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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 13 novembre 2013

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat (n° 660) (M. Philippe Doucet, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, relative à la nomination du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (n° 1425) (M. Christian Assaf, rapporteur)

– Information relative à la Commission

La séance est ouverte à 10 heures

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission examine d’abord, sur le rapport de M. Philippe Doucet, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat (n° 660).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Mes chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.

M. Philippe Doucet, rapporteur. Ce texte ayant été adopté à l’unanimité par le Sénat le 29 janvier 2013, il nous appartient aujourd’hui de prolonger cet élan afin de mener à bien l’édification d’un véritable statut de l’élu – entreprise sans doute périlleuse, mais éminemment nécessaire.

Rome ne s’est pas construite en un jour et nous n’apporterons sans doute pas, aujourd’hui, une réponse définitive à cette question, véritable « serpent de mer » de notre débat public. Depuis une trentaine d’années, l’émergence et l’affirmation de véritables pouvoirs locaux se sont accompagnées de toute une série d’initiatives et de réflexions, parmi lesquelles, en 1982, le célèbre rapport du sénateur Marcel Debarge, la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux et la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

Au fil de ces étapes, des garanties ont été accordées aux élus locaux dans l’exercice de leur mandat, mais également dans la poursuite d’une activité professionnelle et à l’issue du mandat. L’ensemble de ces dispositions occupe aujourd’hui, pour les seuls élus municipaux, près de vingt et une pages du code général des collectivités territoriales. Des règles similaires sont prévues pour les élus départementaux et régionaux, et depuis quelques années, pour ceux des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines et métropoles.

Chacun reconnaîtra que, au terme de cette histoire, le bilan se révèle mitigé. Les textes proclament des droits, mais les élus en bénéficient de manière très inégale selon la taille démographique – et donc les ressources – des collectivités qu’ils servent. Les lois posent des obligations, mais nos concitoyens ne les connaissent pas toujours, tant l’appareil des règles qui enserrent les conditions d’exercice des mandats locaux apparaît hermétique – y compris à ceux auxquels il s’applique. Or les temps présents nous appellent à la transparence. Cette exigence de la démocratie contemporaine implique notamment que les citoyens comme les élus connaissent leurs droits et leurs obligations. En ce sens, le problème du statut de l’élu demeure entier.

Dans le cadre des travaux de la mission d’information sur ce thème, mes collègues
– dont Philippe Gosselin – et moi-même nous étions fixés pour objectif de rénover le dispositif normatif en vigueur afin de le rendre compréhensible pour les citoyens et adapté au rôle nouveau des élus. Cet objectif conserve aujourd’hui toute sa pertinence. Comment l’atteindre ? Avec du temps, nous pourrions nous lancer à la recherche d’un système global. Il n’est pas certain, cependant, que nous puissions trancher, dans des délais raisonnables, des controverses aussi anciennes et âpres que celle qui entoure, par exemple, l’application du principe de gratuité de l’exercice des mandats. Nous pouvons en revanche dès à présent nous rassembler autour de convictions communes : un mandat électif ne saurait être tenu pour un métier ; il constitue un engagement unique par l’intervention du suffrage universel et les éminentes responsabilités que celui-ci confère. Dans cette perspective, il nous faut moins régler des questions de principe que trouver des solutions concrètes à des problèmes souvent très pratiques.

Nous devons par conséquent saisir l’occasion que nous offre la proposition de loi que nous transmet le Sénat, qui porte un dispositif nécessaire, mais perfectible. En effet, nous avons bien des défis à relever, et en premier lieu celui de l’égal accès aux fonctions électives et du renouvellement de la représentation politique, en mal de diversité. Du point de vue de l’égalité entre les sexes, notre pays ne comptait en 2012 que 14,4 % de femmes parmi les maires ; en 2011, seules 7,2 % des structures intercommunales étaient présidées par une femme ; à cette même date, on ne recensait que cinq femmes présidentes de conseils généraux et une seule présidente de région. En matière de diversité sociologique, l’âge et le profil socioprofessionnel de nos élus présentent un décalage avec le reste de la population : quand les plus de soixante ans ne représentent que 23,4 % des habitants de notre pays, ils comptent pour 28 % des conseillers régionaux, 55 % des conseillers généraux et près de 60 % des maires. Par ailleurs, chacun peut constater la surreprésentation de certaines catégories socioprofessionnelles, telles que les fonctionnaires – 10 % de la population française de plus de quinze ans, mais 20 % des élus municipaux, 21,2 % des conseillers généraux et 25 % des conseillers régionaux. Le texte doit permettre de franchir un pas décisif vers l’égalité réelle dans l’accès aux fonctions dirigeantes électives.

Le deuxième défi consiste à donner aux élus locaux les moyens d’accomplir pleinement leur mandat. Tout d’abord, pour s’investir dans l’exercice de fonctions souvent prenantes, il faut du temps ; or, malgré les garanties assez larges prévues par la loi, les élus ne possèdent pas tous la même capacité à concilier vie privée et engagement public. Il faut ensuite une juste compensation des contraintes propres à l’accomplissement d’un mandat, alors que – chiffre trop peu connu de nos compatriotes – 80 % des élus ne perçoivent pas d’indemnités de fonction. Il faut enfin pouvoir disposer des compétences permettant de mieux servir la collectivité mais l’affirmation d’un droit à une formation adaptée aux fonctions demeure vaine si les pouvoirs publics ne se préoccupent pas des modalités pratiques de sa mise en œuvre, c’est-à-dire des ressources et des conditions de l’offre de formation destinée aux élus.

Le troisième et dernier défi réside dans l’établissement d’un juste équilibre des droits et des devoirs dans l’exercice des responsabilités. S’il importe de prévenir les conflits d’intérêts et de favoriser la transparence de la vie publique, il s’avère tout aussi essentiel d’asseoir un régime de responsabilité pénale adapté aux conditions d’exercice des mandats électifs, ce qui suppose, entre autres, de résoudre la question récurrente de la responsabilité pénale des élus en cas de délit non intentionnel et de donner une définition plus pertinente à la prise illégale d’intérêts.

Sur toutes ces questions, la proposition de loi du Sénat a ouvert des pistes très intéressantes. L’article 1er améliore très sensiblement le régime indemnitaire des maires et des présidents de délégation spéciale en prévoyant que le montant de leur indemnité de fonction soit fixé, par principe, au niveau maximal résultant de l’application du taux supérieur prévu par la loi pour chaque catégorie de collectivités. Il étend également aux conseillers des communautés de communes le bénéfice des indemnités de fonction perçues par les conseillers municipaux des communes de moins de 100 000 habitants.

Les articles suivants étendent le champ des garanties destinées à permettre la conciliation entre engagement public et poursuite d’une activité professionnelle, notamment pour les élus municipaux. En effet, ils abaissent le seuil de population à partir duquel les communes sont concernées par plusieurs dispositifs : le congé électif dont disposent les salariés candidats pour mener une campagne électorale ; le crédit d’heures reconnu aux élus afin d’exercer leur mandat ; le droit à suspension du contrat de travail, à la réintégration professionnelle et à des actions de bilan de compétences et de réadaptation ; le statut de salariés protégés pour ceux qui n’auraient pas suspendu leur activité professionnelle ; le droit à une formation professionnelle.

La proposition de loi fait passer à un an la durée de perception de l’allocation différentielle de fin de mandat dont bénéficient actuellement, pour six mois à compter de la fin du mandat, les maires des communes d’au moins 1 000 habitants et les adjoints des communes d’au moins 20 000 habitants ayant reçu délégation de fonction qui, pour l’exercice de leur mandat, avaient cessé d’exercer leur activité professionnelle.

Le texte étend également aux élus les dispositifs permettant d’obtenir un diplôme universitaire dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience.

Enfin, plusieurs dispositions marquent une nouvelle étape dans l’affirmation de droits à la formation pour les élus. L’article 5 bis consacre ainsi à leur bénéfice un droit individuel à la formation, financé par une cotisation prélevée sur les indemnités de fonction des élus locaux, mis en œuvre à leur initiative et donnant accès à des formations qui peuvent être sans lien avec l’exercice du mandat. L’article 6 institue un mécanisme de dépenses obligatoires des collectivités pour la formation des élus, ces dépenses ne pouvant être inférieures à 2 % du montant total des indemnités de fonction allouées aux membres de l’organe délibérant. Enfin, l’article 6 bis prévoit l’organisation d’une formation obligatoire pour les élus au cours de la première année de mandat.

J’ai déjà eu l’occasion, dans le cadre des travaux de la mission sur le statut de l’élu, d’exprimer un point de vue positif sur l’ensemble de ces mesures, et je le renouvellerai évidemment aujourd’hui. Je pense néanmoins que nous pouvons donner à ce dispositif un peu plus d’envergure.

Je me suis ainsi attaché à déposer des amendements mettant en œuvre les propositions que la mission d’information avait adoptées de manière unanime. Pour l’une d’entre elles, concernant l’instauration de délégués de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, j’ai retenu la proposition de notre collègue Philippe Gosselin, qui consiste à permettre aux élus locaux de solliciter les avis de cette instance en matière de déontologie. Les amendements que je défendrai poursuivent deux objectifs : donner toute sa portée au dispositif de la proposition de loi – en l’étendant aux élus des petites communes et, dans certains cas, aux conseillers généraux et régionaux – et poser de nouveaux jalons dans la construction d’un authentique statut de l’élu. Afin de construire un équilibre entre les droits et les devoirs, je propose notamment de mieux définir la responsabilité pénale des élus en cas de délit non intentionnel et de créer une charte de l’élu local. Lue lors de la première réunion de l’assemblée délibérante de chaque collectivité, celle-ci énoncera les droits et les devoirs des élus, ainsi que les grands principes qu’il leur appartient de respecter dans l’accomplissement de leur mandat.

