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La commission entend M. François Villeroy de Galhau, dont la nomination aux fonctions de gouverneur de la Banque de France est envisagée par M. le Président de la République.
M. le président Gilles Carrez. Par courrier en date du 10 septembre dernier, M. le Président de l’Assemblée nationale m’a fait savoir que M. le Premier ministre, par lettre en date du 8 septembre, l’avait informé que M. le Président de la République envisageait de proposer la nomination de M. François Villeroy de Galhau aux fonctions de gouverneur de la Banque de France.
Je rappelle qu’en vertu du septième alinéa de l’article L. 142-8 du code monétaire et financier, le gouverneur de la Banque de France est nommé par décret en Conseil des ministres pour une durée de six ans renouvelable une fois.
Ces fonctions figurent sur la liste des emplois et fonctions annexée à la loi organique du 23 juillet 2010, pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, qui requièrent un avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée.
L’article 1er de la loi ordinaire du même 23 juillet 2010 confie à la « commission compétente en matière monétaire » le soin d’émettre cet avis. Il dispose que cet avis est précédé d’une audition de la personne dont la nomination est envisagée. Cette audition est publique, sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale, et ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée a été rendu public.
Monsieur Villeroy de Galhau, il revient donc à la commission des finances de vous entendre cet après-midi. Je précise que, conformément à l’usage, vous avez préparé un curriculum vitae qui a été mis à la disposition de nos collègues. Par ailleurs, je rappelle qu’à votre demande, j’ai communiqué le 9 septembre dernier à l’ensemble de nos collègues la copie d’un courrier que vous m’aviez adressé la veille, comprenant un certain nombre d’engagements et de décisions que vous souhaiterez sans doute rappeler dans quelques instants.
Votre audition sera suivie d’un scrutin. En application du quatrième alinéa de l’article 29-1 du Règlement de notre assemblée, ce scrutin est secret et aura lieu hors votre présence.
J’indique à nos collègues que la commission des finances du Sénat se réunira aujourd’hui même à dix-sept heures trente pour procéder à son tour à l’audition de M. Villeroy de Galhau. Conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article 29-1 de notre Règlement, le dépouillement du scrutin doit intervenir au même moment dans nos deux commissions.
Le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution dispose que le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
M. François Villeroy de Galhau. Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, il vous revient aujourd’hui d’apprécier si je peux remplir une mission dont je mesure toute la responsabilité au service de notre pays. Je me réjouis que cette procédure, appliquée pour la première fois s’agissant de la Banque de France, donne des garanties de transparence et de contrôle qui confèrent ensuite à un mandat davantage de légitimité et d’impartialité. Je crois à la démocratie et au respect de nos institutions. Voilà pourquoi j’ai décidé depuis la proposition du Président de la République de réserver aux parlementaires et à eux seuls mon intervention ainsi que les réponses à vos questions légitimes, sereinement. Cette règle n’a pas toujours été facile à suivre ces dernières semaines mais elle s’imposait. Je suis donc heureux que le temps de cette audition soit venu. Je voudrais commencer, vous le comprendrez, par un volet personnel avant d’en venir aux missions de la Banque de France et à la première vision que j’en ai.
Pour apprécier mon aptitude à cette fonction, vous avez à juger d’une personne, de sa compétence et de son indépendance.
Sur la personne, pour aller au-delà de certaines étiquettes parfois hâtivement collées, puis-je simplement vous donner deux ou trois éclairages sur mon histoire ? Je suis un homme de l’Est, né à Strasbourg et dont les racines familiales sont depuis longtemps en Sarre, autrefois terre française et aujourd’hui de l’autre côté de la frontière. Nous avons choisi de toujours rester français : ceci crée un lien encore plus profond avec mon pays. Et je suis en même temps un Européen de conviction et de pratique, en Allemagne ou plus récemment en Italie.
Je suis avant tout un homme de service public. J’y ai déjà consacré vingt ans de ma vie professionnelle, marqués notamment par deux grands engagements : la construction de l’Union économique et monétaire, à Paris et à Bruxelles ; la réforme de la direction générale des impôts, que j’ai eu l’honneur de diriger. En 2003, quand je suis allé en entreprise, j’ai dit que c’était pour moi « une autre façon de servir notre pays et la force de son économie ». L’expression a paraît-il surpris des deux côtés de la frontière entre service public et entreprise et je persiste à penser qu’il ne faut pas opposer à l’excès ces deux mondes. J’ai appris à bien connaître les entrepreneurs mais tous ceux qui me connaissent savent que l’intérêt pour la chose publique ne m’a jamais quitté.
J’espère être un homme de convictions. Sans prétendre donner de leçons, avec humilité, je crois à la responsabilité sociale, de chacun mais d’abord des dirigeants y compris économiques. Je crois à l’éthique, y compris en matière financière : j’ai toujours dit ce que je pensais des excès de la finance et de certaines rémunérations ; je me suis engagé pour le développement du microcrédit et de l’entrepreneuriat social. Je crois au débat d’idées et au dialogue entre des personnes respectueuses de leurs différences. Ce dialogue est aujourd’hui pour notre pays, avec toutes ses peurs et le drame du chômage, le défi le plus difficile à relever – vous le ressentez plus quotidiennement encore que moi.
Sur mes compétences, la question n’est évidemment pas d’inventer une querelle entre les inspecteurs et les docteurs. C’est plutôt la variété de mon parcours professionnel – aussi construit autour d’une continuité d’engagement – qui m’a bien préparé pour cette mission. Outre mes connaissances européennes et en économie – j’ai aussi enseigné dix ans celle-ci –, il y a trois savoir-faire spécifiques que j’ai davantage développés, y compris à travers mon expérience bancaire : le management de grandes équipes et d’un réseau ; la connaissance du terrain, des entreprises, en particulier les PME, et de leur financement ; le sens de la pédagogie sur des sujets rapidement trop techniques. Le rapport que j’ai remis fin août sur le financement de l’investissement montre, je l’espère, cette valeur ajoutée.
Cela m’amène à la dernière question personnelle : ce plus de compétence risque-t-il d’entraîner un moins d’indépendance ?
Cette question de l’indépendance est naturellement légitime, et je l’ai prise très au sérieux. J’ai voulu d’abord garantir qu’il n’y aurait jamais de situation de conflit d’intérêts, telle que vous l’avez définie à l’article 2 de la loi de 2013 sur la transparence de la vie publique : que jamais ne puisse exister un intérêt privé « de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif » de mes responsabilités. Après avoir examiné le plus rigoureusement possible l’ensemble des dispositions existant en droit français, comme je le précise dans la lettre que j’ai tenu à vous faire parvenir, monsieur le président, dès le 9 septembre, j’ai décidé de n’avoir plus aucun intérêt ni présent ni différé dans BNP Paribas ni dans aucune autre banque ou institution financière. Pour cela, j’ai renoncé définitivement à tous mes droits financiers.
Les décisions individuelles concernant les grandes banques ont été significativement réduites par le transfert de leur surveillance à Francfort depuis le 1er novembre dernier. Je m’engage cependant, à titre de précaution supplémentaire, à ne participer à aucune décision individuelle d’aucune sorte concernant BNP Paribas dans les deux ans suivant mon départ.
L’indépendance, c’est plus que cette absence de tout conflit d’intérêts. C’est veiller à ce que la réglementation collective du secteur – banques et assurances – soit toujours prise en fonction de l’intérêt général. J’ai lu parfois que je risquais d’être prisonnier de la finance si j’étais nommé. C’est extrêmement mal me connaître : j’ai mes limites, comme chacun, mais je suis un homme libre et je suis un homme droit. Et donc je déciderai en fonction seulement de ce que je crois être bon pour notre pays et son économie. Je m’appuierai pour cela sur l’expertise forte des équipes de la Banque de France et sur ce que je connais du secteur – je crois que c’est un atout. L’exemple des pays étrangers montre combien cette expérience peut apporter pour des banquiers centraux.
L’indépendance, pour conclure sur ce point essentiel, ce sont des règles – les plus rigoureuses possible – mais aussi un caractère et une éthique. C’est sur ces trois composantes que vous apprécierez la confiance à m’accorder et, si vous le faites, ce sont ces trois composantes – des règles, un caractère, une éthique – que j’aurai ensuite à appliquer chaque jour pour défendre le bien commun qu’est la monnaie. Cela m’amène aux missions.
Ces missions s’exercent bien sûr dans le contexte nouveau créé par l’euro, depuis seize ans, et l’Union bancaire depuis l’an dernier. La Banque de France joue toutefois toujours un rôle essentiel pour l’économie française et européenne. Je ne prétendrai pas aujourd’hui vous en donner déjà une lecture achevée et je serais heureux dans l’avenir d’avoir sur ces sujets un dialogue aussi fréquent et complet que possible avec votre commission.
Je résumerai ma vision des missions de la Banque de France autour de trois grands objectifs : la stratégie monétaire ; le service économique pour la collectivité nationale ; la stabilité financière pour une meilleure prévention des crises.
La stratégie monétaire, d’abord. L’euro – on l’oublie parfois – repose sur un système fédéral efficace composé de la Banque centrale européenne (BCE) et des banques centrales nationales. De cet « eurosystème », la Banque de France est le pilier français. Elle a donc tout son rôle à jouer : d’abord en amont, dans les débats et décisions de politique monétaire qui appartiennent au Conseil des gouverneurs ; ensuite en aval, dans la réalisation des opérations qui lui incombent pour notre territoire ainsi que la monnaie fiduciaire – les billets. Je crois que la politique monétaire active aujourd’hui menée avec Mario Draghi est la bonne pour tendre vers une inflation proche de 2 %. Elle est nécessaire aussi pour soutenir la croissance, même si elle ne peut y suffire. Il faut des réformes dans chaque pays, dont le nôtre ; il faut un renforcement de la zone euro ; et il ne faut pas renoncer à l’ambition d’un meilleur ordre monétaire mondial. Notre monnaie, ce sont bien sûr les règles des traités mais c’est à mes yeux beaucoup plus qu’un outil technique : une bonne monnaie comme l’euro doit porter pour nos concitoyens des valeurs essentielles de confiance et de justice. Au titre de cette stratégie monétaire, je veux aussi poursuivre l’ambition incarnée par Christian Noyer d’une Banque de France en position de leadership européen, en particulier sur les opérations de marché ou les moyens de paiement.
