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La Commission entend MM. Philippe Debrosse, directeur des soutiens et des finances, direction générale de la Gendarmerie nationale, Sébastien Daziano, sous-directeur des finances et du pilotage, direction des ressources et des compétences de la Police nationale, Emmanuel Dupuis, conseiller budgétaire du directeur général de la Police nationale, et Vincent Moreau, sous-directeur chargé, à la direction du budget, de la cinquième sous-direction relative aux mission de défense et de sécurité et des relations avec les collectivités locales.
M. le président Gilles Carrez. Le rôle de la commission des finances n’est pas seulement de voter des prévisions annuelles de dépenses et de recettes, mais d’examiner, programme par programme, si les crédits mis en place ont été respectés – chacun sait à quel point la régulation infra-annuelle devient un exercice contraignant – et d’apprécier la qualité d’exécution, au sens de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – de 2001.
Lorsque nous nous inquiétons des annulations ou des transferts de crédits, on nous répond souvent qu’ils ont été décidés à Bercy. Il nous a donc paru utile de recevoir conjointement des représentants de la Gendarmerie et de la Police nationales ainsi que de la direction du budget afin de disposer d’une vue aussi objective que possible des conditions d’exécution de la loi de finances pour 2014.
M. Philippe Debrosse, directeur des soutiens et des finances de la direction générale de la Gendarmerie nationale. À l’heure où la Cour des comptes vient de publier la note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission Sécurités pour 2014, je vous remercie de m’offrir l’occasion de vous présenter le bilan de cet exercice budgétaire pour la Gendarmerie nationale.
Je vais revenir brièvement sur quelques propos que le général Favier a tenus lors de la préparation de la loi de finances pour 2014. En ce qui concerne les effectifs, le général Favier a indiqué qu’un certain nombre de brigades souffraient d’un sous-effectif chronique inhérent au manque de crédits pour rattraper le plafond d’emplois. S’agissant du fonctionnement et des investissements, il a appelé l’attention sur la différence qui existait ponctuellement entre le vote de la loi de finances et la réalisation effective des crédits, compte tenu des mesures d’annulation qui pouvaient intervenir en cours d’exercice. Il a également insisté sur sa volonté de préserver au maximum les dépenses de fonctionnement courant des unités de gendarmerie, ce qui l’avait conduit à sacrifier une partie des crédits destinés aux investissements, sachant que ces crédits pouvaient concerner des véhicules et des ordinateurs, qui sont aujourd’hui les outils de base du gendarme.
Des innovations ont été mises en place au sein du ministère, comme le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure – SAELSI –, qui est un service d’achat commun à la police, à la gendarmerie et à la sécurité civile. Les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur – SGAMI – ont été mis en place au printemps 2014.
Quel bilan peut-on faire de l’exécution de la gestion 2014 ?
S’agissant du titre 2, la gendarmerie a respecté le schéma d’emplois, voté par le Parlement à l’automne 2013. La création de 162 nouveaux postes a été effective, bien que cela n’apparaisse pas directement à la lecture des documents budgétaires, compte tenu des transferts d’équivalents temps plein – ETP –, en particulier dans le cadre des mutualisations qui ont conduit à des échanges croisés entre programmes du ministère de l’Intérieur ou avec l’administration pénitentiaire, notamment, pour la reprise des transfèrements judiciaires dans certaines régions, qui viennent donc en atténuation des effectifs réalisés pour la gendarmerie.
Le budget initial du titre 2 s’élevait à 6,816 milliards d’euros, dont 34 millions ont été mis en réserve. À cela s’ajoutent 76 millions de crédits divers qui proviennent essentiellement d’attributions de produits, puisque certaines prestations, notamment au profit de la Banque de France ou des centrales nucléaires, font l’objet de remboursements vers le programme 152.
L’objectif initial consistait à consommer l’intégralité des crédits de masse salariale, mais des retards dans la mise en œuvre de certaines mesures catégorielles ont conduit, en fin d’exercice, à une annulation de 17 millions de crédits, dont 15 au titre du compte d’affectation spéciale – CAS – Pensions. Au total, sur un budget de 6,8 milliards, nous avons été relativement précis en fin de gestion, compte tenu des les aléas qui peuvent intervenir en cours d’année.
La gendarmerie a toujours respecté son plafond de masse salariale en loi de finances initiale.
Le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées – PAGRE –, qui est le pendant du protocole d’accord sur la réforme des corps et carrières de la police, n’a pas eu un impact budgétaire très significatif. La forte hausse des dépenses de personnels provient principalement de la hausse des cotisations au CAS Pensions : entre 2006 et 2014, le taux de cotisation des militaires est passé de 100 % à 126 %. Par comparaison, le taux de cotisation des personnels civils est de 75 %. Cet écart pourrait donner l’impression qu’un gendarme coûte plus cher qu’un personnel civil. Or, l’évolution du coût moyen par ETP du programme hors CAS Pensions entre 2006 et 2014 s’est établie à seulement 10,2 %. Pendant cette période, l’inflation était de 11,4 %. Hors inflation, le pouvoir d’achat des personnels militaires est donc resté à peu près stable. Compte tenu de l’inflation, il ne coûte pas plus cher aujourd’hui qu’en 2006.
Le « trou à l’emploi » qui résulte du décalage entre le niveau du plafond d’emplois et les ressources budgétaires correspond à un sous-effectif d’environ 2 000 ETP. Une partie des réservistes que nous utilisons permet d’en pallier les conséquences. Toutefois, l’année 2015 a connu une augmentation significative des effectifs dans le cadre du plan de lutte antiterroriste. Et il faut avoir à l’esprit que, depuis 2012, 516 emplois ont été créés dans la gendarmerie.
Enfin, la Cour des comptes évoque un effet d’éviction des dépenses hors titre 2 au profit du titre 2 de la gendarmerie. Je ne partage pas tout à fait cette analyse, notamment parce que, en construction budgétaire, les dépenses de titre 2 sont examinées séparément des dépenses de titre 3 (fonctionnement) et de titre 5 (investissement). Pour qu’il y ait une véritable corrélation entre les titres, il faudrait pouvoir transférer des dépenses de titre 2 vers les dépenses de titre 3 et 5. Cela sous-entendrait une réduction des effectifs du programme Gendarmerie nationale. Comme nous avons déjà un déficit de 2 000 personnes, je vous laisse apprécier les conséquences d’une telle décision.
En 2006, les dépenses de pensions représentaient 2,347 milliards d’euros, contre 3,132 milliards en 2014. Les cotisations au CAS Pensions du programme Gendarmerie ont progressé de 785 millions d’euros sur cette période. Ce ne sont pas des dépenses directes du programme, mais une contribution à la charge générale des pensions servies par l’État, qui ont progressé d’une dizaine de milliards d’euros sur l’année. Il est normal que le programme y contribue, mais il n’y a pas de lien direct entre la rémunération des gendarmes, l’évolution de la pension qu’ils toucheront et le coût réel immédiat pour la collectivité.
