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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 18 septembre 2013

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 120

Co-présidence de
M. Gilles Carrez, Président,
et de
M. Jean-Paul Chanteguet, Président de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire

–  Audition, ouverte à la presse, conjointe avec la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, de M. Frédéric Gagey, président-directeur général d’Air France, sur la situation de l’entreprise

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition conjointe avec la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Frédéric Gagey, président-directeur général d’Air France, sur la situation de l’entreprise.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Gilles Carrez et moi avons organisé l’audition devant nos deux commissions de M. Frédéric Gagey, président-directeur général d’Air France, à qui je souhaite la bienvenue et un plein succès dans ses nouvelles fonctions. Il est accompagné de MM. Pierre-Olivier Bandet, directeur de cabinet, Bertrand Lebel, directeur général adjoint organisation et développement durable, Marc Verspyck, directeur général adjoint économie et finances et Jean-Charles Tréhan, directeur délégué à la communication en charge de l’information et des contenus, ainsi que de Mme Patricia Manent, directrice ajointe affaires publiques.

La commission du Développement durable a eu l’occasion d’auditionner, le 24 juillet 2012, M. Alexandre de Juniac, à propos notamment du plan Transform 2015. Celui-ci devait se traduire par la suppression de près de 5 000 emplois pour réduire de 1,5 milliard d’euros les charges de l’entreprise. Plusieurs récents articles de presse ont fait courir la rumeur d’un nouveau plan de départ volontaire frappant 2 500 postes ; vous aurez l’occasion d’éclairer la représentation nationale quant à la véracité de cette information. Vous pourrez également apporter des précisions au regard de ce qui apparaît comme les deux principaux points noirs de l’activité d’Air France, à savoir sa branche cargo d’une part et son réseau court et moyen-courrier d’autre part.

Nous savons combien le transport aérien est propice aux évolutions rapides dans un contexte de mondialisation des échanges. Les parlementaires souhaitent mieux les appréhender, connaître le bilan des opérations engagées, et recueillir vos commentaires sur le nouveau plan de réduction des effectifs.

M. Frédéric Gagey, président-directeur général d’Air France. Air France est une entreprise à la fois très riche en capital et très riche en emploi, ce qui est particulier dans le monde des sociétés. La flotte des aéronefs coûte des milliards d’euros et il faut de très nombreux employés pour assurer une bonne relation commerciale avec les clients. Par ailleurs, et c’est un héritage historique, les compagnies aériennes portent haut les couleurs d’un pays : la queue des appareils d’Air France est frappée de l’emblème tricolore. Cet attachement persiste même si l’identification a été mise à mal par la mondialisation et par l’ouverture du secteur à la concurrence. C’est un premier paradoxe que je tenais à rappeler.

En outre, et c’est un second paradoxe, le secteur relativement jeune de l’aéronautique n’a jamais gagné d’argent depuis les balbutiements de l’aviation à la fin du XIXe siècle. C’est étonnant, car le transport aérien est fondamental pour ouvrir le monde aux citoyens et aux marchandises ; c’est surprenant car c’est une économie dynamique, dont l’élasticité par rapport au PIB est de l’ordre de 2. Mais en dépit d’une croissance fort appréciable, la position de ce secteur dans la chaîne de valeur ne lui permet pas de créer de la richesse. C’est un point à ne pas négliger au moment d’examiner la situation financière des compagnies.

J’en viens maintenant, plus précisément, à Air France et à ses performances d’ordre financier. Les premières années suivant la fusion avec KLM ont été heureuses et rentables. L’année 2008, avec le déclenchement de la crise économique et financière, a marqué la dégradation forte des résultats : depuis cette date, Air France a enregistré chaque année une perte opérationnelle. C’est déplaisant pour l’actionnaire et pour le directeur des affaires financières, comme dans toute entreprise, mais dans le secteur aérien, cela signifie surtout l’impossibilité de remplacer le capital qui s’est déprécié au cours de l’exercice. Or les avions vieillissent ; ils nécessitent un entretien constant et des investissements permanents. Une situation financière dans le rouge, c’est la voie de l’attrition. C’est pourquoi nous déployons tous les efforts de gestion possible, parmi lesquels le plan Transform 2015, pour retrouver ce que j’appelle « une trajectoire économique stable ».

Air France a perdu 400 millions d’euros en 2012, alors que l’année 2011 avait déjà signifié un résultat négatif de 500 à 600 millions d’euros. C’est une situation de fragilité extrême qui risque de voir dériver la compagnie vers une réduction de ses capacités à voler. Alexandre de Juniac, alors à la tête d’Air France, a défini une stratégie de redressement entre 2012 et 2015 pour revenir sur un chemin permettant de financer la croissance tout en réduisant la dette. Cela suppose un objectif de marge de 4 à 5 %. Je signale, au passage, que cette période difficile pour le groupe a été plutôt mieux traversée par KLM.

Transform 2015 représentait une économie de 1,5 milliard d’euros, soit un gain d’efficacité opérationnelle de l’ordre de 20 %. Nous avons engagé des négociations en ce sens avec toutes les catégories de personnel, négociations qui ont requis plus ou moins de temps : ce fut relativement rapide avec les pilotes et les personnels au sol, plus long mais tout aussi fructueux avec les personnels de cabine. Je tiens à signaler que, quels que soient les impacts, les salariés ont joué le jeu : nous avons avancé sur les dossiers de la modération salariale, sur la question du glissement vieillesse-technicité hérité de l’ancien statut d’entreprise publique, et sur les aménagements de temps de travail avec une hausse significative des jours travaillés dans l’année.