Le service économique à la collectivité nationale, ensuite. À ce titre, la Banque de France doit d’abord apporter, notamment aux élus, le meilleur diagnostic possible sur la conjoncture, la situation des entreprises, les financements en soutien du développement. Elle doit rendre des services concrets aux particuliers, à commencer par les plus défavorisés, dans le traitement du surendettement, l’accès aux comptes bancaires, la protection et l’éducation financière des consommateurs. Et elle est de même au service des PME, à travers la cotation et la médiation du crédit. Ces missions de service économique s’ancrent très heureusement sur le terrain : je compte aller dans chacune des nouvelles régions dans la première année de mes fonctions pour rencontrer les équipes de la Banque mais aussi les acteurs publics et privés dans les territoires. Cet ancrage éclaire en retour la stratégie monétaire : la Banque de France a, si je puis dire, cette grande chance d’avoir la tête dans l’Europe et les pieds sur le terrain et je vise à développer encore ce lien.
Enfin, troisième objectif, la stabilité financière. Cette mission s’est évidemment renforcée depuis la crise financière et ses ravages. Elle a son volet individuel pour garantir la sécurité de l’épargne : la supervision des assurances et des banques, avec pour les principales de celles-ci le grand progrès de l’Union bancaire. Un système financier sain sert notre pays. La stabilité financière exige aussi un volet collectif : le renforcement de la réglementation financière et la surveillance des risques d’enchaînement dits « macroprudentiels ». Un travail complexe, considérable, indispensable a été mené depuis 2009 à Bâle, à Bruxelles, à Paris. Des deux bords opposés, ce travail est souvent critiqué, mais excessivement : les règles du jeu n’ont objectivement plus grand-chose à voir avec celles de l’avant-crise ; les banques ont dû renforcer leurs protections. À l’inverse, Bâle III ne pèse pas aujourd’hui à mon sens sur la croissance. Nous devons cependant rester très vigilants pour l’avenir. Cela suppose notamment dans les discussions de Bâle une présence active de la France comme de la zone euro qui partage en général le même modèle de financement par des banques intégrées.
Stratégie, service, stabilité : voici le triangle fondateur des missions de la Banque de France, un triangle dynamique, puisque chacune des missions nourrit les deux autres.
Encore faut-il pour cela deux conditions transversales du succès, par lesquelles je voudrais conclure.
La première est de contribuer encore davantage au débat économique rigoureux dans notre pays. Nos défis sont immenses. Notre culture économique collective passe pour être faible ; nos affrontements sont souvent stéréotypés ; nos cloisons sont trop étanches entre responsables publics, entrepreneurs, recherche économique. Notre pays a pourtant une communauté d’économistes parmi la plus reconnue au monde. La Banque de France a en son sein beaucoup de talents et de données pour nourrir avec toute cette communauté extérieure l’éclairage des problèmes et la recherche de leurs solutions. Je m’engagerai en ce sens.
La seconde clef du succès, ce sont les équipes elles-mêmes de la Banque de France et leur management. Ce sont aujourd’hui 12 000 hommes et femmes très attachés à leur métier et reconnus partout pour leur fiabilité et leur professionnalisme. La moitié est hors des services centraux, dans le réseau essentiellement ou à la fabrication des billets. La Banque est engagée, vous le savez, dans un plan résolu d’adaptation de ce réseau, qui combine efficacité et visibilité dans chaque département. Mais au-delà, il y a, me semble-t-il, un bel horizon de management : la Banque de France peut être, au sein du service public, exemplaire dans la transition des générations, la modernisation de ses méthodes de travail, l’ouverture de sa culture.
La Banque de France peut regarder l’avenir avec ambition parce qu’elle est forte de son nom et de son histoire mais, plus encore, parce que ses missions en font un instrument exceptionnel au service d’une monnaie fiable et plus largement d’une croissance saine et d’un emploi durable. Telles sont, je vous le promets, les finalités qui m’animeront si vous me confiez cette responsabilité pour notre pays.
M. Gilles Carrez. Je vous remercie, monsieur Villeroy de Galhau.
Les demandes d’intervention étant très nombreuses, je donnerai dans un premier temps la parole à Mme la rapporteure générale et à un orateur pour chacun des groupes.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur Villeroy de Galhau, je vais vous demander de prendre des engagements sur trois points précis.
Ces trois dernières semaines, j’ai entendu beaucoup de choses fausses : la régulation et la surveillance bancaires étant désormais transférées à la BCE, les risques de conflits d’intérêts à la Banque de France seraient minorés, a-t-il été avancé. C’est faire l’impasse sur certains aspects importants de ses attributions.
La surveillance qu’elle exerce s’opère soit en chambre, soit à travers des missions confiées à des inspecteurs. Ces inspecteurs sont placés sous la responsabilité du gouverneur, et non de la BCE – je m’appuie sur les renseignements que j’ai pu tirer d’une offre postée sur le site de la Banque de France en mai dernier. Je voudrais avoir votre engagement que vous n’interviendrez pas dans les nominations ou les évaluations d’inspecteurs amenés à intervenir chez BNP Paribas.
Autre mission de la Banque de France : la surveillance du blanchiment, notamment des activités terroristes – je vous renvoie à l’instruction signée par le précédent gouverneur, M. Christian Noyer, en juin 2015. Je voudrais avoir votre engagement que vous n’interviendrez par si des inspecteurs chargés d’effectuer des contrôles en ces domaines étaient amenés à se pencher sur les activités de BNP Paribas.
Troisième et dernier point : la titrisation. Lors de la table ronde organisée il y a deux semaines dans le cadre de la mission d’information sur les normes prudentielles présidée par Jérôme Chartier et dont je suis la rapporteure, tous les participants – représentants des banques, des compagnies d’assurances et du secteur non régulé – se sont renvoyés les responsabilités en la matière : ce n’est pas moi, c’est le voisin ; ce n’est pas l’Europe, ce sont les États-Unis. Ce discours-là, je l’ai entendu en 2006. Nous savons quelle crise a suivi, emportant tout le monde dans ses ravages, faisant 13 millions de chômeurs en Europe. Votre prédécesseur, M. Noyer, a fait l’apologie de la titrisation mais sans être capable de nous donner les chiffres que cela recouvre et les risques que cela implique, ce qui me paraît très dangereux. Je sais que vous avez évoqué la titrisation dans votre rapport sur le financement de l’économie. Je voudrais avoir votre engagement que vous ne l’encouragerez pas si nous ne sommes pas en mesure de fournir des instruments pour la mesurer – ce qui semble être possible aujourd’hui – et d’intervenir au sein du comité Bâle III – peut-être Bâle IV – pour l’encadrer et la réguler. Il ne faudrait pas créer des poches de risques un peu partout sans savoir ce qu’elles représentent car le jour où elles exploseront, il sera trop tard. On aura beau renvoyer les responsabilités aux autres, nous serons tous collectivement responsables.
M. Dominique Lefebvre. Au nom de mes collègues du groupe socialiste, j’aimerais tout d’abord vous remercier, monsieur Villeroy de Galhau, d’avoir réservé à notre commission vos réponses aux questions légitimes qui vous ont été posées. La première partie de votre intervention a montré à quel point vous aviez été touché par les attaques et mises en cause parfois très peu justifiées dont vous avez fait l’objet ces dernières semaines. Et cette réaction n’étonnera pas ceux qui connaissent votre sens de l’intérêt général, du service public, de l’éthique.
Votre expérience professionnelle est riche. D’aucuns pensent qu’elle l’est trop. Si la question du conflit d’intérêts doit être légitimement posée, eu égard aux fonctions que vous exerciez il y a encore peu dans une grande banque française, le fait de connaître le système financier de l’intérieur ne peut en aucun cas constituer selon nous une impossibilité éthique ou morale dans l’exercice des fonctions de gouverneur de la Banque de France, comme certains l’ont avancé à l’envi. Cela nous paraît être à l’inverse un avantage.
J’aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez retirer de votre expérience professionnelle au sein du système bancaire pour vous aider dans vos nouvelles fonctions.
Vous nous avez indiqué avoir renoncé à nombre d’avantages financiers en quittant un poste important dans le secteur privé avec les rémunérations duquel aucune fonction prestigieuse de l’État ne peut rivaliser. Qu’est-ce qui vous pousse à vous exposer au feu des critiques et à supporter des attaques venant de toutes parts en acceptant la proposition du Président de la République ?
M. Hervé Mariton. Notre groupe n’entend pas formuler un choix en lieu et place des autorités compétentes mais se propose, comme le prévoient les textes, de poser des questions de nature à nous assurer que la personnalité proposée par l’exécutif répond aux critères que l’on peut raisonnablement poser.
Ma première question portera sur les débats de politique monétaire. De quelle manière la Banque de France peut-elle mieux qu’aujourd’hui partager avec les Français les enjeux qui s’y rattachent ? J’ai entendu vos ambitions d’ensemble mais j’aimerais savoir de quelle manière vous comptez agir concrètement et les objectifs que vous vous fixez dans ce domaine. Quelle relation entendez-vous nouer avec la BCE sur ces sujets ?
Deuxième question : quel type de relations comptez-vous établir avec les autorités de contrôle qui interviennent dans des domaines dont la Banque de France a aussi à connaître ?
