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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 18 septembre 2013

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 119

Présidence de M. Gilles Carrez, Président,
Puis de M. Dominique Baert,
Vice-président.

–  Examen, pour avis, d’un projet de décret d’avance, en application de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (M. Christian Eckert, rapporteur général)

–  Informations relatives à la Commission

–  Présences en réunion

La Commission examine, pour avis, un projet de décret d’avance, en application de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (M. Christian Eckert, rapporteur général).

M. le président Gilles Carrez. La commission des Finances est saisie, en application de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF –, d’une demande d’avis sur un projet de décret portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance. Il ne porte que sur 107 millions d’euros, mais ces 107 millions d’euros n’en sont pas moins emblématiques de nos problèmes de maîtrise de la dépense publique.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce projet de décret d’avance est le deuxième présenté cette année à notre Commission, le premier ayant eu pour objet de créer un programme budgétaire dédié au Haut Conseil des finances publiques.

Ce projet de décret d’avance ouvre des crédits d’un montant de 107 millions d’euros sur le programme Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables de la mission « Égalité des territoires, logement, ville » et annule un montant équivalent de crédits sur trois programmes, dont deux appartenant à la même mission budgétaire.

Il n’a pas d’impact sur l’équilibre budgétaire et vise à combler l’insuffisance de crédits en faveur de l’hébergement d’urgence à la suite de la mise en œuvre au cours de l’année 2013 du plan pauvreté adopté le 21 janvier dernier. Il vise par exemple à mettre fin à l’impasse budgétaire constatée au début du mois de septembre par une association chargée du 115 à Clermont-Ferrand, qui n’avait pu payer des nuitées d’hôtel.

Notre Commission doit rendre un avis formulant des observations articulées autour de trois questions traditionnelles posées par l’article 13 de la LOLF.

D’abord, les ouvertures de crédits proposées sont-elles bien inférieures à 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiales – LFI – et les annulations de crédits sont-elles inférieures à 1,5 % des crédits ouverts en LFI et LFR – loi de finances rectificative – de l’année ? En l’espèce, la réponse est positive étant donné que les ouvertures et annulations sont égales à 107 millions d’euros, soit 0,03 % des crédits ouverts en LFI 2013.

Ensuite, y a-t-il urgence ou nécessité impérieuse d’intérêt national à ouvrir ces crédits ? Je considère qu’il y a une urgence manifeste à trouver les moyens de loger des familles en grande précarité à l’approche de l’hiver en renforçant les moyens destinés à l’hébergement d’urgence.

Il est vrai, monsieur le Président, que depuis le début de la crise de 2008, notre Commission a systématiquement constaté des sous-budgétisations initiales de crédits en matière d’hébergement d’urgence, qui ont donné lieu à des ouvertures de crédits complémentaires en LFR ou par décret d’avance : 74 millions d’euros en 2009, 106 millions en 2010, 75 millions en 2011 et 37 millions en 2012.

Notre Assemblée a d’ailleurs beaucoup travaillé sur ce sujet : outre les travaux de notre Commission, je vous invite à lire le rapport présenté au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques – CEC – sur l’évaluation de la politique de l’hébergement d’urgence présenté en 2012 par nos collègues Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard (n° 4221), qui démontrait la nécessité de refonder cette politique sur la base du « logement d’abord » et qui proposait en tout premier lieu de pérenniser les places hivernales.

Pour mettre fin à cette sous-budgétisation chronique des dépenses d’hébergement d’urgence, la LFI 2013 a déjà majoré les crédits en faveur de l’hébergement d’urgence de 31 millions d’euros, c’est-à-dire + 12,7 % par rapport à la LFI 2012. Cette augmentation a permis la création de 500 nouvelles places d’hébergement en 2013, en sus de la pérennisation d’environ 2 500 places « hivernales » conformément à la première proposition du CEC.

