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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 22 octobre 2014

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Gilles Carrez, Président
puis de
M. Dominique Lefebvre, Vice-président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, et de M. Pierre-René Lemas, directeur général, sur l’activité et les perspectives du groupe Caisse des dépôts

–  Présences en réunion

M. Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. L’affluence d’aujourd’hui prouve l’intérêt de votre Commission pour cette ancienne et vénérable institution qu’est la Caisse des dépôts et consignations. Ses résultats, en 2013 et au premier semestre de 2014, attestent la solidité de son modèle, dans un contexte économique qui reste difficile.

Au premier semestre 2014, le résultat net consolidé du groupe s’élevait à 1 milliard d’euros et son niveau de fonds propres consolidés à 21,9 milliards d’euros – 28,6 milliards en incluant les gains latents. Ces résultats, la Caisse les doit surtout à la performance de la gestion financière de la section générale – dirigée par M. Mareuse, dont nous espérons donc qu’il poursuivra dans cette voie. Certaines filiales sont productives, à l’instar de la Caisse nationale de prévoyance et de la Compagnie nationale du Rhône, mais des rigidités demeurent. Par décision de l’État, la Caisse s’est vu adjuger une part des capitaux de La Poste – 26 % –, de la Société de financement local – SFIL – et de la Banque publique d’investissement – BPI : autant de participations dont je vous laisse imaginer le rendement...

L’épargne réglementée a fait l’objet d’une réforme en 2013 ; 30 milliards du livret A ont été placés dans les banques, sans résultat apparent pour les petites et moyennes entreprises ; en tout cas, la commission des Finances ne dispose pas d’évaluation sur ce point.

Nous rencontrons aujourd’hui un problème de collecte, au demeurant traditionnel à cette période de l’année ; il n’a donc rien d’alarmant, même si la « décollecte » atteint - 790 millions d’euros sur les neuf premiers mois de l’année. Le fonds d’épargne, qui finance principalement le logement social et les collectivités publiques, représente aujourd’hui un encours de prêts de plus de 160 milliards d’euros, en progression de 12 à 13 milliards par an. Le reste des 250 milliards déposés par les épargnants ne « dort » pas, contrairement à ce que l’on entend souvent dire : il est placé en actions et en obligations, donc injecté dans l’économie ; ce faisant il garantit la liquidité du fonds d’épargne. Bref, tout l’argent du fonds d’épargne est utilisé, ce qui n’est d’ailleurs pas chose aisée au vu du niveau des taux.

D’aucuns appellent la Caisse à telle ou telle intervention au motif qu’elle utiliserait l’argent des contribuables, ce qui est faux : depuis sa création, en 1816, elle n’a pas reçu pas un euro des contribuables ; en revanche, elle a alimenté par milliards le budget de l’État, via les différents mécanismes de prélèvements sur les résultats de la section générale et ceux du fonds d’épargne. On peut aussi s’interroger sur le fait qu’elle soit mentionnée dans les participations financières de l’État, puisque celui-ci ne possède, non plus que nul autre, aucune action de la Caisse : c’est là un détail qui avait échappé au Premier président de la Cour des comptes dans le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques.

La Caisse, dit-on, serait aussi le « bras armé de l’État ». Il est vrai qu’elle sert comme lui l’intérêt général, mais elle fait l’objet de réformes régulières, et son directeur général est désormais nommé pour cinq ans en Conseil des ministres, nonobstant le code monétaire et financier qui la place sous l’autorité du Parlement : de quoi faire se retourner Montesquieu dans sa tombe ! Et si cette nomination est désormais soumise à l’aval des commissions parlementaires compétentes, le fait majoritaire ne laisse guère de doutes sur le résultat du vote. Aux termes d’une ordonnance du 14 décembre 2000, le projet de budget de la Caisse, « revêtu de l’avis de la commission de surveillance », est « approuvé » par le ministre des finances : est-ce normal, au regard de la séparation des pouvoirs ? Enfin, depuis 2008, la loi de modernisation de l’économie fait obligation à la Caisse de concourir aux politiques publiques conduites par l’État. Au reste, lorsque l’on parle de « l’État », il faut en réalité entendre la direction du Trésor, dont la volonté de mainmise est de plus en plus évidente.

Bien que je préside la commission de surveillance depuis plus de deux ans maintenant, je suis loin de connaître tous les contours du groupe ; en tout cas, j’ai le sentiment que l’autorité législative ne joue pas entièrement son rôle : la surveillance qui lui incombe est plus formelle que réelle. La composition de la commission de surveillance est d’ailleurs très hétéroclite : on y trouve des représentants d’organes de contrôle, notamment la Cour des comptes, ainsi que le sous-gouverneur de la Banque de France par ailleurs membre du collège de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR –, ou encore le président de la chambre de commerce et d’industrie – CCI – d’Île-de-France – pourquoi pas des autres CCI ?

Ce problème de gouvernance justifierait, à l’occasion du bicentenaire, la création d’un groupe de travail parlementaire – quitte à y associer dans un second temps l’administration –, non pour des enjeux de pouvoir mais parce que ce problème a des conséquences, la première d’entre elles étant le niveau du prélèvement de l’État, qui cette année atteint le taux de 87 % du résultat consolidé – hors prélèvement sur le fonds d’épargne. Le Conseil constitutionnel, rappelons-le, estime à 50 % le niveau du taux confiscatoire... Je comprends qu’en ces temps difficiles, l’État cherche des ressources ; mais un tel prélèvement a un impact sur la gestion même de la Caisse : on lui reproche parfois de ne jamais vendre, mais elle n’a aucun intérêt à le faire puisque la quasi-totalité des plus-values réalisées vont alors directement à l’État. D’une façon générale, la Caisse n’œuvre pas pour ses propres intérêts et, contrairement aux autres établissements financiers, ne peut pas faire appel à des actionnaires ; si bien qu’en 2014 elle n’a toujours pas retrouvé le niveau de fonds propres qui était le sien avant 2008, même si elle s’en est approchée de 400 millions au premier semestre de cette année. S’il est normal qu’elle contribue au budget de l’État, et dans des proportions plus importantes que les autres sociétés, le taux de prélèvement de 87 % mérite réflexion.

La Caisse reste, en tout cas, le principal financeur du logement social, et son rôle au service de l’intérêt général me paraît indiscutable ; aussi mettrai-je la réforme de sa gouvernance au centre de mon prochain rapport. Soit dit en passant, le taux de prélèvement appliqué à la Kreditanstalt für Wiederaufbau – KfW –, son équivalent approximatif en Allemagne, n’est que de 5 %, et celui de la Cassa depositi i prestiti italienne, de 47 %. Son homologue espagnole, l’Instituto de credito official (ICO), est imposée à un peu plus de 20 %. La Caisse des dépôts, il faut toujours le rappeler, n’est pas l’outil financier d’une sous-direction du Trésor.