Ces discussions et les plans de rationalisation ont permis une amélioration immédiate, constatée mois après mois, de 10 % dès la fin de l’année 2012. Sur le premier semestre 2013, le résultat d’exploitation est supérieur de 100 millions d’euros à celui du premier semestre 2012 : ce n’est pas rien dans le secteur aéronautique. Un redressement comparable s’est opéré sur les deux mois d’été entre 2012 et 2013. Nous ressentons donc les effets des efforts accomplis, et pas uniquement dans le domaine financier. De nombreux projets ont visé une amélioration des produits et une montée en gamme : nouveaux sièges, nouvelles relations commerciales avec les clients. Je vois dans les équipes au sol, à chaque visite que j’effectue sur le terrain, des personnels convaincus dotés d’une motivation sans faille.

Malgré ce redressement, la projection des résultats obtenus sur le reste de l’année 2013 ne permet pas encore de parvenir à l’équilibre du résultat d’exploitation. Nous avons donc décidé, comme c’était d’ailleurs convenu dès 2012, d’ouvrir des discussions pour poursuivre et finaliser Transform 2015. J’ai communiqué ce matin ma stratégie au comité d’entreprise.

En premier lieu, nous devons poursuivre notre démarche de développement des vols long-courrier pour utiliser tout le potentiel de l’aéroport Charles-de-Gaulle, qui peut être optimisé. Cela passe par une meilleure communication, un service amélioré et une prise en compte renforcée des attentes du marché. Roissy est le point nodal de notre réseau, et nos vols moyen-courriers doivent y conduire pour acheminer ensuite la clientèle vers les vols long-courriers.

En deuxième lieu, et la presse s’en est largement fait l’écho, l’activité cargo suscite le désarroi des managers face aux évolutions du marché, dont les volumes sont en chute libre dans toute l’Europe. C’est la conséquence directe de la progression du transport maritime. C’est aussi lié à l’évolution technologique qui veut que les marchandises de valeurs soient de moins en moins des pondéreux. C’est enfin un effet de la concurrence de compagnies chinoises très agressives qui ont compris que la production de biens se trouvait désormais en Asie alors que les transporteurs restent majoritairement occidentaux. Devant ces difficultés, j’ai pris la décision de réduire la flotte des 747 dévolus intégralement à l’activité cargo, et de privilégier deux appareils plus efficaces et moins consommateurs de kérosène – deux 777 – pour venir en appoint de notre activité principale de transport de marchandises, que nous réalisons dans les soutes des aéronefs de nos lignes de passagers. Cette activité cargo en soute restera cruciale pour Air France. Par ailleurs et puisque nous parlions des 747, je signale que nous retirons aussi du service les appareils de ce type que comptait la flotte passagers.

En troisième lieu, les vols moyen-courriers seront maintenus tant sur Orly que sur le marché domestique, où nous détenons des parts de marché importantes. Mais il faut reconnaître que cette activité manque de dynamisme ; nous subissons la concurrence du train qui nous conduit depuis des décennies à diminuer nos capacités opérationnelles entre Paris et la province. La construction de la ligne à grande vitesse reliant Paris et Bordeaux ne nous facilitera pas la tâche à l’avenir. Nous ne pouvons plus envisager une forte croissance dans les années qui viennent ; il faudra donc continuer les ajustements. Notre réponse stratégique passe par le développement entre Orly et les grandes villes européennes des lignes de notre filiale Transavia. Nous sommes persuadés que si on laisse les concurrents d’Air France s’installer à Orly, ils menaceront le cœur de notre activité. Nous devons donc occuper l’espace et nous assurer que les liaisons avec Roissy soient convenablement organisées. Nous y poursuivrons notre croissance sur le segment long-courrier, grâce à l’organisation des connexions « qui vont bien », afin que nos voyageurs en provenance des grandes villes de province y trouvent des correspondances pour le reste du monde.

L’activité maintenance s’est bien développée dans les années passées, Air France ayant lourdement investi dans des équipements, à Toulouse mais aussi en région parisienne, à Rosny et à Villeneuve-le-Roi. Nous souhaitons confirmer notre présence sur ce marché de haute technologie avec entre autres les pièces de moteur, et développer notre chiffre d’affaires ainsi que l’emploi. Il s’agit d’un secteur profitable, que nous élargirons.

Tous ces éléments porteurs d’espoir pour les salariés d’Air France – le développement de Roissy, l’ouverture de nouvelles destinations, comme Panama ou Kuala Lumpur, suivies d’autres en 2014, et la persistance de notre empreinte sur le marché domestique – doivent se faire en poursuivant la rationalisation des coûts déjà engagée. C’est la raison pour laquelle nous avons, en respectant parfaitement les engagements qui avaient été pris dès 2012, proposé ce matin aux salariés d’Air France un plan de départs volontaires de 2 800 personnes. Le détail des postes sera examiné avec les syndicats lors du comité central d’entreprise du 4 octobre prochain. Il faut voir dans l’évolution des effectifs d’Air France un double effet : la réduction de nos capacités sur le marché intérieur, je l’ai souligné, et le développement de nouveaux outils opérationnels – que le secteur aérien intègre parfois avec retard – que sont l’enregistrement par Internet ou la dépose bagage automatique.

Cette dernière évolution explique que la création de valeur ajoutée se déplace des activités de service vers celles qui ont trait à la réparation et la création d’outils informatiques – comme nos bornes en libre-service dans les aéroports – et que des déplacements d’effectifs ont lieu d’une industrie vers l’autre.

Notre stratégie reste bien de croître et de développer les liaisons entre la France et le reste du monde.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Vous avez peu évoqué certaines questions fiscales comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, l’impact de modifications éventuelles du taux de TVA, les quotas carbone intracommunautaires dans le cadre de l’ETS ou la taxe de solidarité dont le taux pourrait évoluer. Sur tous ces sujets, je souhaiterais connaître votre appréciation et, le cas échéant, vos propositions.

Est-il par ailleurs exact, ainsi qu’on l’entend parfois, que la rentabilité d’Air France-KLM sur ses lignes d’outre-mer soit en forte dégradation ?

