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La commission entend M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances, et M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, sur le programme de stabilité pour les années 2017 à 2020 et le programme national de réforme.
M. le président Gilles Carrez. Après la présentation de l’avis du Haut Conseil des finances publiques relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2017 à 2020 par le président Didier Migaud, nous accueillons M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances, et M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Je salue également la présence de Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.
Le Conseil des ministres vient de délibérer de ce projet de programme de stabilité ainsi que du programme national de réforme. L’avis de notre rapporteure générale, qui sera disponible prochainement, ne donnant pas lieu à une nouvelle réunion de notre commission, je tiens à signaler que nous n’avons reçu que ce matin même ce projet. Heureusement, la presse donnait hier soir quelques indications sur son contenu, mais nous n’avons pu l’examiner en détail. Nous vous écoutons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, avec d’autant plus d’attention.
M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances. C’est la quatrième fois que le secrétaire d’État au budget et moi-même vous présentons programme de stabilité et programme national de réforme. C’est un exercice auquel doit se prêter chaque membre de l’Union européenne – pas seulement de la zone euro – auprès des services de la Commission européenne, les documents étant ensuite diffusés auprès de l’ensemble des autres membres. L’objectif est que chacun donne aux autres des éléments sur les réformes menées, sur sa situation budgétaire et sur l’évolution prévisible de celle-ci. Il convient effectivement de respecter un certain nombre d’orientations que nous avons nous-mêmes fixées, et inscrites dans les traités.
Cohérents avec ce que nous avons déjà fait, les documents que nous vous présentons aujourd’hui s’inscrivent dans une continuité. Ils sont en outre conformes à nos engagements européens. Le contexte est particulier : l’élection présidentielle, qui n’est pas rien dans un système institutionnel comme le nôtre, se tient dans quelques jours, et elle sera suivie d’élections législatives, qui ne sont pas non plus sans importance. Nous n’en avons pas moins pris le parti de construire ces documents obligatoires sans tenir compte de l’élection présidentielle en tant que telle, ni, à plus forte raison, de son résultat. Il s’agit de disposer d’éléments de référence. Nous avons décidé de travailler jusqu’au dernier jour et de faire preuve du même sérieux et du même souci de précision que chaque année dans l’élaboration de ces documents – nous aurions pourtant pu nous contenter de faire le minimum requis par les traités. Nous avons donc mobilisé dès le début du mois de janvier et jusqu’à aujourd’hui, comme une année sans échéance électorale, l’ensemble de nos services afin qu’ils préparent ces deux documents importants – tant par leur longueur que par leur contenu. Cette démarche nous a paru non seulement utile mais nécessaire, à la fois pour permettre un bilan de notre action et parce que, quel que soit le résultat des élections, il y a un intérêt républicain à préparer le plus sérieusement possible ces documents, qu’examinera la Commission européenne avant de donner, avec le Conseil, une opinion, au cours de la première moitié du mois de mai. Nous avons vraiment un intérêt collectif à assurer cette continuité de l’action de l’État. La prochaine équipe gouvernementale disposera donc de documents de référence sur lesquels elle pourra s’appuyer pour faire ses choix et prendre les décisions utiles au pays, mais elle ne pourra pas s’en abstraire.
Le programme national de réforme est rédigé avec l’appui de quasiment tous les ministères. Cela aura notamment permis à nos services et aux parties prenantes qui ont été consultées d’évaluer, qualitativement et quantitativement, l’ensemble des mesures prises pendant le quinquennat, tout particulièrement lors de cette dernière année. Non seulement l’exercice montre l’ampleur considérable des réformes mais il témoigne aussi du fait que des réformes auront été adoptées jusqu’au dernier jour. Je pense notamment à la loi pour une République numérique, au prélèvement à la source et à la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II ».
Le programme de stabilité est encore plus essentiel à la continuité du travail gouvernemental. Avant que Christian Eckert ne vous en livre les grandes lignes, je vous en présente les grands enjeux.
Premier enjeu, il s’agit de mettre à jour les prévisions macroéconomiques du Gouvernement. Vous aurez remarqué que le Haut Conseil des finances publiques, usant de sa très subtile terminologie, les considère comme « plausibles », « raisonnables » et « prudentes » – qualificatifs que j’avais jusqu’à présent peu lus dans les documents du Haut Conseil. C’est « plausible », c’est même parfois « plausible et raisonnable »... le maître semble porter une appréciation plus favorable sur les efforts de l’élève !
Deuxième enjeu, il s’agit d’identifier comme chaque année les mesures de saine gestion budgétaire indispensables au respect de nos objectifs, notamment le retour du déficit public sous le seuil des 3 % du produit intérieur brut (PIB). Tous les ans, à cette époque-ci, des mesures d’adaptation, représentant entre 3 et 4 milliards d’euros, sont proposées pour faire face à des circonstances qui n’avaient pu être prévues en loi de finances initiale.
Troisième enjeu, il s’agit, au-delà de 2017, de tracer une perspective pluriannuelle à la fois cohérente avec ce que nous avons fait et conforme aux règles européennes.
Nous n’avons évidemment pas la prétention de dire que les grandes lignes proposées dans ce document devront être la politique budgétaire du prochain gouvernement. Ce serait irrespectueux du processus démocratique, mais c’est un document de référence sur lequel chacun pourra s’appuyer pour construire sa propre politique budgétaire, mais dont il ne pourra s’abstraire, toute modification par rapport à cette référence devant être assumée. Ainsi, toute baisse d’impôt supplémentaire devra être compensée par une baisse des dépenses, et toute augmentation des dépenses devra être compensée de manière appropriée, à moins de faire le choix de renoncer à toutes les cohérences européennes et ainsi à nos engagements les plus profonds.
Je dirai un mot du programme national de réforme. Depuis cinq ans, nous faisons preuve d’une volonté de réforme ambitieuse et progressiste.
En 2012, le contexte économique était difficile. La situation et la compétitivité des entreprises étaient pour le moins dégradées. Il nous est souvent rappelé, à raison, que les cinq années précédentes avaient été marquées par une grave crise financière, non sans conséquences économiques et budgétaires. Nul ne le conteste, même si nous pouvons débattre des moyens par lesquelles elle a été combattue. Cependant, une crise beaucoup plus souterraine, beaucoup moins spectaculaire aura eu des effets tout aussi massifs : la crise de l’euro, ouverte à l’été 2011, et dont les effets directs se sont fait sentir jusqu’à l’été 2013. Ce furent deux années extrêmement difficiles, une crise bien moins visible mais dont les conséquences sur la situation économique et sociale ont été évidentes – notamment avec l’augmentation du chômage. C’est à cela qu’il a fallu faire face au début de cette législature. Nous avons voulu rétablir les finances publiques et la compétitivité de nos entreprises, de même que nous avons voulu, en respectant un certain nombre de grands principes de dialogue des partenaires sociaux, faire en sorte que le marché du travail fonctionne mieux qu’il ne le faisait.
Renforcement de la justice sociale et de l’égalité des chances, renforcement de la compétitivité de nos entreprises, modernisation du marché du travail : voilà qui caractérise assez bien l’ensemble des décisions prises, que nous retrouvons dans ce programme national de réforme.