En tant que membres de la représentation nationale, nous devons accepter le prix d’une démocratie modernisée qui permettrait à l’ensemble des citoyens d’accéder aux fonctions électives, donnerait à ses élus les moyens d’assumer leurs responsabilités et leur assurerait une plus grande indépendance tout en fixant le cadre de leurs devoirs.

M. Jean-Frédéric Poisson. Initialement prévu pour début 2014, ce texte arrive finalement sur la table aujourd’hui, nous obligeant à travailler dans l’urgence. Nous sommes surpris par cette modification soudaine du calendrier de notre Commission – récemment arrêté par notre bureau et confirmé par une conversation avec le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement – que certains esprits chagrins pourraient lier avec la tenue imminente du prochain congrès des maires. J’y vois pour ma part un manque de respect à l’égard de notre Commission de la part du Gouvernement. Un texte aussi important aurait mérité davantage de temps de préparation.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Monsieur Poisson, je voudrais rappeler que notre collègue Marie-Jo Zimmermann, membre de votre groupe, a demandé la semaine dernière d’avancer autant que possible l’examen de cette proposition de loi. (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. Je voudrais exprimer mes profonds regrets devant la méthode employée. Les propositions du rapport que Philippe Doucet et moi-même avions présenté au mois de juin étaient parvenues à rassembler toute la représentation nationale. Nous nous étions accordés pour rappeler la nécessité d’un statut de l’élu local – non pour créer des privilèges, mais pour assumer le coût de la démocratie – et reconnaître les droits et les devoirs de ceux qui ont fait le choix de se consacrer à l’intérêt général au sein des collectivités locales. Un statut de l’élu qui permette d’en finir avec ce « serpent de mer » est attendu depuis des dizaines d’années ; les associations d’élus – l’Association des maires ruraux de France, l’Association des petites villes de France, la Fédération des maires des villes moyennes, l’Association des maires de France (AMF) et les autres – appellent de leurs vœux cette réforme qui aurait dû nous réunir aujourd’hui.

Je regrette que, en dépit du bon sens, le calendrier ait été bousculé. La proposition de loi a été déposée depuis des longs mois par nos collègues sénateurs Gourault et Sueur, mais le Gouvernement s’est abstenu de l’inscrire à l’ordre du jour. L’AMF a sollicité le ministre de l’Intérieur à plusieurs reprises, sans résultat. Cette accélération du calendrier, marquée par l’absence de concertation, met tout le monde en difficulté, entache le consensus qui entourait les travaux de notre mission et en gâche les fruits. Perdant pied face aux pouvoirs locaux dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, le Gouvernement cherche sans doute à éviter les sifflets au Premier ministre, si celui-ci se rend au congrès des maires. Cette instrumentalisation des élus locaux est d’autant plus dommageable que la nécessité de la réforme faisait l’objet d’un véritable consensus. Il faut rendre hommage aux réalisations de nos concitoyens qui s’engagent dans la vie locale – élus des communes, intercommunalités, conseils généraux ou régionaux –, sécuriser l’entrée, l’exercice et la sortie du mandat, assurer aux élus les moyens d’exercer dignement leur mission et rappeler leurs droits et devoirs.

À ce stade, le groupe UMP ne saurait se rapprocher de la majorité. Le Gouvernement – je regrette l’absence, à cette réunion, du ministre de l’Intérieur et de la ministre en charge de la décentralisation – doit nous expliquer cette accélération du calendrier.

Sur le fond, les amendements que j’ai déposés traitent plusieurs difficultés. La majorité a voté, dans la précipitation, une série de réformes dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Son article 18, notamment, vise à parfaire la couverture des risques assurés par la sécurité sociale pour les élus. Si nous ne pouvons que saluer cette volonté, la version retenue – conçue sans concertation – a entraîné d’importants dysfonctionnements. Le seuil au-dessus duquel les indemnités sont assujetties aux cotisations sociales n’a ainsi été fixé que par un décret d’avril 2013 – et une circulaire ultérieure –, conférant aux dispositions adoptées un caractère rétroactif. Les élus ont ainsi découvert au mois de juin 2013 que leurs indemnités étaient ponctionnées, parfois de façon très importante puisque la fraction représentative des frais d’emploi a été incluse dans l’assiette. Les élus paient donc des cotisations sociales sur un revenu dont ils ne disposent pas ! C’est en vain que les associations d’élus – dont l’AMF – se sont émues de cette situation, alors même que les URSSAF et les caisses primaires d’assurance maladie ont été, pendant des mois, incapables de mettre en application cet article – problème que nous n’avions pas pu pointer dans notre rapport du mois de juin.

Autre problème : certains élus locaux se sont retrouvés sans couverture sociale, radiés par les caisses qu’ils ont informées du changement de leur situation. Les ministères de la Santé et de l’Intérieur sont incapables de nous donner des chiffres précis mais confirment que le fait de percevoir une indemnité de fonction a privé certains élus du versement de leur retraite. Le système de cumul entre l’emploi et la retraite a été mis à mal. Alors que l’AMF le souligne depuis des mois, il a fallu attendre la réforme des retraites pour qu’un amendement à l’article 12, voté le 15 octobre à l’Assemblée nationale, tente de modifier cet état de fait. Cependant, les mesures proposées par le Gouvernement ne prendraient effet qu’au 1er janvier 2015 ; le problème – qui concerne plusieurs centaines d’élus locaux – reste donc entier pour les années 2013 et 2014.

Il faut résoudre toutes ces questions avant d’aborder en séance ce texte qui aurait pu nous réunir si, en vue du congrès des maires qui s’annonce difficile, le Gouvernement n’avait pas fait le choix de la précipitation. À ce stade, et dans l’attente de réponses claires et précises de la part du Gouvernement, c’est avec regret que le groupe UMP ne pourra pas le voter.

M. Jean-Luc Warsmann. Je m’associe aux propos de mes collègues concernant la méthode de travail. Lorsque l’on touche des points aussi importants que la prise illégale d’intérêts, la moindre des précautions consiste à le faire avec prudence.

Je ne suis pas sûr que les élus seront ravis de découvrir qu’on leur attribue la volonté de toucher à tout prix les indemnités maximales, alors qu’ils font face à la nécessité de limiter les dépenses de leurs collectivités. Je rends hommage aux milliers d’élus de notre pays qui renoncent à être indemnisés au taux maximal précisément pour cette raison.

Enfin, le président de la République avait, dans un moment éclairé, appelé à un choc de simplification. Or, entre cette proposition de loi et les précédents textes sur le scrutin municipal, c’est plutôt une vague de complexification qui s’abat sur nos collectivités. Les petites communes, qui jouissaient d’une totale liberté d’organisation des élections, sont désormais soumises au dépôt de candidature obligatoire et à l’interdiction de se présenter au second tour ; dans les communes entre 1 000 et 3 500 habitants, la possibilité de panachage est supprimée. Alourdir ainsi tous les processus ne sert pas l’intérêt général.

M. Olivier Dussopt. L’examen de ce texte par le Sénat et aujourd’hui par notre Assemblée s’inscrit dans la mise en œuvre des engagements pris par le président de la République à l’occasion des États généraux de la démocratie territoriale. Le président du Sénat s’était alors engagé à faire adopter une proposition de loi portant création d’un conseil national d’évaluation des normes, afin de simplifier l’environnement réglementaire des collectivités, et une proposition de loi relative au statut de l’élu, pour reconnaître l’engagement des dizaines de milliers d’élus qui travaillent sans être rémunérés ou presque, prenant souvent des temps partiels ou des congés sans solde, sans que leurs droits sociaux
– notamment à la retraite – et le niveau de vie même de leur famille ne soient garantis.

Nos collègues de l’opposition ont fait allusion à l’opportunité du calendrier. Mais respecter les élus, c’est aussi considérer que leur soutien – ou leur silence à l’occasion d’un congrès des maires – ne s’achète pas. Intéressons-nous plutôt au fond de ce texte et aux amendements de notre rapporteur. Les propositions qu’il a formulées à l’occasion de la mission d’information gagneraient à être retenues afin d’améliorer encore cette initiative du Sénat.

M. Alain Tourret. Il serait paradoxal de ne pas étudier ce texte – qui vise à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat – au motif que les élus s’apprêtent à se rassembler et pourraient donc en débattre !

La nature des indemnités perçues par les élus – en particulier les maires – apparaît ambiguë. Sans être soumises à l’impôt, ces sommes peuvent faire l’objet de prélèvements à la source. S’agit-il ou non d’une rémunération ? Cette question devient cruciale lors des divorces, au moment du calcul des pensions alimentaires et des prestations compensatoires. En effet, si l’on assimile ces revenus à la fraction représentative des frais d’emploi, qui vise à compenser les dépenses de l’élu, on ne devrait pas les inclure dans l’assiette de la prestation compensatoire. Pour avoir plaidé beaucoup de dossiers de ce type, je sais que les élus sont très déçus de devoir payer à la fois une pension alimentaire et une prestation compensatoire sur leurs indemnités, considérées comme de véritables rémunérations. Monsieur le rapporteur, ne faudrait-il pas apporter des clarifications dans ce domaine ?

M. Yves Goasdoué. S’il n’est jamais anodin de modifier le calendrier, examiner ce texte dès maintenant permettra aux collègues qui ne font pas partie de notre Commission de se l’approprier ; leurs remarques nous permettront d’en ajuster les dispositions en séance.

