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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 19 février 2014

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 43

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Examen de la proposition de loi relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive (n° 1700) (M. Alain Tourret, rapporteur)

– Échange de vues sur les travaux de la Commission

– Examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (n° 1729) (Mme Colette Capdevielle, rapporteure)

– Information relative à la Commission

La séance est ouverte à 10 heures 05.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission examine la proposition de loi relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive (n° 1700) (M. Alain Tourret, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. La proposition de loi sur la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive est issue du long travail conduit, en harmonie complète, par Alain Tourret, aujourd’hui notre rapporteur, et par Georges Fenech. Nous espérons tous qu’elle permettra de faire évoluer la législation dans un sens conforme à notre conception de l’État de droit.

M. Alain Tourret, rapporteur. Il ne peut y avoir d’État de droit sans autorité de la chose jugée. Mais c’est toute l’humanité qui souffre, c’est le corps social lui-même qui est atteint lorsqu’un innocent est en prison. Depuis toujours, avec Marc-Aurèle, Goethe, Voltaire, Zola, les consciences de l’humanité nous rappellent qu’il faut choisir entre une injustice et un désordre. Des combats acharnés ont été menés pour réhabiliter Calas, avec Voltaire, et Dreyfus, avec Zola. Le législateur s’est ému de ces situations et, depuis la Révolution et même depuis Louis XIV, ce sont six lois qui ont été votées, les dernières le 23 juin 1989 et le 15 juin 2000. Mais le législateur se heurte là au mythe de l’infaillibilité de la justice. Et pourtant c’est la justice elle-même qui se grandit en reconnaissant ses erreurs – car l’erreur est humaine et la perfection ne sera jamais de ce monde, quels que soient les progrès de la science et de la criminologie.

Nous sommes d’autant plus interpellés que le nombre de révisions est infime : huit depuis 1989, neuf depuis hier, avec la décision rendue par la cour de révision dans l’affaire Iacono et ce, en dépit d’un avis défavorable du parquet général, d’ailleurs conforme à la jurisprudence de la cour de révision, pour lequel une rétractation n’est pas un fait nouveau susceptible de créer un doute.

Georges Fenech – que je tiens à remercier ici publiquement et fortement pour le travail accompli – et moi-même vous avons donc proposé un rapport d’information sur la révision des condamnations pénales. Ce rapport a fait l’objet d’un vaste consensus. Je remercie également le président et les services de la commission des Lois de l’Assemblée, la Chancellerie et la direction des affaires criminelles et des grâces.

M. le Premier président et M. le procureur général près la Cour de cassation nous ont consacré tout leur temps ; qu’ils en soient eux aussi remerciés, de même que les plus hautes autorités judiciaires et l’ensemble du barreau, à commencer par son représentant le plus illustre, Me Robert Badinter.

C’est avec la plus grande humilité que je présente devant vous cette proposition de loi qui touche à notre système judiciaire, mais concerne surtout des innocents emprisonnés qui ont souffert dans leur chair alors qu’ils étaient innocents et ont été emprisonnés et, à ce titre, concourra au progrès de notre civilisation et de notre système juridique.

Comme l’écrivait le doyen Carbonnier, « ce qui donne au jugement sa pleine valeur […], ce n’est pas d’être conforme à la vérité absolue (où est la vérité ?), c’est d’être revêtu par l’État d’une force particulière qui interdit de le remettre en question, parce qu’il faut une fin aux litiges, […] ce qui garantit stabilité, sécurité et paix entre les hommes ». Cependant, aussi forte qu’elle soit, la présomption de vérité qui s’attache aux décisions de justice doit s’effacer lorsqu’elle conduit à l’erreur judiciaire – erreur de fait ou de droit –, que celle-ci soit ou non imputable à un juge. Qui peut accepter de laisser en prison des innocents au seul motif que l’autorité de la chose jugée interdit de les disculper ou d’alléger leur peine ? Qui peut avoir foi et respect en une justice qui n’accepterait pas de reconnaître ses erreurs et ses défaillances ?

En France, deux voies distinctes et exceptionnelles permettent de revenir sur une décision erronée ou entachée d’un vice fondamental de procédure : la révision d’une condamnation pénale définitive en matière criminelle et délictuelle, lorsqu’une erreur de fait caractérisée est de nature à remettre en cause la culpabilité du condamné ; le réexamen d’une décision pénale définitive, lorsqu’une erreur de droit, tenant à la violation d’une disposition protégée par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, nécessite de rejuger la personne, indépendamment de toute considération sur sa culpabilité.

Le législateur a progressivement étendu les conditions dans lesquelles ces recours peuvent être formés. Auparavant cantonnés à des motifs objectifs et déterminés, ils se sont élargis pour mieux tenir compte du caractère relatif et contingent de la vérité judiciaire, du droit au procès équitable garanti par la Convention européenne des droits de l’homme et de la nécessité d’ouvrir ces recours à un plus large éventail de requérants.

Le recours en révision est la sédimentation d’évolutions juridiques opérées en 1800, 1808, 1813, 1867 et 1895, parachevées par la loi du 23 juin 1989 relative à la révision des condamnations pénales. Au fil des années, la révision s’est judiciarisée et s’ouvre désormais dans quatre hypothèses : l’inexistence de l’homicide, la découverte d’une condamnation inconciliable, la condamnation d’un témoin pour faux témoignage ou la révélation d’un fait nouveau ou d’un élément inconnu au jour du procès susceptibles de faire naître un doute sur la culpabilité du condamné.

Grâce à Jack Lang s’est récemment ajouté, depuis la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, le recours en réexamen, qui permet à une commission spécialisée d’ordonner le réexamen d’une condamnation prononcée en violation de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la violation constatée entraîne pour le condamné des conséquences dommageables.

Malgré l’ouverture croissante des recours en révision et en réexamen, c’est paradoxalement un nombre stable de décisions pénales qui sont remises en cause. Sur les 3 171 requêtes en révision déposées depuis 1989, seules 51 ont abouti à l’annulation d’une condamnation pénale définitive, dont, depuis hier, 9 seulement en matière criminelle. Si l’on ajoute les deux décisions obtenues après 1945, cela fait une affaire tous les dix ans ! En revanche, sur les 55 demandes de réexamen présentées depuis 2000, 31 ont abouti.

Chacun a à l’esprit le doute jeté sur la culpabilité du condamné dans certaines affaires, à commencer par l’affaire Seznec, dont l’adoption de notre proposition de loi aurait sans doute modifié l’épilogue, ce qui, en soi, justifie le travail que nous avons conduit, Georges Fenech et moi-même. Aujourd’hui, il est par trop difficile pour un requérant de bénéficier du doute nécessaire à la révision de son procès dès lors que la jurisprudence exige un doute sérieux, raisonnable, ébranlant les fondations intellectuelles sur lesquelles repose sa condamnation. Autrement dit, les juges réclament qu’on leur désigne un coupable, mais est-ce à l’innocent condamné de le faire ?

La procédure d’examen des requêtes en révision elle-même donne au justiciable l’impression que plusieurs organes se prononcent sur sa demande, sans se partager clairement les rôles et en se contredisant parfois. La commission de révision des condamnations pénales, chargée en principe d’instruire et d’écarter les demandes en révision irrecevables, exerce dans les faits un filtrage sévère des requêtes en statuant sur la nature du fait nouveau ou de l’élément inconnu au jour du procès et sur son importance au regard de la culpabilité du condamné. La chambre criminelle statuant comme cour de révision, sans que soit déterminé au préalable ceux des magistrats qui y siègent, est en principe seule compétente pour statuer sur le fond. Elle statue sur les demandes dont elle est saisie par la commission de révision, au risque de contredire parfois l’appréciation formulée par cette dernière sur leur bien-fondé – on l’a vu récemment dans l’affaire Leprince.

À la rigueur de la jurisprudence et à la confusion qui caractérise la procédure en révision s’ajoutent les obstacles matériels qui empêchent les juges, dans l’incapacité d’exploiter des scellés perdus ou prématurément détruits et de connaître la motivation circonstanciée de l’arrêt de cour d’assises, d’apprécier le caractère nouveau ou inconnu au jour du procès de l’élément invoqué.

Tous les avis rendus par la Cour de cassation depuis une dizaine d’années nous invitent à modifier la loi. Il s’agit, en premier lieu, de consolider les conditions d’exercice du recours en révision. D’un point de vue matériel, l’allongement, à la demande du condamné, de la durée de conservation des scellés criminels, au-delà des six mois actuellement prévus, et la systématisation de l’enregistrement sonore des débats devant les cours d’assises permettront aux juges saisis d’une demande en révision de mieux l’instruire en déterminant plus facilement la réalité du fait nouveau ou de l’élément inconnu au jour du procès invoqué par un requérant.

Du point de vue procédural, les prérogatives du condamné seront renforcées afin de lui permettre de demander la réalisation d’actes préalablement au dépôt d’une demande en révision ou au cours de l’instruction de celle-ci. La liste des personnes fondées à former un recours sera également élargie aux concubins, aux personnes pacsées et aux petits-enfants du condamné, ainsi qu’au procureur général.

En deuxième lieu, il est indispensable de clarifier et de simplifier les procédures en révision et en réexamen, tout en maintenant leurs spécificités. Avec l’accord du Premier président de la Cour de cassation, la commission de révision des condamnations pénales, la cour de révision et la commission de réexamen dont la coexistence ne se justifie pas seront fusionnées en une cour de révision et de réexamen unique, chargée d’examiner indifféremment les demandes en révision et en réexamen. Sa composition sera clairement établie par la loi afin de rendre ses décisions incontestables et impartiales ; ses pouvoirs d’investigation seront renforcés pour les aligner sur ceux du juge d’instruction.

En son sein seront créées deux formations distinctes, l’une consacrée à l’instruction, l’autre affectée au jugement des demandes. La commission d’instruction sera chargée de mettre en état les affaires et de se prononcer sur la recevabilité objective de la requête. Il est proposé de maintenir un filtrage des requêtes afin d’éviter tout engorgement de la formation de jugement, mais ce filtrage sera expressément cantonné à l’examen objectif de la réalité du fait nouveau ou de l’élément inconnu. La formation de jugement saisie des demandes recevables statuera au fond et sera seule compétente pour apprécier l’importance du doute généré par le fait nouveau ou par l’élément inconnu sur la culpabilité du condamné.

En dernier lieu, ce texte améliore la rédaction des cas d’ouverture du recours en révision afin que le doute bénéficie au condamné. L’économie générale du recours en révision est maintenue, conformément aux conclusions de la mission d’information que vous avez adoptées. Ainsi, les contraventions seront exclues de ce dispositif qui concerne les condamnations les plus graves et infamantes et n’a pas vocation à s’ouvrir à un tel contentieux de masse.

La révision des décisions d’acquittement n’est pas envisagée – c’est un point qui m’oppose à Georges Fenech –, tant elle est étrangère à l’histoire et à la nature du recours en révision, instauré en faveur du condamné, et constitue une dérogation trop importante au principe non bis in idem conventionnellement et constitutionnellement encadré.

L’article 3 de la proposition de loi rétablit la mention de l’innocence du condamné parmi les motifs susceptibles de permettre la révision d’un procès pénal. Ce motif, qui avait été incidemment supprimé en 1989, est nécessaire lorsque aucune incrimination ne subsiste à la charge du condamné.