M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur spécial pour les transports aériens et la météorologie. J’ai bien entendu votre volonté de mettre en œuvre un nouveau plan de départs volontaires, pour faire face au succès mitigé rencontré par l’application de la première partie du plan Transform 2015. Vos objectifs de réduction des dépenses semblent avoir été atteints à hauteur des deux tiers, ce qui est certes loin d’être négligeable mais demeure en deçà des attentes.

S’agissant des destinations long-courrier, la compagnie est aujourd’hui confrontée à l’agressivité commerciale de certains concurrents du golfe Persique et aux effets de la restructuration de plusieurs grands groupes européens. Il apparaît donc nécessaire d’opérer son repositionnement en termes d’offre et de produits et de lui assigner une véritable stratégie. Celle-ci ne m’a pas paru ressortir clairement de vos propos liminaires : votre volonté de remédier à un ensemble de faiblesses est manifeste, j’ai moins bien perçu la stratégie sous-jacente.

Pour ce qui concerne les court et moyen-courriers, de premières réponses ont déjà été apportées à travers la création des bases de province, les « prix mini » et la restructuration des filiales régionales en une seule et même entreprise Hop !. Quels sont les résultats des bases de province ? Est-il exact que leur existence même pourrait être remise en cause ? Quant au regroupement – sans fusion – des trois compagnies régionales au sein de Hop !, il semblerait que le maintien de cette structure tripartite ne donne pas les résultats escomptés. Qu’en est-il exactement ?

Les lignes desservant l’outre-mer souffrent d’une concurrence exacerbée, ce qui rend apparemment Air France déficitaire sur la plupart de ses liaisons. Est-ce toujours le cas et comment la compagnie peut-elle améliorer la situation sans pour autant remettre en cause une concurrence qui demeure, dans son principe, favorable à l’usager ? À La Réunion comme dans les autres départements et territoires d’outre-mer, l’avion est le seul moyen de sortir de l’île et le seul instrument de mobilité disponible : le prix du billet est donc une donnée d’une grande sensibilité.

M. Alain Gest. Les difficultés rencontrées par Air France semblent largement liées au niveau élevé des charges sociales en France. Le CICE constitue-il une réponse adaptée à ce problème ?

Quels sont les résultats de votre filiale low cost Transavia.com ? Il s’agit en effet d’une société, encore jeune, sur laquelle il semble que vous comptiez vous appuyer pour développer une offre et des services à partir d’Orly.

Pourriez-nous nous donner des précisions sur le plan de réduction des effectifs, sur une base volontaire, que vous venez de présenter – sur quatre ans, ce ne seront en effet pas moins de 12 000 à 15 000 personnes qui auront perdu leur emploi au sein de votre groupe ?

M. Gilles Savary. Le groupe que vous dirigez a affronté l’ouverture du marché à la concurrence au début des années 1990. Un récent rapport du Conseil d’analyse stratégique rappelait excellemment que « les compagnies aériennes sont mortelles » : chacun se souvient de ces géants aux pieds d’argile que furent PanAm, TWA, Swissair ou Sabena. Trois groupes dominent aujourd’hui la zone européenne, parmi lesquels Air France KLM semble être celui qui souffre le plus. Sans céder au catastrophisme, il est vrai que la situation d’Air France inspire l’inquiétude, avec un plan de restructuration lancé il y a deux ans et qui doit aujourd’hui encore s’intensifier.

L’expérience et les résultats de Hop ! sont-ils concluants ? Qu’en est-il des bases régionales ? Quelles conséquences le plan nouveau emportera-t-il sur le nombre des dessertes ? N’y a-t-il pas un risque qu’au motif de vouloir faire des économies, on n’en vienne à céder la place à d’autres ?

La déstabilisation dont souffre le groupe me semble de nature structurelle et imputable au développement du low cost. La conjoncture est, en effet, extrêmement porteuse par elle-même : la démocratisation massive du transport aérien profite beaucoup aux aéroports et aux constructeurs ; elle profite beaucoup moins aux compagnies historiques. Le rapport de M. Claude Abraham insiste sur la nécessité de respecter l’équité de la concurrence au regard du droit européen : à cet égard, que pensez-vous des enjeux fiscaux et sociaux liés au modèle du low cost ? J’ai appris, à ma grande surprise, que votre groupe verse, à lui seul, un tiers de la taxe mondiale de solidarité instituée pour financer la lutte contre le sida : cette immense philanthropie française est-elle totalement pertinente dans un contexte difficile ?

S’agissant de l’ETS, quelles sont vos attentes vis-à-vis des parlementaires français ?

Quel est l’état des relations sociales dans votre groupe ? Dans ma circonscription, je sens en effet les esprits inquiets et, sinon tentés par la rébellion, du moins menacés par une véritable déprime.

M. Yannick Favennec. Le groupe UDI tient à réaffirmer son attachement à notre compagnie nationale, au moment où celle-ci traverse une période très difficile. De ce point de vue, l’annonce de la suppression de 2 800 emplois, il y a quelques minutes, ne nous a guère rassurés.

Pour accompagner les efforts de productivité et de restructuration de la compagnie, le ministre chargé des transports avait annoncé, au début de 2013, qu’il préparait un plan d’aide au secteur aérien comportant plusieurs mesures fiscales et financières. De quels leviers le Gouvernement dispose-t-il effectivement ? Quand ce plan sera-t-il annoncé ?

Je souhaiterais évoquer la question des relations d’Air France avec les plateformes aéroportuaires. La plateforme de Roissy est-elle compétitive par rapport à ses concurrentes de Francfort ou d’Amsterdam ? Sinon, dans quelles directions peut-on chercher des voies d’amélioration ?