Nous avons travaillé jusqu’au dernier moment, disais-je. La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », aura permis à la France d’atteindre les meilleurs standards internationaux en matière de lutte contre la corruption mais aussi du point de vue du bon fonctionnement et du financement de l’économie. Tous ces textes d’application auront été pris et publiés d’ici à la fin du quinquennat, à l’exception d’une seule ordonnance qui nécessite un travail beaucoup plus long. La loi pour une République numérique aura pour sa part permis de lancer des grands projets nécessaires à la modernisation de notre économie. Enfin, la réforme du prélèvement à la source et la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative (DSN), qui mobilisent beaucoup notre administration fiscale, constituent une simplification historique tant pour les ménages que pour les entreprises. Pour chacune de ces lois, nous avions à cœur que l’ensemble des textes d’application soient adoptés avant la fin du quinquennat. Ce sera chose faite.
Au total, les réformes économiques menées en France depuis cinq ans auront permis de résorber les principaux déséquilibres de notre économie mais aussi de préparer l’avenir sur des bases plus saines. Des réformes aussi profondes que celle du marché du travail ou celles relative à la transparence de la vie économique et à la réorganisation territoriale auront des effets sur notre économie bien au-delà du quinquennat.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Je voudrais mettre en perspective cette présentation afin que chacun puisse apprécier le chemin parcouru depuis 2012, car c’est bel et bien dans la durée que s’inscrivent nos résultats – qui n’ont rien de fictif...
N’oublions pas d’où nous partons. J’aime à le dire, en forçant quelque peu le trait : en 2012, nous avions les huissiers à la porte ! Le Premier ministre de l’époque parlait d’un État « en faillite ». Le déficit était supérieur à 5 % du PIB en 2011, la zone euro était en crise, les marchés attaquaient nos partenaires et nous étions souvent évoqués comme les prochaines cibles.
Que constatons-nous aujourd’hui ? Que les résultats sont au rendez-vous ! Le déficit public s’est à nouveau résorbé entre 2015 et 2016, comme chaque année depuis cinq ans. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) révise souvent, six mois ou un an plus tard, sinon davantage, ses estimations, dans l’indifférence générale, mais la première estimation du déficit public pour 2016 est de 3,4 % du PIB, soit 0,2 point de mieux qu’en 2015, et, pour la troisième année consécutive, la réduction du déficit s’accompagne d’une baisse du taux de prélèvements obligatoires.
Au cours de ce quinquennat, le rythme d’évolution de la dépense – je le dis à celles et ceux qui voudraient nous faire la leçon – a connu une véritable rupture. Hors crédits d’impôt, les dépenses publiques ont progressé de 1,2 % en 2016, comme chaque année en moyenne depuis 2013, alors que cette progression annuelle moyenne était de plus de 3,2 % entre 2007 et 2012. La maîtrise de la dépense ne nous a cependant pas empêchés de financer nos priorités nationales : la sécurité de nos concitoyens, l’emploi et l’éducation. Elle ne nous a pas empêchés non plus de réduire les prélèvements obligatoires, dont la part dans le PIB diminue chaque année depuis plus de trois ans. Le résultat, encore une fois, c’est que la dette est stabilisée après avoir explosé au cours du quinquennat précédent.
L’assainissement a été rendu possible grâce à l’effort conjoint de toutes les administrations publiques.
Entre 2012 et 2016, le déficit de l’État a été ramené de 87 à 69 milliards d’euros, ce qui représente non pas une explosion, comme je l’entends dire, mais une diminution de plus de 18 milliards d’euros. Pour la première fois depuis 2008, le déficit de l’État est repassé sous la barre des 70 milliards d’euros. Pourtant, au cours de cette même période, c’est bien l’État qui a assumé l’intégralité du coût des allégements de charge et des baisses d’impôts en faveur des entreprises – je veux parler du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du pacte de responsabilité –, leur coût total s’élevant à près de 40 milliards d’euros sur la période 2014-2017.
Les comptes de la sécurité sociale ont continué à s’améliorer en 2016 de près de 3 milliards d’euros. Depuis 2012, année après année, la réduction du déficit s’est poursuivie. Les comptes de toutes les branches se sont améliorés, y compris ceux du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), et la branche retraite est même excédentaire de plusieurs centaines de millions en 2016. La dette de la sécurité sociale – la dette de court terme portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et celle de long terme portée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) – diminue chaque année depuis 2015 et est aujourd’hui inférieure à son niveau de 2012 ; ce ne sont pas là des prévisions, ce sont des constats ! L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour l’année 2016 a aussi été tenu, comme chaque année depuis le début du quinquennat. Il faut également relever que les partenaires sociaux, pour les régimes qui les concernent, ont su prendre des décisions courageuses, avec l’accord de 2015 relatif à l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et à l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) et le récent accord sur l’assurance-chômage.
Après avoir retrouvé l’équilibre en 2015, le solde des collectivités territoriales est excédentaire en 2016. Ce résultat est la conséquence d’un fort infléchissement de leurs dépenses de fonctionnement, qui n’ont progressé que de 0,1 % en 2016, contre 1,1 % en 2015. Ce ralentissement est manifeste pour les dépenses de personnel, dont je sais qu’elles vous tiennent à cœur, monsieur le président : elles progressent de 0,8 % en 2016, après l’avoir fait de 1,7 % en 2015 et de 4,1 % en 2014. Les derniers chiffres de l’INSEE sur les effectifs, qui portent sur l’année 2015, montrent par ailleurs que ceux-ci se sont stabilisés, ce qui est inédit.
Je souhaite enfin rappeler que, depuis trois ans, Michel Sapin et moi-même avons su tenir en exécution les engagements de maîtrise des dépenses que nous avions pris devant vous au moment du vote de la loi de finances initiale, et ce malgré les aléas, les circonstances, les imprévus, les décisions qui ont pu être prises en cours d’année, tels le lancement du plan d’urgence pour l’emploi au mois de janvier 2016 ou les mesures en faveur de la sécurité de nos concitoyens, à la suite des attentats terroristes de 2015. Cette capacité à redéployer des crédits en cours d’année, à nous montrer réactifs, nous a permis de tenir nos objectifs.
Cela étant dit, je tiens à vous présenter plus en détail l’année 2017. Nous avons légèrement ajusté notre trajectoire, tout en restant fidèles à nos engagements et à l’esprit de réforme et de sérieux qui nous anime depuis 2012. L’objectif, ainsi que l’a rappelé Michel Sapin, est de rendre une maison en ordre avec un passage sécurisé sous les 3 % en 2017. En 2012, je vous le rappelle, la maison brûlait !
Le programme de stabilité est construit sur des hypothèses macroéconomiques sérieuses. La croissance a redémarré depuis deux ans – elle fut de 1,3 % en 2015 puis de 1,2 % en 2016 –, et ce malgré les facteurs exceptionnels qui ont pesé l’an dernier, notamment, sur l’agriculture, le commerce mondial et le tourisme.
Le pouvoir d’achat progresse fortement, et la consommation des ménages gagne en vigueur : elle progresse de 1,8 % en 2016 après avoir progressé de 1,5 % l’année précédente. Les marges des entreprises se sont redressées – leur taux de marge atteint 31,6 %, soit une progression de 1,7 point depuis la fin de l’année 2013 – et l’investissement des entreprises, en faveur duquel nous avons pris des mesures, accélère vivement, croissant de 4 % en 2016 après avoir augmenté de 2,7 % en 2015.
La très forte dynamique du marché immobilier se confirme et se concrétise par une contribution positive de l’investissement des ménages à l’activité.
Le moral des chefs d’entreprise et la confiance des ménages indiquent que l’activité est train d’accélérer. Les créations d’emplois marchands ont été très importantes : 300 000 créations nettes depuis le début de l’année 2015. Le taux de chômage baisse, passant, en France métropolitaine, de 10,2 % au troisième trimestre de l’année 2015 à 9,7 % à la fin de l’année 2016.
