Accueil > Travaux en commission > Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 5 décembre 2012

Séance de 9 heures 15

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Audition de M. Pascal Brice dont la nomination est proposée aux fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) (M. Guy Geoffroy, rapporteur)

– Vote sur la proposition de nomination de M. Pascal Brice dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement

– Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative aux juridictions de proximité (n° 436) (M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur)

– Examen, en application de l’article  88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi de MM. Guillaume Larrivé, Éric Ciotti et Philippe Goujon précisant les conditions de l'usage légal de la force armée par les représentants de l'ordre dans l'exercice de leurs missions et renforçant la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes (n° 191) (M. Guillaume Larrivé, rapporteur)

– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi de MM. Didier Quentin, Charles de La Verpillière et Jacques Lamblin et plusieurs de leurs collègues, visant à encadrer les grands passages et à simplifier la mise en œuvre de la procédure d'évacuation forcée (n° 330) (M. Didier Quentin, rapporteur)

La séance est ouverte à 9 heures 20.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l’audition de M. Pascal Brice dont la nomination est proposée aux fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) (M. Guy Geoffroy, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Le président de la République a proposé la nomination de M. Pascal Brice aux fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). L’article 13, alinéa 5, de la Constitution, et les lois organique et ordinaire du 23 juillet 2010 prévoyant que les commissions des Lois des deux assemblées doivent émettre un avis public sur cette proposition, nous procédons ce matin à l’audition de M. Brice, à qui je souhaite la bienvenue.

Nous avons décidé d’utiliser la possibilité offerte par l’article 29-1 du Règlement de notre assemblée de nommer un rapporteur ; bien que le Règlement ne l’impose pas, j’ai souhaité qu’il soit membre de l’opposition – nous ferons ainsi jurisprudence pour de futurs avis sur des nominations. Il s’agit, en l’occurrence, de notre collègue Guy Geoffroy.

À l’issue de cette audition, M. Brice se livrera au même exercice devant la commission des Lois du Sénat. Après son départ, nous procéderons à un vote à bulletins secrets. Les bulletins seront conservés dans une enveloppe scellée jusqu’à 12 h 30 ; en effet, conformément à l’article 5 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, le scrutin doit être dépouillé au même moment à l’Assemblée nationale et au Sénat. L’article 13 de la Constitution prévoit que si l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions, le président de la République ne peut procéder à la nomination.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la possibilité d’inaugurer cette nouvelle procédure.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), établissement public doté de l’autonomie administrative et financière, a fêté ses soixante ans en juillet dernier. Les dispositions de la loi du 25 juillet 1952 ont cependant fait l’objet de modifications en 2003 et en 2007. Ces dispositifs ayant été codifiés, le statut de l’OFPRA est désormais régi par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Depuis le 25 novembre 2010, l’OFPRA est placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur – et non plus sous celle du ministère des Affaires étrangères.

L’OFPRA a compétence pour reconnaître deux types de protection juridique : le statut de réfugié et celui d’apatride. Pour mener à bien sa mission, il dispose de personnels et de moyens budgétaires conséquents : pour 2012, son budget s’élevait à plus de 34 millions d’euros et ses effectifs à 455 équivalents temps plein (ETP), auxquels s’ajoutaient une vingtaine d’autres ETP correspondant aux agents de catégorie C mis à disposition par le ministère des Affaires étrangères.

Les décisions de l’OFPRA peuvent faire l’objet de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). On peut légitimement s’interroger sur le nombre élevé, premièrement, de recours présentés, deuxièmement, de recours acceptés. Le nombre de dossiers présentés à l’OFPRA est en hausse constante depuis cinq ans – plus de 60 % au total entre 2007 et 2011. En 2011, sur 55 500 décisions rendues, 10 702 admissions sous protection ont été accordées, soit un peu moins de 20 % ; 60 % des décisions de rejet font l’objet de recours, qui aboutissent, dans 17 % des cas, à une annulation de la décision de l’OFPRA par la CNDA. Même si ce taux est en diminution, les annulations restent, en valeur absolue, nombreuses ; on peut considérer qu’une admission sur deux est actuellement satisfaite par la voie du recours.

Le rôle du directeur général de l’OFPRA est celui d’un gestionnaire d’établissement public ; il en exerce les compétences habituelles – ordonnancement des recettes et des dépenses de l’établissement, représentation en justice, etc. –, et assure le suivi du contrat d’objectifs et de moyens conclu avec le ministère de l’Intérieur. Aux côtés du président du conseil d’administration, il assume un ensemble de responsabilités, sur lesquelles M. Brice va nous livrer son point de vue.

L’essentiel de votre carrière, monsieur Brice, s’est déroulée dans le corps diplomatique, avec des passages en cabinets ministériels – ce qui est le cas actuellement. Le fait qu’un diplomate postule à la direction générale de l’OFPRA ne me semble pas une mauvaise chose : certaines fonctions du directeur général s’apparentent en effet à des fonctions consulaires, notamment l’exercice de la protection juridique et administrative des réfugiés, des apatrides et des bénéficiaires de la protection subsidiaire. Toutefois, l’OFPRA est placé, depuis 2010, sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. De surcroît, le nombre de dossiers qui lui sont soumis ne cesse d’augmenter, alors que l’on observe une évolution en sens inverse du nombre de naturalisations – les deux phénomènes n’étant pas liés. Si vous devenez directeur général, conserverez-vous la rigueur dans l’admission qui caractérise depuis quelques années l’étude des dossiers par l’OFPRA, ou bien votre passé de diplomate vous conduira-t-il à ouvrir plus largement les portes de la protection et du droit d’asile ?