Le Gouvernement a évoqué un relèvement de 12 % de la taxe de solidarité, le jour même où une troisième étape du plan Transform était annoncée. Pourriez-vous nous préciser l’étendue des taxes affectant le transport aérien et les passagers, puisqu’il semblerait que les charges supportées par le voyageur au départ de l’Hexagone soient parmi les plus élevées du monde ?

Quelle est la situation de Hop ! et pensez-vous que l’aéroport de Notre-Dame des Landes verra un jour les avions décoller ou s’y poser ?

M. Gabriel Serville. La Guyane et l’ensemble des outre-mer vivent souvent des relations difficiles avec la compagnie Air France. Je me fais le porte-parole de ces nombreux passagers, notamment pour regretter le niveau élevé des prix pratiqués. Nous sommes bien conscients des difficultés financières de la compagnie. Néanmoins, il faut prendre en considération les préoccupations des passagers, qui se plaignent des tarifs trop élevés, notamment au détriment des jeunes qui souhaitent se rendre en métropole pour y suivre une formation ou effectuer un stage. Les parlementaires d’outre-mer interrogent régulièrement le Gouvernement à ce sujet : le ministre chargé des transports, M. Frédéric Cuvillier, s’est engagé à nous faire parvenir le rapport annuel remis au Gouvernement par les compagnies aériennes sur les conditions d’exploitation de leurs lignes et les conditions de fixation des prix des billets. Je ne l’ai pas encore reçu. Peut-on espérer d’ici quelque temps des billets à des prix plus intéressants ?

Je tiens également à relayer les inquiétudes des passagers s’agissant de la sécurité sur les liaisons entre Paris et l’outre-mer. Nous constatons sur les douze derniers mois un nombre important d’incidents techniques, avec des avions qui ne peuvent pas décoller, des atterrissages d’urgence… Cela est-il dû à une maintenance lacunaire ou à des appareils trop anciens ?

M. François-Michel Lambert. Au nom du groupe Écologiste, je vous remercie pour votre franchise ! En juillet 2012, votre prédécesseur nous avait présenté une stratégie de montée en gamme impliquant d’importants investissements. Il citait notamment un investissement de 100 000 euros par siège en classe affaires. L’objectif était clairement de devenir le numéro 1 mondial… ou de ne pas être ! Or je n’entends pas le même propos dans votre présentation : la stratégie a-t-elle changé ?

S’agissant des éléments structurels propres à l’aviation civile, votre présentation est celle d’une économie qui détruit sa valeur au fil de sa croissance. N’est-il pas nécessaire de définir un nouveau modèle ? Votre compagnie est prise en étau entre les low cost et les compagnies d’Orient, qui bénéficient d’avantages que vous ne pouvez avoir. Il serait approprié de devenir un transporteur « tous modes », et d’apporter ainsi des services que vos concurrents ne proposent pas.

J’aimerais des précisions sur les engagements d’Air France en faveur du développement durable, au-delà des sempiternelles – et un peu ridicules – annonces en cabine invitant les passagers à placer leurs journaux dans une poubelle de recyclage.

Quel est votre sentiment sur le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes, situé à moins de deux heures et demie de Paris, au moment où la compagnie doit renforcer son implantation à Roissy et à Orly ?

M. Olivier Falorni. La situation d’Air France est préoccupante. Le plan de restructuration comporte une forte réduction des effectifs. Or, il y a deux ans, un plan de départs volontaires avait déjà été mis en œuvre. On connaît les difficultés des compagnies aériennes traditionnelles sur un marché extrêmement concurrentiel, mais cette répétition est inquiétante. Il ne faudrait pas que ce plan constitue une fuite en avant, mais s’inscrive dans une stratégie durable.

Quelle est la stratégie choisie pour les années à venir, notamment par rapport à celle d’autres compagnies dites « traditionnelles » telles que British Airways et Lufthansa qui, elles, ne semblent pas rencontrer les mêmes difficultés ?

Au-delà, la réorganisation d’Air France pose question en termes d’aménagement du territoire. Certes, aucune fermeture d’escale aéroportuaire n’est pour l’instant prévue. Pouvez-vous nous le confirmer ? Quels sont les projets à long terme, compte tenu des développements annoncés de lignes ferroviaires à grande vitesse ? Comment anticipez-vous par exemple la mise en service des futures lignes à grande vitesse dans le sud-ouest de la France ?

Est-il exact que la sous-traitance sera favorisée dans certaines escales ? Le recours à la sous-traitance viendra-t-il compenser la réduction des effectifs ? Un tel recours se justifie lorsque la diminution des coûts provient d’un certain niveau de synergie entre plusieurs activités, mais il ne faudrait pas que les moindres coûts soient uniquement le fruit d’un différentiel de salaires et d’avantages sociaux entre, d’une part, les salariés de petites entreprises de sous-traitance, et d’autre part les salariés d’Air France. Ne va-t-on pas remplacer ainsi des salariés bénéficiant des obligations afférentes aux entreprises de grande taille par des salariés de petites entreprises, moins protégés et dont les avantages sociaux ou la formation peuvent être moindres ?

La semaine dernière, le Président de la République et le ministre du Redressement productif ont présenté trente-quatre plans d’action pour l’industrie française. Il ne s’agit pas de dicter aux entreprises ce qu’elles doivent faire, alors même que l’État n’en a plus le contrôle, mais de stimuler la coordination des entreprises sur le territoire. On peut penser qu’Air France, l’un des fleurons de l’industrie française, peut s’impliquer dans cette démarche, ne serait-ce qu’en aval de la filière. De quelle façon va-t-elle s’inscrire dans ces plans d’action ?

Enfin, un projet de loi est en cours d’examen pour habiliter le Gouvernement à adopter par voie d’ordonnances des mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Parmi celles-ci est prévue une modernisation de l’activité de l’État actionnaire. Quelles dispositions vous posent problème ?

