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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 12 novembre 2014

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 39

Présidence de
M. Dominique Baert,
Vice-président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 (n° 2353)

–  Présences en réunion

La Commission entend M Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 (n° 2353).

M. Dominique Baert, président. Je souhaite la bienvenue aux ministres, que je remercie de se conformer à l’usage, aussi agréable qu’utile, consistant à présenter devant la commission des Finances les projets de loi de finances le jour même où ils ont été adoptés en Conseil des ministres.

Je tiens par ailleurs à excuser le président Gilles Carrez de son absence : frappé par un deuil familial, il ne peut présider la séance de ce matin.

Je vous informe également que la commission des Finances examinera ce texte le mercredi 26 novembre prochain. Il sera discuté en séance publique les 1er, 2, 3 et 5 décembre suivants.

Enfin, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a adopté le 6 novembre son avis relatif à ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2014. Il l’a rendu public ce matin. Il est à votre disposition à l’entrée de la salle.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin d’année procède aux ajustements classiques de fin de gestion, tant sur la dépense de l’État que sur les prévisions de recettes.

S’il s’agit d’un exercice traditionnel, qui permet de prolonger l’action du Gouvernement dans des domaines d’intervention qu’il juge prioritaires, ce texte est également chaque année l’occasion de faire le point sur les prévisions macroéconomiques et budgétaires établies pour l’année en cours – c’est particulièrement le cas aujourd’hui. Je tiens à souligner que, depuis le dépôt du projet de loi de finances pour 2015, notre analyse est confortée dans tous ses aspects.

Le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont adopté des prévisions de croissance de 0,4 % pour la France en 2014. Celle de la Commission européenne est, quant à elle, légèrement inférieure : 0,3 %. Les différentes prévisions confirment également le scénario d’un maintien de l’inflation à des taux extrêmement faibles. Dans ce contexte de très faible croissance et de très faible inflation, le Gouvernement a maintenu dans ce PLFR les prévisions macroéconomiques qu’il avait retenues début septembre : une croissance de 0,4 % et une inflation hors tabac de 0,5 %.

Ces prévisions ont été qualifiées de « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis.

La prévision de déficit public reste, elle aussi, inchangée par rapport à celle que nous avions faite dès le milieu de l’été et qui a servi à préparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2015, à savoir 4,4 % du PIB. Elle est identique à celle de la Commission européenne. À ce moment de l’année, il subsiste naturellement d’importants aléas quant à l’évolution des finances publiques, concernant notamment le cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, la TVA, la dépense locale et celle des opérateurs. Toutefois, compte tenu des informations disponibles, cette estimation de 4,4 % reste la meilleure, même si elle ne constitue, à deux mois de la fin de l’exercice, qu’une prévision encore soumise à des incertitudes, face auxquelles la maîtrise de la dépense publique représente évidemment un point décisif.

Il est aujourd’hui prévu que la croissance de celle-ci, toutes administrations confondues, s’élèvera seulement à 1,4 % en 2014, contre 1,9 % en 2013. La dépense publique progresserait ainsi de 16 milliards d’euros, soit un rythme divisé par deux par rapport à la moyenne constatée entre 2002 et 2012.

Ce chiffre traduit la volonté du Gouvernement de faire respecter ses objectifs de dépense. Le PLFR met d’ailleurs en œuvre tous les moyens nécessaires à cette fin, en procédant aux traditionnels ajustements de fin de gestion, qui permettent de respecter l’autorisation de dépense donnée par le Parlement en début d’année.

Ce texte assure ainsi le respect du plafond de dépense – dépenses de l’État hors charge de la dette et pensions – défini en loi de finances initiale et corrigé à la baisse en loi de finances rectificative au mois de juin dernier. Il sera complété par un décret d’avance qui permettra de faire face aux besoins de crédits les plus urgents et dont la ratification sera proposée au Parlement dans le cadre de l’examen du PLFR. Au total, la dépense de l’État hors charge de la dette et pensions devrait diminuer, en 2014, de 3,2 milliards d’euros par rapport à 2013.

La charge de la dette est en outre revue à la baisse, pour s’établir à 43,3 milliards d’euros. Cette révision et l’anticipation du maintien de bas niveaux de taux pour 2015 nous conduisent à réviser dans le même sens la prévision de la charge de la dette pour l’année prochaine, conformément à l’évolution des anticipations de marché. Une hypothèse prudente, retenant un taux moyen de 1,8 % en 2015, contre 1,2 % à l’heure actuelle et au lieu des 2,2 % prévus dans le PLF 2015, nous autorise à réduire de 400 millions d’euros la prévision de charge de la dette pour 2015.

Au-delà de ces mesures d’ajustement en dépenses, le présent PLFR est également l’occasion de prendre diverses mesures fiscales, comme il est d’usage en fin d’année.

Le Gouvernement entend ainsi procéder aux ajustements nécessaires dans certains domaines d’action prioritaires, en complétant et en amplifiant les mesures déjà décidées dans les précédents textes.

C’est le cas en matière de soutien au pouvoir d’achat des ménages. Dans le prolongement des mesures de diminution d’impôt en faveur des ménages les plus modestes, que vous avez votées en première lecture il y a deux semaines, ce texte marque la première étape d’une réforme globale des aides aux travailleurs modestes. Cette réforme, annoncée par le Président de la République, consistera à remplacer la prime pour l’emploi (PPE) par un dispositif d’aide mieux ciblé et plus incitatif. Le projet de loi supprime, à cet effet, la PPE à compter de 2016. Si cette suppression figure dans le présent texte plutôt que dans le projet de loi de finances pour 2016, c’est afin d’éviter toute rétroactivité fiscale. Le secrétaire d’État chargé du budget aura l’occasion, au cours du débat sur la suppression de la PPE, de présenter les grandes orientations de la réforme à venir.

Le logement est un autre chantier prioritaire en faveur duquel le Gouvernement a pris d’importantes mesures cet été et souhaite poursuivre son action. Comme vous le savez, la panne qu’a subie ce secteur est pour beaucoup dans le déficit de croissance que connaît notre pays. La réactivation du marché de l’immobilier et de la construction est donc une priorité pour relancer le secteur et faciliter l’accès des Français au logement.

C’est dans ce cadre que nous proposons, en particulier, de renforcer les incitations de nature à stimuler l’offre de logement dans les zones tendues, c’est-à-dire celles où il est difficile de se loger et où les prix sont très élevés. Ces mesures fiscales, dont le produit sera affecté aux seules collectivités territoriales, sont très ciblées et visent à favoriser la remise sur le marché de terrains constructibles ou de logements inoccupés dans les zones où le marché immobilier est le plus tendu.

Le principe est simple : la taxe annuelle sur les logements meublés non affectés à l’habitation principale bénéficiera aux seules communes. Si une commune ne souhaite pas l’instituer, il suffira d’un vote du conseil municipal pour qu’elle ne soit pas applicable sur son territoire. L’État n’obligera donc aucune commune à la percevoir : toutefois, si l’une d’elles est confrontée à un problème de tension ou de spéculation sur le marché de l’immobilier, elle pourra appliquer aux résidences secondaires le relèvement exceptionnel de 20 % de la taxe d’habitation. Les personnes placées en établissement de soin de longue durée ou en maison de retraite, ainsi que les personnes contraintes de disposer d’un logement proche de l’endroit où elles exercent leur activité professionnelle, seront évidemment exonérées de cette majoration.

Dans les grandes villes, là où le prix de l’immobilier a flambé, on constate que trop de logements sont sous-utilisés, voire inoccupés, alors même que l’on n’arrive plus à s’y loger à des prix décents. Chacun a naturellement en tête l’exemple de Paris, qui compte autant de résidences secondaires peu ou pas utilisées que de demandeurs de logements sociaux qui ne réussissent pas à trouver une résidence principale dans la capitale, soit 170 000. Aussi convient-il de prévoir, dans de pareils cas, une incitation à orienter les logements existants vers l’usage de résidence principale. Chacun reconnaîtra qu’il s’agit là d’un besoin fondamental pour de nombreux ménages, notamment dans certaines communes comptant parmi les plus importantes.

Un autre domaine d’action où le Gouvernement a entendu prolonger son action est la lutte contre la fraude. Après y avoir consacré des mesures fortes dans les derniers textes budgétaires, il souhaite continuer dans la même direction.

L’enjeu est fondamental pour la vie quotidienne des Français comme pour l’autorité et l’efficacité de la puissance publique, d’autant que les résultats enregistrés en la matière constituent un encouragement supplémentaire à amplifier notre action.

Ce projet de loi nous offre l’occasion d’instaurer des dispositifs plus efficaces pour lutter contre trois procédés particuliers de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : les fraudes sur les marchés de véhicules d’occasion, celles réalisées par le biais de sociétés éphémères et celles relatives aux ventes sur internet. Nous complétons l’arsenal législatif afin que chacun acquitte ses obligations fiscales comme il le doit, mais d’autres mesures seront prises dans un cadre réglementaire – je pense en particulier à une mesure permettant d’assurer un traitement encore plus rapide des dossiers déposés pour régulariser les comptes à l’étranger, objectif dont on peut mesurer la popularité et le succès au nombre des dossiers actuellement déposés et aux millions d’euros qui entrent dans les caisses de l’État.

Enfin, le Gouvernement propose de supprimer la déductibilité de plusieurs contributions, qui vient compenser certains effets induits négatifs de l’activité des sociétés concernées. C’est notamment le cas des contributions des banques au Fonds de résolution bancaire unique, ainsi que de la taxe de risque systémique, dont la déductibilité est remise en cause dans un cadre qui maîtrise par ailleurs la pression fiscale globale sur le secteur.

Votre commission a déjà eu l’occasion de débattre du sujet dans le cadre de l’examen du PLF ; peut-être reprendrez-vous ce débat dans celui du présent PLFR. Il s’agit de traiter les banques françaises de la même manière que le sont les autres banques, notamment les banques allemandes, dont les contributions ne sont pas déductibles, dans le cadre de la montée en puissance, au cours des années à venir, de la contribution au Fonds de résolution bancaire unique, qui accompagne la mise en place de l’Union bancaire. C’est l’une des grandes avancées de ces dernières années vers la sécurisation du dispositif bancaire et la moralisation des modalités de soutien aux banques en difficulté.