Un récent rapport du Sénat formule des propositions intéressantes, notamment celle d’installer une représentation permanente de l’OFPRA au sein de la CNDA. Vu le nombre important de recours et d’annulations, on risque en effet de voir les demandeurs d’asile développer des stratégies. Comptez-vous renforcer les liens entre l’OFPRA et la CNDA ?

Actuellement, le délai d’instruction complet d’un dossier relatif au droit d’asile s’élève à 17 mois, à raison de cinq mois et demi devant l’OFPRA et de onze mois devant la CNDA. Le ministre de l’Intérieur envisage de réduire ce délai à 8 ou 9 mois. Partagez-vous cet objectif ? Pensez-vous pouvoir améliorer les délais d’examen sans nuire à la qualité de l’instruction, de surcroît dans le double contexte d’une augmentation de 8 à 10 % par an du nombre total de demandes et d’une très forte contrainte budgétaire ?

M. Pascal Brice. Mesdames et messieurs les députés, c’est un honneur pour moi que de me présenter devant vous. Depuis vingt ans, je me consacre au service public, c’est-à-dire au service des Français ; être aujourd’hui face à vous, les représentants de la nation, est un moment très particulier dans ma carrière professionnelle et dans ma vie de citoyen.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, je suis un diplomate, et je conçois la diplomatie comme une sorte de projection dans le monde de ce que sont les Français, avec leurs valeurs, leurs attentes, leurs aspirations, leurs craintes. Voilà ce que j’ai essayé de défendre, au long de ces vingt années, dans les différents postes que j’ai occupés, et notamment au Burkina Faso, au Chili et au Maroc – autant de pays où j’ai eu à m’occuper de questions relatives aux réfugiés. Et c’est pourquoi je donne à ma candidature aux fonctions de directeur général de l’OFPRA un sens particulier, car cet établissement public est porteur de deux valeurs essentielles pour notre République : le droit d’asile et la protection des réfugiés et des apatrides.

À l’occasion de ce propos liminaire, je voudrais répondre à vos questions tout en traçant, à la fois avec modestie et détermination, quelques perspectives susceptibles d’inspirer un mandat de trois ans à la tête de l’OFPRA.

Le cœur de cette mission, telle que je la conçois, est la protection. Pour résumer, j’aspire à devenir le premier des officiers de protection, avec pour objectif l’asile, tout l’asile et rien que l’asile.

Ce n’est pas à vous que je rappellerai l’importance du droit d’asile pour notre République et dans notre Constitution. La France est le deuxième pays d’asile à travers le monde et le premier dans l’Union européenne – et cela en application de nos engagements internationaux, à commencer par la convention de Genève. La mission du directeur général de l’OFPRA est de garantir le droit d’asile et d’assurer la protection des réfugiés et apatrides indépendamment de la politique migratoire française, tout en ayant conscience que la réalité est aussi faite de tentatives de détournement de ce droit.

Nous devons aux réfugiés et aux apatrides une lutte implacable contre ces dernières, sans que cela ait des implications sur l’exercice du droit d’asile. L’enjeu est la stricte application du droit international, du droit européen et du droit national. J’ai la faiblesse de penser que mon passé de diplomate n’aura pas d’influence en la matière : je suis un fonctionnaire et un citoyen respectueux de la loi et des engagements internationaux de notre pays, et convaincu que la meilleure façon de défendre le droit d’asile est d’en assurer la plénitude.

Je souhaite faire en sorte que les Français soient fiers de vivre dans un grand pays d’accueil. Pour cela, il faut qu’ils soient convaincus que les demandes seront examinées à la fois avec la plus grande générosité et avec la plus grande rigueur. C’est pourquoi je veillerai à l’indépendance de l’OFPRA et de son directeur général, principe fondamental qui n’est pas inscrit en tant que tel dans les statuts de l’établissement public, mais qui dérive de sa mission, et notamment de nos engagements internationaux.

Quels défis l’OFPRA aura-t-il à relever au cours des trois prochaines années ? Le premier sera de répondre à la demande d’asile et à ses évolutions, qui sont souvent imprévisibles. Comme l’a rappelé votre rapporteur, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 60 % depuis 2007, pour atteindre quelque 50 000 en 2011. Les dernières informations disponibles donnent à penser qu’après une stabilisation au début de l’année, la demande reprend depuis le début de l’automne, notamment en provenance des Balkans. Il est difficile de faire des projections pour 2013, mais il est évident que l’environnement international, notamment au Proche-Orient, aura une influence déterminante sur l’activité de l’Office. Il sera donc nécessaire de renforcer la capacité de prévision de ce dernier ; dans ce cadre, je souhaite pouvoir prendre en considération des questions délicates, comme celle de l’excision ou d’autres menaces particulières pesant sur les personnes.