M. Frédéric Gagey. Monsieur Olivier Falorni, le rôle de l’État actionnaire n’est pas un facteur de complexité pour Air France. En effet, si un représentant de l’État siège au conseil d’administration du groupe Air France KLM, l’État n’est pas représenté au conseil d’administration de la société Air France qui est une filiale à 100 % de ce groupe.

Peut-on établir une comparaison avec British Airways ? Cette compagnie a connu au début des années 2000 une crise financière majeure, avec l’échec de plusieurs émissions de dette et une réduction dangereuse de ses capitaux propres, au point de n’être, pendant quelque temps, positifs que grâce à une méthode de calcul sur les actifs de retraite. Le choix de British Airways a été de procéder à une réduction continue de ses activités. British Airways reste une grande compagnie en termes de positionnement en Europe, mais elle a désormais une taille équivalente à celle de KLM ; elle s’est concentrée sur l’activité long-courrier, elle a réduit son network international ; elle est aujourd’hui rentable, mais à quel prix ! La stratégie choisie s’est avérée bonne financièrement, mais le coût en termes d’ampleur du réseau et en termes d’emplois a été lourd.

Dans le plan qui a été discuté chez Air France avec les partenaires sociaux en 2012, il y a la volonté de rester présents sur les moyen-courriers.

Quant à la compagnie Lufthansa, elle a engagé un plan qui consiste à transvaser une partie de ses capacités vers la compagnie low cost Germanwings, qui n’offre pas du tout les mêmes garanties au personnel navigant technique en matière de conditions salariales.

On peut certes considérer que, ce faisant, British Airways et Lufthansa ont réagi plus rapidement qu’Air France. Mais dans ces deux cas, la résolution de la crise ne s’est certainement pas opérée avec une création d’emplois, ni avec un maintien des conditions de travail. On le voit bien avec le redressement d’Iberia, désormais filiale de British Airways : le président de British Airways a imposé des ajustements extrêmement rigoureux dans les conditions salariales et dans les conditions de travail.

Nous rêvons tous de créer des emplois. Ne croyez pas que l’annonce faite ce matin ait été prise à la légère, ni qu’elle soit considérée comme positive par le management d’Air France.

Sur la question de Notre-Dame des Landes, je ne suis pas spécialiste du sujet et il ne me revient pas de prendre position. J’observe simplement que l’aéroport de Nantes est actuellement très proche de l’agglomération. Il m’apparaît que le projet ne vise pas à créer un deuxième hub de dimension internationale pour le marché français mais à déplacer un aéroport existant d’une grande ville française.

Monsieur François-Michel Lambert, nous avons une stratégie d’ensemble en matière de développement durable. Cette année Air France KLM a été de nouveau classé en tête du Dow Jones Sustainability Index dans la catégorie « Transports », et ceci grâce aux méthodes choisies en matière d’investissements, de réparations, de pilotage… Par exemple, l’ajout systématique de winglets au bout des ailes dans la flotte de KLM et le « plan carburant » permettent une baisse conséquente de la consommation de pétrole et des économies importantes. Nous sommes une compagnie qui contribue au développement durable, et nous en sommes fiers. Cela va bien au-delà du recyclage des journaux des passagers – même si je prends note de votre commentaire !

Monsieur Gilles Savary, s’agissant de l’arrivée prochaine d’une ligne ferroviaire à grande vitesse dans le sud-ouest de la France sur la liaison Paris-Bordeaux, son effet est déjà connu : plus de 50 % des passagers passeront de l’avion au train. Ce ne sera bien sûr pas facile pour les salariés d’Air France dans cette région. Le train joue en France un rôle important, il unit les cités entre elles et notamment avec la plus grande d’entre elles. Lorsqu’un TGV permet de faire passer un trajet en train en dessous de 2 heures, le rôle de l’avion s’amenuise, c’est mathématique. Ce sera forcément le cas sur Paris-Bordeaux. Dans le cadre du plan annoncé, ce changement est évidemment anticipé.

Monsieur François-Michel Lambert, nous n’avons en aucun cas changé de stratégie ni de calendrier en ce qui concerne la montée en gamme. Le nouveau siège, dit « Best », commencera à être déployé à compter de l’été 2014 et toute la flotte de 777 en bénéficiera progressivement. À compter de la mi-2015, cette flotte sera totalement équipée soit en sièges Affaires, en version 4 (V4), soit en sièges Best. Un changement de produit n’est pas seulement un changement de sièges : c’est une démarche d’ensemble, qui implique également les PNC et nos prestataires de catering, dont Servair. L’effort d’investissement pour le groupe est substantiel – le projet Best représente un coût de l’ordre de 500 millions d’euros – mais indispensable, car les sièges V2 et V3 de la classe Affaires ne souffrent plus la comparaison avec les offres de nos concurrents. Dans le cadre de ce projet, la classe Economy ne sera pas oubliée : une compagnie comme Air France se doit de rehausser la qualité de son offre non seulement pour les hommes d’affaires, mais également pour les familles qui partent en vacances.

J’en viens aux questions de fiscalité. Le CICE représente 40 millions d’euros d’économies sur le compte d’exploitation en 2013, vraisemblablement un peu plus en 2014. Il y a également un impact sur le compte de résultat : s’il n’y a pas d’effet immédiat sur le cash, puisque la compagnie ne peut imputer immédiatement le CICE sur son impôt sur les bénéfices, il y aura en revanche un reversement fractionné par l’État à l’horizon de 2017.

Inversement, le réajustement de la TVA sur les billets d’avion domestiques a un impact évalué à 50 millions d’euros, certes payés par le consommateur, mais avec le problème de l’effet de ce renchérissement sur les volumes : le produit plus cher est en effet moins acheté par le consommateur. Les effets du CICE et de la TVA vont donc, globalement et par des canaux différents, se neutraliser.