Toutes ces mesures sont en outre de nature à améliorer l’équilibre des comptes publics.

Tels sont, dessinés à grands traits, les équilibres macroéconomiques et budgétaires du présent PLFR, dont certains éléments complètent le PLF pour 2015 qui devra être modifié en conséquence.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Après le discours très complet de Michel Sapin, je mettrai l’accent, pour ma part, sur la maîtrise de la dépense de l’État et de la dépense publique en général.

En adoptant la loi de finances rectificative de juillet dernier, vous avez fixé une autorisation de dépense, sur le périmètre de la norme en valeur, en diminution de 3,1 milliards d’euros par rapport à l’exécution de l’année 2013.

C’est cet objectif, révisé à 276,9 milliards d’euros hors charge de la dette et pensions, que le Gouvernement entend respecter – ce qui est très ambitieux et conduit inévitablement à une fin de gestion tendue.

Cet objectif sera toutefois atteint grâce au schéma de fin de gestion que vous propose le Gouvernement dans le cadre de ce PLFR, au décret d’avance qui vous sera envoyé pour avis, mesdames et messieurs les députés, la semaine prochaine, et du suivi très précis de la dépense effective dans l’ensemble des ministères, qui sera mené jusqu’aux derniers jours, voire jusqu’aux dernières heures de l’année.

Nous avons en effet mis en place, dès le début de l’année, les outils nécessaires au respect de la norme : les crédits mis en réserve s’élevaient à 7,5 milliards d’euros en début de gestion. La loi de finances rectificative votée cet été a procédé à des annulations portant principalement sur des « crédits frais », c’est-à-dire disponibles pour engagement et paiement, et 600 millions d’euros de crédits seulement ont été annulés sur la réserve de précaution. Enfin, le montant des dégels décidés pour faire face à des besoins urgents est limité à 700 millions d’euros. Au total, à la fin du mois d’octobre, la réserve encore disponible atteignait 6,2 milliards d’euros.

Or les aléas, en cette fin de gestion, sont encore nombreux concernant certaines dépenses. Après un exercice approfondi et contradictoire avec les ministères, le principe retenu est, naturellement, de couvrir ces aléas, dans la mesure du possible, par redéploiement à l’intérieur de chaque programme budgétaire concerné, puis, en cas d’absolue nécessité, par dégel de la réserve de précaution au cours du mois de novembre. Enfin, après ces deux étapes, il s’est révélé nécessaire de demander l’ouverture de crédits supplémentaires dans un certain nombre de cas, pour un montant total de 2,1 milliards d’euros. II s’agit notamment des refus d’apurements communautaires en matière agricole, pour 352 millions d’euros, des prestations sociales financées par l’État, qui augmentent du fait de la situation économique et sociale et pour lesquelles nous mobilisons les financements nécessaires, soit 556 millions d’euros au total, et des opérations extérieures, dont le coût est supérieur de 615 millions d’euros à la prévision de 450 millions d’euros contenue dans la loi de finances initiale pour 2014. Enfin, nous prévoyons que la masse salariale de deux ministères – l’éducation nationale et la défense - dépassera de 540 millions d’euros le total des crédits ouverts, soit à peine plus de 1 % de ces derniers, qui s’élevaient à 52 milliards d’euros.

Pour assurer le financement de ces dépenses incontournables sans remettre en cause l’équilibre global des dépenses fixé par la LFR de cet été, nous procédons à un ensemble d’annulations de crédits d’un montant total de 1,8 milliard d’euros – sans compter l’économie de 1,6 milliard d’euros réalisée sur les charges de la dette. Le détail de ces annulations vous est présenté dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative.

Nous piloterons en outre finement la dépense effective en fin d’année, en fixant une cible d’exécution pour chaque programme. Cette approche est complémentaire des annulations. En effet, la dépense dépend non seulement du niveau des crédits votés, mais également du niveau des reports de crédits – de 2013 vers 2014 et de 2014 vers 2015 – et des ressources complémentaires, tels les fonds de concours et les attributions de produits.

En application du principe d’auto-assurance, les ministères connaissant des dépassements sont mis prioritairement à contribution pour gager ces surplus de dépenses. Le solde des annulations nécessaires est complété par une solidarité interministérielle.

Par ailleurs, sur le champ de la norme dite « zéro volume », en incluant dette et pensions, nous constatons une nouvelle économie de 1,6 milliard d’euros sur la charge de la dette, en raison notamment de taux d’intérêt historiquement bas – M. Sapin a précisé ce point, je n’y reviens pas.

Les modifications de crédits que le Gouvernement vous propose ainsi que le pilotage serré des dépenses permettront donc de respecter la norme de dépense.

Il reste pourtant des aléas jusqu’à la fin de l’année, en particulier quant au prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne. Comme vous le savez, la Commission européenne a proposé plusieurs budgets rectificatifs portant sur les contributions des États au budget communautaire, ce qui pourrait se traduire par une diminution substantielle de la contribution de la France. Il est toutefois possible que la Commission commence par notifier des corrections au titre des exercices antérieurs, qui viendraient augmenter le prélèvement sur les recettes de l’État pour 2014, les « bonnes nouvelles » n’étant constatées, le cas échéant, qu’en 2015.

Des négociations sur le sujet sont en cours entre les États membres et la Commission. Toutefois, le calendrier et le montant exact de ces corrections étant encore très incertains, le projet de loi n’intègre pas ces effets, que je porte à la connaissance de votre commission dans un souci de transparence. Si ces informations étaient connues dans les semaines qui viennent, le Gouvernement pourrait vous proposer de les intégrer par voie d’amendement au présent projet de loi de finances rectificative.

Ce texte ne modifie donc pas l’objectif de diminution de 3,1 milliards d’euros par rapport à 2013 de la dépense de l’État, qui résultait déjà de la loi de finances rectificative de l’été dernier.

Il ne modifie pas non plus la prévision d’évolution des dépenses de l’ensemble des administrations publiques, limitée à 1,4 % en valeur, inférieure à celle de 2013, qui était de 1,9 %. À titre de comparaison, entre 2002 et 2012, la dépense publique a progressé en moyenne, chaque année, de 35 milliards d’euros. Cette année, le rythme de progression de la dépense sera donc divisé par deux par rapport à ce qu’il était entre 2002 et 2012.

C’est donc un ralentissement marqué de la dépense publique que nous anticipons en 2014 : si nous augmentons certaines dépenses – hausse des minima sociaux, créations de postes dans l’éducation nationale ou la justice –, nous en diminuons d’autres. Une fois l’équilibre global réalisé, le constat est clair : nous pouvons à la fois maîtriser la dépense publique et financer nos priorités.

Au total, la prévision de déficit budgétaire est révisée à 88,2 milliards d’euros, et à 72,9 milliards d’euros hors dépenses exceptionnelles en faveur du nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA) et du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Les recettes fiscales nettes sont en retrait de 6,1 milliards d’euros par rapport à la prévision de juillet, du fait principalement de l’impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée – nous vous avions clairement annoncé ces évolutions dès la présentation du PLF pour 2015.

Le produit de l’impôt sur le revenu est ainsi revu à la baisse de 2,9 milliards d’euros par rapport à la LFR de cet été : nous avons constaté, au moment de la deuxième émission, que les évolutions de certains revenus, en particulier des revenus de capitaux mobiliers et des plus-values mobilières, étaient inférieures à la prévision et nous en avons tiré les conséquences.

Le produit de la TVA est, quant à lui, revu à la baisse de 2,2 milliards d’euros du fait de la dégradation du contexte économique : le rendement de cet impôt souffre en particulier de la faible inflation et du niveau dégradé de la construction immobilière.

Les prévisions de recettes que nous vous proposons nous paraissent prudentes : c’est évidemment en exécution, quand nous reviendrons vous voir dans le courant du mois de janvier, que nous pourrons faire le bilan de l’évolution des recettes en 2014.

Tels sont, rapidement évoqués, les principaux éléments de l’équilibre du budget de l’État pour 2014, tel que révisé par ce PLFR. J’insiste d’autant plus sur les aléas qui demeurent jusqu’à la fin de l’année, qu’on pourrait croire qu’à moins de deux mois de la clôture de l’exercice, il ne demeure plus aucune incertitude. C’est l’inverse qui est vrai : des aléas significatifs subsistent, à la hausse comme à la baisse. Nous actualiserions évidemment ces prévisions au cours du débat si des informations nouvelles nous parvenaient d’ici là.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Messieurs les ministres, à la suite de votre nouvelle lettre à la Commission européenne, vous serait-il possible de nous éclairer sur les points encore en discussion et sur ceux qui sont désormais figés ?

Vous avez annoncé des suppressions de crédits : à quoi correspondent exactement les annulations d’autorisations d’engagement à hauteur de 398 millions d’euros pour la mission Travail et emploi, de 343 millions d’euros pour la mission Recherche et enseignement supérieur et à hauteur de 346 millions d’euros pour la mission Écologie, développement et mobilité durables ?

A contrario, à quoi correspondent les autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes pour la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales à hauteur de 443 millions d’euros, pour la mission Défense à hauteur de 250 millions d’euros, pour la mission Économie à hauteur de 202 millions d’euros, et pour la mission Solidarité, insertion et égalité des chances à hauteur de 185 millions d’euros ?

Lors des Assises de la fiscalité agricole, le ministre de l’Agriculture avait annoncé des dispositions dans le cadre de ce PLFR : or, celui-ci n’en contient pas. Sont-elles reportées à un projet de loi de finances postérieur, ou seront-elles inscrites dans le présent texte par voie d’amendement ?

L’article 15 du PLFR comporte par ailleurs, pour des raisons techniques, la suppression de la PPE. Vous engagez-vous à ce que soit mis en place un nouveau dispositif dès le 1er janvier 2016 ?