Enfin, et c’est un point essentiel, le législateur vient expressément préciser que le « moindre doute » sur la culpabilité du condamné devra entraîner la révision de la condamnation pénale, en lieu et place du doute sérieux jusqu’alors exigé par la jurisprudence qui n’a jamais admis le simple doute. Il s’agit là d’un signal clair envoyé par le législateur aux magistrats afin de relativiser, sans l’anéantir, la présomption de culpabilité qui pèse sur le condamné en matière de révision.

Au cours de la discussion, j’aurai l’occasion de vous présenter des amendements destinés à améliorer la rédaction du texte en apportant d’utiles précisions sur la composition de la nouvelle cour de révision et de réexamen et en renforçant les garanties accordées aux parties au cours de l’instruction et de l’examen de la requête.

Je vous proposerai en particulier de permettre aux victimes d’intervenir dès le stade de l’instruction et de l’examen de la recevabilité des requêtes, et non pas seulement, comme aujourd’hui, au stade du jugement de la demande.

Je vous soumettrai également un amendement tendant à instaurer un système de représentation ou d’assistance obligatoire devant la cour de révision et de réexamen – car il est vrai que les professionnels de la justice et les avocats sont trop absents – afin d’améliorer la qualité des requêtes présentées et de renforcer l’égalité des justiciables devant la justice.

J’évoquerai enfin la nécessité de rendre plus contradictoire la procédure de suspension de l’exécution de la condamnation, en permettant aux deux parties de contester la décision de la commission d’instruction devant la formation de jugement.

Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi, qui vise à prescrire avec plus de justesse et de justice les formes dans lesquelles une erreur judiciaire doit être réparée, condition d’un État de droit respecté et irréprochable.

M. Georges Fenech. Face au principe essentiel de l’autorité de la chose jugée, la procédure de révision des condamnations pénales constitue une nécessaire soupape de sûreté, « facteur d’ennoblissement pour la justice », selon l’expression d’un auteur. Cependant, force est de constater que, depuis la dernière réforme du 23 juin 1989, seules huit condamnations criminelles – neuf, depuis hier, avec l’affaire Iacono – ont été révisées, alors même que le nouvel article 622 du code de procédure pénale n’exige plus qu’un doute sur la culpabilité du condamné, au lieu, comme auparavant, de la certitude de son innocence, pour qu’une requête en révision soit admise.

Il convenait donc de s’interroger sur ce faible nombre eu égard au formidable progrès scientifique des modes de preuves. C’est de ce constat insatisfaisant qu’était issue la proposition de loi que j’avais déposée le 13 mars 2007, laquelle n’avait malheureusement pas reçu de traduction législative. C’est pourquoi je me réjouis aujourd’hui que notre collègue Alain Tourret reprenne le flambeau, et je lui sais gré de m’avoir associé à la conduite de la mission d’information, dont les conclusions ont recueilli l’approbation unanime de notre commission. J’exprime également toute ma reconnaissance au président Jean-Jacques Urvoas de nous avoir accordé toute sa confiance dans cette démarche, menée dans un esprit de consensus suffisamment rare pour être ici souligné.

Toutefois, je divergerai de la position d’Alain Tourret sur la question de la révision in defavorem. Je suis en effet intimement convaincu que, lorsque la preuve indubitable de la culpabilité est rapportée et non plus un simple doute comme en cas de condamnation, une décision d’acquittement doit pouvoir être remise en cause pour les infractions les plus graves.

Notre dispositif actuel est vicié par quatre défauts majeurs : la complexité de l’organisation juridictionnelle, l’appréhension jurisprudentielle trop exigeante de la notion de doute, l’insuffisante conservation dans le temps des scellés et l’absence d’enregistrement sonore des débats en cour d’assises. Ces quatre défauts, la proposition de loi d’Alain Tourret les corrige et je les aborde dans ma contribution écrite présentée dans le rapport en ma qualité de co-rapporteur sur la mise en application de ce texte.

Quant à ma divergence avec Alain Tourret, elle n’épouse guère les clivages traditionnels. Robert Badinter comme Michèle Alliot-Marie, anciens gardes des Sceaux, sont tous les deux hostiles à la révision in defavorem, tandis qu’au sein même de notre Commission les avis sont partagés. Il convient donc que chacun d’entre nous se prononce sur le sujet selon ses propres convictions. Je dois dire, par honnêteté intellectuelle, que je me suis rallié dans un premier temps à l’avis dominant selon lequel on ne peut revenir sur une décision d’acquittement. Or une récente affaire a démontré que, vingt-sept ans après la commission des faits, une expertise ADN pouvait remettre en question une telle décision, manifestement entachée d’erreur. J’ajoute que, si la majorité des personnalités auditionnées a rejeté le principe de la révision in defavorem, conformément à notre tradition et pour préserver la paix sociale, plusieurs hauts magistrats ainsi que le syndicat FO-magistrats et l’Institut pour la justice se sont prononcés en sens contraire. Une pétition lancée par cet institut en faveur de la révision d’un acquittement ou d’une relaxe a d’ailleurs recueilli plus de 80 000 signatures en quelques jours.

Lors de son audition devant la mission, Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation, déclarait : « Le procureur général près la Cour de cassation pourrait se voir reconnaître la compétence de saisir cette commission [... en cas de] preuve indubitable de la culpabilité de la personne ainsi acquittée ou relaxée. » De même, l’ancien procureur général près la Cour d’appel de Lyon, Jean-Olivier Viout, s’est interrogé « sur le bien-fondé du maintien de l’actuelle prohibition de revenir sur une décision de relaxe ou d’acquittement qu’un fait ultérieur entache manifestement d’erreur ».

Je rappellerai également la position de notre éminent collègue Dominique Raimbourg, qui s’est, lui aussi, interrogé en ces termes devant notre mission : « Je suis sensible à l’ensemble de vos arguments à l’exception d’un seul : votre refus de permettre la révision en cas d’acquittement. Cette position ne pourra pas résister longtemps face à d’éventuels nouveaux éléments venant asseoir la culpabilité d’une personne acquittée. » Il concluait : « Cela me rappelle le débat que nous avions eu au moment de l’introduction de l’appel des décisions de cour d’assises. Certains avaient souhaité que cet appel ne soit possible qu’en cas de décision de culpabilité et non pas en cas d’acquittement. Finalement, l’appel a été ouvert tant à l’accusé qu’au procureur, mais pas à la partie civile. »

Il convient enfin de noter que la garde des Sceaux elle-même, Mme Christiane Taubira, interrogée sur une antenne radiophonique le 4 février 2014, déclarait avoir « demandé à la Chancellerie de travailler sur les textes internationaux et sur les textes européens » parce que, ajoutait-elle, « je pense que nous devons avec rigueur, regarder ce qui peut être fait ».

Pour votre complète information, je rappellerai enfin que la loi bat déjà en brèche l’impossibilité de réviser une décision d’acquittement ou de relaxe. En effet, quand bien même il n’existe pas, à ma connaissance, de précédent, l’article 6 du code de procédure pénale permet de rouvrir le procès si la décision d’acquittement ou de relaxe a été obtenue par la production d’un faux. Il est de même possible de revenir sur un non-lieu devenu définitif en cas de survenance de charges nouvelles.

Observant ce qui se pratique en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas ou en Allemagne, j’ai l’intime conviction que, compte tenu des progrès scientifiques des modes de preuve, une législation moderne ne peut plus ignorer une preuve qui remettrait en cause un acquittement ou une relaxe. Il en va du maintien de l’ordre public, de l’intérêt des victimes, de leurs familles et de la société en général.

Vous l’aurez compris, c’est dans un esprit de justice, de vérité et d’équité que je soumettrai à votre vote un certain nombre d’amendements ouvrant droit, de manière très restrictive, à la révision in defavorem – ce qui ne remet absolument pas en cause l’esprit très consensuel qui a animé notre mission d’information.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je voudrais d’abord féliciter Alain Tourret pour le caractère très remarquable de la proposition de loi qu’il nous présente à la suite des travaux aussi remarquables de la mission d’information conduite avec Georges Fenech. Je voudrais souligner trois points. Res judicata pro veritate habetur : la chose jugée est tenue pour vérité, dit l’adage, mais l’autorité de la chose jugée est en réalité un postulat – voire une fiction – destiné à mettre un terme aux litiges et à l’enchaînement des procès et l’impératif d’équité et d’humanité en faveur de celui qui a été condamné à tort doit l’emporter sur un principe dont les magistrats, loin pourtant d’être infaillibles, se prévalent parfois de manière excessive, dans le but de garantir la paix sociale.

La loi de 1989 a substitué, grâce à un amendement du sénateur Michel Dreyfus-Schmidt, la notion de doute à celle de doute sérieux longtemps utilisée par la Cour de cassation. De cette modification les magistrats tiennent pourtant assez peu compte et continuent d’utiliser la notion de doute sérieux, alors qu’ils ont le devoir d’appliquer la loi, non telle qu’ils l’interprètent mais telle qu’elle est rédigée.

Enfin, si la motivation des arrêts de cour d’assise constitue un indéniable progrès, le caractère souvent sommaire et insuffisant de cette motivation ne permet pas toujours à ceux qui doivent ensuite statuer sur la révision de se prononcer en toute connaissance de cause. Cela justifie les mesures très positives proposées par Alain Tourret en matière de conservation des scellés et d’enregistrement de l’audience.

M. Dominique Raimbourg. Après avoir félicité Alain Tourret et Georges Fenech pour leur travail, je souhaiterais aborder trois points. Tout d’abord, la proposition de loi qui nous est présentée a le mérite de ne pas créer un troisième degré d’appel.

Par ailleurs, les cours d’assises ont déjà l’obligation aujourd’hui de motiver leurs arrêts, et mieux vaut ne pas accroître leur charge de travail en alourdissant nos exigences en la matière. Elles rendent 2 500 arrêts par an, ce qui n’épuise pas le nombre de dossiers en attente et entraîne une correctionnalisation des crimes.

Enfin, je me suis longuement interrogé sur la possibilité de revenir sur un arrêt d’acquittement, comme le propose Georges Fenech dans son amendement CL6. Le groupe SRC votera aujourd’hui contre cet amendement, car nous avons besoin de davantage de réflexion avant la discussion en séance publique. Je maintiens néanmoins qu’il est difficile de laisser des faits impunis dès l’instant où des éléments nouveaux apportent de façon certaine la preuve qu’un individu précédemment acquitté est coupable. Cela étant, se pose la question de la prescription qui n’est pas traitée – sauf erreur de ma part – dans l’amendement. Il faut empêcher en effet la partie civile de poursuivre ses investigations pendant des années, ce qui est désastreux pour tout le monde. Si nous devions l’introduire, la révision in defavorem devrait donc tenir compte de la prescription du crime, à compter de l’arrêt d’acquittement.

M. Paul Molac. Les écologistes sont favorables à ce texte, dans la mesure où le faible nombre de révisions appelle le législateur à modifier la loi, mais ils s’interrogent eux aussi sur la possibilité de revenir sur les acquittements. En effet, le but de la justice est, outre de protéger les personnes et les biens, de réinsérer. Dans le cas récent de cette affaire où des preuves ont surgi après vingt-sept ans, il semble bien, en l’absence de nouveaux faits délictueux, que l’acquitté se soit réinséré. Savoir s’il faut néanmoins le punir relève de la morale ; or la justice et la morale sont deux choses différentes. La mission d’information sur la révision a tranché, décidant qu’il ne fallait pas revenir sur les acquittements. Il me paraît précipité de revenir sur cette conclusion sans en avoir mesuré toutes les conséquences.