Le système ETS avait un coût, en 2012, avoisinant les 20 millions d’euros pour l’ensemble du groupe. Avec la baisse du cours des droits à émettre, ce coût tend à s’alléger – il devrait être de l’ordre de 9 millions d’euros en 2014. Mais cette baisse est aussi imputable au passage d’un système mondial à un système limité aux seuls vols européens. Nous l’avons, dès l’origine, considéré comme un système intéressant pour autant qu’il demeurait équitable, c’est-à-dire applicable aux compagnies du monde entier. Cet objectif n’ayant pas été atteint, du fait de la vive réaction des compagnies américaines et chinoises, nous sommes aujourd’hui en attente des propositions de l’Organisation de l’aviation civile internationale – OACI. Le maintien du caractère fair and balanced du dispositif nous semble essentiel : il ne doit pas suffire de transiter par la Turquie ou la Tunisie pour être exempté du coût de l’ETS sur la partie long-courrier du vol.

L’augmentation du montant de la taxe de solidarité, dans une proportion comparable à l’inflation cumulée, ne me choque pas dans son principe. En revanche, le constat que ce projet ambitieux ayant vocation à couvrir l’ensemble du transport mondial se trouve en définitive réduit à un dispositif porté, pour l’essentiel, par Air France, suscite un certain nombre d’interrogations. Au regard de l’importance du sujet, le financement des pays en développement dans le domaine de la santé, il faut notamment se demander s’il est parfaitement juste que seuls les billets d’avion soient soumis à taxation.

Si les pouvoirs publics cherchent à aider le secteur aérien, il pourrait être opportun de se pencher sur les taxes et redevances aéroportuaires. Le débat est complexe, mais il faut admettre que les compagnies aériennes se trouvent prises en tenaille entre des fournisseurs de moins en nombreux – qu’il s’agisse des constructeurs d’avions (Airbus, Boeing), des motoristes ou des prestataires informatiques (systèmes de réservation ou Global Distribution Systems) – et les infrastructures d’accueil (aéroports), en nombre également limité et en situation de monopole local. Il faut donc introduire des modes de régulation de ces monopoles : aux États-Unis, par exemple à New York ou à Atlanta, les gros équipements (routes, pistes...) sont fournis par un aéroport propriété des collectivités territoriales avoisinantes, lequel loue ensuite aux compagnies aériennes des espaces où elles peuvent installer leurs terminaux et déployer leur activité commerciale. Ce n’est peut-être pas non plus un hasard si, dans certains États du golfe Persique, l’aéroport et la compagnie aérienne ont le même propriétaire.

Pour ce qui concerne les bases régionales, il faut rappeler que le projet remonte à deux ou trois ans. La question était, d’une part, de faire émerger un nouveau marché et, d’autre part, de faire évoluer la structure des coûts d’Air France et l’organisation du travail. Le coût unitaire des personnels navigants et au sol a été réduit, mais moins qu’il était prévu dans le business plan d’origine. Par ailleurs, les ouvertures de lignes à partir de trois villes de province et à destination de l’Europe se sont révélées moins profitables qu’escompté. La concurrence a été beaucoup plus vive que nous ne le pensions et nous avons peut-être été trop longs dans la mise en place de la nouvelle offre. Quoi qu’il en soit, le déficit économique du réseau au départ de la province s’est accentué et, dans le cadre du plan Transform, il ressort que le redressement des comptes passe par une réduction des capacités opérées à partir la province. Ce réajustement a commencé au début du second semestre de 2013 et se poursuivra, avec l’introduction notamment d’une plus forte saisonnalité : certaines lignes peuvent en effet être rentables, mais uniquement l’été.

Il est exact que KLM a moins de difficultés qu’Air France. Ceci s’explique par le fait que KLM n’a pas de réseau domestique – la ligne Amsterdam–Eindhoven a été fermée – et que la compagnie n’a donc à gérer qu’un seul aéroport et un seul hub. Mais elle a connu une crise au début des années 2000 et s’était imposé, en 2002-2003, un plan de redressement drastique.

S’agissant de la desserte des Antilles et de l’océan Indien, celle-ci est extrêmement concurrentielle : en dépit de prix apparemment élevés, la profitabilité pour la compagnie est loin d’être toujours au rendez-vous. La flotte, sur cette destination, est plutôt moderne puisqu’elle comprend plusieurs 777 et je n’ai pas souvenir d’incidents sur ces destinations au cours de l’été 2013.

M. Yves Albarello. Je vous écoutais, monsieur le président-directeur général, évoquer la restructuration d’un de vos concurrents, British Airways : le plan qui concrétise la vôtre ne vient-il pas un peu tard ? J’ai l’impression que nous nous trouvons toujours en retard par rapport à nos concurrents, et que lorsque nous devons restructurer, nous ne pouvons faire autrement que de prendre des mesures draconiennes. En faisant du benchmarking, on se rend compte que le modèle d’Air France est ancien et son personnel pléthorique. La presse nous apprend que la compagnie « est plombée par des coûts d’escale – le personnel au sol chargé de l’enregistrement des passagers et des bagages – astronomiques. À l’aéroport de Marseille-Provence, la compagnie emploie plus de 900 personnes. Selon les professionnels, Air France pourrait diviser par deux ses coûts ». Il s’agit d’une réalité à laquelle vous allez être confronté : cette situation ne peut plus durer et il faudra prendre des décisions.

Deux exercices consécutifs de pertes – pas loin d’un milliard d’euros – obèrent vos capacités d’investissement. À terme, quelles seront vos décisions d’investissement, notamment en ce qui concerne l’acquisition de l’Airbus A320-Néo, dont l’atout principal reste sa faible consommation de kérosène ? Où en êtes-vous, plus globalement, dans votre renouvellement de flotte?