L’État, ou plutôt la direction du Trésor, justifie par ailleurs le prélèvement de 100 % sur l’excédent de fonds propres du fonds d’épargne – 733 millions d’euros en 2013 – par la garantie apportée au livret A ; mais l’État garantit aussi les 130 milliards déposés dans les banques commerciales, et n’opère aucun prélèvement sur les excédents générés. On nous explique que, d’un côté, la garantie porte sur le fonds d’épargne et, de l’autre, sur les particuliers : ce raisonnement sophistiqué n’a ni queue ni tête... Bref, le bicentenaire pourrait être l’occasion de rationaliser la gouvernance, dont j’ai la faiblesse de penser qu’elle est loin d’être optimale.

M. Pierre-René Lemas, directeur général du groupe Caisse des dépôts. Par le fait je n’ai pu, en seulement cinq mois de direction générale, optimiser la gouvernance ; mais nous accueillerions avec plaisir le renforcement du contrôle parlementaire. La commission de surveillance, qui se réunit tous les quinze jours, joue d’ailleurs son rôle avec efficacité et bienveillance. Une telle procédure, inhabituelle dans le monde financier, ne peut être qu’un stimulant ; les sujets que vient d’évoquer M. Emmanuelli méritent donc d’être mis sur la table.

Je suis heureux, quoi qu’il en soit, de me retrouver devant vous cinq mois après que vous m’eussiez accordé votre confiance. Je reviendrai brièvement sur notre bilan d’activité pour 2013 et le premier semestre de 2014, avant de tracer les grandes pistes de travail pour 2014-2015.

En 2013, le résultat net consolidé du groupe a atteint 2,1 milliards d’euros, après une perte de 454 millions d’euros en 2012 – dans les deux cas, cela tenait à des facteurs exceptionnels. Le résultat récurrent s’établit à 1,35 milliard, en léger recul par rapport à 2012, du fait notamment du niveau historiquement bas des taux d’intérêt. Quant au fonds d’épargne, le résultat atteint 900 millions avant dotation pour risques bancaires. La réforme de l’épargne réglementée de juillet 2013 a entraîné la décentralisation de 30 milliards d’encours au profit des banques, mais la collecte est restée positive.

L’année 2013 a été marquée par un niveau record de prêts, 21 milliards d’euros au total, dont 16,4 milliards au service du logement social et de la politique de la ville. Ces prêts ont permis de financer 110 000 nouveaux logements sociaux et 253 000 réhabilitations. L’an dernier a également été ouverte une enveloppe de 21 milliards pour les prêts de long terme aux collectivités locales, avec des conditions qui, restrictives au cours du premier semestre, ont été assouplies en juillet 2013.

Plusieurs grands dossiers ont par ailleurs abouti en 2013, à commencer par la mise en place effective de la BPI, dans laquelle la Caisse a investi près de la moitié de ses fonds propres. Le groupe a aussi continué de s’engager au service du développement économique de notre pays : il est resté le premier investisseur en capital dans des projets d’infrastructures, pour un montant total de 4,1 milliards, et le premier investisseur institutionnel dans le capital des entreprises. Les portefeuilles de la section générale et des fonds d’épargne cumulés, notre engagement représentait, au 31 décembre 2013, plus de 30 milliards d’euros en actions françaises.

Nous avons également renforcé notre partenariat avec les fonds souverains. Lundi dernier a ainsi été installé le siège de l’Institutional investors roundtable, l’IIR, club d’investisseurs internationaux que nous avons cofondé. C’est là une réalisation importante, sur le plan symbolique comme sur le plan pratique.

La Caisse est aussi restée, en 2013, le premier financeur du logement social. Outre les chiffres déjà cités, notre action en ce domaine a été réaffirmée à travers différentes mesures : éco-prêt à 0,5 % – soit le taux le plus bas du marché : je vous le laisse comparer au niveau de la ressource –, prime exceptionnelle de 120 millions pour les bailleurs et, enfin, partenariat avec l’UESL-Action logement, pour une enveloppe de 3 milliards de prêts. L’enveloppe de 20 milliards d’euros pour le secteur public local a été soutenue par un accord de coopération signé en juin dernier avec la Banque européenne d’investissement – BEI. Rappelons enfin que les chiffres de 2013 auraient dû vous être présentés en juillet dernier.

Les chiffres du premier semestre 2014 ont été publiés le 10 octobre dernier. Le résultat consolidé du groupe s’établit, pour cette période, à un peu plus d’1 milliard d’euros, en progression de 6 % par rapport au premier semestre 2013 ; le niveau des fonds propres consolidés, hors gains latents, se monte à 21,9 milliards.

La Caisse a bénéficié de la dynamique du marché des actions, bien orienté jusqu’en juin – mais ce n’est plus le cas depuis la rentrée. Ce mouvement a soutenu l’activité financière de la section générale. La contribution de l’établissement public au résultat net consolidé s’établit à 447 millions d’euros au 30 juin 2014, et celle des filiales et participations stratégiques progressent de 563 millions. Parmi les filiales, CNP Assurances reste le principal contributeur, avec 232 millions. Cette filiale est et demeurera un actif stratégique pour le groupe. Nous resterons aussi vigilants sur les discussions en cours avec le groupe Banque populaire Caisses d’épargne – BPCE – et La Banque postale, puisque les accords commerciaux de distribution des produits arriveront à échéance au 31 décembre 2015. Quant à Bpifrance, elle contribue, un an après sa création, à hauteur de 153 millions d’euros au résultat consolidé du groupe.

Ce résultat traduit la bonne performance opérationnelle de l’ensemble des métiers du groupe, dans un contexte économique peu favorable. Notre capacité de résistance, forte, ne doit cependant pas masquer la réalité du rétrécissement de nos marges de manœuvre. La conjoncture actuelle, dans laquelle se conjuguent une faible inflation, une croissance insuffisante et des taux d’intérêt extrêmement bas, entame notre capacité à générer du résultat. Bien que très solide, la Caisse reste dépendante du marché des actions, par essence très volatil.

Notre modèle est en outre assis sur les dépôts des professions juridiques réglementées, à hauteur de 37 milliards d’euros, dont 23 milliards pour les notaires. Ces dépôts, qui représentent un tiers du bilan de notre section générale, contribuent donc grandement à notre capacité d’action à long terme. Aussi sommes-nous très attentifs aux débats en cours sur les professions juridiques.

