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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 17 juin 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 90

Présidence
de M. Gilles Carrez,
Président

–  Audition de M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor

–  Informations relatives à la Commission

–  Présences en réunion

M. le président Gilles Carrez. Je vous informe que nous avons reçu deux projets de décret portant, l’un, transfert de crédits, l’autre, virement de crédits. Surtout, la semaine dernière, nous avons reçu un projet de décret portant annulation de 618 millions en autorisation d’engagements et de 677 millions en crédits de paiement. Ce décret sur lequel nous n’avons pas eu à nous prononcer, puisqu’il ne s’agit pas d’un décret d’avance, a été publié au Journal officiel le 9 juin. Peut-être la rapporteure générale précisera-t-elle la nature des crédits annulés, dont une bonne partie concerne les investissements.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. À l’occasion de notre prochain débat sur les orientations des finances publiques, qui aura lieu dans quinze jours, je présenterai les crédits annulés et il sera donc répondu aux questions que vous vous posez légitimement.

M. le président Gilles Carrez. Ces crédits relèvent des missions Transports et Écologie et développement durable, et pour une dizaine de millions d’euros, de la mission Travail et emploi. Les crédits annulés à l’éducation nationale portent sur des dépenses de personnel, ce qui appelle, là encore, quelques explications.

Le montant appelé correspond à l’effort de 4 milliards d’euros qui nous est demandé par la Commission européenne après communication du programme de stabilité. En effet, dès lors que l’inflation est inférieure aux prévisions, les économies, calculées en tendance, ne sont pas au rendez-vous.

Cette somme de 4 milliards est d’abord cherchée au niveau de l’État. À 700 millions d’annulation hors intérêts de la dette, s’ajoutera 1,2 milliard au titre des intérêts de la dette. Le taux d’intérêt réel sera inférieur à celui de 2 % prévu dans la loi de finances initiale. Le programme de stabilité communiqué en avril avait déjà réduit le taux pour 2015 à 1,2 %. Quelques centaines de millions seront demandées aux opérateurs. Le reste sera imputé sur les comptes sociaux, sans qu’aucun effort supplémentaire ne soit demandé aux collectivités territoriales.

À la fin de la semaine dernière, j’ai écrit au ministre des Finances pour lui demander de faire le point sur l’exécution de 2015, car les dépenses nouvelles et les baisses d’impôts
– notamment la mise en place du suramortissement – annoncées depuis le début de l’année semblent peu compatibles avec le taux de mise en réserve des crédits, de 8 % pour 2015, ce qui dégage un potentiel d’annulation de 8 à 9 milliards d’euros. En tant que président de la commission des Finances, je souhaite bénéficier d’une information de milieu d’année, de préférence sous la forme d’un collectif.

Par ailleurs, dans un courrier daté du 3 juin, le président de la Cour des comptes nous a apporté, comme il s’y était engagé lors de son audition, des informations complémentaires sur les engagements hors bilan de l’État. Sa lettre, qui est mise à votre disposition, comporte en annexe des éléments que je n’ai pas encore éclaircis. Peut-être faudra-t-il que nous nous penchions prochainement, la rapporteure générale et moi-même, sur le hors-bilan de l’État.

La Commission entend M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le directeur général, nous avions reçu, en février 2014, votre prédécesseur à la tête de l’Agence France Trésor – AFT. Notre Commission tient à maintenir un échange régulier avec l’Agence, compte tenu des fortes implications budgétaires des modalités de notre financement et la gestion de notre stock de dette, qui augmente chaque année.

Entre 2013 et 2014, alors que les frais financiers ont diminué de 1,7 milliard, notre endettement a augmenté de 71 milliards. Une telle situation peut-elle durer ?

M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor. J’aimerais pouvoir vous garantir qu’en 2015 et au cours des années suivantes, le marché des taux suivra la tendance constatée en 2013 et 2014, mais, ne disposant ni d’une boule de cristal ni de la capacité d’influencer les marchés, je me contenterai de gérer la dette de l’État en protégeant au mieux les intérêts du contribuable.

Jeudi dernier, j’ai été informé de votre souhait de m’auditionner sur des questions touchant à l’évolution des marchés financiers, ainsi qu’à la gestion de la dette française. Je réponds volontiers à votre invitation. L’actualité des marchés financiers est riche et intéressante, notamment depuis la mise en place du programme d’achat de titres publics de la Banque centrale européenne – BCE. Elle est également complexe. On peut légitimement céder à l’inquiétude si l’on s’en tient à la lecture des titres de la presse, spécialisée ou non, française ou étrangère, portée au sensationnalisme. On peut aussi s’interroger sur l’impact de la violente hausse des taux que nous connaissons depuis un mois, sur la charge de la dette et sur le bon déroulement du programme d’émission de l’État, dans un contexte de volatilité des marchés.

Je souhaite faire passer un message de confiance que je développerai en trois temps. D’abord, la hausse des taux semble assez saine. Ensuite, les hypothèses retenues tant dans la loi de finances initiale pour 2015 que dans le programme de stabilité présenté à Bruxelles n’ont pas à être révisées. Enfin, le programme d’émission de l’État se déroule sans à-coups : il ne subit aucune perturbation particulière liée aux évolutions des marchés financiers ou à la politique d’assouplissement quantitatif de la BCE.

La hausse des taux intervenue fin avril n’est pas inquiétante. Elle tient en grande partie au programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing – QE) mené par la BCE. Au cours des derniers mois, on distingue trois phases.