Ma dernière question porte sur l’organisation de l’Euro 2016 de football : les exonérations générales prévues ont-elles un précédent dans notre législation nationale ? À quelles mesures recourent les autres pays organisateurs de compétitions internationales de cette nature ? Je pense à l’Allemagne, qui a organisé la Coupe du Monde en 2006, à l’Autriche, qui a organisé l’Euro 2008, ou à la Pologne qui a organisé l’Euro 2012.

M. Dominique Lefebvre. Je vous remercie, messieurs les ministres, de cette présentation claire et détaillée du PLFR.

Les prévisions établies lors de l’examen du premier PLFR pour 2014 au mois de juillet – je pense notamment à l’annonce de la dégradation du déficit public et du moindre rendement des recettes fiscales – sont donc confirmées dans le cadre de ce PLFR comme elles l’avaient déjà été au mois de septembre et lors de la présentation du PLF pour 2015. Si j’ai bien compris, aucune modification substantielle n’est à observer par rapport à la présentation de la situation qui avait été faite au mois d’octobre : la dégradation du déficit de l’État par rapport aux prévisions initiales de 2013, établies à partir de chiffres qui se sont révélés surestimés, résulte essentiellement de la conjoncture et de la moindre croissance des recettes. Compte tenu des annulations votées par l’Assemblée nationale en juillet dernier, la dépense de l’État hors charge de la dette et pensions devrait diminuer, en 2014, par rapport à 2013. Vous avez eu raison de le souligner, monsieur le secrétaire d’État : un tel rythme d’évolution de la dépense publique n’avait encore jamais été atteint.

Avant même que ce texte ne soit adopté en Conseil des ministres et ne nous soit présenté, les ouvertures de crédits, d’un montant total de 2 milliards d’euros, qui concernent essentiellement les opérations extérieures, la masse salariale et les dépenses dites « de guichet », avaient déjà suscité de nombreux commentaires dans les médias. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir rappeler le chiffre des mouvements de fin d’exécution de l’année 2013 car ils avaient été, me semble-t-il, plus importants que ceux de cette fin d’année 2014. Quoi qu’il en soit, le Parlement a eu raison d’adopter, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, la réserve de précaution, les aléas de gestion pouvant toujours conduire à des dépassements.

Je tiens également à saluer trois mesures plus spécifiques que le groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) soutiendra.

La mesure relative à la lutte contre la fraude à la TVA était attendue : nous tenterons de l’améliorer dans le cadre du débat parlementaire. La mesure qui vise à rendre non déductibles diverses taxes sur les entreprises est également la bienvenue, même si elle se traduit par une augmentation de la charge qui pèse sur elles, car il n’appartient pas au contribuable de financer leur coût par le biais de leur déductibilité. Enfin, la suppression de la PPE est avant tout un enjeu de communication : c’est la première étape de la mise en œuvre d’un engagement que le Président de la République a pris à la suite de plusieurs rapports, notamment celui de notre collègue Christophe Sirugue, sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus modestes, et celui du groupe de travail sur la fiscalité des ménages. Ces deux rapports préconisent la fusion du revenu de solidarité active (RSA) et de la PPE, ce qui suppose de mettre fin à celle-ci dès 2015. Je crois savoir que les réflexions sur le nouveau dispositif sont encore en cours : il conviendra, comme l’a souligné notre rapporteure générale, de réaffirmer que les sommes consacrées à la PPE – près de 2 milliards d’euros – seront bien réaffectées en totalité à l’élaboration de la réforme et s’ajouteront aux crédits constatés en 2015 en faveur du RSA.

M. Olivier Carré. Je tiens tout d’abord à rappeler l’augmentation importante – de l’ordre de 10 % – du déficit budgétaire entre la loi de finances initiale 2014 et le présent PLFR. Avec les dépenses sociales, le déficit de 2014 sera plus élevé que celui de 2013. Cette évolution préoccupante a inquiété, à juste titre, les instances européennes.

Si certaines dépenses sont maîtrisées, il n’en est pas de même des dépenses « de guichet », qui continuent d’augmenter : je pense notamment à l’aide médicale de l’État (AME) et à l’hébergement d’urgence. L’évolution de la demande d’asile pèse sur l’augmentation des coûts à hauteur de 10 % des 2 milliards d’euros inscrits dans le PLFR. Je tiens également à mentionner l’augmentation de la masse salariale du ministère de l’Éducation nationale : en quoi a-t-elle été initialement sous-estimée, alors même qu’elle avait déjà bénéficié d’une augmentation des crédits ?

Nous souhaitons par ailleurs, monsieur le ministre, obtenir des explications supplémentaires sur la suppression de la PPE, avant même que le secrétaire d’État chargé du budget ne nous éclaire, comme vous l’avez annoncé, sur le futur mécanisme de substitution. En effet, le Président de la République a annoncé une logique de baisse des impôts à l’horizon de 2016 : les ménages verront-ils leurs impôts effectivement baisser si leurs revenus augmentent dans le cadre de ce mécanisme de substitution ? Nous souhaitons obtenir des éclaircissements sur la soutenabilité de l’impôt.

Le groupe UMP a affirmé, dès qu’il en a eu connaissance, son opposition à la création de la taxe sur les résidences secondaires : il s’agit en effet d’une augmentation des impôts pesant sur les ménages disposant d’une résidence secondaire. Le ministre a déclaré que la taxe serait de droit et que les conseils municipaux des communes concernées qui ne souhaiteraient pas la percevoir devraient s’y opposer par un vote. Or j’avais initialement compris le contraire, à savoir qu’il s’agissait d’un outil mis à la disposition des collectivités qui pouvaient décider de l’utiliser. Qu’en est-il exactement ?

Vous me permettrez par ailleurs d’avoir une appréciation moins optimiste que la vôtre sur l’efficacité de cette mesure pour pallier le manque de logements disponibles dans les zones tendues. Cette taxe représentera surtout une recette de poche pour de nombreuses communes, notamment Paris.

Je ne suis pas opposé au fait de rendre non déductible la taxe de risque systémique acquittée par le secteur bancaire. En revanche, quid de la taxe annuelle sur les bureaux ? L’impact éventuel de sa non-déductibilité sur les décisions d’implantation des sièges des entreprises en Île-de-France a-t-il été mesuré ? Qu’en est-il également des conséquences fiscales du changement de régime des groupes, notamment en matière de crédit impôt recherche ? Je vous pose la question sans aucune arrière-pensée car ces sujets sont complexes.

Enfin, la lutte contre la fraude à la TVA est un sujet de fond, compte tenu de l’évolution considérable de la chaîne de valeur entre la création de la valeur ajoutée et le consommateur. Les échanges entre les différentes nations où se situent les différents groupes posent à ce titre un problème majeur. Revoir le système de la TVA encore plus en profondeur que le prévoit le texte est une question centrale pour les finances publiques.

M. Charles de Courson. Ma première question concerne le déficit structurel : le Haut Conseil des finances publiques rappelle, dans son avis, que l’ajustement structurel serait limité à 0,1 point de PIB en 2014 en fonction des nouvelles hypothèses et règles comptables retenues dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, alors qu’en utilisant les hypothèses et règles comptables antérieures, l’ajustement structurel s’élèverait à 0,5 point de PIB : quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur ce point ?

Les dépenses publiques – État, sécurité sociale, collectivités territoriales – continuent d’augmenter en volume : de 0,9 point, soit plus du double de la croissance, dont le taux a été révisé à 0,4 %. En dépit des efforts réalisés, la part des dépenses publiques continue donc de croître deux fois plus vite que la richesse nationale : qu’en pensez-vous ?

Hors intérêts de la dette, les dépenses augmentent de 0,3 milliard d’euros
– 2,1 milliards d’euros d’ouvertures de crédits supplémentaires contre 1,8 milliard d’euros d’annulations. Pourquoi la masse salariale augmente-t-elle de 540 millions d’euros de plus que prévu ? C’est considérable. Les annulations à hauteur de 177 millions d’euros à la charge du ministère des Finances et des comptes publics et celles de 202 millions d’euros à la charge de celui de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ont-elles pour objectif de faire acquitter par ces deux ministères le dérapage de leur masse salariale ? Quant aux opérations extérieures (OPEX), elles ont coûté 605 millions d’euros de plus que prévu – 450 millions d’euros –, alors même que chacun se doutait qu’elles coûteraient au moins 800 millions d’euros en 2014 : elles dépassent en réalité le milliard. L’annulation de crédits à hauteur de 572 millions d’euros à la charge du budget de la défense a-t-elle également pour objectif de faire acquitter la majeure partie du surcoût des OPEX par le ministère lui-même, ce surcoût nécessitant une ouverture de crédits de 605 millions d’euros ? Je tiens à rappeler que le chef d’état-major, lorsque nous l’avons reçu, a souligné que la défense ne pouvait plus supporter de nouvelles diminutions budgétaires et nous a demandé de ne pas faire supporter à nos armées le surcoût de ces décisions politiques que sont les interventions extérieures, notamment au Mali.

Enfin, pouvez-vous nous confirmer que les apurements communautaires, qui s’élèvent à 352 millions d’euros, recouvrent essentiellement les contentieux relatifs aux aides agricoles et qu’ils ne sont donc acquittés qu’à hauteur de quelque 10 % – 34 millions – par le budget du ministère de l’Agriculture ? Si tel est le cas, je ne vous blâmerai pas, compte tenu du caractère déjà très tendu du budget agricole.

Depuis des années, nous soutenons, par bon sens, toutes les mesures qui visent à lutter contre la fraude et ce, quel que soit le Gouvernement qui les prend. La suppression de la PPE était, quant à elle, préconisée par le groupe de travail sur la fiscalité des ménages. Je rappelle qu’elle coûte 4 milliards d’euros au Trésor public : 1,8 milliard d’euros de moindres recettes d’impôt sur le revenu et 2,2 milliards d’euros de versements proprement dits. Où en sont vos réflexions sur le recyclage de ces 4 milliards d’euros ?