Dans un tel contexte, la capacité de reconstitution de nos fonds propres est loin d’être une question anodine, puisque la Caisse n’a pas d’actionnaires et qu’elle est soumise au prélèvement de l’État – prélèvement dont les modalités obéissent d’ailleurs à des motifs juridiques distincts. Même avec de bons résultats, nous ne sommes pas en mesure d’augmenter nos fonds propres, contrairement à l’ensemble des établissements financiers, qui ont pu être recapitalisés depuis la crise. Cette particularité, qui pèse sur notre modèle économique, nous conduit à être plus sélectifs dans notre action : je m’en étais déjà expliqué devant vous il y a cinq mois.

Comme je l’avais alors indiqué aussi, je souhaite que la Caisse maintienne le cap fixé par mon prédécesseur, et mette en œuvre ses orientations stratégiques tout en renforçant la cohérence de ses choix. Notre horizon est formé par une double orientation : la transition énergétique – qui, comme son nom l’indique, doit substituer un nouveau modèle économique à l’ancien – et le développement du numérique, deux chantiers comparables, en importance, à la reconstruction, à l’aménagement du territoire ou, plus récemment, à la politique de la ville. Les investissements et les territoires constituent enfin nos deux domaines prioritaires.

J’en viens donc au soutien à l’investissement public local. La Caisse gère, avec le fonds d’épargne, 250 milliards d’euros de ressources centralisées du livret A, dont 150 milliards dédiés à des prêts de très long terme au logement social et aux collectivités. Quant au portefeuille financier, de 100 milliards, il est à l’image d’un portefeuille d’assurance-vie – 12 milliards d’actions, 1 milliard d’investissements dans le non coté. La Caisse intervient donc dans l’activité économique, par ce portefeuille comme par le fonds d’épargne. En tout état de cause, elle est consciente de sa capacité d’impulsion pour dynamiser l’investissement local au sein des territoires.

Elle est, en premier lieu, redevenue prêteur de long terme pour les projets locaux. Je le répète, une enveloppe exceptionnelle de 20 milliards d’euros – qui a pris le relais de celles dédiées, au cours des années précédentes et à la demande des pouvoirs publics, au soutien des investissements locaux – a été ouverte pour la période 2013-2017, dont 5 milliards dévolus aux prêts dits de « croissance verte », à taux d’intérêt plus faibles. Cette enveloppe permet de financer les projets d’équipements de long terme des collectivités à des conditions toujours avantageuses – taux du livret A majoré de 1 %, soit 2 % – et sur des durées très longues, pouvant dépasser les quarante ans.

Jusqu’à 1 million d’euros, la Caisse finance 100 % du besoin d’emprunt, et 75 % de 1 à 2 millions. Compte tenu de conditions d’emploi à l’origine très restrictives, mais assouplies depuis juillet 2013, l’enveloppe commence seulement à être consommée, à hauteur de 6,6 milliards, qui ont pu financer quelque 350 projets d’équipements publics.

M. Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la BEI, et moi avons annoncé, lors du congrès des régions de France à Toulouse, la conclusion d’un protocole d’accord aux termes duquel les directions régionales de la Caisse deviendraient progressivement les points d’entrée, en région, pour l’accès aux financements de la BEI.

La Caisse renforcera aussi son rôle d’investisseur en fonds propres dans les projets locaux. En 2013, nous avons consacré près de 370 millions d’euros d’investissement dans les territoires, en plus de nos investissements dans les infrastructures, notamment d’énergie et de transport. Nous nous heurtons cependant, comme les investisseurs privés, à la raréfaction des ressources subventionnées et, élément trop peu souligné, à une complexité croissante en matière d’ingénierie financière.

De ce point de vue, notre troisième objectif est de devenir un pivot en matière d’ingénierie technique, juridique et financière auprès des collectivités. Pour la rénovation énergétique des bâtiments publics, qui est souvent une course d’obstacles, notre filiale Exterimmo apporte ainsi aux collectivités une solution clefs en main. La Caisse pourrait également jouer un rôle d’agrégateur de projets de même nature développés par plusieurs collectivités, afin d’optimiser les conditions de financement.

Enfin, nous entendons développer des outils de financement innovants, tels le project bond, le premier du genre en France, sur le numérique. Il a d’ailleurs montré son efficacité dans les heures qui ont suivi l’émission d’obligations sur le marché européen. Ce nouveau positionnement de la Caisse a motivé une réorganisation interne, avec le rattachement des directeurs régionaux au directeur général.

Conformément à son rôle contracyclique, la Caisse a défini des priorités sectorielles, avec ces deux fondamentaux que sont le développement des entreprises et le logement. La BPI a accompagné près de 80 000 entreprises l’an dernier, et accordé 10 milliards de prêts. Si j’ai souhaité prendre la présidence de la BPI, c’est pour assurer sa cohérence avec la Caisse, mais aussi pour l’inciter à renforcer sa présence sur les territoires, auprès des PME et des PMI.

La Caisse n’a toutefois pas abandonné son rôle à la BPI ; elle demeure le premier investisseur dans les PME cotées, à hauteur de 1,4 milliard l’an dernier, et a créé, en lien avec CNP Assurances, des fonds destinés au financement des PME et des PMI : Nova, Novo et bientôt Novi. Ces fonds ont vocation à mobiliser les crédits publics et les investisseurs institutionnels pour assurer, via des prêts et/ou des fonds propres, le financement de PME et ETI innovantes dans l’industrie et les services.

La Caisse reste par ailleurs le premier financeur du logement social. Elle a créé, cet été, avec des investisseurs institutionnels – dont CNP Assurances –, le fonds Argos, le premier du genre dédié au logement intermédiaire, pour un objectif de 10 000 réalisations. En août dernier, le Gouvernement a annoncé la construction de plus de 30 000 logements intermédiaires en zone tendue, où certains ménages ont des ressources supérieures au plafond fixé pour les habitations à loyer modéré, tout en restant insuffisantes au regard du loyer le plus bas sur le marché privé. La Caisse mobilisera quelque 900 millions d’euros en fonds propres, selon un dispositif juridique que nous sommes en train de concevoir.

Sur la transition énergétique, notre engagement est bien réel, avec 2 milliards d’éco-prêts sur fonds d’épargne pour la réhabilitation des logements sociaux. Nous avons aussi investi pour l’équivalent de 1 000 mégawatts d’énergies renouvelables, sans compter notre participation de 33 % dans la Compagnie nationale du Rhône, dont on a fêté les quatre-vingts ans récemment.

J’ai par ailleurs évoqué l’enveloppe de 5 milliards dévolue aux prêts de « croissance verte » à taux préférentiel – taux du livret A augmenté de 0,75 %. Nous nous efforçons aussi de devenir des opérateurs de tiers investissement – puisque le « tiers financement » proprement dit sera institué par la loi de transition énergétique – et de développer nos capacités d’ingénierie technique, juridique et financière dans les territoires, par exemple dans le cadre des territoires à énergie positive.

