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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 12 février 2014

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 42

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Audition de M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (n° 1718) (Mme Laurence Dumont, rapporteure)

– Examen de la proposition de loi organique de MM. Patrice Martin-Lalande, Maurice Leroy et Gilles Carrez et plusieurs de leurs collègues, créant des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie (ORDAM) (n° 13) (M. Jean-Pierre Door, rapporteur)

– Information relative à la Commission

La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l’audition de M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (n° 1718) (Mme Laurence Dumont, rapporteure).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. La Commission a souhaité entendre M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, pour qu’il l’éclaire sur la portée de la proposition de loi présentée au Sénat par Mme Catherine Tasca. L’objet de ce texte est d’ajuster certains éléments du régime juridique issu de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous saluons à cette occasion notre collègue Philippe Goujon, qui rapporta le texte de 2007, mais aussi la majorité qui l’avait proposé et la garde des Sceaux de l’époque, Mme Rachida Dati, qui avait eu la clairvoyance de choisir M. Delarue pour occuper cette fonction.

Monsieur le Contrôleur général, nous sommes d’autant plus heureux de vous accueillir que diverses contraintes ne nous avaient pas permis de le faire l’année dernière, après la remise de votre rapport annuel. Le groupe SRC a d’ailleurs souhaité inscrire à l’ordre du jour de la séance publique un débat en votre présence le 8 avril, dans le cadre d’une semaine de contrôle, pour discuter du nouveau rapport annuel que vous allez bientôt rendre.

Lors de la précédente législature, nous vous avons accueilli régulièrement pour que vous nous fassiez part de vos observations sur les réactions de l’administration aux suggestions que vous publiez régulièrement au Journal officiel. Votre mandat n’étant pas renouvelable, vous quitterez vos fonctions au mois de juin. Votre participation à la séance publique sera l’occasion de dresser un premier bilan de cette fonction que chacun d’entre nous s’accorde à trouver vertueuse. L’approche du monde pénitentiaire a sensiblement évolué grâce à la force que vous avez donnée à vos avis et à la finesse avec laquelle vous les avez rédigés, en choisissant des mots à la fois très précis et profondément respectueux des droits et des personnes. La République peut s’enorgueillir d’avoir enfin accueilli en son sein une autorité administrative dédiée à ce sujet.

Nous vous demandons aujourd’hui, avant l’examen de la proposition de loi par notre Commission dans une quinzaine de jours, d’éclairer notre regard sur les évolutions de cette instance.

M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté. J’ai déjà eu l’occasion de dire à votre Commission combien je suis attentif au rôle que joue le Parlement dans notre activité. L’indépendance qui nous caractérise n’est pas synonyme d’absence de contrôle. Le regard que porte le Parlement sur notre action est essentiel.

Puisque vous êtes saisis d’un texte modifiant la loi qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, je commencerai par rappeler nos missions et ce que nous avons fait de cette loi du 30 octobre 2007, avant d’expliquer pourquoi il a paru nécessaire de la faire évoluer.

Notre mandat est de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Pour l’exercer, nous avons le pouvoir d’effectuer des visites dans les lieux privatifs de liberté et nous pouvons être saisis par toute personne physique et par de nombreuses personnes morales. En retour, nous adressons aux pouvoirs publics, soit directement, soit par la voie du Journal officiel, des recommandations que nous reprenons dans notre rapport annuel.

Précisons également que nous sommes une institution de terrain, ce qui n’est pas si fréquent pour les autorités administratives indépendantes. À l’heure où je vous parle, cinq équipes effectuent des visites d’établissements en Moselle, dans le Tarn, dans le Puy-de-Dôme, en Dordogne et dans les Yvelines. Elles y resteront jusqu’à la fin de la semaine et y retourneront la semaine prochaine. Il en va ainsi quinze jours par mois. Vous le voyez, nous ne nous payons pas de mots : nous nous confrontons aux réalités quotidiennes de ceux qui vivent ou travaillent dans les lieux privatifs de liberté.

Notre action touchant à la sécurité et aux droits, elle s’inscrit au cœur du domaine régalien. Nous observons comment travaillent policiers, gendarmes, fonctionnaires pénitentiaires, etc.

Enfin, nous sommes aussi rigoureux que possible dans l’approche que nous avons de ces lieux. J’insiste beaucoup auprès des contrôleurs sur la méthode selon laquelle ils doivent recueillir l’information, sur le processus contradictoire, sur la nécessité de croiser les informations, de lire autant de documents qu’il est possible et d’être très prudents dans l’interprétation qu’ils donnent à ce qu’ils voient.

J’en viens à quelques chiffres relatifs à l’exercice de notre mandat.

Je m’étais engagé auprès des pouvoirs publics à faire 150 visites annuellement. La moyenne des cinq dernières années s’établit à 151 visites par an. Au 31 décembre dernier, nous avions visité 805 établissements de toute nature, dont environ 300 locaux de garde à vue et 185 établissements pénitentiaires. Je m’étais fixé pour objectif que la totalité des établissements pénitentiaires du pays auraient été visités à la fin de mon mandat. Cela aura été réalisé à quatre ou cinq exceptions près – nos moyens budgétaires ne nous permettant pas, par exemple, de nous rendre à l’établissement pénitentiaire de Wallis.

Nous aurons également vu la totalité des centres éducatifs fermés, que nous considérons comme particulièrement sensibles et dignes d’attention.

Le pourcentage des locaux de garde à vue visités est évidemment moindre – environ 7 % –, mais nous avons choisi des lieux où se déroulent un très grand nombre de ces procédures. Nous estimons qu’ils représentent le tiers des 380 000 gardes à vue pratiquées annuellement.

Nous avons visité des locaux dans toutes les régions et dans tous les départements de France, outre-mer compris. Je rappelle que nos premières recommandations publiques concernant des établissements précis ont visé notamment Mayotte et, pour la première fois en urgence, Nouméa.

Dès 2010, nous avons également commencé à faire des contre-visites, de manière à évaluer les changements intervenus depuis la visite précédente. Parmi les six contre-visites effectuées en 2013, on peut mentionner celles qui ont concerné le dépôt de Paris, la zone d’attente de Roissy, le commissariat de Saint-Malo et celui de Grenoble. Après échange contradictoire, les visites font l’objet d’un rapport systématiquement envoyé aux ministres concernés, lesquels nous répondent non moins systématiquement.

S’agissant des saisines, nous recevons environ 4 000 lettres par an et en envoyons 5 000. Pour la première fois en 2013, le nombre de courriers reçus n’a pas augmenté d’une année à l’autre. Je reviendrai sur cette stagnation lorsque j’aborderai la proposition de loi.

Neuf lettres sur dix ont trait à la prison. Neuf sur dix également sont envoyées par les intéressés eux-mêmes – personnes détenues ou proches. Le nombre de lettres d’intermédiaires – avocats ou associations – est insuffisant. Quant aux lettres de parlementaires, nous en avons reçu trois en 2013. Depuis le début de notre mandat en 2008, ni le Premier ministre ni les membres du Gouvernement ne nous ont saisis, contrairement à ce que prévoyait la loi.

Nous répondons à ces lettres aussi rapidement que possible pour éviter de faire naître des tensions supplémentaires dans les lieux privatifs de liberté. Cependant, le manque d’effectifs nous a conduits à mettre en place pour la première fois en 2013, bien malgré moi, un dispositif d’envoi d’accusés de réception, de manière à faire patienter ceux qui nous écrivent. J’estime que c’est une régression, mais je ne peux faire autre chose que la déplorer.

Les principaux thèmes de ces lettres sont, par ordre de fréquence, les transferts d’un établissement à un autre, les difficultés dans les relations avec le personnel et l’accès aux soins. Ce dernier sujet vient d’ailleurs de faire l’objet d’un chapitre dans le rapport public annuel de la Cour des comptes.

Le bilan qualitatif de notre action fait ressortir trois éléments.

Premièrement, il n’est pas immodeste d’affirmer que, depuis cinq ans, nous avons accumulé un savoir inédit sur les lieux privatifs de liberté.

Deuxièmement, ce savoir est d’autant plus important que, par nature, ces lieux sont peu connus des Français. Par exemple, nous avons peu de témoignages des personnes faisant l’objet d’une hospitalisation psychiatrique et des personnels qui travaillent dans ces établissements. C’est notre rôle de faire connaître ce qui s’y passe.

Troisièmement, il arrive que nos recommandations soient suivies d’effets à différents niveaux. Elles sont notamment prises en compte par le législateur, comme en témoignent la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue et la loi du 27 septembre 2013, qui traite des soins psychiatriques dispensés sans consentement et dont les dispositions nous ont satisfaits. Nos recommandations sont également suivies pas les ministres, comme le montrent la circulaire du 25 mars 2013 relative aux procédures de première délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes détenues ou la circulaire du 11 juillet 2013 relative à l’accès des personnes détenues aux droits sociaux. Elles sont enfin suivies par l’administration : on a, par exemple, levé la prohibition de la consommation de café dans les prisons. Les chefs d’établissement sont sensibles aux remarques que nous leur adressons et s’efforcent, dans la mesure de leurs moyens, de modifier les consignes données au personnel – je pense en particulier à la tenue des registres de garde à vue –, d’engager des travaux de réhabilitation des locaux, de changer les pratiques : ainsi, alors que les fonctionnaires de police ne respectaient jamais le délai d’un jour franc donné aux étrangers faisant l’objet d’un refus d’entrée en France, un retour sur les lieux à Roissy en novembre dernier nous a permis de constater que 70 % des étrangers dans cette situation en bénéficiaient aujourd’hui.