M. Éric Ciotti. Cette proposition de loi est un texte important dont j’approuve les dispositions essentielles et j’en félicite les auteurs. J’appuie cependant les propos de Georges Fenech en ce qui concerne la révision in defavorem. L’actualité récente vient de nous démontrer, avec l’affaire Haderer, que la révision devrait également être possible lorsque des éléments nouveaux font peser des charges nouvelles sur un suspect acquitté à l’issue de son procès en assises. C’est à cette condition, me semble-t-il, que nous pourrions aboutir à un texte équilibré et cohérent.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je félicite les auteurs de cette proposition qui a le courage d’aborder un sujet sérieux. Comme l’a dit Dominique Raimbourg, nous devons nous garder de créer un troisième degré d’appel en ouvrant à l’excès les possibilités de révision. D’autre part, il existe, en dépit d’une apparence intellectuelle de symétrie, une différence fondamentale entre l’acquittement et la condamnation, ne serait-ce que parce que, dans notre système pénal, le doute profite à l’accusé et que, à la différence d’autres pays, on ne condamne pas sur le seul fondement de preuves objectives.

Un autre élément m’incite – tout en restant ouverte aux arguments contraires – à être défavorable à la révision in defavorem : c’est qu’elle risque d’alimenter des vindictes populaires relayées par les médias et visant plus particulièrement certaines catégories d’individus.

M. Yann Galut. Je suis en profond désaccord avec M. Molac et avec Mme Bechtel. C’est un sujet extrêmement sérieux et je m’associe aux félicitations qui ont été adressées aux deux parlementaires qui ont travaillé dessus. Mais ce sera l’honneur de notre Parlement de faciliter les révisions dans tous les cas où surgissent de nouveaux éléments objectifs. Comment peut-on en effet diverger sur les voies à suivre selon qu’il s’agit de réviser une condamnation ou un acquittement ? Notre système judiciaire, qui autorise la révision lorsqu’elle bénéficie à un condamné, doit également la rendre possible, sous conditions et de manière très encadrée, lorsque les victimes d’un crime ont eu à subir un verdict d’acquittement. Le doute doit certes profiter à l’accusé, mais nous œuvrons également depuis des années pour la reconnaissance des droits des victimes. La justice doit pouvoir prendre en compte des preuves nouvelles, indubitables, sans pour autant céder à la meute ou à la curée médiatique, car il existe bien un parallélisme des formes entre le combat des accusés condamnés à tort et celui des victimes qui souhaitent réparation.

Je comprends toutefois que l’on veuille approfondir la réflexion en amont, notamment grâce à une étude d’impact. Comme l’a dit Dominique Raimbourg, nous pouvons trouver des solutions d’ici à la séance publique, ou tout au moins en discuter. Mais, en tout état de cause, ce problème ne saurait être balayé d’un revers de main.

Pour des raisons philosophiques, je soutiens donc la démarche de notre collègue Georges Fenech, bien que la question de la prescription et l’absence d’étude d’impact justifient que nous nous interrogions.

M. Philippe Houillon. Il y a relaxe ou acquittement lorsqu’on ne dispose pas d’éléments matériels permettant d’entrer en voie de condamnation ou lorsque le doute a profité, comme il est de règle, à la personne poursuivie. Si, par la suite, des éléments matériels apparaissent ou si le doute n’est plus permis parce que la preuve a été apportée, cela pose un problème qu’on ne peut balayer d’un revers de main. En revanche, la révision ne devrait pouvoir alors être demandée qu’avant que n’intervienne la prescription de l’action pénale. C’est le seul moyen d’éviter l’impunité sans bouleverser l’équilibre des prescriptions.

M. Marc Dolez. Je tiens à souligner la qualité du rapport présenté par Alain Tourret et Georges Fenech à la suite de la mission d’information. Le texte qui nous est soumis représente un progrès majeur de notre système de droit, car la confiance qu’inspire la justice dépend de la capacité de celle-ci à rectifier et à réparer ses éventuelles erreurs. Nous sommes favorables à ce texte dans son état actuel, car il nous paraît équilibré.

Comme Mme Bechtel et M. Molac, je suis en revanche opposé à la possibilité d’une révision des décisions d’acquittement, qui me semble contraire à notre tradition juridique. Nous reverrions donc notre position sur l’ensemble de la proposition de loi si, d’ici à la séance publique, un amendement en ce sens venait en rompre l’équilibre.

M. Guy Geoffroy. C’est parce que le rapporteur a fait un excellent travail qu’il importe de mener celui-ci à son terme en adoptant l’amendement CL6. Notre tradition juridique ne doit pas nous faire oublier que les novations technologiques peuvent faire progresser le droit en nous permettant de rouvrir la procédure judiciaire au profit du condamné, mais aussi de la victime. Il ne s’agit pas seulement de respecter le parallélisme des formes pour se procurer un plaisir intellectuel, mais de tenir compte des victimes.

M. le rapporteur. Chacun comprendra que je ne répondrai que sur le problème des acquittements. Permettez-moi de citer les propos tenus par MM. Fenech et Geoffroy en décembre 2013. « L’acquittement [déclarait alors le premier] est un vrai sujet. Je ne crois pas souhaitable de revenir sur les décisions d’acquittement ». Et Guy Geoffroy de réagir ainsi : « Je souhaiterais faire une remarque sur la question du caractère définitif des jugements d’acquittement. Je rejoins ce qu’ont dit nos deux rapporteurs – et je les remercie pour la clarté et la force de leurs convictions [au sujet du refus de remettre en cause les décisions d’acquittement]. J’ai toujours considéré que la décision d’acquittement était le corollaire – et même le corollaire puissant – du principe fondamental de la présomption d’innocence. Remettre en cause, après une décision d’acquittement devenue définitive, l’idée que la personne ait été acquittée est, d’une certaine manière, une remise en cause de l’existence même du principe de présomption d’innocence. »

Vous auriez changé d’avis en quelques semaines, mes chers collègues, sous la seule influence d’un fait divers ? En matière de justice, prenons garde aux faits divers. Plusieurs d’entre vous ont semblé dire que ce monsieur était forcément coupable, ce qui est très incertain : rien ne démontre pour l’instant qu’il l’est, ses avocats ayant fourni différentes explications.

Plus généralement, je tiens à rappeler quelques principes essentiels.

D’abord, il n’existe pas de symétrie entre la culpabilité et l’innocence, entre un innocent en prison et un coupable en liberté. Ceux qui essaient de montrer le contraire se trompent !

Ensuite, c’est une erreur fondamentale d’établir un parallèle entre les décisions d’acquittement et les ordonnances du juge d’instruction, qui, dépourvues de l’autorité de la chose jugée réservée aux seules décisions de juridiction, peuvent être remises en cause par une réouverture de la procédure pour charges nouvelles.

« Il m’est insupportable, disait en substance Georges Fenech, de savoir qu’un coupable peut être en liberté ». Mais c’est le système français de la prescription qui le permet ! C’est lui que vous devez abandonner si vous voulez vous montrer cohérents. En effet, pourquoi se limiter aux quelques années ou aux quelques mois restants en l’occurrence avant l’extinction de la prescription ? Nous ne serions d’ailleurs pas le premier pays à renoncer à ce système.

Mais c’est aussi le principe d’opportunité des poursuites que vous abandonnez en soutenant que tous les coupables ou présumés coupables doivent être poursuivis, conformément au principe anglo-saxon de légalité des poursuites ; et cela, je n’en veux pas !

C’est enfin notre système inquisitoire permettant d’instruire à charge et à décharge que vous remettez en cause.

Bref, par le biais de cet amendement, ce sont les fondements mêmes de notre droit que l’on propose de modifier. Pourquoi pas ? Encore faut-il en avoir conscience. Tel est l’avis de Mme la garde des Sceaux, qui me soutient totalement sur ce point.

Allons plus loin : même lorsque le condamné est décédé, il est possible de saisir à nouveau la cour de révision pour décharger la mémoire du mort – c’est le cas Seznec. Si l’on découvre de nouvelles charges contre une personne acquittée puis décédée, condamnerez-vous son cadavre ? C’est le système russe, celui qui a permis de condamner, après sa mort en détention, un avocat qui s’était élevé contre M. Poutine. Voilà jusqu’où l’on irait !

Je le répète, il ne saurait y avoir de symétrie. En tentant d’en établir une, c’est tout notre système que vous remettez en cause. Tel est l’avis de Robert Badinter, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme présidée par Christine Lazerges, laquelle a rendu un rapport très complet sur le sujet, de Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, de la très grande majorité des syndicats de magistrats et de la plupart des personnes que nous avons entendues.

M. Dominique Raimbourg. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance pour réunir le groupe SRC.

La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures dix.

M. Dominique Raimbourg. La manière dont les débats se sont engagés en témoigne : le problème de la révision des décisions d’acquittement ou de relaxe se pose avec acuité en nous divisant indépendamment de nos appartenances politiques. L’hypothèse d’une recherche de la vérité qui ne se heurterait à aucune limite temporelle demande réflexion. En outre, nous voyons arriver un amendement que nous n’avons guère le temps d’étudier – ce n’est pas un reproche – et dont les conséquences sociales ne font l’objet d’aucune étude d’impact, alors même que c’est le texte de la commission qui sera examiné en séance publique.

Pour ces deux raisons, nous devons prendre, ensemble, le temps de la réflexion et ne pas trop modifier le texte, qui est satisfaisant en l’état, d’ici à son examen en séance. Toutefois, la question de la position que nous adopterons ce jour-là reste ouverte. Si nous nous apprêtons à voter contre l’amendement, c’est simplement pour ne pas obérer le débat en séance.

M. Georges Fenech. Je remercie M. Raimbourg et le groupe SRC de laisser le débat ouvert, et j’espère que la réflexion proposée débouchera sur une position commune avant l’examen du texte en séance publique, car un train législatif de cette importance ne repassera pas de sitôt ; la dernière loi sur le sujet remonte, rappelons-le, à 1989.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (art. 41-4 du code de procédure pénale) : Conservation des scellés criminels à la demande du condamné

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL10 et CL11, l’amendement de précision CL12 et les amendements rédactionnels CL59 et CL58, tous du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 308 du code de procédure pénale) : Systématisation de l’enregistrement sonore des débats des cours d’assises

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL13 du rapporteur.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement de cohérence CL3 de M. Georges Fenech.

Elle adopte l’article 2 modifié

Article 3 (art. 622 à 626-12 du code de procédure pénale) : Création d’une cour unique de révision et de réexamen aux attributions redéfinies et aux procédures de jugement clarifiées

La Commission est saisie de l’amendement CL14 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit, conformément à la demande des hauts magistrats, de veiller à ce que la personne susceptible de suppléer le président de la chambre criminelle à la présidence de la cour de révision et de réexamen soit le conseiller de la chambre criminelle dont le rang est le plus élevé.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL15 et l’amendement de précision CL16 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL17, également du rapporteur.

M. le rapporteur. En l’état actuel du texte, les règles de déport interdisent de statuer sur la demande aux magistrats qui ont connu à un titre ou à un autre, dans une autre juridiction, de l’affaire examinée par la cour de révision et de réexamen – y compris à ceux qui auraient participé à une décision sur le pourvoi en cassation. Cette disposition conduirait de facto au déport quasi systématique du président de la chambre criminelle et d’autres magistrats, puisqu’un pourvoi en cassation a été formé sur la plupart des affaires faisant l’objet d’une demande en révision ou en réexamen.