Dès le discours prononcé par M. Mario Draghi le 22 août à Jackson Hole, les taux commencent à baisser. À cette date, le taux français à dix ans est de 1,37 %. Il n’est plus que de 0,62 % le 22 janvier, lors de l’annonce officielle du programme. Lors de sa mise en place, le 9 mars, le taux est de 0,61 %. Il baisse de 0,18 % pendant les trois premières semaines et de 0,14 % pendant les trois suivantes, donc de 0,32 % en six semaines. Le 22 avril, il atteint le plancher de 0,33 %. Ce mouvement s’accompagne d’un aplatissement de la courbe des taux avec une baisse de 0,22 % sur la partie de deux à dix ans, et de 0,13 % sur la partie de dix à trente ans.

Il faut interpréter ces mouvements avec prudence. Un consensus se dessine toutefois pour considérer que les opérateurs ont anticipé le programme d’achat. La baisse est plus prononcée sur la partie longue parce qu’ils n’ont pas envisagé que la BCE puisse acheter à l’horizon de trente ans, et qu’ils ont été surpris par les annonces du 22 janvier. Ainsi s’explique que la partie longue de la courbe, traditionnellement moins dense, où le flottant de titres est plus faible, ait été plus performante que la partie moyenne. D’autre part, la BCE s’est interdit d’acheter des titres dont le rendement négatif est inférieur à 20 points de base, ce qui a restreint son univers d’investissement. Or, ces titres concernent plutôt la partie courbe. La BCE ayant promis d’être régulière dans ses achats, les marchés ont anticipé qu’elle se porterait naturellement plus loin sur la courbe au début du programme.

La deuxième phase voit une remontée des taux de 0,89 % en près de huit semaines, soit 0,43 % au cours des six premières, au terme desquelles le taux à dix ans repasse au-dessus du niveau atteint lors du début du programme, et 0,46 % lors des deux suivantes, où il revient à 1,25 %. Le niveau actuel est plus faible que celui de 1,37 %, atteint avant le discours de M. Mario Draghi à Jackson Hole. Pendant cette phase, on assiste à une assez forte repentification de la courbe : on gagne 0,47 % sur le crédit à dix ans et 0,18 % sur le crédit de dix à trente ans.

Depuis deux semaines, il semble que nous soyons entrés dans une troisième phase, qu’on ne peut cependant considérer comme une troisième phase du Public Sector Purchase Programm – PSPP –, car elle est indépendante de la politique monétaire de la BCE. Les écarts de taux ou spreads augmentent : l’écart France-Allemagne, qui était resté stable entre 25 et 33 points de base depuis le début de l’année, s’est élevé jusqu’à 50 points de base, pour revenir ce matin au-dessous de 44.

Il semble que les marchés incorporent l’équivalent d’une prime de risque liée à la possibilité d’une évolution extrême du dossier grec et d’une remise en cause de l’appartenance de la Grèce à la zone euro. Si l’écart France-Allemagne est passé de 30 à 45 points de base, les taux français sont restés stables, aux alentours de 1,25 %, depuis deux semaines. C’est une bonne nouvelle pour la dette française, car les investisseurs aiment disposer de titres peu volatils. On constate moins une dégradation de la situation française qu’une performance de l’Allemagne, qui a bénéficié d’une fuite vers la sécurité. En revanche, les pays périphériques, comme l’Italie et l’Espagne, sont durement touchés, puisque leur écart avec l’Allemagne a plus que doublé.

Reste à savoir si cet écart de taux va se maintenir, voire se creuser. Rien n’est moins sûr. D’une part, on peut espérer un accord sur le dossier grec. D’autre part, la concomitance d’offres en juillet et en août, lorsque l’émission de dette des pays européens est traditionnellement plus faible, et de la poursuite du programme d’achat de la BCE, pour un montant de 60 milliards par mois, peut conduire, en automne, à une compression des écarts et à une baisse des taux.

La hausse des taux intervenue durant les dernières semaines est assez saine. Elle montre que les investisseurs ont écarté le scénario d’une déflation dans la zone euro et valorisent les titres d’État dans le cadre d’un scénario de reprise de la croissance et de l’inflation. On pourrait atteindre l’objectif d’une inflation inférieure à 2 %, que s’est fixée la BCE.

Les marchés ont constaté que les taux étaient trop faibles par rapport aux indicateurs macroéconomiques, au prix du baril du pétrole, aux indicateurs d’inflation ou aux indicateurs de croissance du premier trimestre. La réévaluation des perspectives de croissance en zone euro effectuée par les grandes institutions internationales comme l’OCDE ou le FMI, ou les pays européens a accrédité ce scénario de reprise. Dès lors que la situation des marchés avec des taux très faibles – 0,04 % sur dix ans sur le marché allemand – et ce scénario de reprise sont irréconciliables, il est sain que le marché des taux soit en accord avec les scénarios macroéconomiques.

Les hypothèses concernant la charge de la dette retenues dans la loi de finances initiale comme dans le pacte de stabilité transmis à Bruxelles restent valables et n’ont pas à être révisées à la hausse. Nous continuons à bénéficier de taux très attractifs. Depuis le début de l’année, l’Agence France Trésor a émis sur les marchés à des taux encore plus favorables qu’en 2014, année déjà exceptionnelle. Notre taux à l’émission des obligations assimilables du Trésor français à dix ans a atteint en moyenne 0,77 % au cours des six premiers mois de l’année, contre 1,31 % en 2014. Avant la crise, entre 1998 et 2007, il se montait à 4,15 %.