J’avais cru comprendre que le Président de la République se refusait désormais à toute nouvelle augmentation des impôts : or le PLFR accroîtra encore la pression fiscale en majorant de 20 % la taxe d’habitation sur les résidences secondaires dans les zones dites tendues. Pensez-vous un seul instant que cette disposition incitera les propriétaires, contraints d’acquitter une surtaxe de quelque 300 ou 500 euros, à louer, au moins temporairement, le logement concerné ? Avez-vous réalisé une étude d’impact permettant de l’affirmer ?

Je vous félicite d’avoir engagé la suppression de la taxe de risque systémique : la contribution au Fonds de résolution bancaire unique est en effet appelée à s’y substituer progressivement et il aurait été aberrant de la conserver.

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l’état des contentieux fiscaux nationaux et européens ? Le PLFR ne semble, en effet, prévoir aucune provision pour faire face à d’éventuelles condamnations qui pourraient coûter jusqu’à 400 millions, voire 500 millions d’euros au Trésor public.

M. Éric Alauzet. Ce PLFR était rendu nécessaire par la diminution des recettes fiscales, compensée à hauteur de 25 % par la baisse des intérêts de la dette.

S’agissant des ajustements, je suis toujours surpris de retrouver les mêmes lignes budgétaires. La crise économique peut évidemment expliquer l’aggravation de certaines difficultés. Toutefois, je suis étonné du manque de prévision des besoins de financement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Je suis également étonné que, chaque année, le budget de l’écologie soit mis à contribution plus que d’autres budgets : des explications me paraissent nécessaires. Il en est de même du budget de la mission Travail et emploi.

Nous sommes favorables à la taxation des résidences secondaires en zone tendue : toutefois, il conviendra éventuellement de prévoir de nouvelles exonérations après une évaluation plus précise du dispositif. L’expérience nous conduit en effet à faire preuve de prudence entre l’annonce d’une mesure et sa concrétisation.

Les mesures de lutte contre la fraude à la TVA répondant à une attente unanime, nous ne pouvons que nous réjouir de les voir figurer dans le PLFR. Il en est de même de l’accélération du processus de retour des évadés fiscaux. En revanche, le texte ne contient aucune mesure permettant de lutter contre l’optimisation fiscale agressive des multinationales alors même que, je le sais, vous participez de près, monsieur Sapin, à l’avancée du projet BEPS – Base Erosion and Profit Shifting en anglais, c’est-à-dire « érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices » – de l’OCDE. Des engagements seront d’ailleurs pris en ce sens lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement du G20 qui se tiendra à Brisbane les 15 et 16 novembre prochains. Nous devrons nous montrer très actifs en matière de lutte contre l’optimisation fiscale, par voie d’amendements au PLF pour 2015 ou au présent PLFR.

Vous nous invitez, à la suite de l’adoption en commission d’un amendement au PLF pour 2015 sur la question de la non-déductibilité, à revenir sur le sujet dans le cadre de l’examen du PLFR. Les avis convergent. Vous avez fait référence à l’Allemagne : je ne vois aucune objection à la clarification, opérée dans le texte, des dispositions relatives à la taxe de risque systémique.

M. le ministre. Madame la rapporteure générale, je me permets de vous rappeler que la Commission européenne a, en vertu des traités, la possibilité, avant la fin du mois d’octobre, de cibler les projets de plan budgétaire qui lui paraissent manifestement « en dehors des clous » – j’emploie à dessein cette expression familière – et de demander leur révision. Durant cette phase, qui s’est achevée le 29 octobre dernier, la Commission a demandé des explications à une huitaine de pays sur dix-huit – ce qui représente une proportion non négligeable d’entre eux –, dont la France, qui a répondu par une réduction supplémentaire de son déficit à hauteur de 3,6 milliards d’euros, son déficit structurel devant ainsi diminuer de plus de 0,5 point de PIB en 2015 par rapport à 2014. Une telle diminution entre dans le cadre tant des flexibilités prévues que du respect des règles européennes.

La phase dans laquelle nous nous situons désormais est celle, normale, de l’examen de l’ensemble des plans budgétaires par la Commission. Cet examen permet à celle-ci de formuler un avis sur ces plans et de faire des recommandations à chacun des pays – c’est le plus important. C’est dans le cadre de cette phase que nous œuvrons aujourd’hui pour que la Commission prenne en compte dans ses recommandations la situation générale de la zone euro, caractérisée par une trop faible croissance et par une trop faible inflation – la France se situant en la matière dans la moyenne des pays de la zone euro. L’Allemagne elle-même a déjà fait l’objet de recommandations quant à l’utilisation des possibilités que lui offre son contexte budgétaire, plus favorable que le nôtre.

Nous menons actuellement une bataille décisive pour adapter le rythme de la réduction des déficits à la situation de la zone euro. En effet, si la Banque centrale européenne (BCE) a, de son côté, déjà apporté de bonnes réponses aux questions qui se posaient dans le cadre de sa politique monétaire, celle-ci ne saurait répondre en totalité aux questions qui se posent, notamment en matière de politique budgétaire. Outre le débat sur les réformes structurelles, il convient de ne pas oublier celui relatif au plan d’investissement européen, qui peut être la bonne manière de soutenir la demande à court terme tout en conduisant une politique de financement d’infrastructures essentielles à la croissance potentielle de l’Europe. Tous ces débats doivent permettre à la Commission européenne de conduire, dans son dialogue avec chacun des États, une politique adaptée à la situation actuelle. Cette politique est décisive pour éviter à la zone euro d’entrer dans un long tunnel de trop faible croissance et de trop faible inflation, qui serait préjudiciable aux plans économique, social et budgétaire.

Tout a été dit sur la situation budgétaire de la France dès l’été dernier : dans le cadre d’une opération vérité, j’ai confirmé dès le début du mois de septembre et au mois d’octobre mes déclarations de la mi-août. Nous avons annoncé le niveau exact du déficit public français. Ce PLFR ne contient donc aucun chiffre nouveau, et aucune donnée nouvelle ne vient corriger celles qui ont été présentées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015. Vous pouvez affirmer à juste titre que le déficit est plus élevé que prévu dans la loi de finances initiale pour 2014 : le chiffre est le même que celui que j’avais annoncé le 13 août dernier, à la suite des nouvelles prévisions de l’INSEE, dont le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité tirer immédiatement toutes les conséquences. Il convenait, en effet, de construire le budget de 2015 sur les bases les plus proches de la réalité, ou du moins sur les dernières prévisions. Il n’y a donc pas 4 milliards d’euros de déficit supplémentaires, comme j’ai pu le lire ou l’entendre ici ou là : je le répète, vous disposez des mêmes chiffres depuis la mi-août.

Je remercie tous ceux qui, à droite comme à gauche, ont souligné que la dépense publique est globalement tenue. Christian Eckert répondra aux questions précises qui ont été posées sur le sujet.

Par ailleurs – je le répète également –, pour pouvoir procéder à la fusion de la PPE et du RSA en 2016, il convient de décider dès aujourd’hui que la PPE ne s’appliquera plus à compter de 2016. Les revenus de l’année 2014 seront évidemment pris en compte pour les versements effectués en 2015, contrairement à ceux de 2015 qui n’ouvriront pas de droits en 2016. La suppression de la PPE au titre des revenus perçus en 2015 est donc le premier acte obligatoire d’une réforme d’ensemble. Je prends l’engagement devant vous que, lorsque le débat sur cette suppression viendra en séance publique, le Gouvernement sera à même de présenter les grandes lignes du dispositif qui sera mis en place à compter du 1er janvier 2016 et qui reposera sur la fusion de la PPE et du RSA-activité : le Parlement pourra ainsi prendre sa décision en toute connaissance de cause – je rappelle qu’il est déjà éclairé par le rapport de M. Christophe Sirugue sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus modestes et par celui du groupe de travail sur la fiscalité des ménages.

Monsieur Carré, je prends acte de votre soutien à la proposition de rendre non déductibles, d’une part, la taxe de risque systémique, qui est actuellement acquittée par les banques et qui, comme M. de Courson l’a rappelé, est appelée à disparaître progressivement, et, d’autre part, la contribution au Fonds de résolution bancaire unique : cette mesure, conforme à celle qui a déjà été adoptée par les autres pays, est à la fois raisonnable et nécessaire.

Oui, nous avons étudié les conséquences de l’application de la non-déductibilité appliquée à la taxe annuelle sur les bureaux : elle coûtera quelque 100 millions d’euros aux entreprises installées en Île-de-France.

Je vous remercie d’avoir tous convergé sur la question de la lutte contre la fraude à la TVA.

Il conviendra d’harmoniser les dispositions contenues dans le PLF pour 2015 et dans le PLFR, s’agissant notamment de la non-déductibilité des versements au fonds de résolution bancaire unique ou des mesures inscrites dans le PLFR qui visent à lutter contre l’optimisation de la relation « mère-fille », qui est un des outils d’optimisation fiscale les plus utilisés. Je tiens beaucoup à la montée en puissance progressive de cet arsenal.

Si nous avons pu réaliser d’énormes progrès en France dans la lutte contre la fraude fiscale, c’est en raison des progrès équivalents réalisés en la matière dans le monde – je pense notamment à l’échange automatique d’informations, chacun dans son coin ne pouvant pas grand-chose. De même, la lutte contre l’optimisation fiscale ne sera efficace en France que si elle réalise des progrès aux plans européen et mondial. Vous avez fait allusion au sommet de Brisbane des 15 et 16 novembre prochains : l’OCDE a fait quinze propositions, dont sept pourront être adoptées dès cette date par le G20, ce qui permettra à l’ensemble des principaux pays de la planète de lutter ensemble, donc plus efficacement, contre l’optimisation. L’efficacité commande en effet d’articuler la lutte menée au plan national avec celle menée au plan mondial : il y aurait plus d’inconvénients que de bénéfices à se singulariser. Il convient de porter le message et, lorsque c’est possible, de montrer l’exemple, tout en faisant avancer la lutte au niveau mondial pour en finir avec l’optimisation fiscale, particulièrement inconvenante, de ces grandes sociétés qui réalisent des bénéfices considérables sans jamais payer d’impôts. Le problème vient moins, du reste, du fait qu’elles ne paient pas d’impôts en France que du fait qu’elles n’en paient nulle part, l’ensemble de leurs bénéfices étant transférés vers des pays où elles n’exercent aucune activité. Il est nécessaire de lutter ensemble contre ce phénomène.