Ayant été rapporteur de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, j’ai une proposition à vous faire. La taxe de solidarité vous coûte 78 millions d’euros par an, ce qui paraît particulièrement injuste car vous êtes la seule compagnie à la verser. Dans le projet dit du Grand Paris express, il reste par ailleurs – le Premier ministre ayant clairement fait savoir que pas un centime d’argent public n’y serait investi – un gap de financement que je vous propose de venir combler. Une grande capitale comme Paris se doit de proposer à ses visiteurs une desserte directe, de qualité, de son principal aéroport – Roissy est le deuxième au plan européen après celui de Londres-Heathrow, je voulais le rappeler à Yannick Favennec. Ces 78 millions d’euros pourraient donc financer ce projet, afin de créer de l’emploi et de rendre service à la plateforme de Charles-de-Gaulle ainsi qu’à Air France.

M. Philippe Plisson. L’impact du transport aérien sur le climat – il émet trois fois plus de gaz à effet de serre que la voiture, trente fois plus que le train, et de ce point de vue-là, l’arrivée du TGV à Bordeaux sera très bénéfique, cher Gilles Savary –, a doublé en vingt ans, et il pourrait tripler à horizon 2050. Le secteur du transport aérien doit donc naturellement se préoccuper du niveau et de l’évolution de ses émissions : l’OACI, les États et les compagnies aériennes se sont déjà fixé des objectifs, comme leur stabilisation à leur niveau de 2020 et un gain de 2 % par an d’ici 2050 dans l’efficacité énergétique des aéronefs d’ici 2050. Au-delà des déclarations d’intention, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre, dans un avenir proche, pour participer à l’atteinte de ces objectifs ?

M. Jean-Marie Sermier. À la lecture du communiqué de presse publié par Le Figaro à la suite de votre comité central d’entreprise de ce matin, par lequel on apprend la suppression de 2 800 postes dans les années à venir, j’ai eu le sentiment que le retour de l’équilibre était possible, dès 2014, pour le groupe Air France KLM. Votre audition lui a fait perdre de sa force : vous avez en effet comparé votre plan de restructuration avec ceux menés par vos principaux concurrents européens (British Airways, Lufthansa), en laissant entendre qu’ils avaient impliqué de plus grands efforts de la part de leur personnel. Quelle est, franchement, votre vision des choses ? Votre plan permettra-t-il le maintien en activité de tous les personnels qui resteront en poste, ainsi que celui des avantages de leur statut, ou faudra-t-il un nouveau plan dans quelques années ?

Mme Valérie Rabault. J’ai deux questions relatives à une présentation du groupe que vous avez faite lors d’une conférence d’investisseurs, chez UBS, en novembre 2012. Votre planche n° 18 présentait les coûts par unité et par trimestre : leur décomposition comprenait l’évolution des coûts, en excluant l’effet change et en prenant un coût du kérosène constant. Je vous remercie infiniment de la clarté de ce document, qui montrait que, en gommant l’effet de ces deux variables, la variation de la parité euro-dollar et le prix du carburant, les coûts baissent. Pour cette raison, je suis extrêmement étonnée que vous ayez centré votre propos d’aujourd’hui sur les baisses d’effectifs, car ce n’est pas en taillant dans ceux-ci que la rentabilité financière de la compagnie s’améliorera.

La planche n° 9 de la même présentation prévoyait une réduction d’effectifs de 5 260 postes, donc je voulais savoir si l’annonce faite aujourd’hui s’ajoute à ce chiffre, ou non. Est-ce en d’autres mots la dernière étape et n’y aura-t-il pas, à l’avenir, d’autres coupes dans les effectifs du groupe ?

Le Conseil d’analyse stratégique a publié en juillet en 2013 un rapport extrêmement intéressant, intitulé « Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles ? » On y mesure la part importante, dans votre business model, du capital, puisque pour l’ensemble de ces compagnies, 500 milliards d’euros seraient immobilisés. Concernant votre financement, et je ne parle pas de fiscalité, souhaitez-vous que la puissance publique – et les parlementaires autour de cette table – formulent des propositions ?

M. Jean-Louis Bricout. Vous aviez annoncé l’été dernier 2 500 suppressions de postes. On entend parler aujourd’hui de 2 800 suppressions supplémentaires. Que ferez-vous si ce dernier plan de départs volontaires ne recueille pas suffisamment de souscriptions par rapport à l’objectif affiché ? Que deviendront par ailleurs les personnels qui n’y souscriront pas et dont les postes vont être supprimés ?

Votre plan d’économies, qui porte sur 1,5 milliard d’euros, ne risque-t-il pas de porter atteinte, ou de remettre en cause, votre politique de développement durable ?

Vous avez parlé de l’impact de la modification du taux de TVA sur vos comptes : pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? Je suis un peu surpris car il ne me semble pas qu’une telle modification implique une distorsion de concurrence avec d’autres moyens de transport : ceux de nos compatriotes qui voyagent par nécessité continueront à le faire sans modifier leur comportement. Quant aux voyages à vocation touristique, je ne pense pas que l’écart de prix induit aura un quelconque impact sur la concurrence à laquelle vous faites face.

M. Christophe Priou. Quel est le plan de montée en puissance de votre filiale Transavia ? Comment comptez-vous redimensionner sa flotte ? Prévoyez-vous de réduire la voilure de certaines bases régionales, à Toulouse, Marseille ou Nice, voire d’en supprimer certaines ? On parle beaucoup d’une réduction de l’activité cargo, aujourd’hui servie par une flotte de treize appareils : qu’en est-il exactement ?

M. Jean-Pierre Vigier. Dans le cadre du plan Transform 2015, Air France a procédé depuis 2012 à une diminution de sa masse salariale de 5,3 %. Dans le même temps, les charges de personnel n’ont, elles, baissé que de 1,1 %. Or la compagnie reste en proie à des difficultés importantes. Les activités court et moyen-courrier, ainsi que le fret, seraient responsables de ces piètres résultats. Vous dévoilerez en octobre les mesures envisagées dans le cadre de la phase 2 de ce plan. Pouvez-vous nous confirmer que cette réorganisation, qui s’accompagne de la suppression de 2 800 postes, n’impactera pas la desserte des petites villes de province ?