En loi de finances initiale pour 2015, la charge budgétaire de la dette et de la trésorerie de l’État, correspondant au programme 117, était estimée à 44,3 milliards d’euros, selon un scénario qui estimait le taux français à dix ans à 1,8 % en moyenne pour l’année et à 2 % en fin d’année, et le taux à trois mois à 0 % en moyenne pour l’année et à 0,05 % en fin d’année. Les niveaux sont inférieurs à ce scénario. Dès lors, le risque d’atteindre en 2015 une charge budgétaire supérieure à l’estimation prudente de la loi de finances initiale paraît très faible.

Ni les aléas de l’inflation ni ceux de l’évolution des taux à moyen terme ne joueront sur l’exécution de la charge de la dette pour 2015. L’aléa lié à l’inflation de l’année n’aura pas d’impact sur la charge d’indexation, déterminée par l’évolution de l’indice des prix à la consommation de mai à mai. On sait désormais que ce glissement d’inflation est significativement inférieur à la prévision de la loi de finances initiale, puisqu’il est de 0,3 % au lieu de 0,8 % pour l’inflation française, et de 0,2 % au lieu de 1 % pour l’inflation européenne. L’économie de charges ainsi générée se montera à 1,5 milliard d’euros.

Le second aléa, lié à une remontée rapide des taux longs, ne devrait pas avoir d’impact sur la charge budgétaire de 2015, du fait du mécanisme des coupons courus à l’émission, qui neutralise la charge budgétaire pendant l’année d’émission des titres. Une forte hausse des taux se matérialiserait plutôt l’année suivante. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir sur la charge de 2015.

Pour éviter toute confusion, il faut exprimer la charge budgétaire en comptabilité maastrichtienne. Celle-ci, utilisée dans le programme de stabilité, est une comptabilité d’engagement et non de caisse. En mars, un scénario de taux révisé par rapport à la loi de finances initiale a été présenté aux autorités européennes dans le cadre du programme de stabilité. Il tient compte des évolutions enregistrées en fin d’année et en début d’année, dont nous ne disposions pas quand nous avons présenté le scénario de taux associé à la loi de finances initiale. Le scénario de taux à dix ans qui sous-tend le programme de stabilité prévoit un taux à dix ans de 1,2 % en fin d’année et un taux négatif de 0,05 % pour les titres à trois mois. La révision de ce scénario de taux a généré une économie de charges hors inflation de 1,2 milliard d’euros. C’est sur ce chiffre que le Gouvernement a communiqué dans le cadre du programme de stabilité, par rapport à l’hypothèse technique de la loi de finances initiale en comptabilité maastrichtienne.

L’économie de charges n’est pas remise en cause par l’évolution des taux. L’hypothèse reste valable, en dépit de la volatilité observée sur les marchés, car, pendant la première moitié de l’année, nous avons émis des quantités importantes, conformes à notre plan de marche, à des taux significativement plus faibles que prévus. Les instituts privés ne remettent pas en cause ce scénario. Le Consensus Forecast, très consulté, prévoit un taux de 1,2 % en juin 2016. Nous sommes plus prudents, puisque notre prévision porte sur la fin de l’année.

Par ailleurs, quand bien même nous appliquerions une hausse des taux de 50 points de base d’ici à la fin de l’année, nous serions toujours en mesure de tenir la charge de dette prévue dans le programme de stabilité pour 2015.

Pour 2016, le scénario de taux sera actualisé. Nous intégrerons les conditions de financement constatées de juin à août pour estimer la charge budgétaire dans le projet de loi de finances. Cela dit, nos hypothèses de taux pour les années 2016 à 2018, dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, étaient relativement prudentes, prévoyant une augmentation de 90 points de base pour les taux longs pendant les deux premières années et de 75 points de base ensuite pour les taux à dix ans, ainsi qu’une remontée des taux courts, à l’issue du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE, de 60 points de base par an.

J’en viens au troisième volet de mon exposé. Le programme d’émission de l’État se déroule sereinement, sans à-coups ni perturbation. En 2015, nous avons prévu d’emprunter 187 milliards d’euros sur les marchés de titres à moyen et long termes pour financer un déficit estimé à 174 milliards d’euros en loi de finances initiale, et de rembourser à hauteur de 116,5 milliards des titres venus à maturité. À ce jour, où nous avons émis 116,5 milliards sur 187 milliards d’euros : 62 % du programme d’émission ont été exécutés. Avec l’adjudication de titres à moyen terme qui se tiendra demain, nous nous approcherons d’un taux de 67,5 % ou 68 %. Ce résultat est en ligne avec les temps de passage des dernières années et conforme à notre plan de marche des années précédentes. Nous avons été fidèles aux principes qui guident notre stratégie d’émission : présence régulière sur les marchés à des dates fixes et connues à l’avance, émission de titres à long terme la première semaine de chaque mois, et de titres à moyen terme et d’indexés sur l’inflation la troisième semaine de chaque mois.