M. le président Gilles Carrez. Rassurez-vous, ce sont des augmentations de crédits qui ne trompent pas les membres de la commission des Finances.
M. le directeur des soutiens et des finances, direction générale de la Gendarmerie nationale. De manière plus générale, tous les ministères, dont la gendarmerie en tant que programme, ont été appelés à contribuer à l’effort de redressement des comptes publics. Il est donc normal qu’il y ait eu une pression sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement de ce programme.
Hors titre 2, pour 2014, les dépenses s’élèvent à 1,2 milliard d’euros. Une annulation de 17 millions d’euros de crédits en fin d’année nous a conduits à renoncer au financement de véhicules à hauteur de 12 millions d’euros.
Le dégel de fin d’année qui s’est élevé à 60 millions d’euros, a permis d’acheter environ 1 400 véhicules pour un montant de 27 millions d’euros. C’est la seule commande de l’année que nous ayons réalisée. Ce dégel de crédits a également permis de financer l’emploi de la gendarmerie mobile à hauteur de 20 millions d’euros et d’acquérir des moyens informatiques pour 11 millions d’euros.
S’agissant des conséquences de la mise en réserve puisque c’est un point soulevé par la Cour des comptes, le taux de mise en réserve sur les dépenses hors titre 2 est passé de 5 % en 2006 à 7 % en 2014, puis à 8 % en 2015. Dans la structure du budget de la gendarmerie, 75 % des dépenses sont obligatoires ou inéluctables : loyers, emploi de la force mobile, contrats de maintenance de matériels informatiques, entretien des hélicoptères. Si nous respections strictement les textes, nous devrions faire porter la mise en réserve sur à peu près 25 % des crédits. Cela reviendrait à geler pratiquement deux à trois mois de fonctionnement courant des unités, ce qui est techniquement impossible. C’est pourquoi la mise en réserve a porté en partie sur des dépenses obligatoires. Il ne s’agissait pas de lier les mains de la direction du budget ou des autorités, mais nous ne pouvions faire autrement. Il y a un paradoxe à devoir justifier devant vous des crédits au premier euro et à devoir simultanément mettre en réserve pratiquement un mois de crédits de fonctionnement.
Dans ces conditions, le dégel des crédits est indispensable pour assurer les investissements nécessaires au quotidien et pour financer les priorités ministérielles. L’année dernière, ces levées de mise en réserve sont intervenues en deux fois : en septembre, puis fin novembre. Vous connaissez les difficultés, lorsque les dégels sont tardifs, pour engager des dépenses dans de bonnes conditions.
Le renouvellement des véhicules et l’entretien du parc immobilier sont restés, en 2014, deux sujets de préoccupation. Nous avons près de 30 000 véhicules qui, si nous sommes optimistes, ont une durée de vie de dix ans. Nous devrions donc remplacer environ 3 000 véhicules chaque année. L’an dernier, nous en avons commandé 1 400. Cette année, si tout va bien, nous en commanderons 2 000. Le parc va donc continuer de se dégrader.
En ce qui concerne l’immobilier, alors que les crédits avaient été très fortement réduits, le ministre de l’Intérieur a obtenu la mise en place d’un plan d’urgence qui, à partir de 2015, devrait permettre des investissements à hauteur de 70 millions d’euros par an.
Concernant les mutualisations, la mise en place du SAELSI, service d’achat commun à la police et à la gendarmerie, commence à porter ses fruits. Les SGAMI, anciens secrétariats généraux pour l’administration de la police, qui ont pris en charge un certain nombre de dossiers pour le ministère de l’Intérieur, ont été créés au mois de mai. Il est donc encore trop tôt pour porter un jugement sur leur qualité de service et les économies qu’ils permettront de réaliser.
Comme vous pouvez le constater, l’exécution est conforme aux crédits que vous avez votés à la fin de 2013. Les annulations de crédits sont restées mesurées, même si la gestion est très tendue. Cela étant, les gendarmes sont conscients de l’effort consenti par la nation pour leur donner des moyens de fonctionnement.
M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie, monsieur Debrosse, de nous avoir fait une présentation sans fard des difficultés que revêt une régulation budgétaire de plus en plus importante. Vous avez rappelé l’évolution des taux de mise en réserve. Nous sommes passés cette année de 6 % à 8 %. C’est particulièrement difficile, s’agissant de programmes pour lesquels la fraction de dépenses pilotables est réduite. Il faut être conscient que les 8 milliards de crédits mis en réserve ne sont pas tous susceptibles d’annulations. Une partie substantielle ne peut être que dégelée. Cela se passe en fin d’année, ce qui rend la gestion plus difficile.
À peine avons-nous voté les crédits que nous en voyons près de 10 % placés en réserve. La rapporteure générale doit nous présenter prochainement un décret d’annulation, qui porte sur la bagatelle de 700 millions d’euros ! Une partie importante correspond à des annulations sur des crédits qui n’ont pas été gelés. Il y a sans doute un potentiel d’annulations ailleurs que sur les crédits mis en réserve, mais tout cela devient de plus en plus difficile.
Monsieur Daziano, les choses sont-elles plus faciles dans la Police nationale ?
M. Sébastien Daziano, sous-directeur des finances et du pilotage, direction des ressources et des compétences de la Police nationale. M. le directeur général de la Police nationale vous prie de l’excuser de n’avoir pu être présent aujourd’hui.
La Police nationale a créé les postes prévus dans le programme, soit, au 31 décembre 2014, 243 personnes qui sont venues renforcer nos unités. Cet effort se poursuit en 2015 : nous avons créé 300 effectifs dans le cadre du plan quinquennal, mais aussi des effectifs supplémentaires labellisés « lutte antiterroriste », au nombre de 400. La lutte antiterroriste a, cette année, quelque peu bousculé le programme, tant pour les crédits de fonctionnement que pour les questions d’effectifs et de masse salariale.
Les crédits de masse salariale consommés se sont élevés, en 2014, à 5,745 milliards d’euros. Le programme a donc une surface financière assez importante. Il connaît historiquement des périodes de légère sur ou sous-exécution, liées à la question du pilotage d’une telle masse de crédits qui peuvent, en fin d’année, subir de légères variations. Nous étions en légère sous-exécution en 2014. Cette année, nous rentrerons très précisément dans les crédits qui nous sont alloués. Nous pouvons connaître des périodes qui diffèrent un peu, mais pas dans la structure globale des dépenses.
Comme dans la gendarmerie, c’est sur les crédits de fonctionnement que la tension est la plus forte : ceux du programme Police nationale ont subi une baisse historique. Les dépenses obligatoires – énergie, fluides, armement ou entretien des véhicules – ont évolué à la hausse. Les véhicules étant remplacés moins souvent, l’entretien est rendu plus coûteux par l’usure. Tout cela aboutit à un effet ciseaux : la ressource diminue et les coûts fixes augmentent, avec un parc immobilier qu’il convient d’entretenir et des projets immobiliers d’envergure. Le plus important, à Paris, concerne le déménagement de la police judiciaire, qui va quitter le Quai des Orfèvres pour s’installer aux Batignolles, à proximité du nouveau palais de justice.