Deuxième défi, la nécessité de réduire les délais d’instruction des demandes. Il existe un consensus en ce sens : s’agissant de personnes vivant des situations aussi difficiles, avec des incidences humaines, familiales et, bien souvent, psychologiques – qu’il faudrait que l’Office prenne davantage en considération –, des incertitudes concernant les délais de réponse ne sont pas acceptables. Cet engagement du président de la République, le ministre de l’Intérieur l’a rappelé devant vous – et je le ferai mien. Le contrat d’objectifs et de performance le précisera, même si le ministre a d’ores et déjà fixé l’objectif de ramener le délai total d’examen à 9 mois.

Cela aura bien entendu des conséquences sur les finances publiques. Il faudra, avec l’ensemble des agents de l’Office, mettre en œuvre les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif. Ce ne sera pas facile. Une partie de la réponse dépend de la CNDA – qui a d’ores et déjà fait des efforts en ce sens. En outre, nous devrons, dans le même temps, mettre en œuvre les nouvelles dispositions européennes en matière d’asile, qui, si elles accorderont des garanties supplémentaires aux demandeurs, auront une incidence négative sur les délais. Enfin, il existe un stock de plus de 22 000 dossiers en attente, et l’évolution de la demande est totalement imprévisible.

Cela étant, la réduction des délais sera l’un des objectifs majeurs du prochain mandat, en liaison étroite avec l’harmonisation des procédures et le renforcement de l’exigence de qualité dans l’instruction des dossiers. Des chantiers ont d’ores et déjà été lancés, et j’entends poursuivre ce travail, en prenant le temps d’examiner les différentes étapes de la procédure, les possibilités de dématérialisation et de simplification, et d’établir une comparaison avec nos partenaires européens – la mise en place du bureau européen d’appui en matière d’asile sera un apport précieux.

Troisième défi, la mise en œuvre des nouvelles dispositions européennes visant à harmoniser le régime européen du droit d’asile. Celles-ci devraient être adoptées au début de l’année prochaine ; la refonte de la directive dite « procédure » en est au stade du trilogue. Il est notamment prévu d’instaurer un conseil juridique lors de la phase d’examen de la demande.

Il vous reviendra, avec le Gouvernement, de transposer ces textes à l’échéance de la fin 2013, 2014 ou 2015. Cela aura des conséquences décisives sur l’activité de l’Office dans les trois prochaines années. Le principal travail du directeur général sera, à bien des égards, de préparer l’entrée en vigueur de ces textes et de transformer ce qui est une nécessité en opportunité. Cela me permettra de renouer avec des questions que j’ai déjà traitées au cours de ma carrière : quand j’étais sous-directeur des affaires communautaires internes au Quai d’Orsay, j’avais négocié le « paquet asile », ainsi que la mise en place du partenariat euro-africain pour les migrations et le développement. Les questions européennes occupent une place importante dans mon parcours professionnel : il s’agit d’un engagement qui m’est cher.

Quatrième défi, le dialogue avec les associations. Je considère que la fonction de directeur général de l’OFPRA suppose un dialogue régulier avec les associations de soutien aux demandeurs d’asile et aux réfugiés – chacun à sa place, en fonction de ses responsabilités. Et je profite de ce que je suis devant vous, élus de la nation, en cette journée mondiale du bénévolat, pour avoir une pensée pour tous les Françaises et les Français qui consacrent une partie de leur temps et de leur activité professionnelle aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.

De quels moyens l’OFPRA devra-t-il disposer pour répondre à ces défis ? Il faudra d’abord, et avant tout, assurer la mobilisation et l’implication des agents de l’OFPRA. C’est essentiel ; si vous émettez un avis favorable à ma candidature, j’y consacrerai une très grande partie de mon temps.

Les agents de l’OFPRA font un travail difficile ; ils sont confrontés à des situations humaines extrêmement éprouvantes. Je souhaite les accompagner et les soutenir dans cette tâche.

Ils ont, en outre, à répondre à des exigences importantes de la part du Gouvernement et du législateur. Je souhaite conduire les évolutions nécessaires, en liaison avec les organisations syndicales.

Je salue l’action du précédent directeur général, le préfet Jean-François Cordet, qui a mis en place la revalorisation du régime indiciaire de la plus grande partie des agents. Je souhaite pour ma part travailler sur la mobilité, les parcours professionnels, la formation, l’enrichissement des tâches. L’OFPRA est un établissement où les agents sont relativement jeunes – la moyenne d’âge étant d’environ 40 ans –, mais où le taux de rotation est élevé ; je souhaite analyser les causes de ce phénomène et trouver des solutions.

Le deuxième outil sera la signature du contrat d’objectifs et de performance, qui constituera la feuille de route du directeur général. J’ai demandé un délai supplémentaire afin de pouvoir y apporter ma « patte », mais il devra être conclu au cours du premier semestre 2013.

Je souligne que j’ai eu la charge d’une sous-direction au Quai d’Orsay et, pendant quatre ans, celle d’un des principaux consulats généraux de notre réseau : celui de Barcelone. À cette occasion, je me suis impliqué dans la protection consulaire, j’ai été confronté à des problèmes de délais en matière d’état civil, j’ai assuré l’accueil des usagers, et j’ai conduit, en tant que diplomate, un travail interministériel avec le ministère de l’Intérieur, notamment avec les préfets des régions transfrontalières. Quant à mon passage à la Cour des comptes, il m’a conduit à contrôler un établissement public, à examiner un contrat d’objectifs et de performance et à travailler sur le contrôle de gestion ; j’espère, monsieur le rapporteur, que cette expérience m’aidera à faire preuve de rigueur en matière de comptes.