Quant aux métiers historiques de la Caisse, ceux de mandataire et de dépositaire, ils concernent tant la gestion des régimes de retraite – puisque la Caisse, je le rappelle, gère la retraite d’un Français sur cinq – que notre partenariat avec les professions juridiques, et ce depuis 1816. Nous souhaitons rester un partenaire de confiance, et devenir un acteur de référence en matière de gestion publique. Nos équipes sont particulièrement mobilisées sur des chantiers majeurs et complexes : la gestion, en 2014, du compte personnel de formation pour 25 millions de bénéficiaires, et celle, en 2015 et 2016, des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance-vie en déshérence, gestion que nous ont respectivement confiée les lois du 5 mars 2014 et du 13 juin 2014. Nous réfléchissons aussi, avec les fonds de retraite, à la façon de mieux orienter les financements vers l’économie productive.

La Caisse des dépôts, je le répète, n’est ni une banque, ni un établissement financier, ni une holding à objet indéterminé, mais une grande institution financière qui, placée sous le contrôle du Parlement, n’a d’autre objectif que l’intérêt général.

M. le président Gilles Carrez. Nous devons en effet engager une réflexion sur la gouvernance. Je rappelle toutefois qu’en deux siècles d’existence, la Caisse n’a jamais fait appel aux contribuables pour reconstituer ses fonds propres : elle l’a toujours fait par ses propres moyens, parfois en bénéficiant de monopoles, certes, mais sans jamais subir de dommage majeur. C’est donc que sa gouvernance a obéi à des règles de prudence, lesquelles l’ont aussi exposée à des critiques récurrentes, par exemple sur la gestion de ses participations ou l’utilisation des fonds d’épargne ; or, qui dit gestion plus active dit aussi prise de risques, ne l’oublions pas.

Le prélèvement de l’État de 87 %, monsieur le président Emmanuelli, est composé de trois éléments : la contribution représentative de l’impôt sur les sociétés, le dividende – même si l’État n’en est pas actionnaire, la Caisse est une institution publique – et le fruit de la gestion des fonds d’épargne. L’État prélève la totalité de l’excédent en contrepartie de la garantie qu’il apporte à ces fonds, mais une partie de ceux-ci est désormais collectée par les banques. Certes, celles-ci contribuent via l’impôt sur les sociétés, mais je fais miennes les observations du président Emmanuelli sur le fait qu’on ne leur demande rien au titre des fonds d’épargne.

Quid des relations financières, dans ses différentes composantes, avec l’État en 2014 ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. En 2013, le résultat incluait des moins-values liées à la participation au Fonds stratégique d’investissement – FSI. Sur les 2,137 milliards de résultat net consolidé, qu’est-ce qui provient, respectivement, des intérêts et de la réévaluation de portefeuilles ? Cette distinction permettrait de faire la part du résultat sonnant et trébuchant et des éléments soumis aux fluctuations du marché.

Je rejoins le président Emmanuelli et le président Carrez sur la gouvernance. Envisagez-vous une présence des salariés au sein de la commission de surveillance, comme c’est le cas dans les conseils d’administration, même si ce sont des instances bien distinctes ?

En septembre dernier, le directeur général de la BPI a plaidé pour la titrisation de créances de PME : je m’étonne que la BPI se lance dans ce genre d’aventure. La Caisse, qui en est actionnaire à 75 %, soutient-elle cette proposition ? Dans l’affirmative, selon quel mécanisme et quelle est la part du portefeuille concernée ?

Enfin, y a-t-il un risque sous-jacent aux participations récentes de la BPI dans des entreprises en difficulté, comme Altia en août dernier ?

M. Marc Goua. En tant que membre de la commission de surveillance, je souscris aux propos du président Emmanuelli : une étude prospective sur le fonds d’épargne montre que nous rencontrerons des problèmes vers 2018. Les fonds ne sont donc pas surabondants et les prévisions d’emploi sont telles que nous serons peut-être obligés de réclamer une partie des 30 milliards restitués au système bancaire. Par ailleurs, dispose-t-on des premiers résultats du dispositif destiné à favoriser le viager pour remédier aux difficultés rencontrées par les retraités ?

M. Christophe Caresche. Je comprends que la gestion du fonds d’épargne doive être prudente, surtout dans le contexte actuel. Mais dès lors que le relèvement de 50 % du plafond du livret A a permis de récolter des liquidités importantes et qu’en matière de logement social, l’objectif de 150 000 logements n’a pas été atteint, la Caisse a enregistré des excédents. Certes, son modèle prudentiel est tel que, dans les années qui viennent, elle en aura besoin pour faire face à ses obligations. Toujours est-il qu’elle a dû reverser 30 milliards aux banques, et sur ce point je suis d’accord avec le président de la commission de surveillance : ce n’est pas une bonne opération. Comment ces 30 milliards, dont le versement n’a pas été assorti de contreparties claires, ont-ils été utilisés et avez-vous la certitude qu’une seconde opération de ce type n’interviendra pas dans les mois qui viennent ? Enfin, la baisse des taux pose un problème majeur, puisque de grandes collectivités locales ainsi que des organismes de logement social trouvent actuellement sur le marché des taux comparables, voire inférieurs à ceux que propose la Caisse. Qu’adviendra-t-il si cette baisse se poursuit ?

M. Dominique Lefebvre. Le débat sur la gouvernance de la Caisse n’est pas nouveau. Pour ma part, j’ai du mal à distinguer la République et l’État. La question de l’autonomie de la Caisse ou celle de sa prise de risques sont de véritables enjeux, mais je rappelle que si, sous tous les gouvernements, des prélèvements ont été effectués sur les excédents de la Caisse, c’est parce qu’il faut par ailleurs résoudre des problèmes d’équilibre budgétaire. Si l’on veut éviter que ces prélèvements n’augmentent, monsieur le président Emmanuelli, réduisons davantage les dépenses publiques.

M. le président de la commission de surveillance. Je ne vois pas le rapport !

M. Dominique Lefebvre. Personne ne comprendrait qu’une puissance financière comme la Caisse des dépôts, même si celle-ci est placée sous l’autorité du Parlement, ne participe pas aux politiques de l’exécutif. Ces débats théoriques n’ont pas de sens et doivent cesser.

M. Pascal Terrasse. Je suis très favorable à la réflexion proposée par le président Emmanuelli sur le mode de gouvernance de la Caisse. Certes, celle-ci n’a jamais rencontré de problèmes en deux cents ans d’existence, mais nous sommes au XXIe siècle et de nouvelles questions, liées notamment à l’externalisation, justifient une telle réflexion.