À côté de ces évolutions non négligeables, bien d’autres recommandations restent lettre morte. Dans le rapport qui sera rendu public au début du mois prochain, je dresserai une liste de vingt mesures peu coûteuses et n’impliquant pas de grands bouleversements, sur lesquelles je souhaiterais, à tout le moins, qu’une réflexion s’engage. Je suis parfois surpris du mauvais vouloir des administrations à s’en saisir, même si, je le sais bien, il ne s’agit que de recommandations.

L’objet de la proposition de loi qui vous a été transmise est de modifier la loi du 30 octobre 2007. La rapporteure du texte au Sénat était Mme Catherine Tasca, ancienne présidente de votre Commission, à laquelle je rends hommage.

Sans entrer dans le détail des dispositions proposées, je distinguerai quatre grands axes.

Premièrement, il s’agit de traduire dans le droit les pratiques adoptées de fait par le contrôle général des lieux des privation de liberté, soit que la loi initiale fût muette sur certains points, soit qu’il parût plus conforme à son esprit de mettre en œuvre ces pratiques.

Si la loi de 2007 prévoit que les personnes physiques et que certaines personnes morales peuvent saisir le Contrôleur général, elle ne prévoit pas le traitement que celui-ci doit réserver à ces saisines. Faute d’indications sur ce qu’il convenait de faire, nous avons pris l’habitude d’interroger les autorités responsables des personnes qui nous saisissaient et de mener des enquêtes sur pièces ou sur place. Nous demandons au législateur de consacrer cette pratique en nous autorisant à procéder à ces vérifications, en nous donnant des moyens équivalents à ceux dont nous disposons en matière de visites et en nous permettant de conclure nos enquêtes par des recommandations adressées, non pas aux ministres, mais, puisqu’il s’agit le plus souvent de cas individuels, aux chefs d’établissement.

Le texte complète aussi les dispositions relatives aux visites. En particulier, le législateur avait prévu que le secret médical nous était opposable. J’ai considéré pendant plusieurs années que cela était sage, tant est essentielle, dans un lieu privatif de liberté, la relation de confiance entre le malade et le médecin. Mon opinion ne s’est modifiée qu’assez tardivement, et sous la pression des faits que nous avons été conduits à observer. Parmi toutes les institutions européennes de même nature que la nôtre, nous sommes la seule à laquelle le secret médical peut être opposé. Face à cette exception française, nos homologues font valoir qu’en cas d’accusation de mauvais traitements, il faut pouvoir vérifier dans un dossier médical qu’un médecin a confirmé ou non les dires de la personne.

En outre, certaines pratiques médicales qui ne concernent pas les soins, mais la privation de liberté elle-même, échappent à notre contrôle. C’est le cas du recours à l’isolement ou à la contention en hôpital psychiatrique. Nous avons déploré avec constance que les hôpitaux psychiatriques ne tiennent aucun registre de ces mesures très sévères de privation de liberté à l’intérieur d’un lieu de privation de liberté. On nous objecte que celles-ci sont consignées dans le dossier médical – auquel, précisément, nous n’avons pas accès !

C’est pourquoi nous voudrions pouvoir vérifier dans le dossier médical qu’il n’y a pas eu de mesures indues de type « disciplinaire » par recours à l’isolement ou à la contention. Ces mesures sont trop graves pour que nous nous contentions d’ajouter foi aux dires des personnes concernées.

Le Sénat a donc consenti à ce que le secret médical – à la réalité duquel je tiens beaucoup – puisse être en partie levé, mais avec d’infinies précautions : il faudra l’accord du malade, et le dossier médical ne sera communiqué qu’aux contrôleurs ayant la qualité de médecin. Au fond, donc, on ne quittera pas le secret médical. Ce pouvoir qui nous sera reconnu si vous en êtes d’accord n’est en rien différent de celui qui est déjà reconnu par la loi « Kouchner » à l’inspection générale des affaires sociales. Nous ne pensons briser aucun tabou. Pour avoir approché le Conseil national de l’Ordre des médecins à ce sujet, je crois qu’il ne voit pas d’objection majeure à ce qu’il soit procédé ainsi. Le dispositif concilie les intérêts des malades et les intérêts parfaitement légitimes des médecins qui exercent dans ces lieux.

En deuxième lieu, le texte institue un délit d’entrave pour ceux qui s’opposeraient à nos visites. Dans leur grande majorité, celles-ci se déroulent comme le législateur les concevait, c’est-à-dire sans que l’on oppose d’obstacles à nos pouvoirs. Je tiens à en rendre hommage aux chefs d’établissement qui, pour la plupart, se sont prêtés de bonne grâce à l’exercice.

Certaines difficultés demeurent néanmoins. Par exemple, nous n’avons jamais eu accès aux enregistrements vidéo qui accompagnent obligatoirement les interventions des ERIS, ces équipes régionales d’intervention et de sécurité de l’administration pénitentiaire auxquelles il est fait appel en cas de troubles graves dans un lieu de détention. Plusieurs fois, après que l’on nous eut rapporté certains cas d’interventions un peu musclées, nous avons demandé le visionnage des vidéos. Nous n’avons jamais pu les obtenir, pas plus que les enregistrements vidéo issus des caméras installées désormais en nombre dans les établissements pénitentiaires.

Par ailleurs, lorsqu’il y a contradiction entre les affirmations de la personne détenue et celles de l’administration, nous rencontrons fréquemment des difficultés à obtenir de cette dernière des documents tels que la fiche pénale de la personne ou le rapport d’incident qui a donné lieu à poursuite disciplinaire.

Par manière d’aide à la réflexion à l’intention de nos interlocuteurs – car, bien entendu, nous ne nous servirons jamais de ces dispositions pénales –, il est donc proposé d’instituer d’un délit d’entrave à nos visites et à nos demandes de documentation, à l’instar des dispositions en vigueur pour toutes les autres autorités administratives indépendantes et, au-delà, pour toutes les autorités amenées à contrôler des administrations sur place.

En troisième lieu, le texte vise à protéger ceux qui font appel au Contrôleur général. C’est le point sur lequel je voudrais le plus insister ce matin. Il existe bien sûr des moyens illégaux de faire valoir ses droits, en particulier dans les lieux privatifs de liberté. L’homme qui assène un coup de poing au visage d’un surveillant doit être justement poursuivi tant sur le plan disciplinaire que sur le plan pénal : je n’ai absolument aucun état d’âme à cet égard. Mais les personnes détenues ont aussi recours, comme tout un chacun, à des moyens légaux, en saisissant le Parquet, en écrivant à une personne extérieure, à une association, au Défenseur des droits ou au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous n’avons pris la mesure du phénomène que tardivement, mais il faut savoir que, pour une personne détenue ou retenue, cette démarche est extraordinairement difficile et se voit souvent opposer des menaces ouvertes, voire des représailles. Aux trois questions essentielles – puis-je porter plainte ? ma lettre de plainte parviendra-t-elle à son destinataire ? sera-t-elle suivie d’effet ? – , les réponses sont trop souvent négatives. Je souhaite que le Parlement prenne conscience de l’ampleur des oppositions parfaitement illégales à ces moyens légaux. Dans les lieux de privation de liberté, on n’aime pas que les personnes se plaignent. Que l’on craigne que leur démarche fasse vaciller l’autorité qui doit s’attacher aux personnels, je peux le comprendre, étant moi-même très soucieux du respect de cette autorité. Mais je n’aime pas que l’on fasse obstacle à la loi. Or je suis convaincu que la stagnation du nombre des lettres que nous recevons est due à ces menaces et à ces représailles. Nous avons visité des quartiers entiers dans lesquels les personnes détenues nous ont dit qu’elles ne nous écrivaient plus parce qu’elles avaient peur de le faire. Nous savons que des lettres nous parviennent de façon irrégulière, transmises non par le vaguemestre de l’établissement, mais via le parloir : les personnes ne veulent pas prendre le risque que leur message n’arrive pas. Nous savons aussi que des plaintes n’arrivent jamais au procureur ou au Défenseur des droits. Le mois dernier, d’ailleurs, j’ai appelé l’attention de ce dernier sur cette question.

À cet état de fait que je déplore profondément, la proposition de loi apporte deux réponses. Elle rappelle d’abord le protocole des Nations unies qui est à l’origine de la loi de 2007 en disposant qu’« aucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général », tout en précisant, pour préserver les intérêts des personnels, que « cette disposition ne fait pas obstacle » à d’éventuelles poursuites pour dénonciation calomnieuse. Elle indique ensuite que l’ouverture des lettres adressées au Contrôleur général est passible des peines prévues pour tout agent public qui méconnaît le secret des correspondances. Il s’agit, là aussi, d’introduire un délit pénal en la matière.

