors que ce type d’investissement serait réalisé même en l’absence de compensation tarifaire.

Compte tenu de l’état de maturité du réseau, les investissements proposés par les concessionnaires possèdent une ampleur plus faible et sont donc plus nombreux. L’administration, qui ne dispose pas d’une doctrine s’agissant des investissements éligibles à la compensation, négocie au cas par cas et ne parvient pas toujours à éliminer ceux qui relèveraient des obligations normales d’entretien du réseau. La Cour recommande une plus grande fermeté dans la limitation des projets éligibles, afin de ne retenir que les plus utiles ; pour ce faire, il convient d’élaborer une doctrine et de l’appliquer.

Enfin, la documentation des coûts prévisionnels des investissements s’avère insuffisante ; les montants retenus se rapprochent plus souvent des estimations des concessionnaires que de celles des experts du ministère. La Cour recommande qu’une contre-expertise soit systématiquement réalisée, formalisée et documentée. Par ailleurs, l’État a très peu mis en œuvre le dispositif lui permettant de récupérer l’avantage financier découlant des hausses de péages déjà perçues lorsque les investissements concernés sont retardés. L’annexe 7 du rapport consacrée à l’analyse de la renégociation des contrats de plan de Cofiroute et d’APRR illustre – page 96 – ces constats.

La Cour relève également des distorsions au profit des concessionnaires, qui concernent le « foisonnement » et le modèle économique et financier sur lequel reposent les contrats. La notion de foisonnement désigne une pratique conduisant à répartir – en respectant la hausse du tarif kilométrique moyen fixé dans le contrat – les augmentations des péages en fonction du trafic sur les différents tronçons du réseau, afin d’optimiser le chiffre d’affaires.

La Cour avait vivement dénoncé cette pratique qui aurait disparu en 2011. Celle-ci a conduit par le passé à des dérives, notamment en 2006, année où l’excès de recettes procuré par le foisonnement avait représenté près de 1 % du chiffre d’affaires. Le rapport montre que la récupération du foisonnement de 2006 n’a été mise en œuvre que tardivement et très partiellement ; Cofiroute a obtenu une compensation tarifaire avantageuse de 234 millions d’euros hors taxes en échange de l’introduction d’une clause anti-foisonnement dans son contrat de plan 2010-2014.

L’une des conséquences des pratiques de foisonnement passées réside dans l’hétérogénéité des tarifs au kilomètre entre les différentes possibilités de trajets. Ainsi, 212 parcours en France affichent un prix kilométrique qui est soit supérieur de moitié, soit inférieur de moitié au tarif moyen. La moitié de ces distorsions concernent APRR. Les efforts pour les réduire ont été insuffisants et elles ont même augmenté récemment chez ASF.

Un autre déséquilibre à l’avantage des concessionnaires a trait aux hypothèses sur lesquelles s’appuient les contrats. Les prévisions de trafic se sont presque toujours révélées sous-estimées, au profit du concessionnaire ; l’effet bénéfique de la nouvelle écotaxe sur les poids lourds qui empruntent le réseau non concédé n’a pas été pris en compte dans les contrats de plan les plus récents, alors qu’il devrait entraîner, selon l’estimation du ministère, un surcroît de chiffre d’affaires de 450 millions d’euros hors taxes.

Le taux d’actualisation utilisé pour mesurer la rentabilité des investissements est fixé autour de 8 %, soit un niveau supérieur à celui que retiennent les analystes financiers pour ces entreprises, qui se situe autour de 6 %. Ce choix conduit à une survalorisation du contrat de plusieurs dizaines de millions d’euros au bénéfice du concessionnaire.

Ces avantages mettent en évidence un déséquilibre dans la négociation à l’avantage des concessionnaires. En conséquence, les derniers contrats de plan ont permis aux sociétés d’obtenir la compensation de 1,2 milliard d’euros d’investissements. Le modèle économique ainsi retenu place les entreprises dans une situation très favorable : leur chiffre d’affaires s’est accru en moyenne de 4 % par an entre 2006 et 2011 et leur profitabilité est devenue nettement supérieure à celle des autres entreprises françaises.

Le troisième message du rapport met en lumière un déséquilibre de la position de l’État dans la négociation avec les concessionnaires et propose des pistes pour y mettre fin. Au sein du ministère des Transports, la sous-direction chargée du réseau autoroutier concédé négocie presque seule les contrats de plan et les avenants aux contrats de concession, et il est rare que le ministère de l’Économie et des finances soit associé aux discussions ; or, les sociétés concessionnaires appartiennent à des groupes importants – Vinci et Eiffage notamment. Pour ces groupes, les tractations tarifaires s’inscrivent dans un ensemble plus large d’interactions avec l’État sur d’autres projets à forts enjeux, notamment ferroviaires ou de construction et de concession de bâtiments dans le cadre de partenariats public privé ; la négociation séparée de ces sujets par les différents ministères ne peut que placer l’État en situation défavorable. Dans les rares cas où le ministère de l’Économie et des finances est associé aux pourparlers, la Cour a constaté que la négociation devenait plus équilibrée, si bien qu’elle recommande que soit définie et formalisée une procédure interministérielle de négociation et de prise de décision. Cette procédure pourrait prévoir l’élaboration d’un mandat précis de négociation, avec une définition des besoins des usagers et de l’État en matière d’investissements nouveaux. Un suivi interministériel régulier des discussions devrait être organisé, et le Premier ministre devrait en approuver formellement le résultat.

Pour des raisons juridiques contestables, les hausses de tarifs négociées dans les contrats de plan interviennent avant l’issue de la négociation et l’approbation par décret en Conseil d’État. Ainsi, les concessionnaires atteignent leur objectif principal de la négociation au milieu des discussions, ce qui place l’État en position de fragilité pour la suite des échanges ; il importe de remédier à cette situation.

