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La commission entend M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2016.
M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, je souhaite en votre nom la bienvenue au secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, qui vient nous présenter le projet de loi de finances rectificative (PLFR) adopté en Conseil des ministres vendredi dernier.
Avant de lui passer la parole, je vous indique que nous examinerons ce collectif en commission le mercredi 30 novembre, le matin, l’après-midi et le soir. Le texte sera à l’ordre du jour de la séance publique à compter du lundi 5 décembre.
La Conférence des présidents a prévu hier un examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances (PLF) pour 2017 le vendredi 16 décembre à neuf heures trente.
Comme les années précédentes, nous avons par ailleurs été saisis, conjointement au projet de loi de finances rectificative, d’un projet de décret d’avance, qui nous est parvenu ce matin. Associé au PLFR, ce décret est destiné à ouvrir les crédits qui ne peuvent attendre la promulgation du collectif ; il porte notamment, comme de coutume, sur les opérations extérieures (OPEX). Nous l’examinerons mercredi prochain en commission, avant le collectif.
Enfin, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a adopté le 14 novembre son avis relatif au projet de loi de finances rectificative et l’a rendu public vendredi 18 novembre. Il vous a été communiqué par courriel et est par ailleurs à votre disposition dans cette salle.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Je vous prie d’excuser l’absence de Michel Sapin ; vous vous doutez qu’un mercredi matin à cette heure, il est en Conseil des ministres.
Je ne commenterai pas la prise position du Sénat sur le projet de loi de finances, mais elle a au moins l’avantage de simplifier l’agenda de votre serviteur… Après l’examen et le vote du projet de loi de finances pour 2017 en première lecture, je remercie l’ensemble des parlementaires et des services qui ont permis aux débats de se dérouler dans de bonnes conditions.
L’épisode qui a conduit le Gouvernement à demander une seconde délibération sur un article très significatif du texte, celui relatif au prélèvement à la source, a donné lieu à une communication assez précoce de l’amendement gouvernemental, ce qui aura au moins ouvert la possibilité à l’ensemble des parlementaires d’y travailler. Je vous concède que ce sont là des conditions un peu particulières, mais ce n’est pas non plus la première fois que nous travaillons ainsi.
La tradition est de déposer au mois de novembre un projet de loi de finances rectificative. Ce texte prolonge le projet de loi de finances pour 2017 par un volet fiscal très substantiel, sur lequel je reviendrai. Il procède également à l’ensemble des ajustements qui permettent de tenir nos objectifs budgétaires en 2016 ; au cours des années récentes, c’est progressivement devenu un des rôles majeurs du collectif de fin d’année.
Ce projet de loi tient compte des éléments nouveaux dont nous avons pu avoir connaissance depuis le dépôt du PLF 2017 et qui ont conduit le Gouvernement à ajuster légèrement sa prévision de croissance pour 2016, à 1,4 %. Cette révision modifie légèrement la décomposition des recettes fiscales mais ne modifie en rien la cible de déficit pour 2016, qui est maintenue à 3,3 %. Les informations comptables dont nous disposons à ce stade de l’année, tant en matière de recettes que de dépenses, confirment en effet que cet objectif sera tenu.
Sur ce point, l’avis du Haut Conseil des finances publiques, qui a eu l’occasion de marquer son indépendance à plusieurs reprises, salue le réalisme et la crédibilité des prévisions et des objectifs du Gouvernement : vous avez pu comme moi relever à plusieurs reprises dans son avis des mots tels que « réalistes » ou « atteignables » alors même que, il y a de cela un peu plus d’un an, le même Haut Conseil, à propos du PLF 2016, faisait état de « risques significatifs », ce qui avait déclenché une campagne de peur et des mouvements inédits de lanceurs d’alerte en tous genres…
M. le président Gilles Carrez. Non rémunérés…
Mme Marie-Christine Dalloz. Et non indemnisés !
M. le secrétaire d’État. Et si vous aviez encore des doutes – je vous sais difficiles à convaincre –, la Commission européenne a publié récemment une prévision de déficit public identique à celle du Gouvernement, à 3,3 %. Contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, le sérieux de notre action en matière de maîtrise des comptes publics se trouve donc confirmé. Ce n’est pas servir l’intérêt général que de systématiquement traiter les projets gouvernementaux de mensongers, d’irréalistes, voire de « bidons » – terme que j’ai entendu dans la bouche de plusieurs parlementaires. J’invite chacune et chacun à un peu plus de prudence.
Premier constat : la remise en ordre des comptes publics se poursuit et se traduit à nouveau par une amélioration du solde budgétaire par rapport à celui de l’année précédente. Nous vous présentons un solde à 69,9 milliards d’euros, après une exécution à 70,5 milliards en 2015. Ce solde est même en amélioration de 2,4 milliards par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2016. Comme en 2015, l’exécution du budget de l’État sera meilleure que la prévision initiale. Nos prévisions étaient prudentes, en dépit des Cassandre qui prévoyaient des dérapages sur le solde budgétaire.
Cette remise en ordre des comptes repose sur la maîtrise des dépenses, sans que nous renoncions à financer nos priorités. Comme les années précédentes, et comme Michel Sapin et moi-même l’avons répété lors de la présentation du programme de stabilité ou du débat d’orientation des finances publiques, toutes les dépenses nouvelles sont financées par redéploiement en respectant la cible de dépenses de l’État fixée en LFI.
Concrètement, ce PLFR et le décret d’avance qui vous a été transmis hier mettent en œuvre les redéploiements de crédits qui permettent d’assurer le financement des dépenses non prévues par la LFI. Ces redéploiements, à hauteur de 4,5 milliards au total, complètent ceux intervenus à l’occasion des deux décrets d’avance de juin et octobre, dont les montants s’élevaient respectivement à un milliard et 700 millions d’euros, et qui avaient notamment permis de financer le plan emploi annoncé en début d’année.
Les dépenses du budget général hors dette et pensions seront strictement tenues au niveau prévu en LFI, à 295,2 milliards d’euros, soit un niveau inférieur de 2,3 milliards d’euros au niveau atteint en 2015 – et ce ne sont pas des prévisions ou du tendanciel, mais de l’exécution. Sur le même champ, la baisse aura été de près de 6 milliards depuis l’exécution 2012, à périmètre constant.
Au sein de cette enveloppe, les priorités du Gouvernement annoncées depuis le vote de la LFI sont intégralement financées. Les aléas ou dépenses qui ne pouvaient être prévus de manière suffisamment précise en début d’année sont également couverts par des économies complémentaires.
S’agissant des priorités, j’ai déjà eu l’occasion de les évoquer en cours d’année, mais je veux ici les préciser. Il s’agit tout d’abord de la politique de l’emploi, pour 300 millions d’euros, l’essentiel du plan emploi ayant déjà été financé en cours d’année par les deux décrets d’avance précédemment évoqués, ainsi que du soutien exceptionnel aux agriculteurs, pour 400 millions.
Nous avons tenu compte de la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires et de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves que perçoivent les enseignants du premier degré, le tout pour 600 millions d’euros. J’entends dire que ces mesures constituent des dépenses supplémentaires non financées : ces dépenses sont bel et bien inscrites, en 2016, pour la part de 2016, ainsi qu’en 2017, pour la part de 2017.
Nous avons également inscrit les mesures en faveur des jeunes, service civique et bourses de l’enseignement supérieur notamment, pour 200 millions d’euros.
En outre, les principaux aléas à financer sont les suivants. Classiquement, il y a tout d’abord les surcoûts résultant des opérations extérieures et intérieures du ministère de la défense, pour 800 millions d’euros cette année ; nous avions prévu 460 millions en LFI. La montée en charge plus rapide qu’anticipée de la prime d’activité et l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ont également été financées, à hauteur de 800 millions. Nous avons, par ailleurs, intégré le coût des refus d’apurements par la Commission européenne de certaines aides agricoles, pour 300 millions.
Ces ouvertures de crédits sont d’abord compensées par des annulations à hauteur de 1,7 milliard, essentiellement sur la réserve de précaution que nous avions portée par prudence à un niveau particulièrement élevé en 2016, ce qui nous a donné les leviers nécessaires pour construire ce PLFR. L’ensemble des ministères sont concernés, en tenant compte chaque année d’une analyse fine des dépenses contraintes et des possibilités d’économies ; la ventilation détaillée est bien sûr disponible dans le projet de loi.