Monsieur Warsmann, la prise illégale d’intérêts constitue, à n’en pas douter, un sujet qui mérite toute notre attention. Mais le Sénat a adopté ce texte à l’unanimité, et les amendements que nous devons examiner ce matin amélioreront encore le dispositif. En effet, on ne saurait laisser perdurer la définition actuelle de la prise illégale d’intérêts, à la fois très large et interprétée de manière extrêmement dure par la jurisprudence.

En ce qui concerne le taux des indemnités, il s’agit simplement d’empêcher des discussions oiseuses et les pressions, ce taux maximal pouvant être réduit dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Enfin, je souhaite que nous puissions voter cette loi à l’unanimité, comme cela fut le cas au Sénat. Politiser ce sujet plutôt que de tenir compte de la réalité de la vie de nos élus locaux conduirait à manquer l’objectif de ce texte.

M. le rapporteur. Je n’ai pas été rempli de joie par ce calendrier. Mais, au-delà des motivations politiques que nous prête l’opposition, est-il anormal que le Premier ministre s’exprime au congrès des maires et y fasse des propositions concernant le statut de l’élu local ? N’est-ce pas l’occasion de prendre le sujet à bras-le-corps ?

Par ailleurs, le rapport de la mission d’information rappelle que les élections municipales du printemps prochain constituent une occasion qui ne se représentera que dans six ans. Nous avons tout intérêt à arrêter le statut de l’élu avant le scrutin. Le calendrier est donc de toute façon contraint.

À l’origine, nous devions d’ailleurs examiner ce texte en commission le 27 novembre.

Nous reviendrons en séance plénière sur les amendements du Gouvernement concernant l’application de l’article 40 de la Constitution. Plusieurs points du texte devront donc être rediscutés.

Sur le fond, le Sénat a voté le texte à l’unanimité. C’est également à l’unanimité
– hormis la divergence exprimée par Philippe Gosselin sur une proposition – qu’a été adopté le rapport d’information. Cette coïncidence, plutôt rare, montre que nous disposons d’un socle de travail commun.

Il faut ouvrir le monde des élus locaux, qui semble actuellement réservé à quelques catégories de la population. Ainsi, dans les villes de 3 500 à 50 000 habitants, 60 % des maires sont retraités, 20 % fonctionnaires, 18 % issus des professions libérales, et seulement 2 % relevant des autres catégories. Or bien plus de 2 % de la population française ne sont ni retraités, ni fonctionnaires, ni professions libérales. Le décalage est donc très important. Nous devons donner à nos concitoyens, autant que possible, les moyens d’exercer un mandat électif.

Nos concitoyens attendent également de la clarté quant aux droits et aux devoirs des élus. La démocratie a besoin d’un cadre, et ce statut de l’élu nous permettra d’avancer en ce sens.

S’agissant de la nature des indemnités, les auditions menées dans le cadre de la mission d’information sur le statut de l’élu ont montré que toutes les associations d’élus sont restées attachées au principe de gratuité des fonctions électives, issu de la Révolution française. Nous avons fait face au refus unanime de basculer vers un système de type allemand où les élus sont considérés comme des sortes de fonctionnaires, avec tous les droits afférents. C’est pourquoi nous avons maintenu cette logique : les élus ne bénéficient pas d’une rémunération, mais d’une indemnité qui permet d’exercer un mandat politique au service de l’intérêt général.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er A (art. 432-12 du code pénal) : Définition de la prise illégale d’intérêts

La Commission est saisie de l’amendement CL14 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les amendements que nous vous proposons reprennent les conclusions de la mission d’information sur le statut de l’élu, sauf sur un point – la possibilité, pour les élus, de faire appel à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – où, pour préserver la logique de rassemblement et d’unité, je me suis aligné sur la position de Philippe Gosselin.

L’amendement CL14 reprend la proposition n° 27 du rapport : « Étendre le champ de la responsabilité pénale des collectivités territoriales aux délits non intentionnels» En effet, les associations d’élus nous ont toutes alertés sur le recours croissant à la juridiction. Or, s’il est normal qu’un élu soit poursuivi s’il a commis une faute, en cas de délit non intentionnel
– un enfant écrasé par un panneau de basket ou tombé dans un étang bordé de gravillon – il faut que la collectivité puisse assumer l’éventuel dommage fait aux citoyens.

M. René Dosière. Je suis étonné par les explications qui accompagnent cet amendement. Le rapporteur dit avoir reçu les associations d’élus. Ignorent-elles donc que, aux termes du texte sur les délits non intentionnels – que l’exposé sommaire qualifie abusivement de loi « Fauchon », alors que c’est à votre serviteur qu’en échoit la paternité –, les maires ne peuvent plus être poursuivis pour ce type de faits ? Je regrette d’ailleurs que le rapporteur n’ait pas auditionné les associations de victimes. En effet, à l’occasion du colloque que le sénateur Fauchon et moi avions organisé au Sénat quelques années après l’entrée en vigueur de la loi, elles nous ont unanimement appelés à ne pas toucher à la loi, dont l’application les satisfait pleinement. Le monde de la justice considère également que ce texte est parfaitement clair. Rouvrir ce débat apparaît donc non seulement inutile, mais potentiellement néfaste. À l’exception du cas de quelques élus mal informés, l’application en justice de ce texte ne pose plus de problèmes. Les maires peuvent dormir tranquilles, sauf s’ils commettent une faute – et il est alors normal qu’ils assument leurs responsabilités.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le sujet est complexe et aurait dû bénéficier de plus amples développements sur l’évolution du droit. L’attente des élus sur ce point semble avérée. En effet, même si la loi se clarifie par l’usage, il est toujours utile de l’écrire avec exactitude. À ce titre, l’amendement apparaît utile, même si je regrette qu’il n’ait pas fait l’objet d’échanges plus fins et de travail plus précis dans le cadre de notre Commission. Si j’entends la volonté de clarification qu’il porte, l’amendement mérite qu’on y consacre davantage de temps.

M. Georges Fenech. Les élus sont très sensibles au poids de la responsabilité pénale, qui – comme l’indique l’exposé des motifs – constitue l’une des raisons de la crise des vocations. Mais quelle plus-value l’amendement apporte-t-il en cette matière ? Les collectivités n’étant qu’« également responsables », l’élu reste bien justiciable pour délit non intentionnel. Quant à la prise en charge des dommages et intérêts, les collectivités peuvent déjà l’assurer en faisant jouer leurs responsabilités administratives. Je ne vois donc pas en quoi cette disposition protégera davantage l’élu.

Mme Marie-Françoise Bechtel. La loi Fauchon a été conçue à une époque où élus et préfets étaient mis en examen de façon réellement excessive. La demande des élus était alors très forte, et la loi leur a donné pleine satisfaction, entraînant une véritable décrue des procédures judiciaires injustifiées à l’encontre des maires. Dans ces conditions, le mieux est l’ennemi du bien. Dispose-t-on de chiffres qui attesteraient du retour du problème, et donc de l’utilité de l’amendement ? On risque plutôt, avec cette rédaction, de relancer les saisines de juges judiciaires, soit par des associations, soit par des victimes de certains incidents. Au total, l’amendement apparaît inutile, susceptible de réintroduire du désordre dans un domaine qui a été très travaillé : le dispositif en vigueur semble donner entière satisfaction.

M. le rapporteur. Les associations d’élus ne sont pas de cet avis. Elles estiment toutes – le rapport en atteste – que la loi doit être modifiée. La jurisprudence a beau avoir évolué, cet amendement clarifierait la loi. Sans décharger les élus de leur responsabilité pénale ou enlever quoi que ce soit aux victimes, il définit mieux le délit non intentionnel et donne à la collectivité la possibilité de se substituer au maire pour y répondre.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le rapporteur, votre argumentation – comme votre amendement – souffre d’au moins une imprécision. Si la collectivité « se substitue » au maire, celui-ci est bien exonéré de la responsabilité. Si – malheureusement – nous n’avons pas tous lu votre rapport, nos questions montrent que le sujet nécessite des échanges plus longs.

M. René Dosière. Le rapporteur ne cite pas les faits qui montreraient la réalité du problème. Combien de maires ont été condamnés depuis l’entrée en vigueur du texte que M. Fauchon et moi-même avions rédigé ? Peut-être certains élus continuent-ils à penser qu’un maire est responsable de tous les incidents qui surviennent dans sa commune ; pourtant, ce texte – rédigé en liaison avec Élisabeth Guigou, alors garde des Sceaux – a modifié le code pénal de telle sorte que le maire ne peut désormais être mis en cause que s’il a véritablement commis une faute, et qu’on a donc affaire à un délit intentionnel. Je me fais à nouveau le porte-voix des associations de victimes : l’amendement du rapporteur n’apporte rien et risque au contraire de perturber les choses.

M. Patrick Devedjian. J’approuve les propos de MM. Dosière et Poisson. D’une part, on ne connaît pas de cas qui justifieraient l’amendement ; d’autre part, le mot « également » fait que le texte n’apporte pas de protection supplémentaire aux maires. Quelle est alors l’utilité de ce dispositif ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. En écoutant le débat, je constate la volonté unanime d’agir de manière utile ; René Dosière estime que le besoin est couvert par les textes existants, mais tous les députés maires présents ne semblent pas partager son avis. On demande également une évaluation chiffrée des problèmes ; si les associations d’élus ressentent le besoin de nous faire part de cette aspiration, elles doivent disposer d’une base qui appuie leurs revendications ? Y avons-nous accès ?