En conclusion, la Cour des comptes relève que les conditions actuelles d’encadrement des concessions autoroutières ne permettent pas que les intérêts des usagers et de l’État soient suffisamment pris en compte. Dans un contexte où les besoins d’extension et de modernisation du réseau autoroutier sont moindres et où l’amortissement des autoroutes anciennes progresse, il convient de faire évoluer un cadre qui conduit à une hausse continue et importante des tarifs autoroutiers. Cette préoccupation rejoint le souci de préserver le pouvoir d’achat des ménages et de réduire ce qui représente, pour les entreprises utilisatrices du réseau autoroutier, un coût de production qui pèse sur la compétitivité de l’économie.

L’opportunité de conclure presque systématiquement des contrats de plan rassemblant un nombre croissant de projets de faible ampleur – dont l’utilité est souvent contestable et le coût surestimé – doit être discutée ; on pourrait réserver ces contrats aux seules situations nécessitant des investissements lourds. Ainsi, l’absence de contrat de plan deviendrait la règle, ce qui aurait pour conséquence un ralentissement de la hausse des péages, en particulier dans les secteurs amortis et modernisés.

L’outil autoroutier – en concurrence avec d’autres modes de transport – trouve sa finalité dans l’optimisation des flux de transport qui animent le pays, et les sociétés qui concourent à le mettre en œuvre n’ont pas d’autre vocation que de servir ce dessein. Il faut concevoir la politique tarifaire en ce sens, afin d’allouer les ressources aux emplois les plus pertinents. Une remise en cause du cadre juridique et un changement de modèle économique pour les sociétés concessionnaires s’avèrent nécessaires ; une telle évolution requiert une sélectivité plus stricte des projets d’investissement et une attention plus grande portée au bon entretien des infrastructures, afin de disposer d’autoroutes en bon état à l’issue des contrats de concessions.

M. Alain Rodet, rapporteur spécial pour les transports routiers, fluviaux et maritimes et les aides à l’acquisition de véhicules propres. Monsieur le Premier président, madame la présidente, je tiens à vous remercier pour votre travail qui, dans le cadre du contrôle des relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes – SCA –, dépasse la stricte analyse financière. En 2006, l’introduction du rapport d’Hervé Mariton sur la valorisation du patrimoine autoroutier était intitulée « Les autoroutes pour l’emploi » : sept ans après, inutile de dire que l’on est loin du compte ! Le rapport Mobilité 21 « Pour un schéma national de mobilité durable » de notre collègue Philippe Duron, président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF –, créée en novembre 2004, juste avant la privatisation de 2005, montre également qu’il s’agit là d’un rendez-vous manqué et d’une erreur de politique publique que nous allons payer pendant longtemps.

Nous rejoignons le constat sévère dressé par la Cour des comptes : le cadre des relations entre la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer – DGITM – et les sociétés concessionnaires d’autoroutes n’est pas satisfaisant et le problème tarifaire, qui découle des défaillances du système institutionnel, s’avère préoccupant.

Les présidents des SCA dramatisent leur situation, notamment le niveau de leur dette, qui n’a pourtant rien de préoccupant ; ils font également part de l’effondrement du trafic des poids lourds, alors que seul le fret ferroviaire a connu un tel affaissement, la crise économique ayant simplement freiné la progression de la circulation routière des camions. Leur défense s’avère maladroite, surtout lorsque l’on constate que le président de la SANEF est M. Alain Minc, qui « éditorialise » urbi et orbi.

L’État doit avancer groupé et ne pas laisser la DGITM seule face aux concessionnaires ; ainsi, la présence du ministère de l’Économie et des finances serait bien utile dans les relations avec les SCA.

Les mesures adoptées pour mettre fin au foisonnement sont-elles opérationnelles et ont-elles déjà obtenu des résultats ?

M. Olivier Faure, rapporteur spécial pour les infrastructures de transports collectifs et ferroviaires et les services nationaux de transport conventionnés de voyageurs. Monsieur le Premier président, madame la présidente, je souhaiterais également vous remercier pour la qualité de votre travail.

Le doute sur la pertinence de ces privatisations existe depuis 2006 et certains, dans la majorité de l’époque, avaient fait preuve de clairvoyance ; ainsi, notre président, Gilles Carrez, alors rapporteur général de la Commission, relevait que ce projet contrecarrait la mission de l’État, qui doit préparer le moyen et le long termes. La suspicion découlait du fait que les privatisations furent décidées au moment où les investissements qui avaient été effectués arrivaient à maturité et où les emprunts étaient remboursés, si bien que les recettes étaient appelées à progresser.

En outre, le choix des concessionnaires s’est porté sur des sociétés dont le métier principal est le bâtiment et les travaux publics, ce qui nourrit un risque de conflit d’intérêts puisque des entreprises peuvent se trouver à la fois maîtres d’ouvrage délégués et maîtres d’œuvre ; cette situation complique d’ailleurs l’évaluation par l’État de la réalité des investissements réalisés. Le rapport ne lève pas les doutes sur le vice initial de cette politique et il pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

Monsieur le Premier président, vous avez rappelé que votre contrôle ne portait pas sur les SCA – cela ne relève pas de votre compétence –, mais sur les services de l’État, et vous avez donc travaillé à partir de chiffres élaborés par le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie ; or, ces données se révèlent limitées et ne permettent pas d’apprécier précisément la situation des SCA depuis 2005.