Par ailleurs, les prélèvements sur recettes (PSR) seront réduits de 1,9 milliard d’euros, grâce notamment à une sous-exécution du budget de l’Union européenne en 2016, et le plafond des taxes affectées aux opérateurs sera abaissé de 200 millions par plusieurs prélèvements sur fonds de roulement.
Si l’on tient compte, comme chaque année, du fait que les crédits ouverts ne seront pas dépensés à 100 %, nous avons donc un équilibre des ouvertures et des annulations qui permettra de respecter notre cible de dépense en exécution, comme je l’ai indiqué. Nous assurerons un suivi rapproché de la dépense dans les prochaines semaines pour nous en assurer.
En outre, les économies réalisées sont complétées par des annulations importantes sur la charge de la dette, à hauteur de 2,9 milliards au total. Sur le champ de la norme de dépenses, y compris dettes et pensions, nous ne sommes pas en stabilité mais en baisse, puisque 3,1 milliards d’euros d’économies sont constatées par rapport à la LFI. Ces économies sur la charge de la dette, parfois tournées en dérision en affirmant qu’il s’agit d’économies de constatation, ne sont pas le fruit du hasard : elles traduisent la confiance que nous font les investisseurs. Preuve, une nouvelle fois, que les résultats sont là : nous continuons de maîtriser la dépense, comme nous le faisons depuis 2012 ; et nous ne vous cachons rien.
M. Charles de Courson. Heureusement !
M. le secrétaire d’État. Nous vous avions annoncé de nouvelles priorités en cours d’année 2016 et un financement par redéploiements : vous en trouvez ici la traduction concrète. Et financer ces priorités ne nous empêche pas de respecter notre trajectoire et les engagements pris en LFI.
S’agissant des recettes et des comptes spéciaux, les recouvrements sont en phase avec ce que nous vous présentons. Des ajustements ont été opérés, à la baisse sur les recettes fiscales, presque exclusivement au titre de l’impôt sur les sociétés, et à la hausse pour les recettes non fiscales et le solde des comptes spéciaux, mais en restant très prudent sur le cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, dont on connaît l’extraordinaire volatilité.
Ce sont des évolutions que nous avions annoncées dès la présentation du PLF 2017 et les chiffres ont peu varié, sauf pour intégrer l’opération exceptionnelle de recapitalisation de l’Agence française de développement (AFD), du reste globalement neutre sur le solde. Et je rappelle que le niveau des recettes fiscales tient compte de l’allégement de l’impôt sur le revenu à l’entrée de barème en 2016 et de la deuxième tranche du pacte de responsabilité.
Des dépenses tenues, des recettes atteintes : cela se traduit donc par un solde budgétaire qui s’améliore et la confirmation de l’objectif de déficit public à 3,3 %.
Ce projet de loi de finances rectificative comprend également plusieurs dispositions fiscales importantes.
Je voudrais tout d’abord évoquer celles qui concernent la lutte contre la fraude, qui a été combattue sans relâche sous ce quinquennat, grâce à la mobilisation des administrations, mais aussi à plus de soixante-dix mesures législatives spécifiques adoptées depuis 2012. Les résultats sont là : 21,2 milliards d’euros de redressements fiscaux en 2015, contre 16 milliards en moyenne du temps de nos prédécesseurs. Une différence d’un tiers, ce n’est pas rien…
Les résultats enregistrés nous encouragent à prolonger notre action dans ce domaine. L’enjeu est fondamental pour l’autorité comme pour l’efficacité de la puissance publique. C’est pourquoi, afin d’amplifier cette lutte, et conformément à ce qui a été annoncé lors du Comité national de lutte contre la fraude du 14 septembre dernier, le PLFR pour 2016 comporte de nouvelles mesures qui renforceront l’efficacité du contrôle fiscal tout en garantissant au contribuable une plus grande prévisibilité.
La première d’entre elles concerne la mise en place d’une procédure de contrôle fiscal réalisée à distance à partir de la comptabilité dématérialisée des entreprises. Ainsi, sans que soit rompu le dialogue entre l’administration et le contribuable, l’entreprise bénéficiera d’un contrôle allégé n’impliquant pas la présence quotidienne du vérificateur, lequel pourra se focaliser sur les risques précisément identifiés.
Dans le même esprit, et toujours dans le souci d’adapter nos modes d’intervention à la réalité des enjeux, nous proposons un contrôle spécifique et sur place des remboursements de crédits de TVA, qui sont un vecteur important de fraude. L’administration sera tenue par un délai de soixante jours de traitement de ces demandes pour limiter la durée d’impact sur la trésorerie de l’entreprise.
Les enjeux financiers liés au mécénat sont considérables. Le Gouvernement en a pris la mesure et a décidé de créer une procédure spécifique de contrôle des documents délivrés par les associations pour ouvrir droit aux avantages fiscaux sur les dons. Cette procédure permettra de vérifier que les montants indiqués sur les reçus fiscaux sont corrects. Je précise que cette disposition a préalablement été présentée au Haut Conseil de la vie associative, qui en a approuvé le principe.
Dans la lutte contre la fraude, notamment à l’échelle internationale, un accès rapide à l’information est déterminant. C’est pourquoi, en écho à l’initiative de votre assemblée sur les « aviseurs », l’administration pourra désormais entendre officiellement des témoins de fraude fiscale internationale et utiliser le résultat de ces auditions.
Enfin, nous prévoyons de nouvelles dispositions afin d’amplifier la lutte contre l’optimisation en matière d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le PLF prévoit déjà de contrer les montages qui, de façon tout à fait artificielle, augmentent le plafonnement de cet impôt. Certains abus ayant également été constatés sur l’exonération des biens professionnels, nous proposons dans ce projet de loi de finances rectificative les dispositions qui permettent d’y mettre fin.
Ce texte trouve également des réponses appropriées à différentes décisions du Conseil constitutionnel, et ce principalement sur deux points.
D’une part, les contribuables qui ne déclaraient pas un compte à l’étranger étaient jusqu’ici soumis à une amende, indépendamment d’un éventuel redressement fiscal. Cette amende était exprimée soit en montants forfaitaires soit en proportion des avoirs : 5 % lorsqu’ils dépassaient 50 000 euros. Le Conseil constitutionnel a récemment censuré cette amende proportionnelle. La non-déclaration d’un compte à l’étranger restant une infraction grave, les pénalités fiscales en cas de redressement effectif seront désormais automatiquement de 80 % si les fonds figurent sur un compte non déclaré à l’étranger, contre 40 % la plupart du temps aujourd’hui.
D’autre part, le Conseil constitutionnel a censuré, pour rupture du principe d’égalité, l’exonération de la taxe de 3 % dont bénéficiaient les groupes fiscalement intégrés. J’ai lu trop d’erreurs d’interprétation sur ce point : rappelons que le Conseil n’a pas censuré la taxe de 3 %, contrairement à ce qu’ont écrit certains observateurs ; il a seulement supprimé l’exonération de cette taxe pour les groupes fiscalement intégrés – les filiales de groupes étrangers détenues dans des conditions comparables en étaient privées. Nous avions jusqu’au 1er janvier pour corriger les choses, faute de quoi l’État se retrouverait à percevoir des recettes disproportionnées par rapport aux capacités des acteurs économiques. Pour épargner aux grandes entreprises françaises une hausse d’impôt de 3,6 milliards, tout en respectant le principe d’égalité, l’exonération sera étendue, si vous l’acceptez, aux distributions des filiales françaises de groupes étrangers dès lors que le critère de détention de 95 % sera respecté. La neutralité budgétaire de cette réforme est assurée par la création d’un acompte de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) sur les très grandes entreprises et elles seules.
Ce projet de loi renforce également nos politiques publiques en matière de développement économique, de logement et d’environnement. Je ne citerai que deux mesures à cet égard. Ce PLFR met en place le compte PME innovation (CPI), qui vise à inciter les entrepreneurs vendant les titres de leur société à réinvestir le produit de leur vente dans des PME ou des entreprises innovantes et à les accompagner, en apportant à la fois leurs capitaux, leur expérience d’entrepreneur et leurs réseaux. La contrepartie fiscale de cet accompagnement sera un report de la taxation des plus-values, jusqu’à la sortie du compte, avec une compensation entre les plus-values et les moins-values.