En 2014, vous avez voté 937 millions d’euros de crédits en loi de finances initiale. Ces crédits ont été exécutés à hauteur de 899 millions d’euros, tandis que Bercy nous avait demandé d’en exécuter 901 millions. L’exécution demandée par Bercy a été quasiment parfaite. Cela a abouti au dégel de 30 millions d’euros, mais le solde n’a pas été dégelé. Comme pour les gendarmes, une partie des crédits initialement votés n’a pas été réalisée, compte tenu des ajustements de fin d’année.
L’année 2014 a été marquée par plusieurs réformes. La première est la création de la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI –, qui est devenue une direction générale à part entière, mais qui est financée par le programme Police nationale. Nous avons vu, au mois de janvier dernier, que le financement de sa montée en puissance était indispensable.
Nous avons également créé, en 2014, un service d’achat commun aux trois forces de sécurité intérieure du ministère – police, gendarmerie et sécurité civile.
Enfin, les SGAMI, qui sont nos bras armés territoriaux, ne concernent plus seulement la police, mais aussi la gendarmerie. Il y a un effort commun des forces de sécurité pour mettre à profit avec la plus grande efficacité les ressources qui leur sont octroyées par la loi de finances.
M. Emmanuel Dupuis, conseiller budgétaire du directeur général de la Police nationale. Je voudrais apporter un éclairage opérationnel sur l’exécution 2014. Cette exécution budgétaire a été marquée également par le déploiement de seize nouvelles zones de sécurité prioritaires – ZSP –, qui avaient été créées en décembre 2013 et qui ont un impact opérationnel sur l’activité des services dans les différentes circonscriptions bénéficiaires de ces ZSP.
L’inspection générale de la Police nationale et l’inspection générale des services de la préfecture de police de Paris ont également fusionné, ce qui a permis également de mutualiser les pratiques.
Le service central du renseignement territorial a été créé le 10 mai 2014. Depuis le mois de janvier 2015, sa montée en puissance est mise à l’épreuve. Cette création répondait à un besoin de renseignement au service de la sécurité publique. Des sections zonales de recherche et d’appui ont été mises en place pour apporter à ces services qui avaient été quelque peu bousculés les années précédentes des missions de renseignement.
Concernant la mutualisation avec la gendarmerie d’un certain nombre d’outils opérationnels – je pense, par exemple, à la police technique et scientifique –, vingt départements sont désormais en train de rapprocher les référentiels de formation et de mutualisation.
Les 243 créations d’emplois évoquées par M. Daziano ont été intégralement utilisées au profit des priorités opérationnelles définies par le Gouvernement, à savoir les ZSP, la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI –, mais également le renforcement des territoires sensibles comme Marseille ou la Corse.
Dans le cadre général de cette exécution, nous avons souhaité plus de lisibilité et de traçabilité dans la réalité de l’action opérationnelle des forces de police et de gendarmerie. Le ministre a souhaité la création du service statistique ministériel de la sécurité intérieure, qui est devenu opérationnel en septembre 2014. Il permettra, à terme, de disposer d’un outil solide pour analyser finement l’ensemble des statistiques de sécurité, en lien avec l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.
En matière d’immobilier, qu’il s’agisse de réhabilitations ou d’opérations nouvelles, les services de la Police nationale ont exprimé des demandes pour plus de 850 millions d’euros. Or, en trois ans, le budget consacré à ce secteur est passé de 65 millions à quelque 100 millions d’euros pour apporter une réponse concrète, notamment en termes de réhabilitations, de création de commissariats et de sites, en coopération avec l’ensemble des élus locaux.
M. Vincent Moreau, sous-directeur de la 5e sous-direction à la direction du budget. Nous comprenons parfaitement, au ministère du Budget, que, lorsqu’il y a 8 milliards de mise en réserve et que le taux augmente, il n’y aura pas 8 milliards d’annulations ou de redéploiements possibles à la fin de l’année. La LOLF a prévu un taux uniforme de mise en réserve. Je crois, in fine, que ceci est préférable à la pratique antérieure qui se traduisait par de longues discussions entre les ministères et Bercy sur une base taxable et qui conduisait ensuite à appliquer un taux de mise en réserve confiscatoire sur un pourcentage réduit des dépenses.
Nous sommes pleinement conscients du caractère obligatoire d’un grand nombre de dépenses sur lesquelles, faute d’autre solution, s’applique pourtant la mise en réserve. Lorsque le Gouvernement rend les arbitrages sur les dégels en de fin de gestion, il se peut que celui obtenu par la gendarmerie soit supérieur à celui de la police. Cela ne signifie pas qu’il y ait une préférence en faveur de l’une des deux forces, qui ont toutes deux leur importance, mais c’est uniquement que la structure des dépenses n’est pas la même dans les deux cas. Ce sont des éléments que nous prenons en considération et nous n’opposons pas aux responsables de programmes un prétendu manque d’effort ou une mauvaise imputation de la mise en réserve. Il faut tenir compte de certaines réalités et nous y sommes particulièrement attentifs.
M. Yann Galut, rapporteur spécial. Après les événements du mois de janvier, nous avons tous un intérêt particulier à nous intéresser aux programmes Gendarmerie nationale et Police nationale, d’autant plus que le Gouvernement a fait en la matière un effort nécessaire et légitime. Ainsi, le décret d’avance du 9 avril 2015, qui s’est inscrit dans le plan de lutte contre le terrorisme annoncé le 21 janvier, a ouvert d’importants crédits pour les forces de police et de gendarmerie : 75,3 millions d’euros pour la police, 35 millions pour la gendarmerie, 13,2 millions pour le soutien du ministère.
Pouvez-vous nous indiquer si ces crédits ont effectivement été ouverts et quel usage en a été fait ? Les tensions en matière de fonctionnement et d’équipement sont-elles apaisées ? Le décret porte en particulier sur 51,8 millions destinés à l’achat de nouveaux équipements
– véhicules, munitions, matériels de protection –, dont 32,9 millions pour la police et 18,9 millions pour la gendarmerie. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est concrètement ?
Des sommes importantes ont également été ouvertes pour les dépenses de personnel – 13,8 millions d’euros pour la police, 12 millions pour la gendarmerie. Ces sommes doivent servir à recruter notamment 400 ETP pour la police et 100 pour la gendarmerie. Or, nous constatons qu’en 2014, l’écart entre le plafond d’emplois voté en loi de finances et son exécution a atteint « un niveau sans précédent », selon les termes de la Cour des comptes, avec un manque constaté de 2 935 équivalents temps plein travaillé – ETPT – pour l’ensemble de la mission Sécurités.
Pour la seule police, l’effectif réalisé au 31 décembre 2014 s’élevait à 142 767 agents pour un nombre de postes autorisés de 143 606 agents. Le nombre d’emplois non pourvus s’élèverait donc à 839 ETPT.