Ma troisième question renvoie au conflit d’intérêts, auquel l’adage « No conflict, no interest » nous amène sans doute à réfléchir davantage. Vous avez quitté vos fonctions à BNP Paribas à la fin du mois d’avril 2015 pour assurer une importante et intéressante mission à la demande du Premier ministre. Cette période a été comprise, et assumée, me semble-t-il, comme une sorte de sas. Veuillez excuser mon impertinence mais s’il y a eu sas, c’est qu’il y avait matière à sas. Pourquoi cette précaution ? Compte tenu des réponses déontologiques que vous avez apportées et de vos propres engagements, ces quelques mois étaient-ils nécessaires ?
Dans une institution comme la Banque de France, le gouverneur a la possibilité matérielle de se déporter pour des décisions ayant trait à BNP Paribas. C’est cependant un établissement important : les enjeux le concernant peuvent être nombreux et être soulevés fréquemment – Mme la rapporteure générale a évoqué quelques circonstances précises. Quelle serait la légitimité des décisions prises dans le cadre d’un tel mécanisme ? Qu’en serait-il de la chaîne de responsabilité nécessaire au bon fonctionnement de la Banque de France ?
M. Charles de Courson. Monsieur le candidat, nulle personne honnête ne peut contester que vous avez les compétences requises pour exercer les fonctions de gouverneur de la Banque de France. Les seules inquiétudes émises concernent votre indépendance, du fait du poste que vous avez occupé pendant douze ans à BNP Paribas. Dans les grandes démocraties occidentales, les gouverneurs de banques centrales sont souvent recrutés parmi des dirigeants de banques privées, elles ne s’en portent ni mieux ni plus mal que la France. La seule question est donc de savoir, mes chers collègues, s’il faut rompre la tradition française selon laquelle les gouverneurs de la Banque de France sont recrutés parmi les hauts fonctionnaires.
Ma première question sera donc la suivante : quelles raisons y aurait-il de rompre une telle tradition ?
Deuxième question : si vous devenez gouverneur de la Banque de France, êtes-vous prêt, avec vos collègues européens, à vous battre face aux pressions des États-Unis qui veulent imposer aux banques européennes agissant sur leur territoire des règles discriminatoires au regard de celles appliquées aux filiales de banques américaines agissant en Europe ?
Troisième et dernière question : pouvez-vous indiquer à la commission quelle est votre situation personnelle actuelle ? Je me demande si vous êtes rémunéré ou non car vous avez démissionné de vos fonctions à BNP Paribas il y a quelques mois et vous avez démissionné de l’inspection des finances il y a quelques années déjà, comme j’ai pu le constater en consultant l’annuaire du corps.
Mme Eva Sas. Avant de commencer mon intervention, je tiens à vous préciser, monsieur Villeroy de Galhau, qu’il ne s’agit en aucun cas pour nous de remettre en cause votre intégrité ou votre compétence. Néanmoins, vous comprendrez qu’en tant que députés, il nous appartient de prendre toutes les garanties qu’exige la nomination à un tel poste. En effet, il faut rappeler que le gouverneur de la Banque de France joue un rôle essentiel dans la supervision et le contrôle des risques du secteur. Je vous renvoie au site même de la Banque de France : « Présidée par le gouverneur de la Banque de France, l’Autorité de contrôle prudentiel vérifie que les établissements de crédit, les entreprises d’assurance et les mutuelles respectent les règles de prudence. La Banque de France analyse aussi les mutations de la sphère financière, en évalue les risques et propose des adaptations de la réglementation. »
La lettre que vous avez adressée au président de la commission des finances souligne en réalité les conflits d’intérêts potentiels que soulève votre nomination. Vous indiquez qu’ayant occupé il y a peu les fonctions de directeur général de BNP Paribas, vous ne participerez à aucune décision individuelle concernant cette banque ou l’une de ses filiales. Or, BNP Paribas représente un quart de l’activité du secteur bancaire en France. Cela vous limitera nécessairement dans l’exercice de votre fonction. Par ailleurs, toutes les décisions ou propositions de régulation générale du secteur auront un impact direct sur ce groupe bancaire qui est le premier en France.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’il existe une grande crise de confiance des citoyens à l’égard des décideurs publics. C’est pourquoi nous devons tout faire pour renouer cette confiance essentielle à la stabilité démocratique de notre pays. Nous ne pouvons permettre que puisse s’instaurer un doute sur l’impartialité des instances de contrôle et de régulation.
J’aurais donc préféré que l’on adopte pour la nomination aux fonctions de gouverneur de la Banque de France les mêmes principes que ceux qui prévalent pour la nomination des membres de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI : seules peuvent y siéger des personnes n’ayant pas exercé dans le secteur contrôlé par cette instance dans les années précédant leur nomination.
Je vous adresserai donc une simple question : que pensez-vous de cette précaution ? Ne serait-il pas, selon vous, pertinent de l’appliquer à l’ensemble des nominations dans les instances de contrôle et de régulation ?
M. Joël Giraud. Monsieur le prochain gouverneur, votre nomination a été annoncée voilà trois semaines par le Président de la République, à la suite de votre mission consacrée au financement de l’investissement des entreprises, considérée au sein même du Gouvernement comme un sas de décontamination. Vous avez été banquier et même, pendant quatre ans, directeur général délégué de la plus importante banque française, BNP Paribas. Un grand banquier pour diriger une grande banque, quoi de plus naturel ?
Plus la polémique enfle sur les graves conflits d’intérêts qu’engendrerait votre nomination, plus nous avons le sentiment que ces réactions portent la marque très française d’une appréciation légèrement présomptueuse des pouvoirs réels dont dispose le gouverneur de la Banque de France dans les instances internationales de régulation – comité de Bâle III, G7, G20 et Banque des règlements internationaux.
À titre personnel, je ne doute pas que si vous aviez la possibilité de réguler définitivement et à vous seul la finance internationale, grâce à votre expertise, votre grande probité et vos valeurs éthiques – pour ne pas dire chrétiennes car je suis radical –, vous ne rateriez pas cette occasion de sauver le monde.
Je souhaite plutôt m’attarder sur les fonctions réelles qui seront les vôtres et qui nous importent en tant que parlementaires, à savoir le copilotage de la politique monétaire européenne. Nous pourrions légitimement vous interroger sur votre vision, du fait que vous n’êtes pas à proprement parler un économiste aguerri ni sur les questions monétaires ni sur les questions européennes. La stratégie actuelle de la zone euro repose sur le traité de Maastricht de 1992 et la mise à jour de son pacte budgétaire de 2012. Pour ma part, je suis un fédéraliste convaincu et je souhaite la mise en place d’une version plus ambitieuse du fédéralisme européen, qui passerait par la politique monétaire, ce qui n’est pas incompatible avec la réflexion éthique exposée dans l’ouvrage intitulé L’Espérance d’un Européen que vous connaissez bien pour l’avoir écrit.
L’approche maastrichtienne a jusqu’à présent largement échoué du fait de quatre erreurs majeures – je reprends l’analyse de notre prix Nobel d’économie Jean Tirole : l’uniformité des contraintes sur les déficits, la complexité des mesures de l’endettement réel des États européens, l’application de sanctions à géométrie variable, la solidarité limitée ou ex post qui mène aux débats actuels sur la question de savoir à combien s’élèvera le coût d’intervention de la BCE et qui le supportera.
Ces obstacles doivent être franchis pour sortir l’Europe de l’ornière, ce qui passe par une mutualisation des dettes et donc une relative perte de souveraineté. Quelle est donc, monsieur le futur gouverneur, votre position sur ce sujet, notamment sur les missions des euro-obligations ?
M. Nicolas Sansu. Monsieur Villeroy de Galhau, ne voyez dans mes propos rien de personnel : il n’est pas dans mes intentions de remettre en cause votre expérience et votre expertise, qui est bien réelle. De nombreux économistes ont signé une tribune contre votre nomination à la tête de la Banque de France en mettant en avant les risques de conflits d’intérêts et les problèmes d’indépendance à l’égard du secteur financier. Mes questions porteront sur ces enjeux.
La question du conflit d’intérêts se pose bel et bien. La nomination d’un banquier à cette fonction serait une première depuis la Libération – mais cela n’aurait peut-être pas posé problème si BNP n’avait pas été privatisée en 1986 puisqu’elle aurait appartenu au secteur public. Depuis les années cinquante, les Américains eux-mêmes s’interdisent de nommer un dirigeant de banque à la tête de la banque centrale américaine. Paul Volcker est ainsi resté dix ans dans un sas de décontamination après avoir été économiste à la Chase Manhattan Bank. À la BCE, la nomination d’un ancien banquier privé n’a pu s’effectuer qu’après un sas de longue durée : neuf ans et non pas six mois.
Autre enjeu : les pouvoirs du gouverneur de la Banque de France. Vous avez indiqué dans la lettre qui nous a été transmise que vous n’interviendriez pas dans les opérations de supervision concernant BNP Paribas. Or, le gouverneur préside le conseil de supervision. Soit vous êtes gouverneur de la Banque de France, soit vous ne l’êtes pas. Il me paraît impossible qu’en cas de conflit, le gouverneur ne puisse intervenir si BNP Paribas est en cause. L’indépendance souffre d’un doute, comme l’ont souligné certains économistes.
Ma troisième question portera sur le processus de désignation. Votre nomination est intervenue après un sas dit de décontamination, formule malheureuse parce que qui dit décontamination dit contamination. Il y a un vrai problème, monsieur Villeroy de Galhau, qui ne tient pas à votre personne mais à votre parcours qui vous a vu passer des cabinets ministériels à une banque privée pour arriver à la Banque de France. On ne pourrait voir meilleure illustration des effets de l’entre-soi et de la prise de pouvoir de l’oligarchie financière.