De même, les contrats de plan ne sont pas publiés ; si les termes des délégations de service public devaient rester secrets, de nombreux citoyens réclameraient des informations, ce qui n’est pas le cas des contrats de plan. Cela renforce l’opacité des relations entre l’État et les SCA, et nous le regrettons.

Vous avez formulé des recommandations qui méritent toutes d’être retenues ; parmi celles-ci, vous conseillez de formaliser un cadre de négociation qui soit plus favorable à l’État. Cependant, l’administration ne tient pas toujours compte du mandat qui lui est donné : pourquoi cela ?

La transparence des données est nécessaire pour créer un rapport de force et des négociations équilibrées entre l’État et les SCA : comment l’État pourrait-il obtenir l’ensemble des éléments dont il a besoin ? En outre, pourquoi le ministère n’utilise-t-il pas certaines données dont il a connaissance – par exemple sur les prévisions de trafic ? De même pourquoi les sanctions ne sont-elles jamais mises en œuvre ? Pourrions-nous disposer de comparaisons entre les taux de marge des sociétés concessionnaires privées et publiques ?

Vous écrivez dans le rapport que « les derniers contrats de plan ont fait bénéficier les sociétés signataires d’un surplus de cash-flows libres d’un montant total supérieur à 1 milliard d’euros en compensation des investissements devant être réalisés » : comment l’État n’a-t-il pas réussi à anticiper un tel flux de trésorerie déséquilibrant les contrats de plan ? Qu’est devenu ce flux de trésorerie ? A-t-il été intégré dans les bénéfices ou a-t-il servi à financer de nouveaux investissements ?

M. le président Gilles Carrez. Je salue à mon tour la qualité du travail de la Cour des comptes sur le contrôle de ce régime de concession de service public à des entreprises privées. Avant la privatisation de 2005, le service public était concédé à des sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes – SEMCA – dans lesquelles l’État avait gardé la majorité des parts ; M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l’Équipement du gouvernement dirigé par M. Lionel Jospin, a engagé le premier mouvement de cession de ces sociétés au privé en vendant 48 % d’ASF à Vinci.

Deux courants de pensée dans l’État et au sein de notre Commission se sont opposés sur la question d’une privatisation totale en 2005 ; le clivage traversait d’ailleurs les affiliations partisanes et je me souviens de débats avec mon collègue Hervé Mariton, alors rapporteur spécial. J’étais réservé sur l’opportunité de la privatisation, vous l’avez rappelé, monsieur Faure, mais j’étais également sensible au fait que le flux de dividendes provenant des SEMCA paraissait insuffisant, ce qui révélait l’existence de marges de progrès importantes en termes de productivité et d’efficacité ; ainsi, une partie des questions soulevées aujourd’hui par la Cour des comptes se posaient déjà avant la privatisation.

Ma position – défendue par d’autres – reposait sur la volonté de préserver une capacité d’investissement de l’État ; nous observions déjà son érosion et souhaitions – avec le maintien du contrôle public sur les SEMCA – que l’augmentation du flux de dividendes alimente l’AFITF pour investir dans les domaines routier et autoroutier. L’autre courant de pensée développait des considérations d’efficacité, mais également de nature financière liées au risque : en effet, les résultats des sociétés autoroutières dépendent du trafic et de leur endettement ; celui-ci était important et reste encore à un niveau élevé – 40 milliards d’euros –, quoi que vous en pensiez, monsieur Rodet. La cession globale a rapporté 14 milliards d’euros, dont 10 milliards ont été affectés au désendettement. La dette publique liée à ce secteur a donc pesé dans la décision de privatisation.

Monsieur le Premier président, vous avez affirmé que les prévisions de trafic s’étaient toujours révélées sous-évaluées ; or, depuis le début de la crise économique en 2008, le fret ferroviaire et le trafic des poids lourds sur les autoroutes n’ont pas évolué favorablement. Les sociétés autoroutières assument une indéniable prise de risque : quel en est l’impact actuel sur leur compte d’exploitation et sur leur dette ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur le Premier président, je vous félicite pour ce travail décapant. Votre rapport s’avère en effet cinglant, notamment sur l’ampleur de la rémunération de la prise de risque ; j’incite les rapporteurs spéciaux à élaborer des propositions vigoureuses pour que l’on puisse sortir de ce système qui favorise la rente plus que le risque. La progression du résultat d’exploitation brut des SCA par rapport aux autres sociétés est spectaculaire. En outre, aucune sanction administrative n’intervient lorsque les sociétés manquent à leurs obligations, le prix des péages s’envole et vous soulignez que trop peu de mesures ont été mises en place pour limiter le foisonnement. Je suis scandalisé par ce que l’on découvre dans ce rapport !

Lorsque le Parlement a diminué la déductibilité des frais financiers des entreprises pour leur réduction d’impôt sur les sociétés, les pauvres concessionnaires d’autoroutes ont attiré notre attention sur le poids de la dette qu’ils devaient porter, alors que celle-ci, dans le cadre d’une concession, leur permet de diminuer leur impôt ; la déductibilité des frais financiers s’élevait à 100 % avant d’être ramenée à 85 % en 2012 et à 75 % en 2013. J’ai regretté que les partenariats public-privé, les concessions et les baux emphytéotiques soient exclus de cette mesure de rabotage de la déductibilité ; au moins avons-nous réussi à ce que les futures concessions ne bénéficient plus de cet avantage – qui est double du fait de la nature de l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés de ce type de société portant un endettement lié à un investissement important. Quand ces contrats seront-ils renouvelés ? Le ministère de l’Économie et des finances doit être étroitement associé aux négociations avec les SCA – surtout qu’il est, comme vous l’avez souligné, monsieur le Premier président, impliqué dans d’autres dossiers avec ces sociétés ou leurs maisons mères.