Sans résoudre entièrement le problème, ces deux dispositions donneront un signal important aux personnels qui seraient tentés de recourir à des expédients pour empêcher l’application de la loi.

Le quatrième et dernier élément de ce texte, que je n’ai pas personnellement souhaité, résulte d’un accord avec le ministère de l’intérieur.

On le sait, la directive « retour » du 16 décembre 2008 impose aux États membres d’instaurer « un système efficace de contrôle du retour forcé » des étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire, d’un arrêté de reconduite ou d’un arrêté d’expulsion. En vertu de la loi de 2007, le contrôle que nous exerçons sur cette procédure s’arrête à la porte de l’avion, alors que la directive prévoit qu’il doit pouvoir s’opérer pendant le voyage de retour, jusqu’à la remise de la personne aux autorités de son pays d’origine. En clair, il s’agit de prendre l’avion avec elle jusqu’à Conakry, Abidjan ou Bucarest.

Pour transposer cette disposition en droit français, le ministère de l’Intérieur m’a demandé que ce soit le Contrôleur général qui ait la charge de ce contrôle. Nous nous sommes donc mis d’accord sur une rédaction qui élargit en ce sens nos compétences.

Mme Laurence Dumont, rapporteure. « Celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience », écrivait René Char. C’est dire tous les égards que vous méritez ! Hier encore, en audition, une personne m’a dit : « Il nous a parfois dérangés, mais il est fait pour cela. » Vous avez réussi à troubler un monde où régnait une certaine opacité et à obtenir, comme on me l’a aussi dit dans une audition, un « effet de cliquet » dans l’histoire des prisons. Il y a vingt ans, les personnels étaient embauchés, selon les termes que certains d’entre eux ont employés, « pour donner des baffes ». Ils affirment qu’aujourd’hui, grâce à votre action, ce n’est plus possible.

Vous êtes parvenu à ce résultat avec des propos positifs et attentionnés à l’égard de toutes les professions concernées. Surtout, vous avez su faire le lien entre les conditions de détention et les conditions de travail des personnels.

Vous insistez sur le fait que l’on connaît encore trop peu les lieux de privation de liberté. Il me semble que les parlementaires devraient faire amende honorable, eux qui ont depuis dix ans la possibilité de visiter ces lieux – et même, plus récemment, les hôpitaux psychiatriques, sur lesquels il conviendrait de mettre l’accent.

Même si la situation reste par endroits alarmante, votre personnalité et votre action font l’unanimité. Vous avez su notamment éviter l’écueil de la défiance qui aurait pu suivre l’adoption du texte de 2007.

Cette proposition de loi consacre le maintien du Contrôleur général des lieux de privation de liberté comme instance indépendante du Défenseur de droits, alors que certains considéraient, lors du débat de 2011, que la question se poserait à la fin du premier mandat du Contrôleur. Elle consacre aussi les pratiques que vous avez mises en place dans le silence de la loi de 2007.

Le Sénat l’ayant adoptée à l’unanimité, je ne reviendrai que sur quelques points qui pourraient encore faire débat. La confiance dans l’institution et dans votre action personnelle est très forte, mais certaines questions demeurent quant à l’avenir.

Vous évoquez dans toutes vos interventions les représailles à l’encontre des personnes détenues. Les auditions que j’ai menées montrent que les personnels peuvent aussi être la cible de représailles de la part de leur hiérarchie. Je cite les propos que l’un d’entre eux a tenus : « Quand j’ai été confronté au Contrôleur des prisons, je n’ai pas tout dit, car j’ai aussi une hiérarchie. Toute vérité n’est pas forcément bonne à dire. On peut vous en tenir rigueur. » Il nous est également apparu que, malgré le peu de saisines qui vous parviennent en la matière, vous êtes un dernier recours essentiel pour les malades placés en hôpital psychiatrique.

Toujours est-il que, si la saisine peut faire avancer une situation, elle peut aussi avoir des conséquences pour la personne dont le nom ou le dossier est porté à votre connaissance. La protection instaurée par le texte est donc tout à fait bienvenue.

S’agissant des reconduites à la frontière et des mesures d’éloignement, la France est en manquement depuis 2010. Alors que l’on n’évoquait d’abord la question que pour les reconduites hors Union européenne, le Sénat a souhaité l’élargir aux ressortissants reconduits à l’intérieur de l’Union. Ces deux cas ne sont pas différents en termes de principes, mais en termes d’organisation matérielle. Les personnes qui relèvent du règlement « Dublin II » et des réadmissions à l’intérieur de l’Union donnent lieu à 11 000 procédures par an. Les procédures prévues par le règlement « Dublin II » étant centralisées, il n’y a pas de difficulté à ce que le Contrôleur général en soit prévenu ; mais, dans le cas de la réadmission, la procédure est totalement décentralisée et dépend de chaque préfecture, ce qui rend plus difficile l’information du Contrôleur général. De plus, la réadmission intervient parfois de façon très rapide : dans le cadre des conventions bilatérales, elle peut prendre entre quelques heures et un à deux jours.

Deux hypothèses se présentent : la première serait d’exclure les réadmissions et de ne conserver dans le dispositif que les procédures relevant du règlement « Dublin II », ce qui ne serait pas très satisfaisant sur le plan des principes ; la seconde serait de conserver les réadmissions, sachant que le contrôle serait quasi inapplicable en l’état actuel des choses. Bref, la question n’est pas tout à fait résolue. Peut-être pourrait-on décider qu’il appartient finalement au Contrôleur général d’activer la demande.

Ma deuxième interrogation porte sur le secret médical. Vous-même vous êtes dit à plusieurs reprises très attaché au maintien de cette relation de confiance essentielle dans les lieux de privation de liberté. La mesure proposée implique une réflexion approfondie de la part du corps médical. Pour l’instant, toutefois, personne n’a fait état d’une opposition de principe. Nous procéderons à l’audition de l’Ordre des médecins et du ministère de la Santé la semaine prochaine. Pour mémoire, le Défenseur des droits bénéficie déjà d’un dispositif d’accès aux informations couvertes par le secret médical, selon une procédure moins encadrée que celle qui est proposée dans le texte. En outre, partout ailleurs en Europe, le secret médical n’est pas opposable en cas d’allégation de mauvais traitements.

Le Sénat a prévu le dispositif suivant : si la personne concernée donne son accord, un contrôleur ayant la qualité de médecin – il y en a aujourd’hui trois dans votre équipe – accède aux informations ; dans le cas d’allégations de privations, sévices et violences sur un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger, le secret médical peut être levé sans le consentement de la personne.

M. Philippe Goujon. Après plus de cinq ans d’application d’un texte équilibré, le bilan que vous avez rappelé, monsieur le Contrôleur général, est très positif et il faut en rendre hommage à votre personnalité, à votre travail et à celui de vos collaborateurs. Cette institution a trouvé sa place et est aujourd’hui incontestée.

La loi de 2007 est néanmoins susceptible d’améliorations. La présente proposition de loi comporte des évolutions souhaitables. Je me rappelle que la levée du secret médical avait déjà fait l’objet de débats lors de l’examen de la loi initiale. Par ailleurs, les dispositions visant à sanctionner les pressions dont peuvent être victimes les interlocuteurs du Contrôleur général se révèlent aujourd’hui, avec le recul, indispensables, de même que la consolidation de l’autorisation pour vos collaborateurs de mener leurs enquêtes en votre nom et d’avoir un accès facilité aux documents et interlocuteurs nécessaires.

J’ai néanmoins quelques réserves sur d’autres dispositions, principalement celle qui vise à élargir votre compétence en matière d’exécution des mesures d’éloignement forcé d’étrangers en situation irrégulière. La disposition proposée me semble aller plus loin que la directive européenne invoquée pour la justifier, d’autant que le Contrôleur général peut déjà contrôler les zones d’attente et les centres de rétention administrative. En outre, les personnes concernées par les procédures d’éloignement peuvent déjà bénéficier de prescriptions médicales prohibant le voyage en avion pour des raisons de santé. Enfin, étant donné le moyen de transport généralement utilisé pour reconduire les personnes, celles-ci ne passent que quelques minutes dans l’espace aérien français avant de rejoindre l’espace aérien international, ce qui pose la question de la pertinence territoriale du contrôle. Ira-t-on jusqu’à contrôler les lignes aériennes régulières, où il arrive que l’on recoure à des mesures de contention lorsque la sécurité de l’équipage est menacée par un passager ? Je pense que le débat sera utile pour clarifier le sujet.

Mes réserves portent également sur la publication systématique des avis, recommandations et propositions formulés par le Contrôleur général – le texte existant ouvre déjà de nombreuses possibilités –, ainsi que sur l’accès aux procès-verbaux de garde à vue, qui ne concernent pas les auditions des personnes. Notre système de garde à vue découle largement de recommandations internationales, émanant notamment de la Cour européenne des droits de l’homme, mais nous savons bien à quelles difficultés se heurtent les services d’enquête pour mener à bien leur difficile travail. Ouvrir l’accès aux procès-verbaux de garde à vue aggravera le formalisme au détriment de l’enquête.