M. Frédéric Gagey. Les coûts pétroliers représentent effectivement 30 % de nos coûts totaux. Mais ils ne sont pas des coûts « pilotables », nous n’avons pas de prise sur eux. En revanche les coûts salariaux font partie des coûts pilotables et sont à peu près égaux aux coûts pétroliers.

Bien sûr, il ne faut pas focaliser la réflexion sur les seuls coûts salariaux, et il ne faut pas travailler seulement sur les coûts, mais aussi sur les recettes. Le problème est que dans un secteur à forte concurrence, il n’est pas facile d’accroître les recettes unitaires. Il faut souligner la fragilité de notre système dont le bilan est déséquilibré par cinq ans de pertes opérationnelles. En conséquence les coûts salariaux sont forcément un élément important de notre stratégie, tout en étant un élément négociable.

Les plans de départs volontaires réussissent dans la plupart des cas, grâce au dialogue entre les responsables des ressources humaines et les salariés. Ceux-ci sont conscients des conséquences de l’arrivée d’une LGV ferroviaire et des changements de comportement des voyageurs. Certains saisissent cette occasion pour opérer des choix de vie grâce à l’incitation financière proposée. Il est hors de question d’opérer des pressions excessives : il y a des règles déontologiques très strictes à respecter.

Augmenter une taxe a nécessairement un impact sur les résultats de l’entreprise, dès lors qu’on accepte l’idée que lorsqu’on augmente le prix d’un bien, sa demande baisse.

S’agissant de Transavia, il y aura effectivement une augmentation de la flotte. Pour le cargo, cela fait longtemps qu’on se trouve en dessous de treize avions, il y a actuellement quatre avions opérés par Air France et la proposition de réduction de flotte vise à passer de quatre à deux d’ici 2015.

Vous évoquez la baisse de la masse salariale qui vous paraît faible par rapport au plan de départs volontaires de l’an dernier, c’est vrai mais vous faites sans doute référence à la masse salariale du groupe Air France KLM et pas à celle de la société Air France. La diminution de la masse salariale de la société Air France est beaucoup plus forte puisqu’elle est en baisse de 3,5 %, ce qui représente sur l’année budgétaire une économie de l’ordre de 150 millions d’euros.

La situation de l’entreprise ne nous amène pas à relâcher notre effort en matière de développement durable. Le groupe Air France KLM demeure très présent dans ce domaine malgré la crise.

Je voudrais revenir sur la question de Hop! et sur le commentaire critique sur le succès de Transform 2015. Ce succès, même s’il n’est pas total, est indéniable et a été atteint alors même que le contexte de crise économique majeure est défavorable aux compagnies aériennes. Les compagnies Ryanair et Aer Lingus ont fait cette semaine l’objet d’un profit warning – avertissement sur leurs résultats – et il y a quelques mois un tel avertissement a visé Lufthansa qui, après avoir affirmé que son activité cargo se portait plutôt bien, est revenue sur cette annonce. Il conviendra d’évaluer plus précisément l’ampleur du succès de Transform 2015 à la fin de cette année.

Un plan de départs volontaires a en général un temps de retour de quinze à dix-huit mois, en incluant l’organisation, l’information, les contacts avec des sociétés qui aident les salariés à réfléchir à leurs choix professionnels, les versements aux salariés pour accompagner leurs projets, les départs en préretraite…

Sur Hop! je vous trouve un peu sévères. Il y avait auparavant trois compagnies régionales, qui se parlaient assez peu et dont les stratégies étaient parfois antagonistes. Placer cet ensemble sous une seule « ombrelle » est une très bonne idée. Je siège au conseil d’administration de Hop! et j’ai le sentiment que cet ensemble est bien tenu et bénéficie d’équipes très motivées. À long terme, une fusion pourrait être envisagée, mais pas dans l’immédiat. En matière de résultats opérationnels, le groupe est certes en déséquilibre de 15 à 20 millions d’euros cette année, mais il faut rappeler que les compagnies ne gagnaient guère d’argent auparavant ! Le lancement de la marque Hop! a été fait de manière très dynamique. Cet acteur est très proche d’Air France, il gère notamment les avions régionaux de l’aéroport Charles-de-Gaulle et la commercialisation passe largement par les agences d’Air France. Hop! constitue un vecteur de présence dans les régions, et je n’ai pas connaissance de fermetures prévues.

M. Jean-Pierre Gorges. Ce matin, dans cette même salle, nous parlions de trains avec M. Guillaume Pepy. La contradiction est flagrante entre réclamer sans cesse plus de trains, et donc plus de moyens consacrés au ferroviaire, et préconiser un soutien plus grand à l’aérien et à Air France. J’approuve quant à moi le plan annoncé. Mais il faut optimiser globalement le transport en France.

M. Frédéric Gagey. Je souhaite apporter une dernière précision : nous n’avons jamais envisagé une « troisième phase ». L’objectif reste de finaliser le plan annoncé en 2012.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le président directeur général, je vous remercie au nom du président Gilles Carrez et de tous mes collègues d’avoir participé à cette audition. Nous aurons bien entendu l’occasion de vous auditionner de nouveau, j’espère dans un contexte plus favorable pour Air France KLM, fleuron de notre industrie auquel nous sommes très attachés.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 18 septembre 2013 à 15 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Karine Berger, M. Gilles Carrez, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua,
M. Jean-François Lamour, M. Jean-François Mancel, Mme Valérie Rabault,
M. Michel Vergnier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Étienne Blanc, M. Gaby Charroux, M. Marc Francina, M. Patrick Ollier, Mme Monique Rabin, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra

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