Si l’on compare les titres émis pendant les six premiers mois de 2015 et de 2016, on trouve une proportion équivalente de titres à deux ans, à cinq ans et à trente ans et plus, et de titres indexés sur l’inflation, mais une plus grande part de titres à dix ans – 37 % contre 27 % – et de titres de six à sept ans, et une moindre part de titres à quinze ans – 12 % contre 17 % – et à trois et quatre ans. Ces variations reflètent la demande de titres d’État, qui se porte vers différentes maturités.

La maturité moyenne de la dette de moyen et long termes émise fin mai s’élève à 8,7 ans et, si l’on incorpore l’adjudication de titres à long terme début mai, à 8,9 ans, durée atteinte pour l’ensemble de 2014.

Depuis le début de l’année, les adjudications se sont déroulées dans de bonnes conditions. La demande a été en ligne avec les moyennes des dernières années, et le taux de couverture à moyen et long termes s’est établi à un niveau conforme à celui de 150 %, que prévoit l’indicateur du programme 117.

La dette française continue de bénéficier d’une excellente image auprès de nos investisseurs, en termes de liquidité, ce que nous devons à la régularité, à la transparence, et la flexibilité de notre émission. Nous continuons à tirer avantage d’une base d’investisseurs dont la situation géographique et la qualité sont très diversifiées.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie de cette présentation que vous avez voulue rassurante, du moins jusqu’à la fin de l’année 2015.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur le directeur général, j’aurais aimé que vous nous présentiez quelques lignes directrices, ce qui me serait précieux, puisque je siège au comité de surveillance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES. Quel est le taux moyen de refinancement de la dette française, sachant que celui de la CADES se situe à 2,14 % ?

Vous assurez n’avoir pas d’inquiétude sur l’évolution des taux, position que je ne partage pas. En cas d’augmentation de 100 points de base, à quel niveau se situerait le taux moyen de refinancement ? Quelle charge supplémentaire représenterait-il pour l’État ? Pour la CADES, dans une telle situation, le taux de refinancement moyen passerait de 2,14 % à 2,50 %, soit une charge de 400 millions d’euros par an.

Les marchés sont turbulents, compte tenu l’incertitude de la situation grecque. Comment les taux auxquels nous pouvons emprunter vont-ils varier ?

En 2015, la France emprunte 187 milliards d’euros, dont 116 milliards au titre du refinancement. Pour 2016, 2017 et 2018, quel est le montant des refinancements attendus ? Pouvez-vous nous indiquer le montant que la France devra emprunter en 2016 et en 2017 sur les marchés financiers, en distinguant la part de refinancement et celle du déficit tel que prévu par le pacte de stabilité ?

Enfin, la dette française est détenue pour deux tiers par des investisseurs étrangers et pour un tiers par des Français. Or, notre connaissance des investisseurs finaux de notre dette est beaucoup moins fine que celle des Américains. Nos services informatiques sont-ils moins compétents que ceux du Trésor américain, qui publie sur son site une information très précise ? Nous avions déjà alerté votre prédécesseur sur ce point.

M. Alain Rodet. Monsieur le directeur général, vous avez évoqué une corrélation entre le prix du pétrole et le niveau des taux. Cela joue-t-il uniquement sur les taux souverains, par l’action des souscripteurs qui sont également des producteurs pétroliers, ou s’agit-il d’un phénomène général ?

Par ailleurs, vous attendez-vous à ce qu’un nouveau déclic se produise à la fin du mois d’août à la faveur de la réunion des banquiers centraux à Jackson Hole, comme cela avait été le cas l’année dernière à la suite des déclarations faites dans ce cadre par le président de la BCE ?

M. Marc Goua. Le rapport du FMI d’avril dernier est assez alarmiste et pourrait annoncer en filigrane de nouvelles tempêtes sur le front des bourses et des taux. Qu’en pensez-vous ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous nous signalez un taux d’émission actuel de 0,77 %, ce dont chacun peut se réjouir. Quelle est la perspective pour 2016 et 2017, et à partir de quel niveau de taux considérez-vous que nous prenions un risque par rapport aux engagements et inscriptions budgétaires de la France ?

Par ailleurs, avez-vous intégré dans vos simulations les différents scénarios de sortie de crise de la Grèce et, le cas échéant, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les conséquences de ces scénarios sur les émissions françaises ?

M. le président Gilles Carrez. En d’autres termes, ne pourrait-on pas procéder à des stress tests au niveau de l’État, sur le modèle de ceux que l’État impose aux banques ?

M. Christophe Castaner. Vous avez dit que la hausse des taux était fondée sur des indicateurs positifs, à savoir, d’une part, la fin du scénario déflationniste qui obsédait nombre d’observateurs et, d’autre part, une anticipation de la reprise de croissance. Si les établissements bancaires n’ont pratiquement pas répercuté cette hausse pour le moment, on peut craindre qu’ils ne finissent par le faire si elle se confirme ; dans ce cas, l’effet macroéconomique plutôt positif pourrait se doubler d’un effet microéconomique négatif.

Lors de son audition, votre prédécesseur nous avait indiqué que 64 % de la dette d’État était détenue par des non-résidents. Afin de nous permettre d’évaluer la maîtrise de notre dette souveraine, pouvez-vous nous indiquer si la répartition des détenteurs de la dette française a évolué ?