Au mois de mars 2012, la quasi-totalité des voyants étaient au rouge, ils sont quasiment tous au vert aujourd’hui !
La cible de déficit pour l’année 2017 est décalée à 2,8 % du fait de la prise en compte de l’intégralité des informations les plus récentes, notamment du résultat de l’exécution 2016. Le déficit de l’année 2016 est globalement en ligne avec la prévision de la dernière loi de finances, mais légèrement plus élevé que prévu, ce qui explique cette révision de la cible, mais je rappelle aussi que s’appliquent des règles d’arrondi. Finalement, cette cible de 3,3 % aura été manquée de moins de 1 milliard d’euros – 0,1 point de PIB d’écart, en fait, ce ne sont pas 2 milliards d’euros, c’est moins de 1 milliard d’euros du fait de l’arrondi à la première décimale. Cette cible est conforme à la recommandation du Conseil de l’Union européenne du mois de mars 2015. Pour 2017, nous suivons également sa recommandation, en révisant notre cible à 2,8 %.
Toutefois, un certain nombre d’informations nouvelles, qui sont le lot des finances publiques, ont été intégrées, comme tous les ans. D’une part, le texte de l’accord de la convention Unédic, adopté par les partenaires sociaux au mois de mars 2017, soit plus tard que prévu, ne permettra pas un montant d’économies de 1,6 milliard d’euros en 2017 comme nous l’escomptions lors de l’élaboration de nos textes ; nous avons intégré cette réalité dans notre trajectoire. D’autre part, nous avons pris en compte une légère dégradation des finances publiques liée à l’environnement macroéconomique : moins de recettes d’impôt sur les sociétés (IS) du fait d’une croissance légèrement inférieure, en 2016, à nos prévisions. De même, la charge d’intérêts de la dette a été révisée à la hausse, en raison d’une inflation supérieure à ce qui était prévu ; une part non négligeable des obligations que nous émettons sont effectivement indexées sur l’inflation.
Comme chaque année – j’y insiste –, nous prenons des mesures de redressement pour compenser ces mauvaises nouvelles ; en l’occurrence, elles représentent un montant de 3,4 milliards d’euros. Nous avions pris des mesures pour 4 milliards d’euros en 2014 et 2015 et pour 3,8 milliards d’euros en 2016 ; je vous renvoie aux précédents programmes de stabilité.
Cet ensemble est constitué d’un abaissement de la cible de dépenses de 1,7 milliard d’euros, dont 200 millions d’euros au titre de la révision à la baisse de la prévision de versement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), compte tenu des informations actualisées dont nous disposons aujourd’hui, et 1,5 milliard d’euros au titre des dépenses des ministères, objectif qui sera sécurisé par un « surgel » – nous avons parfois fait des annulations, à pareille époque ; compte tenu de la période électorale, nous recourons à un « surgel » pour laisser toute liberté à ceux qui nous succéderont.
Comme vous en avez été informés et comme il y a un an, les crédits reportés, sauf cas particuliers et reports sur fonds de concours, ont été systématiquement gelés, et ce dès la fin du mois de mars ; cela représente une augmentation complémentaire de la réserve de précaution de 2,3 milliards d’euros, ce qui permettra le respect de la cible de dépense.
Nous avons également sécurisé des sous-exécutions pour des dépenses de prestations sociales, et intégré une augmentation substantielle, de 500 millions d’euros, du dividende versé par la Banque de France, très supérieur à notre prévision en loi de finances initiale.
Nous avons également révisé à la baisse la prévision de dépenses locales pour tenir compte de ce que nous avons observé en 2016.
En ce qui concerne le budget de l’État, il n’y a pas d’annonces nouvelles en matière de dépenses, hors la situation guyanaise, qui fera l’objet de dépenses étalées dans le temps et à propos de laquelle les discussions ne sont pas terminées.
Nous prenons toutes les dispositions pour assurer le respect de l’ONDAM fixé, en hausse de 2,1 % seulement, notamment en portant les gels de crédits à un niveau un peu supérieur au minimum prévu par la loi de programmation des finances publiques.
Mesdames et messieurs les députés, nous avons réduit les déficits, nous avons fait baisser la part des dépenses publiques dans le PIB, nous avons amélioré la compétitivité des entreprises et redistribué, grâce à des marges de manœuvre, au profit des entreprises et des ménages – sous la forme des baisses d’impôts que vous avez régulièrement votées.
Voilà une photographie réaliste, qui n’a rien de fictif. Elle pourra être examinée dans le cadre d’éventuels audits.
M. le ministre. Avant de vous décrire la perspective tracée pour la période 2018-2020 dans ce programme de stabilité, je voudrais revenir sur un point qui concerne l’année 2017 et qui avait retenu votre attention, de même que celle du Haut Conseil des finances publiques ou des observateurs. Les interrogations concernant l’Unédic sont levées, et nous en tenons compte : l’accord signé n’ayant pas, pour 2017, les effets budgétaires attendus, nous l’avons en quelque sorte retiré de notre esquisse, mais comment traitons-nous la recapitalisation d’Areva et de la filière nucléaire ? Nous ne mettons pas le sujet de côté ni ne l’oublions, nous faisons le plus sérieusement possible. Mais alors, si nous n’avions pas intégré, l’automne dernier, d’impact de cette opération dans notre trajectoire centrale de déficit, pourquoi ne le faisons-nous toujours pas ? Lorsqu’il s’agit d’une cession ou d’une recapitalisation pas encore réalisée d’une entreprise publique, pour laquelle le choix d’acteurs privés n’est pas encore totalement arrêté, il serait irresponsable de la part de quelque gouvernement que ce soit de préjuger plusieurs mois à l’avance de l’issue de négociations difficiles et délicates. Il est de plus parfaitement hasardeux de préjuger de l’impact d’une opération de recapitalisation sur le déficit public au sens de Maastricht : cela dépend de la qualification du montant des recapitalisations en fonction des entreprises, des secteurs, des autres investisseurs – est-ce un investissement avisé ou non ? Personne n’est aujourd’hui capable de dire quel serait l’effet maastrichtien de l’opération. Ce sont l’INSEE et Eurostat qui nous éclaireront, une fois l’opération définitivement conclue. Cela dit, d’une part, nous travaillons à ce que les crédits budgétaires nécessaires aux opérations de recapitalisation de l’année soient disponibles. Depuis l’été 2016, nous avons entamé, vous l’aurez remarqué, plusieurs cessions d’ampleur, afin que tout gouvernement dispose, dans le compte d’affectation spéciale correspondant, des sommes nécessaires aux recapitalisations déjà annoncées. Il n’y a là aucune bombe à retardement et l’État pourra assumer les choix que nous avons faits, dont je ne crois d’ailleurs pas qu’ils aient vraiment, en l’occurrence, été remis en cause. D’autre part, si une telle opération devait avoir un quelconque impact maastrichtien – à mon avis, elle en aura un, relativement faible –, celui-ci ne remettrait pas en cause la dynamique pluriannuelle d’assainissement des comptes publics puisqu’elle serait considérée comme une mesure d’effet exceptionnel et temporaire, dite « one-off » en jargon.