Il est donc proposé de supprimer cette règle qui, de surcroît, ne se justifie pas dans la mesure où les décisions prises sur le pourvoi en cassation ne touchent pas, en principe, au fond et à l’appréciation des faits et ne sont donc pas de nature à influencer la décision sur la demande en révision.

En outre, en matière de réexamen, le déport des magistrats n’est pas utile s’agissant d’un recours directement lié à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) par laquelle ils sont largement tenus ; rien ne les empêchera de se déporter momentanément en tant que de besoin.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL18 du rapporteur.

Elle aborde ensuite l’amendement CL19 du rapporteur.

M. le rapporteur. Afin de renforcer les pouvoirs de la partie civile, il est nécessaire d’étendre sa présence à la phase d’instruction et de recevabilité des requêtes en révision ou en réexamen, en alignant les modalités de son intervention durant l’audience de la commission d’instruction sur celles prévues devant la formation de jugement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL20, l’amendement de précision CL21, l’amendement de clarification CL22 et l’amendement rédactionnel CL23 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL1 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Nous proposons qu’en cas d’annulation de la condamnation, outre la suppression de la fiche du casier judiciaire, le dossier de la personne innocentée soit également retiré des différents fichiers de police – empreintes digitales, palmaires, génétiques –, conformément à l’arrêt M.K. c. France rendu en avril 2013 par la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle a considéré que la conservation des empreintes d’une personne non condamnée dans le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) constituait une violation de son droit au respect de sa vie privée. Naturellement, il sera fait exception à ce principe si d’autres poursuites ou condamnations le justifient.

M. le rapporteur. Vous proposez que les empreintes digitales d’une personne soient effacées du FAED, et les échantillons cellulaires ainsi que les profils ADN du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), lorsque sa condamnation est annulée par la cour de révision et de réexamen. La Cour européenne des droits de l’homme a souligné à plusieurs reprises, notamment dans l’arrêt M.K. c. France, le risque de stigmatisation lié au non-effacement des données personnelles à la suite de décisions d’acquittement ou de classement sans suite, y voyant « une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée » et à la présomption d’innocence. Quant au Conseil constitutionnel, il a estimé à propos du FNAEG, dans sa décision du 16 septembre 2010, qu’« il appartient au pouvoir réglementaire de proportionner la durée de conservation de ces données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées ».

Je ne suis pas défavorable à votre amendement quant au fond, mais sa rédaction conduirait à effacer les données dès l’annulation de la condamnation par la cour de révision et de réexamen, avant le renvoi de l’affaire devant une nouvelle juridiction. Or c’est seulement après que la nouvelle juridiction aura relaxé ou acquitté définitivement la personne concernée qu’il faudra envisager cet effacement.

En outre, lors de la séance des questions au Gouvernement du 8 janvier dernier, Mme la garde des Sceaux a indiqué que, sur ce sujet, une réflexion était en cours, en lien avec le ministère de l’intérieur. Il n’est pas satisfaisant de réserver l’effacement des données aux cas de révision et de réexamen : il convient d’aborder de manière globale la conservation des données personnelles dans les fichiers de police. Puisque le Gouvernement devrait formuler très prochainement des propositions en ce sens, je vous demande, avec l’accord de la Chancellerie, de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission aborde ensuite l’amendement CL24 rectifié du rapporteur.

M. le rapporteur. En l’état actuel du texte, la commission d’instruction et la formation de jugement de la cour de révision et de réexamen peuvent, à tout moment, ordonner la suspension de l’exécution de la condamnation – comme dans l’affaire Leprince.

La décision de la formation d’instruction tendant à accorder ou à refuser la suspension de l’exécution de la condamnation devrait pouvoir être contestée par le parquet, mais aussi par le requérant lui-même, dans un souci de respect du contradictoire et s’agissant d’une décision prise par un organe chargé de l’instruction des requêtes et ne disposant pas d’un large pouvoir d’appréciation.

Tel est le sens de mon amendement, étant précisé que lorsque le ministère public conteste la décision de la commission d’instruction dans un délai extrêmement bref – vingt-quatre heures – ce recours sera suspensif.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels ou de précision CL25 à CL34 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL35 du rapporteur.

M. le rapporteur. En l’état actuel du texte, le requérant et la partie civile ont la simple faculté d’être représentés ou assistés par un avocat inscrit à un barreau lors d’une audience en révision ou en réexamen.

Afin de garantir une réelle assistance juridique aux requérants et d’améliorer la qualité des recours en révision et en réexamen, le présent amendement institue un système de représentation ou d’assistance obligatoire, comme devant certaines juridictions ayant à juger des affaires délicates, complexes ou pour lesquelles la peine encourue présente un certain niveau de gravité – cour d’assises, prévenu mineur, etc. La commission d’office d’un avocat n’interviendra, pour des raisons de bonne administration de la justice, qu’une fois passé le stade de l’irrecevabilité manifeste.

La partie civile conservera la simple faculté d’être représentée ou assistée par un avocat, commis d’office si elle en formule la demande.

Cette proposition n’a pas d’incidence financière dans la mesure où l’aide juridictionnelle est d’ores et déjà applicable en matière de révision et de réexamen.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL36 du rapporteur.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements de cohérence CL4 et CL5 de M. Georges Fenech.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL37 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CL2 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. La loi permet la révision d’une condamnation si un fait nouveau ou inconnu des jurés est révélé après le verdict, mais non dans le cas où des éléments connus n’auraient pas été débattus ni présentés aux jurés au moment du procès.

Dans différentes affaires, un élément contenu dans le dossier, mais non débattu, a pu jeter un doute sérieux sur le verdict prononcé. Nous proposons donc de permettre la révision si un élément non débattu lors du procès semble ensuite pouvoir justifier un doute sur la culpabilité du condamné.

M. le rapporteur. Votre amendement tend à étendre la possibilité de révision d’une condamnation pénale définitive à ce que l’on appelle le « mal-jugé ». Aujourd’hui, lorsqu’un élément du dossier est connu mais n’a pas été débattu devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises, la commission d’instruction continue de se fonder sur le dossier d’instruction, considérant que l’élément invoqué est connu dès lors qu’il y figure, qu’il ait été ou non débattu.

La mesure que vous proposez n’est pas souhaitable, pour quatre raisons. Premièrement, le recours en révision ne saurait pallier toutes les défaillances des acteurs du procès, en particulier des avocats de la défense, qui doivent soulever tous les éléments utiles à la manifestation de la vérité au cours du procès, sous l’œil vigilant des magistrats professionnels. Deuxièmement, la mesure entraînerait une hausse considérable du contentieux, préjudiciable aux magistrats de la Cour de cassation, tant il serait aisé d’extraire de pièces parfois extrêmement nombreuses le moindre élément non débattu, mais sans conséquence sur la culpabilité. Troisièmement, en matière délictuelle, il est matériellement impossible de connaître l’ensemble des éléments débattus devant un tribunal correctionnel, où l’enregistrement sonore ou audiovisuel des débats n’a pas été prévu. Quatrièmement, il convient de conserver au recours en révision son caractère tout à fait exceptionnel. La voie de l’appel permet déjà de soulever des éléments présents dans le dossier et qui n’auraient pas été débattus au cours du premier procès. La révision n’est pas une troisième voie de recours !

Je vous suggère donc de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient ensuite à l’amendement CL6 de M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Sans m’attarder sur cet amendement dont il a déjà été abondamment question, je tiens à rassurer Mme Bechtel : si nous ouvrons la voie à la révision d’un acquittement, il n’y a pas lieu de craindre qu’une meute se précipite pour demander des révisions, car la procédure de filtrage par la commission d’instruction reste inchangée. Et si c’est aux médias que vous songiez, madame, ils sont libres de s’exprimer.

Monsieur Houillon, la disposition proposée s’appliquerait évidemment sous réserve des règles de la prescription. La possibilité de réviser une décision d’acquittement s’appuierait sur le respect de la vérité judiciaire ; la prescription, elle, se fonde sur la faculté d’oubli. Toutes deux n’ont donc pas le même fondement. Mais sans doute ce point mériterait-il d’être précisé dans l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement de conséquence CL7 de M. Georges Fenech.

Puis elle adopte successivement les amendements de précision CL38 à CL41 et l’amendement rédactionnel CL42 du rapporteur.

Elle rejette ensuite, suivant l’avis défavorable du rapporteur, l’amendement de conséquence CL8 de M. Georges Fenech.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL43, les amendements de précision CL44 et CL45, les amendements rédactionnels CL46 et CL47, les amendements de précision CL48 et CL49, l’amendement rédactionnel CL50 et les amendements de précision CL51 à CL54, tous du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 3 modifié.

Article 4 (art. 706-71 du code de procédure pénale) : Coordination dans le code de procédure pénale

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article additionnel après l’article 4 (art. L. 1125-1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Coordination dans le code général de la propriété des personnes publiques

La Commission adopte l’amendement de coordination CL55 du rapporteur.

Article 5 (art. L. 451-1 et L. 451-2 du code de l’organisation judiciaire) : Coordination dans le code de l’organisation judiciaire

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 (art. L. 222-17 et L. 233-3 du code de justice militaire) : Coordination dans le code de justice militaire

La Commission rejette l’amendement de conséquence CL9 de M. Georges Fenech.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CL56 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 6 modifié.

Article 7 : Application territoriale de la loi

La Commission adopte l’amendement de précision CL57 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 : Date et modalités d’entrée en vigueur de la loi

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

Puis elle adopte, à l’unanimité, l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je félicite le rapporteur, ainsi que notre collègue Georges Fenech. Cette proposition de loi sera examinée en séance publique le jeudi 27 février, dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe RRDP.

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* *

La Commission procède à un échange de vues sur ses travaux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, pouvez-vous nous confirmer que le texte relatif à la réforme pénale sera examiné par notre Commission le 2 avril prochain, puis en séance le 14 avril ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. En effet, la commission des Lois reprendra ses travaux le mercredi 2 avril à 14 heures 30 : nous auditionnerons la garde des Sceaux à propos de son projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, avant de procéder dans la foulée à la discussion générale, puis à l’examen des articles, en poursuivant le soir et, éventuellement, le lendemain matin. Je rappelle que le texte a été déposé en octobre dernier, de sorte que les parlementaires ont eu tout le temps de préparer leurs amendements. L’examen en séance publique est bien prévu au cours de la semaine du 14 avril, ainsi qu’en a décidé hier la Conférence des présidents.

M. Jean-Frédéric Poisson. La semaine qui suit le second tour des élections municipales est normalement consacrée à l’installation des conseils municipaux dans les 36 000 communes de France. Je n’ignore pas que notre Commission, puis le Parlement tout entier, ont adopté une disposition tendant à limiter le cumul des mandats. Toutefois, celle-ci ne sera effective qu’en 2017. En outre, son vote n’a pas dissuadé un grand nombre de nos collègues, toutes appartenances politiques confondues, de se représenter aux élections municipales. La semaine dont nous parlons sera donc très chargée pour l’immense majorité des députés. Je note en outre, bien que cela ne constitue pas un obstacle réglementaire, qu’à cette date la session n’aura pas encore repris. Pour ces deux raisons, je souhaite protester énergiquement au nom de mon groupe contre ce calendrier, même si cela n’y changera sans doute rien. Certes, le texte a été déposé depuis longtemps, ce qui est rare, mais cette organisation va porter préjudice à nombre d’entre nous.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. J’enregistre la protestation du groupe UMP, mais j’appelle votre attention sur le fait que le Parlement suspendra ses travaux dès le 28 février afin que les élections municipales se déroulent dans de bonnes conditions. Il convient que le travail parlementaire ne soit pas obéré plus que de raison par les conséquences des élections locales. Le Gouvernement ayant fixé au 14 avril le début de l’examen du texte en séance publique, notre Règlement ne me laisse pas d’autre choix que de l’inscrire à l’ordre du jour de notre Commission deux semaines auparavant. Quant à la reprise des travaux de la Commission avant ceux en séance, n’est-ce pas ce qui arrive chaque année à la fin du mois d’août ? Mais vous avez l’habitude de vous plier aux rigueurs du Parlement, mon cher collègue, et vous excellez à le rappeler ; je ne doute pas que nous aurons l’occasion de vous entendre à ce sujet dans l’hémicycle.