M. Pascal Cherki. Du fait des contacts que vous entretenez avec les acquéreurs de la dette ainsi qu’avec vos homologues européens, vous disposez d’une vision globale du marché européen de l’achat des dettes souveraines. Selon vous, quelles seraient les conséquences d’une absence d’accord entre l’Union européenne et la Grèce ? On lit dans la presse spécialisée que seuls les pays du sud de l’Europe, notamment l’Espagne, le Portugal et l’Italie, pourraient éventuellement se trouver impactés – sans que cela soit certain, tant ils se sont bien redressés – et que la France n’a rien à craindre d’un tel scénario, alors même que l’on assiste actuellement à une hausse de l’écart des taux. Dans l’hypothèse où aucun accord ne serait trouvé avec la Grèce, excluez-vous totalement qu’une onde de choc puisse affecter toute l’Europe ?

M. le président Gilles Carrez. Cette audition étant publique, chacun comprendra que M. le directeur général ne souhaite pas prendre position sur une telle question. Comme vous le savez, l’intervention de M. Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, dans le cadre d’une conférence privée se tenant à Londres il y a quelques semaines, a eu des répercussions très importantes sur le cours de l’euro. Il faut être très prudent en la matière : un battement d’aile de papillon peut avoir des effets que l’on n’imagine pas.

Mme Véronique Louwagie. En matière de répartition des investisseurs, il serait surtout intéressant de connaître l’évolution de cette répartition au fil des années, et les raisons de cette évolution.

M. Jean Lassalle. Monsieur le directeur général, avez-vous le sentiment que les États, en particulier le nôtre, pèsent encore un tant soit peu en matière d’évolution économique, ou qu’ils en sont d’ores et déjà réduits à n’émettre que des supputations ?

M. Alain Fauré. Vous avez dit tout à l’heure que les taux d’intérêt de la France étaient bien tenus et que l’écart avec l’Allemagne restait stable. Selon vous, faut-il y voir l’effet de la politique gouvernementale ou bien l’action d’autres facteurs ?

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. En ce qui concerne le taux moyen de refinancement, l’encours de la dette française porte actuellement intérêt à un niveau de 2,60 % environ sur le stock, hors collectivités locales. Le taux d’émission de 0,77 % que j’ai indiqué correspond au taux moyen d’émission des titres à dix ans, mais je précise que nous émettons sur l’ensemble de la courbe et que le taux d’émission des titres à plus d’un an s’élève actuellement à 0,44 %.

Pour ce qui est de l’impact d’une éventuelle hausse des taux, je vous renvoie à une annexe que nous incluons au bleu budgétaire relatif au programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État, où nous simulons l’impact qu’aurait une hausse des taux de 100 points de base sur la charge en comptabilité maastrichtienne des obligations assimilables du Trésor
– OAT –, des bons du Trésor à intérêts annuels normalisés – BTAN – et des bons du Trésor à taux fixe – BTF) : sur l’ensemble de la courbe d’État, cela se traduirait par une hausse de la charge de 2,4 milliards d’euros à n+1, de 5,3 milliards à n+2, de 7,4 milliards à n+3, de 9,4 milliards à n+4, de 11,1 milliards à n+5 et de 17,9 milliards à n+10.

Mme la rapporteure générale. Si vous appliquez l’augmentation de 100 points de base à toutes les maturités, le taux moyen de 2,60 % de la dette française devrait donc passer à 3,60 % ?

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. Seul le refinancement est concerné : les titres de l’année en cours sont donc exclus.

Mme la rapporteure générale. Dans la mesure où du stock a été emprunté à un prix peu élevé, à combien le taux de 2,60 % devrait-il passer ?

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. Avec un taux de 0,44 %, le taux moyen de l’encours de dette baisse. L’exposition à un choc de taux de 100 points de base nous fait passer à 1,44 %, ce qui montre que le taux moyen de la dette va continuer de diminuer. Je précise qu’il faut ajouter un septième de renouvellement par an, ce qui correspond à la maturité moyenne de la dette. Si vous le souhaitez, je vous communiquerai des chiffres plus précis sur ce point.

M. le président Gilles Carrez. La donnée la plus intéressante est la donnée budgétaire, qui permet d’évaluer la réduction probable des marges de manœuvre – en un processus qui paraît assez lent.

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. Il faut distinguer les situations en fonction de la nature des chocs de taux subis. S’il s’agit d’un choc de taux lié à une réappréciation du risque de crédit portant sur la signature française, l’impact est extrêmement négatif puisqu’il ne s’accompagne pas d’une amélioration des recettes. S’il s’agit en revanche, comme c’est le cas actuellement, d’un choc de taux lié à une réappréciation des scénarios de croissance et d’inflation, on peut estimer que la base fiscale va s’élargir en proportion de la croissance et de l’inflation, et que l’augmentation des charges va donc se trouver compensée par une augmentation des recettes – la balance entre les deux pouvant même aboutir à un résultat positif.

M. Alain Fauré. D’un point de vue budgétaire, nous ne devons pas perdre de vue le gain procuré par la maîtrise de l’inflation : avec une inflation à 0,3 %, nous économisons 1,5 milliard d’euros.

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. Certes, mais j’insiste sur le fait que la hausse des taux pourrait correspondre à deux hypothèses distinctes : d’une part, celle d’un choc de crédit résultant d’une réappréciation du risque souverain, d’autre part, celle d’un choc lié à une réappréciation de la croissance et de l’inflation, où la disparition d’une économie se trouve compensée par une augmentation des recettes fiscales.