La réforme du dispositif actuel doit viser à abonder le budget de l’État ou à baisser les tarifs.

M. le président Gilles Carrez. L’État a cherché l’an dernier à majorer la redevance domaniale : où en sommes-nous de cette démarche, monsieur le Premier président ?

M. Hervé Mariton. Cette enquête de la Cour des comptes sur les relations entre l’État et les SCA est très intéressante ; elle ne présente pas un bilan de la privatisation décidée en 2005, pas plus qu’elle n’affirme que les lacunes de la tutelle de l’État se soient résorbées depuis 2005. Au passage, monsieur Rodet, le rapport que j’avais rédigé et auquel vous avez fait allusion, date de 2004 et non de 2006 : il est donc antérieur à la privatisation.

La Cour avance des propositions et certains collègues, notamment nos deux rapporteurs spéciaux, ont émis des remarques judicieuses ; il apparaît en revanche surprenant que l’on ne se penche que maintenant sur la publicité des contrats de plan : leur absence constitue l’une des critiques majeures que l’on peut adresser aux relations entre l’État et les SCA.

Lors d’un précédent rapport, la Cour avait formulé des observations sur le foisonnement ; celui-ci ne date pas de la privatisation et le problème que ce phénomène pose semble mieux traité depuis 2005, puisque l’État ne peut plus confondre son rôle d’actionnaire – qui a disparu – avec sa fonction de régulateur qu’il exerçait mal du fait de cette confusion. La Cour a-t-elle constaté des progrès suffisants dans la lutte contre le foisonnement ?

Le rapporteur général a eu raison de souligner la nécessité d’impliquer les services du ministère de l’Économie et des finances dans les négociations avec les SCA, mais, plus largement, les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires – et notamment la capacité de tutelle du ministère de l’Écologie – se sont-elles améliorées depuis la privatisation ?

M. le président Gilles Carrez. Formuler la question en ces termes revient à y répondre, et cela renvoie au problème général de l’action du ministère de l’Équipement devenu ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Hervé Mariton. Je réaffirme que la privatisation met en lumière la responsabilité de l’État dans son rôle de régulateur ; à lui de bien remplir sa mission.

Monsieur le Premier président, vous remettez en cause le modèle concessif lui-même dans les derniers paragraphes du rapport. Pourriez-vous développer cette idée, même si elle dépasse quelque peu la demande de notre commission ? Afin de justifier ce développement, vous écrivez qu’une « allocation judicieuse des ressources devrait conduire à freiner l’investissement dans ce secteur, dont les sociétés concessionnaires cherchent au contraire à amplifier le besoin ». Au-delà de votre affirmation selon laquelle les SCA s’inscrivent dans une recherche de résultat excédant ce qui paraît justifié, vous remettez en cause dans cette phrase l’ambition d’investissement elle-même : le système actuel incite-t-il les SCA à proposer une quantité d’investissements dépassant le raisonnable ?

M. Marc Le Fur. Il semble que le trafic des poids lourds décroisse depuis peu de façon prononcée : qu’en est-il exactement ?

La logique initiale, vous l’avez rappelée monsieur le Premier président, est de faire payer l’usager ; celui-ci paie le service qui lui est rendu – l’entretien et la sécurité du réseau qu’il emprunte – et l’amortissement du bien qu’il utilise. Si l’usager doit évidemment payer de manière pérenne le service, il ne doit plus être prélevé pour un équipement amorti. L’autoroute entre Rennes et Paris est ancienne et l’investissement consenti pour la construire se trouve amorti ; le péage s’élève à 28,6 euros : quelle est la part du service dans ce prix et quelle est celle de l’amortissement ? Le système dans lequel l’usager de biens amortis paie pour des constructions neuves n’est plus censé perdurer, mais, comme les sociétés concessionnaires engagent de nouveaux travaux dans les portions du réseau plus délaissées, ce sont les usagers des autres tronçons qui les financent. Autant la solidarité nationale par le biais de la fiscalité est chose normale, autant l’usager ne doit régler que le péage correspondant à l’itinéraire qui le concerne.

M. le président Gilles Carrez. Cette question est d’autant plus pertinente que, pour certaines grandes infrastructures – ainsi du pont de Saint-Nazaire –, le péage a été supprimé une fois l’amortissement terminé. Il serait bon, en effet, de connaître la ventilation du tarif appliqué.

M. Christophe Castaner. J’observe que, dans leur courrier, les SCA ne réfutent pas les critiques de fond qui leur sont faites, mais qu’elles appellent l’attention sur la « gravité » de la situation de ses adhérents, pointant la prise de risque « considérable » que représentent des investissements de long terme dans une conjoncture dégradée, et soulignant que ce risque s’ajoute à celui, déjà assumé par les concessionnaires, d’une dette cumulée de près de 40 milliards d’euros. La réalité est tout autre que celle qui est décrite et qui, si elle était avérée, fragiliserait dangereusement le cours de bourse des sociétés considérées. Qu’en est-il vraiment ? L’excédent brut d’exploitation des SCA est le triple de celui des sociétés non financières et, en un an, le cours de l’action du groupe Vinci, société mère de Vinci Autoroutes, a gagné 22 %. Autant dire que le sérieux de cette missive larmoyante est largement sujet à caution.

M. Patrick Ollier. Je tiens à féliciter le Premier président pour la qualité, incontestable, du rapport qu’il nous a présenté. J’observe cependant que mission était donnée à la Cour d’enquêter sur l’effectivité du contrôle des concessions par les services de l’État, et rien d’autre. Je regrette donc que certains orateurs aient jugé bon de gloser sur une privatisation qui, comme l’a rappelé le président de notre Commission, a permis de transférer une dette de 20 milliards d’euros. J’étais hostile à la privatisation ; la décision a été prise, on peut comprendre pourquoi, et elle doit être assumée.