Quelques pistes de travail pour conclure. La gestion des ressources humaines me paraît essentielle afin que l’Office et l’ensemble de ses agents puissent affronter les défis à venir. Le travail d’instruction sera appelé à évoluer, notamment en liaison avec la réduction des délais et l’amélioration de la qualité. Je souhaite renforcer les liens de l’OFPRA avec le Quai d’Orsay – j’espère que ma qualité de diplomate m’y aidera –, notamment pour améliorer la connaissance de la situation des pays d’origine. Une attention particulière devra être accordée aux départements d’outre-mer, notamment à Basse-Terre, à la Guyane et à Mayotte. Enfin, il faudra davantage travailler avec la CNDA ; le préfet Cordet avait noué avec elle une relation de confiance que je souhaite approfondir, de manière à mutualiser une partie de nos moyens et à améliorer la connaissance des pays d’origine.

M. Jacques Bompard. Défenseur des traditions françaises, je suis conscient de l’utilité de s’occuper des demandeurs d’asile. La France est manifestement très aimée des réfugiés, puisque si nous sommes, en valeur absolue, le deuxième pays d’accueil au monde, nous occupons le premier rang si l’on rapporte le nombre de réfugiés au nombre d’habitants ou à la richesse nationale ! Eu égard à l’augmentation considérable des demandes d’asile, ne devrait-on pas réfléchir à une répartition plus équitable des réfugiés entre les pays d’accueil, qui tienne compte de leur richesse et de leurs capacités d’accueil ?

D’autre part, vu les problèmes d’insertion rencontrés, ne faudrait-il pas prendre en considération la capacité d’intégration des personnes accueillies – et penser aux chrétiens persécutés à travers le monde qui, culturellement, ont des facilités d’intégration parfois supérieures aux personnes issues d’autres civilisations ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur Brice, votre mission sera difficile ! Outre vos attributions de directeur général, il vous faudra restaurer un mode de fonctionnement normal de l’Office, réduire le délai de traitement des dossiers, poursuivre le processus d’harmonisation européenne, restaurer le prestige de l’établissement.

Nos partenaires européens, ainsi que les acteurs associatifs et, surtout, les demandeurs d’asile sont particulièrement attentifs à la bonne application par la France de la convention de Genève, qui nous engage à protéger et à accueillir celui ou celle qui, victime de menaces, violences, pressions ou autres persécutions en raison de ses opinions, de sa race, de son origine sociale, de son sexe ou de sa religion n’a d’autre choix que de fuir son pays. Les choix politiques du Gouvernement précédent ont accru les tensions et les dysfonctionnements, en interne, par la pression du chiffre et, en externe, par le nombre croissant de recours et de contestations. L’OFPRA mérite mieux que cette image de bras armé du ministère de l’Intérieur et d’outil d’une politique répressive, instruisant à charge les dossiers.

Il serait également nécessaire de doter fortement l’OFPRA en personnel et en capacité d’investissement car, malgré la volonté des agents, de la direction et des tutelles, l’OFPRA manque de moyens. Résultat : le délai de traitement des dossiers est aujourd’hui de 138 jours en moyenne – hors recours devant la CNDA. Nous avons apporté une première réponse puisque, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, nous avons doté l’Office de 10 ETP supplémentaires. Il vous reviendra de procéder à l’affectation et à la formation de ces personnels, et de les aider à s’appuyer sur les ressources existantes.

En particulier, les travaux réalisés par la direction de l’information de la documentation et des recherches facilitent le travail d’instruction des agents. Ils ont donné à l’OFPRA une capacité d’expertise reconnue dans le domaine de l’évaluation et de l’information sur les pays d’origine, qui devrait permettre à cet organisme d’assurer une veille, d’anticiper les demandes et de réagir avec efficacité en cas de crise. Cette capacité d’expertise est-elle utilisée comme il se doit ? Permet-elle de former les personnels sur les situations des pays d’origine ? L’OFPRA dispose-t-il des moyens techniques suffisants pour la mettre en valeur ?

L’examen approfondi des situations individuelles exprime la volonté de justice et d’équité liées aux valeurs de notre pays – et de notre majorité. Cela implique le traitement juste, équitable et humain de chaque dossier. Il nous a été insupportable d’assister à la dégradation des conditions de travail des personnels, affectant la qualité des décisions rendues.

Dans une note du 3 novembre 2011, M. Jean-François Cordet ordonnait ainsi aux agents de rejeter sans examen personnalisé tout dossier déposé par un demandeur d’asile dont les empreintes digitales auraient été altérées. Cela est révoltant, et indigne des conventions que nous avons signées ! Le Conseil d’État a d’ailleurs considéré qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de cette instruction : dans son ordonnance du 13 janvier 2012, le juge des référés précise que l’intérêt public qui s’attache à la lutte contre la fraude n’est pas susceptible de justifier une atteinte aussi grave aux intérêts des demandeurs d’asile, car la note fait obstacle à l’examen individuel de chaque demande et méconnaît les dispositions de l’article L. 723-3 du CESEDA en écartant toute possibilité d’audition préalable des demandeurs.