Par ailleurs, l’action que le Contrôleur général souhaiterait mener dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne me semble correspondre en rien à l’objet initial de la loi. Les résidents de ces établissements sont des patients. On ne peut leur étendre le dispositif.

S’agissant enfin de la protection du secret des correspondances avec le Contrôleur général, à laquelle je suis favorable, qu’en serait-il du cas où un détenu aurait eu accès à Internet grâce à un terminal introduit dans sa cellule en violation du règlement de l’établissement, sachant que l’accès à Internet en prison peut conduire à la consultation de sites djihadistes, ainsi que l’avaient fait apparaître nos débats sur la loi antiterroriste ?

Vous le voyez, la plupart des dispositions me semblent tout à fait opportunes, mais je m’interroge encore sur certains points qui transforment sensiblement les conditions d’exercice du Contrôleur général.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Les personnes et institutions que nous avons auditionnées sont unanimes quant à la qualité des relations de travail que vous avez su lier avec elles. Cette unanimité me conduit à vous interroger sur ce qui a permis, selon vous, de rendre le rôle du Contrôleur aussi essentiel aux yeux des établissements, des administrations et des agents que vous et votre équipe avez rencontrés.

J’aimerais recueillir votre opinion sur les moyens matériels et humains nécessaires au plein exercice de votre mission, mais aussi sur la question des hôpitaux psychiatriques. La représentante d’une association de parents a eu des propos très alarmants sur ce qui se passe dans ces établissements.

Enfin, s’il semble plus opportun de traiter les problèmes rencontrés dans les EHPAD dans le cadre de la future loi sur la dépendance, quels sont les éléments qui vous ont amené à envisager d’introduire une compétence du Contrôleur général dans ce domaine ?

M. Sébastien Huyghe. Dans le hall de la faculté de droit de Lille, on peut lire une pensée de Blaise Pascal dont l’établissement a fait sa devise : « Que la justice soit forte, que la force soit juste. » Cette double demande est aussi celle de nos concitoyens. Et votre rôle est précisément de faire en sorte que la force soit juste. Nous nous félicitons tous de la loi du 30 octobre 2007, qui a créé votre fonction. Je m’associe au concert des louanges de mes collègues sur votre action, qui est de nous alerter, mais aussi de nous bousculer régulièrement. Vous avez ainsi inspiré plusieurs évolutions législatives, notamment les dispositions qui figurent dans la loi pénitentiaire.

Dans un de vos rapports annuels, vous demandez une extension de votre compétence aux EHPAD. La proposition de loi sénatoriale ne donne pas suite à cette demande et les amendements allant en ce sens n’ont pas été retenus. J’ai été pour ma part surpris, car une telle extension est manifestement étrangère à l’esprit du dispositif. Si, assurément, on rencontre des problèmes de maltraitance dans les EHPAD, il ne me semble pas qu’ils relèvent de la compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. J’aimerais donc connaître les considérations qui vous ont amené à formuler cette demande.

M. Dominique Raimbourg. Je m’associe à mon tour au concert de louanges qui vous est adressé.

Lors des différentes visites que j’ai faites dans des établissements pénitentiaires, j’ai constaté que la question des téléphones portables continuait de se poser. Estimez-vous qu’une évolution est envisageable et que l’on pourrait, par exemple, en autoriser l’usage dans les centres de détention où les condamnés ne peuvent perturber une enquête en cours par leurs appels téléphoniques ?

Mme Nathalie Nieson. Quel est votre point de vue sur l’accès au droit des détenus qui, au cours de leur incarcération, deviennent victimes ?

Mme Axelle Lemaire. Considérez-vous que les moyens de communication avec l’extérieur par voie électronique sont actuellement satisfaisants dans les lieux de détention ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Vous souhaitez la création d’un délit d’entrave sans jamais avoir à l’utiliser. S’agissant du pouvoir d’injonction, vous avez affirmé à plusieurs reprises à notre Commission que vous n’étiez pas demandeur. La seule force de vos mots vous dispense sans doute de faire appel à un tel moyen, mais peut-être votre successeur se trouvera-t-il dans une situation différente. Pourquoi, dès lors, ne pas demander le pouvoir d’injonction, quitte à l’accompagner de la même précaution que le délit d’entrave ?

M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je remercie tous les intervenants de leurs appréciations positives sur notre travail, en leur rappelant que nous avons fait œuvre collective et que le mérite revient, pour l’essentiel, à mes collaborateurs. Je suis néanmoins attentif à nos lacunes : nous avons encore à progresser beaucoup !

Vous avez raison, madame Dumont : les personnels prennent eux aussi des risques en venant nous voir. C’est pourquoi, lors de nos visites, nous avons systématiquement des entretiens confidentiels avec des personnels qui n’ont pas demandé à être reçus. Même dans ce cas, il arrive que certains soient également victimes de questions un peu trop précises de leurs collègues ou de leurs supérieurs pour savoir ce qu’ils nous ont dit, de quoi ils se sont plaints, etc. Nous avons eu des retours en ce sens. Il va de soi que la protection que nous proposons à l’égard des personnes détenues couvre le cas des personnels.

Le personnel des lieux de privation de liberté ne se porte pas bien aujourd’hui – c’est un euphémisme – et il le manifeste souvent aux portes des établissements pénitentiaires. Il en va de même pour les fonctionnaires de police dans les commissariats. Je l’ai rappelé aux pouvoirs publics : il faut avoir conscience de ce profond malaise. La nature de ma fonction me conduit à en rechercher les causes, puisque les relations avec les personnes privées de liberté s’en ressentent.

Vous avez évoqué la différence entre reconduite à la frontière et réadmission. En effet, certains étrangers sont reconduits selon des modalités prévues par la loi, alors que d’autres le sont en vertu d’accords de réadmission bilatéraux ou multilatéraux. Le contrôle qui pourrait éventuellement s’exercer sur les réadmissions ne serait pas de même nature que celui que nous pourrons pratiquer sur les éloignements par moyens aériens. En effet, dans ce cas, les décisions sont déconcentrées et prises le plus souvent par téléphone. L’affaire est donc généralement réglée en quelques heures. Il est très rare d’avoir besoin de vingt-quatre heures pour reconduire en Italie, en Espagne ou en Belgique des personnes qui reconnaissent avoir quitté ces pays la veille. Rien ne fait obstacle à ce que la police aux frontières (PAF) nous prévienne des voyages aériens qu’elle organise. Néanmoins, elle ne pourra jamais nous prévenir des décisions de réadmission que le commissariat de Menton ou celui de Dunkerque prend pour réexpédier des personnes en Italie ou en Belgique. Mais nous ne serons pas pour autant démunis. Ainsi, nous avons facilement pu vérifier, à Sarreguemines, les conditions dans lesquelles se déroulait la réadmission en Allemagne des nombreuses personnes qui transitent par le local de rétention de la ville. Certes, nous ne pourrons pas prévoir les contrôles en avance, mais nous garderons la liberté de nous rendre à tout moment aux commissariats concernés afin de procéder à un contrôle sur place.

Le ministère de l’Intérieur craint que le contrôle ne se révèle impossible dans les faits, et que la saisie d’un juge des libertés et de la détention (JLD) ne conduise à l’annulation de la mesure. Pourtant, l’étranger réadmis se retrouvant immédiatement au-delà de nos frontières, il est rarissime qu’il puisse saisir le JLD. La réadmission consiste à mettre un étranger dans un véhicule qui le conduira dix kilomètres plus loin, dans un commissariat de police étranger ; les débordements sont donc très peu à craindre. Les mauvais traitements apparaissent quasiment impossibles dans ces procédures très rodées où l’on ne rencontre jamais d’opposition de la part des réadmis. En effet, il est très différent de remettre aux autorités allemandes un étranger qui vient d’arriver d’Allemagne et d’expulser à destination d’Abidjan ou de Bucarest une personne qui a vécu pendant cinq ans en France avec sa famille : ces deux procédures suscitent évidemment des réactions sans commune mesure. C’est à vous qu’appartient la décision finale, mais je ne crois pas que, en l’espèce, les craintes du ministère de l’Intérieur soient fondées.

Monsieur Goujon, vous avez exprimé des réserves dignes de considération. S’agissant de la compétence en matière d’éloignement, l’article 8, paragraphe 6, de la directive « retour » du 16 décembre 2008 indique que les États membres doivent instaurer « un système efficace de contrôle » de la reconduite des étrangers vers leur pays d’origine. D’une manière ou d’une autre, nous ne pourrons éviter de transposer dans le droit interne les dispositions de la directive. À l’instar de la Suisse, certains États – membres ou non de l’Union européenne – exercent d’ailleurs déjà ce type de contrôle sur les voyages aériens. Je n’établis pas de différence entre les lignes aériennes régulières ou les avions réquisitionnés à cette occasion, comme ceux de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex). Dès lors qu’un étranger se trouve dans l’avion, il doit pouvoir être contrôlé, et le contrôleur doit donc pouvoir voyager avec lui. Quant à la police de l’avion, elle reste évidemment entre les mains du pilote, seul maître à bord. Aucun obstacle de principe ne s’oppose par conséquent à ce contrôle dès lors qu’il est demandé par la directive européenne. Il s’agit pourtant d’un élargissement de nos compétences que seule la loi peut permettre.