Le problème est maintenant de savoir si les SCA respectent leurs obligations et si l’État est à même de le contrôler. Or le rapport de la Cour met en évidence à la fois le manque de contrôles et l’absence d’application de pénalités. Elle met donc en cause les services de l’État, pas nécessairement la gestion des SCA ; il faut faire la part des choses.

Il a été question du trafic poids lourds. Je crois savoir qu’il est aujourd’hui au niveau de ce qu’il était en 2002. Autant dire que, même si la nouvelle taxe génère des recettes supplémentaires, le problème de fond de l’équilibre de gestion des SCA n’est pas réglé.

Par ailleurs, contrats de concession et contrats de plan font l’objet de cahiers des charges ; en prendre connaissance pour vérifier qu’ils sont respectés ne doit pas être sorcier. L’État est certainement aussi capable que les élus locaux de s’assurer de la conformité des chantiers aux dispositions contractuelles et d’appliquer des pénalités quand elles sont dues.

Par ailleurs, aucun investissement n’est inscrit dans un contrat de plan s’il n’est pas demandé par la puissance publique. Si des investissements complémentaires ont eu lieu, il faut en analyser la pertinence. Ainsi, le télépéage représente-t-il un avantage pour la clientèle des autoroutes ? Oui, à l’évidence.

Les déclarations négatives à l’emporte-pièce visant les sociétés d’autoroutes me semblent donc devoir être corrigées. Il importe surtout de mesurer si l’État remplit correctement sa mission de contrôle et, si ce n’est pas le cas, d’appliquer les opportunes recommandations de la Cour.

M. le président Gilles Carrez. Vous avez raison : cette activité peut faire l’objet d’indicateurs objectivement mesurables, mais encore doivent-ils être effectivement contrôlés.

M. Charles de Courson. J’étais, comme d’autres, hostile à la privatisation des concessions d’autoroutes pour des raisons de fond : alors que l’État n’avait plus un sou pour entretenir les routes nationales et que les recettes commençaient d’augmenter, le reversement par des concessions autoroutières à l’AFITF permettait de maintenir l’effort minimum d’entretien des routes.

Il n’empêche, la privatisation a eu lieu. Cependant, le rapport qui vient de nous être présenté pose plusieurs questions. La première est celle de l’optimisation du cash-flow dégagé par chaque SCA, car force est de constater que, dans le système actuel, les sociétés concessionnaires ont une fâcheuse tendance à privilégier des investissements dont l’utilité n’est pas toujours flagrante. Je regrette que la Cour n’ait pas évoqué la question de ce qu’il adviendrait du cash-flow accumulé par les concessions qui viendront à terme dans une quinzaine d’années, une fois la dette remboursée. Je suppose qu’il sera utilisé pour rémunérer leurs actionnaires.

Par ailleurs, qui réalise les investissements décidés dans les contrats de plan ? Les groupes de BTP qui sont les sociétés mères des SCA n’ont-ils pas une double rémunération, la première par le biais de dividendes, la seconde en réalisant les travaux sans faire appel à la concurrence et en surfacturant les travaux ? La Cour démontre l’étonnante absence de contrôles des coûts a posteriori par l’État ; on ne sait donc s’il y a disparité entre les coûts annoncés et les coûts réalisés. Y a-t-il eu des surcoûts, qui signaleraient une deuxième rémunération des sociétés mères ?

Quelle est, par ailleurs, l’euro-compatibilité des contrats de plan ? N’est-ce pas une forme déguisée d’adossement à des concessionnaires privés pour financer la totalité d’une infrastructure, ce qu’interdit la réglementation communautaire ? Y a-t-il des contentieux en cours à ce sujet ?

Au cas où un trafic légèrement croissant ou stable entraînerait la constitution d’une sur-rente dans les cinq à dix ans qui viennent, ne conviendrait-il pas, pour la récupérer, de doubler la redevance domaniale en la portant à 400 millions d’euros, et de revoir la fixation de la taxe d’aménagement du territoire, qui rapporte actuellement quelque 600 millions d’euros à l’AFITF ? Enfin, ne peut-on envisager de fixer dans les contrats de concession un taux de rentabilité au-delà duquel les sociétés concessionnaires doivent reverser le supplément de recettes à l’État ?

M. Jean-François Lamour. Vous avez insisté, monsieur le Premier président, sur la nécessité de mieux cadrer les contrats de plan et de mettre au point des indicateurs de performance pertinents. À cet égard, certains des indicateurs, tels que récapitulés dans votre rapport, ne manquent pas de surprendre. Ainsi, la mesure de la « consommation de produits phytosanitaires » a-t-elle un intérêt autre qu’accessoire pour apprécier la qualité de la gestion d’une concession ? Par ailleurs, vous considérez que les investissements relatifs au télépéage n’ont pas leur place dans les contrats de plan, mais la « gêne aux péages » est l’un des indicateurs de performance recensés ; le jugez-vous pertinent ? Je constate enfin l’absence dans cette liste d’indicateurs relatifs au coût analytique du kilomètre payé par l’usager, ce qui interdit le contrôle par l’État de ce point crucial. D’évidence, beaucoup reste à faire pour améliorer la qualité des indicateurs de performance.

M. Laurent Grandguillaume. Le rapport de la Cour ne dit mot de la déshumanisation consécutive aux privatisations. Travailler sur des chiffres est bel et bon, mais les indicateurs de performance passent sous silence les emplois supprimés aux péages, partout en France, la réduction de la qualité du service qui en est résultée et la casse du service public à l’œuvre depuis 2006.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai le sentiment que la privatisation n’a ni amélioré ni dégradé les relations entre l’État et les SCA.