Suivant les orientations de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ce PLFR fixe aussi une trajectoire jusqu’en 2025 de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Il est particulièrement utile de donner une visibilité à moyen terme aux opérateurs économiques, comme nous l’avons fait avec la contribution climat-énergie.
Voilà une présentation aussi synthétique que possible de ce texte très riche qui entend poursuivre les réformes, soutenir la croissance et contribuer au redressement de nos comptes publics.
M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le secrétaire d’État.
Pour gager les ouvertures de crédit importantes, à hauteur de quelques 5 milliards d’euros, sans tenir compte de la recapitalisation de l’AFD, opération totalement neutre, y compris en termes budgétaires, puisqu’il s’agit de transformer un prêt en fonds propres, sont prévus une diminution de la charge de la dette de 2,9 milliards – est-ce que cela se reproduira dans l’avenir ? –, des économies très significatives au niveau des prélèvements sur recettes, qu’il s’agisse de l’Union européenne, pour 1,2 milliard, ou des collectivités territoriales, pour 700 millions – est-ce que c’est structurel ? –, ainsi que quelques prélèvements ponctuels de fonds de roulement sur divers opérateurs, pour 200 millions. Autrement dit, vos ouvertures de crédits sont gagées, l’équilibre est assuré, mais on peut s’interroger sur la pérennité et le renouvellement de quelques gages.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Comme tout projet de loi de finances rectificative, au côté d’une partie budgétaire, dont la matière est formée par les réajustements proposés par rapport à la loi de finances initiale, celui-ci comporte un certain nombre d’autres articles – en l’occurrence, une dizaine sur quarante-quatre – dédiés à des procédures fiscales. Or nous n’avons pas, à ce stade, les évaluations préalables des articles fiscaux, qui engagent pourtant un certain nombre de réformes importantes. Vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le secrétaire d’État, qui avez vous-même été rapporteur général, que nos délais sont très serrés.
Ce PLFR acte la création du CPI. La question des seuils ayant suscité des discussions, et nous avons, les uns et les autres, vu circuler plusieurs moutures. Pourriez-vous nous détailler ce qui est finalement envisagé ?
Par ailleurs, si vous proposez une poursuite de la trajectoire d’évolution de la TGAP pour le stockage des déchets, l’évolution proposée s’arrête en 2017 quand il s’agit de leur traitement thermique. Y a-t-il une raison particulière à cela ? Est-ce appelé à évoluer par la suite ? Et quelles sont les conséquences, notamment financières, des dispositions que vous prenez en matière de TGAP pour les collectivités locales ? Existe-t-il une évaluation ? Le cas échéant, pouvez-vous nous la transmettre ?
J’en viens aux aspects budgétaires.
En page 13, dans l’exposé général des motifs de ce projet de loi de finances rectificative, vous indiquez que le déficit budgétaire s’améliore de 2,4 milliards d’euros, mais, par rapport à la loi de finances initiale, les recettes fiscales sont en baisse de 2,6 milliards d’euros, tandis que les dépenses en hausse de 2,3 milliards d’euros. L’amélioration du solde budgétaire provient du solde positif – 5,8 milliards d’euros – des comptes spéciaux. Pourriez-vous nous en préciser le détail ?
La mission Défense est l’objet tout à la fois d’ouvertures et de fermetures de crédits pour des montants équivalents, de l’ordre de 700 millions d’euros. Pourriez-vous nous préciser ce qu’il en est ?
Enfin, pourriez-vous nous rappeler ce qui a fondé l’opération de recapitalisation à hauteur de 2,4 milliards d’euros de l’AFD ? Comment est-elle comptabilisée en termes budgétaires et en termes « maastrichtiens » ? Il y a parfois des écarts entre les deux.
M. Dominique Lefebvre. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour cette présentation. Chargé de présenter la position du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je m’en tiendrai à l’essentiel.
Comme l’a rappelé la rapporteure générale, ce PLFR comporte deux volets. Les mesures fiscales visent essentiellement à lutter contre la fraude fiscale ; bien évidemment, notre groupe s’en félicite. Nous en débattrons – nous en avons d’ailleurs déjà débattu la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances –, mais les dispositions proposées viennent compléter le bilan, tout à fait positif, de l’actuelle majorité dans ce domaine, qui a toujours eu le souci de prendre des mesures opérationnelles plutôt que des mesures d’affichage, qui peuvent parfois susciter l’intérêt, mais qui, si elles n’ont pas d’effets pratiques, peuvent poser problème.
L’objectif d’un déficit de 3,3 % du produit intérieur brut (PIB) sera tenu, vous l’avez dit, et la Commission européenne en convient, de même que le Haut Conseil des finances publiques. Voilà qui purge une partie du débat habituellement ouvert par le président de la commission des finances et par nos collègues de l’opposition : « Les objectifs seront-ils atteints ? » Nous en débattrons au cours des prochains mois : reste qu’ils l’ont été en 2015, ils le seront en 2016, et ils le seront également en 2017, pour peu que nous nous donnions une discipline budgétaire, autrement dit que nous ne laissions pas les recettes s’évaporer n’importe comment ni les dépenses dériver. Ayant présidé un certain nombre de commissions élargies, lors de l’examen du PLF, j’ai entendu de nombreux collègues, pas simplement de la majorité, réclamer des crédits supplémentaires – pour l’aide au développement, pour l’agriculture, pour le sport, etc. J’attends de voir ce qui peut être fait et dit…
À entendre le président Carrez, nous nous en sortons parce que nous faisons des économies sur la dette et sur le PSR opéré au profit de l’Union européenne (PSR-UE). Il y a deux questions à clarifier. Tout d’abord, avons-nous fait des économies ou avons-nous tout simplement été prudents ? Nous avons tout simplement fait le choix d’inscrire des crédits dont nous savions qu’ils ne seraient probablement pas consommés ; ce faisant, nous nous en sommes tenus à une attitude prudente, notamment à propos de la dette et des taux – la perspective d’une remontée des taux n’est plus à exclure. Mais dès lors que nous disposions, à la fin, d’une marge de manœuvre connue, c’était une bonne chose de l’utiliser. Ensuite, se pose effectivement la question des montants, et cela vaut aussi pour le prélèvement sur recettes de l’Union européenne. Quelle est la trajectoire du PSR-UE pour les prochaines années ? Va-t-il remonter ou non par rapport aux crédits inscrits en PLFR pour l’année 2016 et en PLF pour l’année 2017 ?
Pour notre part, nous avons toute raison d’être satisfaits de ce projet de loi de finances rectificative.
Enfin, à croire les journaux, on n’aurait jamais vu de redéploiements aussi importants. Mais sur ces 7 milliards d’euros, précisons qu’ils incluent une recapitalisation de 2,4 milliards d’euros, qui est neutre, et que l’on travaille, en bonne gestion, avec la réserve de précaution. Le reste relève d’un débat que nous aurons au cours des prochains mois sur les orientations des politiques publiques et leurs conséquences.
M. Hervé Mariton. M. le secrétaire d’État a évoqué l’avis du Haut Conseil des finances publiques, mais celui-ci indique que même un taux de 1,4 % se situe encore dans le haut de la fourchette des prévisions disponibles…
Par ailleurs, si le Gouvernent a révisé l’hypothèse de croissance pour 2016, il ne révise pas celle retenue dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2017.
M. Dominique Baert. On est en PLFR, pas sur le PLF…
M. Hervé Mariton. Il y a pourtant un lien entre les deux… Je n’ai pas usé, dans la discussion du PLF pour l’année 2017, de l’argument de l’insincérité, car je vous rejoignais sur ce point, monsieur le secrétaire d’État : il faut bien peser ses mots. Cependant, si le Gouvernement, tout en restant ambitieux, juge aujourd’hui nécessaire de réviser l’hypothèse de croissance retenue pour l’année 2016, ne devrait-il pas, à la fois d’un point de vue technique, par lucidité et par cohérence, réviser aussi l’hypothèse retenue pour 2017 ? Autrement dit, l’argument de l’insincérité, que nous nous interdisions d’utiliser jusqu’à présent, ne revient-il pas à la surface dès lors que le Gouvernement ne tire pas pour 2017 les conséquences de ce qu’il assume pour 2016 ? C’est le point qui me paraît important à ce stade du débat. J’attends que le Gouvernement s’explique, d’autant que cela peut poser le problème de la constitutionnalité du PLF pour 2017.