Enfin, pour ma dernière question, j’aborderai un point plus précis : les prêts Helvet Immo libellés en francs suisses. Conçus par des cadres de Cetelem alors que vous en étiez, je crois, le dirigeant, ils ont été commercialisés par BNP Paribas Personal Finance entre 2008 et 2009 via des intermédiaires en opérations bancaires ou des conseillers en gestion de patrimoine indépendants. Ils ont eu des effets désastreux, faisant la bagatelle de 6 000 victimes, et font actuellement l’objet d’une enquête menée par Mme Thépaut, juge d’instruction. Il arrive que la Cour de cassation ou la Chancellerie demandent l’avis de la Banque de France sur des questions techniques. Le gouverneur Villeroy de Galhau va-t-il être amené à apprécier le travail réalisé sous la direction du banquier Villeroy de Galhau ?
M. François Villeroy de Galhau. Je vous remercie de ces questions que je regrouperai, si vous me le permettez, en trois catégories : les questions personnelles portant sur ma motivation, mon statut et l’éventuel conflit d’intérêts : la supervision et le fonctionnement de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans le contexte de l’Union bancaire ; les missions de la Banque de France, en particulier la titrisation, la politique monétaire, l’architecture de la zone euro.
Je commencerai par les questions personnelles, en évacuant tout de suite une expression que nombre d’entre vous ont dit de ne pas aimer : « sas de décontamination ». Cette expression, je ne l’ai jamais employée. Si j’ai décidé de quitter BNP Paribas alors que cette mission à la Banque de France était une possibilité et non une certitude, bien évidemment, c’était pour être un homme libre et pour rendre un service utile à travers ma mission sur le financement de l’investissement et le rapport que j’ai pu remettre. Ce rapport montre – mais on est sans doute mauvais juge de ses propres œuvres – ce que je peux apporter de connaissance du terrain et d’indépendance par rapport aux banques. Certains de ses éléments ne plaisent pas forcément à la profession bancaire, qu’il s’agisse de mes remarques sur les difficultés qui demeurent en matière de crédits aux PME ou de l’appréciation selon laquelle Bâle III ne pèse pas sur la croissance, contrairement aux craintes que la profession a exprimées. J’ai essayé de dire à chaque fois ce que je crois juste en me nourrissant de ma compétence.
La question de l’indépendance et du conflit d’intérêts ne se règle pas à travers cette période de mission mais à travers les engagements que je veux prendre vis-à-vis de vous.
Vous m’avez demandé, monsieur Lefebvre, quelle motivation m’animait. Je crois qu’elle est assez simple : c’est le service de mon pays, motivation qui vous anime tous ici. Petite remarque personnelle : nous vivons dans un pays qui décourage beaucoup le service public. Quand vous êtes en entreprise – période qui n’a représenté qu’un tiers de ma carrière, j’ai rappelé à quel point j’étais ancré dans le service public –, vous n’êtes pas scruté par les médias et vous gagnez votre vie relativement confortablement, même si j’ai essayé de m’appliquer une modération. Le jour où vous décidez de lâcher cette vie pour vous remettre au service de votre pays, avec les aléas que cela comporte – et ils étaient nombreux dans mon cas –, les ennuis commencent. Je sais que beaucoup d’entre vous ont vécu cela. Une telle désincitation à servir son pays est sans doute regrettable pour notre démocratie.
Monsieur de Courson m’a demandé quel était mon statut actuel. Je n’ai plus aucun lien avec BNP Paribas, j’ai démissionné de toutes fonctions dans cet établissement. Par ailleurs – et je ne l’ai pas fait de gaîté de cœur –, j’ai dû démissionner de l’inspection des finances en 2013 car la période de mise en disponibilité de dix ans permise par les règles de la fonction publique était arrivée à échéance. Aujourd’hui, je ne perçois aucune rémunération et je n’en ai reçu aucune pour ma mission. Je n’ai de contrat ni public ni privé. Je précise enfin pour que les choses soient tout à fait claires que j’ai besoin des revenus du travail pour faire vivre ma famille : je ne vis pas de mes rentes.
J’en viens à la deuxième catégorie de questions : la supervision et le fonctionnement de l’ACPR dans le contexte nouveau créé par l’Union bancaire. Celle-ci a transféré au mécanisme de supervision unique présidé par Mme Danièle Nouy la supervision des principales banques françaises, qui représentent environ 90 % du secteur bancaire français. La décision en la matière appartient, à la suite des missions d’inspection, au collège de supervision unique, collège de la zone euro où siège non pas le gouverneur de la Banque de France mais le sous-gouverneur, lui-même indépendant car nommé par décret en Conseil des ministres.
Pour ces grands groupes bancaires, les missions sont conduites par des équipes regroupant plusieurs nationalités qui comprennent, pour les groupes bancaires français, des inspecteurs de l’ACPR. Ceux-ci sont placés sous la responsabilité d’un coordonnateur européen, qui n’est pas de nationalité française et qui a autorité sur ses équipes pour la conduite des missions d’inspection. Pour BNP Paribas, le transfert de la supervision s’est traduit de manière très claire : l’interlocuteur responsable de la supervision a changé du jour au lendemain au début du mois de novembre 2014.
Je n’interviendrai évidemment pas dans le déroulement de ces missions d’inspection concernant BNP Paribas. Madame la rapporteure générale, je ne crois d’ailleurs pas que le gouverneur soit en position de prendre des décisions individuelles concernant la carrière de ces inspecteurs, qui relève de la hiérarchie de l’ACPR. L’engagement que j’ai pris vis-à-vis de vous s’applique de façon extrêmement claire : je ne compte intervenir ni de près ni de loin dans les affaires concernant BNP Paribas.
J’ai bien compris que ceci suscitait une question presque symétrique : s’abstenir d’intervenir ne crée-t-il pas un problème de fonctionnement ? Je reviendrai sur la genèse des engagements que j’ai pris dans la lettre que je vous ai adressée le 8 septembre, monsieur le président. Je me suis fondé sur l’ensemble des dispositions qui existent en droit français en matière d’indépendance et de conflit d’intérêts et je les ai cumulées de la façon la plus rigoureuse possible. Pourquoi ai-je proposé cette règle d’abstention des deux ans ? Parce qu’à l’article L. 612-10 du code monétaire et financier, il est prévu au sein du collège de l’ACPR une abstention de deux ans en cas d’intérêts passés. Pour certains, il s’agit d’une interprétation extrêmement rigoureuse mais je n’ai pas voulu laisser la moindre place au doute. Cette période, je l’applique à l’ensemble des décisions individuelles prises au niveau de la Banque de France et non pas simplement au niveau de l’ACPR, soit jusqu’au 1er mai 2017.
Deuxième précision pratique qui répond à l’interrogation de Mme Sas : le fonctionnement actuel de la Banque de France fait qu’il y a très peu de décisions individuelles concernant une banque qui relèvent du gouverneur. Je l’illustrerai en évoquant la supervision. Le gouverneur préside le collège de l’ACPR où sont examinées les décisions collectives ; il ne préside pas les deux collèges spécialisés où sont examinées les décisions individuelles : le collège pour les banques, présidé par le sous-gouverneur Robert Ophèle, le collège pour les assurances, présidé par le vice-président de l’ACPR. Il ne participe pas non plus à la commission des sanctions, qui elle est présidée par un conseiller d’État. Qu’il se soit engagé ou non à s’abstenir comme je l’ai fait, le gouverneur n’est donc pas en situation de prendre des décisions individuelles.
Les autres décisions de la Banque de France – opérations avec les établissements, limites de risques – sont toutes enserrées par des procédures fixées par le comité des risques présidé par l’autre sous-gouverneur et sont conduites par la direction générale des opérations.
En pratique, Christian Noyer n’a pas eu ces dernières années à prendre de décisions individuelles concernant BNP Paribas, à une exception près, qui est celle du contentieux américain. Je précise tout de suite que lorsque j’étais à BNP Paribas, je n’ai jamais été mêlé en quoi que ce soit à ce contentieux : ni à l’époque des faits, en 2005-2007 – période à laquelle je n’étais pas membre du comité exécutif –, ni pendant les négociations avec les autorités américaines, ni ensuite lors de l’application des sanctions. Si par extraordinaire un événement exceptionnel de ce type devait se reproduire pour BNP Paribas d’ici au 1er mai 2017, je ne m’en occuperais pas ; l’un des deux sous-gouverneurs s’en chargerait avec toute l’autorité nécessaire. Vous voyez qu’il s’agit de circonstances exceptionnelles, dont on peut souhaiter qu’elles ne se reproduisent pas.
J’en arrive à la troisième catégorie de questions sur les grands enjeux de la politique monétaire et financière.
Madame la rapporteure générale, s’agissant de la titrisation, je ne voudrais pas qu’il y ait la moindre ambiguïté. Je partage l’inquiétude dont vous avez fait état. Il est hors de question que la France ou l’Europe encourage en quoi que ce soit quelque chose qui ressemblerait aux titrisations et à leurs dérives telles qu’on les a connues aux États-Unis avant 2007. La crise financière a fait des ravages, je l’ai dit dans mon intervention liminaire. Il faut faire preuve d’une grande vigilance : tout ce qui s’apparente à un discours de retour à la situation antérieure m’est aussi insupportable qu’à vous. Cependant, comme je l’ai souligné dans mon rapport, une titrisation différente, sécurisée, peut constituer un outil utile pour le financement de notre économie et de nos entreprises.
Je soulignerai deux points. D’abord, la titrisation européenne n’a pas connu en 2007 les graves dérives de la titrisation américaine – il s’agit cependant d’un simple enseignement historique, qui ne saurait constituer une garantie pour l’avenir. Ensuite, cette garantie pour l’avenir passe par l’application de règles fortes pour encadrer une éventuelle titrisation. Les banques centrales ont mené des discussions, à Bâle notamment, sur ce que l’on appelle les critères STS – simples, transparents et standardisés – destinés à éviter toutes dérives futures. Je n’entrerai pas dans le détail, monsieur le président, me contentant de citer trois différences essentielles avec la titrisation des années 2000.