Vous vous êtes également interrogé sur la publication systématique de nos avis. Je prends garde à ne pas trop montrer du doigt les établissements que nous avons visités, afin de ne pas transformer le contrôle général en une instance accusatoire. Mais nous sommes sauvés par le fait – en soi malheureux – que la remise d’un rapport au ministre et sa réponse prennent beaucoup de temps, la publication de notre avis sur notre site Internet n’intervenant qu’un an et demi à deux ans après la visite. Entre-temps, les établissements peuvent suivre ou non nos recommandations. Je ne crois donc pas que cette publication puisse les mettre en mauvaise posture.

Le code de procédure pénale distingue clairement le procès-verbal d’enquête et celui de déroulement de la garde à vue, décrit à l’article 64. Cependant les fonctionnaires de police – pour lesquels j’ai beaucoup d’estime – ne racontent pas toujours très précisément ce qui s’est passé pendant la garde à vue. Le registre prévu à cet effet est trop souvent incomplètement rempli et ne nous permet pas de savoir si la personne a été nourrie, si elle a eu accès à son avocat ou a pu prévenir ses proches, ou si, lorsqu’elle a demandé une couverture, on lui en a fourni une. Ce registre – auquel nous avons accès dans l’immense majorité des cas – reste pourtant aujourd’hui le seul moyen dont nous disposions pour vérifier la manière dont s’est déroulée la garde à vue. Pour ne pas gêner le déroulement d’enquêtes en cours, nous nous désintéressons des personnes gardées à vue au moment de notre visite, cherchant uniquement à déterminer comment les fonctionnaires de police traitent en général les gardes à vue qui se déroulent dans leurs locaux. Nous demandons donc d’habitude à contrôler un échantillon aléatoire de procès-verbaux de gardes à vue, portant sur une période antérieure à notre visite – par exemple cinq procès-verbaux sur les dix derniers mois. Étant donné nos précautions, la crainte de gêner l’enquête préliminaire – à laquelle nous sommes sensibles – ne me paraît donc pas fondée ; les fonctionnaires de police devraient pouvoir vous le confirmer.

En février 2013, j’ai en effet soulevé la question du contrôle des EHPAD, interrogeant le périmètre de compétence du contrôle général. Les milieux professionnels – partagés sur la question – m’ont alors fait deux griefs : d’une part, ils se sont étonnés de voir les EHPAD comparés à des prisons, alors qu’il s’agit de lieux de vie ; d’autre part, ils ont indiqué être déjà submergés de contrôles. Il est évidemment idiot de comparer les EHPAD à des prisons ; c’est bien parce qu’en l’état je suis incompétent pour y effectuer des contrôles que j’ai posé la question de l’élargissement de mes compétences. Seule la loi peut m’autoriser à m’y rendre, alors même que certains EHPAD sont aujourd’hui volontaires pour m’accueillir. Il n’en reste pas moins vrai que, quel que soit l’esprit de la loi qui m’a institué – qui visait clairement les lieux de privation de liberté –, nous devons être guidés par la volonté de résoudre les problèmes sociaux de notre pays. Il nous faut savoir comment les centaines de milliers de personnes – qui deviendront demain trois fois plus nombreuses qu’aujourd’hui – sont traitées au sein des EHPAD.

Nous sommes confrontés à trois questions : celle du consentement des personnes au moment de l’admission dans l’établissement et par la suite – y restent-elles toujours en y consentant ? celle de la légitimité des unités fermées dans les EHPAD, que l’on construit sans aucune procédure et où l’on installe des personnes âgées sans qu’elles aient leur mot à dire ; celle de la maltraitance. Aujourd’hui, la disproportion entre les effectifs du personnel et le nombre de personnes âgées en manque d’autonomie dont il doit se charger ne permet pas toujours un suivi attentif des pensionnaires. Dans certains établissements, les personnels font des miracles d’humanité ; dans d’autres, des personnes fatiguées, usées et débordées se résolvent à des mesures qui équivalent à de la maltraitance.

Certes, les EHPAD sont inspectés par les services départementaux et par les médecins inspecteurs des agences régionales de santé (ARS). Mais ces contrôles ne sont pas de même nature que ceux que nous pourrions envisager : là où les inspecteurs actuels vérifient si l’EHPAD remplit toujours les conditions qui lui ont permis d’obtenir l’agrément initial, nous contrôlerions – en vertu de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 – « l’état, l’organisation ou le fonctionnement » des établissements. En cas de problème, l’ARS procède à un contrôle a posteriori ; pour notre part, nous regardons les établissements vivre. À vous de voir ce qu’il convient de faire et à qui confier cette responsabilité. Je ne cherche évidemment aucunement un élargissement de mes compétences personnelles, mais une solution au problème. En tout état de cause, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les EHPAD sans contrôle ; je souhaite donc que le Parlement se saisisse au plus vite de cette question.

Enfin, vous vous inquiétiez, monsieur Goujon, des difficultés de communication et des moyens illégaux auxquels pourraient recourir les détenus pour entrer en contact avec nous. Si nous n’avons jamais été saisis illégalement par Internet, la question s’est posée pour les lettres que nous avons reçues via les parloirs. Pouvions-nous prêter la main à un procédé illégal ? À cette question difficile, nous avons répondu positivement, considérant qu’il s’agissait d’un indice de l’impossibilité, pour la personne, de nous saisir par d’autres moyens. Cependant, je ne souhaite aucunement encourager l’illégalité en détention et je pense que nous trancherions de manière différente si nous avions été contactés par Internet.

Madame Chapdelaine, nous bénéficions de 4,2 millions d’euros de budget annuel. Je m’en satisfais, même si nous avons dû restreindre nos déplacements, renonçant en 2013 aux contrôles outre-mer. J’espère que nous pourrons nous y rendre en 2014, car nous n’avons toujours pas inspecté certains établissements réunionnais. En revanche, nous faisons face à de gros problèmes de moyens humains en matière de courrier : les délais de réponse ne cessent de s’allonger, s’élevant aujourd’hui à six semaines en moyenne, alors qu’ils n’étaient au départ que de quinze jours. Répondre rapidement aux gens qui nous saisissent de problèmes vitaux permet d’éviter de créer des tensions supplémentaires et de surcharger le personnel. Comme nous n’en avons plus les moyens, j’ai demandé, dans le cadre de la loi triennale budgétaire, à bénéficier de la création de trois postes de chargés d’enquête – qui s’occupent du traitement du courrier et éventuellement des visites – dans les deux ou trois années à venir. Par ailleurs, si, à effectif de contrôleurs inchangé, notre compétence s’élargit au contrôle des voyages aériens, nous serons conduits à réduire le nombre de visites. Pour pouvoir effectuer une dizaine de voyages par an, nous avons besoin d’un contrôleur supplémentaire ; nous en avons fait la demande dans le cadre de la loi de finances pour 2015.

Monsieur Raimbourg, comme je le note dans le rapport annuel de 2011 – et comme je m’apprête à le répéter dans celui de 2013 –, j’ai souhaité qu’un groupe de réflexion de l’administration pénitentiaire se penche sur la question des téléphones portables en détention, que je souhaite voir évoluer. Nous épuisons les personnels à la recherche de téléphones portables – c’est un véritable puits sans fond. En effet, les téléphones entrent en détention soit par les parloirs, soit par les « missiles » – projectiles au-dessus de l’enceinte –, soit par corruption des fonctionnaires – sujet d’inquiétude que je ne souhaite pas aborder aujourd’hui. Ils poseraient, dit-on, des risques pour la sécurité. Mais, si un détenu veut continuer à gérer son trafic, il peut très bien le faire en recevant ses proches dans les parloirs. Les coursives sont également munies de téléphones fixes d’accès libre. Les prévenus – depuis la loi pénitentiaire de 2009 – et les condamnés peuvent téléphoner librement à qui ils veulent, dans les limites d’une liste autorisée. Ces communications sont naturellement écoutées, mais, d’une part, ces écoutes ne sauraient être exhaustives et, d’autre part, il est facile pour les détenus de parler de façon codée pour ne pas être compris. Les contrôles de téléphones fixes me paraissent donc sans portée réelle. Le jour venu, il faudra donc autoriser les téléphones portables en détention.

Il y a quelques semaines, une mutinerie grave éclatait au centre de détention d’Argentan : une coursive d’une trentaine de cellules s’est soulevée alors que, la veille, avait eu lieu une fouille générale au cours de laquelle on avait saisi une vingtaine de téléphones portables. Ce centre de détention se trouve à 10 kilomètres du centre-ville ; le taxi aller-retour coûte 20 euros. Dans ces conditions, bien des familles ne peuvent pas s’y rendre. Les personnes détenues à Argentan ne peuvent donc rompre leur isolement qu’au moyen du téléphone et je suis convaincu qu’il existe un lien direct entre la saisie des portables et la mutinerie du lendemain. Les personnels pénitentiaires interrogés estiment que, si les détenus avaient le droit de posséder un téléphone portable, cela ne changerait rien à la sécurité tout en contribuant à apaiser la situation, puisque les personnes pourraient converser librement avec leur famille.