La situation est encore plus tendue au sein de la gendarmerie qui comptait, au 31 décembre 2014, 95 195 ETPT réalisés pour 97 167 postes ouverts. Ces effectifs représentent une baisse de 88 militaires par rapport aux emplois réalisés en 2013, alors même que le nombre d’emplois avait été augmenté en loi de finances.
Pouvez-vous nous indiquer les raisons de ces sous-effectifs, qui contreviennent aux ouvertures de postes votées en loi de finances ? Quelles sont les perspectives pour 2015 et, dans ce schéma, comment s’inscrivent les postes ouverts par le décret d’avance ?
Un référé publié en février 2015 par la Cour des comptes se montre très critique à l’égard des réformes des carrières menées dans la police et dans la gendarmerie au cours des années 2004 à 2012. Selon la Cour, ces réformes « n’ont été ni précédées ni suivies d’une réflexion stratégique » et elles ont pour conséquence un déséquilibre des pyramides des corps et un engorgement du haut de ces pyramides. La Cour souligne que la mise en œuvre de ces réformes s’est traduite par « une hausse accélérée des dépenses de rémunération des policiers et gendarmes » et qu’« il en est résulté un coût annuel supplémentaire qui peut être évalué, hors contributions au CAS Pensions, à 503,3 millions d’euros dans la police et 168,5 millions d’euros dans la gendarmerie ». Que pensez-vous de cette analyse ?
La Cour a également relevé que le taux d’absentéisme dans la police avait atteint un pic l’an dernier (8,5 % en 2014, contre 8,1 % en 2013 et 5,7 % en 2010), tandis que le montant d’heures supplémentaires était à nouveau en hausse : 22,8 millions d’euros en 2014 contre 19,7 millions en 2013. Pouvez-vous expliquer ce phénomène ?
M. Jean Launay. J’interviens moins en tant que rapporteur spécial de la commission des Finances pour le programme Budget opérationnel de la défense que comme député du Lot, réserviste citoyen de la gendarmerie.
Monsieur le président, je partage vos préoccupations concernant le taux élevé de crédits mis en réserve, mais je me félicite de la mise en place du plan d’urgence en matière immobilière qu’a évoqué M. Debrosse. Je confirme par ailleurs que, sur le terrain, on nous parle bien des difficultés rencontrées pour renouveler le parc de véhicules.
Le rapprochement entre la police et la gendarmerie est à l’ordre du jour depuis cinq à six ans. Il progresse : la création d’un service d’achat commun a été mentionnée, et M. Dupuis a évoqué les mutualisations. Je souhaite toutefois appeler votre attention sur un rapprochement particulier qui n’a pas lieu : dans ma circonscription, à Gramat, se trouve le Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie au sujet duquel nous avons lu dans la presse qu’un transfert vers la base aérienne de Dijon était envisagé. Le ministre m’a affirmé qu’il n’en était pas question. Cela me rassure évidemment, mais m’incite aussi à vous interroger : le rapprochement entre la police et la gendarmerie en matière d’instruction cynophile ne pourrait-il pas s’opérer à Gramat ? Ce site présente l’avantage d’offrir beaucoup d’espace alors que le Centre national de formation des unités cynophiles de Cannes-Écluse n’est aujourd’hui plus adapté. Le transfert dans le Lot d’effectifs de police ne suscite peut-être pas beaucoup d’enthousiasme, mais permettez-moi de rappeler qu’il s’agit d’un département attractif qui propose des logements et qui se trouve à proximité de l’autoroute. Une telle évolution s’inscrirait dans l’esprit de la décentralisation.
J’ajoute, à l’intention de notre collègue Jean-Louis Dumont, qui préside le Conseil de l’immobilier de l’État, que la ville de Gramat compte vingt-cinq à trente logements vacants depuis qu’un centre d’études, rattaché à la direction générale de l’armement, a été transféré au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.
M. Marc Francina. Nous parlons de 2014, mais n’oublions pas 2015 ! Évian se trouve en zone police et dispose d’une gendarmerie : je réinvestis toujours le montant de l’allocation gendarmerie, soit 100 000 euros par an, dans les bâtiments destinés aux gendarmes. Cette année, nous sommes confrontés à un fort suremploi des personnels. Cet été, les CRS ne seront pas affectés comme les années précédentes aux villes touristiques, sauf pour ce qui concerne les sauveteurs dans les communes de bord de mer. Ce renfort est pourtant indispensable dans des villes qui voient leur population augmenter de façon considérable en saison. Depuis le 1er janvier 2015, les personnels sont épuisés : on leur en demande trop. Après les événements de janvier, ils ont subi une énorme pression. Nous aurons des problèmes d’ici à la fin de l’année. Je ne suis pas favorable à une fusion de la police et de la gendarmerie, mais peut-être serait-il temps de revoir les dispositions les concernant.
Mme Christine Pires Beaune. Comme notre rapporteur spécial, je m’interroge sur la différence entre le nombre des postes créés et celui des postes pourvus. Comment expliquer cet écart ? N’est-il dû qu’à des causes financières ? Disposez-vous d’une cartographie des postes vacants ?
L’évocation d’une hausse des charges générales me laisse perplexe. L’évolution des prix, notamment celui des produits pétroliers, ne devrait-elle pas, au contraire, induire une baisse ? Ai-je bien compris vos propos ?
Enfin, vous avez cité le chiffre de 850 millions d’euros pour les besoins en investissements immobiliers. Je me permets de signaler que la ville de Riom, sous-préfecture, a mis à disposition depuis plus de dix ans un terrain, au prix de 1 euro symbolique, pour la construction de locaux susceptibles d’accueillir un commissariat de police qui, aujourd’hui encore, est installé dans des locaux préfabriqués !
M. Charles de Courson. Le rapporteur spécial nous a distribué une note selon laquelle une légère baisse des effectifs réalisés de 2013 à 2014, de 0,7 % pour la police, s’accompagnerait d’une hausse de la masse salariale de 1,7 %. Cela signifie que le coût moyen par poste aurait augmenté de 2,4 % en 2014 par rapport à 2013. Comment expliquer une telle progression, alors que, dans la gendarmerie, la baisse des effectifs est négligeable, et que la masse salariale n’y augmente que de 0,5 % ?
Comment peut-on par ailleurs ouvrir un nombre croissant de postes et constater des baisses d’effectifs ? Je crains que cette question de l’évolution des effectifs ne soit liée à la précédente. Lorsque je travaillais à la direction du budget, il y a trente ans, constatant que les effectifs n’étaient jamais réalisés, nous avions mis en place un système fondé sur la sous-valorisation du nombre de points destinés à fixer les crédits théoriques. Cette pratique se poursuit-elle ?
La Cour des comptes signale que la répartition territoriale des effectifs est extrêmement sous-optimisée. Les affectations ne semblent pas tenir suffisamment compte de la réalité de la délinquance – le problème semble se poser encore davantage dans la police que dans la gendarmerie. Où en êtes-vous de vos réflexions sur la répartition des moyens sur le territoire ?