S’agissant des plans d’investissements d’avenir – PIA –, la Caisse a mis l’accent sur deux chantiers : la transition énergétique et le numérique. Dans le secteur du tourisme, elle avance lentement mais utilement. À ce propos, il me semble que l’activité de Belambra, qui reste très franco-française, devrait s’étendre notamment à l’Europe, à l’instar de la Compagnie des Alpes, qui a investi à Montréal, Prague ou Sotchi.

Par ailleurs, le domaine de la protection sociale n’a pas été abordé. La Caisse gère actuellement pour le compte de tiers – l’IRCANTEC, la CNRACL – de nombreuses activités. Cependant, le secteur de la prévoyance – je pense à la probable généralisation des complémentaires santé – semble avoir été oublié, alors qu’il représente, notamment en raison des problématiques liées à la dépendance, des possibilités de développement très importantes pour la CNP.

Enfin, je tiens à remercier M. le président de la commission de surveillance et M. le directeur général d’avoir su préserver les actifs de la Compagnie nationale du Rhône.

Mme Véronique Louwagie. Les très petites entreprises, qui paient la crise au prix fort, connaissent un nombre important de défaillances. Comment la Caisse des dépôts les soutient-elle, en particulier dans les territoires, et quelles sont ses orientations en la matière ? Par ailleurs, savez-vous quel pourrait être l’impact du projet de loi relatif aux professions réglementées, dont le Parlement sera prochainement saisi, sur la Caisse des dépôts, dont vous avez rappelé qu’un tiers du bilan était composé des dépôts réalisés par ces professions ?

Mme Karine Berger. La Caisse des dépôts a-t-elle les moyens de lutter contre la déflation qui menace ? Dans quelle proportion son bilan peut-il être multiplié dans les deux prochaines années si nous devons décider en urgence un investissement public de relance ?

M. Guillaume Bachelay. Je veux tout d’abord saluer les rappels du président Emmanuelli et sa proposition de constituer un groupe de travail sur la gouvernance de la Caisse.

Monsieur le directeur général, je souhaiterais vous interroger sur l’une des participations stratégiques de la Caisse, et non des moindres puisqu’il s’agit de sa participation à hauteur de 50 % dans Bpifrance, sa première filiale. Au-delà de vos remarques sur l’animation dans les territoires et les résultats consolidés, je souhaiterais connaître votre analyse précise de l’activité de la BPI et de sa mise en cohérence avec la Caisse. Je pense non seulement au modèle de supervision et de contrôle et à son activité de soutien aux PME, qui est dynamique, mais aussi à ses actions en matière d’investissement, qui était l’activité de l’ex-FSI et de CDC Entreprises.

M. Éric Alauzet. Tout d’abord, quelles répercussions la baisse des dotations aux collectivités locales pourrait-elle avoir sur la Caisse et quelles sont les capacités de réaction de celle-ci ? Ensuite, dans son édition d’aujourd’hui, le quotidien Les Échos fait état d’un engagement de 22 milliards de CDC Climat dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Comment envisagez-vous l’évolution de ce secteur dans les prochaines années ?

M. Romain Colas. Je remercie le président de la commission de surveillance pour ses propositions. Monsieur le directeur général, vous avez évoqué la contribution de la Caisse à la transition énergétique et écologique. Pourriez-vous nous en dire davantage sur l’action qu’elle mène en lien avec le secteur bancaire pour favoriser la réalisation de travaux de rénovation énergétique dans le parc privé ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Certes, depuis deux cents ans, la Caisse des dépôts n’a pas connu d’importantes difficultés. Mais nous ne pouvons occulter l’affaire Dexia et ses conséquences. Où en sommes-nous ?

M. Alain Rodet. Je suis quelque peu surpris des relations entre l’ACPR et la Caisse, la première semblant considérer la seconde comme une banque presque comme les autres. Par ailleurs, quelles sont les relations de la Caisse avec la BEI ? A-t-elle un droit de tirage illimité sur les réserves, très importantes, de la Banque ou n’apporte-t-elle qu’une aide technique pour favoriser l’utilisation des crédits de la BEI dans les régions ?

M. Christophe Castaner. En 2013, la Caisse a enregistré de bons résultats, mais je constate que ceux-ci sont issus pour l’essentiel de plus-values de cessions, ce qui traduit une certaine fragilité. Par ailleurs, l’année dernière, la caisse de retraite de l’Imprimerie nationale a été mise en extinction – il restait un ayant droit. Aujourd’hui, la Caisse des dépôts gère toute une série de caisses de retraite. Est-elle en mesure de moderniser et d’adapter ces dispositifs, voire de favoriser l’apparition d’un système de gestion unique ?

M. Régis Juanico. Des actions sont-elles menées dans le cadre du fonds dédié à l’économie sociale et solidaire, géré par la BPI, dont le montant des crédits s’élève à 500 millions d’euros ? Par ailleurs, il semble que les crédits du PIA 2 aient subi un coup de rabot, le montant des actions consacrées à la jeunesse étant ainsi ramené de 100 millions à 84 millions. Pouvez-vous nous dire quel est le montant de la réduction du PIA ?

M. Christophe Léonard. M. le président de la commission de surveillance a indiqué qu’il voulait être un acteur inspiré d’une réforme de la gouvernance de la Caisse des dépôts, dont je rappelle que l’une des missions historiques est de « susciter la confiance du public et de convaincre l’opinion que l’État peut être un dépositaire digne de foi ». La représentation nationale ne serait-elle pas bien inspirée de lui faire, à l’occasion de son bicentenaire, un cadeau démocratique en proposant une modification de la composition de la commission de surveillance afin d’y faire une place aux salariés ?

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le directeur général, la BPI, que vous présidez, est un opérateur de l’État et doit, à ce titre, se conformer aux règles qui régissent l’immobilier de celui-ci. Le rapporteur spécial du budget en charge de cette mission est donc habilité à interroger le directeur général de la BPI, qui doit lui transmettre les informations demandées, et non le traiter avec mépris. On peut du reste comprendre qu’au départ, la moitié des locaux de la banque aient été vides, compte tenu des postes qui restaient à créer.

En ce qui concerne la politique de la ville et les futures opérations de renouvellement urbain, la première étape a été une grande réussite, mais elle ne le sera véritablement que si cette politique est poursuivie. Or, lorsque des accords de principe sont conclus, les tutelles mettent beaucoup trop de temps à donner leur feu vert.

M. le président de la commission de surveillance. Le mot même de « titrisation » suscite aujourd’hui une certaine méfiance et crée un malentendu qu’il convient de dissiper – nous avons du reste suggéré à M. Dufourcq d’utiliser un autre terme. Il s’agirait, pour la BPI – nous n’en sommes pas encore au stade de la réalisation –, de réunir des crédits homogènes par catégories d’entreprises pour les placer chez les compagnies d’assurances.