*

* *

Puis, la Commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (n° 1729) (Mme Colette Capdevielle, rapporteure).

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Après les lois du 12 novembre 2013 et du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement, respectivement, à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens et à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, le présent projet de loi est le troisième texte examiné par notre Commission sous cette législature autorisant le Gouvernement à prendre des ordonnances aux fins de simplification. Il s’inscrit ainsi dans le chantier très ambitieux engagé par le Gouvernement en la matière.

Le recours aux ordonnances, s’il est légitime, n’en appelle pas moins de notre part un contrôle rigoureux. J’ai ainsi veillé, dans la continuité du travail déjà mené en ce sens par le Sénat, à ce que le champ des habilitations soit le plus précis possible et à substituer à ces dernières, lorsque cela était envisageable, des modifications directes du droit en vigueur.

Ce projet de loi comporte seize articles, qui visent à simplifier, à clarifier et à moderniser le droit sur des sujets divers, relevant du droit civil – tels que la protection juridique des majeurs et des mineurs, le droit des successions, le droit des obligations et des contrats, le droit des biens et celui des procédures d’exécution –, de l’organisation de la justice, avec la réforme du Tribunal des conflits, ou encore de la procédure pénale, avec la possibilité de communiquer par voie électronique, et enfin de l’administration de l’État et des collectivités territoriales.

L’article 1er a d’abord pour objet de simplifier les règles relatives à l’administration légale. Il vise à alléger le contrôle exercé par le juge dans le cadre de l’administration légale dite sous contrôle judiciaire, qui est mise en place lorsqu’un seul parent exerce l’autorité parentale, en réservant ce contrôle aux actes de disposition les plus importants. L’intervention du juge est en effet souvent mal vécue par les familles concernées car elle fait fréquemment suite à des moments douloureux comme le décès de l’un des parents.

Le second objet de cet article est de réformer la protection juridique des majeurs. Il autorise, à cette fin, le Gouvernement à créer un nouveau dispositif, alternatif aux mesures de protection et inspiré de celui prévu au profit de l’époux par les articles 217 et 219 du code civil : des personnes membres de la famille pourront être habilitées à représenter le majeur. D’autre part, l’avis médical requis lorsqu’il est disposé du logement ou des meubles de la personne protégée en vue de son admission dans un établissement adapté pourra être émis par le « médecin de famille », et non plus uniquement par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République. Enfin, un amendement du Gouvernement tend à rétablir la disposition, supprimée par le Sénat, portant de cinq à dix ans la durée initiale des mesures de protection.

L’article 2 comporte, en premier lieu, deux mesures relatives au droit des successions. La première vise à permettre aux personnes sourdes et muettes de faire établir un testament authentique en les autorisant à se faire assister d’un interprète en langue des signes pour satisfaire aux formalités substantielles que sont la dictée et la lecture du testament. Je me réjouis de cette simplification, qui met fin à une discrimination, et je vous proposerai d’aller plus loin encore, afin de permettre aux personnes ne s’exprimant pas en français d’avoir elles aussi recours à un interprète pour établir leur testament authentique. La seconde mesure tend à simplifier le mode de preuve de la qualité d’héritier pour les successions les plus modestes. Actuellement, cette preuve peut être apportée soit par un acte de notoriété établi par le notaire, acte qui est coûteux, soit par un certificat d’hérédité, gratuit et délivré par les maires. Malheureusement, dans près de 60 % des cas, les maires refusent de délivrer ces certificats car ils ne disposent pas des informations nécessaires et ne souhaitent pas engager leur responsabilité. En conséquence, le nombre de renonciations à des successions est en forte augmentation : il a crû de 25 % entre 2004 et 2012, année au cours de laquelle quelque 75 000 renonciations ont été enregistrées.

L’article 2 autorise, en second lieu, le Gouvernement à clarifier, par voie d’ordonnance, les pouvoirs liquidatifs du juge du divorce.

L’article 3 a été supprimé par le Sénat. C’est sans doute le plus important et le plus discuté du projet de loi puisqu’il a pour objet d’habiliter le Gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats. La nécessité et l’urgence de cette réforme ne sont pas contestées. Ce droit, qui n’a, pour l’essentiel, pas été modifié depuis 1804, apparaît aujourd’hui incomplet et inadapté ; de surcroît, il ne se trouve plus dans le code civil, mais dans le Bulletin civil des arrêts de la Cour de cassation, ce qui met en cause la lisibilité, la sécurité juridique et l’accessibilité de notre droit. Enfin, des pans entiers du droit des contrats moderne, comme la période précontractuelle, ne sont tout simplement pas abordés par le code civil.

Cette réforme est préparée depuis plus d’une dizaine d’années, et plusieurs projets ont été présentés par des universitaires, sous l’égide des professeurs Pierre Catala et François Terré, et par la Chancellerie, en 2008 et en 2011, sans jamais aboutir. Ce n’est donc pas la nécessité de la réforme qui a été contestée au Sénat, mais la méthode retenue, à savoir le recours à l’ordonnance.

Le Gouvernement m’a indiqué qu’il avait l’intention de déposer un amendement afin de rétablir l’habilitation. Je lui ai suggéré de le faire en séance publique afin de nous permettre d’en débattre en présence de la garde des Sceaux, qui pourra ainsi faire valoir ses arguments. Je me contenterai, à ce stade, de signaler que chacun d’entre nous peut prendre connaissance d’une version de l’avant-projet d’ordonnance, qui a été diffusée sur le site des Échos, afin de se forger sa propre opinion. Il ressort de ce document que la réforme proposée dépasse la simple codification de la jurisprudence, mais que les innovations qu’elle comporte ne bouleversent pas le droit des obligations et des contrats.

L’article 4 du projet de loi abroge les actions possessoires, conformément aux recommandations de la doctrine et de la Cour de cassation dans tous ses rapports annuels depuis 2009.

L’article 5 ratifie l’ordonnance créant le code des procédures civiles d’exécution et apporte quelques modifications ponctuelles à ses dispositions.

L’article 6 supprime de notre droit les termes désuets de « fol enchérisseur » et de « folle enchère ».

L’article 7, autre article important, réforme le Tribunal des conflits. Dans cet article, des modifications directes de la loi du 24 mai 1872 ont été substituées par le Sénat à l’habilitation initiale. Elles reprennent fidèlement les propositions du groupe de travail présidé par M. Jean-Louis Gallet, conseiller à la Cour de cassation. L’innovation principale réside dans la suppression de la présence et de la présidence du garde des Sceaux. Vestige de la justice retenue et héritage du passé, cette participation d’un ministre à l’activité juridictionnelle est devenue difficilement compatible avec l’indépendance et l’impartialité des juridictions ainsi qu’avec les exigences constitutionnelles et conventionnelles. Le tribunal sera, à l’avenir, présidé par son vice-président actuel, qui est alternativement issu de l’un et de l’autre ordre de juridiction. En cas de partage égal des voix, le projet de loi prévoit de procéder à une seconde délibération puis, en cas de blocage persistant, de compléter la formation ordinaire par deux autres conseillers d’État et deux autres conseillers de la Cour de cassation. On notera que la parité du nombre de membres de la formation de jugement est maintenue, ce qui signifie que le blocage peut perdurer... La réforme autorise également le président à statuer par voie d’ordonnance dans les affaires simples. Enfin, elle étend la compétence du tribunal à l’indemnisation des justiciables à raison de la durée excessive de certaines procédures.

L’article 8 définit les conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire peut adresser des convocations, avis et documents par voie électronique aux auxiliaires de justice et aux personnes impliquées dans une procédure pénale, en assortissant cette possibilité d’un certain nombre de garanties.

L’article 9 regroupe une douzaine de mesures de simplification administrative, qui sont d’application directe ou font l’objet d’une demande d’habilitation. Certaines tendent à alléger les missions des services préfectoraux au profit des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. D’autres visent à abroger des régimes juridiques obsolètes, tel que celui des voitures dites « de petite remise ». D’autres encore, comme la suppression de l’autorisation du préfet pour rendre exécutoires les emprunts des centres communaux d’action sociale (CCAS), ont pour but d’assouplir certaines procédures administratives.

Les articles 10 à 13 suppriment ou fusionnent différentes commissions. L’article 14 a été supprimé par le Sénat. L’article 15 règle l’application de certaines dispositions du présent texte outre-mer tandis que l’article 16 fixe les délais de rédaction des ordonnances et de dépôt des projets de loi de ratification.

En conclusion, je vous invite à adopter ce projet de loi qui comporte de nombreuses mesures de simplification utiles et bienvenues, sous réserve des amendements que je vous proposerai.

M. Guy Geoffroy. Je regrette l’excès de précipitation ou de lenteur, selon les circonstances, dont fait preuve le Gouvernement pour l’examen des projets de loi.

En l’espèce, le choix de la procédure accélérée pour un texte qui, de surcroît, mêle recours aux ordonnances et mesures d’application directe, relève d’une méthode peu lisible de la part de qui entend simplifier et moderniser. Il aurait été plus cohérent de préférer à la simplification « à la découpe » que vous proposez la méthode judicieusement employée sous la précédente législature, consistant à consacrer de grands moments à la simplification et à la modernisation de notre droit.

Les dispositions adoptées par le Sénat pourraient recueillir un avis favorable du groupe UMP puisqu’elles n’emportent pas de conséquences dommageables.

Néanmoins, je regrette que la discussion sur l’article 3, article important comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, doive se dérouler en séance. Je sais que, le mercredi, le conseil des ministres nous prive de la présence de la garde des Sceaux, mais il est arrivé par le passé que des ministres consentent à déroger à leur obligation et « sèchent » le conseil des ministres. L’absence de débat en commission est dommageable au regard de la qualité du travail que nous sommes capables de fournir. La révision constitutionnelle l’a d’ailleurs reconnu en soumettant à la discussion en séance publique le texte adopté par la Commission, intégrant par là même les amendements et les décisions de celle-ci. Cette entorse à la procédure est préoccupante alors que nous devons convaincre nos concitoyens que nous nous efforçons de rendre les lois moins bavardes, plus lisibles et plus efficaces.

Dans cet esprit, je suggère de modifier le titre du projet de loi, qui semble quelque peu présomptueux. Il pourrait laisser croire aux citoyens que le texte va moderniser et simplifier la totalité du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, alors que sa portée, sans être mineure, est beaucoup plus limitée. Je proposerai donc un amendement précisant que ne sont concernées que « certaines dispositions du droit ». Ce nouveau titre sera plus modeste, mais plus conforme à la réalité.

Mme Cécile Untermaier. Je félicite la rapporteure pour la rapidité et l’excellence de son travail.

Si le principe de l’habilitation fait toujours débat parmi les parlementaires, le texte adopté par le Sénat ne pose pas de problème : il propose une simplification au bénéfice tant de la justice et des justiciables que de l’administration et des administrés.