La politique du chiffre, la précarité des emplois, le management oppressif, le choix politique de considérer le potentiel réfugié comme une variable d’ajustement de la politique d’immigration ont conduit à de tels écarts. Comment le travail des officiers instructeurs peut-il être crédible si leurs responsables les obligent à travailler dans l’illégalité ? Comment allez-vous restaurer la confiance que les demandeurs d’asile, les associations, voire les personnels ont perdue ? Votre mandat devra certainement commencer par un dialogue avec l’ensemble des acteurs de la politique d’asile.

Nous sommes conscients du contexte difficile dans lequel vous prenez vos fonctions. Vous aurez besoin de temps pour mettre en place la meilleure organisation possible. Quant à nous, nous devrons faciliter votre tâche et vous assurer la sérénité nécessaire pour remplir votre mission. Nous espérons, non pas une clarification des missions de l’OFPRA, qui sont limpides, mais une amélioration des résultats et des articulations avec les différents ministères.

En particulier, il est impératif de réduire significativement le nombre des recours auprès de la CNDA. Aujourd’hui, 85 % des décisions font l’objet d’un recours, qui, dans un cas sur cinq, aboutit à l’annulation de la décision initiale. De tels taux sont incompréhensibles – sans parler du coût financier que cela implique ! Trouvez-vous normal que l’instance de recours délivre 57 % des admissions ? Ne pourrait-on pas mettre en place une autre procédure d’audition ? Ne faudrait-il pas définir des indicateurs de qualité ? Cela supposerait une concertation avec les officiers instructeurs, la CNDA, les associations et les ministères de tutelle, cela prendrait sans doute du temps, mais cela permettrait de distinguer les dysfonctionnements dus au manque de moyens et ceux liés à l’organisation du travail et aux conditions d’exercice des auditions.

La responsabilité qui sera la vôtre sera de répondre en priorité aux attentes de justice, d’humanité et de dignité des réfugiés et apatrides. Je sais que vous l’acceptez en connaissance de cause, riche de vos compétences, de vos expériences et de vos engagements. Vous aurez pour mission d’honorer notre tradition de protection, de décider du sort de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants en leur reconnaissant ou non le statut de réfugiés. Vous aurez pour mission de renforcer l’OFPRA, de façon à ce que celui-ci cesse d’être identifié comme l’auxiliaire de la politique d’immigration. La situation d’un réfugié n’est ni un problème policier, ni un problème sécuritaire, c’est une histoire faite de douleurs, de déchirements, d’abandons et d’espoirs. Le directeur général de l’OFPRA doit être un homme connaissant les hommes et leur diversité, un expert, expérimenté et ouvert, s’appuyant sur ses compétences autant que sur ses valeurs. De par vos expériences et vos engagements, vous êtes, monsieur Brice, cet homme-là.

M. Bernard Gérard. Tout d’abord, je regrette que l’on ait tant tardé à nommer le directeur général de l’OFPRA, alors que le nombre de demandes d’asile est en constante augmentation et qu’il conviendrait d’y répondre dans des délais acceptables.

Monsieur Brice, vous affirmez que vous pourrez atteindre l’objectif de réduction de 17 à 9 mois du délai d’instruction des dossiers grâce à l’optimisation des ressources humaines et à la mobilisation du personnel. Je ne doute pas de vos compétences, j’ai apprécié l’humanisme, la rigueur et l’exigence de vos propos, mais je suis dubitatif ! Comptez-vous fonctionner à budget constant ? Utiliserez-vous d’autres méthodes de gestion ?

Mme Pascale Crozon. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) invite depuis 2002 les États à reconnaître les persécutions sexistes au même titre que celles liées à l’origine, à la race ou à la religion. Il s’appuie pour cela sur une définition du groupe social comme « un groupe de personnes qui partagent une caractéristique commune autre que le risque d’être persécutées, ou qui sont perçues comme un groupe par la société. Cette caractéristique sera souvent innée, immuable, ou par ailleurs fondamentale pour l’identité, la conscience ou l’exercice des droits humains ».

Cette définition, ainsi que la reconnaissance explicite des violences sexuelles comme des persécutions au titre de la convention de Genève, figure par ailleurs dans une directive européenne de 2004, qui n’a jamais été transposée en France. Bien au contraire, nous refusons toujours de considérer le genre comme un groupe social, au motif de son caractère insuffisamment circonscrit – restriction absente de la convention de Genève. Quelle est votre position sur le sujet ?

Je dénonce depuis 2007 le fait que la liste des pays « sûrs » ne tienne pas compte des violences coutumières dont sont victimes les femmes ; je me félicite donc de la décision du Conseil d’État de retirer le Mali de cette liste pour ce motif. Envisagez-vous d’étendre cette disposition à d’autres pays, notamment au Sénégal, au Bénin et à la Tanzanie, où le taux d’excision est, selon l’Institut national d’études démographiques (INED), supérieur à 20 % ?

Le Gouvernement français a adopté une position abolitionniste sur la prostitution. Cela implique la sécurisation des parcours de celles qui fuient les réseaux de traite, et la protection des étrangères amenées de force en France pour s’y prostituer. Le 29 avril 2011, la CNDA a accordé le statut de réfugiée à l’une de ces femmes, nigériane. Quoique saluée par le HCR, cette décision est attaquée par l’OFPRA devant le Conseil d’État. Qu’en pensez-vous ?