Mme Karine Berger. Vous confirmez donc qu’il s’agit bien de titrisation.

M. le président de la commission de surveillance. Oui, dès lors que l’on agglomère des créances en vue de les placer. Mais c’est le contenu qui importe ! Si la CNP, AXA et d’autres grandes compagnies d’assurances disent vouloir compter dans leurs portefeuilles une part de crédits aux entreprises, on essaie de diriger l’épargne vers ces dernières.

M. le directeur général. Chacun a en mémoire des exemples de titrisation mal maîtrisée et de techniques non contrôlées qui ont abouti à des résultats désastreux. On comprend donc que le mot pose problème. Actuellement, la BPI n’a engagé aucune action concrète ; elle analyse la possibilité de créer un dispositif de titrisation au profit des PME, en tenant compte des risques que pourrait présenter un tel dispositif et des garanties à apporter en contrepartie de ces risques. La décision n’est donc pas encore prise ; elle le sera sur le fondement de l’analyse en cours. Chacun est parfaitement conscient que la titrisation a pu être l’une des causes de la crise. Il faut donc étudier le dispositif qui peut être élaboré et savoir s’il peut être appliqué. En tout état de cause, il ne faudrait pas que vous tiriez de nos échanges la conclusion que la BPI est en train de monter un tel projet ; elle en est au stade de la réflexion.

M. le président de la commission de surveillance. La commission de surveillance a créé un comité spécial chargé de la BPI, dont nous avons rencontré les membres à deux reprises afin faire le point sur l’activité de financement et d’investissement de cette filiale. Les objectifs d’investissement s’élèvent pour l’année 2014 à 1,5 milliard. On peut regretter que le réseau ne couvre pas encore l’ensemble du territoire et que la sélection soit parfois un peu trop rigoureuse. S’il n’est pas question de soutenir les fameux canards boiteux, un peu plus de souplesse serait néanmoins souhaitable.

J’en reviens à ce que l’on appelle titrisation. L’objectif est de permettre aux compagnies d’assurances de rentrer dans le circuit de financement des PME mais, à aucun moment, il n’est envisagé – si cela se produit, sous une forme ou sous une autre – que la BPI n’assume pas une partie du risque.

Mme Karine Berger. Monsieur le président Emmanuelli, vous avez invité le Parlement à surveiller davantage la Caisse et la BPI. Je peux vous annoncer, au nom de la rapporteure et du président de la mission d’information sur les normes prudentielles et le financement non bancaire de l’économie, Valérie Rabault et Jérôme Chartier, que nous déposerons des amendements visant à encadrer très fortement les possibilités de titrisation par la Caisse et la BPI.

M. le président de la commission de surveillance. Vous nous annoncez que vous allez amender un texte qui n’existe pas ! Je m’inquiète de ce que je serais tenté d’appeler des réflexes pavloviens...

M. Jérôme Chartier. Pour préciser le propos de Karine Berger, j’ajoute que les conclusions de la mission d’information qu’elle a évoquée seront rendues avant la fin de l’année. Nous ferons plusieurs propositions dont certaines concerneront la titrisation. L’initiative prise par la Caisse des dépôts est très intéressante, et je remercie le directeur général de bien vouloir nous en préciser le calendrier afin que nous puissions, le cas échéant, l’intégrer à nos réflexions.

M. le président de la commission de surveillance. Nous vous tiendrons au courant.

M. Goua a fait allusion aux problèmes que risque de rencontrer dans quelques années le fonds d’épargne. La commission de surveillance a pour fonction essentielle de fixer le montant des émissions obligataires et le modèle prudentiel. Celui du fonds d’épargne est très sévère, bien plus que celui des établissements financiers ou bancaires. Un ratio impose que les ressources du fonds soient supérieures à 135 % des prêts consentis. Actuellement, le ratio est de 150 %. Par conséquent, si les prêts continuent à progresser de 10 % à 12 % par an et que, malgré la hausse des plafonds, la collecte ne s’améliore pas, il n’est pas exclu que nous soyons obligés de procéder à un rapatriement d’ici un à deux ans. Encore une fois, la part du fonds qui n’est pas utilisée en encours de crédits ne « dort » pas ; elle finance l’économie.

Je n’ai pas très bien compris l’allusion de M. Dominique Lefebvre. Pour ma part, je suis favorable à toutes les économies, mais je suis opposé aux prélèvements confiscatoires. Or, je le rappelle, le taux du prélèvement fiscal de l’État s’élève, pour 2013, à 87 % !

M. le directeur général. Je précise que le prélèvement de l’État est constitué de trois éléments : le prélèvement sur le fonds d’épargne, qui porte sur l’excédent de fonds propres au-delà d’un seuil déterminé et qui s’élève à un peu plus de 700 millions d’euros ; la contribution représentative de l’impôt sur les sociétés, pour 200 millions ; enfin, le versement systématique des dividendes, c’est-à-dire les résultats de la section générale, qui s’élève à 400 millions d’euros. Si l’on retranche les prélèvements sur le fonds d’épargne, qui correspondent en quelque sorte au financement de la garantie de l’État, le montant du prélèvement s’élève à 600 ou 700 millions d’euros. Rapporté aux résultats avant impôt, il correspond à un taux de 80 ou 85 % – 87 % l’année passée.

M. le président Gilles Carrez. Ce taux ne comprend donc pas le prélèvement sur le fonds d’épargne.

M. le directeur général. Non. Le prélèvement sur le fonds d’épargne est en quelque sorte automatique, les fonds d’épargne étant délégués sous mandat par l’État à la Caisse des dépôts.

M. le président de la commission de surveillance. Monsieur Terrasse, la CNP est en train de développer, avec un certain talent, des produits dans le domaine la prévoyance, notamment suite à la signature de l’accord national interprofessionnel – ANI. La Caisse n’intervient pas directement dans le secteur de la prévoyance et de l’aide à la personne, car elle n’est pas une compagnie d’assurances en elle-même.

S’agissant des professions réglementées, je pense que l’Assemblée, qui examinera le projet de loi, sera la première informée sur ce sujet. La Caisse est très attachée au dépôt des notaires – c’est son ADN –, mais compte tenu des taux actuels, ce n’est pas une bonne affaire, dans la mesure où ces fonds sont rémunérés à hauteur de 1 %. Il est vrai que leur présence donne de la stabilité au bilan. À ce propos, j’ajoute que, dans tous les pays du monde, quelle que soit la nature des régimes, les dépôts consignés bénéficient d’une garantie de l’État, car l’absence d’une telle garantie a toujours provoqué des catastrophes et facilité la corruption. La Caisse fait ce travail pour le compte de l’État mais, si ce n’était pas elle, ce serait une autre institution publique, car il serait très dangereux de laisser faire le marché dans ce domaine.