Première différence : les banques ayant regroupé les créances titrisées doivent conserver pour elles une partie du risque. Nous savons tous qu’aux États-Unis, des « origineurs » ont transféré la totalité du risque à des personnes qui ont acheté les actifs les yeux fermés. Permettez-moi ici de vous recommander un ouvrage, Le Casse du siècle du journaliste américain Michael Lewis, qui retrace l’histoire de la titrisation aux États-Unis. Cela se lit comme un roman même si, malheureusement, ce n’est pas de la fiction.
Deuxième différence : la nécessité de disposer d’informations sérieuses et d’une notation sérieuse des créances titrisées – nous savons tous que les agences de notation n’ont pas fait complètement leur travail, même si des informations abusives leur ont été transmises.
Troisième différence : l’absence de titrisation synthétique ou de produits complexes. Je ne sais pas si vous vous souvenez du sinistre CDO2, produit américain reposant sur une titrisation de titrisation aboutissant à faire perdre totalement le contact avec la vie réelle et les crédits sous-jacents. La titrisation qui peut être acceptée en Europe, dans des conditions très encadrées, doit être une titrisation de premier degré, où le sous-jacent est connu, qu’il s’agisse de crédits immobiliers ou de crédits aux PME.
À ces conditions très strictes – et le débat réglementaire est devant nous –, la titrisation peut être un outil parmi d’autres pour faciliter le financement des PME puisqu’elle permet de faire de la place aux crédits aux PME au sein des bilans des établissements bancaires. L’un de vous a évoqué le contentieux entre banques américaines et banques européennes à Bâle. Je peux lui indiquer que l’absence totale de titrisation serait de nature à pénaliser les banques européennes par rapport aux banques américaines.
J’en viens à la question de M. Mariton sur les débats de politique monétaire. Je crois qu’il y a un écart négatif entre la force de notre communauté économique, au sens large, et le fait que les débats qui l’animent ne parviennent pas jusqu’au grand public, ne bénéficient pas assez aux décideurs publics comme privés et ne sont pas assez présents en Europe et sur la scène internationale, même si la recherche économique menée par la Banque de France est de mieux en mieux connue en Europe. Il y a une expression que j’apprécie comme nombre d’entre vous, c’est celle de « pédagogie économique ». Il est important que la richesse des données et des analyses de la Banque de France, l’éclairage qu’elle apporte sur les débats en cours et les solutions soient beaucoup plus accessibles et à l’opinion publique et aux décideurs. De ce point de vue, nous avons une marge importante. Il faut sans doute accepter d’ouvrir un peu plus le débat et faire en sorte que les notes ne soient pas uniquement destinées au public scientifique.
Je reconnais ne pas avoir de PhD en économie parmi mes diplômes d’origine mais je crois avoir une certaine compétence en ce domaine : j’ai enseigné cette discipline pendant dix ans, j’ai publié un ouvrage intitulé Dix-huit leçons sur la politique économique : à la recherche de la régulation qui s’est très correctement vendu. La question n’est pas celle du diplôme. Il faut sur l’économie pouvoir mêler pratique du terrain et éclairage théorique et à cet égard, je pense ne pas être trop mal équipé.
Je terminerai par la question de M. Giraud sur l’architecture institutionnelle. Je partage très largement les préoccupations qui sont les siennes. Je ne pense pas être trop mal équipé non plus pour les discussions dans le cercle européen. Je dispose en effet d’un atout historique : en décembre 1991, j’ai fait partie des négociateurs du traité de Maastricht aux côtés du ministre des finances de l’époque. Entendons-nous bien, je ne dis pas que ce texte est parfait : heureusement, certaines améliorations lui ont été apportées. C’est en tout cas une expérience que je compte allier à mes connaissances économiques.
Je vous rejoins, monsieur le député, quand vous dites qu’un renforcement institutionnel est nécessaire. Mario Draghi a eu l’occasion de le dire et même de l’écrire dans ce que l’on appelle le « rapport des cinq présidents » publié au printemps dernier. Je crois que nous pouvons faire certaines choses très vite sans modifier les traités. Je pense à l’existence d’un trésor européen et au renforcement de l’eurogroupe. À côté des difficiles discussions sur l’union budgétaire, qui doivent avancer, je crois à un projet que j’ai appelé l’union de financement et d’investissement, qui reposerait sur une mise en synergie du plan Juncker, de ce que la Commission européenne appelle, à mon sens de manière inadéquate, l’union des marchés de capitaux et l’union bancaire. Nous pouvons ensemble mieux mobiliser les financements privés au service des entreprises, de l’investissement et de l’innovation en Europe. C’est aussi un projet qui ne nécessite pas de modification de traités et qui peut renforcer la zone euro et la croissance.
M. le président Gilles Carrez. Nous en venons à la seconde partie des interventions.
M. Olivier Faure. Monsieur Villeroy de Galhau, vous avez aux yeux de tous ici, et certainement au-delà, trois qualités : vous êtes énarque, inspecteur général des finances et ancien banquier ; vous avez également trois défauts : vous êtes énarque, inspecteur général des finances et ancien banquier. Les uns penseront que vous avez de l’expérience, notamment parce que vous avez franchi le Rubicon en allant dans le secteur privé ; les autres verront dans votre parcours la trace d’une compromission avec des intérêts particuliers.
Je conçois bien que la polémique autour de votre nomination par le Président de la République ait pu vous paraître blessante ; néanmoins, il est légitime de s’interroger – même si je ne partage pas forcément les interrogations de tous les autres commissaires. Vous vous êtes engagé de façon précise à vous déporter si des décisions concernant directement BNP Paribas ou ses filiales devaient être prises, et vous avez également répondu aux questions sur d’éventuels conflits d’intérêts. En écrivant au président de la commission des finances, vous mettez en place une jurisprudence que je salue : vous avez accepté de ne recevoir ni profit différé, ni prime quelconque de compensation. C’est une voie que nous devrons retenir.
Néanmoins, il me semble que la question principale n’est pas : d’où venez-vous ? mais : où irez-vous ? Or, je crois – mais vous nous le direz – que les statuts de la Banque de France sont très clairs.
D’autre part, vous n’êtes pas économiste, et il n’est pas illogique que les économistes le fassent remarquer. Comment valoriserez-vous votre passage par le secteur bancaire ? Quelle sera pour la Banque de France la plus-value de votre expérience du management ? En quoi votre profil est-il plus adapté à la fonction à laquelle vous aspirez que celui d’un économiste ?
M. Pierre-Alain Muet. Tous ceux qui connaissent M. Villeroy de Galhau savent avec quelle rigueur il s’est, dans les fonctions qu’il a exercées, tenu à l’écart des intérêts privés, et combien il est attaché au service public.
Ma question portera sur la politique monétaire. J’ai souvent salué ici la clairvoyance de M. Mario Draghi, et l’audace avec laquelle il a su prendre des mesures non conventionnelles pour éviter des catastrophes économiques – clairvoyance qui n’a malheureusement été partagée ni par l’ancienne Commission européenne, ni par les États membres de l’Union. Comme beaucoup d’entre nous, j’ai particulièrement apprécié le remarquable exposé de M. Benoît Cœuré, récemment auditionné par cette commission et celle des affaires européennes. Comment vous situez-vous dans ces débats, et notamment sur les mesures non conventionnelles ? Que peut-on améliorer – pour employer un doux euphémisme – dans les politiques européennes, après les graves défaillances que nous avons connues ?
M. Guillaume Bachelay. Le Gouvernement vous a confié une mission sur le financement de l’investissement des entreprises, en France et en Europe. Le soutien à l’investissement relève d’abord des stratégies nationales : c’est le sens du programme d’investissements d’avenir, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, du soutien à l’investissement local annoncé par le Premier ministre... Mais l’échelle européenne est également cruciale. Or, dans votre rapport d’étape, vous constatez que, si l’amorçage est désormais bien financé, nous péchons encore dans le financement du développement des entreprises : « la France – et l’Europe – savent désormais faire naître des start-up, mais elles ne savent pas les conserver », écrivez-vous. Dès lors, « monter de vrais fonds européens de venture capital » doit être une priorité. Il s’agit là d’un enjeu pour l’emploi, pour la croissance, mais surtout pour la souveraineté européenne dans la mondialisation : le risque est bien que, faute de soutien, les entreprises qui émergent ne deviennent la proie d’entreprises plus grandes, et non européennes.
Comment la Banque de France peut-elle soutenir l’investissement productif ? Autrement dit, comment comptez-vous œuvrer à la mise en œuvre de vos propres préconisations ?
M. Christophe Caresche. Mme Mathilde Lemoine a récemment affirmé que les rachats d’actifs par la Banque centrale européenne pourraient mener à des « pratiques discriminatoires ». Quelle est votre position sur ce sujet ?
M. Henri Emmanuelli. Il est inutile que je répète ce qu’a dit Pierre-Alain Muet ; je souscris entièrement à ses propos.
Je lis chaque année le rapport de la Banque de France, et depuis au moins un demi-siècle, il en sourd un dogmatisme replié sur lui-même. Il serait bon que vous apportiez un peu d’oxygène à cet exercice, par exemple en abordant parfois la question – qui n’apparaît jamais – des rémunérations.
Mme la rapporteure générale a eu raison d’insister sur la question de la titrisation. Les banques d’origine doivent conserver à mon avis bien plus que 5 % à 10 % des titres, et il faut prévoir des mécanismes de garantie.