En commission élargie, les ministres du Logement, d’une part, et de la Lutte contre l’exclusion, d’autre part, avaient annoncé préparer un plan de lutte contre la pauvreté en partenariat avec la Fondation Abbé Pierre, pour en finir avec la gestion malheureusement qualifiée de « au thermomètre » de l’hébergement d’urgence chaque année. Ce plan, adopté le 21 janvier 2013, prévoit la pérennisation et la création de 4 500 places en faveur de l’hébergement d’urgence classique (hors demandes d’asile) ainsi que le maintien en 2013 de 3 600 places d’hôtel ouvertes durant l’hiver 2012/2013. Le coût annuel du plan en 2013 est estimé à 112 millions d’euros. Ces besoins, qui ne pouvaient donc pas être anticipés au moment du vote des crédits inscrits en LFI 2013, justifient aujourd’hui une ouverture de crédits par décret d’avance.

Nous ne pouvons pas laisser des familles entières, toujours plus nombreuses, sans logement faute de crédits ouverts à temps : à défaut de mise à disposition rapide des crédits, des personnes hébergées en hôtel pourraient en effet se trouver sans hébergement. Une telle situation risquerait d’entraîner la multiplication des recours contre l’État devant le juge administratif au titre du dispositif du droit au logement opposable – DALO –, qui s’avérerait donc encore plus coûteuse pour les finances publiques en frais irrépétibles, indemnisations de préjudices et astreintes.

La dernière question que nous devons nous poser est celle de savoir quels sont les programmes et les missions faisant l’objet d’annulation de crédits.

En l’espèce, trois programmes font l’objet d’annulations de crédits pour un montant de 107 millions d’euros. Conformément au principe d’auto-assurance, qui consiste à ce que les ministères financent leurs dépenses imprévues par redéploiement au sein de la même mission, la mission « Égalité des territoires, logement et ville », assume le financement d’une partie des crédits ouverts sur le programme 177 par une annulation de 50 millions d’euros de crédits sur deux autres programmes de la mission, dont :

– 35 millions d’euros sur le programme Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat. Les crédits gelés portent à titre principal sur les aides à la pierre visée par l’action n° 1 du programme intitulée « Construction locative et amélioration du parc ». Cette annulation porte sur des crédits mis en réserve dont le dégel n’avait pas été anticipé. Selon la direction du budget, elle ne devrait pas créer de tension sur l’exécution des crédits ;

– 15 millions d’euros sur le programme Politique de la ville. Là encore, cette annulation porte sur des crédits mis en réserve dont le dégel n’avait pas été anticipé.

Par ailleurs, 57 millions d’euros de crédits sont annulés sur le programme Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres de la mission « Régimes sociaux et de retraite » en raison d’une anticipation d’une économie en gestion, résultant de la révision à la baisse de l’inflation sur laquelle les pensions sont indexées : l’indexation retenue en PLF était de 1,75 % alors que la revalorisation réalisée en avril 2013 a été effectuée sur la base d’une inflation prévisionnelle de 1,3 %.

Sans qu’il soit possible à ce stade de vérifier si le principe d’auto-assurance aurait pu jouer davantage sur la mission « Égalité des territoires, logement et ville », je considère que le projet de décret d’avance met à profit la réserve de précaution constituée en début d’année, ce qui est de bonne méthode. Après ce décret d’avance, le montant de la réserve de précaution serait encore de 7,5 milliards d’euros.

Je relève cependant que des besoins complémentaires de crédits au titre de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile devraient également apparaître en LFR de fin d’année. Je vous informe en revanche que, selon les informations que le Gouvernement m’a communiquées, il va tirer les conséquences du surcroît de dépenses lié au plan de lutte contre la pauvreté en rebasant à la hausse les crédits de l’hébergement d’urgence pour un montant de 107 millions d’euros en PLF 2014, ce qui va – et c’est notre souci à tous – dans le sens de la sincérité et de la transparence budgétaires.

Le projet d’avis qui vous est soumis résume les observations que je viens de présenter. L’avis doit être transmis immédiatement, afin que le Conseil d’État puisse en disposer cet après-midi lorsqu’il examinera le projet de décret. La délégation de crédits prenant toujours quelques semaines, il convient en effet de procéder rapidement et je vous invite donc à adopter cet avis.