M. Charles de Courson. J’ai trois grandes questions à poser au Gouvernement.
M. le secrétaire d’État. Et combien de sous-questions ?
M. Charles de Courson. Vous allez voir : c’est assez fin…
Premier point, le projet de loi de finances rectificative se fonde sur une hypothèse de croissance du PIB que le Gouvernement a ramenée de 1,5 % à 1,4 %. Puis-je vous lire, chers collègues, ce que dit le Haut Conseil des finances publiques de cette révision à la baisse, à mon avis insuffisante ? « Le Haut Conseil constate que la prévision de croissance du Gouvernement, révisée de 1,5 à 1,4 % pour 2016 se situe encore dans le haut de la fourchette des prévisions disponibles. » Effectivement, celles-ci tournent plutôt autour de 1,2 % ou 1,3 % ; une hypothèse de 1,4 % est donc plutôt au sommet de la fourchette. Jusqu’à présent, le Gouvernement retenait la moyenne du consensus, ce qui me paraît raisonnable ; je l’en avais d’ailleurs félicité. En l’occurrence, cette moyenne est de 1,3 %, les hypothèses les plus basses étant de 1,2 %. Le Haut Conseil critique encore plus fortement la non-révision de l’hypothèse d’une croissance de 1,5 % pour l’année 2017 : « Le Haut Conseil confirme l’appréciation qu’il a portée dans son précédent avis sur les prévisions du PLF 2017. »
Deuxième point, ce projet de loi de finances rectificative inclut-il l’ensemble des dépenses auquel l’État doit faire face ? Lors de l’examen des crédits de la mission Agriculture du budget pour 2017, M. Le Foll nous avait dit que la traduction budgétaire des mesures du dernier plan de soutien à l’agriculture figurerait dans le projet de loi de finances initiale pour 2017, mais je ne l’y ai pas trouvée. Peut-être n’ai-je pas suffisamment cherché… Et je ne vois rien non plus, ni dans le projet de loi de finances initiale pour 2017 ni dans ce projet de loi de finances rectificative pour l’année 2016, sur la recapitalisation d’Areva, qui devait normalement intervenir en janvier. Il y en a quand même pour 4 à 5 milliards d’euros et, soit dit en passant, c’est, pour partie, une dépense publique pure au sens « maastrichtien » : on ne peut considérer que la totalité de cette somme soit une vraie recapitalisation, il s’agit aussi de couvrir des pertes accumulées.
Troisième observation, sur le financement de ces 7 milliards d’euros de dépenses, dont il faut certes retrancher 2,4 milliards d’euros qui correspondent à la transformation d’une dette de l’AFD en capitaux propres. Restent donc à financer 4,6 milliards d’euros de dépenses, auxquels s’ajoutent 2,6 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales, soit un total de 7,2 milliards d’euros.
Analysons les moyens mis en face de ces dépenses. Nous avons 2,9 milliards d’euros de baisse des intérêts, parce que, pour l’État, maintenant, s’endetter rapporte, mais cela ne peut durer : la Réserve fédérale américaine a annoncé qu’elle allait remonter ses taux directeurs ; le problème est de savoir à quelle vitesse. Autrement dit, ce n’est pas une vraie économie, mais une économie de constatation, à la faveur d’un phénomène qui va s’inverser. Viennent ensuite 300 millions d’euros d’anticipation de la recette de la C3S dès 2016 en augmentant l’acompte. S’ajoutent 200 millions d’euros de prélèvements sur trois caisses d’organismes publics, dont l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), opérations par nature non reconductibles, et la révision, à hauteur de 800 millions d’euros, des versements aux collectivités territoriales au titre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), liée à la chute de leurs investissements – nous vous en avions prévenu, et en voilà la traduction dans le FCTVA. C’est la conséquence d’une politique qui n’est pas forcément durable. Et pour terminer, 700 millions proviennent de la vente de bandes de fréquence, opération elle aussi non reconductible. Et je ne parle pas du « Brexit » qui nous affectera probablement aussi de ce point de vue : le Royaume-Uni étant contributeur net de l’Union européenne à hauteur de 7 milliards d’euros, on peut s’attendre à une remontée du prélèvement sur recettes à partir de 2018. Tout cela fait 6,1 milliards d’euros, mais où sont donc les économies réelles et permanentes ? C’est cela qui m’inquiète beaucoup. Grosso modo, ce sont, pour l’essentiel, des mesures non reconductibles. Que répondez-vous à cela, monsieur le secrétaire d’État ?
M. Joël Giraud. Ma première question porte sur les paradis fiscaux, plus particulièrement sur le Panama. M. Michel Sapin avait déclaré qu’en 2016 la France serait « très attentive à l’évolution des échanges avec le Panama » : « La coopération aux demandes d’information des autorités françaises n’est aujourd’hui pas satisfaisante et la France veillera à la mise en œuvre effective des engagements de coopération pris au mois d’octobre 2015 au Forum mondial, par cet État. » Rappelons qu’à la fin du précédent quinquennat, à la fin de l’année 2011, la France avait ratifié une convention fiscale avec le Panama, alors encore classé sur la liste des États non coopératifs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui n’est pas franchement une organisation de gauchistes. La ratification de la convention, qui avait été promise à l’ancien Président de la République Ricardo Martinelli – un homme d’affaires particulier, dirons-nous –, avait permis à cet État de sortir de notre liste des paradis fiscaux, malgré une législation interne qui n’était pas encore tout à fait à la hauteur. Pourquoi donc la France a-t-elle attendu 2016 pour réinscrire Panama dans la liste des États non coopératifs ? Quels résultats avez-vous obtenus ces derniers mois ? Et j’aimerais bien que ne se reproduise pas ce qui s’est produit avec Jersey et les Bermudes : on ne peut pas retirer un pays de la liste au bout de six mois si l’on veut évaluer sérieusement les progrès accomplis et vérifier la réalité de la coopération. Évitons de ressortir le Panama de la liste en 2017…
Cette question me paraît d’autant plus pertinente que le Panama figure sur la liste des trente États non coopératifs dressée par l’Union européenne, dite « liste Moscovici », alors que la liste établie par la France, qui se fonde pourtant sur les mêmes évaluations, n’en retient que huit.
Ma seconde question est relative à la prise en compte de ce que j’appelle notre effort de guerre au sein de l’Union européenne. Ce qui m’inquiète, ce n’est pas que le Haut Conseil nous décerne un satisfecit ou non, mais le fait que nos dépenses de défense et de maintien de la paix ne soient toujours pas prises en considération, notamment dans le calcul du déficit structurel, alors qu’elles profitent à l’ensemble de l’Union européenne et découlent du traité.
Une proposition de résolution européenne en ce sens, déposée par la majorité, a été adoptée, et le sujet a également été évoqué lors de récentes primaires. Où en sont vraiment les négociations ? Elles devaient s’ouvrir en 2015. Le Gouvernement maintient-il la pression à Bruxelles ou a-t-il lâché prise ?
M. Nicolas Sansu. Je suis toujours aussi surpris de l’ampleur que peut prendre le débat sur l’hypothèse de croissance retenue : 1,4 % ou 1,5 % ? Ce qui intéresse nos concitoyens, c’est de savoir si la croissance, fût-elle de 1 %, crée des emplois, de l’activité ou pas. C’est à mon sens la seule question qui vaille. On peut avoir des modèles de croissance différents : une croissance de 2 % peut ne pas créer d’emplois, une croissance de 1 % peut en créer.
Je ne reviens pas sur la philosophie générale du PLFR, qui s’intègre dans le prolongement des autres lois de finances. Bien sûr, la maîtrise des dépenses est assurée et les comptes présentés sont réalistes et exacts. Arrêtons de jouer et de surjouer sur ces questions ! Et si le Gouvernement a fait de la ligne des 3 % un horizon indépassable, cela ne semble pas le cas de tout le monde, si j’ai bien compris un certain nombre de programmes… Chacun doit balayer devant sa porte.