M. le rapporteur. Nous avons sollicité la chancellerie, sans succès ; il ne semble pas que les incidents de ce type soient comptabilisés. Il s’agit de répondre à une inquiétude diffuse des élus locaux.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Page 84 de votre rapport, je lis pourtant : « Interrogés par vos rapporteurs, les services du ministère de la Justice ont exprimé des réticences à l’idée de modifier la rédaction de cet article, alors que l’équilibre établi en 2000 leur semblait satisfaisant. Bien qu’ils ne disposent pas de chiffres sur le nombre des condamnations pénales d’élus prononcées sur le fondement de l’article 121-3 du code pénal, ils ont indiqué que seules quelques dizaines de condamnations étaient recensées chaque année pour des délits non intentionnels et ont appelé à la plus grande prudence» Cela ne plaide pas en faveur de votre amendement.

M. Jean-Luc Warsmann. On fuit les adverbes dans la loi, d’autant plus en matière pénale, et il me semble exclu de voter une disposition comprenant les mots « sont également responsables pénalement ». L’amendement n’est pas mûr. Si le rapporteur ne le retire pas, je voterai contre.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’article 121-2 du code pénal, qu’il s’agit d’amender, dispose : « Les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

« Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public.

« La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3. »

Quel est donc l’apport réel de cet amendement, dans sa rédaction actuelle ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Voilà un véritable travail de commission !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les maires restent obligés, par précaution, de prendre une assurance personnelle, souvent très coûteuse. Le sujet demeure donc sensible. Si un maire peut être mis en examen en tant que représentant d’une collectivité, certains le sont encore à titre personnel.

Par ailleurs, l’article cité par M. Poisson laisse entendre que, dans certains domaines, la responsabilité du maire peut être engagée en cas de délit non intentionnel. En effet, certaines tâches assumées par la collectivité ne relèvent pas du mécanisme de délégation de service public. L’assurance souscrite par le maire s’étend d’ailleurs à l’ensemble des élus à qui il délègue ses fonctions.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Ce texte sera examiné en séance le 18 décembre 2013. Nous envisagions d’abord de l’étudier en commission le 27 novembre mais nous serons occupés par le projet de loi de modernisation de l’action territoriale et d’affirmation des métropoles, et le 20 novembre se tiendra, justement, le congrès des maires. En avoir avancé l’examen à la date d’aujourd’hui nous offre le temps nécessaire pour approfondir cette question, de façon à construire un consensus.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL15 du rapporteur, faisant l’objet d’un sous-amendement CL50 de M. Paul Molac.

M. le rapporteur. Cet amendement reprend la proposition n° 28 de la mission d’information sur le statut de l’élu : « Modifier la définition de la prise illégale d’intérêts afin que le délit ne soit constitué que lorsque l’intérêt quelconque, pris, reçu ou conservé par l’auteur, a été de nature à compromettre son indépendance ou son impartialité. »

M. Paul Molac. La notion d’objectivité est absente de la définition prévue par le rapporteur ; elle était pourtant incluse dans la définition du rapport Sauvé. Nous proposons donc de la réintégrer.

M. le rapporteur. Avis favorable au sous-amendement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais selon quels critères déterminera-t-on qu’un phénomène est « de nature à compromettre [l’]impartialité ou [l’]indépendance » de la personne ?

M. Yves Goasdoué. Monsieur Poisson, ce sera au juge de l’apprécier. Mais la nouvelle formulation rend sa tâche bien plus aisée que l’ancienne, qui se limite à « l’intérêt quelconque ». Résumant l’état de la jurisprudence, le rapport indique en effet que, aujourd’hui, « le délit est constitué quand l’élu a perçu un bénéfice ou un intérêt matériel, direct ou indirect, mais cet intérêt peut être d’une autre nature, morale ou politique, ou encore d’image, voire philosophique ou religieuse ; il peut ne pas avoir été concrétisé ou être très faible. Peu importe même que l’intérêt soit ou non en conflit avec celui de la collectivité, ou n’en soit pas distinct ou même que l’agissement de l’élu soit louable. » On ne saurait laisser les choses en l’état ! La formulation proposée amènera les juges à faire une interprétation plus restrictive de la prise illégale d’intérêts – notion qui doit naturellement subsister.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous avez beau dire, ma question reste entière. Certes, il faut faire évoluer la formulation actuelle pour corriger l’imprécision du terme « quelconque ». Mais confier au juge le soin d’apprécier seul l’impartialité et l’indépendance de la personne, c’est manquer à notre travail de législateur. La formulation proposée reste trop imprécise pour rassurer les personnes visées par la disposition. Par conséquent, cet amendement – dont je partage l’intention – manque son objectif, tant du point de vue des principes du droit qu’en matière pratique.

M. Philippe Gosselin. Le rapport avait pointé deux difficultés que nous abordons successivement : la question de la responsabilité pénale – à ce stade, avoir retiré l’amendement correspondant me paraît sage – et celle de la prise illégale d’intérêts, dont la définition est en France l’une des plus sévères de l’OCDE. Là aussi, il semblerait prudent de se donner du temps pour retravailler la proposition d’ici à l’examen en séance. Je salue l’excellence des travaux de notre mission d’information. Mais à confondre vitesse et précipitation, on risque d’ouvrir une boîte de Pandore qui pourrait nous amener à un élargissement ou au contraire à une restriction indésirable de la notion de prise illégale d’intérêts. J’estime donc que l’amendement – dont je partage la finalité – devrait être retiré.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. À mon sens, cet amendement – qui se situe dans le prolongement du rapport Sauvé – rend la rédaction du texte plus précise.

La Commission adopte le sous-amendement, puis l’amendement sous-amendé.

Elle adopte l’article 1er A modifié.

Article additionnel après l’article 1er A (art. L. 1111-1-1 [nouveau], L. 2121-7, L. 3121-9, L. 4132-7, L. 5211-6, L. 7122-8 et L. 7222-8 du code général des collectivités territoriales) : Institution et proclamation d’une charte de l’élu local

La Commission est saisie de l’amendement CL16 du rapporteur.

M. le rapporteur. En tant que maire, j’ai été frappé de constater à quel point nos concitoyens, parfois même les nouveaux élus, ignorent les droits et les devoirs des élus. Dans une période où les responsables politiques sont contestés, il me paraît opportun qu’une charte de l’élu local rappelle les grands principes de la déontologie applicables au mandat local. Il en serait notamment donné lecture au moment de l’installation du conseil municipal, après l’élection du maire et des adjoints.

M. Philippe Gosselin. Si le principe d’une charte des droits et des devoirs des élus locaux lue lors de la séance d’installation des assemblées concernées me paraît bon, je regrette en revanche que nous ayons à nous prononcer sur un texte que nous découvrons à l’instant. Une telle charte doit être décortiquée et évaluée, et non pas adoptée à la va-vite. À ce stade, le groupe UMP ne pourra la voter.

M. Jean-Luc Warsmann. Je ne suis pas convaincu par la démarche du rapporteur. L’article 1er de la charte qu’il propose me choque : la mission d’un élu n’est pas « de mettre en œuvre le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales » !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je partage les hésitations et les critiques de mes collègues. En outre, il ne me semble pas très heureux de parler d’« élus locaux » alors que l’expression « collectivités locales » a disparu du droit au profit de celle de « collectivités territoriales ».

M. Jacques Bompard. Il faut d’abord simplifier la loi, qui est devenue inaccessible aux non-spécialistes, voire aux spécialistes eux-mêmes. C’est particulièrement vrai s’agissant des élus. Ceux-ci ne sortent pas tous des facultés de droit et leur élection ne leur donne pas la science infuse. Nous devrions toujours avoir à l’esprit le statut de l’élu. Dès lors que l’on prend des responsabilités, on en subit aussi la charge. Il faut donner aux élus les moyens de l’assumer. Dans le droit actuel, le simple fait, pour un maire, de rouler sur une route que la commune vient de rénover peut être qualifié de prise illégale d’intérêts ! Il y a là matière à travailler pour notre Commission.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je n’ai pas d’idée arrêtée sur les mérites et les inconvénients de cet amendement. D’une manière générale, on le sait, il n’est pas besoin d’apprendre la vertu à ceux qui la pratiquent, et c’est peine perdue de demander à ceux qui ne la pratiqueront pas de faire serment du contraire.

Permettez-moi d’attirer votre attention sur les difficultés que pourrait engendrer le point 7 de cette charte, aux termes duquel le juge pourrait vérifier que l’élu s’est bien abstenu « d’utiliser les ressources et les moyens mis à sa disposition pour l’exercice de son mandat ou de ses fonctions à d’autres fins, notamment personnelles, électorales ou partisanes ». Dans ces conditions, plus aucun élu ne pourra organiser une réunion de son parti dans une salle de la mairie – combien sont ceux qui s’en abstiennent aujourd’hui ? – ni y tenir une réunion électorale, sans parler de l’utilisation de son secrétariat, qui pose déjà des problèmes de jurisprudence.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Peut-être la Commission aurait-elle intérêt à adopter l’amendement, de manière à permettre aux députés d’amender le texte en séance publique. En cas de rejet, en effet, l’amendement reviendra en séance et il sera autrement plus compliqué de le sous-amender !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous vous remercions, monsieur le président, de cette précision de méthode. Vous suggérez donc que nous n’exprimions pas pleinement les fortes réserves que nous inspire cette proposition. Mais, en contrepartie, le rapporteur et vous-même devriez-vous engager à ce que nos remarques soient prises en compte en séance publique. Faute de quoi, ce serait un marché de dupes !

La Commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 1er A (art. L. 2123-10 et L. 2511-33 du code général des collectivités territoriales) : Possibilité d’une mise en disponibilité pour les maires et conseillers d’arrondissement de Paris, de Lyon et de Marseille ayant la qualité de fonctionnaires

Elle examine ensuite l’amendement CL9 rectifié de M. Philippe Goujon.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Permettez-moi de rappeler, monsieur le président, que je réclame la création d’un statut de l’élu depuis dix ans. Je comprends votre souhait de faire adopter l’amendement précédent pour que nous puissions corriger en séance publique le projet de charte de l’élu local, je trouve légitime que l’on veuille satisfaire les maires, mais tout cela n’est-il pas le signe d’une certaine précipitation ?