M. le président Gilles Carrez. Depuis l’entrée en vigueur de l’article 13 de la LOLF en 2005, nous avons été conduits chaque année à ouvrir des crédits complémentaires par rapport à la LFI en faveur de l’hébergement d’urgence. Dans le même temps, entre 2005 et 2012, le nombre de places d’hébergement d’urgence est passé de 53 700 à 86 000, ce qui témoigne d’un effort considérable de la collectivité pour faire face à l’accroissement des demandes. Nous sommes face à un constat d’impuissance de la part des gouvernements successifs en la matière.

Que se passe-t-il ? Nous avons beaucoup de mal à disposer de chiffres précis mais il faut souligner que les centres d’hébergement accueillent notamment les déboutés du droit d’asile. Or, comme beaucoup de pays européens ont largement réduit leur soutien en raison de la crise, on assiste à une augmentation massive des demandes dans notre pays. Je souhaiterais qu’un travail de fond soit conduit car nous n’arrivons pas à savoir quelle est la part des besoins liés aux demandes d’hébergement d’urgence résultant des demandes d’asile et de l’immigration irrégulière. Il faut préciser que les demandeurs d’asile bénéficient en outre d’une allocation temporaire d’attente de plus de 300 euros par mois et de la prise en charge totale de leurs frais médicaux grâce à l’aide médicale de l’État. Or, chaque année, les crédits de l’hébergement d’urgence s’avèrent insuffisants et l’on voit les dépenses dériver.

Si nous voulons maîtriser voire réduire les dépenses publiques, nous ne pouvons pas nous contenter d’économies sur le fonctionnement de l’appareil d’État, à supposer qu’elles soient encore réalisables. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de mener une analyse lucide d’un certain nombre de dépenses d’interventions sociales de ce type, sans quoi il n’y aura aucun espoir de maîtriser les dépenses publiques. En l’espèce, nous sommes face à des dépenses de guichet auxquelles nous sommes obligés de répondre. En l’absence de régulation en amont, les dépenses continuent de dériver. Cette impuissance collective se traduit chaque année par une augmentation des crédits. Nous devons être très vigilants à cette dérive systématique de quelques programmes et mener des réformes structurelles en la matière.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je dois vous rappeler qu’il s’agit là de nouvelles dépenses répondant au plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale décidé en janvier 2013. Il ne s’agit donc pas de faire face à une dérive des dépenses liées à une sous-budgétisation initiale, contrairement aux années précédentes.

M. Éric Alauzet. Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué le problème survenu à Clermont-Ferrand au début du mois de septembre, qui a montré que l’État n’avait pas délégué suffisamment de crédits à une association chargée du 115, au nom du système intégré d’accueil et d’orientation – SIAO –, de sorte que 385 personnes n’ont pu être relogées. Il est vrai que les demandes sont croissantes, y compris de la part de personnes en provenance de pays voisins comme l’Italie et l’Espagne, et pas seulement des pays de l’Est. La situation est explosive : 30 % d’augmentation des demandes d’hébergement d’urgence et + 76 % de demandes non satisfaites l’été dernier. Le constat est effectivement chaque année celui d’une sous-budgétisation des crédits mais également d’une sous-évaluation des besoins, comme le montre la Cour des comptes. Parmi les questions de fond, il faut se rappeler que le coût budgétaire des nuitées d’hôtel s’élève à 195 millions d’euros. Il faut absolument réussir à sortir de ce type d’hébergement en mobilisant par exemple le parc d’hébergement privé non utilisé. J’ai d’ailleurs déposé un amendement sur ce point au projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, mais cet amendement n’a pas été adopté.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le Président, il ne faut pas confondre deux missions différentes : la mission « Asile et immigration », qui était constamment sous-dotée et qui donnait lieu systématiquement à des ouvertures de crédits supplémentaires entre 2007 et 2012 comme le dénonçait déjà la rapporteure spéciale Béatrice Pavy, et l’hébergement d’urgence, relevant de la mission « Logement ». Tous les demandeurs d’hébergement d’urgence ne sont pas des immigrés en situation irrégulière. Les demandeurs d’asile ont des droits et la France s’est engagée depuis plus de cinquante ans en signant la convention de Genève sur les réfugiés, qui n’ont que peu de choses à voir avec l’immigration irrégulière, pas plus qu’il ne faut sous-estimer le fait que la sous-dotation chronique de la mission « Asile » a eu des conséquences sur les besoins d’hébergement d’urgence. En tout état de cause, je constate que le présent décret d’avance ouvre des crédits correspondant à des priorités nouvelles décidées à l’occasion du plan de lutte contre la pauvreté et non pour faire face à une sous-budgétisation initiale. Je soutiens donc pleinement ce projet de décret.