Pour conclure, j’aimerais dire quelques mots de l’esprit dans lequel nous avons construit, dans ce programme de stabilité, la trajectoire de finances publiques pour les années 2018, 2019 et 2020. Je l’ai dit : nous avons fait le choix de retenir une trajectoire respectant à la lettre les règles européennes. Cela ne préjuge évidemment ni d’éventuelles flexibilités que pourrait demander la France dans les années qui viennent, ni même du choix de s’abstraire tout simplement de ces règles. Les flexibilités prévues par nos pactes et engagements divers sont réelles, même si elles ne peuvent jouer tant que le déficit est supérieur à 3 % du PIB
– elles le pourront donc en 2018, 2019 et 2020 – et même si elles ne peuvent le faire qu’a posteriori, ce qui signifie qu’elles peuvent servir non à définir une trajectoire à l’avance mais à expliquer une évolution qui ne serait pas exactement conforme à la trajectoire précédemment prévue. Nous avons voulu, en particulier pour l’année 2018 intégrer à la trajectoire la totalité des effets en termes de baisse d’impôts des décisions qui ont déjà été votées. Pas de faux procès, donc ! Les effets budgétaires de certains crédits d’impôt prévus pour 2017 se feront sentir en 2018 ; c’est tout à fait intégré au calcul de la trajectoire pour l’année 2018 et au-delà. Il n’y a pas de bombe à retardement !
Enfin, la trajectoire que nous avons décrite dans ce programme de stabilité, qui me semble constituer une référence intéressante, nous oblige à regarder quel effort sera nécessaire pour que l’effort de réduction de notre déficit soit conforme aux règles européennes. Dans la trajectoire que nous proposons, il suffit de prolonger l’effort de maîtrise des dépenses publiques fourni ces dernières années, au même niveau. Il n’est pas nécessaire de l’amplifier. Si une approche plus dure devait être mise en œuvre, ce serait, par exemple, pour compenser de moindres recettes fiscales – peut-être si l’impôt des plus aisés devait être réduit... Si les efforts faits depuis quatre ans sont poursuivis, la trajectoire que nous visons est parfaitement atteignable.
Ce message ne me paraît pas sans importance à l’heure de certains débats.
La France n’est pas dans une situation de faillite, ni à la veille d’un cataclysme financier. En réalité, après cinq ans de gestion sérieuse, la France est sur la voie du rétablissement définitif de ses finances publiques – elle n’y est pas encore, il faut encore des efforts, mais la catastrophe est plutôt derrière nous que devant nous. Nul besoin de couper brutalement dans les dépenses sociales ou de réduire à peau de chagrin nos services publics. Un simple effort de bonne gestion, poursuivi comme cela a été le cas ces dernières années à tous les niveaux de l’administration, nous permettra d’atteindre rapidement l’équilibre structurel de nos finances publiques et d’engager pour de bon une baisse du ratio de la dette publique rapportée au PIB.
Ainsi, de la position qui est la nôtre aujourd’hui, après plus de trois années passées à Bercy et à partager avec vous, mesdames et messieurs les députés, le plaisir de ces débats, le vœu le plus sincère que nous pouvons former pour l’avenir est que le prochain gouvernement conserve cet esprit de sérieux qui a guidé notre action. Cela n’empêche ni n’interdit des politiques différentes – chacun en propose aux électeurs – mais cela montre qu’à partir du rétablissement de la situation budgétaire et économique de la France des politiques nouvelles peuvent être menées, qui ne mènent pas la France à la catastrophe.
M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de cette dernière présentation.
Mes chers collègues, tous les clignotants sont donc au vert ! L’optimisme de nos membres du Gouvernement n’est tempéré que par quelques problèmes d’arrondi, si j’ai bien compris, et si jamais les choses ne se passaient pas comme prévu, il y a toujours des possibilités de flexibilité... Circulons, nos finances vont bien !
M. le ministre. J’ai essayé d’éviter la caricature, monsieur le président, vous feriez mieux de l’éviter également. Sinon, je peux vous répondre sur le même registre : en matière de déficit, des arrondis à la baisse, c’est mieux que des arrondis à la hausse pendant cinq ans !
M. le président Gilles Carrez. J’ai quand même une question sur l’année 2017. La prévision de recettes pour l’année 2017 a été faite sur une base 2016 qui s’est révélée trop optimiste. Je rappelle que nous avons pris une base avec une croissance à 1,5 %, mais celle-ci n’aura finalement été que de 1,1 %. Au passage, même si tous les clignotants sont au vert en France, le PIB allemand a crû pour sa part de 1,9 % : un écart de 0,8 point invite quand même à s’interroger ! Au-delà de cet effet base, la prévision de recettes pour l’année 2017 a été établie en se fondant sur l’hypothèse que le taux de croissance serait de 1,5 %. Or le consensus retient plutôt, aujourd’hui, une prévision de 1,3 % ; M. Didier Migaud le rappelait tout à l’heure. Ces deux phénomènes, qui touchent à la base 2016 et au flux pour l’année 2017, permettent de considérer que ce sont 5 à 6 milliards d’euros de recettes qui ne seront pas au rendez-vous...
M. le secrétaire d’État. C’est rassurant, car, l’année dernière, comme tous les ans, vous nous disiez qu’il manquerait 10 milliards d’euros !
M. le président Gilles Carrez. J’en viens aux dépenses. Vous aviez prévu 1,6 milliard d’euros d’économies sur l’Unédic. Vous nous avez dit qu’ils ne seraient pas au rendez-vous, et vous avez eu raison d’anticiper, car c’est ce que nous vous expliquions déjà dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2017. Vous nous avez dit qu’il n’y avait pas de problème en ce qui concerne la Guyane, même si nous avons promis 1 milliard d’euros : comme ce n’est pas encore « calé », ce milliard n’existe pas – ou alors vous nous expliquerez qu’il sera dégagé grâce à des redéploiements ! En ce qui concerne l’ONDAM, tout va très bien, il ne progressera que de 2,1 %. Pourtant, tout le monde sait bien qu’entre la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique hospitalière et les revalorisations tarifaires au titre de la nouvelle convention médicale ce n’est pas possible. Je ne reviens pas sur les explications données par M. Sapin à propos d’Areva, mais, avec toutes les sous-budgétisations habituelles, entre opérations extérieures, hébergement d’urgence et aide médicale de l’État, il y en aura pour plus de 2 milliards d’euros. Tout cela sera financé par gels et « surgels », mais, même en calculant de la façon la plus honnête et sans aucune caricature, nous constatons un écart d’une dizaine de milliards d’euros par rapport à aux prévisions du Gouvernement. Et 10 ou 12 milliards d’euros cela fait 0,2, 0,3 ou 0,4 point de PIB. L’honnêteté devrait conduire à retenir non un déficit limité à 2,8 % du PIB mais un déficit de 3,2 ou 3,3 % du PIB !
M. le secrétaire d’État. Vous n’avancez plus le chiffre de 4,7 % ?
M. le président Gilles Carrez. C’était un chiffre sur deux ans, et j’ai bien compris qu’il n’y aurait, en 2018, aucun effet de baisse d’impôt ou de report qui ne soit prévu dans ce programme de stabilité. Cependant, comme nous l’avons reçu il y a une heure et demie, nous n’avons pu vérifier dans le détail si l’effet du CICE, massif sur 2018, ou celui de la transformation de la réduction d’impôt en crédit d’impôt pour les emplois familiaux étaient bien pris en compte ; je me borne donc à vous parler de l’exercice 2017, et nous assistons quand même à un tour de magie. Ajoutez une dizaine de milliards d’euros à votre prévision de déficit et celle-ci passe de 2,7 % du PIB à 3,2 % du PIB !