M. Yann Galut. Cela fait des années que je m’intéresse à l’OFPRA – j’ai eu à connaître son action en tant qu’avocat –, et j’ai toujours entendu évoquer la nécessité de réduire les délais de traitement : on n’y est jamais arrivé ! Pensez-vous vraiment pouvoir atteindre cet objectif à budget constant ? Ne faudrait-il pas, avec notre soutien, en faire une priorité ?

Dans nos circonscriptions, nous sommes confrontés à des situations dramatiques ; les déboutés du droit d’asile attendent plus de deux ans, occupant des places dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), avec des enfants scolarisés. Il est inadmissible d’installer ainsi les gens dans la précarité !

Bien sûr, certains détournent la procédure, mais d’autres rencontrent tout simplement des difficultés pour trouver les documents à verser au dossier de demande, et, dans certains cas, l’instruction du dossier permet de rassembler les preuves. Dans le dialogue que vous souhaitez instaurer avec les acteurs du droit d’asile, prenez garde de ne pas oublier les avocats, qui sont susceptibles de vous apporter des informations importantes sur ce point.

Pour conclure, je vous ai trouvé très clair sur les questions de la protection et de l’indépendance.

M. Matthias Fekl. Monsieur Brice, je vous remercie pour la clarté et la qualité de votre présentation. Je salue vos objectifs inspirés par les engagements du président de la République et du ministre de l’Intérieur. En effet, l’asile ne fait pas partie de la politique migratoire : c’est un principe qu’il faut réaffirmer haut et fort.

Trois questions. Pensez-vous qu’il faille renforcer la dimension européenne de l’action de l’OFPRA et les liens avec ses homologues ? Dans un souci d’optimisation de l’action publique, ne faudrait-il pas également renforcer les liens avec la CNDA ?

S’agissant des délais, ne devrions-nous pas, nous aussi, assumer nos responsabilités, puisque nous adoptons le budget de la nation ?

Pensez-vous que la situation pourra être améliorée grâce à la seule optimisation des ressources internes ou faudrait-il augmenter les moyens budgétaires de l’OFPRA ?

M. Paul Molac. Le taux d’attribution du statut de réfugié est de 11 % en France contre 25 % en moyenne en Europe ; sur 10 702 admissions prononcées en 2011, 4 630 l’ont été par l’OFPRA et 6 072, soit 57 %, à la suite d’un recours en justice. Comptez-vous augmenter le nombre de séjours accordés directement par l’OFPRA afin d’éviter de telles procédures ?

M. Yves Goasdoué. Monsieur Brice, votre présentation, conciliant souci du droit, rigueur, exigence et humanisme, était conforme à la véritable tradition française en matière d’accueil des réfugiés et des apatrides.

Vous avez souligné que vous teniez à l’indépendance de l’OFPRA. Pourriez-vous préciser votre pensée sur ce point ?

M. Pascal Brice. Monsieur Bompard, la question de la répartition de la demande d’asile au sein de l’Union européenne est actuellement en discussion, notamment dans le cadre de la renégociation du règlement de Dublin, sous l’angle, non pas de la richesse des États membres, mais de la pression aux frontières de l’Union. S’agissant des chrétiens persécutés, ces personnes feront l’objet, comme tous les demandeurs d’asile, d’un examen attentif de leur dossier.

Madame Chapdelaine, je vous remercie de vos propos, et je crois avoir répondu à une partie de vos interrogations dans mon discours liminaire. Comme vous, j’estime que les moyens de l’Office doivent être mobilisés au mieux en vue de faciliter la formation des agents. Quant à la note que vous citiez du précédent directeur général, elle n’est plus en vigueur.

Je reconnais qu’il est étonnant d’observer que l’attribution du statut de réfugié est majoritairement le fait de la CNDA. J’en ignore les raisons – mais gardons-nous des explications univoques : je ne crois pas à une volonté restrictive de la part de l’OFPRA. Je compte examiner la question avec la CNDA et l’ensemble des acteurs, de manière à établir une situation plus acceptable.

Monsieur Gérard, je m’interroge comme vous sur les moyens qui permettront d’atteindre l’objectif de réduction des délais d’instruction. Mais cet objectif, je le fais mien, parce que c’est un engagement du président de la République, réitéré et précisé par le ministre de l’Intérieur, et parce que c’est une nécessité absolue. Il reste que je n’ai pas de baguette magique, et que je ne suis pas aujourd’hui en mesure de vous donner plus de précisions. Je prendrai le temps nécessaire pour examiner l’ensemble des moyens disponibles, tout en étant conscient de l’obligation d’agir vite – et ce, d’autant plus que le précédent directeur général a quitté ses fonctions depuis déjà plusieurs mois.

Il existe de toute évidence des possibilités d’action, ne serait-ce qu’en raison des effectifs supplémentaires que vous avez accordés à l’OFPRA pour 2013. Je considère en outre que certaines évolutions, concernant l’organisation, les procédures et leur dématérialisation, seraient susceptibles de nous permettre d’atteindre cet objectif. En revanche, il ne serait pas convenable que je prenne position sur le budget de l’Office – même si je ne vous cache pas que j’ai une opinion sur le sujet, qui me semble d’ailleurs largement partagée : investir dans les moyens d’action de l’Office pour réduire les délais est non seulement une nécessité humaine et politique, mais une mesure rentable pour les finances publiques. Je serai bien évidemment à votre disposition pour vous donner des réponses plus précises dès que j’en aurai la possibilité. Soyez en tout cas assurés que je tâcherai de trouver rapidement des solutions, afin de rattraper le temps perdu.