En même temps que l’amendement CL9 rectifié, je défendrai l’amendement CL8 rectifié qui viendra en discussion à l’article 3. Il s’agit, dans les deux cas, d’étendre aux maires d’arrondissement, maires adjoints d’arrondissement et conseillers d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille les facilités professionnelles accordées aux élus pour l’exercice de leur mandat dans les communes de droit commun.

M. Philippe Goujon avait déjà présenté ces amendements lors de la première lecture du projet de loi visant à interdire le cumul des mandats. On lui avait répondu qu’ils trouveraient davantage leur place dans un texte relatif au statut de l’élu : dont acte !

Ces facilités consistent notamment, pour les élus salariés du secteur privé, à recourir à la suspension de leur contrat de travail pour la durée du mandat, de manière à retrouver leur emploi à la fin de celui-ci. Tel est l’objet de l’amendement CL8 rectifié.

D’autre part, bien que la mesure de placement en détachement des fonctionnaires soit la règle pour les élus des communes de droit commun, il n’était pas possible d’étendre cette facilité aux élus d’arrondissement, car l’amendement aurait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Quant à la possibilité de mise en disponibilité, elle n’est pas envisagée par le code général des collectivités territoriales. Il est proposé par l’amendement CL9 rectifié de prévoir ce cas de figure.

M. le rapporteur. Je doute que l’on utilise beaucoup ce dispositif. Cela étant, depuis le début des travaux de la mission d’information, je me suis fixé pour principe de favoriser un travail collectif et partagé. Le sujet le mérite. Sans être totalement convaincu sur le fond, je donne un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 1er (art. L. 2123-20, L. 2123-20-1, art. L. 2123-23, L. 2123-24, L. 2123-24-1, L. 5214-8 du code général des collectivités territoriales) : Fixation de l’indemnité des maires et régime indemnitaire des conseillers des communautés de communes

La Commission adopte successivement l’amendement de cohérence CL17 et les amendements rédactionnels CL 18 et CL 19 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL 21 du même auteur.

M. le rapporteur. Inspiré par la proposition n° 13 de la mission d’information, cet amendement vise à rétablir la possibilité offerte aux conseils municipaux des communes de 1 000 habitants et plus de fixer les indemnités de fonction des maires et présidents de délégation spéciale à un niveau inférieur à celui qui résulterait de l’application du taux maximal.

M. Philippe Gosselin. La question de la fixation des indemnités se pose de façon particulière dans les petites communes, où nombreux sont les maires qui ne perçoivent pas le plafond d’indemnité. Parfois, le conseil municipal leur fait comprendre que le budget n’est pas considérable ; parfois, il estime que leurs revenus – retraite ou autre – sont suffisants. Je trouve que ce n’est pas normal. Le maire d’une commune de moins de 500 habitants peut percevoir une indemnité maximale de 645 euros bruts par mois, ce qui est déjà relativement faible, et il se retrouve en général avec 200 ou 250 euros bruts.

La mission d’information ayant souhaité que le plafond soit d’application automatique pour les maires des communes de moins de 1 000 habitants, je m’interroge sur le sens de cet amendement. Faut-il entendre que l’amendement CL17 généralise l’application du taux maximal et que le présent amendement vise à conserver la possibilité de dérogation pour les communes de plus de 1 000 habitants ?

M. le rapporteur. Le Sénat avait octroyé cette possibilité aux communes de plus de 3 500 habitants. Nous proposons d’en revenir à la proposition de notre rapport.

M. Philippe Gosselin. Nous sommes bien d’accord.

M. Jean-Luc Warsmann. Qu’est-ce que cette modification signifie pour les communes de moins de 1 000 habitants et pour celles de plus de 1 000 habitants ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne vois pas ce qui empêche aujourd’hui n’importe quelle assemblée territoriale de déterminer des taux d’indemnité inférieurs au montant maximal prévu par la loi. Pourquoi autoriser ce que la loi autorise déjà ?

M. le rapporteur. Notre mission d’information a remarqué, notamment après avoir reçu les associations d’élus de petites communes, que, en raison de la pression qui s’exerce sur les maires des communes de moins de 1 000 habitants – et celles-ci sont très nombreuses –, 80 % des élus ne touchent aucune indemnité. Devant le conseil municipal d’une petite commune, le maire n’ose généralement pas demander la mise en place d’indemnités. Dans le dispositif que nous proposons, le taux maximal serait d’application obligatoire, avec possibilité de dérogation pour les communes de 1 000 habitants et plus moyennant un vote du conseil municipal.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Il faut se référer au droit existant pour comprendre la logique de l’amendement.

M. Jean-Luc Warsmann. Les maires et adjoints des communes seraient donc indemnisés de plein droit au taux maximal dans les communes de moins de 1 000 habitants. Mais, aujourd’hui, quand un conseil municipal a des postes de conseillers délégués qu’il souhaite indemniser, la pratique la plus répandue est de réduire les sommes allouées aux adjoints et de partager ainsi les indemnités. Cela ne sera plus possible.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je me pose la même question que M. Warsmann.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Moi aussi.

M. le rapporteur. Je le répète, le Sénat est parti du même constat que notre mission d’information : les élus des petites communes n’osent pas se verser d’indemnités, et ce n’est pas une bonne chose. Nous proposons de ramener la possibilité de dérogation à l’obligation de verser l’indemnité maximale au seuil de 1 000 habitants, alors que le Sénat prévoyait cette possibilité pour les communes de 3 500 habitants et plus.

M. Dominique Raimbourg. Pour traiter du cas évoqué par M. Warsmann, ne peut-on prévoir que, par dérogation, les indemnités des adjoints des communes de moins de 1 000 habitants puissent diminuer pour être partagées avec les conseillers municipaux délégués ? L’important est de consommer entièrement l’enveloppe et d’attribuer la totalité des indemnités aux élus.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Voilà une bonne piste d’amendement pour la séance publique !

M. Philippe Gosselin. En effet.

Il ne s’agit pas de faire passer les élus pour des nantis, bien au contraire : dans de très nombreuses communes, une sorte de pression les empêche de bénéficier des indemnités auxquelles ils ont droit. Le principe est bien celui de la gratuité des mandats, mais il n’y a aucune raison pour que l’élu qui consacre une part importante de son temps à son mandat le fasse de manière entièrement bénévole, sans que ses frais lui soient le moindrement remboursés. La loi prévoit bien la possibilité de prise en charge de frais de mission et de représentation, mais, dans la réalité, les petites communes ne votent jamais de tels crédits.

Bref, l’indemnité n’est pas un moyen d’existence. Elle sert encore moins à faire du bénéfice. Elle paie en réalité les frais kilométriques, les coupes, les billets de tombola, le coup de pouce donné à l’association de parents d’élèves, etc. Si elle n’est pas versée, c’est l’élu qui doit payer pour exercer son mandat !

Il faut donc voter cet amendement, quitte à l’améliorer en séance publique.

M. Jean-Frédéric Poisson. À titre personnel, je suis dubitatif quant à cette mécanique. Certes, il est difficile pour beaucoup de maires de petites communes de faire valoir que leur activité leur vaut une indemnité. Mais je tiens aussi à ce que la question fasse l’objet d’un contrat entre le conseil municipal et le maire. Lors de la séance d’installation du conseil municipal, deux décisions importantes sont à prendre : l’attribution des délégations du maire et la fixation d’indemnités. Si l’on retire au conseil municipal la faculté de décider en la matière, c’est un élément important du contrat entre le maire et son conseil, voire de l’autorité du premier sur le second, qui disparaît.

Cela dit, il est difficile de trouver le bon équilibre entre la nécessité de maintenir ce contrat et le souci d’assurer une rémunération juste aux maires ruraux. La piste évoquée par Dominique Raimbourg est intéressante. Mais les conseils municipaux doivent demeurer maîtres de la situation : ce n’est pas la loi qui doit décider pour eux de ces questions.

M. Jean-Luc Warsmann. À titre personnel également, je voterai contre cette disposition. Il n’y a plus d’argent public. Toutes les collectivités cherchent à faire des économies. Et voilà que le législateur veut envoyer comme message aux petites communes que désormais, même si le conseil municipal souhaite en décider autrement, elles seront contraintes d’indemniser au taux maximal le maire et les adjoints ! Outre qu’elle retire une liberté aux conseils municipaux, la disposition est indéfendable dans le contexte actuel et au regard de la situation de nos finances publiques. Les élus des petites communes vont vous prendre à partie, mes chers collègues, et vous demander de quoi le législateur se mêle ! À part le taux maximal, qui évite les dérives, le conseil municipal doit rester libre de ses décisions. Si des communes fonctionnent sans que leurs élus prennent la totalité de leur indemnité, laissons-les libres !

M. le rapporteur. Le texte adopté à l’unanimité par le Sénat fait obligation d’accorder les indemnités maximales aux communes de moins de 3 500 habitants. Si nous ne votons pas cet amendement, c’est ce seuil qui sera maintenu. Je suis bien conscient des contraintes engendrées par l’état des finances publiques, mais une République fonctionne-t-elle bien quand 80 % des élus ne touchent aucune indemnité pour le travail qu’ils font ? Je crains que l’on ne s’expose rapidement à des logiques de démocratie censitaire, où seules les personnes disposant de revenus autres – ou encore les retraités, qui ne sont pas dans des problématiques professionnelles – peuvent exercer un mandat.