Une confidence : j’avais parié, il y a plusieurs semaines, que le déficit annoncé pour 2017 serait de 2,8 %. Il ne pouvait pas, décemment, être de 2,7 % – même avec des arrondis, il devait être supérieur. Il ne pouvait pas non plus être de 2,9 %, parce que la Commission européenne avait eu l’outrecuidance d’annoncer, il y a plusieurs mois, que le déficit réel serait de 2,9 % du PIB ; le choix se porterait donc sur 2,8 %. J’ai ainsi gagné le pari que j’ai fait avec un certain nombre de journalistes.
Que penser de ce chiffre ? Est-ce un chiffre visé ? Après tout, ce sont les objectifs qui tirent derrière eux la réalité. Espérons que nous en sommes là. Ou est-ce un chiffre vraiment documenté ? Je penche plutôt pour la première hypothèse. En tout cas, quand on est ministre, il faut être optimiste, et je salue, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre optimisme en cette fin de législature.
M. le secrétaire d’État. Quel mépris pour le travail des administrations, monsieur le président ! Croyez-vous que l’on fixe un chiffre comme cela et qu’on le documente ensuite ? Non, monsieur le président !
M. le ministre. Peut-être est-ce ce que la majorité à laquelle vous apparteniez faisait, monsieur le président !
M. le secrétaire d’État. Quand on fait un programme de stabilité, on regarde la situation, on rebase, on prend en compte les mesures décidées dans les lois de finances précédentes, on en évalue l’impact. C’est ainsi que nous sommes parvenus aux chiffres que nous présentons ! Prétendez-vous que nous serions, au contraire, partis du chiffre que nous voulions présenter ? C’est méprisant !
M. le ministre. Disons que c’est le débat politique un peu caricatural que voudrait aujourd’hui la droite, mais nous attendions mieux et plus du président de la commission des finances !
M. le président Gilles Carrez. Je vous faisais part d’une interrogation.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La mise en œuvre du prélèvement à la source se déroule-t-elle selon les modalités prévues lorsque le Parlement a adopté ce dispositif dans la loi de finances ? L’impôt sur le revenu des salariés des très petites entreprises, celles qui emploient dix personnes ou moins, devait par exemple être prélevé directement sur les comptes bancaires des entreprises par l’administration fiscale, mais j’ai cru comprendre que vous envisagez désormais de charger les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de cette opération. Confirmez-vous ce changement, et pouvez-vous nous expliquer ce qui l’a motivé ?
Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Selon la Commission européenne, notre pays a plutôt fait des progrès en matière de relance de l’investissement, de politique budgétaire responsable, et de mise en œuvre de réformes structurelles. Quelles hypothèses retenez-vous afin que la France ne soit pas pénalisée dans la période 2018-2020, au cas où les négociations du Brexit seraient extrêmement dures ?
La France a bénéficié de la première phase du plan d’investissement de l’Union européenne, dit « plan Juncker ». Elle a en particulier utilisé ces fonds pour mener une politique climatique et énergétique. Je ne commente pas vos propos relatifs à Areva, mais, dans le cadre de la deuxième phase de ce plan, pouvons-nous aller encore plus loin en matière d’énergie ?
L’Espagne et le Portugal, dont les déficits publics se situent bien au-delà des 3 %, profitent aujourd’hui de la « flexibilité » qui prévaut pour l’application des règles de l’Union européenne. Que pensez-vous des choix faits par les Portugais ?
Les collectivités locales ont consenti de gros efforts économiques, mais leurs investissements, qui constituent l’un des moteurs de l’investissement national, n’en souffrent-ils pas ?
M. Dominique Lefebvre. Le calendrier de l’Union européenne nous amène à nous réunir aujourd’hui pour examiner le programme de stabilité. Il percute le calendrier politique national à la veille d’un scrutin présidentiel.
Finalement, deux questions se posent : l’une porte sur la perspective d’exécution en 2017, l’autre sur la perspective de trajectoire d’ici à 2020. La façon d’y répondre dépend de notre choix de respecter ou de ne pas respecter les règles de l’Union européenne.
Je constate que les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles le Gouvernement s’est fondé pour proposer ce programme de stabilité sont prudentes et plausibles. Elles permettent d’élaborer des scénarios de finances publiques réalistes. Si on les compare à celles des programmes de chacun des candidats à l’élection présidentielle, elles apparaissent comme les plus raisonnables. Elles s’inscrivent de ce point de vue dans la cohérence de ce quinquennat et, en l’absence d’une parole suffisamment forte pour défendre le bilan de cette période, je comprends que le ministre et le secrétaire d’État s’en chargent en personne.
J’en viens à l’exécution de l’année 2017. Monsieur le président, parce que je sais que vous plaidez jusque dans votre propre camp pour le sérieux budgétaire, permettez-moi de vous dire qu’il y a quelque danger à vouloir à tout prix affirmer que le déficit public de la France ne sera pas inférieur à 3 % en 2017. Il s’agit en effet du prétexte qu’attendent tous ceux qui ne veulent pas faire les efforts nécessaires – et, à ce jour, je ne connais qu’un candidat à l’élection présidentielle qui propose de ne pas dépasser ce ratio.
Le ministre et le secrétaire d’État assument le fait que pour respecter cet objectif, il faut prendre 3,4 milliards d’euros de mesures nouvelles par rapport ce qui était prévu en loi de finances initiale. Lorsque la Cour des comptes aura rendu son audit des finances publiques au prochain gouvernement, ce dernier sera confronté à un choix simple : prendra-t-il les mesures nécessaires, ou laissera-t-il filer le déficit ? Les mesures proposées sont de même ampleur que celles que nous mettons en œuvre depuis des années. Elles ont permis d’assurer une trajectoire de baisse régulière du déficit nominal, accompagnée aujourd’hui d’une maîtrise de la dépense publique et d’une baisse des prélèvements obligatoires.
Comme vous, monsieur le ministre, je crois que ce programme de stabilité constituera, demain, un document de référence. Il est bien de la responsabilité de ce Gouvernement de proposer un programme de stabilité conforme aux règles européennes. Le ministre et le secrétaire d’État répondront sans doute à l’argument avancé par le président du Haut Conseil des finances publiques que nous avons entendu ce matin, selon lequel un calcul différent de la croissance potentielle obligerait à demander un ajustement structurel supérieur au 0,5 % annuel prévu par les traités – il serait alors plutôt de 0,8 ou 0,9 %.
Le Président de la République et la majorité parlementaire issus des prochaines élections auront à décider si la France reste ou non dans l’Union européenne. Une fois qu’il sera acquis que nous voulons durablement ne plus être soumis à la procédure de déficit excessif, nous pourrons, le cas échéant, bénéficier des flexibilités propres à l’Europe.
Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, vous parlez du prélèvement à la source comme d’une réforme « historique » ! Franchement, dans l’histoire de France, qu’est-ce que le prélèvement à la source ? L’appel du 18 Juin, c’est historique, mais si l’histoire de France devait retenir la mise en place du prélèvement à la source comme un événement historique, ce serait à désespérer. Que les services de Bercy soient ravis de faire enfin passer une mesure dont ils rêvaient depuis des années, je veux bien le croire, mais...
M. le ministre. C’est exactement l’inverse !
M. le secrétaire d’État. Ils n’en voulaient pas !
Mme Marie-Christine Dalloz. À la première page du document de présentation du programme de stabilité, que vous nous avez distribué, un graphique décrivant l’évolution de la croissance du PIB en volume entre 2012 et 2017 est intitulé : « La reprise économique se confirme ». Monsieur Eckert, je ne conteste pas vos chiffres...