Nous serons très vigilants, comme l’a dit notre collègue Giraud, sur les dispositifs de lutte contre la fraude fiscale. Ce quinquennat aura permis d’avancer. Entre nous, un certain nombre de points sont toujours l’objet de débats, mais, très clairement, les dispositions présentées nous agréent.
Comme l’a souligné Charles de Courson, les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et au titre du FCTVA sont révisés à la baisse de 800 millions d’euros. Cela montre à quel point l’investissement public local s’est bel et bien effondré ! Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le pays : c’est notre patrimoine commun qui en pâtit.
Par ailleurs, des dispositions prises en loi de finances initiale pour 2016 posent de vrais problèmes. Nous en avons parlé lors de l’examen des articles non rattachés du projet de loi de finances pour 2017. Je songe aux exonérations dont bénéficient les offices de l’habitat et les sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré, mais nous avons le même problème avec la hausse du revenu fiscal de référence : c’est une très bonne chose pour nos vieilles mamies et nos vieux papys pauvres, mais cela affecte les communes les plus en difficulté. L’absence de compensation des effets pour les communes de l’article 75 de la loi de finances pour 2016 pose problème. Notre rapporteure générale, Valérie Rabault, prévoyait dans son rapport une érosion de 2 % des bases de taxe d’habitation, mais les disparités sont telles que ce sont les collectivités les plus pauvres, ou en tout cas celles qui accueillent les vieux pauvres, qui sont aujourd’hui mises en difficulté – ce n’était pourtant pas l’objectif du législateur !
M. le secrétaire d’État. Je veux revenir sur la question de la sincérité, même si on se défend d’employer le mot, et sur les conséquences en 2017 et 2018 des choix qui peuvent être faits dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative. En lisant Les Échos ce matin, je suis tombé de ma chaise : j’avais entendu les partisans de M. Fillon – mais, monsieur le président, vous en êtes depuis la première heure, vous au moins – soutenir, toutes choses égales par ailleurs, que le déficit serait en 2017 de 4,7 % du PIB. Nous nous en étions tous les deux expliqués lors d’une interview croisée accordée à Patrick Roger du Monde. Je vous avais dit que c’était complètement fantaisiste.
M. le président Gilles Carrez. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !
M. le secrétaire d’État. Je ne répéterai pas les propos que vous aviez alors tenus, monsieur le président, mais je les avais qualifiés de totalement fantaisistes.
La réponse à cette question de la sincérité, mesdames et messieurs les députés, est dans l’avis de la Commission européenne : « À politique inchangée, le déficit sera de 2,9 %. » Certes, ce n’est pas 2,7 %, mais c’est très inférieur à 4,7 %. Et dans ses prévisions, que nous avons évidemment examinées à la loupe, la Commission ne prend pas en compte un certain nombre d’économies que nous avions prévu de faire mais dont nous doutions de la faisabilité – notamment celles qui concernent l’Unédic, pour 1,6 milliard d’euros. Malgré cela, au terme de son analyse, elle estime que le déficit sera limité à 2,9 % du PIB. Et vous prétendez que le déficit sera de 4,7 % ! Cela n’a pas de sens.
M. Charles de Courson. Je n’ai jamais dit cela.
M. Hervé Mariton. Qui le dit ?
M. le secrétaire d’État. Je lis la presse, j’écoute la radio, je regarde la télévision, monsieur Mariton. J’ai d’ailleurs noté que le discours a changé depuis : dans Les Échos de ce matin, on ne parle plus que de 3,5 % ou de 3,2 % – on n’aurait jamais parlé de 4,7 % ! J’ai aussi regardé sur internet les prévisions du programme du parti Les Républicains – il est vrai que tout le monde l’a oublié –, ou les chiffres donnés dans le cadre de la campagne de M. Fillon. Ils sont du même ordre de grandeur. Soyons sérieux ! Nous ne servons pas la cause de la crédibilité de la parole de l’État, quels soient ceux qui le gèrent, en tenant ce genre de discours.
M. Hervé Mariton. Pour ma part, je n’ai employé de tels chiffres dans aucune de mes interventions sur les questions budgétaires !
M. le secrétaire d’État. Je vise l’ensemble des députés présents – et même des absents…
Madame la rapporteure générale, les évaluations préalables sont prêtes. Elles seront transmises ce matin. Vous aurez donc un peu de temps d’ici à l’examen du texte – cela vous laisse un délai plutôt convenable pour les étudier ; on a connu pire, même si on a aussi probablement connu mieux.
L’expérience nous a tous appris que les projets du Gouvernement peuvent être amendés ; mais, en tout cas, pour ce qui concerne le compte PME innovation, le projet du Gouvernement ne prévoit pas de seuil supérieur : on peut mettre sur ce compte tout l’argent qu’on veut, que ce soit 100 000 euros, 10 millions, un milliard… Il n’y a pas de plafond. Pour faire entrer les titres dans le CPI et bénéficier de l’avantage fiscal, il faudra ou bien avoir été dirigeant ou salarié pendant au moins vingt-quatre mois et avoir détenu au moins 10 % du capital ou des droits de vote, ou bien avoir détenu plus de 25 % du capital ou des droits de vote. L’investisseur devra soit être dirigeant de la société au capital desquelles les liquidités sont employées, ou membre de son conseil d’administration, soit signer une convention d’accompagnement aux termes de laquelle il s’engage à fournir à l’entreprise des conseils à sa demande et à titre gratuit. Je sais d’ores et déjà que cela donnera lieu – c’est normal – à des débats.
Par ailleurs, nous préférons que l’évolution de la TGAP suive chaque année les progrès des techniques utilisées, et ajuster ainsi la partie « traitement thermique » – la précédente trajectoire, sur 2013-2015, concernait les seuls déchets. Quant aux effets sur les collectivités locales, avec les améliorations technologiques, le principe d’une taxe incitative permet de ne pas alourdir la charge pour les collectivités. La preuve en est qu’aujourd’hui on paie 16,10 euros la tonne en moyenne, alors que le taux de base est de 30 euros la tonne, ce qui montre que la valorisation des déchets progresse – et c’est précisément l’objectif de la TGAP.
La recapitalisation de l’AFD, d’un montant de 2,4 milliards d’euros, n’a pas d’impact budgétaire, ni d’impact sur les finances publiques au sens « maastrichtien ».
Nous pourrons répondre précisément à votre question sur les comptes spéciaux, madame la rapporteure générale, lors d’une rencontre avec vos collaborateurs ou au cours de la séance.
En ce qui concerne les crédits de la défense, nous avions inscrit 450 millions d’euros de dépenses au titre des OPEX, mais elles coûteront 685,8 millions d’euros de plus, soit un peu plus de 1,1 milliard d’euros au total. Quant aux opérations intérieures liées aux attentats (OPINT), elles coûteront 145,2 millions d’euros de plus que prévu initialement, ce qui nous amène bien au montant total de 830 millions d’euros que nous avons inscrit dans nos documents.
Beaucoup sont intervenus sur la couverture, pérenne ou non, de telle ou telle dépense. Les dépenses supplémentaires – hors dette et pensions – entraînent l’inscription de 4,5 milliards d’euros supplémentaires – ce qui correspond bien, aux arrondis près, aux 7 milliards d’euros évoqués, moins les 2,4 milliards d’euros de recapitalisation de l’AFD. Elles sont compensées par 1,7 milliard d’euros d’annulations de crédits, 1,9 milliard d’euros de révision à la baisse du prélèvement sur recettes, 0,2 milliard d’euros prélevés sur les fonds de roulement et 0,7 milliard d’euros de sous-exécution des crédits ouverts. Ce qui nous amène bien à 4,5 milliards d’euros, monsieur de Courson ! Et je ne tiens pas compte dans ce calcul de la moindre charge d’intérêts de la dette publique. Certes, toutes les ouvertures ne sont pas des dépenses pérennes, non plus que les annulations. Les dépenses pérennes ont été intégrées en base dans le projet de loi de finances pour l’année 2017 ; les autres n’ont pas été reprises.
En ce qui concerne le PSR-UE, les crédits budgétés étaient de 20,16 milliards d’euros dans la LFI pour 2016 ; dans le PLFR, ils s’élèvent à 18,998 milliards d’euros ; dans le PLF pour 2017, à 19,082 milliards. Nous réévaluons les chiffres en fonction des données disponibles, selon les dernières décisions modificatives du budget de l’Union européenne.