Je m’interroge enfin sur l’efficacité respective de la police et de la gendarmerie. Certes, elles ne travaillent pas dans les mêmes secteurs, mais comment expliquer que le taux d’élucidation concernant les vols avec violence s’élève par exemple à 12,3 % pour la police et à 25,1 % pour la gendarmerie ? Cela va du simple au double ! Et encore est-ce une moyenne : dans le détail, les écarts peuvent aller de un à quatre. Cette différence concerne aussi les cambriolages, avec un taux d’élucidation de 14,8 % pour la gendarmerie et de 10,4 % pour la police, ou les homicides, dont les taux d’élucidation atteignent respectivement 92,1 % et 81,7 %. Comment ces performances moyennes peuvent-elles être aussi éloignées ? Comment expliquer par ailleurs la grande hétérogénéité des taux d’élucidation sur le territoire ?
M. Alain Fauré. La construction des locaux qui abriteront la police judiciaire de Paris est-elle financée directement par l’État ou, sur le modèle du site de Balard du ministère de la Défense, par un partenariat public-privé ?
M. le directeur des soutiens et des finances, direction générale de la Gendarmerie nationale. Dans le cadre du plan de lutte antiterroriste – LAT –, dont la mise en place a été décidée en début d’année, il est prévu de créer, pour la gendarmerie, 100 ETP en 2015, 55 en 2016, puis le même nombre en 2017. Ces personnels seront pour partie affectés au renseignement territorial, et pour partie dans des services spécialisés. Ils pourront aussi être chargés de missions de renseignement dans certaines villes qui connaissent des faits de délinquance un peu spécifiques, comme Lunel, où se trouve une importante filière djihadiste.
Il n’est évidemment pas possible de recruter cent personnes au pied levé. Dans un premier temps, l’opération s’effectue en conséquence par redéploiement. Nous avons augmenté les effectifs d’entrée dans les écoles pour répondre au besoin, mais nous redéployons aussi des personnels par voie de mutation sur les postes créés qui nécessitent une certaine expérience. Nous comptons parvenir à les pourvoir tous lors du plan de mutation annuel de l’été 2015, une partie des effectifs étant déjà en place.
Une importante masse budgétaire a par ailleurs été débloquée pour l’emploi de la réserve. Alors que 40 millions d’euros sont traditionnellement consacrés aux réservistes, 9 millions supplémentaires ont été consentis dans le cadre du plan de lutte antiterroriste, ce qui représente 100 000 jours de réservistes en moyenne annuelle, soit près de cinq cents ETP d’active. L’avantage des réservistes, c’est qu’ils existent et ont donc pu être immédiatement déployés : 36 000 « jours-réservistes » supplémentaires ont d’ores et déjà été mis en œuvre dans le cadre du plan LAT. L’effet est quasi immédiat : il suffit d’augmenter le nombre de jours octroyés.
Monsieur Francina a évoqué le fait que nos unités sont très fortement sollicitées depuis le début de l’année. Cette question nous préoccupe. À ce stade, le nombre de jours d’emploi des escadrons de gendarmerie mobile équivaut à celui constaté l’année dernière à la même époque. Nous parvenons donc à peu près à maîtriser la charge de travail, mais nous ne disposons d’aucune marge de manœuvre. Cet été, dans le cadre des renforcements saisonniers, nous devrions déployer trente escadrons, comme en 2014, mais nous ne disposerons plus que de deux escadrons en réserve. Il ne faudrait donc pas que se produise un événement d’ampleur, ce qui nous obligerait à procéder à des redéploiements.
Il va de soi que les réservistes impliqués dans le plan de lutte antiterroriste se consacrent aussi à la sécurité générale, ce qui constitue un renfort appréciable dans les unités. Leur arrivée dans les brigades de gendarmerie est un élément visible et immédiatement perceptible. Ils peuvent par exemple permettre aux personnels de prendre des repos et les aider dans des services particuliers, comme le Tour de France ou des événements divers.
Nous restons évidemment très attentifs à tout ce qui peut advenir. Ainsi, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP21, qui se tiendra à Paris à la fin de l’année, devrait nous solliciter fortement.
Une hausse de l’indemnité journalière d’absence temporaire a récemment été décidée pour les CRS et les gendarmes mobiles. Il s’agit aussi d’une manière de compenser ou de prendre en compte les charges de travail particulières et les spécificités des emplois concernés.
En ce qui concerne les dépenses hors titre 2, ce sont les achats de matériels de protection – gilets pare-balles, véhicules blindés pour les pelotons qui n’en étaient pas dotés, de munitions – qui ont été privilégiés, afin de compléter les dotations des militaires. Des efforts ont également été consentis en matière de formation des militaires d’active et des réservistes, de moyens d’information et de communication et de moyens d’investigation comme les drones. Une partie de ce financement provient des crédits ouverts dans le décret d’avance, une autre partie est autofinancée, mais nous comptons évidemment sur la levée de la mise en réserve pour boucler l’opération. Cette décision nous a permis d’anticiper la commande d’environ 900 véhicules qui commencent aujourd’hui à équiper les unités. Il ne s’agit peut-être pas très directement de la lutte antiterroriste, mais, lorsqu’un véhicule neuf arrive dans une brigade, cela fait des heureux !
Monsieur le rapporteur spécial, la Cour des comptes évoque un coût de 168 millions d’euros concernant le plan PAGRE. Je m’inscris en faux concernant l’appréciation relative à l’absence de réflexion stratégique. Il suffit de regarder la pyramide des grades de la gendarmerie pour constater qu’elle ressemble à une véritable pyramide. Le nombre d’officiers a augmenté, mais, entre le lancement du plan initial, pour lequel on comptait plus de 9 000 officiers, et aujourd’hui, nous avons fait marche arrière, puisque nous ciblons environ 6 400 officiers. Il faut aussi relativiser, car une bonne part des postes d’officiers est créée à partir de ceux autrefois occupés par des sous-officiers. Il s’agit évidemment d’une importante évolution symbolique et d’une reconnaissance personnelle, professionnelle et sociale, mais il faut bien admettre que, en termes budgétaires, la différence de rémunération entre un lieutenant ou un capitaine et un adjudant-chef ou un major est extrêmement faible : il se passe de longues années avant qu’un effet se fasse vraiment ressentir sur la solde. Cela explique notamment que le coût par ETP n’ait pas progressé au-delà de l’inflation. Le pouvoir d’achat de l’ETP gendarmerie n’a pas évolué. Il est vrai que la gendarmerie bénéficie d’un léger avantage par rapport à la police : le fait que les carrières y sont un peu plus courtes et la non-application des mesures qui permettent de rester en poste très au-delà de la limite d’âge nous permettent d’avoir un glissement vieillesse technicité – GVT – négatif significatif grâce au départ à la retraite, qui permet de contenir la pression sur la masse salariale. Je n’évoque évidemment pas l’impact du CAS Pensions.
Un projet de création d’une école à Dijon est actuellement à l’étude pour répondre aux besoins en capacités de formation. À l’occasion de ce travail, plusieurs pistes de mutualisation ont été évoquées : celles relatives aux chiens ou aux motos en ont bien fait partie, parmi de nombreuses autres. Notre principale préoccupation reste d’augmenter nos capacités, car nous avons besoin de désengorger les écoles de Châteaulin et de Chaumont, dans lesquelles les élèves sont à l’étroit. Nous savons aussi que nous devrons faire face à une augmentation des départs à la retraite à partir de 2017. La base de Dijon bénéficie d’installations qui permettront de la transformer en école.