En premier lieu, le régime de l’administration légale est assoupli sans affaiblir la garantie des droits de la personne représentée.

En matière de divorce, il est souhaitable d’associer dans un même jugement le divorce et le règlement des conséquences familiales et patrimoniales de celui-ci lorsque le règlement amiable apparaît impossible. Des discussions sont en cours avec la Chancellerie afin d’améliorer par la voie réglementaire l’efficacité des décisions du juge aux affaires familiales auprès des parties et des notaires. Nous connaissons en effet tous des cas dans lesquels la liquidation des biens n’est pas réglée dix ans après le prononcé du divorce. Ce texte est l’occasion de réfléchir aux solutions réglementaires qui pourraient être apportées à ce problème.

S’agissant du Tribunal des conflits, la portée de la réforme ne doit pas être surestimée. La présence du ministre au sein de cette juridiction n’a été signalée qu’à deux ou trois reprises en trente ans. La suppression de cette disposition est d’abord symbolique : elle témoigne de notre souci d’affirmer l’indépendance de la justice. J’indique que nous déposerons un amendement pour reprendre la terminologie employée par le décret du 7 janvier 2009, qui a remplacé la dénomination de « commissaire du gouvernement » par celle de « rapporteur public ».

L’usage accru de la voie électronique participe de la nécessaire modernisation et permet des économies, en temps et en argent. Cependant, le problème de la preuve de la convocation reste posé, ce que la jurisprudence ne manquera pas de rappeler si nous n’y remédions pas.

L’article 9, qui met un terme à certains archaïsmes comme le dispositif des voitures de petite remise, ne soulève pas de difficultés.

Sur l’article 3, le groupe socialiste considère que le débat est nécessaire tant le sujet est complexe. Nous aurions à cet égard apprécié d’être informés des orientations retenues autrement que par la presse. Cette réforme du droit des obligations et des contrats est attendue depuis longtemps et nécessaire pour la compétitivité de notre économie. Il s’agit d’offrir un cadre juridique plus clair et plus lisible pour les transactions internationales sans porter atteinte à l’équilibre contractuel ni remettre en cause la défense du contractant le plus fragile. Il y a un certain courage politique à engager cette réforme.

La gauche procède depuis 2012 à un toilettage du droit français qui, en raison de sa complexité, a vu sa réputation affaiblie, situation particulièrement regrettable s’agissant du code civil. Le droit doit demeurer un instrument au service des citoyens confrontés aux évolutions de la société. L’article 3 répond à cette exigence. Nous examinerons soigneusement, en séance publique, le contenu précis de ses dispositions.

Pour le reste, je m’en remets à la sagesse de la rapporteure qui a examiné dans le détail ce projet de loi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis personnellement ravi que notre Commission puisse débattre des ordonnances. Je regrette que n’ait pas été tenue la promesse qui nous avait été faite de revenir évoquer devant nous le sujet. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir sollicité le garde des Sceaux après l’intervention que j’ai faite ici même il y a quelques semaines. J’ai lu avec grand intérêt la lettre qu’elle vous a adressée, dans laquelle elle indique que chacun des codes devrait être modifié à son tour. Cette réponse constitue de la part du Gouvernement un nouveau revirement spectaculaire dans sa conception de l’écriture du droit et de l’articulation de celle-ci avec les travaux du Parlement.

J’espère que les ordonnances prévues ici verront le jour, mais je ne peux m’empêcher de noter la fréquence du recours à cette procédure, fréquence qui témoigne de la part de la majorité d’une conversion intellectuelle intéressante – dans votre énumération liminaire, madame la rapporteure, vous avez d’ailleurs omis le projet de loi d’orientation agricole, qui comporte également une habilitation.

Le présent projet de loi n’appelle pas d’autres commentaires, si ce n’est peut-être l’article 4, mais je laisse le soin à Philippe Houillon de commenter la suppression de l’article 2279 du code civil, qui n’est pas anodine.

M. Philippe Houillon. Au risque de décevoir notre collègue, je souhaitais simplement interroger la rapporteure sur l’existence d’une étude d’impact sur la suppression de l’article 2279 du code civil. Les conséquences de cette décision ont-elles bien été mesurées ? Par quoi ce pan emblématique du droit civil sera-t-il remplacé ?

Sur le divorce, la réforme proposée se borne à entériner la pratique actuelle.

Mme la rapporteure. Monsieur Geoffroy, je conteste votre affirmation selon laquelle ce texte serait un « fourre-tout », car il porte sur trois domaines clairement identifiés – le droit civil, l’organisation de la justice et l’administration de l’État –, ce qui représente un progrès par rapport au passé. Je prends d’ailleurs acte de ce qu’il n’appelle de votre part que des remarques de pure forme, mais aucune observation sur le fond.

Je partage les appréciations de Mme Untermaier en ce qui concerne l’article 3. Cette réforme très attendue du droit des contrats reprend la jurisprudence et la codifie. Puisqu’elle sera discutée en séance, vous ne serez pas privés de débat – en tout état de cause, il n’est pas dans vos habitudes de vous en priver. Dans cette attente, il vous est toujours possible de prendre connaissance des 307 articles de l’avant-projet.

Quant aux ordonnances, monsieur Poisson, par le passé, les gouvernements ne se sont pas privés d’y recourir dans des textes ô combien plus importants et plus hétéroclites. L’architecture des textes présentés jusqu’à présent par ce Gouvernement me semble parfaitement cohérente.

Enfin, monsieur Houillon, la fin de l’action possessoire répond à une recommandation de la Cour de cassation et de l’association Henri Capitant pour une réforme du droit des biens. L’efficacité des procédures de référé actuelles justifie cette suppression. D’ailleurs, vous n’avez pas, me semble t-il, déposé d’amendement à ce sujet…

M. Philippe Houillon. L’absence d’amendements ne justifie pas que la rapporteure ne réponde pas à mon interrogation : la discussion générale n’a-t-elle pas pour objet d’éclairer les membres de la commission ? L’article 2279 est un monument qui ne porte pas sur la seule action possessoire. Il concerne également le régime de la preuve puisqu’il commence, si je ne me trompe, par la phrase : « En fait de meubles, la possession vaut titre. » Ma question était dépourvue d’intention polémique…

Mme la rapporteure. L’article 2279 du code civil dispose uniquement que « les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement ».

La suppression de cet article est recommandée avec constance par la Cour de cassation depuis 2009, date à laquelle le rapport annuel relève que « les propositions de l’Association Henri-Capitant pour une réforme du droit des biens [suggèrent] notamment de supprimer les actions possessoires et, corrélativement, le principe du non-cumul du pétitoire et du possessoire. Les multiples difficultés nées de l’application de ce principe et l’efficacité des procédures de référé actuelles permettent légitimement de justifier la suppression suggérée, la protection du trouble causé par une voie de fait relevant des attributions du juge des référés et le tribunal de grande instance statuant au fond sur le litige de propriété proprement dit. »

En citant la phrase « En fait de meubles, la possession vaut titre », vous faites référence à l’article 2276 qui énonce cette règle. Dès lors que cet article n’est pas modifié par le projet de loi, vos inquiétudes sont absolument infondées.

M. Guy Geoffroy. Je n’ai pas reçu de réponse à ma proposition d’amendement – minime – au titre du projet de loi.

Mme la rapporteure. Je ne serai pas défavorable à un tel amendement. L’ambition de ce texte est peut-être modeste, mais nous agissons.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT CIVIL

Article 1er (art. 426, 431, 431-1 et 500 du code civil) : Modifications et habilitation du Gouvernement à modifier, par ordonnance, des règles relatives à l’administration légale et à la protection juridique des majeurs

La Commission examine l’amendement CL48 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement porte sur la réforme de l’administration légale sous contrôle judiciaire, qui intervient lorsque l’un des parents exerce seul l’autorité parentale – souvent après le décès de l’autre parent. Il corrige le texte adopté par le Sénat, trop rigide aux yeux du Gouvernement, en disposant que l’ordonnance réservera l’autorisation systématique du juge des tutelles aux seuls actes qui pourraient affecter de manière grave, substantielle et définitive le patrimoine du mineur.

Cette nouvelle rédaction me paraît conforme aux objectifs poursuivis à travers l’assouplissement du contrôle du juge, à savoir simplifier la vie des familles tout en garantissant un niveau de protection élevé pour les mineurs, et décharger le juge des dossiers qui ne requièrent pas son attention. Avis favorable, par conséquent.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL49 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Le Gouvernement précise ici, à ma demande, la notion qui m’est apparue trop floue de « membres proches de la famille » habilités à représenter un majeur hors d’état de manifester sa volonté ou à passer certains actes en son nom, dans les cas où il n’est pas besoin de prononcer une mesure de protection judiciaire : pourront être habilités, en l’absence de conflit au sein de la famille, les ascendants, descendants, frères et sœurs, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL50, également du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rétablir, pour le juge des tutelles, la possibilité, qui figurait initialement dans le projet de loi, de prononcer une mesure de protection pour une durée maximale de dix ans, en cas de pathologie lourde dont l’évolution favorable apparaît très peu probable en l’état de la science. Actuellement, ces mesures sont prononcées pour une durée maximale de cinq ans.

Le Sénat s’est opposé à l’allongement proposé, au motif que la révision obligatoire à l’issue du délai de cinq ans permet au juge de dresser un bilan étayé des conditions d’exécution de la mesure.

Le Gouvernement fait valoir que cet allongement a été recommandé par la Cour des comptes, qui a souligné les inconvénients de la limitation systématique à cinq ans dans les cas visés. En outre, la révision automatique par le juge est souvent incomprise par les familles qui ne peuvent espérer une amélioration de la situation de la personne protégée.

J’ai été convaincue par ces arguments. Néanmoins, j’ai souhaité que, tout en allongeant la durée de la mesure de protection initiale, on fixe une limite à la durée de cette mesure lorsqu’elle est renouvelée. Ce sera l’objet de l’amendement suivant.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CL32 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement contribue à renforcer la protection juridique des majeurs.

En vertu de l’article 442 du code civil, lorsque l’altération des facultés personnelles de l’intéressé n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d’un médecin, renouveler la mesure de protection « pour une durée plus longue » que celle de la mesure initiale et qu’il lui appartient de déterminer.

Aucune limitation de la durée de la mesure ainsi renouvelée n’est donc prévue par les textes et, en pratique, selon une étude réalisée par le ministère de la Justice, s’agissant des tutelles, dans près d’un tiers des cas, les juges prononcent des mesures pour une durée supérieure à vingt ans.

Le présent amendement vise à limiter à vingt ans la durée des mesures faisant l’objet d’un renouvellement.

Je rappelle que le juge peut mettre fin à la mesure, la modifier ou lui en substituer une autre à tout moment, après avoir recueilli l’avis de la personne chargée de la mettre en œuvre. Il statue d’office ou à la requête d’une des personnes mentionnées à l’article 430, c’est-à-dire de la personne protégée, de son conjoint, partenaire ou concubin, d’un parent ou allié, d’une personne entretenant avec elle des liens étroits et stables ou de celle qui exerce à son égard la mesure de protection.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 972 et 975 du code civil) : Habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures relevant du droit des régimes matrimoniaux et des successions et extension aux personnes sourdes ou muettes de la possibilité de recourir à la forme authentique pour établir leur volonté testamentaire

La Commission est saisie de l’amendement CL51 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Avis favorable à cet amendement de forte portée pratique. Il s’agit en effet de renforcer les pouvoirs liquidatifs du juge du divorce en lui permettant d’aller au-delà de la simple possibilité de désigner un notaire, éventuellement accompagné d’un juge commis, pour conduire les opérations de liquidation et de partage et, plus largement, de prendre, le cas échéant, les décisions relatives à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux. Cette rédaction va dans le sens d’une accélération, d’une simplification et d’un apaisement des procédures en évitant le formalisme découlant de la distinction, trop rigide, entre la phase du divorce et celle de la liquidation et du partage.

