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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 21 mai 2014

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 59

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Élection d’un secrétaire

– Échange de vues sur les travaux de la Commission 2

– Examen de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive (n° 1909) (M. Alain Tourret, rapporteur)

– Informations relatives à la Commission 8

La séance est ouverte à 10 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à la nomination d’un secrétaire.

La Commission est saisie de la candidature de Mme Élisabeth Pochon.

Le nombre des candidats n’étant pas supérieur à celui du poste à pourvoir, Mme Élisabeth Pochon est proclamée secrétaire de la Commission, conformément à l’article 39, alinéa 4, du Règlement.

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Échange de vues sur les travaux de la Commission.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Avant que nous n’en venions à l’examen de la proposition de loi, M. Jean-Frédéric Poisson souhaite s’exprimer sur l’organisation de nos débats.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines sera examiné en séance publique dans une quinzaine de jours. Son rapporteur, Dominique Raimbourg, a déposé de nombreux amendements, auxquels nous ne pouvons avoir accès. Y a-t-il un obstacle réglementaire ou juridique à ce que nous ayons connaissance de ces amendements, dont certains ont été déposés il y a déjà assez longtemps ? Si ce n’est pas le cas, sous quelle forme et quand ces amendements nous seront-ils communiqués ?

M. Dominique Raimbourg. Mes amendements ont été déposés lundi matin. Ils devraient donc être normalement en ligne et visibles sur le site de l’Assemblée.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Il n’y a aucun obstacle à ce que vous consultiez ces amendements, qui doivent être en ce moment disponibles sur notre base ELOI.

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* *

La Commission examine en seconde lecture, sur le rapport de M. Alain Tourret, la proposition de loi relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive (n° 1909).

M. Alain Tourret, rapporteur. J’associerai à mes propos Georges Fenech, avec lequel j’ai travaillé dans un esprit constructif sur cette réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive.

Notre Commission est aujourd’hui saisie, en deuxième lecture, de cette proposition de loi que nous avions examinée en première lecture et adoptée à l’unanimité – en commission comme en séance – en février dernier. Son objet est clair : trouver un meilleur équilibre entre le nécessaire respect de l’autorité de la chose jugée – l’un des piliers de la République – et la nécessité de réparer les erreurs judiciaires, soit par la révision, quand une erreur de fait entache une condamnation pénale définitive pour un crime ou un délit, soit par le réexamen, lorsqu’une erreur de droit commise en violation de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales vicie la décision pénale définitivement prononcée.

Le Sénat a conforté l’esprit de cette proposition de loi en approuvant les principales dispositions qu’elle comporte : l’amélioration des conditions matérielles d’exercice du recours en révision, par l’allongement à cinq ans de la durée de conservation des scellés criminels lorsque le condamné le demande et la systématisation de l’enregistrement sonore des débats des cours d’assises, dispositions votées en termes quasi identiques par les deux assemblées ; la création d’une juridiction unique chargée de la révision et du réexamen, la cour de révision et de réexamen, dont la composition est précisément définie dans un souci d’impartialité ; la clarification et la juridictionnalisation de la procédure suivie devant elle par la codification de pratiques déjà établies ou de nouvelles prérogatives : incompatibilité de certaines fonctions, caractère contradictoire du procès, accès des parties au dossier, information systématique de la partie civile, dont nous avons renforcé tous les droits.

Le Sénat a par ailleurs sensiblement enrichi le texte de l’Assemblée sur plusieurs points. En premier lieu, il a élargi aux arrière-petits-enfants la liste des requérants fondés à former un recours en révision ou en réexamen pour le condamné, lorsque celui-ci est décédé ou déclaré absent. Nous avions déjà actualisé cette liste pour y ajouter les concubins, les personnes pacsées et les petits-enfants ; ce nouvel élargissement constitue un progrès supplémentaire.

En deuxième lieu, là où Georges Fenech et moi-même avions beaucoup hésité, le Sénat a fusionné en un seul motif les quatre cas actuels de révision : la survenance d’un fait nouveau ou la production d’un élément inconnu au jour du procès et susceptible d’avoir un impact sur la décision de condamnation incluent désormais les motifs tenant à la preuve de l’inexistence de l’homicide, à la condamnation pour faux témoignage de l’un des témoins et à la découverte d’une condamnation inconciliable.

En troisième lieu, le Sénat a clarifié les pouvoirs d’instruction confiés à la nouvelle cour de révision et de réexamen, en confirmant leur large étendue – ils seront similaires à ceux du juge d’instruction – mais en excluant la possibilité d’entendre un tiers impliqué dans la commission des faits, pouvoir dévolu au procureur de la République.

En quatrième lieu, il a transféré à la chambre criminelle de la Cour de cassation le soin de statuer sur les demandes de suspension de l’exécution de la condamnation. Pour rappel, je vous avais proposé de rendre plus contradictoire cette procédure, en instaurant un recours contre la décision rendue par la formation d’instruction devant la formation de jugement.