En matière de politique budgétaire et monétaire, pensez-vous vraiment que la Grèce va rembourser sa dette ? Et, même si cela n’apparaît pas dans le traité de Maastricht – je l’ai voté, vous n’êtes donc pas le seul coupable dans cette salle –, ne vous semblerait-il pas opportun que la Banque centrale européenne ne se préoccupe pas seulement de l’inflation, mais aussi du niveau d’emploi, comme c’est le cas pour la Federal Reserve des États-Unis ?
M. Alain Fauré. Je rejoins les propos de Guillaume Bachelay sur l’investissement, ainsi que ceux d’Henri Emmanuelli : la Banque de France pourrait en effet dépoussiérer sérieusement ses analyses sur les entreprises.
Comment la Banque de France pourrait-elle contribuer à réorienter l’épargne des Français vers les entreprises ?
M. Romain Colas. Quelle est votre conception du rôle de la Banque de France en matière de surendettement, phénomène qui concerne un nombre croissant de nos concitoyens ? Je pense particulièrement à sa prévention. Notre droit doit-il évoluer pour lutter plus efficacement contre ce fléau ?
Mme Karine Berger. Monsieur Villeroy de Galhau, vos premières réponses étaient très claires. Vous avez notamment fait référence, dans votre propos introductif, à la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Celle-ci fait obligation à l’ensemble des députés de publier sur internet les revenus perçus au cours des cinq années qui ont précédé leur mandat. Pardonnez-moi cette question directe : pourriez-vous à votre tour nous dire combien la BNP vous a versé, en salaire ou en dividendes, entre 2012 et 2014 ?
Je voudrais également revenir sur la loi du 26 juillet 2013, que j’ai eu l’honneur de rapporter à l’Assemblée nationale et qui a été adoptée avec les voix de la majorité, mais aussi d’une partie de l’opposition – la banque à laquelle vous apparteniez est d’ailleurs largement intervenue, à l’époque, pour essayer d’en limiter la portée. Cette loi confie de nouvelles responsabilités au gouverneur de la Banque de France.
Il préside d’abord le collège de résolution de l’ACPR – j’espère que la résolution bancaire relèvera à l’avenir entièrement de la Banque centrale européenne, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Nous avions, en séance, insisté sur la nécessité de confier ce nouveau rôle au gouverneur de la Banque de France : les décisions doivent être rapides. Comment réagirez-vous si la BNP, l’une de ses filiales, ou surtout l’une de ses concurrentes, est mise en cause ? Comment pouvons-nous être certains du rôle que vous jouerez dans une éventuelle résolution, notamment au cours des deux prochaines années ?
Aux termes de cette loi, le gouverneur de la Banque de France participe également à la nouvelle commission macro-prudentielle, qui prendra des décisions très lourdes de conséquences pour les banques. D’après les auditions que j’ai menées avec Jérôme Chartier dans le cadre du rapport sur l’application de ce texte, c’est d’ailleurs la partie de la loi qui est aujourd’hui la plus grande réussite : ce système permet véritablement de voir venir les problèmes. Or, vos fonctions vous imposeront de porter un œil très critique sur un système bancaire auquel vous avez participé. Je ne comprends pas comment vous conciliez votre engagement à ne pas intervenir dans les affaires qui concernent BNP Paribas et la nécessité, en tant que coprésident de cette commission, de vous exprimer sur les risques macro-prudentiels courus par la France et plus largement l’Europe.
Si nous sommes tous convaincus de votre compétence, nous nous méfions des conflits d’intérêts. Pour prendre une image parlante, on ne nomme pas un torero à la tête d’une commission de protection des animaux... Si l’on vous proposait un autre poste – à la Banque européenne d’investissement, à la Commission européenne, au Fonds monétaire international... – qui serait un poste important mais qui n’implique pas de participer à la régulation bancaire, continueriez-vous de préférer celui de gouverneur de la Banque de France ?
Mme Monique Rabin. Merci, monsieur Villeroy de Galhau, de votre magnifique présentation. Vous avez déjà répondu à de nombreuses questions. Je voudrais insister pour ma part sur la nécessaire rénovation de l’image de la Banque de France, mais aussi de la façon dont elle traite avec les particuliers comme avec les entreprises. En particulier, la Médiation du crédit me semble beaucoup trop prudente : les TPE qui veulent développer des actions très innovantes sont encore trop souvent laissées sur le carreau. Je veux vous faire confiance, mais je voudrais aussi que vous reveniez prochainement devant cette commission pour nous parler de cette modernisation.
Je voudrais également revenir, sur un ton plus grave, sur ce que vous avez vécu et que nous vivons tous. Je regrette profondément la désaffection de nos concitoyens pour ceux qui s’engagent aujourd’hui dans la sphère publique. Aux fonctionnaires, on dit qu’ils ne devraient pas être parlementaires ; quant à ceux qui viennent du secteur privé, ils sont immanquablement soupçonnés de corruption.
Pour ma part, je le redis, j’ai envie de vous faire confiance.
M. Razzy Hammadi. Je ne reviens pas sur la question de votre indépendance, qui a été largement abordée. En revanche, j’aimerais vous entendre répondre à la question posée par Nicolas Sansu.
Comme rapporteur de la loi relative à la consommation, j’ai observé de près les commissions de surendettement, et je voudrais ici saluer le professionnalisme des équipes de la Banque de France.
Je voudrais surtout évoquer ici un dossier qui vous attendra sur votre bureau, si vous êtes nommé : celui de l’hôtel Gaillard. Par son passé, par le passé des financiers qui l’ont construite, la Banque de France est liée au commerce colonial, et donc à l’esclavage, dont, tous les 10 mai, désormais, nous commémorons l’abolition. Or, la Banque de France a le projet de faire de l’hôtel Gaillard une cité de l’économie et de la monnaie, ce qui coûterait plusieurs millions d’euros – alors même que nous disposons déjà d’un musée de la monnaie. Le Premier ministre a estimé qu’il serait plus opportun de faire de cet hôtel un musée de l’esclavage. Quelle est votre position sur ce sujet ? Je précise ici que votre réponse comptera pour beaucoup dans mon vote sur votre nomination.
M. Laurent Baumel. Je précise d’abord qu’en tant qu’agent détaché de la Banque de France, je ne participerai pas au vote.
Monsieur Villeroy de Galhau, dès votre éventuelle nomination, nous n’aurons plus aucune influence sur vous, puisque la Banque de France est indépendante. Il est d’autant plus important pour nous de cerner votre sensibilité.
La politique monétaire n’est pas une science ou un simple outil technique ; c’est un instrument politique qui fait une place à la subjectivité et aux orientations doctrinales. Pour schématiser, il y a deux approches : celle, plutôt monétariste, longtemps incarnée par un Jean-Claude Trichet, privilégiant la recherche d’une stabilité générale des prix et des conditions optimales de fonctionnement du marché ; celle, plutôt keynésienne – si ce terme a encore un sens –, plutôt pragmatique, d’un Mario Draghi, qui veut accompagner et soutenir la croissance. De laquelle de ces deux visions vous sentez-vous le plus proche ?
La Banque de France est aussi amenée à donner des avis sur la politique budgétaire, ainsi que sur ce que l’on nomme pudiquement les « réformes structurelles », c’est-à-dire en particulier la réforme du marché du travail. Sur ces questions, quelle est votre sensibilité ?
M. Dominique Baert. J’ai assez mal vécu la polémique aussi vaine que consternante à laquelle nous avons assisté ces dernières semaines.
La Banque de France ne peut être réduite à la politique monétaire et au contrôle des établissements bancaires, tant s’en faut ! Son gouverneur est aussi le chef d’une entreprise publique forte de plus de 10 000 salariés, qui revêt à la fois une dimension industrielle – dans la gestion de la monnaie fiduciaire – et une dimension de proximité, à laquelle je vous remercie d’avoir fait allusion. Le réseau permet une connaissance fine du tissu économique ; ses liens avec les élus locaux et les élus consulaires mériteraient d’ailleurs sans doute d’être renforcés. La Banque de France joue également, notamment, un rôle majeur dans le domaine du surendettement.
D’autres inspecteurs des finances ont, avant vous, été de grands chefs de cette entreprise publique – je ne citerai que Jacques de Larosière et Jean-Claude Trichet. Ma question est simple : quelle est votre vision de l’avenir de la Banque de France, de son réseau et de sa force économique ?
M. Pascal Cherki. Beaucoup de questions ont déjà été posées.
Il est évident, à entendre les uns et les autres, que vos qualités, et notamment votre intégrité, ne sont remises en cause par personne. Je regrette, en revanche, que l’on ne consulte le Parlement qu’une fois la décision prise : la décision appartient bien sûr au Président de la République, mais il n’y a eu aucune concertation en amont, ce qui amène, hélas, les parlementaires à jouer le rôle qui de procureur, qui d’avocat – ce qui n’est pas souhaitable. Mais cette question concerne le fonctionnement de nos institutions : vous n’y êtes pour rien.
On vous a beaucoup reproché vos anciennes fonctions dans l’une des grandes banques françaises. Pour ma part, je vous avoue avoir très mal vécu, comme parlementaire, le spectacle donné par les représentants de BNP Paribas, de la Société générale et de la Fédération bancaire française lors de leur audition au moment de l’examen de la loi bancaire. Ils nous ont tranquillement expliqué qu’ils avaient écrit cette loi, qui n’amputait leur chiffre d’affaires de façon tellement minime que rien ne changerait pour eux. La manière dont ils nous l’ont dit – je dirais presque la jouissance – en disait long sur les sentiments nourris par l’establishment financier pour les élus de la nation.
Vous avez exercé de hautes responsabilités auprès de différents ministres, mais aussi dans la banque : à la lumière de votre expérience, comment cantonner les banques à leur fonction de financement de l’économie ? Votre pratique pourrait-elle être en rupture avec celle de vos prédécesseurs ?