Nous travaillons à la mutualisation de certaines formations techniques ainsi qu’en matière de police technique et scientifique. Nous devons aller encore plus loin. L’un des principaux problèmes que nous rencontrons tient, si l’on passe outre les phénomènes culturels traditionnels, aux différences entre les protocoles de travail qu’il faut faire évoluer.
J’en viens à la différence entre les postes créés et les postes pourvus. En 2014, la création de 162 ETP était autorisée dans le cadre du budget. Dans le même temps, un certain nombre d’ETP ont été réaffectés à l’administration pénitentiaire, qui a repris une partie des missions de transfèrement, et environ 260 ETP sont passés du programme Gendarmerie au programme Police dans le cadre de la création des SGAMI. En sens inverse, des personnels de la police affectés au service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure ou au SAELSI ont été intégrés dans le programme Gendarmerie. Il ne suffit pas de regarder le solde mais de connaître le détail des évolutions infra-annuelles.
Nous sommes en mesure d’identifier les 2 000 « trous à l’emploi » puisque nous disposons d’un tableau des effectifs autorisés, qui précise les effectifs théoriques, unité par unité, à partir des dispositions votées en loi de finances. En revanche, la construction budgétaire ne nous permet pas de financer l’intégralité de ces postes. Si nous voulions créer les 2 000 effectifs qui n’existent pas, nous aurions besoin d’une dotation équivalente à la charge salariale en question, additionnée de quelques crédits de fonctionnement. Cette identification permet d’adapter notre présence en fonction de l’actualité et des évolutions de la délinquance et des besoins. Je ne dirais pas que nous « gérons la pénurie », mais plutôt que nous disposons d’une base de travail qui nous permet d’effectuer les ajustements de la manière la plus rationnelle possible.
Il n’est pas possible de réduire le problème de la pression en effectifs et de l’évolution de la délinquance à un chiffre comme le taux d’élucidation. N’oublions pas que la gendarmerie assure une présence sur le territoire. J’ai visité, il y a quelques semaines, un groupement de gendarmerie dans le Sud-Ouest. En une année, on y décompte par exemple cinquante faits constatés par une brigade composée de six personnes, située dans une zone très peu peuplée. La question du bien-fondé du maintien de cette brigade pourrait se poser, mais la nécessité d’une présence sur le territoire induit des diversités de charge de travail et de taux d’élucidation – si l’on rapporte le nombre d’actes délictueux aux ETP, il n’y a aucune comparaison possible entre cette brigade et une autre se trouvant à la périphérie d’une grande ville.
M. Charles de Courson. Le problème, c’est que les différences de taux d’élucidation constatés par la Cour des comptes concernent des unités qui se trouvent dans des situations identiques !
M. le directeur des soutiens et des finances, direction générale de la Gendarmerie nationale. Je n’en disconviens pas. Il est très difficile de l’adapter de façon régulière aux évolutions de la délinquance. Nous ne pouvons pas, du jour au lendemain, faire évoluer brutalement les structures : il nous faut accompagner les évolutions. Nous prenons ce problème en compte.
M. le sous-directeur des finances et du pilotage, direction des ressources et des compétences de la Police nationale. Dans le cadre du plan de lutte antiterroriste et des crédits ouverts par le décret d’avance, un arbitrage a permis d’attribuer à la Police nationale des crédits de fonctionnement de 143,7 millions d’euros sur trois ans qui doivent servir à financer des équipements spécifiques et à renforcer certaines des directions impliquées dans la lutte antiterroriste, comme la DGSI, la direction du renseignement de la préfecture de police - DRPP – et le renseignement territorial. Ces crédits permettent aussi de financer de nombreux projets informatiques, tel celui utilisé pour le blocage de sites internet djihadistes. Le niveau de consommation de ces crédits est aujourd’hui extrêmement satisfaisant. Ils sont suivis de très près par le directeur général et par le ministre. Cette question n’inspire pour l’instant aucune inquiétude. Nous espérons néanmoins que le dégel permettra de financer le reste du fonctionnement de la Police nationale.
Le plan de lutte antiterroriste prévoit 400 effectifs supplémentaires en 2015 répartis entre la DGSI pour 100 agents, le renseignement territorial pour 150 agents, la DRPP pour 50 effectifs, la police aux frontières pour 10 postes, la direction de la police judiciaire pour 60 postes et le service de protection pour 30 effectifs, un certain nombre de personnalités bénéficiant désormais d’une protection. Ces personnels sont aujourd’hui en cours de recrutement et d’affectation. Au mois de septembre, on pourra dire que les effectifs labellisés « plan de lutte antiterroriste » seront affectés dans les services. À la fin de l’année, ces 400 personnes et les 300 autres auront toutes été recrutées. Le différentiel entre l’équivalent temps plein travaillé – ETPT – et les personnels effectivement présents tient au fait que l’ETPT correspond à la mesure budgétaire votée par le Parlement. Dans la réalité de la gestion du schéma de recrutement réel réalisé en équivalent temps plein, des recrutements peuvent être effectués tardivement dans l’année, ce qui induit un solde négatif de l’ETPT, même si l’effectif physique est bien présent en fin d’année lorsque l’on effectue une comparaison d’un 31 décembre à l’autre. Il n’est pas nécessairement anormal de constater un décalage entre le plafond d’ETPT et le « réalisé » ; ce qui, en revanche, est essentiel, c’est que les effectifs physiques soient bien présents, ce qui est le cas.
L’écart constaté en matière d’ETPT ne devrait pas se résorber. Cette persistance tient, d’une part, aux limites de nos capacités de recrutement – nous disposons d’environ 1 500 à 1 800 places dans nos écoles, et il faut compter un an de formation pour les gardiens de la paix, et trois mois pour les adjoints de sécurité – et, d’autre part, au schéma de recrutement contraint par la masse salariale qui nous est allouée par Bercy.
M. Charles de Courson. Si l’on valorisait les effectifs votés en loi de finances, quel serait l’écart entre les crédits ouverts et les crédits théoriques correspondant au tableau des effectifs ?
M. le sous-directeur des finances et du pilotage, direction des ressources et des compétences de la Police nationale. Le coût moyen d’un policier, tel que nous le calculons dans le programme, est de 40 000 euros, hors CAS Pensions.
M. Charles de Courson. Et le coût réel ?
M. le sous-directeur des finances et du pilotage, direction des ressources et des compétences de la Police nationale. Il devrait être calculé par catégorie de personnel : personnels administratifs, hauts fonctionnaires, commissaires… Les 40 000 euros correspondent au coût moyen pour les différents corps de recrutement de la police.
M. Charles de Courson. Mais comment expliquez-vous que l’augmentation de la masse salariale par tête atteigne 2,4 %, alors que le point d’indice est bloqué ? Cela signifie-t-il que le GVT est très important ? Avez-vous massivement augmenté les primes ?