Monsieur Mariton, la croissance a été affectée en 2016 par un certain nombre de facteurs exceptionnels – grèves, attentats, récoltes particulièrement mauvaises – dont nous espérons qu’ils ne se reproduiront pas en 2017, année pour laquelle la Commission européenne prévoit d’ailleurs une accélération de la croissance. Cela étant, il ne faut ni surestimer ni sous-estimer l’impact de la croissance sur les déficits budgétaires : l’expérience nous a appris que ce n’était pas aussi automatique que cela.
Monsieur de Courson, vous avez cité l’avis du Haut Conseil des finances publiques, mais à chaque fois, vous vous êtes arrêté avant de lire la phrase suivante… Ainsi, si le Haut Conseil estime que notre prévision de croissance pour 2016 se situe « dans le haut de la fourchette », vous oubliez de préciser qu’il ajoute que cette prévision est néanmoins « atteignable ». De même, concernant les prévisions d’inflation, d’emploi et de masse salariale, il les juge « réalistes », tout comme il juge réaliste la prévision de déficit de 3,3 points de PIB en 2016. Encore faut-il avoir une lecture complète pour avoir une lecture exacte…
Monsieur Giraud, vous m’avez interrogé sur Panama, que nous avons inscrit sur la liste noire : avons-nous aujourd’hui assez d’éléments pour l’en retirer ? La réponse est non. Sur les quarante demandes de renseignements concernant des dossiers panaméens que nous avions formulées, nous n’avons eu que vingt-cinq réponses qui, presque toutes, se sont révélées insuffisantes. Nous avions conditionné la sortie de Panama à plusieurs éléments : d’abord, un engagement clair sur l’échange automatique d’informations ; ensuite, des réponses précises aux demandes que nous faisions ; enfin, la révision de la convention bilatérale sur la clause d’échange sur demande. Comme nous n’avons obtenu satisfaction sur aucun de ces points, Panama reste donc sur la liste noire et ce, malgré la reprise du dialogue. Et, si nous ne l’avions pas inscrit sur la liste avant le 8 avril, c’est tout simplement que les Panaméens s’étaient engagés à agir ; et comme ils n’en ont rien fait, nous les avons inscrits…
Le pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles se traduit en termes budgétaires par 50 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour la Banque publique d’investissement (BPI), inscrits dans le PLFR pour 2016 ; le reste est financé sur enveloppe. Le coût budgétaire global dépendra évidemment du nombre de recours aux dispositifs du pacte – année blanche, prêts de trésorerie –, pas toujours aisés à mettre en place, me dit-on.
Monsieur Sansu, vous insistez sur le fait que la croissance doit créer de l’emploi. Je rappelle que notre économie a créé plus de 150 000 emplois cette année, malheureusement plus que compensés par les nouveaux arrivants sur le marché du travail, beaucoup plus nombreux que ceux qui le quittent. Et ces arrivées seront plus nombreuses encore si on supprime 300 000 ou 500 000 postes de fonctionnaires, comme certains le préconisent ; mais c’est un autre débat…
Pour ce qui concerne la base des valeurs locatives, vous étiez présent lorsque l’Assemblée s’est prononcée, et vous savez donc que le Gouvernement s’en est remis à la sagesse des députés.
Quant aux effets des exonérations dont bénéficient les personnes âgées, il me semble nécessaire, pour la bonne information de tous, que nous précisions les choses par écrit. Il faut distinguer en effet entre les exonérations et les dégrèvements, qui n’emportent pas les mêmes conséquences en termes de compensation. Nous tâcherons donc, avant la fin de la semaine, de vous faire parvenir un récapitulatif très précis des mesures applicables.
M. Nicolas Sansu. Il n’en reste pas moins que ce sont les communes qui ont le plus de « vieux pauvres », qui paient le plus.
M. le ministre. Nous sommes en train d’examiner tout cela de près. Ce n’est pas aussi évident.
Au sujet d’Areva, notre position n’a pas changé. Des discussions sont en cours avec les partenaires privés sur les recapitalisations nécessaires. Laissons-les se poursuivre. Par ailleurs, la Commission européenne n’a pas encore fait savoir ce qu’elle jugeait être de la dépense maastrichtienne et ce qui pouvait relever de strictes opérations de capital. Quoi qu’il en soit, les crédits budgétaires ont bien été prévus dans le PLF pour 2017.
Mme Bernadette Laclais. Je salue l’article 21 de ce PLFR, qui met en place le compte PME innovation, conforme à la volonté du Gouvernement de renforcer les investissements dans l’économie réelle et dans les jeunes entreprises innovantes. Ce dispositif devrait, j’en suis persuadée, décourager, une partie des candidats à l’exil fiscal, sans pour autant que le Gouvernement renonce à une taxation, qui est simplement reportée, assez loin dans le temps, il est vrai.
Le dispositif proposé ne manquera pas néanmoins de susciter le débat, notamment en ce qui concerne son périmètre et ses critères d’éligibilité, qui sont assez restreints. Par ailleurs, les business angels en sont exclus pour le moment, ce qui rend d’autant plus important l’amendement sur le principe de remploi que j’avais fait adopter l’an dernier, mais qui a rapidement été rendu inopérant par l’adoption d’un article ultérieur. Je soumettrai donc de nouveau cette disposition à l’Assemblée, avec l’espoir qu’elle renouvellera son vote favorable.
Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le secrétaire d’État, je me permets de vous rappeler que nous sommes à la commission des finances, et que les propos tenus dans les médias ou dans le cadre de campagnes électorales n’ont pas lieu d’être rapportés ici.
Ce projet de loi de finances rectificative intègre dix articles ayant trait à des procédures fiscales, qu’il s’agisse de la lutte contre la fraude ou contre l’optimisation fiscale
– n’était-ce pas d’ailleurs M. Cahuzac qui avait lancé cette grande croisade contre la fraude fiscale ? Plus sérieusement, vous vous targuez d’avoir augmenté les recettes de la lutte contre la fraude fiscale, mais ces recettes supplémentaires ne sont-elles pas, quelque part, la conséquence indirecte des mesures que vous avez prises par ailleurs et qui ont suscité un véritable ras-le-bol fiscal chez nos concitoyens ?
Quant au déficit, il était en 2015 de 70,5 milliards d’euros en exécution. Pour 2016, ce PLFR prévoit qu’il sera de 69,9 milliards, ce qui nous fait un delta de 600 millions, et non, comme on l’entend, de 2,7 milliards. Ce n’est donc pas aussi colossal que vous le dites, puisque nous ne sommes même pas à 1 % de baisse : seulement 0,8 %…
Trois articles ont par ailleurs particulièrement attiré mon attention. L’exposé des motifs de l’article 20, qui entend clarifier la notion de bien professionnel, indique que « lorsque le redevable justifiera que l’estimation de sa situation a été réalisée de bonne foi, aucun rehaussement ne sera effectué ». Je ne suis pas certaine que des rédactions aussi floues, propres à susciter bien des interprétations, soient de nature à mettre un terme aux contentieux.
Je me pose également des questions à propos de l’article 11, qui augmente les plafonds d’emplois pour les opérateurs de l’État de 249 équivalents temps plein travaillés, ce qui rompt avec les propos que tenait, il fut un temps, le Premier ministre, lorsqu’il annonçait des plans de réduction du déficit et des mesures de sérieux budgétaire. Certes, il y a des priorités, notamment en matière d’éducation et de sécurité, mais un tel article est en contradiction avec vos discours sur la maîtrise de la dépense.
Enfin, l’article 39 – numéro cher au Jura –, qui crée un fonds d’urgence en faveur des départements en difficulté, montre à quel point vous avez conscience d’avoir mis ces départements dans une situation d’asphyxie budgétaire proprement intenable. C’est bien le seul compliment que je pourrai vous adresser, bien qu’il soit dommage que nous en soyons arrivés là et que le fonds ne soit abondé que de 200 millions d’euros, car je ne pense pas que cela suffira à colmater toutes les brèches que vous avez ouvertes.
M. Alain Fauré. Je me réjouis de voir confirmée l’annonce d’un déficit qui n’excéderait pas 3,3 %. On peut pérorer sur toutes les comparaisons ou rappeler des chiffres dont beaucoup ne suivent pas bien le détail, mais une chose est sûre : ce qui a été dit a été fait.