M. le président Gilles Carrez. Je précise que les centres d’hébergement d’urgence accueillent trois catégories de ressortissants étrangers : les demandeurs d’asile, les déboutés du droit d’asile et, de façon plus marginale, les étrangers en situation irrégulière. Tout cela pèse sur la disponibilité des places d’hébergement : 53 700 places en 2005 et 86 000 en 2012 et l’on va encore en créer 5 000 aujourd’hui.

Mme Sandrine Mazetier. Vous me donnez l’occasion de préciser qu’il existe en principe des centres d’accueil des demandeurs d’asile en instance de traitement – CADA. En théorie, les centres d’hébergement d’urgence n’ont pas vocation à accueillir ces demandeurs d’asile. Néanmoins, vu l’engorgement de ces structures, les demandeurs d’asile se tournent vers l’hébergement d’urgence classique. Je vous précise d’ailleurs qu’en responsabilité, le ministre de l’Intérieur a lancé une réflexion à la veille de l’été pour trouver des solutions afin de réduire les délais d’instruction des demandes d’asile et d’alléger ainsi la durée de séjour des demandeurs d’asile dans les CADA et autres centres d’hébergement d’urgence.

M. Nicolas Sansu. Je voterai au titre du groupe GDR en faveur de ce décret d’avance car il est opportun de prendre de nouvelles mesures en faveur de l’hébergement d’urgence. Je ne suis pas sûr que la France gagnerait à réduire la dépense publique sur ce sujet-là. Je précise d’ailleurs qu’il existe des déboutés du droit d’asile qui ne sont ni expulsables ni régularisables et qu’il faut bien loger, comme vous le savez. Enfin, il convient de relativiser le coût de cette mesure – 107 millions d’euros – au regard de la une du Monde de ce soir, qui dénonce le non-recouvrement de 32 milliards d’euros de TVA.

M. Christophe Caresche. J’ai largement abordé ce sujet dans mon rapport spécial dans le cadre du PLF 2013. J’estime que les crédits aujourd’hui demandés pour mettre en œuvre le plan pauvreté adopté en janvier 2013 sont tout à fait justifiés. En revanche, je rejoins l’avis du Président sur la nécessité de mener un travail de fond sur la question spécifique des demandeurs d’asile.

M. Olivier Carré. Je connais bien ce sujet que je traite au quotidien dans mon agglomération et dans ma ville. L’amalgame qui est fait entre les demandes des personnes en grande précarité, des demandeurs d’asile, des déboutés et des immigrés en situation régulière résulte du fait que l’on se voile la face. Les étrangers ont en effet des droits, il existe des procédures et la justice française fait son travail mais l’on constate qu’une fois le jugement rendu, les demandeurs d’asile déboutés restent sur notre sol. Nous sommes dans une situation qui engorge les structures d’hébergement d’urgence classiques car nous n’avons pas le courage d’aller jusqu’au bout de la procédure, par la reconduite à la frontière, une fois toutes les voies de droit épuisées. Tant que nous n’irons pas jusqu’au bout de cette politique-là, nous connaîtrons des situations sociales épouvantables.