M. le secrétaire d’État. Je vais m’efforcer de répondre aussi précisément que possible aux questions qui m’ont été posées au sujet de diverses diminutions de crédits.

Pour ce qui est du ministère de l’Agriculture, les 370 millions d’euros de réductions correspondent au refus d’apurement communautaire d’aides agricoles considérées comme ne relevant pas de la politique agricole commune.

En ce qui concerne la défense, il est nécessaire d’ouvrir 605 millions d’euros de crédits pour les OPEX et 170 millions d’euros pour couvrir le dépassement de masse salariale, soit 775 millions d’euros au total. Nous proposons, inversement, d’inscrire 570 millions d’euros d’annulations de crédits, soit un surplus positif de 200 millions d’euros pour la défense – auxquels s’ajoutent les 250 millions d’euros du programme d’investissement d’avenir (PIA). Comme tous les autres ministères, la défense intègre systématiquement la participation des OPEX au dépassement en fin d’exercice budgétaire.

Les 190 millions d’euros intéressant le ministère de l’Économie relèvent intégralement du PIA – en l’occurrence, la recherche sur les nanotechnologies et l’électricité.

Le total des annulations prévues en schéma de fin de gestion 2014 sur la mission Recherche et enseignement supérieur s’élève à 269 millions d’euros hors PIA, l’essentiel de ces annulations correspondant à la mobilisation de la réserve de précaution – environ 230 millions d’euros. Une annulation complémentaire d’environ 30 millions d’euros sera opérée sur les crédits de paiement de l’Agence nationale de la recherche (ANR) au regard du rythme de consommation constaté. Ceci ne remet pas en cause le niveau des engagements de l’agence.

Les annulations portant sur le PIA, qui représentent 340 millions d’euros, s’intègrent dans le schéma d’ensemble du redéploiement du PIA, globalement équilibré. Elles concernent majoritairement le soutien à l’industrie aéronautique dont l’enveloppe est réduite de 200 millions d’euros, mais demeure très importante – un milliard d’euros pour le seul PIA 2. Cette réduction est cohérente avec la révision à la baisse attendue du soutien au programme A350 en l’absence de lancement des versions A350-900R et A350-900RF, comme le prévoit le protocole signé en 2009 entre Airbus et l’État.

Les crédits du ministère du Travail et de l’emploi sont effectivement réduits de 220 millions d’euros en crédits de paiement dans le cadre du collectif. Les engagements pris par le Gouvernement sont néanmoins tenus. Si les crédits du programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi font l’objet d’une annulation de 187 millions d’euros, correspondant essentiellement à une correction sur les exercices antérieurs à hauteur de 150 millions d’euros concernant les modalités de facturation des exonérations apprentissage – résultat de la modernisation des systèmes d’information, qui permet de croiser plusieurs bases de données –, cela reste sans aucune conséquence sur le niveau des moyens réellement consacrés à l’apprentissage, qui ont au contraire été renforcés par le Gouvernement avec la prime introduite en PLF 2015 pour 60 millions d’euros, l’augmentation des recettes affectées aux centres de formation d’apprentis, et la majoration de 30 millions d’euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée aux régions.

Par ailleurs, les crédits du programme Accès et retour à l’emploi bénéficient d’une ouverture de 484 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 20 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits supplémentaires permettent de mettre en œuvre l’ensemble des priorités du Gouvernement, à savoir, d’une part, les contrats aidés – la programmation prévue en loi de finances initiale est revue à la hausse avec 495 000 contrats sur l’exécution 2014, soit 10 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) supplémentaires, 10 000 contrats initiative-emploi (CIE) supplémentaires et 45 000 emplois d’avenir supplémentaires ; d’autre part, le plan « 100 000 formations » : l’État aura apporté au titre de ce plan une contribution de 50 millions d’euros, complétée par des efforts de Pôle emploi et des régions pour un total de plus de 200 millions d’euros.

Vous avez été plusieurs à m’interroger sur le budget de l’écologie. Le total des annulations prévues en schéma de fin de gestion 2014 sur la mission Écologie, développement et mobilité durables s’élève à 106 millions d’euros hors PIA. Ces annulations portent pour les deux tiers sur la réserve de précaution de la mission. Viennent ensuite 30 millions d’euros d’annulations sur les crédits de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) : il s’agit là d’une économie de constatation, effectuée au regard de l’évolution démographique, hélas défavorable, des bénéficiaires. Des efforts complémentaires seront opérés, notamment par des prélèvements sur le fonds de roulement excédentaire de certains opérateurs, sans impact sur leur programme d’activité.

S’y ajoutent les mouvements de crédits prévus dans le cadre du redéploiement du PIA, correspondant à une annulation nette de 146 millions d’euros pour la mission. Cela ne signifie pas que les thématiques prioritaires de la transition énergétique se trouvent remises en cause, bien au contraire. L’enveloppe qui subit la plus forte réduction est celle relative aux véhicules du futur, mais son montant global reste important : plus de 300 millions d’euros restent à engager sur le PIA 1 et le PIA 2.

Mme la rapporteure générale nous a interrogés sur la fiscalité agricole. Il a été décidé de traiter de ce sujet, et en particulier de la réforme du régime forfaitaire visant à la création d’un régime micro-agricole, dans le cadre du projet de loi de simplification en matière fiscale qui sera présenté au premier semestre 2015.

Pour ce qui est de la communication des comptes rendus des Assises de la fiscalité agricole, je vous suggère d’adresser cette demande au ministère de l’Agriculture – si vous le souhaitez, je peux le faire en votre nom. Mon ministère n’a, pour sa part, pas été associé à ces assises qui se sont tenues indépendamment des Assises de la fiscalité des entreprises – auxquelles nous avons pris part. Bien évidemment, la préparation du projet de loi de simplification en matière fiscale sera effectuée en toute transparence avec le Parlement.

J’en viens à la question de l’Union des associations européennes de football (UEFA). Les compétitions visées comportent, dans les dossiers de candidature, des demandes d’engagement à consentir un régime fiscal favorable. Si un pays n’accepte pas de souscrire de tels engagements, il a de facto peu de chances d’être sélectionné pour l’organisation desdites compétitions. C’est dans ce cadre que certains de mes prédécesseurs se sont engagés par écrit en 2010. Cependant, seul le législateur est compétent pour accorder de telles exonérations. Il était donc indispensable, pour que la France puisse tenir la parole qu’elle avait donnée par l’intermédiaire de ses ministres, de formaliser son engagement par un article du PLFR. Afin de ne pas avoir à légiférer à chaque nouvel événement sportif, et de crédibiliser les engagements qui pourraient être pris à l’avenir – je pense à la coupe du monde féminine de football en 2019, par exemple –, il a été choisi de proposer une disposition de portée générale.

Pour ce qui est des comparaisons internationales, sur lesquelles vous m’avez interrogé, la demande d’application d’un régime fiscal favorable est une constante. Il n’y a pas de précédent aussi général en France, même si des exonérations partielles ont déjà été consenties en 1998 pour les primes des joueurs de football. Par ailleurs, en 2012, la question des Jeux olympiques de Londres a fait l’objet d’un débat au Parlement britannique, mais nous ne disposons d’aucune information concernant d’autres compétitions, en particulier sur le traitement retenu par l’Allemagne ou la Pologne.

Michel Sapin a déjà largement répondu aux questions portant sur la prime pour l’emploi. En tout état de cause, il est clair , à la lecture de l’exposé général des motifs du PLFR, que le coût de la PPE n’est pas de 4 milliards d’euros, contrairement à ce qu’affirme M. de Courson – c’était le cas il y a quelques années, mais ce ne l’est plus – mais d’un peu plus de 1,9 milliard d’euros, comprenant à la fois la diminution d’impôt sur le revenu consentie à ceux qui le payent et la restitution à ceux qui n’en payent pas. La PPE n’a été revalorisée par aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans – et que vous avez soutenus, monsieur de Courson. Le Gouvernement propose d’affecter ces presque 2 milliards d’euros au nouveau dispositif a minima. Nous souhaitons que ce dispositif, auquel nous travaillons encore, prenne la forme d’un versement mensuel – ce qui n’est pas le cas de la PPE aujourd’hui –, permette de bénéficier d’ouvertures de droits sur des périodes de trois mois afin d’éviter les corrections, réclamations et restitutions, et soit basé sur un lien plus direct avec les revenus d’activité.

Le travail à accomplir est complexe et, s’il n’a pas encore tout à fait abouti, ce devrait être le cas très prochainement – dans les prochains jours au plus tard. Je rappelle qu’en tout état de cause il n’y a pas d’urgence, puisque le dispositif doit entrer en vigueur au 1er janvier 2016, et que la décision de « débrancher » dès maintenant la PPE ne se justifie que par la volonté d’éviter de prendre ultérieurement des décisions fiscales rétroactives.

Pour ce qui est des résidences secondaires, je vous confirme, monsieur Carré, que le texte prévoit, dans sa rédaction actuelle, que la majoration s’applique à moins que le conseil municipal ne délibère négativement sur ce point – il y a déjà eu des annonces faites en ce sens. J’ai, pour ma part, suffisamment de respect pour les élus locaux pour penser que leur connaissance des questions relatives à la fiscalité locale leur permettra d’être parfaitement informés de cette disposition. Comme vous le voyez, tout dépendra donc de la volonté des communes ; nous aurons l’occasion d’en débattre et chacun aura le droit de déposer des amendements s’il le souhaite – je vous en suggérerai d’ailleurs quelques-uns.