À l’heure actuelle, les téléphones portables que l’on saisit ne font l’objet d’aucune enquête de police. Ainsi, les 900 portables saisis chaque année à la prison des Baumettes, à Marseille, finissent dans des sacs plastiques au bureau de la directrice ; au bout de quelques mois, si la police ne les réclame pas, ils sont tout simplement détruits ; on ne regarde jamais les cartes SIM pour identifier les personnes appelées. En matière de sécurité, il faut concilier les exigences et les moyens dont on dispose. Plutôt que de confisquer les portables sans disposer de moyens de les contrôler, il serait bien plus efficace de les autoriser tout en contrôlant systématiquement, à l’improviste, les appels passés. J’espère qu’un groupe de réflexion sur cette question sera constitué à bref délai, car l’apaisement que pourrait procurer cette mesure l’emporte de loin sur les risques nouveaux qu’elle pourrait entraîner.

J’ai déjà évoqué le problème de l’accès au droit des détenus en parlant de l’impossibilité de recourir à des moyens légaux de protestation sans risque de menaces ou de représailles. Cela dit, depuis vingt ans, l’accès au droit en détention a connu de grands progrès. Ainsi, grâce aux conseils départementaux d’accès au droit, chaque établissement est désormais doté d’un point d’accès au droit (PAD). Les avocats investissent les lieux de détention et interviennent auprès de quelque deux tiers des personnes déférées devant le prétoire – la commission de discipline de l’établissement. Depuis 2005, les délégués du Médiateur sont également présents. Ces avancées connaissent des limites : les PAD ne peuvent pas traiter des affaires pénales des détenus ; les avocats ne viennent que pour les affaires disciplinaires, et dans des conditions qui leur font mal connaître la détention. Si des progrès restent à faire, on ne saurait pourtant sous-estimer la principale avancée : le fait que l’on considère désormais normal qu’un détenu ait recours à un tiers pour l’aider.

Madame Lemaire, sans revenir sur le courrier et le téléphone – très surveillés –, je souhaite que les détenus puissent se servir d’Internet, même s’il est naturellement hors de question de leur permettre d’accéder à des sites qui leur donneraient les moyens de se livrer à des activités prohibées. En 2012, j’ai visité une prison de haute sécurité aux États-Unis, pays où l’on conçoit de tels lieux avec le plus grand sérieux : j’y ai vu une salle commune où se trouvait une table ronde munie de six claviers, les détenus étant libres de communiquer à volonté par messages avec leur famille. Je suis convaincu que les problèmes posés par la messagerie sont de même nature que ceux posés par le courrier. Rien n’interdit, techniquement, que le vaguemestre contrôle les échanges de messages électroniques. L’introduction de ce type de communication avec les familles constituerait un facteur d’apaisement considérable, sans aucun risque en matière de sécurité. Je souhaite donc vivement que les pouvoirs publics réagissent à bref délai à cette proposition.

Monsieur le président, à mes yeux, le délit d’entrave constitue plutôt un avantage. Comme la bombe nucléaire, il représente un instrument de dissuasion, et nous n’aurons sans doute pas besoin d’y recourir pour amener les personnes concernées – qui doivent rester raisonnables – à nous communiquer les documents auxquels la loi nous donne accès.

Pour conclure, j’aimerais que les forces de sécurité de ce pays aient un rapport simple et clair avec la loi.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le Contrôleur général, je vous remercie. La proposition de loi sera étudiée par la Commission le 26 février, et nous vous retrouverons à l’occasion de la séance de contrôle que le groupe SRC a prévue pour le 8 avril. Vous pourrez y répondre aux questions des parlementaires sur l’ensemble du travail effectué depuis 2007.

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Puis la Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Pierre Door, la proposition de loi organique de MM. Patrice Martin-Lalande, Maurice Leroy et Gilles Carrez et plusieurs de leurs collègues, créant des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie (ORDAM) (n° 13) (M. Jean-Pierre Door, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous passons à l’examen de la proposition de loi organique dont le groupe UMP a demandé l’inscription à l’ordre du jour le jeudi 20 février prochain. Je salue le rapporteur, M. Jean-Pierre Door, ainsi que M. Gérard Bapt, qui ont rejoint la commission des Lois pour cette occasion.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir dans votre Commission pour vous présenter la proposition de loi organique relative à la création d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie (ORDAM). Ce texte cherche à donner aux agences régionales de santé (ARS) des marges de manœuvre pour dépenser mieux en créant, au sein de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), une part régionale qui permette d’orienter une partie des dépenses d’assurance maladie, en fonction des spécificités et des besoins de santé constatés, vers le financement de projets innovants porteurs d’efficacité.

Comme vous le savez, l’ONDAM – dont le montant est de l’ordre de 180 milliards d’euros – est voté globalement lors de chaque loi de financement de la sécurité sociale et comprend six sous-objectifs, dont, depuis fin 2013, le Fonds d’intervention régionale (FIR).

L’article 1er de la présente proposition de loi organique vise à créer, au sein de l’ONDAM, une part régionale dont le montant serait fixé en loi de financement de la sécurité sociale de l’année, et rectifié le cas échéant pour l’année en cours par le Parlement. Dans le cadre de cette nouvelle enveloppe régionale, le Parlement serait également amené à déterminer le montant de vingt-six ORDAM, construits sur le modèle de l’ONDAM. En outre, le montant de chaque sous-objectif de l’ONDAM et des ORDAM ne serait plus fixé qu’à titre indicatif afin de favoriser la fongibilité des crédits entre sous-enveloppes.

L’article 2 modifie en conséquence le contenu du rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l’année, afin que celui-ci décrive notamment la part de l’ONDAM consacrée aux ORDAM pour les quatre années à venir, et celui de l’annexe spécifique du PLFSS consacrée à l’ONDAM, afin que celle-ci présente l’évolution, au regard des besoins de santé publique dans chaque région, des soins financés au titre des ORDAM ainsi que les modifications de périmètre éventuelles des ORDAM.

Enfin, l’article 3 modifie les conditions de vote de la loi de financement de la sécurité sociale afin de permettre au Parlement de se prononcer, par un vote distinct de l’ONDAM, sur le montant de la part régionale de l’ONDAM consacrée aux ORDAM ainsi que sur le montant des vingt-six ORDAM.

Je souscris aux objectifs de ce texte et constate que, depuis son dépôt à la présidence de l’Assemblée nationale, le 27 juin 2012, le législateur n’a cessé de promouvoir la démarche de régionalisation qui le sous-tend. Ainsi, l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a créé le FIR, qui fusionne des crédits et dotations existants au sein de l’ONDAM afin de mettre les ARS en situation de responsabilité en les dotant d’instruments financiers souples et faciles d’emploi.

La création du FIR visait ainsi à promouvoir une plus grande transversalité des moyens de financement des agences, en favorisant le décloisonnement entre l’offre ambulatoire et hospitalière, l’offre sanitaire et médico-sociale, ainsi qu’entre les soins et la prévention. D’un montant de 1,5 milliard d’euros en 2012, le FIR est passé à 3,3 milliards d’euros en loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 en raison d’un élargissement de son périmètre initial à certaines missions d’intérêt général, ainsi qu’à des enveloppes destinées à améliorer les parcours de soins. Enfin, l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a érigé le FIR en nouveau sous-objectif de l’ONDAM. Par conséquent, le droit en vigueur consacre déjà l’existence d’une part régionale au sein de l’ONDAM, libre d’emploi par les ARS.

Les auditions que j’ai menées auprès de directeurs d’ARS, de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), de la direction de la sécurité sociale (DSS), du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie et de professeurs d’économie spécialistes de la santé, ainsi que son entretien avec la Cour des comptes, ont démontré que, à l’instar des ORDAM dans la présente proposition de loi, la création du FIR répondait aux objectifs de transversalité et de mise en responsabilité des ARS, mais qu’elle s’avérait en pratique insuffisante. En effet, le FIR n’est jusqu’à présent constitué que d’une compilation de sous-enveloppes de dépenses préexistantes, de sorte que les directeurs des ARS ont toujours l’impression que l’essentiel des crédits sont fléchés en amont. Ainsi, selon M. Claude Évin, directeur de l’ARS d’Île-de-France, plus de 90 % de l’enveloppe consacrée en 2013 au FIR pour son agence correspondrait à des dépenses contraintes. Par conséquent, les marges de manœuvre pour financer des projets innovants dans cette région au titre du FIR seraient limitées à 5 à 10 % des crédits, soit 58 millions sur un total de 580 millions d’euros.