Pour ce qui est de la Grèce, certains scénarios nous transportent en terre inconnue, pour reprendre une expression utilisée par M. Michel Sapin. Je ne peux prédire l’évolution des marchés et seule l’observation du passé peut me donner une idée de ce qui pourrait éventuellement se produire dans l’avenir, sans aucune certitude. La première crise de la dette grecque s’est accompagnée d’une fuite vers la qualité et la sécurité, qui a profité aux titres des pays bénéficiant des meilleures notations en termes de crédit et de liquidités – l’Allemagne, mais aussi les Pays-Bas et la France –, ce qui a eu pour conséquence une baisse des taux pour les pays concernés. Comme je l’ai dit tout à l’heure, l’écartement des taux s’était traduit non par une hausse des taux sur les marchés français, mais plutôt par un abaissement plus proportionnel des taux allemands. Il n’est donc pas certain que le fait que la Grèce connaisse un scénario extrême se traduise nécessairement par une hausse des taux sur la dette française.

À ce jour, les échéances 2016 et 2017 s’élèvent toutes deux à 143 milliards d’euros, et l’échéance 2018 à 120 milliards d’euros. Il m’est impossible de vous fournir aujourd’hui une appréciation du montant que nous aurons à refinancer dans les années à venir, trop d’inconnues subsistant dans le tableau de financement de l’État.

Premièrement, nous devons tenir compte de notre propre programme d’émission : d’une part, nous allons émettre l’an prochain des titres à deux ans, qui vont impacter l’année 2018 et donc augmenter l’encours, d’autre part, certains éléments du programme d’émission ne peuvent pas encore être déterminés – je pense notamment aux recettes des cessions d’actifs affectées au désendettement.

Deuxièmement, en fonction de l’état d’avancement de notre programme de financement, il nous arrive de procéder à des opérations s’inscrivant dans une gestion active de la dette, notamment en rachetant par anticipation des maturités tombant lors des années n et n+1. L’année dernière, ces rachats ont permis de diminuer d’environ 31 milliards d’euros le montant de la dette à refinancer, le ramenant de 147 à 116 milliards d’euros.

M. Henri Emmanuelli. Combien ces opérations de rachat par anticipation coûtent-elles ?

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. Le rachat par anticipation se fait aux conditions actuelles de marché.

Troisièmement, enfin, le montant du déficit budgétaire ne peut être déterminé avant que votre assemblée ne l’ait voté : vous avez la main sur cette partie du programme de refinancement.

Pour ce qui est de la connaissance de la base d’investisseurs, je ne dispose pas d’une vision précise de la détention du stock de dette, du moins pas à un niveau de granularité me permettant de savoir quels sont les investisseurs finaux détenant la dette française. Cela vient du fait qu’aucune assemblée générale des porteurs de titres d’État ne se réunit annuellement, le code de commerce n’autorisant les dépositaires centraux teneurs de comptes-conservateurs à communiquer la liste de leurs détenteurs finaux qu’aux seuls émetteurs de titres de capital ou assimilés.

Cela dit, nous nous efforçons d’obtenir des informations sur la détention de nos titres, et disposons pour cela de différentes sources, que nous recoupons pour nous faire une idée générale de la situation. La première de ces sources est un document établi par la Banque de France à partir de statistiques de la balance des paiements, qui nous renseigne sur le montant des titres détenus par les non-résidents. Sur la base de ce document, nous savons que 64,3 % des titres sont actuellement détenus par des non-résidents, cette proportion étant restée extrêmement stable au cours des trois dernières années.

M. Henri Emmanuelli. Peut-on savoir qui sont les non-résidents détenteurs ?

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. Je vais essayer de vous donner quelques éléments de réponse, étant précisé que le document de la Banque de France est la seule donnée à fort degré de fiabilité dont nous disposions. Ce document indique la répartition des détenteurs de titres résidant en France : sur les 35,7 % de détenteurs français, 10 % sont des institutions bancaires, 20 % sont des compagnies d’assurances et le reste – environ 6 % – correspond à d’autres types d’investisseurs gestionnaires d’actifs.

Nous utilisons également une enquête réalisée par le Fonds monétaire international, la Coordinated Portfolio Investment Survey, sur l’origine géographique des détentions de titres souveraines et bancaires. Ce sondage nous indiquant que 50 % de la dette détenue par les non-résidents le sont par des investisseurs situés en dehors de la zone euro, nous en déduisons que 50 % des investisseurs non domestiques sont situés en zone euro. Ainsi, nous savons qu’un tiers de la dette est détenu par des investisseurs domestiques, un tiers par des résidents de la zone euro non français, et un tiers par des investisseurs situés hors de la zone euro. Si l’on admet que la notion de marché domestique peut s’étendre à l’ensemble de la zone euro, on peut considérer que les deux tiers de la dette sont émis au sein de notre marché domestique – en tout cas, dans notre propre monnaie.

Nous disposons également de données d’Eurostat sur la structure des dettes publiques. Dans ce concept plus large n’incluant pas seulement la dette de l’État, mais l’ensemble des dettes publiques, les non-résidents représentent 57 % de la détention totale des dettes publiques – comprenant les dettes sociales et celles des collectivités locales –, ce qui est un chiffre comparable à ceux de l’Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas.