Par ailleurs, la disposition ne concerne que les zones tendues, c’est-à-dire les agglomérations de plus de 50 000 habitants, répertoriées en fonction de dispositions déjà existantes. Il y a une vraie difficulté dans un certain nombre de zones : dans les grandes agglomérations, notamment à Paris, mais pas seulement. Depuis que nous avons relancé cette idée, déjà évoquée depuis plusieurs années, un certain nombre de communes se sont manifestées pour appeler l’attention sur leur situation : ce sont des communes où la proportion élevée de résidences secondaires pose des problèmes aux habitants « autochtones », qui trouvent difficilement à se loger. Il s’agit surtout de certaines zones touristiques – la Corse, la Savoie et la Haute-Savoie, par exemple – ou d’îles, situées notamment en Bretagne – je pense à l’île de Sein, dont le maire m’a fait part des difficultés auxquelles sont confrontées les habitants en raison des loyers élevés et du très faible niveau d’offres de location et de vente. Chacun de nous a vu des reportages où l’on montre des travailleurs saisonniers logés dans des caravanes, et il est certain qu’il y a là un sérieux problème d’équilibre du marché. J’estime qu’un travail sur la question pourrait améliorer les choses, et sans doute le Parlement aura-t-il à cœur de le mener.

M. de Courson nous a interrogés sur les contentieux en cours. Pour ce qui est du contentieux relatif aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières, 500 millions d’euros avaient été versés fin octobre sur les 700 millions d’euros budgétés pour 2014 : nous sommes donc en ligne avec la prévision. En ce qui concerne le contentieux précompte mobilier, le coût est quasiment nul pour 2014, car les dernières affaires doivent être jugées en 2015 et 2016. Cela dit, de nouveaux contentieux surgissent sans arrêt avec l’Union européenne, et nous aurons d’autres occasions d’évoquer ces sujets.

Enfin, pour répondre à M. Lefebvre, les recettes fiscales sont révisées marginalement par rapport à ce que nous avions annoncé au mois d’août.

M. Pascal Cherki. Je me félicite de trois bonnes mesures. La lutte contre la fraude à la TVA, renforcée par l’article 13, vient s’ajouter aux autres mesures déjà prises en ce domaine. Nous devons continuer à avancer, notamment sur la question de la transmission des schémas d’optimisation.

La majoration de la taxe d’habitation n’est pas une question budgétaire à proprement parler, mais relève plutôt d’un problème de déséquilibre entre l’offre et la demande de logement. Un certain nombre de capitales européennes font l’objet d’une véritable spéculation sur les logements : des immeubles entiers sont achetés à des fins spéculatives ou de placement de capitaux par des investisseurs étrangers, ce qui diminue d’autant le nombre de logements mis sur le marché. Sur ce point, les chiffres donnés par Michel Sapin sur le nombre de demandeurs de logement inscrits au fichier de la ville de Paris et le nombre de résidences secondaires vides doivent nous faire réfléchir, et je pense que la mesure prise constitue un premier pas dans la bonne direction.

Enfin, je me félicite que la non-déductibilité des contributions au Fonds de résolution bancaire unique, qui avait déjà fait l’objet d’un débat en commission des finances à la suite du dépôt d’un amendement par nos collègues écologistes, soit adoptée avant la fin de l’année.

En revanche, je trouve extrêmement discutable, pour ne pas dire plus, la disposition prévue à l’article 24, ayant pour objet d’exonérer les organisateurs de compétitions sportives internationales de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu au titre du bénéfice industriel et commercial, de la retenue à la source, de la taxe sur les salaires et de la taxe d’apprentissage. Même en tenant compte des deux critères posés pour ces exonérations – l’organisation d’un championnat équivalent à un championnat européen et le caractère exceptionnel de cette manifestation –, une telle mesure ne peut que nous laisser perplexes à un moment où nos concitoyens se voient demander de gros effort. Alors que l’Europe lutte contre les États à fiscalité attractive, la France se permettrait de mettre en œuvre, au bénéfice des organisateurs de compétitions internationales, un dispositif ayant le même objet. Je me permets de rappeler que la fiscalité actuelle n’a pas empêché la France d’organiser, entre autres, la coupe du monde de football, la coupe du monde de rugby et les championnats du monde d’athlétisme – bref, les plus grandes compétitions internationales, à l’exception des Jeux olympiques.

Je suis tout à fait opposé à ce que l’on prenne une mesure législative à caractère général, ayant pour effet de rendre non obligatoire l’accord du Parlement au cas par cas. Que nous régularisions des engagements pris de façon cavalière par le précédent gouvernement de droite, cela peut se discuter, mais que nous prenions une disposition fiscale générale pour l’avenir, cela me pose problème. J’aimerais que le Gouvernement nous dise au moins s’il serait favorable à un amendement ayant pour objet de limiter les dispositions de l’article aux compétitions considérées.

Mme Karine Berger. Ma première question, à laquelle s’associe notre collègue Pierre-Alain Muet, porte plutôt sur le PLF pour 2015 que sur le PLFR pour 2014. Vous avez révisé d’un demi-point à la baisse la croissance potentielle de la France selon la nouvelle base 2010 : quelle est la position de la Commission européenne sur cette évaluation, et avez-vous été informés par elle de sa nouvelle évaluation de la croissance potentielle de la France - qui n’a, à notre connaissance, pas encore été publiée, voire pas encore été calculée ? Cette question est d’importance, car la correction des déficits structurels nous coûte très cher.

Ma deuxième question porte sur la prime pour l’emploi. Si vous avez apporté des précisions à la réponse de Michel Sapin, monsieur le ministre, nous avons encore beaucoup d’interrogations sur ce point. 2 milliards d’euros de pouvoir d’achat en moins, c’est beaucoup pour des personnes qui reprennent une activité et disposent généralement de ressources très limitées. Quand vous nous dites que les 2 milliards d’euros supprimés dans cette loi de finances rectificative seront remplacés par autre chose, vous comprendrez que nous ayons besoin de savoir de quoi il retourne, et surtout d’être assurés qu’il ne s’agisse pas de mettre à contribution un agent public autre que l’État – je pense à une éventuelle incidence sur le RSA, géré par les départements.

Enfin, ma troisième question porte sur l’annonce que vous avez faite en matière de compétition fiscale agressive. Comme l’a dit Pascal Cherki, l’article 24, ayant pour objet de valider la décision prise en son temps par M. François Baroin, alors ministre du Budget, est de portée générale. Comment peut-on prétendre lutter contre le refus de certaines multinationales de payer l’impôt et, dans le même temps, accepter qu’une structure européenne puisse y échapper ? Pensez-vous qu’il soit envisageable de ne pas rendre générale cette mesure figurant à l’article 24 – alors que le président de la Commission européenne, M. Juncker, vient d’annoncer qu’il souhaite une directive européenne d’échange automatique d’informations sur les entreprises afin de lutter contre les mécanismes d’optimisation fiscale agressive constatés au Luxembourg ?

Mme Valérie Pécresse. J’ai également trois questions à poser à M. le ministre. Premièrement, le PLFR ne modifie pas les hypothèses de croissance pour 2015 : n’est-ce pas quelque peu imprudent, alors que la Commission européenne vient de réviser ses propres prévisions de croissance en les ramenant à 0,7 %, et ne nous manquera-t-il donc pas 3 milliards d’euros au titre des recettes fiscales ?

Deuxièmement, en ce qui concerne les taux d’intérêt, l’essentiel de la baisse des dépenses inscrite dans le PLFR provient d’une diminution de la charge de la dette. Est-il bien raisonnable de tabler sur une baisse de la charge de la dette, alors que la Réserve fédérale des États-Unis a annoncé qu’elle prendrait vraisemblablement dans l’année des mesures de hausse de ses propres taux directeurs ? Peut-on vraiment avoir la certitude que les taux européens vont rester à leur bas niveau, même si le président de la Banque centrale européenne a donné des assurances en ce sens ?

Troisièmement, enfin, en ce qui concerne le « rabot » généralisé sur les ministères, ne touchons-nous pas les limites de cette stratégie que nous avons menée lorsque nous étions au pouvoir, et que vous avez poursuivie ? Les échos qui me parviennent actuellement des ministères de la Justice, de la Défense et des Universités, ainsi que des organismes de recherche, font état de situations où, au mois de novembre, l’État n’est déjà plus en mesure d’honorer ses factures. Baisser artificiellement les dotations des universités et des ministères s’apparente à une espèce de fuite en avant ou de cavalerie. Ne faudrait-il pas prendre acte du fait que nous sommes arrivés au bout d’un système dont il convient désormais de changer en procédant à des réformes structurelles ?

Je me permets de relayer la très grande inquiétude éprouvée par les universités, auxquelles on enlève leur réserve de protection, et qui se trouvent placées dans une situation ingérable. Aujourd’hui, on leur annonce un contrat de plan État-régions (CPER) extrêmement pingre, selon les termes mêmes de l’annonce faite par le Premier ministre au colloque de l’Association des régions de France. M. Valls a tenté de rassurer en promettant la mise en œuvre prochaine du plan « Campus » de Nicolas Sarkozy ; or, si j’ai été heureuse d’entendre le chef du Gouvernement rendre hommage à la majorité précédente, ce plan ne saurait suffire à nourrir la recherche et l’université pour les cinq prochaines années.

Mme Monique Rabin. Je me félicite des efforts de simplification engagés par le Gouvernement, notamment par M. Thierry Mandon, dont on commence à voir les fruits dans ce PLFR. Je n’aurai pour ma part qu’une question, très concrète : comment doit-on comprendre l’augmentation des taxes affectées dont il est fait état dans ce projet ? Plus précisément, si l’augmentation des prélèvements obligatoires vise à remplir nos engagements au sens du traité de Maastricht, comment se fait-il que le PLFR prévoie l’augmentation de trois séries de taxes – portant notamment sur les chambres de commerce et d’industrie –, alors que ces mesures avaient donné lieu à de longs débats dans le cadre du projet de loi de finances initiale ?