Nous proposons par cet amendement de ramener le seuil à 1 000 habitants, et nous examinerons en séance publique la proposition de Dominique Raimbourg concernant les conseillers municipaux délégués et l’enveloppe globale.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL22 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement technique précise que la population à prendre en compte est la population totale du dernier recensement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article additionnel après l’article 1er (art. L. 3123-16 et L. 4135-16 du code général des collectivités territoriales) : Réduction des indemnités des conseillers généraux et régionaux à raison de leur participation effective aux séances plénières et réunions des commissions de leur collectivité

La Commission examine les amendements CL26 et CL28 du rapporteur, qui font l’objet d’une présentation commune.

M. le rapporteur. Tiré de la proposition n° 18 de la mission d’information, l’amendement CL26 vise à amener les départements à établir, dans leurs règlements intérieurs, des dispositifs de nature à mieux sanctionner, en l’absence de motifs valables, la non-participation des élus aux séances plénières ou à certaines réunions. L’amendement suivant, CL28, a le même objet appliqué aux régions. Dès lors qu’il y a indemnité, il y a obligation de présence.

M. Patrick Devedjian. Ce sont des amendements de pointage, en somme !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne comprends pas cette logique. Que les collectivités veuillent se doter de tels dispositifs, libre à elles si cela les amuse ! Mais je n’aime pas cette sorte d’obligation suprême qui voudrait que l’on assiste à toutes les réunions, que ce soit ici, à l’Assemblée nationale, ou dans les collectivités territoriales.

Aux termes de ces amendements, tous les départements et toutes les régions de France devront déterminer dans leur règlement intérieur de quelle manière les indemnités des élus seront rognées en fonction de leur participation aux séances et réunions. Je trouve cette démarche insupportable !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Elle figurait pourtant dans le rapport que vous avez voté.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il arrive que l’on vote des rapports dont on désapprouve certains passages, monsieur le président.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je partage l’opinion de M. Poisson. C’est, une fois de plus, jeter le discrédit sur la classe politique.

Mme Marie-Françoise Bechtel. La disposition existe déjà sous forme facultative et je ne suis pas choquée qu’elle devienne obligatoire. J’aimerais néanmoins savoir combien de départements et de régions l’ont déjà adoptée, et souligner la difficulté d’application qui peut résulter de la différence d’activité entre élus de la majorité et élus de l’opposition. Les premiers sont désignés dans des organismes extérieurs pour représenter la collectivité territoriale beaucoup plus souvent que les seconds. Si l’on n’étend pas aux réunions extérieures le décompte de la présence globale, on met l’élu de la majorité en difficulté. C’est un problème qu’il m’est arrivé de rencontrer au contentieux, mais je ne vois pas comment le texte de la loi pourrait permettre sa prise en compte. De toute façon, cela n’entame en rien la pertinence de l’amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour l’instant, les assemblées délibérantes ont en effet la possibilité de déterminer dans le règlement intérieur les conditions dans lesquelles les indemnités versées peuvent varier en fonction de la présence de leurs membres. Dans la proposition du rapporteur, il devient impératif que le règlement intérieur prévoie une réduction de l’indemnité à raison de la participation aux séances et réunions. On franchit un pas considérable, puisque l’on établit cette réduction comme un principe sur lequel l’assemblée concernée n’a pas prise. C’est d’ailleurs ce qui me gêne un peu : peut-être pourrait-on s’en tenir à la simple possibilité de prendre ce type de mesure.

M. Patrick Devedjian. Comment mettre en œuvre techniquement une telle disposition ? Mon département des Hauts-de-Seine comprend cent collèges et le conseil général est censé être représenté à toutes les séances du conseil d’administration de chaque établissement. Les conseillers généraux étant au nombre de quarante-cinq, je ne cache pas qu’il y a des carences importantes – soit dit en passant, madame Bechtel, il n’est pas fait de différence entre la majorité et l’opposition puisque c’est l’élu du canton où se trouve le collège qui est appelé à siéger. Devrons-nous retrancher une partie de l’indemnité que touchent ces élus pour cause d’absence aux conseils d’administration des collèges, mais aussi à ceux des hôpitaux et de toutes sortes d’établissements ? Cela semble peu raisonnable !

Par ailleurs, les amendements ne constituent-ils pas une atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. Cette remarque vaut pour d’autres sujets. Mais l’inégalité profonde dans laquelle se trouvent actuellement les élus selon que leur assemblée délibérante a intégré ou non ce dispositif dans son règlement intérieur pose également un problème constitutionnel.

M. Philippe Gosselin. Ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé. Je ne vois pas l’intérêt, monsieur Le Bouillonnec, de faire figurer dans la loi une simple faculté.

En revanche, il ne me semble pas attentatoire au principe de libre administration des collectivités territoriales de prévoir que leur règlement intérieur doit instaurer par des modalités explicites un principe de responsabilité. Dans une époque où la défiance est grande à l’égard des élus, il n’est pas absurde de les soumettre à l’obligation de remplir leur mandat. L’amendement pose un principe et précise que la sanction ne peut dépasser la moitié de l’indemnité. Il appartiendra aux assemblées délibérantes de fixer in concreto les modalités d’application de ce principe et le montant des sanctions. Dans le département des Hauts-de-Seine, où, nous a dit M. Devedjian, il y a cent collèges et quarante-cinq cinq conseillers généraux, on considérera sans doute que les sanctions deviendront effectives si l’élu manque, non pas une ou deux réunions, mais trois ou quatre.

L’exposé sommaire indique que l’objectif est de mieux sanctionner les absences qui ne sont pas justifiées par des motifs valables. Peut-être conviendra-t-il de préciser qu’il s’agit de motifs légitimes. Quoi qu’il en soit, chaque collectivité territoriale pourra définir librement ce que seront ces motifs.

Sans entamer en rien la responsabilité des élus et la libre administration des collectivités territoriales, la loi peut, et parfois doit, aider à être vertueux.

M. Jean-Luc Warsmann. Il me semblerait plus sage que le dispositif ne vise pas les réunions des organismes où les élus représentent le département ou la région. Qu’un règlement intérieur autorise un nombre donné d’absences par an provoquera un débat malsain. Il y a en effet de grandes disparités entre les commissions – comme celle des transports – où les élus doivent assurer beaucoup de représentation extérieure ou celles où ces tâches sont bien moins importantes. Bref, si vous voulez vous engager dans cette voie, limitez-vous aux séances plénières et aux commissions créées par le règlement intérieur.

Mieux vaudrait également indiquer la date d’entrée en vigueur du dispositif.

M. le rapporteur. Philippe Gosselin a dit l’essentiel et je l’en remercie. Cela étant, je sais d’expérience que les contraintes de date auxquelles les conseillers généraux sont soumis pour siéger dans les conseils d’administration ne sont pas minces. Je propose donc, conformément au souhait de M. Warsmann, de rectifier l’amendement CL26 en remplaçant les mots : « , aux réunions des commissions dont ils sont membres et aux réunions des organismes dans lesquels ils représentent le département » par les mots : « et aux réunions des commissions dont ils sont membres », et l’amendement CL28 en remplaçant les mots : « , aux réunions des commissions dont ils sont membres et aux réunions des organismes dans lesquels ils représentent la région » par les mots : « et aux réunions des commissions dont ils sont membres ».

M. Jean-Luc Warsmann. Il faudrait préciser : « des commissions créées par ledit règlement ».

M. le rapporteur. Il s’agit bien entendu des commissions internes au département ou à la région. La rectification que je propose exclut les organismes extérieurs tels que les collèges et autres institutions.

M. Patrick Devedjian. C’est très raisonnable !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je ne suis pas du tout d’accord. Le droit existant, pourtant plus souple, vise précisément à inciter les élus locaux à siéger dans les organismes extérieurs. Leur apport est nécessaire au fonctionnement des établissements et organismes créés par le pouvoir réglementaire. Il n’est pas sain de prévoir la représentation des collectivités territoriales en se disant que, de toute façon, les élus ne viendront pas ! La participation de ces derniers à divers organismes et commissions extérieurs – même très nombreux – est un élément de la démocratie ! Je crois donc qu’il appartient aux assemblées délibérantes de faire preuve d’intelligence dans l’élaboration de leur règlement intérieur et d’effectuer les distinctions nécessaires, selon le degré de proximité de l’instance avec le cœur de l’activité du département ou de la région. On peut imaginer, par exemple, de développer les suppléances dans les organismes extérieurs.

M. Patrick Devedjian. Ces arguments contredisent votre précédent plaidoyer pour l’égalité, ma chère collègue. Vous voulez maintenant instituer des règlements qui font des différences !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Des règlements internes !

M. Patrick Devedjian. Qui n’en rompront pas moins l’égalité. Quand un département décidera de dispenser les élus de dix réunions dans des organismes extérieurs, l’autre les en dispensera de quinze ; quand il établira la sanction à 1 % de l’indemnité, l’autre l’établira à 50 % ; bref, la situation sera très inégalitaire. Je puis vous dire en tout cas que mon département prendra les dispositions les plus laxistes possible, compte tenu de l’impossibilité de remplir la tâche !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je préférerais « souples » à « laxistes ».

M. Patrick Devedjian. Non. Quand la loi est absurde, il est permis d’essayer de la contourner. (Exclamations des commissaires du groupe SRC.) Au-dessus du droit positif, il y a le droit naturel. (Mêmes mouvements.) Je ne partage pas votre philosophie : moi, je crois au droit naturel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Entendre cela dans le pays des Lumières, c’est extraordinaire !

M. Patrick Devedjian. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est un des éléments du droit naturel, ma chère collègue !