Ma deuxième question porte sur le surendettement. Ne serait-il pas judicieux aujourd’hui de se demander si une banque peut proposer des crédits à la consommation cinq à huit fois plus élevés que ceux auxquels elle se refinance auprès de la Banque centrale européenne ? Ne faut-il pas envisager de fixer un taux maximal pour ces crédits ?
M. François Loncle. Merci, monsieur le président, de permettre à un membre de la commission des affaires étrangères qui ne votera pas tout à l’heure de s’exprimer ici très brièvement.
Je viens simplement apporter un témoignage personnel. J’ai eu l’honneur de siéger dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy, comme secrétaire d’État, au plan puis à la ville, auprès du Premier ministre. J’ai eu, dans ces fonctions, des contacts presque quotidiens avec M. Villeroy de Galhau, et je voulais dire ici que j’ai jugé vos qualités exceptionnelles et votre intégrité sans faille, de même que votre sens de l’État et de l’intérêt général.
Je n’évoquerai pas ici la pétition des économistes, que j’ai trouvée dérisoire, voire pitoyable. Je souhaite simplement que mes collègues de la commission des finances expriment un vote favorable à votre nomination.
M. Yann Galut. Merci, monsieur Villeroy de Galhau, de la franchise de vos réponses et de vos engagements.
Je commence par dire que, pour ma part, la pétition des économistes me paraît légitime dans le débat public actuel ; je n’ai aucun mépris pour ses signataires, et je ne la balaye pas d’un revers de main. Je suis très surpris d’entendre ce genre de propos en commission des finances : nos débats – vous l’avez souhaité vous-même – peuvent être des débats d’idées, et nos dialogues peuvent être respectueux. Quand un membre éminent de BNP Paribas peut devenir gouverneur de la Banque de France, il est tout à fait légitime, je le répète, que les parlementaires, et plus largement la société civile, s’interrogent – au-delà de vos qualités personnelles que nul ne nie et que je reconnais bien volontiers. D’ailleurs, vous avez vous-même choisi de restreindre le champ de vos futures interventions.
Je suis sûr que vous êtes extrêmement respectueux des parlementaires : pourriez-vous répondre à Nicolas Sansu ?
S’agissant de l’accès aux comptes et des interdits bancaires, quelle est votre position ?
M. Jérôme Chartier. Ce débat est riche et intéressant pour le président de la mission d’information sur les normes prudentielles et le financement non bancaire de l’économie que je suis, comme pour le rapporteur d’application de la loi de régulation et de séparation des activités bancaires que j’ai été, aux côtés de Karine Berger.
Je respecte pour ma part le point de vue de chacun, notamment des économistes qui se sont exprimés, et les questions qui ont été posées.
Faut-il à la tête de la Banque de France un économiste ou un praticien ? C’est là la vraie question. Cette institution est-elle un simple outil d’analyse économique, ou un opérateur important dans le domaine financier ? Je ne connais pas personnellement M. Villeroy de Galhau, mais j’entends des anciens que je respecte faire part de ses qualités : nul n’a de doute sur sa probité. D’ailleurs son passé parle pour lui : jamais il n’a été mis en cause dans quelque affaire que ce soit. Il est loisible de s’interroger sur les éventuels conflits d’intérêts ; évitons, ce qui n’a pas toujours été le cas aujourd’hui, de passer au procès d’intention.
À mon sens, c’est un praticien qui doit être gouverneur de la Banque de France. Les problèmes sont réels, à commencer par la titrisation, évoquée par Mme la rapporteure générale : pour financer l’économie, on met en circulation des titres dont, au bout d’un certain temps, plus personne ne comprend la nature exacte...
Je note aussi que nous avons auditionné un jour un praticien qu’on était allé chercher – pour des raisons de conflits d’intérêts – alors qu’il était à la retraite depuis six ans : il allait donc devoir appliquer une règle dont il n’avait jamais eu connaissance au cours de sa vie professionnelle ! On nage en plein délire.
Soit vous estimez que le passé de M. Villeroy de Galhau crée inévitablement de graves conflits d’intérêts, et alors, mes chers collègues, vous devez voter contre sa nomination ; soit vous estimez qu’il est d’une probité absolue, et alors il me semble qu’il faut considérer que l’on a plutôt besoin, à la tête de la Banque de France, d’un praticien que d’un économiste.
M. François Villeroy de Galhau. Merci de toutes ces questions. Je ne pourrai pas répondre aujourd’hui à toutes, car je ne dispose pas de toutes les réponses précises : nous pourrons, si vous le souhaitez, le cas échéant, y revenir.
Monsieur Faure, je crois que vous résumez bien mes qualités et mes défauts. Si je devais formuler un souhait, ce serait que l’on juge la personne plutôt que ses étiquettes. Je ne sais pas si c’est une maladie spécifiquement française, mais je dois dire que je ne me sens pas décrit par ces trois traits – énarque, inspecteur général des finances et banquier. J’ai essayé de le dire dans mon propos liminaire : mes proches, ceux qui m’ont vu travailler, connaissent une autre personne que celle décrite par ces quelques mots.
M. Henri Emmanuelli. Ce ne sont pas de mauvaises étiquettes, pourtant !
M. François Villeroy de Galhau. Bien sûr, et cela ne concerne pas que moi ! Mais ces quelques semaines m’ont rendu très sensible sur ce point.
S’il ne fallait choisir qu’une seule étiquette, j’aimerais que ce soit celle du service public : c’est là que sont mes tripes. C’est là mon vrai engagement. En revanche, l’étiquette de banquier ne me résume pas. J’ai une expérience bancaire, que j’assume ; j’ai fait, je crois, comme banquier, des choses utiles à mon pays ; j’ai d’ailleurs toujours été du côté de la banque de détail, et proche du terrain.
Plusieurs d’entre vous ont parlé d’arrogance ou de mépris. J’espère n’en avoir pas montré la moindre trace. J’ai mes limites, je l’ai dit ; mais en général, parmi les quelques qualités que l’on veut bien me reconnaître, on cite la capacité d’écoute, l’ouverture et le respect des autres, y compris de ceux qui ont des opinions différentes. Cela vaut pour les 150 économistes signataires. J’espère être le plus mauvais représentant possible de l’oligarchie financière et de son arrogance. Je vous demande pardon de ces mots personnels, mais ils viennent, je vous l’assure, du plus profond de moi.
Vous me demandez, monsieur Faure, où j’irai après. La réponse honnête, c’est : je ne sais pas.
M. le président Gilles Carrez. Au Haut Conseil des finances publiques, peut-être !
M. François Villeroy de Galhau. J’en accepte l’augure, monsieur le président !
En tout cas, si vous décidez de me confier ces responsabilités, la loi dispose en effet qu’au terme des six années de mandat, les activités professionnelles ne sont autorisées pendant trois ans qu’à condition que le conseil général de la Banque de France donne son accord ; il lui revient de vérifier l’absence de toute incompatibilité.
Je vais en tout cas vous faire une confidence qui n’a rien d’un scoop : je ne retournerai pas chez BNP Paribas. J’ai coupé tous les liens.
Monsieur Muet, merci de votre propos personnel. Je me retrouve très bien, je l’ai dit, dans la politique menée par Mario Draghi et par le directoire de la Banque centrale européenne.
J’en profite pour dire un mot de Benoît Cœuré, puisque nous nous sommes retrouvés opposés ces derniers mois. Il a bien voulu dire que j’étais un homme compétent et intègre, et son ami ; je pense la même chose de lui, et je vous garantis que nous travaillerons bien ensemble. Monsieur Chartier, je reprends votre propos final : Benoît Cœuré est économiste, même si je ne suis pas ignare en la matière ; je suis plutôt homme de terrain, proche du financement concret et du management, même si Benoît Cœuré saurait probablement faire. Il y a deux emplois essentiels dans l’eurosystème : la bonne répartition de notre équipe pour la France est plutôt, me semble-t-il, l’économiste à Francfort et l’homme de terrain à Paris. Je redis que, si vous votez en faveur de ma nomination, nous travaillerons ensemble pour notre pays et pour l’Europe.
La Banque de France doit relever bien d’autres défis, vous l’avez dit, que ceux de la politique monétaire, à l’échelle française comme à l’échelle européenne. Il faut profiter du mieux conjoncturel et de cette politique monétaire favorable pour renforcer la zone euro, traiter certains déséquilibres entre les pays européens, et pour amplifier les réformes dont notre pays a besoin – mais je n’ai pas le temps ici de traiter ce point.
Monsieur Bachelay, monsieur Fauré, vous abordez la question de l’investissement. À l’échelle européenne, l’une de nos priorités doit être d’assurer une bien meilleure articulation entre le plan Juncker et l’union des marchés de capitaux. J’ai sonné l’alerte : le lien entre les fonds publics du premier et les fonds privés du second n’est pas suffisant. En France, nous pouvons, je crois, fortement encourager les banques à développer le financement de l’immatériel – c’est l’une des failles dans le crédit bancaire que j’ai identifiées dans mon rapport. Nous pouvons aussi mieux orienter l’épargne de l’assurance-vie vers les entreprises : je pense notamment aux contrats euro-croissance.
Monsieur Caresche, la réponse à votre question est un peu technique ; il me faudra m’y pencher de plus près. Il s’agit de savoir quelles sont les obligations du secteur public, au-delà des obligations souveraines, qui sont éligibles au programme de rachat de la Banque centrale européenne ; Mme Lemoine considère en effet que les conditions actuelles créent des distorsions de concurrence. Pour ma part, sans clore le débat aujourd’hui, je relèverai que l’extension du programme à des obligations du secteur public permet de le rendre plus efficace. Cela me semble aller dans le bon sens. Mais c’est un point qu’il faudra préciser.