M. le sous-directeur des finances et du pilotage, direction des ressources et des compétences de la Police nationale. Vous avez raison d’évoquer le GVT qui est positif. Les mesures catégorielles sont assez peu nombreuses, donc peu coûteuses. Le GVT est en cause…
M. Charles de Courson. C’est aussi la politique que vous menez ! On n’est pas obligé d’accélérer les promotions – M. Debrosse nous a dit que la gendarmerie s’en tenait à 6 400 officiers au lieu des 9 000 prévus initialement… Comment cette augmentation de 2,4 % par tête est-elle possible ?
M. le sous-directeur des finances et du pilotage, direction des ressources et des compétences de la Police nationale. Nous n’avons pas fait ce calcul.
M. le rapporteur spécial. M. Daziano pourra apporter une réponse à Charles de Courson et à la Commission sur ce sujet lorsque je le recevrai au mois de septembre dans le cadre de la préparation de la loi de finances initiale.
M. le sous-directeur des finances et du pilotage, direction des ressources et des compétences de la Police nationale. Le taux d’absentéisme a connu une augmentation assez substantielle ces dernières années. Nous espérons endiguer cette évolution dans les prochaines années. Nous avons pris des mesures en ce sens, notamment en matière d’action sociale. L’augmentation des heures supplémentaires évoquée par la Cour des comptes concerne les CRS. Le stock total d’heures supplémentaires de la police a diminué d’environ 2 %.
M. le rapporteur spécial. Au-delà des chiffres, qui restent inquiétants, la commission des Finances souhaite comprendre pourquoi l’absentéisme augmente et comment il est possible de réagir collectivement et positivement. Dans les semaines qui viennent, nous pourrions chercher à en savoir plus sur ce qui semble être un profond malaise lié à une situation plus générale. Même si, dans le cadre de mes fonctions, je rencontre les syndicats et la hiérarchie, vous êtes mieux à même de comprendre le phénomène et il faut que vous nous disiez ce qu’il en est.
M. Charles de Courson. Que nous dit la base ? À force de déplacer sans arrêt les personnels un peu partout, de leur faire subir la pression et les heures supplémentaires, la régulation se fait tout simplement par les arrêts maladie. Dans certaines unités, 20 ou 25 % de l’effectif se trouve en arrêt ! C’est un taux explosif ! Au-delà de 10 %, on peut déjà supposer qu’il y a un malaise. On ne peut multiplier sans limites les charges de travail et les déplacements, simplement pour rassurer l’opinion publique en faisant étalage de la présence de forces de l’ordre stationnaires. Pour ma part, je doute sérieusement de l’efficacité de telles dispositions pour lutter contre le terrorisme.
M. le sous-directeur des finances et du pilotage, direction des ressources et des compétences de la Police nationale. Le chantier des Batignolles et le relogement de la police judiciaire parisienne relèvent d’un projet entièrement financé par l’État à hauteur de 160 millions d’euros sans l’intervention d’un partenariat public-privé.
M. le conseiller budgétaire du directeur général de la Police nationale. Les observations du référé transmis le 22 décembre 2014 par le Premier président de la Cour des comptes aux ministres de l’Intérieur et de la Justice, montrent que les différentiels de taux d’élucidation sur le territoire sont équivalents dans la gendarmerie et dans la police. Dans les circonscriptions de sécurité publique, le taux moyen d’élucidation des atteintes aux biens varie de 6,4 % dans le Finistère à 14 % en Meurthe-et-Moselle. Dans les dix départements où la gendarmerie enregistre le plus grand nombre d’atteintes aux biens, soit plus de 14 000 faits, le taux moyen d’élucidation varie entre 9 % et 16 %. Dans le quart des départements dans lesquels les atteintes aux biens sont les moins nombreuses, le taux d’élucidation par les gendarmes varie de 11 %, en Corse, à 32 %, dans l’Aveyron. Dans les deux directions générales, les taux de divergences ne sont donc pas strictement liés au nombre de crimes et de délits constatés.
Le bulletin mensuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales montre que l’ensemble des indicateurs que je viens d’évoquer ont une évolution à la baisse en masse globale annuelle. Au-delà de la divergence analysée, il faut aussi prendre en compte la réponse opérationnelle. Je pense notamment au taux d’élucidation constaté dans les zones de sécurité prioritaire créées depuis 2012, qui augmente en moyenne de cinq points en zone police. Le ciblage de zones identifiées comme particulièrement sensibles du point de vue opérationnel, sans que cela soit nécessairement accompagné d’une augmentation massive en moyens humains, constitue donc une réponse – notamment fondée sur la coopération entre les différents services qui travaillent dans les quartiers.
Mon modeste rôle de conseiller budgétaire auprès du directeur général de la Police nationale ne me permet pas de répondre autrement sur une éventuelle efficacité différenciée entre la police et la gendarmerie.
M. Charles de Courson. Il est intéressant de constater qu’il existe en moyenne un facteur deux entre les taux d’élucidation. Cela veut bien dire qu’il y a un problème. Comment de telles différences sont-elles possibles entre des territoires aux caractéristiques similaires ?
M. le président Gilles Carrez. Voilà un autre point précis sur lequel notre rapporteur spécial pourra se pencher d’ici à la préparation de la loi de finances initiale pour 2016.
M. le conseiller budgétaire du directeur général de la Police nationale. Monsieur Launay, nous étudierons avec plaisir toute proposition de site qui permettrait de mutualiser des fonctions communes à la police et à la gendarmerie. Il reste que, lors de ce type de mutualisation, il y a toujours au moins un site qui est perdant – il est aussi possible de transférer deux sites sur un troisième lieu. C’est cette dernière hypothèse que la presse avait citée concernant la base aérienne de Dijon-Longvic, où aurait pu s’installer un centre de formation cynophile commun. Je vous confirme que ce projet a été évoqué, mais qu’il n’a pas abouti. Il figure parmi les mutualisations potentielles que nous analysons sans aucun tabou, de manière à avancer dans des domaines de compétences partagés et d’expertises qui peuvent faire l’échange de bonnes pratiques entre la police et la gendarmerie. Cette mutualisation est déjà une réalité quotidienne dans les zones de défense et de sécurité, notamment pour la maintenance automobile ou la réparation informatique.
Les représentants de programme que nous sommes tentent en permanence d’« objectiviser » au maximum les priorités, par exemple en matière d’immobilier. Vous n’ignorez pas que ces questions peuvent faire l’objet de revendications parfois appuyées. Cela explique que nous mettions en place un tableau d’expression des besoins. Dès lors que nous ne sommes en mesure de répondre qu’à un neuvième des besoins exprimés, nous devons nous munir d’outils qui nous guident dans nos choix. Nous nous fondons par exemple sur des calculs d’obsolescence, des priorités opérationnelles, des réponses à des sinistres… L’exercice est parfois délicat, car tous les élus locaux souhaitent voir une amélioration des services de sécurité de leur territoire. Nous sommes cependant davantage compris et nous parvenons à introduire une réelle objectivité. L’établissement de priorités et d’une stratégie pluriannuelle d’implantation et de réhabilitation immobilières au niveau des SGAMI et de l’échelon zonal permet de mettre en place de façon objective des projets qui ont du sens et répondent aux besoins.