En dernier lieu, il a étendu l’effacement des données de l’intéressé à tous les fichiers de police judiciaire dits d’antécédents, regroupés aujourd’hui dans le traitement des antécédents judiciaires, ou TAJ, et aux principaux fichiers de police d’identification, le fichier automatisé des empreintes digitales, le fichier national automatisé des empreintes génétiques et le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, afin de rendre réellement effective l’annulation de la condamnation par la cour de révision et de réexamen.

Sur l’ensemble de ces modifications comme sur celles, de moindre ampleur, tendant à utilement préciser ou simplifier le texte, je salue le travail réalisé par le rapporteur Nicolas Alfonsi et la commission des Lois du Sénat. Il a permis de renforcer le caractère juridictionnel et impartial des organes chargés d’examiner les requêtes en révision et en réexamen, et de rééquilibrer les droits des parties en faveur du requérant d’abord, investi de nouveaux pouvoirs d’initiative en matière d’investigation, mais aussi de la partie civile. Même si nous pouvions diverger sur les réponses concrètes à apporter à tel ou tel problème, les solutions proposées par le Sénat renforcent les objectifs poursuivis par ce texte.

Ne demeure qu’un point sur lequel les positions de l’Assemblée et du Sénat sont contradictoires : le doute nécessaire à la révision d’une condamnation pénale. Nous avions souhaité inscrire dans le code de procédure pénale que le « moindre doute » devait suffire à la révision. Nous nous étions fondés sur le travail réalisé par la mission d’information que Georges Fenech et moi-même avions conduite et qui avait estimé qu’il n’était pas concevable de considérer que seul un « doute sérieux » pouvait conduire à la révision d’un procès.

Les sénateurs ont préféré suivre la position qu’avait en son temps défendu Michel Dreyfus-Schmidt, lequel avait obtenu la suppression de l’adjectif « sérieux » de la loi de 1989 au motif que le doute était indivisible. Ce choix repose sur la conviction que la modification de la composition et la rénovation du mode de fonctionnement de la nouvelle cour de révision et de réexamen lui conféreront « toute la largeur de vues et l’impartialité requise », selon les termes utilisés par le rapporteur, Nicolas Alfonsi. Gageons que ce vœu ne restera pas pieux et que les magistrats seront éclairés par nos travaux et nos débats : qu’il soit clair pour eux que, pour votre rapporteur, le doute s’entend comme « le moindre doute ».

En l’absence d’accord avec le Sénat sur ce seul point, il importe de faire confiance aux magistrats pour appliquer avec clairvoyance cette réforme, qui mérite d’être rapidement mise en œuvre, afin d’améliorer les conditions d’exercice de ces recours essentiels pour la crédibilité et la solidité de l’État de droit.

Je remercie le Premier ministre, M. Manuel Valls, d’avoir bien voulu inscrire l’examen de cette proposition de loi à l’ordre du jour prioritaire du Gouvernement. J’associe à ces remerciements la Chancellerie, qui soutient l’idée que nous adoptions le texte voté par le Sénat sans modification.

M. Georges Fenech. Cette proposition de loi est un texte très attendu par le monde judiciaire. Il vient compléter une loi fondamentale, celle du 23 juin 1989, qui avait notamment judiciarisé la procédure de révision.

Le Sénat a travaillé sur cette réforme dans un esprit identique à celui qui nous avait animés, approuvant les principales avancées que comportait le texte, notamment la création d’une cour de révision et de réexamen unique, où siégeront des membres de chacune des chambres de la Cour de cassation.

L’élargissement de la liste des requérants aux arrière-petits-enfants opéré par le Sénat constitue également une avancée importante.

Enfin, les sénateurs ont adopté la conservation des scellés et l’enregistrement des débats.

Si nous avons été déçus, avec Alain Tourret, de ne pas avoir été suivis sur la qualification du doute, nous considérons en définitive que nos travaux préparatoires ont permis d’établir que l’intention du législateur était bien que le « moindre doute » – et non le « doute raisonnable » – permette la réouverture d’un procès. Je fais moi aussi confiance aux juges pour appliquer cette loi dans l’esprit qui a été celui du législateur.

Le seul point de divergence qui m’a opposé à Alain Tourret portait sur la révision d’un acquittement, point qui n’a pas fait débat au Sénat. Je m’en remets ici à la position défendue par la garde des Sceaux en séance : nous devons continuer de réfléchir à cette question dont notre Assemblée aura sans doute à débattre de nouveau.

Quoi qu’il en soit, nous voterons cette proposition de loi en l’état, afin qu’elle puisse être mise en œuvre dans des délais raisonnables.

M. Jacques Bompard. Cette proposition de loi vise à perfectionner notre système judiciaire. Or la perfection relève du rêve, non de la réalité, et un dicton nous rappelle que le mieux est l’ennemi du bien. J’ai donc peur qu’en poursuivant la perfection nous commettions certaines erreurs.