J’invite donc mes collègues de droite, au lieu de répéter d’année en année leurs procès en insincérité contre nos budgets, à se pencher sur leur propre programme.
M. Gaby Charroux. J’ai constaté avec une très grande satisfaction l’ouverture de crédits au sein de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances : 369 millions d’euros pour la prime d’activité et 424 millions d’euros pour l’AAH. Je note toutefois que, depuis trois, voire quatre ans, chaque année se reproduit le même phénomène : les crédits inscrits en loi de finances initiale ne sont pas suffisants et doivent être complétés en LFR. Je n’ose imaginer que c’est parce que l’on imagine que la pauvreté va brutalement disparaître ou que les Français ne vont pas réclamer leurs droits… Pourquoi ne pas inscrire désormais la totalité des crédits dans le projet de loi de finances initiale ?
Par ailleurs l’impossibilité de cumuler certaines aides comme la prime d’activité et l’AAH ne risque-t-elle pas de réduire la portée de cet effort ?
M. Patrick Hetzel. Monsieur le secrétaire d’État, le document que vous soumettez à l’occasion de ce PLFR rétablit un certain nombre de vérités et, au risque de vous surprendre, je voudrais le saluer, notamment pour ce qui touche au budget du ministère de l’éducation nationale. Nous avions eu un échange avec Mme Vallaud-Belkacem sur la nature des cadeaux préélectoraux concédés dans son périmètre ministériel. La ministre nous avait affirmé qu’il s’agissait de dépenses parfaitement maîtrisées, qui ne devaient pas excéder 150 millions d’euros pour l’exercice 2016. Or, si l’on additionne la revalorisation du point d’indice et les augmentations catégorielles consenties sans les moindres contreparties, nous arrivons à 700 millions d’euros de plus par rapport à la loi de finances initiale. Comment le justifiez-vous ? Avez-vous pris des garanties en termes de contreparties ? À entendre Mme la ministre de l’éducation nationale, il n’y en a aucune. Ce sont sans doute de telles mesures qui suscitent l’exaspération de nos concitoyens contre l’action du Gouvernement.
Mme Karine Berger. Fin 2015, le nombre de fonctionnaires qui partaient à la retraite dans la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière s’élevait à 97 000 ; le chiffre atteint même 100 000 si l’on y ajoute les militaires. Pourriez-vous nous confirmer que, fin 2016, le flux de départs est du même ordre dans les trois fonctions publiques confondues ? Les projections laissent-elles supposer qu’il restera stable dans les années à venir ? Si tel est le cas, la suppression de 500 000 fonctionnaires signifierait donc qu’aucun des fonctionnaires ayant quitté l’une des trois fonctions publiques ne serait remplacé dans les cinq prochaines années. À moins que le flux des départs n’explose brutalement…
En ce qui concerne l’ISF, beaucoup de contribuables qui y sont assujettis ont recours au mécénat culturel pour réduire le montant de leur impôt. Serait-il possible de savoir ce que représente, fin 2016, le montant des réductions d’impôt sur l’ISF au titre du mécénat culturel ?
M. Jean-Claude Buisine. Au rang des mesures fiscales intégrées dans ce projet de loi de finances rectificative, je retiendrai d’abord la modernisation des procédures de contrôle fiscal en matière de comptabilité des entreprises, et en particulier la création d’un mode de contrôle fiscal à distance dit « examen de comptabilité », qui constitue un réel progrès.
Je me félicite également de la mise en place d’une procédure d’instruction sur place concernant les demandes de remboursement de crédit de TVA. On sait en effet que, depuis 2007, consigne a été donnée aux services locaux de ne pas vérifier ces demandes, ce qui a permis à certaines entreprises de se constituer pas mal de trésorerie. Or ces demandes de crédit de TVA représentent la somme considérable de 50 milliards d’euros chaque année, pour 1,6 million de demandes déposées en 2015.
Je me réjouis par ailleurs que de nouvelles modalités de contrôle soient également mises en place pour les reçus fiscaux délivrés par des organismes sans but lucratif. On sait en effet que certains de ces organismes n’hésitent pas à délivrer des certificats de complaisance. Il importe donc de pouvoir les contrôler.
Je me félicite enfin que l’article 35 crée une contribution pour l’accès au droit et à la justice. Cette nouvelle taxe affectée représente une aide bienvenue pour les professionnels de la justice.
Mme Aurélie Filippetti. Je me félicite pour ma part que soit donnée aux communes la possibilité d’exonérer de contribution économique territoriale (CET) les disquaires indépendants, qui, au même titre que les libraires indépendants, sont des médiateurs culturels dont le rôle est essentiel.
Il serait souhaitable par ailleurs qu’une opération de communication soit conduite sur les modifications apportées par la loi sur la liberté de création aux dispositifs « Malraux », avec la création notamment des sites patrimoniaux remarquables (SPR). Les intéressés doivent comprendre que les dispositifs « Malraux » ne disparaissent pas, mais qu’ils s’adaptent à la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Enfin, l’article 37 instaure une contre-garantie de l’État pour le financement d’un site de stockage à sec des résidus miniers. Cette disposition doit profiter, en Nouvelle-Calédonie, à la société Vale SA, déjà condamnée pour non-respect du code de l’environnement. Cette contre-garantie d’emprunt, d’une valeur de 220 millions d’euros, doit par ailleurs s’accompagner d’un prêt de 200 millions d’euros à Vale Canada Limited, filiale du groupe Vale SA, qui est une entreprise brésilienne. Quelle contrepartie environnementale l’État attend-il de Vale en échange de l’octroi de sa contre-garantie ? La question est d’autant plus importante que l’on sait que l’exploitation du nickel n’est pas sans conséquence sur l’environnement et les populations, comme l’ont encore montré récemment en Nouvelle-Calédonie les glissements de terrain consécutifs à l’exploitation des mines de nickel, qui ont fait cinq morts.
M. Jean-Louis Dumont. Le ministre ne s’étonnera pas que je l’alerte sur les exonérations et dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) actuellement discutés dans différents textes en navette. Il faudra clarifier cette situation d’ici à la fin de l’année civile, car ce qui se passe affecte non seulement des constructions, mais aussi toutes les actions menées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Des communications ont été envoyées, et des orientations ont été arrêtées au plus haut niveau. Il en va de dizaines de milliers d’emplois. Votre clarification sur les exonérations et dégrèvements concerne non seulement les stocks, mais aussi les flux. Tout peut s’arrêter au 1er janvier 2017. J’appelle votre attention sur cette situation grave, née de l’adoption par cette commission d’un amendement d’appel, à l’unanimité, alors que je n’étais pas présent – je ne l’aurais évidemment pas voté.
L’article 24 du projet de loi poursuit la hausse de la TGAP. Aucune mesure nouvelle ne devrait apparaître en cours de discussion.
Le Sénat a rejeté un amendement sur la Foncière solidaire, dans sa grande sagesse. Nous n’en avons pas discuté, mais le texte présenté au Sénat avait de quoi inquiéter les pouvoirs publics : il prévoyait que la Foncière solidaire bénéficierait d’une décote systématique de 60 % et de l’exonération d’un certain nombre de taxes. En prenant les mesures permettant une gestion plus dynamique de la Foncière, nouvellement créée par la fusion de plusieurs autres sociétés foncières, nous répondrions aux besoins. Cette situation fait courir bien des dangers.
Rappelons pour finir que les mesures en faveur des sociétés mères et des filiales dans les petites et moyennes entreprises n’intéressent que les entreprises privées. Soyons attentifs aux relations entre les différents codes, en particulier le code de la construction, qui réglemente les organismes d’HLM.
M. le secrétaire d’État. Madame Laclais, vous évoquez la question des seuils pour le compte PME innovation, et vous nous rappelez les aventures antérieures sur le remploi… Le Gouvernement sera attentif et plutôt ouvert pour la mise en œuvre du dispositif que le Parlement avait adopté l’année dernière. Voilà qui est dit en termes diplomatiques.