Madame Crozon, je ne peux pas non plus vous donner de réponses précises à ce stade, mais je prends l’engagement de travailler tout particulièrement sur les questions que vous avez évoquées, et notamment d’être extrêmement attentif aux persécutions sexistes et au droit des femmes, non pas du point de vue juridique, car je ne suis ni le législateur, ni le juge, mais du point de vue des demandeuses d’asile.

La liste des pays d’origine sûrs renvoie à des questions plus générales. Des décisions ont notamment été prises en vue d’accorder la protection subsidiaire aux petites filles menacées potentiellement d’excision. Cela fait débat ; je souhaite examiner la question avec soin, s’agissant notamment de la mise en œuvre des examens médicaux. Des discussions sont en cours avec le ministère de la Santé.

Il en va de même de la question de la prostitution, que j’examinerai avec beaucoup d’attention.

Monsieur Galut, je vous remercie de votre suggestion concernant les avocats ; je veillerai à engager un dialogue avec eux.

Monsieur Fekl, par tempérament, histoire personnelle et parcours professionnel, je serai particulièrement attaché à la coopération avec nos homologues européens – et tout particulièrement, en cette année de commémoration du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, avec notre homologue allemand, le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (BAMF) de Nuremberg.

Monsieur Molac, il est délicat d’établir des comparaisons au plan européen ; en l’occurrence, la moyenne européenne que vous citez correspond au taux d’admission global à l’issue de l’ensemble de la procédure, alors que le chiffre français est le taux d’admission à l’Office.

Monsieur Goasdoué, je conviens qu’un établissement public administratif est autonome, et non indépendant, mais je crois qu’il existe une spécificité de l’OFPRA et de son directeur général, qui tient à la mise en œuvre de nos engagements internationaux sur des valeurs fondamentales pour la France.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Monsieur Brice, je vous remercie.

L’audition s’achève à dix heures trente-cinq.

La Commission procède au vote au scrutin secret, en application de l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination, proposée par le président de la République, de M. Pascal Brice aux fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.

*

* *

En application de l’article 5, alinéa 2, de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, le dépouillement du scrutin a lieu simultanément dans les deux assemblées, à 12 heures 30.

Quarante-deux commissaires ayant pris part au vote et trente-neuf suffrages ayant été exprimés, la Commission donne un avis favorable, par trente-six voix contre trois, à cette nomination.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Aux termes du dépouillement simultané des scrutins dans les deux assemblées, je suis en mesure de communiquer les résultats suivants.

Cinquante-quatre parlementaires se sont exprimés en faveur de la nomination de M. Pascal Brice, trente-six à l’Assemblée nationale et dix-huit au Sénat. Cinq se sont exprimés contre, trois à l’Assemblée nationale et deux au Sénat.

*

* *

La Commission procède à l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative aux juridictions de proximité (n° 436) (M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative aux juridictions de proximité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. La commission des Lois est aujourd’hui saisie de la proposition de loi déposée par M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois du Sénat, visant à reporter de deux ans l’application de la suppression des juridictions de proximité, prévue par la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux.

La loi de 2002 instituant les juridictions de proximité a été modifiée en 2003 et 2005 pour attribuer aux juges de proximité des compétences supplémentaires. En 2011, à la suite du rapport Guinchard, le législateur a décidé la suppression de la juridiction de proximité, qui devait prendre effet au 1er janvier 2013.

Les juridictions d’instance connaissent d’énormes difficultés, du fait du récent regroupement aléatoire de certaines juridictions et du surcroît d’activité lié à l’application des révisions des mesures de tutelle et à la multiplication des procédures de surendettement, actuellement bloquées dans certaines juridictions. Les juges de proximité, dont certains ont déjà été appelés à compléter les juridictions collégiales en matière pénale, continuent d’assumer une charge très importante.

Face aux difficultés que causerait la suppression définitive des juridictions de proximité, M. Jean-Pierre Sueur a proposé de différer de deux ans cette suppression, qui prendrait donc effet au 1er janvier 2015. Tel est l’objet de l’article unique de la proposition de loi que nous examinons, marquée au coin du bon sens.

Ce report de la suppression des juridictions de proximité ne nous épargnera pas un examen de la situation très difficile que connaissent les tribunaux d’instance en termes de matériel et de personnel. L’obligation d’un réexamen des mesures de tutelle dans un délai de cinq ans au plus tard provoque en effet une embolie de ces services, tandis que la procédure de surendettement ne s’accompagne pas des mesures propres à en assurer la mise en œuvre pérenne. Dans certaines juridictions, les dossiers de surendettement s’entassent et le délai d’examen d’un an expire avant même que les dossiers aient été ouverts, ce qui conduit les créanciers à engager la procédure d’injonction de payer.

Nous ne pouvons laisser dans une telle situation la juridiction qui est la plus proche de la vie de nos concitoyens.