M. le secrétaire d’État. Ce sont ceux de l’INSEE, pas les miens !
Mme Marie-Christine Dalloz. J’aurais seulement voulu que l’on puisse les comparer avec la croissance moyenne des PIB des pays de la zone euro. Et, croyez-moi, si vous aviez fait ce travail pour les principales données économiques que vous citez, les indicateurs « au vert » auraient été beaucoup moins nombreux !
Vous parlez aussi de « maîtrise de la dépense publique ». Heureusement que j’étais assise quand j’ai entendu cela. Vous oubliez que vous avez bénéficié de taux d’intérêt très bas. Les économies que vous avez pu faire sur les intérêts de la dette vous ont permis de dégager 2 milliards d’euros par an par rapport à la période précédente. Vous ne pouvez tout de même pas vous attribuer les mérites de la baisse des taux ou de celle du prix du baril de pétrole !
Ce qui est bien réel en revanche, c’est la purge que vous avez imposée aux collectivités territoriales. Si, l’année dernière, la dépense publique de l’État avait progressé en fonctionnement comme celle des collectivités locales, soit une augmentation de seulement 0,1 %, nous serions bien en deçà des 3 % de déficit. Aujourd’hui, non seulement les collectivités locales n’investissent plus, mais elles ont dû se soumettre, en termes de fonctionnement, à des purges ahurissantes.
Et puis, monsieur Eckert, si tous les indicateurs sont « au vert », pourquoi le Président de la République s’est-il arrêté à un feu rouge et s’interdit-il d’aller plus loin ? C’est à n’y rien comprendre !
Lors de cette dernière réunion de commission, j’aurais espéré pouvoir participer à un exercice de vérité sur la situation de notre pays. Tout le monde a sans doute besoin de « calinothérapie » en ce moment, mais vous y êtes allés un peu fort. Je regrette que la présentation de ce programme de stabilité ne nous donne pas une juste vision de la réalité. Vous affirmez que vous rendez une maison en ordre. Il faudra revenir demain sur de tels propos. Je crains qu’ils ne deviennent « collector » et que, d’ici à trois mois, nous ne découvrions, à l’inverse du prétendu ordre que vous évoquez, un véritable désordre dont nous aurions dû traiter aujourd’hui.
M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez globalement un mauvais bilan. D’après vos chiffres, entre 2011 et 2017, le déficit public est passé de 5,1 à 2,8 points de PIB, soit une différence de 2,3 points. Pour ma part, je pense que le déficit pour 2017 sera plutôt de 3,2 ou 3,3 %, mais, même si l’on s’en tient à vos chiffres, il faut se demander comment vous avez obtenu ce résultat. Tout simplement en faisant adopter une hausse massive des prélèvements obligatoires : ils sont passés de 42,6 points de PIB, en 2011, à 44,3 en 2017, soit 1,7 point de différence ! Et encore, présentez-vous des données nettes des crédits d’impôt. Si vous teniez compte de ces derniers, vous constateriez que quasiment 90 % de la réduction du déficit a pour origine la hausse massive des prélèvements obligatoires. Voilà la dure réalité ! Vos documents mettent en avant « des prélèvements obligatoires stabilisés » nets des crédits d’impôt, mais les prélèvements obligatoires augmentent si l’on tient compte des crédits d’impôt : ils passent de 44,4 à 45,6 % du PIB entre 2016 et 2017.
Je ne suis pas de ceux qui prétendent que vous n’auriez fait aucun effort en matière de finances publiques. Vous en avez fait, mais ils sont très insuffisants. Vos documents montrent par exemple que la part des dépenses publiques dans le PIB, hors crédits d’impôt, est passée de 55,1 à 54,3 %, soit une différence de seulement 0,8 point – et cette différence n’existe même plus si l’on intègre les crédits d’impôt. Autrement dit, pendant cinq ans, vous avez fait quelques efforts pour ralentir la hausse de la dépense publique, mais ils ont été très insuffisants.
Le Haut Conseil des finances publiques souligne que « l’évaluation d’un écart de production très important conduit à minorer l’effort à réaliser pour rééquilibrer les finances publiques ». Plutôt qu’un effort structurel de 0,5 point annuel, conforme aux vœux de la Commission européenne et non des traités, il faudrait atteindre les 0,8 ou 0,9 point, c’est-à-dire faire une économie de 16 à 17 milliards par an pour redresser nos finances publiques, soit près de 100 milliards d’euros en cinq ans. Vos efforts correspondent donc à peine à la moitié de ceux qui seraient nécessaires.
Que pensez-vous de l’avis très clair du Haut Conseil relatif à votre estimation de l’écart de production ? Tous les ans, depuis quatre ans, je m’inquiète de l’écart croissant que vous annoncez en vous signalant que vos chiffres ne peuvent pas correspondre à la réalité.
Nous ne redresserons nos finances publiques que si la compétitivité de l’entreprise France s’améliore. La faiblesse de la France en termes de compétitivité lui coûte en moyenne 0,4 point de taux de croissance annuel. En annonçant une croissance d’1,5 à 1,7 % du PIB, vous faites l’hypothèse d’une neutralité de la balance commerciale alors que, depuis cinq ans, cette dernière a toujours eu un effet négatif pour environ 0,4 ou 0,5 point, selon vos propres chiffres. Sur quels éléments cette hypothèse est-elle fondée ?
Vos documents présentent un histogramme intitulé : « Une dette maîtrisée ». Je fais partie des quelques députés qui regardent les comptes de l’État – il paraît que nous ne sommes que trois ou quatre. En lisant ceux de 2015, j’ai essayé de comprendre pourquoi la hausse de la dette ne correspondait pas du tout à l’augmentation du déficit. J’ai creusé cette affaire, et j’ai découvert le problème des primes d’émission. Dans les comptes publics de l’État, à la fin de 2015, il y en avait pour un peu plus de 50 milliards d’euros. D’après mes calculs, pour l’année 2016, il faudrait compter 25 milliards supplémentaires, et encore 15 à 20 milliards pour 2017. Faites l’addition : vous obtiendrez un montant de 90 à 95 milliards cumulés sur cinq ans ! On arrive presque à 100 milliards, soit quasiment 4 points de PIB.
M. le secrétaire d’État. Vous nous répétez la même chose tous les ans !
M. Charles de Courson. Ce n’est pas pour cela que c’est faux ! J’attends seulement d’avoir des explications. Je rappelle que le mécanisme des primes d’émission consiste à émettre à des taux très élevés, ce qui plombe les exercices futurs. Cette politique fait croire que la dette est maîtrisée alors qu’elle ne l’est absolument pas. Nous nous retrouvons en revanche dans l’obligation de payer ultérieurement davantage d’intérêts. Nous avons interrogé vos services qui nous ont répondu qu’il s’agissait d’une demande du marché. Pas du tout ! C’est une stratégie pour faire croire que la dette publique est maîtrisée.
M. Pierre-Alain Muet. Le mot « historique » a été employé pour qualifier l’introduction du prélèvement à la source. Je rappelle que, depuis cinquante ans, la droite a fait trois tentatives infructueuses pour le mettre en place : M. Jacques Chirac, secrétaire d’État à l’économie et aux finances s’y était essayé à la fin des années soixante, avant M. Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’économie et des finances au début des années soixante-dix, puis, plus récemment, M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie entre 2005 et 2007. Le jour où nous passerons au prélèvement à la source, et je pense que c’est pour l’année prochaine, sera donc bien un jour « historique » à l’échelle de ce demi-siècle.