Mme Véronique Louwagie. Pour ma part, je m’inquiète de la faiblesse de nos recettes fiscales nettes. Le Gouvernement avait déjà dégradé de 6,1 milliards d’euros sa prévision dans la loi de finances rectificative de juin dernier, à la fois sur l’impôt sur le revenu – pour 3,2 milliards d’euros – et sur l’impôt sur les sociétés – pour 2,9 milliards d’euros. Aujourd’hui, les prévisions se trouvent à nouveau dégradées : ainsi le produit de l’impôt sur le revenu n’est-il censé progresser que de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2013, tandis que celui de l’impôt sur les sociétés se trouve encore révisé à la baisse d’un milliard d’euros dans le PLF. Au total, nous avons donc une baisse de 11,5 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale – venant s’ajouter à celle de 15 milliards d’euros pour 2013. Toutes ces dégradations permettent-elles de valider les hypothèses relatives aux recettes d’impôts sur le revenu et sur les sociétés du projet de loi de finances pour 2015 ?

Par ailleurs, en ce qui concerne la masse salariale de l’État, on relève un dépassement de l’ordre de 500 millions d’euros, dont 300 pour l’éducation nationale. Peut-on avoir quelques précisions à ce sujet ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Je regrette que M. le ministre des Finances soit si peu intéressé par les questions des parlementaires qu’il nous ait quittés sitôt après avoir répondu aux représentants des groupes, et je m’adresserai donc à M. le secrétaire d’État au Budget, que je remercie d’être resté parmi nous, en commençant par formuler deux remarques.

Le Président de la République a annoncé jeudi qu’il n’y aurait plus aucune augmentation de la fiscalité à partir de 2015. Or, ce PLFR de 35 articles comprend l’augmentation de la taxe d’aéroport, de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, des mesures de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale – notamment la TVA –, la création d’une nouvelle taxe de 50 millions d’euros en prévision du remplacement de la taxe de risque systémique – pourtant pas encore supprimée : elle est amenée à décroître progressivement, dans des proportions que l’on ne connaît pas encore –, et la création d’une taxe sur les résidences secondaires. Au final, c’est bien le consommateur qui va payer l’intégralité de ces taxes. Il s’y ajoute la suppression de la prime pour l’emploi, qui bénéficiait surtout aux ménages les plus modestes, dont le pouvoir d’achat va se trouver réduit d’autant.

Comme on le voit, ce PLFR porte encore sur des dépenses de guichet – 155 millions d’euros pour l’aide médicale de l’État (AME) et 59 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence, ce qui fait tout de même 214 millions d’euros pour ces seules deux lignes. Le déficit est révisé à la hausse de 4,3 milliards d’euros, ce que vous expliquez par le contexte macro-économique et l’importance des rentrées fiscales qui font défaut. Pour ma part, j’y vois plutôt les conséquences des multiples augmentations de la fiscalité des ménages et des entreprises. Dans ces conditions, il est heureux que la charge de la dette diminue de 1,6 milliard d’euros.

J’aurai deux questions. Premièrement, l’article 4 prévoit la ratification d’un décret relatif à la rémunération des services rendus par la direction de l’information légale et administrative (DILA). En tant que rapporteure spéciale de la mission Direction de l’action du Gouvernement, j’aimerais savoir en quoi ce décret va impacter l’activité de la DILA. Deuxièmement, l’article 33 relatif à la garantie de l’État des emprunts à l’Unédic pour les émissions de 2015 comporte un plafond de garantie fixé à 6 milliards d’euros. Si le marché de l’emploi ne se retourne pas, pensez-vous sincèrement que cette somme suffira en 2015 pour l’Unédic ?

M. Olivier Faure. Je m’étonne que Marie-Christine Dalloz assimile hausses d’impôts et mesures de lutte contre la fraude fiscale – et un peu moins qu’elle soit contre l’AME, connaissant ses inclinations.

Dans l’une de vos vies antérieures, monsieur le secrétaire d’État – peut-être en avez-vous neuf, comme les chats –, vous avez, avec le président Carrez, saisi l’Autorité de la concurrence au sujet des concessions autoroutières. Dans son rapport, l’Autorité a fait apparaître des taux de rentabilité des sociétés d’autoroutes – pour ne pas dire des taux de rente – non justifiés par le risque de leur activité. Il nous a été dit à plusieurs reprises que les contrats étaient fortement verrouillés et qu’il était difficile de les remettre en cause sans que cela ait des répercussions sur l’usager de l’autoroute.

Une autre information mise en lumière par le rapport est la déduction illimitée des intérêts d’emprunts, un élément choquant ayant donné lieu au dépôt d’un amendement par Eva Sas le 20 octobre dernier ; invité à donner votre avis sur cet amendement, vous aviez déclaré, monsieur le secrétaire d’État, que vous deviez évaluer les conséquences juridiques de la suppression éventuelle de l’avantage indu dont profitent les sociétés d’autoroutes et de la mise en œuvre du rabot utilisé en 2013 pour les autres sociétés privées. Pouvez-vous nous indiquer si vos services vous ont renseigné sur ces conséquences, et nous préciser où en est la négociation avec les sociétés concessionnaires – le Premier ministre s’était engagé à ce que cette négociation soit menée dans un délai d’un mois, c’est-à-dire à ce que qu’elle s’achève maintenant ?

Mme Eva Sas. Je soutiens la demande faite par Olivier Faure au sujet des sociétés d’autoroute – à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, je me rappelle vous avoir entendu dire en séance que s’il fallait dénoncer les contrats, vous le feriez.

Une fois n’est pas coutume, je veux rendre hommage au Gouvernement pour la nouvelle répartition de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). Je rappelle que, d’une part, il ne s’agit pas d’une augmentation, d’autre part, les augmentations de cette taxe, quand elles ont lieu, ont pour objet de permettre aux riverains des aéroports de mieux s’isoler phoniquement. Quand vous protestez contre cette taxe, madame Dalloz, vous devriez vous mettre un instant à la place des personnes qui habitent à proximité des pistes d’Orly.

Mme Marie-Christine Dalloz. On peut tout de même se demander qui paye !

Mme Eva Sas. Il est donc proposé de mettre en œuvre une nouvelle répartition de la TNSA entre la province et Paris – ce que je salue, car cela répond aux besoins des riverains d’Orly et de Roissy.

La lecture de l’article 35 fait apparaître que le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) va voir la prime de son assurance de responsabilité civile passer de 2,4 à 30 millions d’euros, ce qui est significatif en soi – je me félicite que l’on envisage de façon lucide le coût du risque nucléaire – mais a également des répercussions sur les comptes de l’État, même si celui-ci ne fait qu’apporter une garantie à cette assurance.

Par ailleurs, j’aimerais connaître la répartition détaillée de l’augmentation de la masse salariale, s’élevant à 540 millions d’euros pour la défense et l’éducation nationale.

Si j’ai noté que vous augmentiez la part régionale de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour couvrir les dépenses des régions au profit de l’apprentissage, j’ai également cru comprendre qu’il allait falloir, afin de se mettre en conformité avec le droit européen, supprimer cette part régionale de la TICPE avant fin 2015. Pouvez-vous me le confirmer et, le cas échant, m’indiquer si vous avez une idée du moyen par lequel la perte de cette ressource va pouvoir être compensée ?

Enfin, alors que vous avez parlé de 106 millions d’euros d’annulations de crédits du budget de l’écologie, je vois pour ma part qu’un montant de 138 millions d’euros est indiqué à la page 14 de la présentation. En tout état de cause, avec le redéploiement du PIA correspondant à une annulation nette de 146 millions d’euros pour la mission Écologie et les crédits annulés dans le cadre du précédent PLFR, celle-ci me paraît payer un lourd tribut cette année. Même si, selon vous, ce redéploiement ne remet pas en cause la priorité accordée au financement de la transition énergétique, on ne peut que s’interroger sur l’ampleur des annulations de crédits dont l’écologie fait les frais.

M. Régis Juanico. L’article 24 semblant susciter une polémique, il me paraît nécessaire de le replacer dans son contexte. Comme l’a dit M. le ministre, il s’agit de valider une décision prise en 2010 par les autorités ministérielles. Surtout, je voudrais souligner l’intérêt qu’il y a à mettre en place un dispositif pérenne et équitable entre toutes les disciplines sportives, plutôt que d’agir dans l’urgence et l’improvisation. La question que nous devons nous poser est la suivante : voulons-nous, oui ou non, obtenir l’organisation des Jeux olympiques de 2024 ? Il semble que les plus hautes autorités de l’État souhaitent que l’on s’engage sur cette voie, mais encore faut-il agir en conséquence. Pour cela, nous devons organiser le maximum d’événements sportifs internationaux en France avant cette date, afin de montrer notre savoir-faire et nos potentialités. Cela sera le cas avec l’Euro de basket-ball et le championnat du monde d’aviron en 2015, l’Euro 2016, les championnats du monde de canoë-kayak, de hockey sur glace et de handball en 2017, et la Ryder Cup en 2018 – comme vous le voyez, tout ne se résume pas à l’UEFA ni même au football…

Certes, il appartiendra aux parlementaires de s’interroger sur le statut de l’UEFA, basée en Suisse et soumise à un cahier des charges spécifique pour l’organisation des grandes manifestations. De même, le retour sur investissement que la France est en droit d’attendre de l’organisation de grands événements sur son sol me paraît devoir être revu à la hausse. Je voulais demander à M. le secrétaire d’État si nous disposons de simulations et d’évaluations préalables sur le coût pour les finances publiques des différentes manifestations sportives qui pourraient être organisées sur notre territoire d’ici à 2018.

M. Dominique Baert, président. Vous auriez également pu citer la finale de la coupe Davis qui va avoir lieu à Lille dans quelques jours, cher collègue…

M. Yann Galut. Si je suis souvent d’accord avec Régis Juanico, ce n’est pas le cas aujourd’hui, au contraire : je suis effaré par ce que je viens d’entendre au sujet de l’article 24. Au moment où la France est en pointe contre l’optimisation fiscale en Europe et où, dans deux jours, le G20 va discuter de l’optimisation fiscale des grands groupes, on s’apprête à valider un dispositif créant un paradis fiscal au sein même de l’Europe. Cet article 24 me paraît tout à fait inacceptable, et nous commettrions une faute politique en ne revenant pas sur la parole donnée en 2010, qui n’a pas été validée par le Parlement.