Par ailleurs, madame Berger, la Caisse n’a pas, à elle seule, les moyens de contrer la déflation ; elle n’est pas la BCE. Sa capacité d’investissement est constituée du fonds d’épargne auquel s’ajoutent quelques milliards relevant du plan stratégique. On pourrait, à la limite, jouer sur le périmètre, à condition que les plus-values ne soient pas captées à 85 % par l’État. Quoi qu’il en soit, en cas de véritable déflation, la Caisse ne pourrait agir qu’à la marge ; elle ne pourrait pas donner le la.

M. le président Gilles Carrez. Il est arrivé, dans le passé, que la Caisse prête avec une garantie de l’État ; ce fut le cas pour l’opération Euro Disney.

M. le président de la commission de surveillance. M. le directeur général a fait allusion au fait que nous étions parvenus à domicilier à la Caisse des dépôts le siège international de l’International investors roundtable, c’est-à-dire la conférence des investisseurs internationaux.

M. le directeur général. En effet. Il convient de souligner que nous menons, dans le cadre de ce club, des actions de deux types. Les premières consistent à créer avec un certain nombre de fonds d’investissement – nous sommes actuellement en négociation avec ceux du Qatar, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de Singapour et de la Russie – des véhicules communs afin de financer les projets d’entreprises en France. Les secondes consistent à tenter de démontrer que la place de Paris peut être intéressante pour les grands investisseurs, publics ou privés – qu’ils viennent du Québec, de l’Ontario, de Singapour ou de Chine –, et à réaliser, sans créer de véhicules particuliers avec chacun de ces fonds, des montages particuliers qui leur permettent ainsi qu’à la Caisse et à des établissements financiers de participer à des opérations de financement d’entreprises françaises, sous la forme d’apports supplémentaires en fonds propres – c’est l’objectif principal – ou d’apports en fonds propres éventuellement accompagnés de financements de long terme.

600 millions seraient ainsi prêts à être investis dans les entreprises françaises. J’insiste sur le fait que pouvoir mobiliser, dans le cadre de véhicules modernes, nouveaux, des financements internationaux publics et privés en faveur de projets d’intérêt général est un atout majeur au moment où les acteurs publics ne sont plus en mesure, pour les raisons que l’on sait, de mettre sur la table autant d’argent qu’auparavant.

M. le président de la commission de surveillance. Monsieur Bachelay, la direction générale de la BPI convient qu’il lui faut renforcer son réseau. Ainsi nous allons lui demander de multiplier les implantations, car la distance entre le terrain et la banque est encore trop grande. J’ajoute qu’elle devrait également sans doute prendre davantage de risques. Quant aux crédits, son catalogue comprend plus de quinze produits, de sorte que les gens s’y perdent un peu. Nous lui avons donc suggéré de le simplifier. Deux de ces produits fonctionnent très bien ; je pense notamment à un crédit développement à sept ans, assorti d’un différé de deux ans, dont le taux est très bas.

La BPI monte en puissance, mais nous avons commis l’erreur de prévoir que son directeur général serait nommé en Conseil des ministres. Les parlementaires doivent avoir à l’esprit que, contrairement à ce qu’ils pensent, leur contrôle ne s’en trouve pas forcément amélioré. Je n’en dirai pas plus...

S’agissant de Dexia, la Caisse des dépôts a contribué à hauteur d’environ 4 milliards d’euros à son sauvetage. Toutefois, la question de Mme Dalloz portait sans doute davantage sur la SFIL. Celle-ci se porte bien ; elle emprunte à des taux très intéressants et la contribution de la Caisse diminue. La ligne de liquidités qu’elle lui accorde est ainsi passée de 12 milliards à 9 milliards. Sauf improbable catastrophe judiciaire, les choses se passent donc mieux qu’on aurait pu le craindre il y a un an, lorsqu’on ne savait pas ce qu’il en serait de ses émissions obligataires ni de la loi relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public. Sur ce dernier point, je n’ai pas changé d’avis : il ne me paraît pas normal que le contribuable paie pour ceux qui ont mal géré.

M. le président Gilles Carrez. Je suis d’accord !

M. le président de la commission de surveillance. Monsieur Castaner, la Caisse gère en effet de nombreux régimes de retraite, et je crois pouvoir dire qu’elle a acquis une véritable expertise en la matière. Nous avons du reste suggéré à plusieurs reprises à l’État, qui n’a pas relevé le gant, d’assurer la gestion des retraites des fonctionnaires d’État ; elle s’en trouverait améliorée et coûterait environ 30 % moins cher. L’État économiserait ainsi 800 postes de fonctionnaires, qui ne feraient probablement pas de grandes difficultés pour passer du statut de la fonction publique d’État à celui de salarié de la Caisse des dépôts et consignations... À ma grande surprise, il ne semble pas convaincu par notre proposition. En tout état de cause, une rationalisation est nécessaire.

Monsieur Léonard, je ferai, au sein du groupe de travail que nous allons créer, des propositions pour que les salariés soient représentés à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts. Au demeurant, comment le Parlement qui a voté des lois permettant que les salariés soient représentés au sein du conseil d’administration des entreprises pourrait-il refuser qu’ils le soient au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, qui est un établissement public placé sous le contrôle du Parlement ? J’ajoute cependant que ces représentants doivent être représentatifs et savoir que, la Caisse étant une institution financière, tout ne peut pas être mis sur la place publique.

M. François Pupponi. S’agissant de l’intervention de la Caisse des dépôts dans la politique de la ville, je me félicite qu’un fonds de 400 millions d’euros soit destiné aux quartiers prioritaires, mais il faudrait indiquer aux élus locaux la manière dont ils peuvent obtenir des financements auprès de ces fonds. La moitié des crédits du fonds du précédent programme national pour la rénovation urbaine n’avaient pas été dépensés faute de projets, et pour cause : les appels à projets manquaient. Par ailleurs, il faudra sans doute faire des avances aux collectivités locales dans le cadre de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU – mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

M. le directeur général. S’agissant de la déflation, il faut bien comprendre que la Caisse des dépôts – et c’est un élément important dans l’analyse que l’on fait de son rôle – ne peut augmenter la taille de son bilan comme elle le pourrait si elle était une banque centrale. La taille de son bilan est liée au montant de ses fonds propres, lesquels correspondent à l’accumulation stratifiée de ces fonds depuis 1816, soustraction faite du prélèvement de l’État. Elle peut intervenir, comme elle le fait toujours, de manière contracyclique, ni plus ni moins, car la déflation et le maintien durable d’un taux très bas impliqueraient une réduction de ses marges de manœuvre. J’ajoute que l’évolution du taux du livret A doit être appréciée au regard de la baisse générale des taux d’intérêt. Si nous sommes chers par rapport à certains acteurs privés, c’est parce que notre ressource elle-même est chère. La contradiction entre le maintien du niveau de rémunération de l’épargne populaire, d’un côté, et le coût de la ressource nécessaire pour assurer les missions d’intérêt général, de l’autre, est bien connue.