Monsieur Emmanuelli, je note votre volonté d’ouverture face aux dogmatismes. Je me permets néanmoins ici de défendre la qualité des travaux de la Banque de France. J’ai assez souligné que je souhaite un débat aussi ouvert que possible, ce qui n’exclut nullement la rigueur scientifique.
Sur le fait que la politique monétaire doit se soucier aussi de la croissance et de l’emploi, il est vrai que cela ne figure pas dans le traité ; il me semble néanmoins que la politique monétaire active menée aujourd’hui par la BCE vise, certes, à se rapprocher de la cible d’inflation de 2 %, mais tient compte aussi de la croissance et de l’emploi. Au-delà de la lettre des traités, qu’il serait très difficile de modifier, la pratique est donc souple, et je m’en réjouis avec vous.
Monsieur Sansu, je vous prie de m’excuser de ne pas avoir répondu tout à l’heure à votre question sur Helvet Immo. Cette omission était tout à fait involontaire. Ces prêts ont été développés non pas par Cetelem, mais par UCB, une filiale de crédit immobilier de BNP Paribas, qui se trouve avoir fusionné avec Cetelem dans BNP Personal Finance. L’affaire est devant la justice et je n’ai pas à la commenter. Je ne suis pas en cause aujourd’hui, mais si jamais un jour je devais l’être – et si jamais un jour se présentait une situation, quelle qu’elle soit, où j’étais personnellement mis en cause – je ne confondrai évidemment pas les casquettes. Je m’organiserai pour que tout soit fait très clairement.
Plusieurs d’entre vous ont posé la question essentielle du surendettement. Le crédit à la consommation sain est utile pour aider les ménages à financer leurs projets, et donc pour la croissance. Mais toute activité économique comporte des risques d’excès : la maladie du crédit à la consommation, c’est le surendettement. Il faut tout faire pour lutter contre ce fléau, auquel je sais que vous êtes particulièrement sensibles. Lorsque j’étais, il y a huit ans, à la tête de Cetelem, je me suis engagé sur ce que l’on appelle le « crédit responsable » ; j’ai changé la communication publicitaire de l’entreprise et publié différents indicateurs sur ce sujet.
Aujourd’hui, tout ce qui pourra être fait pour lutter encore plus efficacement contre le surendettement doit l’être. C’est un travail que j’engagerai évidemment avec les équipes de la Banque de France. La « loi Lagarde » a permis des progrès. Le Conseil constitutionnel a censuré en mars 2014, vous le savez, les dispositions sur le fichier positif : des discussions ont lieu à Bercy autour de M. Constans pour savoir ce qui peut être fait en la matière. Je partage en tout cas entièrement les préoccupations qui se sont exprimées ici.
Madame Berger, ma rémunération comme mandataire social était publique : mon salaire fixe, que je jugeais tout à fait correct, était de 450 000 euros. Je souligne que c’est un montant significativement inférieur à ceux habituels pour les mandataires sociaux de grandes entreprises. Ce n’est pas tout à fait un hasard. Vous me permettrez de ne pas commenter davantage ce choix personnel. Je ne cherche pas à m’attribuer un mérite particulier ; j’ai simplement cherché à demeurer cohérent avec mes convictions.
S’agissant de la résolution bancaire, et sous votre contrôle, il me semble que depuis l’Union bancaire, le pouvoir de résolution est très largement transféré à Bruxelles : le conseil de résolution unique sera, à compter du 1er janvier 2016, responsable des décisions, les gouverneurs ne siégeant pas dans ce conseil. Le collège de résolution français est ensuite responsable de la mise en œuvre des décisions prises par le collège européen.
Nous parlons ici d’une éventualité qu’aucun d’entre nous évidemment ne souhaite voir se produire : celle où une grande banque française, quelle qu’elle soit, se trouverait en grande difficulté. Si par malheur BNP Paribas devait connaître une telle situation avant le mois de mai 2017, je ne présiderai alors évidemment pas le collège de résolution. Il faut espérer que cela n’arrivera pas, non pas pour m’éviter des complications personnelles, mais parce que cela signifierait de grandes difficultés pour l’économie française.
Je vous rejoins sur le fait que la création du Haut Conseil de la stabilité financière a été un apport important de la loi de 2013. Il s’est réuni six fois, et il fonctionne bien. Je serai en effet amené, si des mesures macro-prudentielles collectives devaient être prises, à les proposer. Je m’appuierai sur mon expérience, dans toute sa diversité. Le rapport que j’ai rendu, qui porte en partie sur l’application des normes prudentielles, plaide je crois pour ma compétence mais aussi pour mon indépendance : je ne crois pas que ce que j’ai écrit des effets de Bâle III corresponde aux vues et aux craintes généralement exprimées par l’industrie bancaire.
Madame Rabin, merci de la confiance que vous voulez m’accorder. Je reviendrai volontiers parler de ce que la Banque de France peut faire pour les entreprises, au-delà de tout ce qu’elle fait déjà. La cotation pose quelquefois problème, je le sais, aux chefs d’entreprise ; mais ma conviction est qu’elle représente un véritable actif, une excellente pratique française. Elle n’existe à ce point dans aucun des dix-huit autres États membres de la zone euro – et beaucoup aimeraient la mettre en place. Elle favorise la diversification du financement des entreprises : pour les financements non bancaires, il est en effet essentiel que les nouveaux financeurs connaissent mieux l’entreprise, et la cotation est pour cela un point très positif. Peut-être néanmoins pouvons-nous faire encore mieux, notamment pour les TPE. J’ai fait des propositions en ce sens.
Je reviendrai également, si vous le voulez bien, pour répondre à la question de M. Hammadi sur l’hôtel Gaillard. Je ne prétends pas être aujourd’hui un spécialiste crédible de ce dossier, auquel je n’ai été mêlé en rien. Christian Noyer a fait, je crois, une conférence de presse sur la future cité de l’économie de la monnaie, et je me permets aujourd’hui de vous y renvoyer.
Monsieur Baumel, je me méfie aussi des étiquettes en matière de politique monétaire. Le débat est plus riche qu’une opposition entre monétaristes et keynésiens. Je crois avoir marqué qu’aujourd’hui, la politique menée par Mario Draghi est la bonne pour l’Europe, y compris lorsqu’elle vise à soutenir la croissance.
Monsieur Baert, je suis extrêmement sensible à votre présence, après les épreuves que vous avez vécues ces derniers mois, et je vous remercie de vos propos. La Banque de France a en effet une dimension industrielle importante, notamment avec la fabrication des billets. C’est une position singulière en Europe, une position de leader, puisqu’elle est la seule banque centrale qui dispose d’un ensemble intégré comprenant une papeterie et une imprimerie. Je ne cite qu’un chiffre, élément de fierté : la nouvelle coupure de 20 euros, qui arrive au mois de novembre, a été fabriquée à 44 % sur les presses françaises, entre Vic-le-Comte et Chamalières. Il faut évidemment mutualiser et être aussi efficace que possible : nous y reviendrons sans doute.
Vous avez cité certains de mes prédécesseurs. Permettez-moi de dire ici que j’ai été sensible au fait que trois précédents gouverneurs de la Banque de France, tous nommés au terme d’un pur parcours de service public, ont jugé mes engagements crédibles et de nature à me permettre d’exercer les fonctions de gouverneur de façon compétente et indépendante. Cette autorité morale vaut beaucoup à mes yeux.
Monsieur Cherki, il faudrait revenir chiffres en main sur les taux des crédits à la consommation. Ils ont significativement baissé à la suite de la « loi Lagarde », qui a constitué un progrès sensible. Cette baisse est-elle suffisante, eu égard à celle des taux de financements ? Il me semble que oui, mais cela doit être suivi de près.
Monsieur Loncle, sachez que le fait d’entendre citer ici le nom de Pierre Bérégovoy est pour moi quelque chose d’important. Je serai pudique, mais cela me touche vraiment ; cet homme a beaucoup compté pour moi, et pour beaucoup d’entre nous ici, j’en suis sûr.
Monsieur Galut, l’accès aux comptes est en effet une mission essentielle de la Banque de France. Elle est en fort développement, puisqu’il y a eu 60 000 ouvertures de compte suivant cette procédure en 2014, soit un chiffre double par rapport à celui de 2008. La mission de la Banque de France vis-à-vis des plus défavorisés doit être la plus large possible ; l’un des vrais progrès de la loi de 2013 est la création d’un Observatoire de l’inclusion bancaire, présidé par le gouverneur de la Banque de France. Ma sensibilité personnelle m’amènera à m’engager fortement pour tout ce qui peut être fait dans ce domaine, notamment pour l’éducation financière.
Monsieur Chartier, je termine en vous remerciant de vos propos.
Si vous me faites confiance, j’apporterai toute mon expérience professionnelle, dans sa diversité, et mon sens du jeu collectif en France et en Europe, à ces nouvelles responsabilités – et je le ferai en homme libre.
M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie.
J’invite les membres de la Commission à rester dans la salle pendant que je raccompagne M. Villeroy de Galhau, afin que nous puissions procéder au vote.
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Délibérant à huis clos, la Commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée de M. François Villeroy de Galhau aux fonctions de gouverneur de la Banque de France.
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La commission procède au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opéré par la commission des finances du Sénat.
Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :
Nombre de votants : 43
Bulletins blancs ou nuls : 1
Suffrages exprimés : 42
Avis favorables : 34
Avis défavorables : 8
La Commission a émis un avis favorable à la nomination de M. François Villeroy de Galhau aux fonctions de gouverneur de la Banque de France.
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 29 septembre 2015 à 14 heures
Présents. - M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Yves Blein, M. Emeric Bréhier, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Marc Francina, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Joël Giraud, M. Jean-Pierre Gorges, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Jean-Michel Villaumé, M. Éric Woerth
Excusés. – Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Aurélie Filippetti, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Laurent Wauquiez
Assistaient également à la réunion. - M. François Loncle, M. Lionel Tardy
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