L’État multiplie à l’envi, notamment en région parisienne, les organismes où la représentation des conseils généraux ou régionaux est exigée. Comme on ne fixe pas les dates et heures de convocation en fonction de l’emploi du temps des élus, il est totalement impossible de satisfaire à cette exigence. Et pénaliser ceux qui n’accomplissent pas une tâche impossible n’est pas conforme au droit naturel !

La Commission adopte successivement les amendements CL26 et CL28 ainsi rectifiés.

Article 1er bis (art. L. 2123-20, L. 3123-18, L. 4135-18 et L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales) : Suppression de la faculté de reversement du montant de l’écrêtement des indemnités de fonction des élus locaux

La Commission est saisie de l’amendement CL29 du rapporteur.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. L’article est devenu sans objet puisqu’une autre loi institue un dispositif similaire : il convient donc de le supprimer.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er bis est supprimé.

Article 2 (art. L. 1621-1 du code général des collectivités territoriales) : Exclusion de la fraction représentative des frais d’emploi dans le calcul des ressources ouvrant droit à prestation sociale

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL12 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. L’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 assujettit aux cotisations de sécurité sociale la totalité de l’indemnité de fonction des élus locaux lorsque celle-ci dépasse un seuil, fixé par un décret d’avril 2013, à 1 543 euros par mois. Or, cette indemnité inclut la fraction représentative de frais d’emploi, somme qui correspond au remboursement forfaitaire des sommes engagées par l’élu et fixée à ce jour au montant de l’indemnité prévue pour le maire d’une commune de moins de 500 habitants, soit 646,25 euros. Cette fraction n’est ni saisissable ni imposable dans le cadre de la retenue à la source. Un prélèvement de cotisations sociales sur ce montant est dénué de sens. L’amendement vise donc à exclure expressément cette fraction de l’assiette.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Une telle disposition relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, qui est encore en discussion.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL11 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. L’amendement précédent était un amendement d’ouverture. Son objet est d’interpeller le Gouvernement et il conditionnera le vote du groupe UMP lors du débat en séance publique. Il faudra donc y répondre autrement que par un rejet pur et simple, et proposer des solutions.

Je crains qu’une réponse identique ne soit faite au sujet de l’amendement CL11, qui vise le même article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Le décret d’application étant paru en avril et la circulaire en mai, les élus n’ont absolument pas été mis au courant des nouvelles contraintes qui pesaient sur eux. Ils sont aujourd’hui confrontés à de grandes difficultés et les réponses sont très variables. Certaines assemblées ont même voté la diminution de l’indemnité de manière à la faire passer sous le plafond des 1 543 euros. Des élus ont vu leur indemnité nette fortement amputée alors que telle n’était pas l’esprit de la loi.

Si je ne peux présenter un amendement à effet rétroactif, je propose toutefois que la date d’application soit au moins fixée au 1er janvier 2014. Il s’agit, là aussi, d’un amendement d’appel pour que le Gouvernement apporte des réponses, que ce soit dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans celui de cette proposition de loi.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL13 de M. Philippe Gosselin.

M. Jean-Frédéric Poisson. Que des amendements d’appel, qui plus est susceptibles d’être traités dans un projet de loi actuellement en discussion, soient rejetés par principe, soit ! J’aimerais néanmoins connaître la position du rapporteur sur le fond.

M. le rapporteur. Pour ne rien vous cacher des débats sont en cours avec le Gouvernement à ce sujet. Comme pour le montant des indemnités, la question financière est devant nous. Les amendements de Philippe Gosselin évoquent une piste, le rapport en évoquait une autre. La discussion reste ouverte.

M. Philippe Gosselin. On évalue à 140 millions d’euros le montant des cotisations sociales prélevées sur les indemnités des élus en 2013. C’est évidemment énorme, à tel point que certains ont parlé de « racket » infligé aux collectivités territoriales. Les explications des ministères concernés sont un peu courtes. On confirme le montant des recettes, tout en assurant que les élus y trouveraient intérêt : environ 10 millions versés au titre des accidents du travail et 13 millions d’indemnités journalières. Mais on est incapable de nous indiquer les sommes affectées aux retraites – 10 ou 15 millions, on ne sait.

Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement que les élus ne perçoivent que 40 millions par an, c’est-à-dire 100 millions de moins que les cotisations prises aux collectivités territoriales. Il faut éclaircir ce point. Doit-on considérer que ces collectivités ont vocation à participer au financement de la sécurité sociale et à combler son déficit ? Je croyais pourtant que la loi devait ouvrir de nouveaux droits aux élus locaux !

M. le rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Je n’ignore pas les problèmes évoqués par M. Gosselin. J’en ai parlé avec la ministre des Affaires sociales et de la santé. Il y aura des arbitrages. Ce sera certainement un sujet important de la discussion en séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2 bis (nouveau) (art. L. 3142-56 du code du travail) : Extension du congé électif aux communes de 1 000 habitants au moins

La Commission adopte l’article 2 bis sans modification.

Article 2 ter (nouveau) (art. L. 2123-2 du code général des collectivités territoriales) : Extension du crédit d’heures pour les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL31 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 2 ter modifié.

Article 3 (art. L. 2123-9, L. 3123-7 et L. 4135-7 du code général des collectivités territoriales) : Suspension du contrat de travail et statut de salariés protégés

La Commission est saisie de l’amendement CL8 rectifié de M. Philippe Goujon.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement a été présenté par Mme Zimmermann en même temps que l’amendement CL9 rectifié après l’article 1er A.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 3 bis (nouveau) (art. L. 2123-11-1 du code général des collectivités territoriales) : Droit au congé de formation professionnelle et au bilan de compétences pour les adjoints au maire des communes d’au moins 10 000 habitants

La Commission adopte l’article 3 bis sans modification.

Article 4 (art. L. 2123-11-2, L. 3123-9-2, L. 4135-9-2 du code général des collectivités territoriales) : Allongement de la durée de versement de l’allocation différentielle de fin de mandat

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 4 bis (art. 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) : Suspension pendant la durée d’un mandat électif de l’expiration de l’inscription sur liste d’aptitude d’un corps de la fonction publique territoriale

La Commission adopte l’article 4 bis sans modification.

Article 5 (art. L. 613-3 du code de l’éducation) : Validation des acquis de l’expérience professionnelle

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 5 bis (art. L. 2123-12-1, L. 3123-10-1, L. 4135-10-1, L. 5214-8-1, L. 5215-16-1, L. 5216-4-3 du code général des collectivités territoriales) : Droit individuel à la formation des élus

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL36 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CL37 du même auteur.

M. le rapporteur. Reprenant la proposition n° 6 de la mission d’information, l’amendement vise à préciser que les formations proposées « peuvent notamment contribuer à l’acquisition des compétences nécessaires pour la réinsertion professionnelle ». Entrer dans la fonction d’élu est une chose, en sortir en est une autre !

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte également l’amendement CL39 du rapporteur, tendant à supprimer des alinéas redondants.

Puis elle adopte l’article 5 bis modifié.

Article 6

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL42 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 6 ainsi modifié.

Article 6 bis (nouveau) (art. L. 2123-12, L. 3123-10, L. 4135-10 du code général des collectivités territoriales) : Formation obligatoire pour les élus avec délégation au cours de la première année de mandat

La Commission adopte l’article 6 bis sans modification.

Article additionnel après l’article 6 bis (art. L. 1221-1 du code général des collectivités territoriales) : Formation obligatoire pour les élus avec délégation au cours de la première année de mandat

La Commission est saisie de l’amendement CL47 du rapporteur.

M. le rapporteur. Reprenant la proposition n° 23 de la mission d’information, cet amendement précise les missions du Conseil national de la formation des élus. Cette instance devra recenser les compétences qui se révèlent utiles aux élus, notamment à ceux qui exercent un premier mandat, dans l’exercice des fonctions électives.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 6 bis

Elle examine ensuite l’amendement CL2 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à tirer les conséquences de l’abaissement de 3 500 à 1 000 habitants du seuil d’application de l’élection à la proportionnelle.

Pour les communes de 1 000 à 3 500 habitants, nous proposons : d’imposer la rédaction d’un règlement intérieur ; d’obliger le maire à convoquer le conseil municipal si une demande motivée lui en est faite par le préfet ou par le tiers au moins des membres dudit conseil municipal ; de porter le délai de convocation des conseils municipaux de trois à cinq jours.

Le changement de nature de ces conseils municipaux, conséquence du changement du mode d’élection, impose de permettre aux conseillers minoritaires de jouer le rôle de garants de la mise en transparence des décisions municipales.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement relève-t-il bien de cette proposition de loi ?

M. Paul Molac. Nous avions prévu de le déposer sur un projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locales, mais on ignore quand ce texte viendra en discussion. C’est pourquoi nous profitons de cette « fenêtre »…

M. le rapporteur. À titre personnel, je trouve intéressants cet amendement et les suivants, mais leur lien avec le texte que nous examinons est plus que ténu. Avis défavorable, car ce n’est pas le lieu.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. En somme, il s’agit d’amendements de précaution que vous craigniez de ne pouvoir déposer un jour, monsieur Molac.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL1 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Il s’agit de permettre à tous les conseillers municipaux de recevoir les documents du conseil municipal de manière dématérialisée. Ils pourront ainsi, par exemple, renvoyer tel document à un spécialiste pour recueillir un avis.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL3 à CL7 de M. Paul Molac.

Article additionnel après l’article 6 bis (art. 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) : Faculté de saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique par l’ensemble des maires et présidents d’EPCI à fiscalité propre)

Elle est saisie de l’amendement CL46 du rapporteur.

M. le rapporteur. Inspiré de la proposition n° 25 du rapport d’information, cet amendement propose que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique assure auprès des élus un rôle de conseil sur l’application concrète des principes déontologiques qu’ils doivent respecter. Alors que les élus se posent beaucoup de questions, ils ne trouvent pas aujourd’hui d’interlocuteur.