La loi de 2011 prévoyait également l’application, à compter du 1er janvier 2013, de la procédure européenne d’injonction de payer. Elle supprimait la compétence du juge de proximité pour les injonctions de payer correspondant à un montant inférieur à 4 000 euros – à l’exclusion du contentieux locatif et du contentieux relatif au crédit à la consommation –, établissant celles du tribunal d’instance pour les sommes inférieures à 10 000 euros et du tribunal de grande instance au-delà de ce montant. La modification, au 1er janvier 2013, de la procédure d’injonction de payer n’est pas remise en cause par ce dispositif. La garde des Sceaux, à qui nous avons demandé quel serait le rôle du juge de proximité dans ce dispositif, nous a confirmé que la juridiction de proximité pourra continuer de connaître des injonctions de payer jusqu’à la valeur de 4 000 euros.

Je vous invite à adopter cette proposition de loi sans modification.

Mme Colette Capdevielle. Un délai de deux ans est nécessaire avant de supprimer les juridictions de proximité. Il importe en effet de reconstruire la justice du quotidien après la réforme très brutale, sinon violente, de la carte judiciaire. La justice de proximité doit être simple, lisible et accessible pour nos concitoyens. Le premier bilan en la matière n’est pas entièrement négatif, du fait du recrutement et de la formation de ces personnels, qui se montrent souvent dévoués, disponibles et impliqués. Le problème est cependant que ces juges sont appelés aussi à siéger en correctionnelle, pour pallier le manque de magistrats professionnels.

En marge de cette proposition de loi et compte tenu du délai qui nous est donné, il nous faudra réfléchir également à la médiation et à la consignation, ainsi qu’aux contentieux liés au surendettement et aux tutelles.

Le groupe SRC votera cette proposition de loi.

M. Marcel Bonnot. La gestation de la loi du 13 décembre 2011 – dont j’étais rapporteur – a été difficile, s’achevant, après échec de la commission mixte paritaire, par le dernier mot donné à l’Assemblée nationale. La suppression des juridictions de proximité s’inspirait des recommandations du rapport de M. Guinchard, qui soulignait que ces juridictions avaient compliqué l’organisation judiciaire, que la technicité du contentieux civil n’était pas liée au montant des sommes en cause et que l’objectif de réconcilier la justice avec ses usagers n’avait pas été atteint.

La suppression des juridictions de proximité pose plusieurs problèmes. En effet, alors que la suppression de certaines juridictions d’instance par la réforme de la carte judiciaire a conduit au reclassement de certains juges d’instance dans des tribunaux de grande instance, la suppression des juridictions de proximité obligerait les juges d’instance à absorber un contentieux de 90 000 à 100 000 dossiers, tandis que le poids des dossiers de surendettement et du contentieux lié à la tutelle des majeurs ne cesse de s’alourdir.

Lors de l’examen de la loi de 2011, j’avais moi-même appelé – sans succès – l’attention du Gouvernement sur les difficultés que provoquerait l’application de ce texte dès le 1er janvier 2013.

J’invite donc mes collègues à souscrire à la proposition de loi qui nous est soumise.

M. le rapporteur. Je précise que la suppression prévue touche les juridictions de proximité, mais pas les juges de proximité.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

Article unique (art. 70 de la loi du 13 décembre 2011) : Report de deux ans de la suppression des juridictions de proximité

La Commission adopte l’article unique sans modification, la proposition de loi étant ainsi adoptée sans modification à l’unanimité.

*

* *

La Commission examine, en application de l’article  88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi de MM. Guillaume Larrivé, Éric Ciotti et Philippe Goujon précisant les conditions de l'usage légal de la force armée par les représentants de l'ordre dans l'exercice de leurs missions et renforçant la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes (n° 191) (M. Guillaume Larrivé, rapporteur).

Le tableau ci-dessous récapitule les décisions de la Commission :

Article

Amendement

Auteur

Groupe

Sort

1er

1

M. COLLARD

NI

Repoussé

Après 1er

2

Mme MARÉCHAL- LE PEN

NI

Repoussé

*

* *

La Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi de MM. Didier Quentin, Charles de La Verpillière et Jacques Lamblin et plusieurs de leurs collègues, visant à encadrer les grands passages et à simplifier la mise en œuvre de la procédure d'évacuation forcée (n° 330) (M. Didier Quentin, rapporteur).

Le tableau ci-dessous récapitule les décisions de la Commission :

Article

Amendement

Auteur

Groupe

Sort

1er

6

Mme POCHON

SRC

Accepté

Après 1er

13

Mme MARÉCHAL- LE PEN

NI

Repoussé

3

7

Mme POCHON

SRC

Accepté

4

8

Mme POCHON

SRC

Accepté

5

9

Mme POCHON

SRC

Accepté

6

10

Mme POCHON

SRC

Accepté

7

11

Mme POCHON

SRC

Accepté

8

12

Mme POCHON

SRC

Accepté

9

5

Mme POCHON

SRC

Accepté

La séance est levée à 12 heures 45.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Erwann Binet, M. Jacques Bompard, M. Marcel Bonnot, M. Gilles Bourdouleix, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, Mme Pascale Crozon, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Marc Dolez, M. Philippe Doucet, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, M. Matthias Fekl, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Yann Galut, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Bernard Lesterlin, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Corinne Narassiguin, Mme Nathalie Nieson, M. Jacques Pélissard, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson

Excusés. - M. Sergio Coronado, M. Carlos Da Silva, M. Jean-Pierre Decool, M. Édouard Fritch, M. Philippe Gosselin, Mme Marietta Karamanli, Mme Axelle Lemaire, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Patrice Verchère, M. François-Xavier Villain, Mme Marie-Jo Zimmermann