Enfin, nous nous référons également au rapport harmonisé que les émetteurs de dette de la zone euro demandent à leurs spécialistes en valeurs du Trésor – SVT – respectifs. Ce document nous permet de déterminer, par grandes zones et par catégories d’investisseurs, qui a absorbé les émissions de l’année. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une donnée de stock, mais de flux sur l’année écoulée. Ainsi, en 2014, un peu moins de 50 % de la dette émise a été absorbée par des banques centrales et des institutions publiques – notamment des fonds souverains –, 20 % par des gestionnaires de fonds, un peu moins de 20 % par des banques, 8 % par des assureurs, 1 % par des fonds de pension et 1 % par des fonds de gestion alternative de type hedge funds.

Pour ce qui est des zones géographiques, 42 % des acheteurs nets de dette française étaient situés en zone euro, 34 % dans le reste de l’Europe, 21 % en Asie et au Moyen-Orient. L’observation de cet indicateur dans le temps permet de dégager des tendances. Ainsi l’Asie est-elle passée de près de 50 % des achats en 2012 à 21 % aujourd’hui, tandis que la part des pays européens hors zone euro est passée de 7 % à 34 % sur la même période.

Si, à la différence de ce que fait le Trésor américain, nous ne publions pas de données portant sur la répartition géographique des détenteurs, c’est que les données en question ne sont pas auditées et que leur manque de fiabilité nous obligerait à accompagner leur publication d’un trop grand nombre d’hypothèses. Quant aux données américaines, elles sont sujettes à caution : ainsi, sont considérés comme des rachats de dettes attribués au Royaume-Uni des opérations ayant simplement transité par la place financière du Royaume-Uni, sans que l’on puisse remonter jusqu’à l’investisseur final si celui-ci a passé son ordre via une filiale britannique. En fin de compte, je ne pense pas qu’un seul gestionnaire de dette publique soit en mesure de disposer de données extrêmement précises.

Pour ce qui est du rapport entre les taux d’intérêt et le prix du pétrole, s’il n’existe pas une corrélation permanente entre ces deux variables, force est de constater que l’augmentation du prix du baril peut induire une réappréciation du risque d’inflation, donc une augmentation des taux – sans doute est-ce le phénomène auquel nous avons assisté ces derniers mois.

M. le président Gilles Carrez. Pouvez-vous nous indiquer si l’on émet encore des OAT indexées sur l’inflation, et le cas échéant dans quelle proportion ?

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. C’est toujours le cas, et dans une proportion comparable aux années précédentes : nous avons un objectif fixé à 10 % du programme d’émission, sous forme de titres indexés sur l’inflation. L’intérêt de ce type d’émission est qu’en période de ralentissement de la croissance ou de baisse de l’inflation, donc de moindre dynamisme des recettes fiscales, cela nous fait bénéficier d’un effet stabilisateur, voire d’une baisse des dépenses.

Pour ce qui est de la bonne tenue des taux français, deux éléments d’explication peuvent être avancés. Premièrement, les investisseurs ont conscience que les gouvernements successifs ont engagé une politique de réduction du déficit budgétaire, en un processus ininterrompu depuis 2010 : chaque année, indépendamment des scénarios de croissance ou de taux d’inflation, le déficit budgétaire diminue.

M. le président Gilles Carrez. Nous avons tout de même replongé en 2014.

M. Alain Fauré. Mais non, monsieur le président !

M. le président Gilles Carrez. Certes, il est bien commode de sortir arbitrairement certaines dépenses dites exceptionnelles – celles relevant du programme d’investissements d’avenir ou du Mécanisme européen de stabilité, par exemple – mais il faut tout de même emprunter pour les dépenses correspondantes. Or, si vous faites la somme de toutes les dépenses pour lesquelles nous sommes amenés à emprunter, vous vous rendez compte d’une incontestable dégradation du déficit budgétaire en 2014.

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. Je dois préciser que la dette publique dans son ensemble, exprimée en ratio maastrichtien, a diminué sans interruption depuis 2010, ce que les investisseurs apprécient, tout comme les projections que nous avons transmises à Bruxelles, qui montrent une réduction du déficit en dessous de 3 % à l’horizon 2017. Ils nous font donc crédit – dans tous les sens du terme – de nos engagements en matière de réduction du déficit et de mise en œuvre de réformes.

Le second élément tient probablement à notre approche de l’émission de titres sur les marchés. Nous nous efforçons d’être réguliers et transparents, en évitant d’émettre de la dette s’il n’y a pas de demande correspondante. Notre technique consiste à maintenir des contacts très étroits avec nos SVT, afin qu’ils nous indiquent, une semaine avant l’émission, où se trouve la demande – ce qui nous permet d’émettre des titres demandés par les marchés. Nous n’essayons pas d’imposer aux marchés des titres dont ils ne veulent pas, par exemple en nous fixant pour objectif d’augmenter la maturité moyenne de la dette : s’il n’y a pas d’appétence, à un niveau de taux donné, pour des titres à trente ou cinquante ans, il ne faut pas émettre ces titres – en le faisant, nous provoquerions un décalage de la courbe des taux.

Si la courbe des taux se tient, c’est parce qu’elle répond à une demande des investisseurs. Je considère donc que notre approche constitue une contribution à la bonne tenue des niveaux des taux d’intérêt.

M. Alain Fauré. Est-il tenu compte des placements détenus à titre privé par les Français, qui pourraient servir de secours – via une forte augmentation des impôts – en cas de besoin ?