M. le président Gilles Carrez. Ce n’est pas complètement faux.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez, monsieur le Premier président, mis l’accent sur la disparité des politiques tarifaires et plusieurs orateurs ont évoqué la part respective, dans le tarif du péage, de l’amortissement et des services. J’observe à ce sujet que même une fois une autoroute amortie, des investissements considérables doivent continuer d’être faits pour garantir l’entretien de nombreux ouvrages d’art et la qualité du service – par exemple la sécurité en hiver, ce qui se traduit, dans certaines régions, par des opérations de déneigement fréquentes, au coût élevé. Quelle politique tarifaire souhaiteriez-vous voir mettre en œuvre ?

Vous appelez par ailleurs à un meilleur suivi des concessions, mais, pour leur part, les rapporteurs spéciaux demandent la pérennisation des indicateurs de performance et l’application de sanctions effectives en cas de manquements. Qu’en penser ? Faut-il maintenir les indicateurs actuels ou leur en substituer d’autres, plus pertinents ?

M. Éric Alauzet. Vous avez souligné, monsieur le Premier président, le haut niveau de profitabilité – 4 % – des SCA, qu’explique une hausse annuelle moyenne de 2,6 % des tarifs de péage alors que l’inflation moyenne est de 1,6 %. Ainsi, le bilan pour l’exercice 2010 de l’APRR est-il édifiant : un actif de 7,5 milliards, un chiffre d’affaires de 1,5 milliard, un résultat d’exploitation de 50 % et un résultat net de 30 %, soit 440 millions d’euros, et un rendement de 160 000 euros par salarié, ce qui est colossal. Ces faits sont connus de longue date ; comment une telle situation peut-elle perdurer ? Pourquoi ne dispose-t-on pas de plus d’éléments ? Pourquoi l’État ne parvient-il pas à contrôler l’activité de ces sociétés ? Ne pourrait-on au moins envisager d’augmenter la redevance domaniale et de l’affecter à la réparation des dégâts causés par les autoroutes à l’environnement ?

Mme Carole Delga. Depuis 2005, les relations entre les sociétés d’autoroutes et l’État ont fortement changé puisque, désormais, il n’y a plus de recettes d’origine autoroutière au budget de l’État, ce qui est préoccupant.

M. le président Gilles Carrez. Il n’y en avait pas beaucoup auparavant.

Mme Carole Delga. Sans doute, mais il n’y en a plus du tout.

M. le président Gilles Carrez. Hormis, tout de même, les rentrées fiscales.

Mme Carole Delga. Il y a un sérieux manque à gagner pour le budget de l’État et surtout pour le financement des infrastructures de transport dans leur globalité : comme l’a souligné la Cour, on ne peut se focaliser sur les seules routes ; l’allocation des moyens doit bénéficier à l’ensemble des modes de transport. Les privatisations ont eu des conséquences dommageables pour les finances de l’État et je m’étonne du très faible montant de la redevance domaniale. Quelle est votre opinion, monsieur le Premier président, sur sa possible augmentation ?

Étant donné le faible montant des travaux qui devront maintenant être réalisés sur les autoroutes concédées, quelle utilisation sera faite des liquidités des SCA ? Comment être certains que les investissements à venir seront faits dans l’intérêt général ?

M. le Premier président de la Cour des comptes. Certaines des questions qui nous ont été posées appellent une réponse de l’État : si des dysfonctionnements persistent, c’est au ministère qu’il revient de vous donner réponse.

Nous avons constaté, monsieur Rodet, que les contrôles des tarifs de péage par l’État sont plus approfondis et mieux documentés que lors du précédent contrôle de la Cour. La pratique du foisonnement a pour l’essentiel disparu, mais, outre que cela a pris du temps, la cessation n’est pas complète et, dans certains cas, elle s’est accompagnée d’une compensation. Ainsi la société Cofiroute a-t-elle accepté de mettre un terme à cette pratique, uniquement pour les années 2011 à 2014, mais en contrepartie d’une hausse tarifaire qui a représenté 234 millions d’euros.

Beaucoup de vos questions, monsieur Faure, s’adressent en réalité au ministre des Transports. Oui, les procédures suivies nous apparaissent insuffisamment formalisées, et les mandats trop peu explicites pour que l’État puisse évaluer s’ils sont respectés. Même si des progrès ont eu lieu depuis la publication de notre précédent rapport, il existe encore une marge de progrès et nous considérons que l’État aurait tout intérêt à ce que les procédures soient interministérielles.

Plusieurs orateurs ont évoqué le risque financier lié à l’évolution du trafic. Il est exact que, de temps en temps, le trafic baisse, mais les contrats de plan permettent de réduire l’exposition des sociétés concessionnaires à ce type d’aléa économique. Ainsi, en 2009, les SCA ont peu – voire pas du tout – souffert de la crise économique : la réduction temporaire du trafic a été compensée par une hausse significative des tarifs, si bien que tant leur chiffre d’affaires que leur excédent brut d’exploitation ont continué d’augmenter fortement, le premier de 2,3 %, le second de 3,8 %. De la même manière, en 2012, la réduction du trafic n’a pas empêché la croissance du chiffre d’affaires. La lecture du rapport financier d’ASF pour 2012, qui porte aussi sur la société ESCOTA, montre que, si le trafic des véhicules légers a baissé de 1,3 % et celui des poids lourds de 2,9 % en kilomètres parcourus, le chiffre d’affaires « péages » a augmenté de 0,5 % pour les deux sociétés. Étant donné l’augmentation tarifaire, il n’y a donc pas obligatoirement corrélation entre la baisse du trafic et celle du chiffre d’affaires. Ces données objectives permettent de penser que le risque est peu élevé.