Monsieur Charroux, les prévisions de dépense d’un certain nombre de prestations sociales sont toujours difficiles. Il faut les améliorer et nous essayons toujours de faire au plus juste, mais, par définition, les prestations sociales dépendent de la situation sociale et du nombre de personnes qui y ont recours, selon le niveau du chômage et les difficultés diverses. La mise en place de la prime d’activité en est un bel exemple : nous pensions qu’elle coûterait 4 milliards, le chiffre sera plutôt de 4,4 milliards. Avec Marisol Touraine, nous nous étions engagés à y consacrer les crédits nécessaires en cas de besoin ; c’est ce que nous faisons.
Monsieur Hetzel, j’y ai insisté au début de mon propos : toutes les mesures décidées en 2016 ont été inscrites. Il n’y a pas que l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) dans les dépenses supplémentaires pour l’éducation nationale. L’augmentation de 600 millions d’euros que j’ai évoquée dans mon exposé liminaire tient à trois facteurs : l’augmentation du point d’indice ; la mise en place de l’accord de 2016 sur la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations des fonctionnaires (PPCR) et enfin la mise en place de l’ISAE telle qu’annoncée.
Mais pour la clarté de nos débats, il serait utile que vous nous disiez laquelle de ces mesures vous souhaitez supprimer. Mme Dalloz se demandait si ce type de débat devait avoir lieu ici, je réponds oui ; ce serait intéressant… Il est toujours facile d’affirmer qu’il y a trop de crédits pour l’éducation nationale sans jamais dire lesquels on souhaite supprimer.
M. Patrick Hetzel. Ma question portait sur les contreparties. Ces dépenses supplémentaires ont été décidées alors que nous connaissons des tensions très fortes sur le budget : ont-elles fait l’objet de contreparties ? Apparemment, le Gouvernement n’en a demandé aucune.
M. le secrétaire d’État. La contrepartie, c’est le travail des enseignants, c’est leur engagement au service de l’école de la République, cette République qui a gelé le point d’indice pendant cinq années consécutives. N’est-il pas temps de considérer qu’ils ne travaillent pas moins qu’avant, et que le gel du point d’indice a duré assez longtemps ?
Voilà la contrepartie. Quant à l’ISAE, elle ne concernait qu’une catégorie d’enseignants. Je ne suis pas expert, mais je connais un peu l’éducation nationale, que j’ai fréquentée aussi après mes études…
C’est un grand débat, monsieur Hetzel : vous dites que les Français attendent des contreparties aux augmentations de salaire ou de revenus. Ah bon ? Il est vrai que nous avons souvent utilisé l’argument de la faible hausse des prix pour justifier la stabilité des salaires ou du point d’indice. Mais nous ne pouvons pas dire que la hausse des prix a été nulle sur une longue période.
J’entends ce type d’arguments tous les jours au Sénat – davantage qu’à l’Assemblée, d’ailleurs. C’est récurrent… Ainsi, les sénateurs ont voté un projet de loi de financement de la sécurité sociale sans fixer le niveau de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ni voter le tableau d’équilibre. Ils étaient incapables de me dire s’ils en voulaient plus ou moins, s’ils étaient contre l’augmentation du prix de la consultation ou encore contre l’augmentation des salaires dans la fonction publique hospitalière. Franchement, j’ai été assez attentif, je suis resté des heures et des heures au Sénat, mais je ne sais toujours pas si les sénateurs voulaient un ONDAM en augmentation ou en diminution.
Pardonnez-moi cette digression, j’en reviens au sujet : la contrepartie exigée, monsieur Hetzel, est le travail des enseignants, et au bout de quelques années, il est normal qu’un salaire ou un revenu soit adapté en fonction de la situation.
Mme Berger se trompe : il n’y a pas 100 000 départs en retraite dans l’ensemble des fonctions publiques, c’est faux.
M. Dominique Baert. Elle se trompe souvent ! (Sourires).
M. le secrétaire d’État. Si l’on fait la moyenne des trois dernières années, le nombre annuel de départs en retraite dans les trois fonctions publiques est en fait de 105 000 : 50 000 dans la fonction publique de l’État, 33 000 dans la fonction publique territoriale et 22 000 dans la fonction publique hospitalière. Là aussi, les prévisions peuvent être erronées, parfois les gens partent un peu plus tard que ce que nous avions escompté. Ce sont toujours des estimations.
Un calcul rapide donne donc raison à Mme Berger sur ce point : en cinq ans, toutes fonctions publiques confondues, ce sont 500 000 fonctionnaires qui partiront en retraite. Supprimer 500 000 fonctionnaires en cinq ans revient à dire que l’on ne recrutera personne pendant cette période. Il faudra complètement arrêter les concours de recrutement dans la fonction publique. On ne recrutera plus de professeurs. Les gens qui sortent de l’université avec un mastère de mathématiques iront voir les banques ; ceux qui font des lettres, je ne sais pas…
S’agissant de l’ISF et du mécénat culturel, la réduction d’impôt sur le revenu liée aux dons représente 1,4 milliard d’euros, le mécénat d’entreprise 680 millions d’euros, les réductions d’ISF pour dons, 152 millions d’euros. Voilà les derniers chiffres connus de nos services, mais je demanderai au ministère de la culture de nous faire une évaluation.
Monsieur Buisine, vous nous avez essentiellement fait part de votre satisfaction à la lecture de certains articles de ce projet de loi. Ce sont des sujets que vous connaissez bien en pratique, je n’ai pas de commentaires supplémentaires à faire.
Madame Filippetti, vous avez dit tout ce qu’il y avait à dire sur les disquaires indépendants. Je prends acte de ce que le dispositif « Malraux » devrait donner lieu à plus de communication suite au vote de la loi sur le patrimoine. Sur l’article 37, je vous donnerai ma réponse ultérieurement, je n’ai pas d’explication précise à vous donner pour l’heure et je ne vous relirai pas l’exposé des motifs, bien que ce soit une pratique courante des députés pour défendre leurs amendements.
Monsieur Dumont, s’agissant de l’exonération de TFPB au profit du monde du logement social, notamment les organismes d’HLM, et ses conséquences pour les communes, je ne peux vous répondre qu’en tant que secrétaire d’État au budget : je regarde le pied de colonne. Pour le budget de l’État en tout cas, cette mesure n’a pas de conséquences.
J’en ai entendu parler hier encore au Sénat. Certains élus et représentants de collectivités disent qu’il faut arrêter, conditionner ou restreindre cette exonération de taxe sur le foncier bâti. D’autres que l’État doit tout compenser. D’autres encore qu’il faut laisser tout cela au choix des collectivités. Quant au monde HLM, il dit en avoir absolument besoin pour solvabiliser ses opérations dans les quartiers prioritaires de la ville. Je suis un peu au milieu, je leur renvoie à tous la balle : mettez-vous d’accord !
À un moment donné, je ne sais plus où est la réalité. Elle n’est probablement pas la même selon les endroits, même si nous savons qu’il y a un problème spécifique dans les quartiers prioritaires de la ville. J’ai interrogé ma collègue du logement, car je ne suis pas spécialiste de cette question, mais j’en entends longuement parler, tous les ans, dans chaque texte financier. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question pour clarifier les choses.
Quant à la Foncière solidaire, elle devrait faire l’objet d’amendements dans le projet de loi sur le statut de Paris. Les promoteurs de la Foncière solidaire avaient demandé une décote systématique de 60 % sur l’ensemble du foncier qui lui revient. Je n’étais pas favorable à cette mesure, car je suis aussi en charge du domaine public, et à ce titre responsable des intérêts patrimoniaux de l’État. Nous avons trouvé la solution suivante : la décote pratiquée serait de 60 % à l’origine, mais à l’issue des opérations, un examen serait fait pour la corriger lorsque des opérations ne justifieraient pas une telle décote par rapport à la loi de 2013.
C’est le compromis qui sera proposé par amendement dans la loi sur le statut de Paris, après de longues discussions à tous les niveaux de la République.
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 23 novembre 2016 à 10 heures
Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Dumont, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, Mme Arlette Grosskost, M. Patrick Hetzel, M. Régis Juanico, M. Marc Laffineur, M. Jérôme Lambert, M. Jean Lassalle, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, M. Jacques Pélissard, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Michel Vergnier, M. François-Xavier Villain, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Alain Chrétien, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Fruteau, M. Yann Galut, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. David Habib, M. Michel Lefait, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Laurent Marcangeli, Mme Claudine Schmid
Assistaient également à la réunion. - Mme Bernadette Laclais, M. Lionel Tardy
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