Comment pouvons-nous prétendre lutter contre l’évasion fiscale dans le cadre de la mobilisation internationale à laquelle donne lieu cette action, si, dans le même temps, nous ne prenons pas nos responsabilités en refusant une telle disposition ? Nous ne devons pas craindre d’affronter l’UEFA et les multinationales qui, ayant tendance à considérer que les États sont à leur disposition, ont adopté une logique de moins-disant fiscal. Si aucun État ne se révolte contre ce système, nous n’avancerons pas d’un pouce, ce qui ne paraît pas cohérent avec notre volonté commune de lutter contre l’optimisation fiscale. Je présenterai donc des amendements de suppression à l’article 24 et, si nécessaire, voterai contre, car j’y vois un véritable scandale.

Le deuxième point que je souhaite aborder est relatif à l’escroquerie à la TVA. Sur ce point, je salue l’avancée très importante accomplie par le Gouvernement au moyen de plusieurs textes. Aujourd’hui, vous nous proposez trois mesures fondamentales pour lutter contre l’escroquerie à la TVA, mais je considère que ces mesures restent insuffisantes et que nous n’avons sans doute pas pris la mesure de l’ampleur du phénomène. J’ai adressé une note sur ce point à l’ensemble de nos collègues de la commission des finances et, au nom du groupe socialiste, ai effectué en compagnie de Bruno Le Roux plusieurs interventions auprès du Premier ministre et de Bercy.

J’estime en effet essentiel que nous fassions de la lutte contre l’escroquerie à la TVA une priorité, car l’enjeu est de taille : pas moins de 10 milliards d’euros ! Pour cela, nous devons passer du contrôle a posteriori au contrôle a priori. Je sais que vos services y travaillent depuis un an et que ce n’est pas facile, mais nous devons utiliser tous les moyens possibles pour y parvenir, y compris le recours systématique au data mining. L’escroquerie à la TVA n’a rien d’abstrait : tous les jours à Bercy, on signe des chèques de remboursement de TVA de 100 000, 300 000, voire 400 000 euros, et il faut trouver les moyens d’arrêter cela au plus vite. Ce n’est pas une lubie de ma part : les rapports parlementaires s’accumulent depuis des années, et la Cour des comptes s’est penchée sur la question des carrousels de TVA et du détournement de 1,6 milliard d’euros par l’entremise de la société Euronext. Je connais votre volonté politique d’avancer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, mais je crois vraiment qu’il est grand temps de passer à la vitesse supérieure dans ce domaine.

M. le secrétaire d’État. Peut-être ne répondrai-je pas à toutes vos questions dès aujourd’hui, mais en tout état de cause, nous pourrons mettre à profit le débat en séance publique pour compléter les questions et les réponses. Ainsi, je ne suis pas en mesure de répondre aujourd’hui à la question de Karine Berger sur la position de la Commission européenne par rapport à la diminution de la croissance potentielle.

Pour ce qui est de la prime pour l’emploi et du RSA-activité, il n’est pas justifié de dire que 2 milliards d’euros de crédits sont annulés : ces crédits seront bien versés en 2015 sur des droits acquis en 2014 puisque, comme chacun le sait, l’impôt sur le revenu est payé avec un an de décalage, et les crédits d’impôt sont donc également perçus avec un an de décalage – ainsi, en 2015, les populations évoquées par Karine Berger percevront les mêmes montants de PPE qu’en 2014. L’objet de l’article est simplement de dire que l’on n’ouvrira pas de droits pour 2016, date à laquelle un nouveau dispositif viendra se substituer à la PPE – avec un travail conjoint sur le RSA-activité, actuellement payé par l’État, à la différence du RSA-« socle » payé par les départements. Je le répète, ce sont bien le RSA-activité et la PPE qui, en disparaissant, donneront naissance à un nouveau dispositif commun.

Pour ce qui est des dépassements de masse salariale, ils s’élèvent, en ce qui concerne l’enseignement scolaire, à 330 millions d’euros sur une dépense totale de 60,2 milliards d’euros – ce qui représente 0,5 % de l’enveloppe. Pour ce qui est de la mission Défense, les dépassements se décomposent en 150 millions d’euros au titre des OPEX, 180 millions d’euros au titre des trop-versés de solde imputables au logiciel de paye Louvois, et de la nécessité de remplacer ce logiciel – une question donnant régulièrement lieu à de vifs échanges entre Bercy et le ministère de la défense –, et 40 millions d’euros répartis sur d’autres actions.

En ce qui concerne l’UEFA, j’ai dit ce que j’avais à dire et je n’en dirai pas plus. Si vous voulez des études d’impact, vous en trouverez aussi bien dans l’exposé des motifs qu’auprès du ministère des Sports, qui en a fait faire une grande quantité. En les consultant, vous constaterez que l’organisation de grandes compétitions en France se traduit par un afflux de plusieurs millions de personnes dans les hôtels et les restaurants de notre pays. Quant aux amendements ciblés auxquels il a été fait référence, indépendamment du problème constitutionnel qu’ils sont susceptibles de poser, je ne suis évidemment pas en mesure de faire connaître ma position à leur égard tant que je n’en ai pas pris connaissance. Mais je ne me priverai pas de le faire une fois qu’ils auront été déposés…

S’agissant de la lutte contre la fraude à la TVA – et la fraude en général –, il ne s’agit effectivement en aucun cas de taxes supplémentaires, comme l’a dit Olivier Faure : l’idée est de faire payer à chacun les sommes qu’il doit payer – ce qui est susceptible de faire diminuer le montant de l’impôt acquitté par les autres contribuables. Je voudrais également rappeler qu’en la matière, nous ne partons pas de rien. En fin d’année dernière, un rapporteur général que j’ai bien connu avait introduit un amendement obligeant les sociétés faisant l’objet de contrôles fiscaux en France à communiquer à l’administration qui en fait la demande les rulings dont elles sont bénéficiaires : ainsi, ce que propose M. Juncker est déjà possible en France.

Vous avez raison de dire que l’on doit chercher à faire mieux, monsieur Galut. Le data mining est une pratique que nous sommes en train de généraliser à cette fin, et d’autres dispositions, relatives notamment aux entreprises éphémères, sont déjà prises dans ce texte. On peut toujours penser qu’il faudrait aller plus vite, mais une chose est sûre : nous progressons.

Je remercie M. Faure de me comparer à un chat, même si je pense avoir davantage l’allure d’un ours. (Sourires.) Le travail au sujet des sociétés concessionnaires d’autoroutes se poursuit, et je peux difficilement vous en dire plus aujourd’hui. Je ne sais pas tout sur cette question, car trois ou quatre autres ministères que le mien sont associés au travail actuellement effectué sous l’égide du Premier ministre. J’ai lu récemment dans la presse qu’un think tank avait proposé de taxer les maisons-mères des sociétés d’autoroute, tout en soulignant que cette mesure risquait de se heurter à une difficulté juridique, notamment en raison du fait que certaines de ces sociétés mères sont parfois basées à l’étranger : le fait de taxer les sociétés mères françaises, mais pas les étrangères, poserait un problème d’égalité de traitement de sociétés effectuant la même mission.

Nous ne devons pas perdre de vue que la question des sociétés d’autoroute est très complexe sur le plan juridique, constitutionnel et fiscal. Pour le moment, nous cherchons des solutions par la voie de la discussion, consistant en des compensations sous la forme d’engagements à investir, voire en une révision des concessions – ce qui risque d’être plus difficile –, sans exclure, si les choses ne pouvaient progresser de cette manière, d’en venir à dénoncer les concessions actuelles afin de les remettre en adjudication – mais là encore, nous devons garder à l’esprit qu’une telle opération n’est pas sans risques financiers, comme on a pu le voir par le passé.

À Mme Pécresse, qui met en cause nos prévisions de croissance, je rappellerai que ce PLFR de novembre a été construit sur la base de prévisions forcément un peu antérieures : même si nous nous efforçons de réagir aussi promptement que possible aux modifications annoncées par les organismes prévisionnistes, notre travail prend du temps, ce qui explique qu’il puisse se trouver en léger décalage avec les communiqués les plus récents de ces organismes. Au demeurant, le Haut Conseil des finances publiques a jugé « réaliste » la prévision actualisée de croissance de l’économie.

Mme Valérie Pécresse. Cet avis a été émis avant les dernières prévisions.

M. le secrétaire d’État. Non, il a été publié ce matin. Nous assumons donc parfaitement nos prévisions. Pour ce qui est des prévisions de recettes, elles sont en diminution par rapport à la loi de finances initiale et à la loi de finances rectificative adoptée par le Parlement en juillet, mais restent inchangées par rapport aux prévisions faites en août et septembre dernier.

Concernant la DILA, l’article 4 vise à prendre un décret actualisant et validant un autre décret de 2006 relatif à la rémunération des prestations vendues par cette direction – il s’agit de la vente de publications papier ou en ligne, ou de services d’impression ou d’édition. Mes services vous communiqueront dès que possible toutes les informations utiles sur ce point, madame Dalloz.

Enfin, certains, dont Mme Pécresse, ont contesté les hypothèses de taux d’intérêt que nous avons retenues. Ils pourront constater, dans le document de présentation qui vous a été remis, que les hypothèses de charges budgétaires ont été émises sur la base de prévisions particulièrement prudentes – c’est-à-dire à des taux largement supérieurs aux taux connus actuellement.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les éléments de réponse que je suis en mesure de vous communiquer aujourd’hui au sujet de ce projet de loi de finances rectificative.

M. Dominique Baert, président. Nous vous remercions pour la précision des informations que vous nous avez données, monsieur le secrétaire d’État.

Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 12 novembre 2014 à 11 h 45

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Yann Galut, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. David Habib, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Jean Lassalle, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pécresse, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Alain Claeys, M. Marc Francina, M. Jean-Claude Fruteau, M. Joël Giraud, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Thierry Robert, M. Michel Vergnier

Assistaient également à la réunion. - M. Jérôme Lambert, M. Christophe Premat

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