S’agissant des investissements, la question est de savoir ce qui relève des obligations normales du concessionnaire et ce qui doit être compensé, notamment dans le cadre des contrats de plan, par des augmentations de tarifs. Le télépéage doit-il être compensé ? Nous appelons l’État à plus de sélectivité dans les investissements donnant lieu à compensation, certains pouvant être considérés comme relevant de l’exercice normal d’une concession.

Quant aux indicateurs de performance, qui sont à la fois quantitatifs et qualitatifs, ils constituent un progrès. Reste à savoir en effet s’ils sont tous pertinents. Certains ont pour objectif de voir si les obligations environnementales des SCA sont respectées ; d’autres portent par exemple sur la qualité du service rendu. Nous encourageons à cet égard la définition d’indicateurs pouvant rendre compte de l’efficacité du fonctionnement des entreprises.

Mme Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre. En ce qui concerne les questions sur la politique tarifaire, nous ne les avons pas vraiment examinées, notre démarche visant surtout à voir comment les services de l’État contrôlent les SCA. Nous ne sommes pas allés très loin dans l’analyse financière, dans la mesure où il faudrait avoir accès aux données de ces sociétés – qui ne souhaitent pas les communiquer, invoquant au surplus le secret des affaires – et où la Cour n’a aucune compétence pour ce faire. Nous avons donc travaillé à partir des données du ministère des Transports, celui-ci réalisant chaque année un rapport au vu de celles transmises par ces sociétés.

La part, dans le tarif, de l’amortissement et de l’entretien n’en demeure pas moins une question de fond. Mais, à ma connaissance, l’administration n’a pas réalisé de travail sur ce point. C’est donc peut-être l’occasion pour vous de lui demander de le faire.

S’agissant de la question du cash-flow, on a calculé que la politique tarifaire était très avantageuse pour une société et que ce dernier pouvait atteindre 1 milliard d’euros sur toute la durée de la concession. Mais celle-ci est mouvante : lorsque les sociétés n’obtiennent pas d’augmentation de tarif pour faire des investissements, elles négocient son allongement. Nous sommes donc dans un système circulaire, dans lequel il est difficile d’avoir une analyse claire et définitive.

M. Marc Le Fur. Quelle est la fraction du réseau autoroutier dont les travaux initiaux de réalisation sont amortis ? Il est utile que l’usager sache à un moment donné qu’il ne paye plus un prix correspondant à l’usage de l’axe routier qu’il utilise.

Mme la présidente de la septième chambre. Il devrait être assez facile de le déterminer, l’amortissement correspondant à la fin du remboursement de l’emprunt. Cela dit, certains emprunts ont sans doute été renégociés et des sommes ont peut-être été affectées à d’autres tronçons, ce qui peut compliquer l’analyse – d’autant qu’il faut tenir compte de trente ans d’histoire et de ce que les autoroutes ont été construites par tronçons. Je ne suis donc pas sûre qu’une donnée ait été parfaitement établie sur ce point.

M. le Premier président de la Cour des comptes. Il y a eu aussi des difficultés dans les relations entre l’État et les SCA tenant au fait que celui-ci, compte tenu de sa situation budgétaire délicate, fait financer un certain nombre d’investissements par ces sociétés. Il peut donc se trouver en situation de demandeur, ce qui peut fausser la nature de la discussion avec elles.

M. le président Gilles Carrez. Plusieurs collègues se sont justement demandés si l’internalisation au sein de ce système de la dépense autoroutière ne risquait pas de conduire, compte tenu de l’amortissement, à un excès de dépenses en la matière. S’inscrivant dans le cadre de concessions de service public, celles-ci posent la question de l’opportunité de la dépense publique au détriment d’autres dépenses, par exemple sur le réseau national. D’ailleurs, le rapport de la Cour laisse entendre que le système pourrait inciter à engager dans l’avenir trop de dépenses pour les autoroutes.

M. le Premier président de la Cour des comptes. C’est en effet un risque, mais ces questions relèvent à la fois de vos propres travaux de contrôle et du fonctionnement de l’État.

S’agissant du respect des règles de mise en concurrence, il est vrai que les sociétés concessionnaires ont des filiales capables de réaliser les travaux. Or, on peut trouver parfois que les recommandations de la commission nationale des marchés sont insuffisamment prises en compte par les sociétés concernées. Nous pensons que celle-ci devrait davantage utiliser ses pouvoirs d’investigation en la matière.

M. Alain Rodet, rapporteur spécial. Il serait important que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes puisse être partie prenante dans le contrôle des sociétés, à la fois concernant les problèmes de marchés et les investissements, mais aussi au regard d’un certain nombre de services qui ne sont pas directement liés aux péages, tels que la gestion des aires, les négociations avec les compagnies pétrolières et l’organisation du service de secours, d’assistance ou de dépannage. Selon nos informations, les intervenants auraient des sommes importantes à payer pour être présents sur place.

M. Olivier Faure, rapporteur spécial. La discussion que nous avons ce matin n’est pas un débat religieux entre ceux qui seraient pour le tout public et ceux en faveur du tout privé. La question est de savoir dans quelles conditions on peut établir de bonnes relations entre le public et le privé. Or, le rapport de la Cour fait apparaître que celles-ci ne sont pas équilibrées.