M. Marc Goua. Le problème essentiel tient à la durée de traitement des demandes d’asile. Au bout de deux ou trois ans, les familles sont installées, les enfants sont scolarisés et l’on se retrouve dans des situations inextricables. Les sociétés de HLM ne peuvent pas héberger ces personnes, de sorte que les nuitées d’hôtel, qui coûtent deux fois plus cher, continuent d’augmenter. En outre, elles n’ont pas le droit de travailler ce qui rend leur hébergement encore plus difficile. Il faut donc revoir l’ensemble de cette politique.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez raison de dire qu’il ne s’agit pas que d’un problème budgétaire. Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques va prochainement établir son programme de travail pour l’année à venir. Nous pourrions donc lui proposer de se consacrer à la prise en charge des demandeurs d’asile, étant précisé qu’il a déjà travaillé sur la question de l’hébergement d’urgence.

La Commission adopte le projet d’avis sur le projet de décret d’avance, qui comporte notamment les six dispositions suivantes :

1. Sur le plan procédural, le présent décret d’avance ouvre et annule 107 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit un montant bien inférieur aux limites quantitatives fixées par les articles 13 et 14 de la LOLF. La commission des Finances estime que la condition d’urgence posée par le IV de l’article 13 de la LOLF est remplie dès lors que les besoins identifiés en faveur de l’hébergement d’urgence en cette fin d’année 2013 découlent directement de la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté officiellement par le Gouvernement le 21 janvier 2013. Il n’était donc pas possible d’anticiper de tels besoins dès la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2013. En outre, cette ouverture de crédits par décret d’avance peut être justifiée par la nécessité impérieuse de prendre toutes les mesures nécessaires au logement des personnes en grande précarité à l’approche de la période hivernale. Cette procédure dérogatoire et exceptionnelle garantit l’information du Parlement et respecte à la fois la possibilité pour les commissions des Finances des deux assemblées de s’exprimer sous forme d’avis et la faculté pour le Parlement de ratifier ou non ce dispositif dans le cadre de la plus prochaine loi de finances.

2. Sur le fond, la commission des Finances constate que la progression des besoins d’hébergement s’est accélérée depuis le début de la crise économique et sociale. Elle est également la conséquence de l’évolution du public concerné qui compte désormais de plus en plus de familles avec enfants, lesquelles mobilisent davantage de places. Ces dispositifs sont par ailleurs fortement impactés par la demande d’asile s’adressant à la France : les structures qui lui sont dédiées ne parviennent pas à accueillir des flux qui n’ont cessé de croître depuis 2008. Enfin, si les demandeurs d’asile déboutés en première instance n’ont plus accès aux structures dédiées, ils accèdent de manière inconditionnelle au dispositif généraliste. C’est pourquoi l’accroissement des besoins d’hébergement d’urgence a donné lieu chaque année à des ouvertures de crédits supplémentaires par décret d’avance ou en loi de finances rectificative.

Prenant en compte cette situation, pour 2013, les crédits de l’hébergement d’urgence ont été définis en hausse de 12,7 % par rapport à la LFI 2012. Cette hausse des crédits devait permettre la « pérennisation » des places d’hôtel ouvertes en 2012 dans le cadre du dispositif hivernal et la création de 500 places nouvelles en hébergement d’urgence. Parallèlement, le Gouvernement a lancé une réflexion plus générale sur la lutte contre la pauvreté qui a abouti, en janvier 2013, à la création d’un plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale prévoyant notamment un nouveau renforcement des capacités d’accueil avec la pérennisation ou la création de 4 500 places supplémentaires et le maintien en 2013 de 3 600 places d’hôtel supplémentaires ouvertes au début de l’hiver 2012/2013.

Malgré ces mesures pérennes, les demandes d’hébergement ont continué à progresser très fortement en 2013 : le bilan de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale constate, sur l’hiver 2012-2013, une hausse de 31 %, avec une croissance de + 42 % des demandes émanant de familles. L’engorgement des structures dédiées a suscité un recours accru à l’hôtel (+ 23 %), qui majore encore davantage les dépenses.

La commission des Finances prend acte du fait qu’à défaut d’une mise à disposition rapide des crédits, des personnes hébergées en hôtel, qui comprennent principalement des familles avec enfants, pourraient se trouver sans hébergement. Une telle situation risquerait d’entraîner la multiplication des recours contre l’État devant le juge administratif, susceptibles de le contraindre sous astreinte à reloger sans délai les requérants qui se prévaudraient du droit à l’hébergement d’urgence prévu à l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles, encore plus coûteuse pour les finances publiques (frais irrépétibles, indemnisation de préjudice et astreintes).