M. Alain Tourret. Il arrive que la liquidation prenne dix ans après le divorce.

Mme la rapporteure. Voire davantage ! L’articulation entre la procédure de divorce et la procédure de liquidation se heurte aujourd’hui à une difficulté tenant à la discordance entre une circulaire du ministère de la Justice de 2010 et une jurisprudence récente de la Cour de cassation. La pratique montre que, plus on examine tôt la question du patrimoine et plus on permet aux époux d’étudier la façon de procéder à la liquidation et au partage, plus les procédures sont courtes. Dissocier totalement la procédure de divorce et la procédure de liquidation et de partage, comme le demandait la Chancellerie en 2010, peut allonger de façon dramatique la procédure, multiplier les contentieux et empêcher le règlement amiable.

Mme Cécile Untermaier. Nous devrons insister auprès de la Chancellerie – qui a du reste engagé une réflexion sur cette question – pour que la réglementation confère au jugement statuant sur la liquidation des biens une portée efficace auprès du notaire. Dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL52 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à simplifier le mode de preuve de la qualité d’héritier pour les petites successions, en le faisant reposer sur la production, par l’héritier, d’éléments déclaratifs, de pièces d’état civil et d’un certificat d’absence d’inscription de dispositions de dernière volonté. Je rappelle qu’en 2012, près de 75 000 renonciations ont été enregistrées, notamment en raison du coût de l’acte notarié. Un dispositif tendant à encadrer et à accélérer les successions modestes sera donc bienvenu.

M. Alain Tourret. Les maires reçoivent souvent des personnes leur demandant d’attester de leur qualité d’héritier dans le cadre de petites successions, ce qui soulève des cas de conscience car ils n’ont aucun moyen de démêler des situations parfois complexes. Renvoyer nos interlocuteurs au notaire ne sert à rien car le coût de l’acte de notoriété est trop élevé. Pour ma part, j’ai choisi de délivrer une attestation en mentionnant les documents qui me sont présentés.

Mme Marie-Françoise Bechtel. On peut se demander si la notion de « montant limité » n’est pas trop vague pour répondre aux conditions que requiert une loi d’habilitation et aux exigences du Conseil constitutionnel quant à la portée de l’habilitation. En l’occurrence, le Gouvernement serait libre de fixer un plafond.

Mme la rapporteure. La question relève très certainement du pouvoir réglementaire.

M. Guy Geoffroy. Comme M. Tourret, je dois répondre à des demandes de certificat d’hérédité. On m’a indiqué à cette occasion que la délivrance d’un tel certificat était possible pour les successions inférieures à 5 300 euros. Ce seuil est-il fixé par la loi ou par un texte réglementaire ? La remarque formulée par Mme Bechtel me semble pertinente.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je ne parlais pas de la répartition des dispositions entre la loi et le décret, mais de la portée de l’habilitation que le législateur donne au Gouvernement. Il est à craindre que le Conseil constitutionnel ne se montre réticent.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL22 de M. Édouard Fritch.

M. Jonas Tahuaitu. Cet amendement, ainsi que les amendements CL23 à CL28, vise à faciliter les successions et les partages en matière foncière, ainsi que la mise en place d’un tribunal en Polynésie française, conformément au statut de 2004. L’objectif est de sortir enfin les familles polynésiennes des problèmes découlant des situations d’indivision.

La rédaction de l’article 745 du code civil issue de la loi
n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 a fait naître une incertitude sur le point de savoir si la limitation concerne les collatéraux privilégiés et les collatéraux ordinaires ou seulement le quatrième ordre, composé des héritiers les plus éloignés. Cet ordre a toujours subi une limitation de degré, ce qui n’est pas le cas des frères et sœurs et de leurs descendants, composant le deuxième ordre.

Le présent amendement a pour objet de lever cette incertitude. Alors que nos indivisions remontent à plusieurs générations, l’article 745 exclut, dans le cadre d’une action en partage, les ayants droit des frères et sœurs du défunt au-delà du sixième degré. Or nos titres de propriété remontent souvent aux années 1800 et de nombreuses successions ouvertes au xixe siècle n’ont toujours pas été réglées : avant l’introduction du code civil en Polynésie française, la terre appartenait à une famille, et non à un individu.

M. Bernard Lesterlin. Pour avoir exercé des fonctions d’administrateur aussi bien en Polynésie française qu’à Wallis et Futuna, je connais bien le paradoxe : en Polynésie, nous ne pouvons donner d’existence juridique à la coutume ma’ohi, alors que la communauté est régie par le principe de l’autonomie interne ; à Wallis et Futuna, en revanche, alors que le territoire est sous administration directe de l’État, la loi statutaire de 1961 reconnaît cette coutume. C’est pourquoi j’approuve les amendements que nos collègues ont déposés à l’article 2 pour adapter la loi de la République aux spécificités de la famille polynésienne en matière de successions. S’il est un endroit où il faut simplifier le droit et cesser d’inhiber le développement économique, c’est bien la Polynésie française !

Mme la rapporteure. Avis favorable à l’amendement CL22.

Je tiens à saluer la qualité des échanges que j’ai pu avoir à ce sujet avec nos collègues élus de la Polynésie française, en particulier, par visioconférence – je crois que c’était une première –, avec le président de l’assemblée de Polynésie française, M. Édouard Fritch, avec le président de la chambre des notaires et avec plusieurs juristes.

Cet amendement tend à modifier l’article 745 du code civil, qui dispose que « les parents ne succèdent pas au-delà du sixième degré », afin de préciser que les parents collatéraux visés sont ceux qui relèvent du quatrième ordre d’héritiers. Cette précision existait dans l’ancien article 755 du code civil, antérieur à la loi du 3 décembre 2001 : celui-ci prévoyait déjà ce seuil du sixième degré pour les parents collatéraux, mais excluait les collatéraux privilégiés de son champ d’application.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL33 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il est proposé d’abord, lorsque le testateur ne peut ni parler ni entendre, ni lire, ni écrire, de substituer au mécanisme du double interprétariat qui est prévu le recours à un interprète assermenté. Cette solution est à la fois plus légère et moins onéreuse pour le testateur.

Ensuite, dans un contexte d’internationalisation croissante mais aussi de mixité de la population française, les notaires sont de plus en plus fréquemment sollicités pour rédiger un testament par acte authentique par des personnes ne maîtrisant pas le français. Nous proposons, là aussi, le recours à un interprète assermenté.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL23 de M. Édouard Fritch.

M. Jonas Tahuaitu. Il s’agit d’étendre à la Polynésie française le testament privilégié et temporaire dit aussi « insulaire », prévu aux articles 985 et 986 du Code civil, comme on l’a fait en 1968 pour les départements d’outre-mer.

Mme la rapporteure. Je suggère le retrait de cet amendement, qui est satisfait par l’article 40 de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements CL24 à CL28 du même auteur.

M. Jonas Tahuaitu. Nos indivisions, je l’ai dit, remontent à plusieurs générations. En dehors des acquêts, les successions sont donc composées en grande partie de biens de famille – fenua feti’i. Il s’agit donc de permettre, en cas de décès d’une personne qui ne laisse pas d’enfant, le retour de la totalité de ces biens à la famille du défunt, et d’éviter qu’ils ne partent dans le patrimoine du conjoint survivant. Ce dernier est en effet susceptible de refaire sa vie et d’avoir des enfants avec une autre personne, auquel cas des personnes complètement étrangères à la famille pourraient se voir attribuer le patrimoine. De telles situations créent des tensions qui finissent bien souvent par des bagarres. En l’état actuel de la loi, seule la moitié des biens de famille retourne à la famille.

Mme la rapporteure. Vous proposez là d’apporter des dérogations substantielles à plusieurs articles du code civil relatifs au droit des successions. Si je partage votre objectif, qui est d’adapter ces règles aux réalités polynésiennes afin de mettre fin aux difficultés rencontrées lors de nombreuses successions, je considère que les moyens que vous proposez soulèvent des interrogations d’ordre constitutionnel.

Par exemple, permettre à une souche d’être représentée en justice par un de ses membres reviendrait à créer une sorte d’action de groupe en matière de succession, ce qui est impossible en l’état actuel du droit. Une dérogation au principe selon lequel « nul ne plaide par procureur » n’est envisageable que si chacun conserve la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts.

Il faut donc prendre le temps de l’expertise et de l’analyse avant d’adopter une telle mesure. À cette date, je n’ai pu recueillir l’avis du ministère des Outre-mer à ce sujet, qu’il me semble important de traiter globalement. C’est pourquoi je vous invite à retirer ces amendements et à les redéposer éventuellement pour la séance publique, afin que nous ayons ce débat avec le Gouvernement.

M. Jonas Tahuaitu. J’accepte de retirer les amendements CL24 à CL26, mais je maintiens les amendements CL27 et CL28.

Les amendements CL24 à CL26 sont retirés.

Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements CL27 et CL28.

Article additionnel près l’article 2 (art. 784 du code civil) : Règlement des salaires et indemnités dus au salarié d’un particulier employeur décédé

La Commission est saisie de l’amendement CL36 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il est proposé d’accélérer le règlement des salaires et des indemnités dus par le défunt en tant que particulier employeur, en précisant que ce règlement par les héritiers est réputé être un acte conservatoire au sens de l’article 784 du code civil.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL37, également de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’ajouter le véhicule du défunt aux biens dont l’attribution préférentielle peut être demandée par le conjoint survivant, sous réserve qu’il lui soit nécessaire pour les besoins de la vie courante ou pour l’exercice de sa profession.

La Commission adopte l’amendement.

Article 3 (supprimé) : Habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnance, à une réforme complète des dispositions du code civil relative au droit des contrats et des obligations

La Commission maintient la suppression de l’article 3.

Article 4 (art. 2279 du code civil) : Abrogation des actions possessoires et habilitation en vue de préciser les règles de preuve de la possession et d’aménager les règles de prescription applicables au droit de propriété

La Commission est saisie de l’amendement CL29 de M. Édouard Fritch.

M. Jonas Tahuaitu. Le pacte civil de solidarité (PACS) est applicable partout sur le territoire de la République sauf en Polynésie française. Cet état de fait est dommageable pour les fonctionnaires d’État, qui ne peuvent bénéficier des avantages afférents au PACS. Il engendre aussi une réelle inégalité entre les citoyens de la métropole et les Polynésiens.

Les dispositions relatives au PACS relèvent manifestement du droit des personnes et non du droit des contrats, comme en atteste leur place dans le code civil – au titre XIII du livre Ier, « Des personnes », tandis que les dispositions relatives au contrat se trouvent au livre III. L’amendement vise donc à faire bénéficier du PACS aussi bien le citoyen polynésien lorsqu’il s’établit en métropole que le citoyen de métropole lorsqu’il sert en Polynésie.

Mme la rapporteure. C’est une question de droit importante. Un amendement similaire avait été déposé en commission des Lois et en séance lors de l’examen du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, mais le rapporteur et la garde des Sceaux avaient estimé que le PACS relevait du droit des contrats, donc de la compétence territoriale de la Polynésie française.