Le problème qui s’est posé à partir de 2005 n’est pas de déterminer si les concessions étaient rentables : il tient au fait qu’on a fait entrer dans les sociétés concessionnaires des entreprises ayant pour métier principal le bâtiment et les travaux publics, qui se sont trouvées ainsi à la fois maîtres d’ouvrage délégués et maîtres d’œuvre. Ce faisant, elles ont suscité le soupçon – peut-être injustifié – de faire facturer leurs services deux fois. D’autant qu’une évaluation n’est pas à cet égard possible, ne serait-ce que parce que les contrats de plan ne sont pas rendus publics et qu’un certain nombre de contrôles ne sont pas réalisés. Il y a donc une véritable demande de transparence, qui doit être satisfaite.

Par ailleurs, il n’est pas illogique que l’État utilise les moyens qui lui sont donnés pour réaliser à certains moments des investissements. S’agissant des propos tenus par Hervé Mariton, la question n’est pas de savoir si, à l’époque, M. de Villepin avait eu raison de recourir au moyen invoqué pour trouver des liquidités, mais ce qu’il en avait fait et quelle était la nature du contrat passé avec les sociétés d’autoroutes. Je ne serais pas choqué que l’on renégocie les contrats – y compris des prolongations de concessions –, à la condition exclusive d’avoir toutes les données sur la table, de savoir exactement ce que l’on négocie et que l’on puisse évaluer les contrats de plan passés ainsi que les travaux futurs, pour pouvoir obtenir un résultat équilibré et intelligent. On pourrait alors faire assumer les difficultés que nous connaissons par des concessionnaires, dans le cadre d’un système « gagnant-gagnant ».

M. le président Gilles Carrez. Avant 2005, il y avait conflit d’intérêts entre l’État régulateur et l’État actionnaire.

Par ailleurs, je suis étonné que Mme Ratte ne puisse répondre précisément aux questions de Marc Le Fur. Il me semble que, au titre des concessions de service public, ces éléments financiers, qui sont fondamentaux, doivent pouvoir être communiqués en permanence à l’autorité concédante. Qu’ils ne soient pas rendus publics est un autre problème.

De plus, alors que nous disposons d’un luxe d’indicateurs de performance, les autorités publiques devraient pouvoir également avoir des indicateurs de performance financiers, qui ont toute leur place dans le traité de concession.

Enfin, beaucoup de questions que nous posons aujourd’hui reprennent presque de la même manière celles que nous soulevions déjà au sujet des SEMCA. Nous sommes en effet confrontés à un problème d’amélioration du dispositif de suivi et de contrôle.

M. Patrick Ollier. Je suis d’accord avec Olivier Faure, sauf sur un point : quand le gouvernement de M. Jospin a privatisé 48 % du secteur en vendant à Vinci, il s’agissait bien d’une entreprise de BTP ! La question n’est pas de savoir qui a fait quoi, mais de constater qu’il y a un fait nouveau à partir de 2005, justifiant la mise en œuvre de modalités de gestion. J’ai du mal à accepter les accusations portées sur les sociétés d’autoroutes, car il revient à l’État d’exercer sa mission de contrôle dans ce domaine. S’il le faisait bien, les sociétés privées, quelles qu’elles soient, seraient obligées de se soumettre à son autorité.

En outre, les contrats de plan intègrent les demandes de la puissance publique – État ou collectivités territoriales.

Par ailleurs, on nous dit que les SCA auraient investi près de 15 milliards d’euros entre 2006 et 2013, ce qui montrerait qu’elles auraient plus investi que distribué de dividendes. Monsieur le Premier président, peut-on vérifier ces chiffres ?

Pour le reste, le système de contrôle de l’État, la transparence au regard du contrat de plan et la qualité des indicateurs sont essentiels. Au sujet de ces derniers, l’utilisation des produits phytosanitaires est aussi un élément important.

Enfin, la comptabilité analytique devrait permettre de déterminer exactement, par rapport aux investissements, à l’entretien et à l’amortissement, le coût du péage des portions d’autoroute. Notre Commission devrait faire une proposition en ce sens, dans le cadre de l’action que doit conduire le Gouvernement.

M. le rapporteur général. Elle pourrait aussi, au titre de l’article L. 462-1 du code de commerce, demander un avis à l’Autorité de la concurrence sur l’adéquation des tarifs au regard des charges incluses dans le contrat.

M. le Premier président de la Cour des comptes. Sur la question de savoir si les contrats de plan sont eurocompatibles, il semble que ceux-ci n’aient pas donné lieu à contentieux. Par ailleurs, le paquet « vert » a été jugé compatible. Pour le moment, le sujet n’a pas été mis sur la table.

Mme la présidente de la septième chambre. On a évité de le faire, en effet, mais la question se pose. Il faudrait que ce point soit expertisé.

La consultation de l’Autorité de la concurrence me paraît être une très bonne idée. Cela dit, beaucoup de vos questions relèvent de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer et du ministère.

S’agissant des investissements, nous ne mettons pas en cause la capacité des sociétés d’autoroutes à les réaliser, mais deux questions se posent. D’une part, quels investissements doivent être compensés ? Nous soulignons l’absence de doctrine et de règles claires en la matière. D’autre part, l’investissement proposé est-il bien évalué : quel est son coût ? Il s’agit en fait d’appliquer des règles de bonne gestion.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie. Il s’agit d’un rapport extrêmement intéressant, auquel il faudra donner des suites.

La Commission autorise la publication du rapport d’information de MM. Olivier Faure et Alain Rodet sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

*

* *

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 24 juillet 2013 à 9 h 45

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Carole Delga, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Hervé Mariton, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Ollier, Mme Valérie Pécresse, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, M. Thomas Thévenoud, M. Michel Vergnier

Excusés. - M. Xavier Bertrand, M. Alain Claeys, Mme Christine Pires Beaune, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra

Assistait également à la réunion. - M. Michel Ménard

——fpfp——