3. Sur le plan budgétaire, la mise en œuvre du volet consacré à l’hébergement d’urgence dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté et l’inclusion sociale a pu être financée au cours des premiers mois de l’année 2013 par une avance de crédits interne au programme 177, qui a permis de couvrir environ les deux tiers du montant total de l’enveloppe. Le Gouvernement fait cependant valoir que la capacité de redéploiement interne à ce programme est désormais épuisée et qu’en l’absence d’ouverture de crédits, certains services déconcentrés du ministère se trouveraient dans l’impossibilité de payer les gestionnaires associatifs des dispositifs d’accueil dès la fin du mois de septembre.

4. Le présent décret d’avance ouvre donc 107 millions d’euros sur le programme Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables de la mission Égalité des territoires, logement, ville. Neutre sur l’équilibre budgétaire, cette ouverture de crédits est intégralement gagée par des annulations de crédits d’un montant équivalent sur les crédits de trois programmes. Conformément au principe dit d’ « auto-assurance », la mission Égalité des territoires, logement, ville supporte une partie de ces annulations de crédits, dont 35 millions d’euros sur le programme Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat et 15 millions d’euros sur le programme Politique de la ville. Par ailleurs, 57 millions d’euros de crédits sont annulés sur le programme Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres de la mission Régimes sociaux et de retraite en raison d’une anticipation d’une économie en gestion du fait de la révision à la baisse de l’inflation sur laquelle les pensions sont indexées (1,3 % au lieu de 1,75 %).

5. Sous réserve qu’elles correspondent à de véritables économies et sans qu’il soit possible à ce stade, en l’état des informations à la disposition de la Commission, de vérifier si le principe d’ « auto-assurance » aurait pu jouer davantage au sein de la même mission, le projet de décret d’avance mobilise la réserve de précaution constituée en début d’année, ce qui est conforme à son objet.

6. Le présent avis ne préjuge pas de la décision de la Commission lors de l’examen de la demande de ratification du décret dans le prochain projet de loi de finances afférent à l’exercice 2013.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu en application de l’article 12 de la LOLF :

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 238 579 euros en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP), dont 115 479 euros en titre 2, du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire de la mission Recherche et enseignement supérieur à destination des programmes 139 Enseignement privé du premier et du second degrés et 141 Enseignement scolaire public du second degré de la mission Enseignement scolaire.

Les annulations se répartissent de la façon suivante :

• programme 150 : 238 579 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, dont : 115 479 euros en titre 2.

Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :

• programme 139 : 37 650 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, dont : 6 572 euros en titre 2,

• programme 141 : 200 929 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, dont : 108 907 euros en titre 2.

Ce mouvement de crédits est destiné à la mise en place de projets expérimentaux pour la rénovation des sections de techniciens supérieurs et à l’amélioration de la réussite des étudiants en BTS.

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 317 874 euros en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP), dont 294 566 euros en titre 2, du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense de la mission Défense à destination du programme 305 Stratégie économique et fiscale de la mission Économie.

Ce mouvement est destiné à assurer, auprès de la direction générale du Trésor, une activité mutualisée.

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 1 347 463 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, du programme 212 Soutien de la politique de la défense de la mission Défense à destination du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde de la mission Action extérieure de l’État.

Ce projet de décret de transfert a pour objet la contribution du ministère de la Défense au financement des opérations immobilières concernant les postes diplomatiques à l’étranger (Abou Dabi, Abuja, Moscou, Ryad et Tripoli).

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Pascal Cherki, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Alain Fauré, M. Marc Goua, M. Dominique Lefebvre, M. Jean-François Mancel, Mme Sandrine Mazetier, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Étienne Blanc, M. Gaby Charroux, M. Marc Francina, M. Patrick Ollier, Mme Monique Rabin, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Éric Woerth

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