La trajectoire pluriannuelle de finances publiques que vous proposez est à la fois sérieuse et intéressante. Dans un contexte où l’écart de production reste extrêmement élevé
– et à mon sens, le ministère des finances a raison de l’estimer à 3 points de PIB –, elle montre que la règle édictée par la Commission imposant aux États membres concernés un effort annuel de réduction de 0,5 point de PIB du déficit structurel oblige à mener une politique économique qui n’est pas optimale. Je ne reproche pas au Gouvernement d’avoir appliqué la règle européenne, mais elle produit des résultats étonnants. Nous observons à la fois une très faible croissance – alors qu’avec un fort écart de production, une politique budgétaire neutre, voire expansionniste, relancerait la machine bien au-delà de la croissance potentielle –, et un déficit conjoncturel extrêmement élevé qui ne se réduit pas.
Afin d’atteindre un solde structurel nul, on conduit finalement une politique sous-optimale qui bride la croissance, ce que j’appelle une politique d’austérité. La croissance est freinée par rapport à ce qui serait nécessaire pour consommer l’écart de production et approcher la production potentielle. La réduction du déficit est inférieure à ce qu’elle devrait être, en raison d’un fort déficit conjoncturel, soit 1,3 point de PIB en 2020. Quant à l’inflation, elle est trop faible par rapport au niveau auquel elle s’établirait si l’on menait une politique budgétaire plus souple. En conséquence, la dette ne se réduit pas autant que cela serait possible sans une croissance et une inflation faibles. On sait que lorsque la dette approche des 100 % du PIB, sa réduction passe par la croissance nominale du PIB : avec 2 % de croissance en volume et 2 % d’inflation, la dette se réduit dès que le déficit passe sous les 4 % de PIB.
Une politique beaucoup plus pertinente pourrait être menée si nous pratiquions une politique budgétaire bien plus souple sans nous imposer de revenir à un déficit structurel nul qui n’a vraiment aucun sens au regard de la réalité macroéconomique de notre pays – même s’il est inscrit dans les traités. En faisant ce choix, je crois que nous obtiendrions la même réduction des déficits, et que nous aurions aussi, grâce à une réduction du déficit conjoncturel, une croissance plus forte, une inflation plus raisonnable, et une dette qui poursuivrait sa décrue. Cela donne envie de faire une autre politique.
M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je crains que nous n’ayons pas lu les mêmes passages de l’avis du Haut Conseil des finances publiques relatif aux prévisions économiques associées au programme de stabilité que vous présentez.
Vous avez retenu les quelques éléments positifs qui s’y trouvent, mais vous oubliez d’en mentionner d’autres qui le sont un peu moins. Comme le soulignait, par exemple, Charles de Courson, le Haut Conseil a estimé que « l’évaluation d’un écart de production très important » a conduit à réduire artificiellement le déficit structurel. Le Haut Conseil pense également qu’il est indispensable que la prochaine loi de programmation corrige certaines estimations, considérant qu’elles devront être fondées « sur des bases réalistes », ce qui laisse supposer que ce n’est pas le cas des données que vous avancez aujourd’hui.
Vous semblez avoir totalement oublié les promesses de 2012. Le déficit n’a aujourd’hui plus rien à voir avec ce qui était annoncé à l’époque. L’écart entre ce qui a été promis, et ce qui est réalisé est abyssal. Vous nous dites : « Dormez tranquille, brave gens, la dépense publique est maîtrisée ! » Vous savez pourtant parfaitement qu’il n’en est rien. En matière de dépenses publiques, la France reste l’un des plus mauvais élèves de l’Union européenne. Comme vous le demandait Marie-Christine Dalloz, nous aurions voulu pouvoir comparer les chiffres français et européens. Alors que chez nos voisins une dynamique a été enclenchée, vous n’avez pas fait les efforts structurels nécessaires dans notre pays.
La France a non seulement un vrai problème de déficit, contrairement à ce que vous affirmez, mais elle rencontre aussi un problème de dette. Cette dernière a continué d’augmenter pour atteindre aujourd’hui des sommets. Elle reste nettement supérieure à la moyenne de la zone euro. En moyenne, la dette des États membres correspond à 85 % du PIB alors qu’elle représente plus de 90 % du nôtre. De plus, le poids de la dette publique a diminué dans la zone euro alors qu’il a continué d’augmenter en France. Je ne vois pas comment vous pouvez écrire que « les voyants de l’économie sont au vert » alors que la dette s’est creusée chez nous, contrairement à ce qui s’est produit chez nos voisins.
Il est très clair que la situation budgétaire dont héritera le futur gouvernement sera extrêmement lourde. Je rejoins les conclusions de Charles de Courson : l’effort à fournir lors du prochain quinquennat sera plus proche de 80 à 100 milliards d’euros que des chiffres que vous indiquez. L’écart entre la réalité et votre présentation d’aujourd’hui est décidément considérable.
M. le ministre. Personne ne s’étonnera, à quelques jours de l’élection présidentielle, que le débat prenne un tour polémique et politicien : pour l’opposition, tout ce qu’a fait le Gouvernement est négatif. Sans que la majorité estime que tout ce que nous avons fait est positif, disons, que je sens davantage de soutien de sa part. Je laisserai donc de côté ce qui relève de ces postures – et de ce point de vue, Mme Marie-Christine Dalloz atteint des sommets.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je prends cela comme un compliment !
M. le ministre. Disons que ce n’était pas tout à fait le sens de mon propos !
Je ne m’arrêterai pas davantage sur les débats relatifs à l’écart de production et à l’effort structurel. Ils sont sans doute très importants du point de vue théorique, sur le plan européen, et dans leurs conséquences pratiques pour la mise en œuvre d’une politique budgétaire, mais pour m’être plongé dans ces questions, j’ai constaté que beaucoup d’interprétations différentes coexistaient en la matière. La Commission européenne n’a pas la même approche que le ministère des finances français et, si j’en parle avec mes collègues de l’Eurogroupe, on trouve dix-neuf positions différentes autour de la table. Cela relativise un peu l’importance du sujet, même si je ne la minore pas. Sur le plan théorique, je comprends que le débat existe.
Pour ma part, je crois en une chose : les déficits diminuent, et il faut que cette tendance se poursuive dans des conditions qui ne soient pas contre-productives pour la croissance et l’activité du pays. Les politiques que nous avons menées à partir de 2014 avaient précisément cet objectif : avec l’autorisation de nos partenaires européens, nous avons emprunté une pente de réduction des déficits moins raide, ce qui a permis de retrouver une croissance supérieure à 1 %. Je propose que nous continuions dans cette voie. Lorsque l’on veut réduire les déficits, il faut toujours se préoccuper des conséquences que cela peut avoir sur la croissance. Nous pouvons toujours chercher à atteindre un objectif de 0,8 ou de 0,9 % en termes d’effort structurel ; si cela ramène la croissance à zéro, je ne crois pas que nous y aurons gagné grand-chose.