Le Haut Conseil de la Polynésie française – qui est, en quelque sorte, le Conseil d’État de la collectivité – a une analyse divergente. Il a considéré, dans un avis du 23 janvier 2014 qui m’a été transmis, que ce pacte relevait de l’état des personnes, donc de la compétence de l’État. Il est du reste exact que le PACS est inscrit sur l’acte de naissance.

Nous sommes confrontés là à une question de répartition des compétences entre l’État et la Polynésie française, dont la réponse est avant tout juridique. Il faut donc trouver cette réponse avant de déterminer le sort à réserver à cet amendement. Je ne peux que suggérer que le Conseil d’État soit saisi du sujet. Le président de la Polynésie française et le président de l’Assemblée de la Polynésie française ont la possibilité de saisir le tribunal administratif d’une telle demande, qui est alors transmise sans délai au Conseil d’État, en application de l’article 175 de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tahuaitu ?

M. Jonas Tahuaitu. Oui.

M. René Dosière. Je m’étonne que l’on n’ait pas encore consulté le Conseil d’État, comme on peut le faire au sujet des « lois du pays ». Son avis serait sans doute juridiquement plus fondé que celui du Haut Conseil de la Polynésie française.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 sans modification.

Article additionnel près l’article 4 (art. 1644 du code civil) : Suppression de l’obligation de recourir à l’expertise en cas d’action estimatoire des vices cachés

La Commission est saisie de l’amendement CL53 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Il s’agit de supprimer l’obligation de recourir à un expert pour les biens de faible valeur lorsque l’acheteur opte pour l’action estimatoire des vices cachés, afin d’alléger la procédure et d’en réduire le coût. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES CIVILES D’EXÉCUTION

Article 5 (ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d’exécution, art. L. 152-1, L. 152-2, L. 221-3, L. 622-1 à L. 622-3 et L. 622-5 à L. 622-7 de ce code et art. L. 151 A du Livre des procédures fiscales) : Ratification de l’ordonnance relative à la partie législative du code des procédures civiles d’exécution et modification de ce code

La Commission est saisie de l’amendement CL54 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Avis favorable à cet amendement qui modifie l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution afin de clarifier le droit pour le rendre plus accessible.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 ainsi modifié.

Article 6 (art. L. 143-9 et L. 3321-14 du code de commerce, art. 685 et 733 du code général des impôts, art. L. 3211-12 du code général de la propriété des personnes publiques) : Suppression des termes « folle enchère » et « fol enchérisseur »

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AU TRIBUNAL DES CONFLITS

Article 7 (art. 1er à 16 de la loi du 24 mai 1872, art. 23 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, ordonnance du 1er juin 1828 relative aux conflits d’attribution entre les tribunaux et l’autorité administrative, ordonnance du 12 mars 1831 modifiant celle du 2 février 1831 sur la publicité des séances du Conseil d’État et le mode de décision des affaires contentieuses et des conflits, loi du 4 février 1850 portant sur l’organisation du Tribunal des conflits et loi du 20 avril 1932 ouvrant un recours devant le Tribunal des conflits contre les décisions définitives rendues par les tribunaux judiciaires et les tribunaux administratifs lorsqu’elles présentent contrariété aboutissant à un déni de justice) : Réforme du Tribunal des conflits

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL34 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CL21 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. L’appellation de « commissaire du Gouvernement » employée jusqu’en 2009 devant les juridictions administratives a été remplacée par celle de « rapporteur public », désormais d’usage courant.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Êtes-vous sûre que les deux membres du parquet général de la Cour de cassation puissent être dénommés « rapporteurs publics » devant le Tribunal des conflits ? Il me semble que l’on met là en péril un équilibre savant, ancien et fragile entre le Conseil d’État et la Cour de cassation.

Mme la rapporteure. Avis favorable à l’amendement, car des membres de la Cour de cassation eux-mêmes ont proposé cette modification. L’appellation de « commissaire du Gouvernement » peut semer le trouble dans l’esprit des justiciables et n’est plus adaptée, comme en conviennent à la fois les magistrats de l’ordre administratif et ceux de l’ordre judiciaire.

Mme Marie-Françoise Bechtel. J’ignore à quel niveau la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de ce changement qui, j’y insiste, induit le justiciable en erreur. Le Tribunal des conflits procède d’un équilibre entre les juridictions judiciaire et administrative. Attraire la dénomination vers le vocabulaire des seules juridictions administratives ne contribue pas à la clarté et à la lisibilité de la loi !

Mme la rapporteure. L’assentiment des magistrats de la Cour de cassation, membres du groupe de travail présidé par M. Jean-Louis Gallet, nous a été indiqué lors de l’audition du vice-président du Tribunal des conflits.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL38 de la rapporteure.

Elle adopte enfin l’article 7 modifié.

TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMMUNICATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE

Article 8 (art. 803-1 du code de procédure pénale) : Communication par voie électronique en matière pénale

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CL55 du Gouvernement, tendant à supprimer une mention devenue inutile.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL35 et CL39 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 8 modifié.

TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ADMINISTRATION TERRITORIALE

Article 9 (art. L. 421-11, L. 911-4, L. 971-2, L. 972-2, L. 973-2 et L. 974-2 du code de l’éducation, art. L. 1424-24-3, L. 1424-26, L. 1424-31, L. 2121-34, L. 2213-14 et L. 2223-21-1 du code général des collectivités territoriales, art. L. 322-3 du code de la sécurité intérieure, art. L. 331-8-1 du code du sport, art. L. 3121-9, L. 3551-1, chapitre II et section 2 du chapitre IV du titre II du livre Ier de la troisième partie du code des transports, art. 9 de l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, art. 2 et 4 de la loi n° 77-6 du 3 janvier 1977 relative à l’exploitation des voitures dites de « petite remise », art. L. 223-3 du code de la route, art. 12, 13 et 112 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, art. 12 et 15 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale) : Habilitations du Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance certaines mesures en matière d’administration territoriale — Modifications directes de diverses dispositions législatives en matière d’administration territoriale

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL40 à CL44 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

TITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES AU CODE DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE

Article 10 (art. L. 114-1, L. 121-2, L. 122-1, L. 122-2, L. 123-4, L. 125-1, L. 125-2 et chapitre V du titre II du livre Ier du code du cinéma et de l’image animée) : Suppression du régime du conservateur des registres du cinéma et de l’audiovisuel et transfert de ses missions au Centre national du cinéma et de l’image animée

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

TITRE VII
DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ADMINISTRATIVES

Article 11 (art. 10 bis [nouveau], 54, 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) : Suppression de la commission consultative compétente en matière d’agrément des professions non réglementées en vue de la délivrance de prestations juridiques — Réglementation des sollicitations personnalisées en matière de prestations juridiques

La Commission adopte l’article 11 sans modification.

Article 12 : Habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance à la fusion de la commission d’inscription et de discipline des administrateurs judiciaires et de celle des mandataires judiciaires

La Commission adopte l’article 12 sans modification.

Article 13 (art. 104 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, art. 4, 5 et 6 de la loi n° 2009-1291 du 26 octobre 2009 relative aux transferts aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers, art. 16 du code de procédure pénale) : Suppression de deux commissions obsolètes — Habilitation du Gouvernement à fusionner par ordonnance deux commissions aux attributions proches

La Commission adopte l’article 13 sans modification.

Article 14 (supprimé) : Habilitation du Gouvernement à substituer des régimes déclaratifs à certains régimes d’autorisation administrative préalable et à supprimer ou à simplifier les uns ou les autres

La Commission maintient la suppression de l’article 14.

Article additionnel après l’article 14 (chapitre II du titre V du livre V du code de l’organisation judiciaire) : Organisation et fonctionnement du tribunal foncier de Polynésie française

La Commission est saisie de l’amendement CL30 de M. Édouard Fritch.

M. Jonas Tahuaitu. Le tribunal foncier de la Polynésie française a été institué par la loi du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française, mais il n’a jamais été mis en place. Or il permettrait une gestion plus aisée des litiges fonciers, en prévoyant la création d’assesseurs.

Les litiges fonciers en Polynésie française nécessitent une certaine expérience. Les assesseurs et les magistrats professionnels, qui n’ont pas vocation à rester indéfiniment en poste, y pourvoiront. Cette nouvelle formation permettra de réduire le nombre de dossiers en stock – 900 en décembre 2013 – ainsi que les temps d’instruction, qui peuvent aller jusqu’à deux ou trois ans.

Mme la rapporteure. L’amendement vise à répondre à l’urgence de la question foncière en Polynésie française. Le Gouvernement a cependant donné un avis défavorable, en faisant valoir que les dispositions n’entraient pas dans le cadre de l’habilitation. Le Gouvernement a aussi souligné que le ministère de la Justice allait sous bref délai créer un groupe de travail qui aura pour mission de dresser un état des difficultés en matière de propriété immobilière non seulement dans les outre-mer mais aussi dans l’hexagone – Corse, Ariège, Île de Sein, etc. – et de proposer les solutions juridiques et techniques adaptées.

Je suis cependant bien consciente qu’il est pour vous urgent d’avoir les moyens de régler les litiges fonciers en prenant en compte vos spécificités, dans votre collectivité qui vit sous le régime de l’autonomie interne, alors qu’à Wallis et Futuna, territoire qui, étant placé sous l’administration directe de l’État, ne connaît ni autonomie ni décentralisation, la loi statutaire de 1961 reconnaît le rôle de la coutume. Dans ces conditions, j’émets un avis favorable à l’amendement.

M. René Dosière. Il n’y a pas d’obstacle à ce que l’on traite enfin le problème foncier. C’était prévu depuis 2004, mais on ne l’a pas fait dans les ordonnances.

Je voudrais nuancer les remarques quelque peu négatives formulées, dans l’exposé sommaire de l’amendement suivant, au sujet de la commission de conciliation obligatoire en matière foncière. D’après mes informations, cette commission s’est toujours efforcée, en dépit de conditions difficiles, de faire très correctement son travail pour un coût de fonctionnement très faible. Gardons-nous d’oublier son action lorsqu’elle disparaîtra.

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, elle adopte ensuite l’amendement de cohérence CL31 du même auteur.

TITRE VIII
DISPOSITIONS FINALES

Article 15 : Habilitation du Gouvernement à rendre applicables ou à adapter outre-mer, par ordonnance, les ordonnances qu’il aurait prises — Mesures directes d’application outre-mer

La Commission adopte l’article 15 sans modification.

Article 16 : Délais d’édiction des ordonnances et de dépôt des projets de loi de ratification

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL45 à CL47 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 16 modifié.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

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* *

Information relative à la Commission

La Commission a désigné Mme Virginie Duby-Muller rapporteure sur la proposition de loi relative à la déclaration de domiciliation (n° 966) dont elle est l’auteur.

La séance est levée à 12 heures 50.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Christian Assaf, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Erwann Binet, M. Jean-Pierre Blazy, M. Marcel Bonnot, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, M. Christophe Cavard, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Jean-Pierre Decool, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. René Dosière, Mme Virginie Duby-Muller, M. Olivier Dussopt, M. Matthias Fekl, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Yann Galut, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, M. Armand Jung, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Bernard Lesterlin, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Nathalie Nieson, M. Sébastien Pietrasanta, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Sébastien Denaja, Mme Laurence Dumont, M. Édouard Fritch, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Axelle Lemaire, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Edouard Philippe

Assistaient également à la réunion. - M. Mathieu Hanotin, M. Paul Molac, M. Jonas Tahuaitu