Pour tirer les conséquences des évolutions législatives antérieures, il serait pertinent de mettre à jour la présente proposition de loi organique en consacrant, sur le plan tant organique que politique, la création du FIR en lieu et place des ORDAM. Je vous proposerai par conséquent plusieurs amendements en ce sens, qui ont le mérite de confier aux parlementaires que nous sommes le soin de fixer le montant global de la part de l’ONDAM qui revient au FIR avant de déterminer la répartition des dépenses affectées aux autres sous-objectifs de l’ONDAM. Ces amendements constituent l’aboutissement de la démarche de déconcentration de la politique de santé publique au niveau régional, sous le contrôle du Parlement, sans toutefois remettre en cause la capacité de l’État à arbitrer la répartition du FIR en fonction des besoins de santé et des spécificités de chaque région.

M. Gérard Bapt. Je dois l’honneur de siéger dans votre Commission à l’initiative de M. Jean-Pierre Door et de ses collègues du groupe UMP, qui ont jugé opportun d’inscrire à l’ordre du jour une proposition de loi organique dont l’objet – la création des ORDAM – avait pourtant été combattu au moment de la discussion de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) par la majorité de l’époque. Plusieurs membres de cette ancienne majorité avaient cependant déposé – sans succès – une proposition de loi allant en ce sens. En juillet 2012, nos collègues ont repris ce texte ; plusieurs décalages en rendent pourtant la discussion difficile.

L’exposé des motifs met en exergue de réels problèmes de gestion que rencontrent aujourd’hui les directeurs d’ARS, notamment en matière d’expérimentations ; deux exemples relatifs à la région Centre y sont notamment cités. Le premier concerne la pérennité du financement d’un regroupement fonctionnel de médecins généralistes qui bénéficiait, à titre d’expérimentation, d’une subvention de l’ARS. L’expérimentation venant à son terme au bout de trois ans, cette expérience est aujourd’hui en danger. En effet, l’assurance maladie ne peut pas, à l’heure actuelle, assurer automatiquement la poursuite du financement, même si l’expérimentation est jugée valide. La direction de l’ARS se trouve donc en difficulté, devant mobiliser ses crédits FIR sous une forme contrainte, ce qui la dépossède de ses capacités d’innovation, d’expérimentation et d’adaptation au terrain.

Le deuxième exemple concerne un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) où l’embauche d’un médecin salarié a permis de réaliser des économies, notamment en évitant des hospitalisations toujours coûteuses. Les problèmes évoqués sont réels, mais la proposition de loi n’aiderait en rien à les résoudre. Ce type de difficultés devrait être levé par l’engagement d’une négociation conventionnelle entre l’assurance maladie et les représentants des professions de santé, dans le cadre d’un accord interprofessionnel sur les problèmes de délégation et de rémunération. La ministre de la Santé a d’ailleurs récemment réclamé que ces négociations s’engagent au plus vite, faute de quoi la démarche législative pourrait être engagée pour prendre le relais.

S’agissant de la proposition elle-même, introduire dans une loi organique la possibilité de séparer une part nationale et une part régionale dans l’enveloppe globale du FIR et attribuer par vote parlementaire des enveloppes à chacune des régions a été jugé inapproprié par l’ensemble de nos interlocuteurs. D’une part, on manque d’outils d’évaluation ; d’autre part, cette organisation ne réglerait ni le problème de la prise en charge des personnes qui se font traiter en dehors de leur région ni celui des dépassements de l’enveloppe qui viendraient créer un déficit régional. Les auteurs du texte ont tiré les conséquences de ces avertissements, leurs amendements remettant totalement en question le mécanisme initialement envisagé. Le groupe SRC – tout comme le Gouvernement – ne peut que suivre le constat opéré par nos collègues.

M. Patrice Martin-Lalande. La proposition de loi organique, que nous avions déposée en juin 2012, doit bien entendu être actualisée. Permettez-moi de rappeler son objectif. Pour poursuivre des innovations qui permettent aujourd’hui à la sécurité sociale de réaliser des économies, il faudrait qu’une partie de celles-ci puissent être affectées à la pérennité desdites innovations. Le paradoxe est que, alors même que nous cherchons à faire des économies pour continuer à assurer le meilleur service possible en matière de santé, cela n’est possible que de manière temporaire, et difficilement. Dans le système de financement actuel de la sécurité sociale, on ne peut en effet mobiliser les crédits nécessaires au-delà des deux ou trois ans que dure l’expérimentation. On se tourne donc vers les collectivités territoriales pour prendre le relais, ce qui est difficilement admissible, puisque ces actions permettent d’alléger les coûts qui pèsent sur le budget de la sécurité sociale. Les innovations validées permettant de réaliser des économies confirmées et mesurées doivent pouvoir faire l’objet d’un financement pérenne. Il s’agit de décloisonner les circuits de financement de la sécurité sociale, d’où l’idée initiale d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie. Les évolutions positives intervenues depuis trois ans nous conduisent bien sûr à actualiser notre proposition de loi organique – c’est l’objet des amendements du rapporteur. Mais l’idée maîtresse reste la même : nous avons besoin de « repositionner les tuyaux de financement » de la sécurité sociale pour que les innovations puissent être financées dans la durée, et les économies réalisées pérennisées.

L’EHPAD auquel Gérard Bapt a fait allusion compte soixante-quinze pensionnaires. Depuis trois ans, grâce à la présence d’un médecin validée par l’ARS, 1 000 journées d’hospitalisation à 700 euros la journée ont pu être économisées chaque année, auxquelles s’ajoutent les économies de transports et de médicaments. Nous arrivons à 850 000 euros d’économies par an – sans parler du bénéfice sur le plan humain et sur celui de la santé. S’interdire de pérenniser une telle expérience en affectant – comme nous le proposons – une partie des économies ainsi réalisées à son financement serait allée contre la recherche du meilleur service rendu au meilleur coût en matière de santé. C’est pourquoi je vous invite à voter cette proposition de loi organique actualisée.

Mme Marietta Karamanli. Nous saluons votre volonté d’améliorer la fongibilité des crédits de la sécurité sociale. Néanmoins, nous sollicitons des éléments de réponse sur certains points. Tout d’abord, l’exposé des motifs fait référence à des « critères objectifs » pour la définition des objectifs régionaux, sans préciser quels seraient ces critères. Au-delà de la démographie, pensez-vous par exemple à des indicateurs comme l’accès aux soins ou la lutte contre les inégalités sanitaires ?

Si vous évoquez la fongibilité, vous ne faites par ailleurs aucune référence à la question de la coordination – encore limitée aujourd’hui – entre le sanitaire et le médico-social, qui est au cœur même de la mission de l’ARS et de la mise en œuvre du dispositif de la loi HPST. Dans ma région, les réseaux gérontologiques restent très modestes ; les calendriers sont déconnectés. Ce constat se retrouve dans le rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2012. Ne serait-il pas nécessaire de disposer d’une évaluation pour conforter la stratégie avant de toucher aux outils ?

M. le rapporteur. Je remercie nos collègues pour leurs interventions. Nous avions en effet déjà évoqué la régionalisation lors de la discussion de la loi « HPST », monsieur Bapt. Notre proposition avait alors été rejetée, y compris, vous l’avez rappelé, par l’ancienne majorité. Je rappelle néanmoins que la recommandation n° 23 du rapport au Parlement du comité d’évaluation de la loi « HPST », conduit par M. Jean-Pierre Fourcade, rédigé il y a bientôt trois ans, estimait que, à court terme, les ARS devraient bénéficier d’une importante fongibilité de leurs moyens d’intervention, et que, à moyen terme, le financement de la santé devrait évoluer vers la définition d’objectifs régionaux de dépenses de l’assurance maladie.

Le rapport annexe d’évaluation préalable des articles du PLFSS de 2014 expliquait pour sa part que, afin de fluidifier les parcours de soins et d’éviter les ruptures de prise en charge, il était « nécessaire d’introduire davantage de souplesse dans l’utilisation des crédits provenant des différents sous-objectifs de l’ONDAM. » La mesure proposée à l’article 35 visait donc à donner une plus grande souplesse de gestion aux régions, en permettant des transferts de crédits entre la dotation annuelle de financement (DAF) des établissements non tarifés à l’activité et le FIR, ce qui se fait. La majorité souhaite donc aller vers un décloisonnement des financements à l’échelle des régions.

Certes, la proposition de loi organique ne répond pas à toutes les questions qui se posent. Les amendements que je défendrai dans un instant devraient me permettre de répondre aux interrogations qui subsistent.

Nous retrouvons dans le FIR les mêmes sous-objectifs que dans les ORDAM, madame Karamanli. Ceux-ci pourront être renégociés. Nous souhaitons donner plus de marges de manœuvre aux ARS pour s’engager dans les différentes propositions que vous faites – décloisonnement entre le social et le médico-social, entre la ville et l’hôpital, accès aux soins… Les marges de manœuvre sont aujourd’hui trop étroites pour des ARS, qui connaissent trop de contraintes. Avec cette proposition de loi organique, nous souhaitons sanctuariser politiquement et juridiquement le FIR, afin qu’il puisse être voté chaque année par le Parlement. En effet, il est désormais un outil fondamental pour l’action des ARS.