Plusieurs d’entre vous ont demandé que nous fassions des comparaisons internationales. Si l’on veut comprendre la différence entre la situation de la France et de l’Allemagne, il faut se souvenir qu’en 2011 le déficit de l’Allemagne était de zéro alors que celui de la France atteignait 5 % du PIB. Lorsqu’une économie passe d’un déficit nul à un déficit nul, cela lui laisse une capacité de financement considérable, alors que le passage d’un déficit de 5 % à un déficit inférieur à 3 % a indéniablement un effet restrictif, même si l’effort entrepris était nécessaire et incontournable. En 2013 et 2014, nous avons eu de mauvaises nouvelles, en particulier sur le front de la croissance, parce que la crise européenne perdurait, mais aussi parce que nous avions mis en œuvre une politique dont les effets ont été restrictifs pour l’activité économique – elle comportait par exemple des prélèvements obligatoires supplémentaires.
Nous vous proposons aujourd’hui de continuer à diminuer les déficits tout en veillant à maintenir un soutien à l’activité à un niveau suffisant.
Madame la présidente Danielle Auroi a évoqué le cas du Portugal. Entre 2015 et 2016, le déficit du pays est passé de 4 à 2,3 % du PIB, et l’objectif visé pour 2017 est inférieur à 2 %. Je constate simplement que la tendance précédente s’est inversée depuis l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement dirigé par un socialiste et issu d’une majorité composite, et je remarque qu’il a agi dans le cadre européen, avec les outils de maîtrise de la dépense publique. Ce qui s’est passé au Portugal est très intéressant. Quel que soit son bord politique, chacun devrait pouvoir s’en inspirer.
Monsieur de Courson, il n’y a aucune manipulation de la dette de notre part, il n’y a pas de « stratégie pour faire croire que la dette publique est maîtrisée » grâce à je ne sais quel instrument. En France, comme dans tous les pays d’Europe, les primes d’émission constituent un outil habituel utilisé dans le contexte très particulier des taux d’intérêt actuels. Si vous estimez que nous avons manipulé la dette, alors cela veut dire que tous les pays d’Europe ont fait de même. Ce n’est pas sérieux ! Il s’agit au contraire d’une démarche de bonne gestion des finances publiques. Il n’y a pas eu d’instructions données à nos services pour manipuler la dette – faites leur le crédit de penser qu’ils auraient refusé de les mettre en œuvre !
Je ne traiterai pas aujourd’hui des conséquences budgétaires du Brexit, mais elles risquent de ne pas être négligeables. Je rappelle que la contribution du Royaume-Uni correspond à 10 milliards d’euros nets par an.
Nous nous fixons des trajectoires en loi de finances initiale, puis en cours d’année, et aujourd’hui encore avec le programme de stabilité, mais tout est dans l’exécution. Aujourd’hui, 8 milliards de crédits sont gelés parce que nous pensons qu’une réserve est nécessaire pour atteindre l’objectif fixé. Monsieur le président, tous les ans, vous citez les mêmes chiffres en tenant les mêmes raisonnements. L’année dernière votre raisonnement n’était sans doute pas faux lorsque vous annonciez qu’il manquerait 10 milliards, mais en exécution il s’est révélé inexact. Tous les ans, depuis 2014, nous atteignons la cible que nous nous étions fixée tout en respectant les règles européennes. Je propose que nos successeurs agissent de même dans les années qui viennent.
M. le secrétaire d’État. Madame la rapporteure générale, la mise en œuvre du prélèvement à source se déroule en conformité parfaite avec ce qui a été prévu. Le pouvoir exécutif est chargé d’appliquer les décisions prises par le Parlement. Ce dernier a adopté le prélèvement à la source, et il a décidé qu’il sera mis en œuvre à partir du 1er janvier 2018. Le Gouvernement se doit de prendre toutes les dispositions pour respecter le vote émis par le Parlement. Certains ont commenté négativement la campagne d’information que nous avons engagée sur le sujet, mais, en plus, de répondre à l’attente des contribuables, de nos agents, et des entreprises, elle correspond parfaitement à la décision du législateur. Nous ne respecterions pas cette dernière si, à moins d’un an de l’échéance, nous n’avions pas commencé à former les agents, à informer les contribuables, et à préparer les systèmes informatiques.
Je crains que Mme la rapporteure générale ait fait une confusion entre le rôle des URSSAF et celui de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Pour prélever l’impôt à la source, sur le plan technique, la DGFiP utilisera la DSN, également utilisée par les URSSAF, mais aussi par de nombreux organismes complémentaires d’assurance maladie ou de retraite. Ce sont donc bien les services qui opéreront à partir des informations collectées grâce à la DSN.
Le calendrier de la réforme est ce qu’il est. Nous n’avons jamais prétendu qu’il était confortable. Des tests à blanc seront effectués avec des entreprises qui ont déjà été retenues. J’ajoute que faire marche arrière une fois que la réforme sera engagée poserait sans doute plus de problèmes que n’en a soulevés sa mise en œuvre initiale. Il faudrait par exemple revenir sur l’annulation des impôts de l’année 2017. Je ne sais pas très bien comment cela pourrait se gérer, y compris en termes constitutionnels.
L’investissement des collectivités locales est encore en baisse en 2016, avec un recul de l’ordre de 3 %. Cette baisse est très nettement inférieure à celles des années précédentes, correspondant à des années électorales et à des périodes de fusions de collectivités, qui ne favorisaient guère la prise de décision. Le Parlement a consacré de nombreux moyens à l’accompagnement de l’investissement des collectivités territoriales.
Puisque M. Patrick Hetzel nous incitait à faire des comparaisons entre la France et les pays européens, ou entre la réalité et les engagements pris pendant les campagnes présidentielles, je lui rappelle celui de Nicolas Sarkozy qui annonçait en 2007 qu’il ferait passer la dette sous les 60 % du PIB... Je le renvoie aussi à l’excellent document publié par France Stratégie sur la décennie 2017-2027, dont l’un des fascicules analyse le poids et les composantes de la dépense publique en France par rapport à quelques grands pays européens. Il en ressort que si la dépense publique en France est plus forte qu’ailleurs, les différences constatées viennent pour les deux tiers de la comptabilisation dans notre pays des dépenses de retraite qui ne sont pas prises en compte ailleurs. Je vous invite à regarder ces documents de près : ils vous permettront de remettre en cause un certain nombre d’idées préconçues.
Monsieur de Courson, vous m’interrogez tous les ans sur les primes d’émission : je vous ai déjà répondu dix fois, y compris dans l’hémicycle, lors des questions au Gouvernement. Je crois que je ne vous convaincrai pas. Je viens de vous transmettre un récapitulatif précisant les volumes réels de primes d’émission établis par nos services, que vous pouvez d’ailleurs trouver dans tous les documents budgétaires – rien à voir avec des volumes fictifs inventés. Je rappelle seulement que nous remboursons plus rapidement la dette lorsque nous utilisons les primes d’émission : on paie plus d’intérêts, mais beaucoup moins de capital en fin de course. Globalement, nous réglons le même montant.
M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous remercions vivement.
Et nous actons que la rapporteure générale, que nous chargeons d’examiner plus attentivement que nous n’avons pu le faire les documents qui nous ont été remis aujourd’hui, publiera un rapport d’information sur le programme de stabilité et le programme national de réforme.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 12 avril 2017 à 11 heures 30
Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Alain Fauré, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Marc Goua, M. Patrick Hetzel, M. Dominique Lefebvre, M. Pierre-Alain Muet, Mme Valérie Rabault
Excusés. - M. Guillaume Bachelay, Mme Karine Berger, M. Olivier Dassault, M. Olivier Faure, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. Jean-Pierre Gorges, M. Laurent Grandguillaume, M. David Habib, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, Mme Christine Pires Beaune, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier
Assistait également à la réunion. - Mme Danielle Auroi
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