M. le directeur général de l’Agence France Trésor. Notre base d’investisseurs est en grande partie constituée d’investisseurs insensibles au niveau des taux : je pense aux grandes banques centrales disposant d’excédents de réserves à placer et cherchant à diversifier leurs placements afin de ne pas devenir dépendants d’une seule monnaie. Pour ma part, j’appelle systématiquement l’attention des investisseurs sur l’existence d’un « coussin de sécurité » constitué d’une épargne domestique abondante en France. Cette épargne est actuellement moins investie, en proportion, dans les titres d’État, qui ont subi un effet d’éviction – les banques centrales, insensibles au niveau des taux, ayant eu tendance à prendre leur place. Cela dit, à chaque fois que les taux remontent, on voit ressurgir des programmes d’achat – émis notamment par des assureurs français –, qui viennent réduire le rythme d’augmentation des taux. C’est un argument que j’utilise fréquemment pour convaincre les investisseurs.

M. le président Gilles Carrez. En conclusion, je salue la qualité technique de l’équipe de l’Agence France Trésor, grâce à laquelle, chaque année, nos émissions se déroulent dans de bonnes conditions en dépit d’un déficit budgétaire très important. Je vous remercie pour l’excellent travail que vous conduisez, monsieur le directeur général, ainsi que pour votre intervention devant notre Commission.

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Informations relatives à la Commission

1. La Commission a reçu en application de l’article 14 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) un décret d’annulation, portant annulation de crédits de 617,9 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 676,9 millions d’euros en crédits de paiement (CP) sur le budget de l’État, et destiné à mettre en œuvre la part d’économies concernant l’État prévue par le plan d’économies de 4 milliards d’euros sur l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2015, présenté dans le Programme de stabilité d’avril 2015.

Ces mesures permettent la poursuite de la diminution du déficit nominal en 2015 et compensent le moindre rendement de certaines mesures du plan d’économies à 50 milliards d’euros portant sur la période 2015-2017, liées à la révision à la baisse des hypothèses d’inflation (0,9 % au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2015 en septembre 2014, contre 0 % dans les prévisions du gouvernement d’avril 2015). Le Programme de stabilité prévoit en effet que 4 milliards d’euros d’économies complémentaires seront réalisées, au titre de l’exercice 2015, sur l’ensemble des administrations publiques. Ces économies portent à hauteur de 0,7 milliard d’euros sur 1’État, 0,5 milliard d’euros sur ses opérateurs, 1,0 milliard d’euros sur les administrations de sécurité sociale et 1,2 milliard d’euros sur la charge de la dette. Elles sont complétées par 0,6 milliard d’euros de recettes supplémentaires.

Sur l’État, les annulations du présent décret permettront d’atteindre une cible de dépense dans le champ de la norme en valeur (hors charge de la dette et dépenses de pensions) réduite de 666,9 millions d’euros en 2015. Elles permettent également de réduire les dépenses des comptes spéciaux de 10 millions d’euros, au travers d’une annulation sur les dépenses du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

Ces annulations portent essentiellement sur des dépenses modulables, afin de ne pas remettre en cause la soutenabilité des dépenses obligatoires (en particulier les rémunérations et prestations versées par l’État). Dans un souci d’équité, les annulations de crédits concernent l’ensemble des ministères. Elles portent à hauteur de 246,8 millions d’euros sur des autorisations d’engagement et 295,8 millions d’euros sur les crédits de paiement mis en réserve.

Les annulations du présent décret s’ajoutent aux annulations du décret d’avance de 308 millions d’euros du 10 avril 2015, destinées à compenser les ouvertures de crédits rendues indispensables pour financer le renforcement de la sécurité des Français dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme.

Le texte du décret est accompagné d’un rapport de motivation, destiné à être publié au Journal officiel de la République française, en application des dispositions de l’article 56 de la LOLF.

2. La Commission a reçu en application de l’article 12 de la LOLF :

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 2 172 504 euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi de la mission Travail et emploi à destination du programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse de la mission Justice.

Ce mouvement est lié à la rémunération des stagiaires relevant de la protection judiciaire de la jeunesse ;

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 500 000 euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), du programme 214 Soutien de la politique de l’éducation nationale de la mission Enseignement scolaire à destination du programme 129 Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l’action du Gouvernement.

Ce transfert de crédits correspond à la contribution du ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche au financement des travaux de sécurité à entreprendre sur le site de la maison d’éducation de la Légion d’honneur à Saint-Denis ;

– un projet de décret de virement de crédits d’un montant de 4 380 539 euros en autorisations d’engagement (AE) et 4 434 362 euros en crédits de paiement (CP), du programme 219 Sport de la mission Sport, jeunesse et vie associative à destination du programme 163 Jeunesse et vie associative de la mission Sport, jeunesse et vie associative.

Ce décret de virement permet le financement sur le programme 163 des associations de jeunesse et des associations de proximité d’éducation populaire, en application de la décision du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 17 juin 2015 à 9 h 45

Présents. – M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Xavier Bertrand, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Henri Emmanuelli, M. Christian Estrosi, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Razzy Hammadi, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Michel Vergnier, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Excusés. – M. Dominique Baert, M. Étienne Blanc, M. Olivier Carré, M. Yves Censi, M. Gaby Charroux, M. François Cornut-Gentille, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Dumont, M. Jean-Claude Fruteau, M. Yann Galut, M. Jean-Pierre Gorges, M. David Habib, M. Patrick Lebreton, M. Victorin Lurel, M. Pierre-Alain Muet, Mme Monique Rabin, M. Thierry Robert

Assistait également à la réunion. – M. Éric Straumann

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