Il ne s’agit donc plus de créer vingt-six ORDAM, comme le prévoyait le texte initial, mais simplement de donner une plus grande latitude d’action aux ARS.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi organique.

Article 1er (Art. L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale) : Modification du contenu des lois de financement de la sécurité sociale

La Commission examine l’amendement CL2 du rapporteur.

M. le rapporteur. La présente proposition de loi organique, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 27 juin 2012, mérite d’être mise à jour compte tenu des dispositions législatives qui sont venues modifier la composition de l’ONDAM.

En effet, elle propose notamment de distinguer au sein de l’ONDAM une part nationale et une part régionale, qui serait constituée de plusieurs ORDAM. Or l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 s’est inscrit dans cette démarche en créant le FIR, qui fusionne des crédits et dotations qui existaient au sein de l’ONDAM pour offrir aux ARS des instruments financiers souples et faciles d’emploi. La souplesse ainsi introduite ne s’avérant pas suffisante, cet amendement vise à consacrer sur le plan juridique et politique la création du FIR, qui correspond à la part régionale de l’ONDAM que souhaitait introduire l’article 1er du texte.

M. Gérard Bapt. Mieux vaut aborder le débat globalement, car tous les amendements qui vont nous être présentés participent de la même logique. Si l’on prend en considération l’ensemble de ces amendements, l’approche est toute autre que celle du texte d’origine. Il s’agit de translater ce que nous venons de faire dans le cadre du PLFSS, à savoir créer un sous-objectif supplémentaire de l’ONDAM : celui du FIR. Le Parlement votera désormais chaque année sur l’enveloppe consacrée au FIR. Le rapporteur nous propose de passer du niveau de la loi à celui de la loi organique. Mais, dans la mesure où les amendements abandonnent l’idée de discuter des enveloppes régionales, cette inscription n’apportera rien de plus à la discussion parlementaire. Elle vise simplement à sanctuariser le fait que le FIR est désormais un des grands objectifs. Nous estimons nous aussi qu’il doit prendre davantage d’importance dans l’adaptation de nos politiques de régulation de l’offre de soins et de santé publique au niveau régional, au plus près du terrain.

Néanmoins, le Gouvernement devrait nous soumettre d’ici à quelques mois un projet de loi portant à la fois sur l’organisation des soins et la santé publique, qui pourrait peut-être s’intituler projet de loi de stratégie nationale de la santé. Il semble donc un peu démesuré d’entamer un processus législatif de nature organique, et cela à un moment où le calendrier législatif est particulièrement chargé. Nous ne voterons donc pas cet amendement. Les deux derniers PLFSS concourent du reste à l’objectif que vous poursuivez.

Cette argumentation vaut pour tous les amendements, et donc pour l’ensemble du texte. Certes, celui-ci aurait pu être présenté par tous les groupes de notre Assemblée, mais, dans l’attente de la discussion de ce qui sera une révision de la loi de 2004, le groupe SRC ne votera aucun de ces amendements.

M. Guy Geoffroy. Les explications de notre collègue Bapt ne sont guère convaincantes. Nous savons pertinemment que les dispositions de nature organique ne pourront trouver leur place dans le projet de loi qui nous est annoncé, et cela pour des raisons qui tiennent à la procédure parlementaire telle qu’elle découle de notre Constitution. En entendant cet argumentaire, on avait le sentiment que la seule raison qui justifie l’opposition du groupe SRC à cette proposition de loi organique, c’est le fait qu’elle soit défendue par l’opposition. L’argument du calendrier législatif n’est pas très pertinent : le texte est simple, bref et clair. De surcroît, il va être adapté à la réalité nouvelle par les amendements qui seront défendus par le rapporteur, et il s’attache à ne pas remettre en cause les évolutions récentes, notamment l’article 65 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’amendement de conséquence CL3 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2  (Art. L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale) : Modification du contenu des annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année

La Commission examine l’amendement CL4 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement – qui n’a, je crois, plus d’objet – proposait que le rapport annexé au PLFSS décrive non seulement l’ONDAM pour les quatre années à venir, mais aussi sa part consacrée au FIR.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette successivement les amendements de conséquence CL5 à CL7 du rapporteur.

Elle rejette ensuite l’article 2.

Article 3  (art. L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale) : Modification des conditions de vote de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année

La Commission est saisie de l’amendement CL8 du rapporteur.

M. le rapporteur. La décomposition de l’ONDAM en sous-objectifs doit rester impérative. Je rappelle que ces sous-objectifs sont les soins de ville, les établissements de santé, les établissements médico-sociaux, la contribution de l’assurance maladie à la gérontologie, la contribution de l’assurance maladie pour les personnes handicapées et le FIR. Nous souhaitons sanctuariser ce dernier au sein de l’ONDAM.

M. Gérard Bapt. J’observe que le FIR est déjà sanctuarisé, au niveau de l’ONDAM, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Avec cette proposition de loi organique, vous proposez une sanctuarisation à un degré supérieur.

Nous avons pris en compte la nécessité de la fongibilité des crédits et de l’élargissement des marges de manœuvre des ARS : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit une augmentation à plus de 4 milliards d’euros de l’enveloppe du FIR ; il octroie d’autre part aux directions des ARS un droit de tirage, à hauteur de 1 %, sur les crédits de l’assurance maladie à destination des établissements à dotation globale, afin d’accroître ces marges de manœuvre. Bref, l’intention y est. Nous ne lui enlevons rien en ne votant pas cette proposition de loi organique, sauf peut-être son caractère emblématique.

Permettez-moi de rappeler à M. Geoffroy que la loi organique créant les sous-objectifs de l’ONDAM a été votée en 2005, donc après la loi de réforme de l’assurance maladie de 2004. Il n’est donc pas exclu que des dispositions de nature organique soient annexées au projet de loi qui nous sera soumis dans quelques mois. Peut-être seront-elles plus nombreuses, d’ailleurs, car on peut aller plus loin dans la réforme du pilotage global de la santé dans notre pays.

M. Patrice Martin-Lalande. Je me réjouis de cet échange. Nous partageons les mêmes objectifs, mais nous avons une divergence d’appréciation sur le rythme et les outils à employer pour avancer.

En ce qui concerne la sanctuarisation, je dirais que ce qu’une loi de financement de la sécurité sociale peut faire, une autre peut le défaire. Le niveau de garantie de l’existence d’un fonds permettant d’assurer les marges de manœuvre dont nous avons besoin n’est donc pas le même.

Le FIR est un bon outil. Il a été développé par l’agrégation de fonds préexistants, si bien que ses marges de manœuvre n’ont pas été accrues par l’augmentation de ses crédits. Nous souhaitons aller au-delà pour permettre cette fongibilité des crédits, et donc la pérennité des économies réalisées grâce à certaines actions innovantes.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL9 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement confie au Parlement la responsabilité de fixer d’abord – par un vote distinct – la part régionale de l’ONDAM, c’est-à-dire le FIR, dont les crédits sont librement employés par les ARS, avant le montant des autres sous-enveloppes de l’ONDAM. Permettez-moi de vous donner un exemple. L’ARS de Bretagne nous expliquait il y a peu que, pour financer la reconstruction de l’hôpital de Crozon et offrir un service de télémédecine en radiologie à la population, elle avait dû mobiliser – avec difficulté – à la fois les fonds sanitaires et des fonds médico-sociaux à l’intérieur de son budget. Si le FIR est une avancée, il convient donc d’encourager davantage la fongibilité des enveloppes à l’intérieur de ce FIR, en le vouant à son vrai rôle – celui d’un outil de fonctionnement à la disposition des directeurs d’ARS, de telle sorte qu’ils puissent répondre immédiatement aux besoins qui se manifestent.

M. Gérard Bapt. C’est la seule nouveauté du texte, mais nous y reviendrons sans doute dans le cadre du projet de loi dont j’ai parlé.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’amendement de conséquence CL11 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 3.

Titre :

La Commission rejette l’amendement de conséquence CL1 du rapporteur.

Tous les articles ayant été rejetés, il n’y a pas lieu pour la Commission de se prononcer sur l’ensemble de la proposition de loi organique qui est ainsi rejetée.

*

* *

Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Christophe Cavard, rapporteur pour avis sur les articles 1er, 2, 5 A (nouveau), 5 B (nouveau), 5, 6, 9 A (nouveau), 9, 10, 11 A (nouveau), 11, 12,13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 24, 25, 26, 27, 41, 42, 43, 44, 51, du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’économie sociale et solidaire (n° 1536).

La séance est levée à 12 heures 15.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, M. Gérard Bapt,
Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Erwann Binet, M. Jean-Pierre Blazy, M. Marcel Bonnot, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. Jean-Pierre Door, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Yann Galut, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Axelle Lemaire, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Nathalie Nieson, M. Jacques Pélissard, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. François Vannson, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Marc-Philippe Daubresse, M. Matthias Fekl, M. Édouard Fritch, M. Daniel Gibbes, M. Armand Jung, M. Bernard Lesterlin, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Cécile Untermaier

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Patrice Martin-Lalande, M. Paul Molac