Les renforts saisonniers de CRS concernent aussi la montagne. L’année 2015 est d’autant plus délicate que le taux d’absentéisme a augmenté. Sur les soixante et une compagnie de CRS déployées sur le territoire, on compte théoriquement trente-neuf compagnies disponibles simultanément pour des missions de sécurisation et de maintien de l’ordre. Il y a encore une dizaine de jours, nous sommes montés à quarante-huit unités déployées. Le taux d’utilisation des forces mobiles est donc considérable en raison du plan Vigipirate renforcé toujours en vigueur – il est au niveau « alerte attentat » en Île-de-France.
S’agissant des renforts saisonniers, je rappelle que l’Euro 2016 se déroulera entre le 10 juin et le 10 juillet de l’année prochaine : la disponibilité des CRS mobilisées dans les dix villes hôtes de la manifestation rendra la situation encore plus délicate.
M. le sous-directeur de la 5e sous-direction à la direction du budget. Monsieur de Courson, il faudra effectivement que nous regardions en détail avec vous les chiffres que vous évoquez. Le GVT solde peut constituer un facteur explicatif. Le rapport annuel de performances montre que, en 2014, il s’élève à 17,5 millions d’euros pour la Police nationale, mais qu’il est négatif pour la gendarmerie. Comme le soulignait M. Debrosse, il existe un écart très significatif entre les GVT négatifs de la Gendarmerie et de la Police nationales : dans le premier cas, il s’élève à moins 56 millions alors que, dans le second, il n’est que de moins 42 millions. Le GVT positif de la Police nationale est certes supérieur à celui de la gendarmerie, soit 59 millions contre 47 millions, mais les effectifs de la police sont plus fournis, et le taux de GVT positif indiciaire s’élève à 1,38 % dans la police alors qu’il est de 1,52 % dans la gendarmerie.
Ces remarques me permettent d’en venir à la manière dont nous budgétons la masse salariale. Depuis la LOLF, il n’y a plus de tableau d’effectifs autorisés. Le plafond d’emplois de la LOLF n’est pas un tableau de répartition des effectifs. Il existe un double plafond : le plafond de masse salariale qui est fixé par programme et le plafond ministériel d’emplois qui est opposable au niveau ministériel. La masse salariale par programme est déterminée au coût réel, en liaison avec les ministères, en partant de l’exécution et en tenant compte des facteurs d’évolution des effectifs, des mesures catégorielles, du GVT solde, des mesures générales lorsqu’elles existent… Le plafond d’emplois est calculé en fonction de l’évolution prévisionnelle des effectifs, mais aussi des dates d’entrée et de sortie qui peuvent donner lieu à des ajustements. Si un délai de un ou deux mois est requis pour les recrutements, cela crée nécessairement une vacance d’emplois frictionnelle et, à l’inverse, si le nombre de départs à la retraite est moindre sur une période donnée, la consommation du plafond d’emplois peut être beaucoup plus forte que celle qui a été anticipée. Il ne s’agit pas de données théoriques : en 2010, il a fallu modifier le plafond d’emplois du ministère de l’Éducation nationale en loi de finances rectificative parce qu’il y avait eu moins de départs à la retraite que prévu et que le plafond d’emplois était entièrement consommé. Il n’est donc pas anormal de constater une différence entre les effectifs que le programme peut rémunérer avec sa masse salariale et le plafond ministériel d’emplois, qui est nécessairement plus élevé pour assurer une marge de sécurité.
Pourquoi constatons-nous un écart significatif pour certains programmes ? Il s’agit parfois de causes « historiques » liées au passage à la LOLF en 2006 : pour des raisons d’affichage, qui rendent parfois difficiles les corrections techniques, certains effectifs théoriques n’ont pas été réduits au profit des effectifs réels. Le double plafond existe bien, même s’il peut y avoir une certaine « décorrélation ». En tout état de cause, le plafond ministériel d’emplois n’est pas construit selon une logique d’effectifs théoriques que l’on budgéterait. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas partager votre raisonnement relatif au calcul du différentiel. Nous pouvons certes utiliser un coût moyen et considérer que, à partir de tant d’ETP au coût moyen, on déduit un montant qui saturerait le plafond d’emplois, mais, en fait, si le Gouvernement décidait d’atteindre cet effectif réel, il ferait son calcul en utilisant le coût d’entrée lié aux recrutements nécessaires.
M. Charles de Courson. Ce n’est pas exact. Autrefois on budgétait en prenant les effectifs par grade que l’on multipliait par l’indice grade par grade. En appliquant un taux moyen de prime, on obtenait un montant théorique sur lequel la sous-direction compétente procédait à des abattements selon les ministères. Il s’agissait d’un instrument de régulation. Cela faisait plaisir au ministre, qui pouvait annoncer aux parlementaires qu’on augmentait les effectifs. Le problème, quand on regarde la loi de règlement – ce que personne ne fait –, c’est que les effectifs réels baissent alors que les effectifs théoriques augmentent. Tout cela n’est pas respectueux à l’égard du Parlement et il est regrettable que les rapporteurs ne vérifient pas toujours ce point.
Vous nous dites que, du point de vue du droit budgétaire, cette situation ne pose pas de problème, puisque les effectifs affichés ne sont plus un plafond.
M. le sous-directeur de la 5e sous-direction à la direction du budget. Deux plafonds se combinent : un plafond de masse salariale et un plafond ministériel d’emplois.
M. Charles de Courson. Les rapporteurs annoncent en général qu’on va créer tel ou tel nombre d’emplois. Pour ma part, je constate qu’on annonce 10 000 emplois supplémentaires tous les ans dans l’éducation nationale et que l’on n’en crée pas 3 000 ! Il faut cesser de gérer les affaires de cette manière : les gens vont finir par ne plus croire en rien – si ce n’est pas déjà le cas !
Comment justifier que les 1 000 emplois annoncés par an pour la police et la gendarmerie se retrouvent moins nombreux en exécution ?
M. le sous-directeur de la 5e sous-direction à la direction du budget. C’est l’analyse réelle d’exécution à exécution qui compte.
M. Charles de Courson. Je me réfère à la note du rapporteur spécial selon laquelle les effectifs baissent, même très légèrement, alors qu’une hausse est affichée.
M. le président Gilles Carrez. Messieurs, je vous remercie pour les informations instructives et précises dont vous nous avez fait part.
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Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 23 juin 2015 à 17 heures 45
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Jean-Claude Buisine, M. Gilles Carrez, M. Charles de Courson, M. Alain Fauré, M. Yann Galut, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean Launay, Mme Christine Pires Beaune
Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Gagnaire, Mme Valérie Rabault, M. Éric Woerth
Assistait également à la réunion. - M. Lionel Tardy
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