Le dispositif proposé est conforme au souhait de Philippe Gosselin : il permet de s’adresser directement à cette Haute Autorité, sans qu’il soit nécessaire de créer un réseau de délégués régionaux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mon absence de sympathie pour la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est connue. Qu’en est-il, monsieur le président, de la compatibilité de cet amendement – qui a visiblement pour effet une augmentation de la charge publique – avec l’article 40 de la Constitution ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Concernant l’analyse de la recevabilité financière des amendements, les pratiques diffèrent selon les commissions. J’ai pour ma part repris le choix de Jean-Luc Warsmann lors de la précédente législature, à savoir demander l’avis du président de la commission des Finances sur les amendements discutés par notre Commission. J’aurais pu examiner moi-même leur recevabilité mais je crois qu’il est de bonne pratique que la commission des Finances en soit chargée : au bout du compte, la décision est plus claire. Le président Carrez a donc statué sur la recevabilité des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution. L’amendement CL46, en l’occurrence, a été jugé recevable.

M. le rapporteur. Vu le nombre de ceux que le président Carrez a rejetés alors que le Sénat les avait jugés recevables, le filtrage a dû être extrêmement rigoureux !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. C’est la pratique constante.

M. Philippe Gosselin. Je crois au contraire que les jurisprudences divergent.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les voies de l’article 40 sont impénétrables !

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 6 bis

Elle examine l’amendement CL10 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. L’application de l’article 40 de la Constitution m’a empêché de déposer un amendement plus consistant. Celui-ci est un appel pressant et la réponse que l’on nous apportera conditionnera notre vote.

L’assujettissement d’une part des indemnités des élus aux cotisations sociales pose un véritable problème en matière de cumul emploi-retraite. J’avais soulevé la question et certains commencent enfin à s’en émouvoir. La demande d’un rapport remis au Parlement est un appel à résoudre aussi rapidement que possible une difficulté bien réelle et très pénalisante.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je me disais bien qu’il manquait un rapport ! (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. L’article 40 ne me laissait pas le choix, monsieur le président !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. En tout cas, je suis opposé par principe à toute demande de rapport.

M. le rapporteur. La sagesse exige du jeune député que je suis qu’il se conforme à l’avis du président.

M. Philippe Gosselin. Il n’empêche, la question du cumul emploi-retraite est pendante.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Vous pourrez poser la question au Gouvernement en séance publique et lui demander de prendre des engagements, mais il n’est pas besoin de voter l’amendement. Je tiens une comptabilité précise de la remise effective de rapports gouvernementaux à la suite d’une demande parlementaire. La proportion est infinitésimale.

M. Patrick Devedjian. Heureusement !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Oui, puisque le Parlement ne fait rien des rapports que lui remet le Gouvernement. Tout cela est du travail pour rien.

La Commission rejette l’amendement.

Article 7 (art. L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales) : Entrée en vigueur de la fixation automatique des indemnités de fonction des maires

La Commission est saisie de l’amendement CL48 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de reporter au prochain renouvellement des assemblées concernées – élections municipales, cantonales, régionales – l’entrée en vigueur des dispositions n’ayant pas vocation à s’appliquer dès la promulgation du présent texte.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 7 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l’article 7 : Entrée en vigueur de la fixation automatique des indemnités de fonction des maires

La Commission adopte l’amendement CL49 du rapporteur.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité des votants.

*

* *

La Commission examine ensuite, sur le rapport de M. Christian Assaf, la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, relative à la nomination du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (n° 1425).

M. Christian Assaf, rapporteur. Cette proposition de loi organique se limite à un article unique, et l’amendement que je proposerai est de pure forme.

Le texte qui nous arrive du Sénat est le fruit d’une initiative de M. François Marc, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, et de Mme Michèle André, membre de la même commission. Il vise à ajouter l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) au sein de la liste des organismes dont les dirigeants font l’objet d’un avis public des commissions parlementaires avant leur nomination par le président de la République.

Notre Commission a désormais l’habitude des modifications de la liste des fonctions concernées par cette procédure, prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution : y ont été ajoutés le directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, le président de la future Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – nous devrions d’ailleurs auditionner prochainement la personnalité pressentie pour cette nomination –, et la toute récente réforme de l’audiovisuel public a conduit à supprimer de la liste les présidents des organismes audiovisuels publics, ceux-ci étant désormais nommés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

En l’espèce, c’est de façon quelque peu inhabituelle que le Sénat a décidé d’ajouter le président de l’ARJEL à la liste des fonctions soumises à avis public des commissions parlementaires. En effet, la logique voudrait que la loi organique du 23 juillet 2010 soit d’abord modifiée pour y ajouter une nouvelle fonction, puisqu’une loi ordinaire précise quelle est la commission parlementaire compétente pour se prononcer sur la nomination.

Dans le cas présent, Sénat a suivi un schéma inverse : en juillet dernier, lors des débats parlementaires sur le projet de loi relatif à la consommation, il a souhaité que la nomination du président de l’ARJEL par le président de la République soit, à l’avenir, soumise à la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution. Ce projet de loi ordinaire est aujourd’hui en instance de deuxième lecture à l’Assemblée nationale. C’est donc seulement dans un second temps qu’a été déposée, au Sénat, la proposition de loi organique dont nous sommes saisis aujourd’hui.

Naturellement, l’adoption de ce texte par l’Assemblée nationale n’a de sens que si la mesure prévue dans le projet de loi sur la consommation est confirmée par notre Assemblée en deuxième lecture. Ce sera très vraisemblablement le cas, s’agissant d’une mesure consensuelle et ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement.

Sur le fond, il me paraît parfaitement justifié que l’ARJEL soit soumise à la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.

J’en rappelle les principales missions : délivrer des agréments aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne et s’assurer du respect de leurs obligations ; protéger les populations vulnérables et lutter contre l’addiction au jeu ; s’assurer de la sécurité et de la sincérité des opérations de jeux ; lutter contre les sites illégaux et contre la fraude.

Le régime d’agrément des opérateurs participe bien à « la garantie des droits et libertés » au sens de l’article 13 de la Constitution, dans la mesure où, comme l’a déjà jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi du 12 mai 2010, ce régime vise à opérer une « conciliation [...] entre le principe de la liberté d’entreprendre et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ».

Concrètement, cette nouvelle loi organique devrait trouver à s’appliquer pour la première fois lors de la nomination du prochain président de l’ARJEL, prévue en mai 2016.

Au-delà, je pense qu’il ne s’agit aujourd’hui que d’un premier pas dans le renforcement du contrôle parlementaire sur le domaine des jeux. Il nous faudra aller plus loin et, plus généralement, procéder à l’évaluation des effets produits par l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne. Les conséquences de la loi du 12 mai 2010 mériteraient d’être analysées en profondeur, qu’il s’agisse des phénomènes d’addiction aux jeux et aux écrans, de la lutte contre les sites illégaux ou de la prévention des risques de blanchiment d’argent ou de corruption sportive.

Mon amendement CL1 vise, dans le texte adopté par le Sénat, à réparer une erreur de décompte dans la liste alphabétique annexée à la loi organique du 23 juillet 2010.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Les affaires de paris arrangés nous ont rappelé que la régulation des paris sportifs est à renforcer. Si la loi de 2010 autorisant l’ouverture à la concurrence a mis fin, dans ce secteur d’activité, au monopole de l’État, rien ne doit nous empêcher de réaffirmer le rôle régulateur de ce dernier.

Au-delà des questions que pose le fossé creusé entre valeurs sportives et sport business, l’ARJEL doit accroître son autorité pour atteindre les objectifs qui lui ont été fixés à sa création en 2010 : s’assurer de la sécurité et de la sincérité des opérations de jeu et lutter contre les sites illégaux, la fraude et le blanchiment d’argent. Nous ne parlons pas que de santé financière, nous parlons aussi de santé publique !

Il convient de coordonner ces missions à un niveau européen, conformément, d’ailleurs, à un vœu formulé par l’ARJEL en 2012. On parviendra ainsi à une meilleure convergence en matière de lutte.

Il apparaît dès lors que le président de l’ARJEL, à l’instar de ses homologues visés par la loi organique prise sur le fondement de l’article 13 de la Constitution, doit voir sa légitimité renforcée. Les grandes orientations de son mandat gagneraient à être directement validées et contrôlées par la procédure de nomination à laquelle renvoie le texte.

Cette proposition de loi contribue donc à renforcer l’ARJEL et réaffirme la responsabilité régulatrice de l’État en la matière.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique.

Article unique (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution) : Instauration d’un avis public des commissions parlementaires sur la nomination du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne

La Commission adopte l’amendement CL1 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article unique de la proposition de loi organique modifié.

La séance est levée à 12 heures 35.

——fpfp——

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* *

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné M. Guy Geoffroy, co-rapporteur d’application sur la loi qui serait issue de l’adoption définitive de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier l’article 698-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale (n° 741).

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Erwann Binet, M. Jean-Pierre Blazy, M. Jacques Bompard, M. Dominique Bussereau, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Jean-Michel Clément, M. Sergio Coronado, M. Carlos Da Silva, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise
Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Philippe Doucet, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, M. Matthias Fekl, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Yann Galut, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Jean-Yves
Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Axelle Lemaire, M. Bernard Lesterlin, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Nathalie Nieson, M. Jacques Pélissard, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. François-Xavier Villain, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Marcel Bonnot, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Édouard Fritch, M. Daniel Gibbes, M. Armand Jung, M. Guillaume Larrivé, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Assistaient également à la réunion. - M. Michel Ménard, Mme Sophie Rohfritsch