En ce qui concerne les plus-values ou les moins-values latentes ou réelles pour 2013, le résultat récurrent est de 1,3 milliard d’euros et le résultat exceptionnel, que l’on peut ajouter au résultat récurrent, de 787 millions d’euros. Les actifs transférés à la BPI ont, à hauteur de 1,2 milliard, généré des plus-values. Par ailleurs, nous avons procédé, l’an passé, à une dépréciation d’actifs sur La Poste de l’ordre de 300 millions. Ces éléments peuvent être mis à la disposition de la Commission.

M. Goua nous a interrogés sur le fonds viager. L’initiative consistant à mobiliser les investisseurs institutionnels pour tenter de relancer ce segment du marché immobilier est originale. Le dispositif, dont les crédits s’élèvent à 120 millions d’euros dont 20 millions apportés par la Caisse des dépôts, commence à porter ses fruits. Son objectif est de rationaliser ce marché qui n’existe quasiment plus en France. Il offre, avec le soutien de la Caisse, aux couples qui sont à la retraite et disposent de revenus extrêmement faibles tout en étant propriétaires de leur logement, des réponses intéressantes, qu’il s’agisse du maintien des personnes âgées à domicile, de la prise en compte du veuvage ou de l’hébergement en maison de retraite. Il s’agit de sécuriser la situation des personnes âgées. Cependant, comme le dispositif n’en est qu’à ses débuts, je ne peux vous donner d’éléments de réponse en ce qui concerne ses résultats.

S’agissant de la BEI, il n’y a pas de droit de tirage, mais nous nous sommes mis d’accord avec elle sur un double dispositif. Le premier consiste à élaborer, dans la mesure du possible, des instructions conjointes. J’ignore quelle sera la part de la France dans le plan Juncker, qui prévoit 300 milliards d’euros d’investissements dans l’ensemble de l’Union européenne ; cette part peut être calculée au prorata des investissements réalisés ou de la population. Quoi qu’il en soit, depuis de nombreuses années, la France ne sait pas tirer parti de tels financements européens exceptionnels en matière d’investissements, car, si elle a beaucoup d’idées, très peu de projets sont immédiatement disponibles et ceux qui le sont ne sont pas souvent accompagnés d’un projet financier clair. Nous avons donc décidé avec la BEI d’anticiper en étudiant avec les collectivités territoriales les projets qui pourraient être candidats à ces financements. Nous voulons éviter ainsi de nous retrouver dans une situation que l’on connaît bien. Je pense au premier project bond, qui a été monté deux ans après que l’idée a été lancée, même si nos voisins, notamment les Allemands, n’ont pas été beaucoup plus rapides que nous dans ce domaine.

Le second dispositif concerne les agrégateurs de projets. Actuellement, une grande collectivité locale bénéficiant d’une bonne notation peut trouver des financements peu chers sur le marché européen, mais beaucoup de collectivités locales ne parviennent pas, à elles seules, à obtenir ces financements, pour des raisons liées à leur taille et aux montages financiers. En revanche, si elles additionnent leurs projets d’investissement, elles peuvent trouver des subventions et des financements auprès de la Caisse des dépôts, de la BEI et des marchés européens. Ainsi une région qui ne peut monter une opération pour la rénovation de ses lycées aura-t-elle plus de chances d’y parvenir si elle s’associe à une autre région. De même, il est difficile d’assurer la couverture en très haut débit des zones mal desservies dans les meilleures conditions de financement, sauf si l’on agrège, comme c’est le cas d’AXIONE, quinze départements qui travaillent ensemble sur des projets de même nature. On peut ainsi optimiser les financements publics, même lorsqu’ils sont modestes.

En matière de contrôle, je confirme que la Caisse n’est pas soumise aux règles applicables aux banques ; son modèle prudentiel est spécifique. Il est fixé par sa commission de surveillance, qui le soumet pour avis à l’ACPR. Je me permets d’appeler l’attention de la commission sur ce point, car nous devons sans cesse rappeler cette spécificité à l’ACPR et parfois à Bruxelles. La Caisse est du reste difficilement comparable aux caisses des dépôts d’autres pays. Ainsi la KfW allemande s’apparente à une BPI à laquelle s’ajourerait une garantie à l’export davantage qu’à la Caisse.

Sur l’ANRU, je suis entièrement d’accord avec M. Pupponi : c’est à elle d’agir ; nous, nous l’accompagnons. Il faut en finir avec les doubles instructions.

Sur Dexia et le marché des collectivités locales, je rappelle que la Caisse des dépôts a participé au financement de la SFIL à hauteur de plus de 11 milliards, soit 10 % du bilan de la Caisse. Même si celle-ci n’est pas actionnaire, c’est un financement qui n’est pas négligeable.

S’agissant de CDC Climat, la somme de 22 milliards évoquée par M. Alauzet correspond non pas au montant de ses investissements, mais à l’estimation qu’elle a faite – et qui vaut ce qu’elle vaut – du coût en investissements de la transition énergétique et écologique.

Je conclurai en indiquant que j’ai demandé à l’ancien directeur général adjoint de la Caisse des dépôts, M. Dominique Marcel, de mener une réflexion globale sur l’ensemble du secteur touristique. La Caisse détient en effet des participations dans de grands organismes, notamment ceux qui font actuellement l’objet de débats en bourse, et possède des filiales dans ce secteur, en particulier Belambra, VVF ou la Compagnie des Alpes. Il nous faut donc réfléchir à l’évolution de l’outil que peut constituer cette industrie pour la France, en intégrant la dimension numérique, devenue indispensable ; il y va de l’intérêt national.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 22 octobre 2014 à 11 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Yves Censi, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Pierre-Alain Muet, Mme Valérie Rabault, M. Thierry Robert, M. Alain Rodet, M. Pascal Terrasse, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Alain Claeys, M. Jean-Claude Fruteau, M. Yves Jégo, M. Patrick Lebreton, M. Victorin Lurel, M. Pierre Moscovici, Mme Valérie Pécresse, M. Camille de Rocca Serra, M. Michel Vergnier

Assistaient également à la réunion. - M. Christophe Léonard, M. Christophe Premat, M. François Pupponi

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