Par ailleurs, cette proposition de loi va entraîner des coûts supplémentaires pour notre justice, déjà en mal de financements. Elle multiplie d’autre part les procédures alors que notre système est déjà passablement encombré.

Enfin, qu’en est-il du principe juridique de condamnation définitive ? En effet, si l’on révise les condamnations, il faudra également réviser les acquittements.

Ces remarques posées, je ne suis pas opposé à ce texte.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le Sénat a amplifié le travail que notre Commission avait réalisé à partir de l’excellent rapport produit par Alain Tourret et Georges Fenech.

La fusion des motifs de saisine en retenant le motif indéterminé est une excellente chose. En effet leur énumération empêchait, le cas échéant, d’en ajouter de nouveaux.

Pour ce qui concerne le doute, les propositions issues de la mission d’information conduite par Alain Tourret et Georges Fenech étaient motivées par la crainte que les magistrats aient de la notion de doute une interprétation extrêmement restrictive. Nos débats, comme ceux des sénateurs permettront néanmoins de marquer l’intention du législateur : dès qu’il y a la parcelle d’un doute, la révision pourra être invoquée.

Le Sénat n’a pas évoqué la révision in defavorem. Nous pensons qu’il n’est pas encore temps de franchir cette étape. Pour l’heure, nous complétons la loi de 1989 en intégrant dans notre droit un dispositif permettant de tenir compte des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Nous espérons que cette proposition de loi fera l’objet d’un vote unanime.

M. Yves Goasdoué. La notion de doute est au cœur de cette proposition de loi, dans la mesure où c’est elle qui permet de déclencher la procédure de révision. Il est donc essentiel que nous précisions le texte en séance. En effet, en l’état actuel, la proposition de loi ne fait pas évoluer le droit en vigueur et, si le juge n’est pas pleinement éclairé sur l’intention du législateur, rien ne lui interdira de revenir à une jurisprudence restrictive.

Certes, se pose la question du vote conforme des deux assemblées, et j’admets qu’il « vaut mieux tenir que courir », mais prenons garde à être suffisamment précis sur la conception que le législateur et le Gouvernement se font du doute.

M. le rapporteur. Monsieur Bompard, la justice n’est pas infaillible, et cette proposition de loi s’adresse à ceux qui, par moments, pourraient croire qu’ils sont infaillibles.

Quant aux coûts qu’elle entraîne, la garde des Sceaux nous a assuré qu’elle garantissait les moyens financiers indispensables à la conservation des scellés et aux enregistrements. Il faudra tenir pour ne pas rogner les fonds qui y sont consacrés.

Pour ce qui concerne la notion de doute, la position du Sénat est, à l’unanimité, une position de principe selon laquelle la loi ne doit pas comporter de qualificatifs. À nous de préciser par nos débats ce que nous entendons par « doute ».

En adoptant ce texte, nous ferons preuve d’humanité, car il est insupportable que dorment en prison des innocents à qui les textes actuels ne donnent pas la possibilité de se défendre. Ils ont pourtant droit à un nouveau procès, au terme duquel ils ne seront pas nécessairement acquittés. En luttant contre les erreurs judiciaires, nous ferons progresser le droit.

M. Sergio Coronado. Compte tenu de l’intérêt de ce texte, nous souhaitons qu’il soit adopté conforme pour être rapidement mis en œuvre. Nous retirons donc l’amendement que nous avions déposé à l’article 3.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (art. 41-6 du code de procédure pénale) : Conservation des scellés criminels à la demande du condamné

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 (art. 308 du code de procédure pénale) : Systématisation de l’enregistrement sonore des débats des cours d’assises

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 (art. 622 à 626-1 du code de procédure pénale) : Refonte de la procédure d’examen des requêtes en révision et en réexamen

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 5 (art. L. 451-1 et L. 451-2 du code de l’organisation judiciaire) : Coordination dans le code de l’organisation judiciaire

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 (art. L. 222-17 et L. 233-3 du code de justice militaire) : Coordination dans le code de justice militaire

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Puis elle adopte à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

La séance est levée à onze heures.

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La séance est levée à 11 heures.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

M. Guillaume Larrivé, rapporteur sur la proposition de loi, renforçant la lutte contre l'apologie du terrorisme sur internet (n° 1907) ;

M. Bernard Gérard, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire (n° 1917).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Erwann Binet, M. Jean-Pierre Blazy, M. Jacques Bompard, M. Marcel Bonnot, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Patrick Devedjian, M. René Dosière, M. Olivier Dussopt, M. Matthias Fekl, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guillaume Garot, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé,
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Bernard Lesterlin, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Pierre
Morel-A-L'Huissier, Mme Nathalie Nieson, M. Jacques Pélissard, M. Edouard Philippe, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. François Vannson, M. Alain Vidalies, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Jean-Pierre Decool, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Roger-Gérard Schwartzenberg