Accueil > Travaux en commission > Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 19 octobre 2016

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Président

– Examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux (n° 4069) (Mme Françoise Dumas, rapporteure)

La réunion débute à 10 heures 30.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux (n° 4069) (Mme Françoise Dumas, rapporteure).

M. le président Dominique Raimbourg. Nous sommes réunis pour examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux, adoptée à l’unanimité le 15 juin 2016 par l’Assemblée nationale, et le 29 septembre par le Sénat avec quelques modifications. Aucun amendement n’a été déposé sur ce texte consensuel, qui devrait être examiné en séance publique à la fin du mois de novembre.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Comme vous le savez, la Croix-Rouge française est la première association française, tant par la diversité de ses interventions dans le domaine de l’action sociale, médico-sociale, sanitaire et humanitaire en France et à l’étranger que par la densité de son maillage territorial et de son réseau international.

La proposition de loi, adoptée en première lecture à l’unanimité par l'Assemblée nationale et par le Sénat après qu’il l’a complétée, vise à faciliter l’une des missions statutaires de la Croix-Rouge, consacrée par les conventions de Genève de 1949 et par ses protocoles additionnels, relative au rétablissement des liens familiaux.

Cette mission statutaire permet à toute personne, résidant en France, sans condition de nationalité, de solliciter gratuitement la Croix-Rouge française afin de pouvoir entrer en contact avec un membre de sa famille porté disparu ou, le cas échéant, d’avoir confirmation de son décès. Le demandeur doit faire état d’un lien familial avec la personne recherchée et d’une cause de la rupture du lien avec elle liée à une situation de conflit armé, une catastrophe naturelle ou d’origine humaine, ou toute autre situation humanitaire.

Pour permettre à la Croix-Rouge de retrouver plus facilement une personne recherchée dans le cadre de cette mission, la proposition de loi tend à lui accorder des dérogations ciblées pour obtenir des administrations françaises, entendues au sens large, la communication de données figurant dans un document administratif ou dans un traitement de données à caractère personnel – article 1er ; des copies intégrales et extraits des actes de l'état civil – article 2 ; des données relatives aux électeurs figurant sur les listes électorales, c’est-à-dire leur nom, prénoms et lieu de domicile – article 3.

Elle soumet toutefois la mise en œuvre de cette faculté à plusieurs conditions restrictives. Ce droit de communication s’exercerait directement auprès des services de l’État et des collectivités territoriales – dont les officiers d’état civil –, auprès des établissements publics administratifs de l’État et des collectivités territoriales, des services des organismes de sécurité sociale et des organismes « qui assurent la gestion des prestations sociales ». Ce droit s’exercerait pour les seuls besoins de la mission statutaire de rétablissement des liens familiaux, qualifiée à cette occasion de « mission d’intérêt général » par le législateur. Il s’exercerait uniquement pour obtenir des informations liées à la personne recherchée et, hors le cas des actes de l’état civil et des informations présentes sur les listes électorales, si elles sont « indispensables à la détermination du sort de la personne recherchée sur le territoire national ».

Une fois ces informations recueillies, la Croix-Rouge française serait tenue par l’article 4 d’en assurer la stricte confidentialité : aucune information ne pourra être transmise à un tiers sans le consentement écrit de la personne recherchée. Par exception, en cas de décès de la personne retrouvée, la Croix-Rouge française serait autorisée à informer des tiers, sur demande de ces derniers, du lieu de sépulture de la personne ; les autres informations resteraient incommunicables.

Cette proposition de loi résulte d’un travail de longue haleine, que nous poursuivons depuis deux ans. Je suis très heureuse qu’elle ait été adoptée à l’unanimité en première lecture par les deux assemblées.

Les modifications apportées par le Sénat, le 29 septembre 2016, à l’initiative de Mme Marie Mercier, rapporteure au nom de la commission des Lois, sont des précisions bienvenues.

À l’article 3, un amendement a étendu aux listes électorales consulaires le droit de communication à la Croix-Rouge française des listes électorales communales, en lui permettant de saisir le ministre des affaires étrangères qui dispose d’un double de l’ensemble des listes tenues par les ambassades et consulats pour les Français établis hors de France.

Un amendement créant un nouvel article 5 a procédé à l’extension et aux adaptations nécessaires à l’application de la proposition de loi dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative – îles Wallis-et-Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Deux amendements rassemblent en un nouvel article 6 l’article 3 bis adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la Croix-Rouge française à saisir la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) en cas de refus de communication de la part de l’administration, et d’autres dispositions de coordination rendues nécessaires par la loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, dite « loi Pochon-Warsmann », et la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique ; de ce fait, l’article 3 bis a été supprimé. En outre, les services de l’état civil étant placés sous le contrôle de l’autorité judiciaire et le contentieux relevant de la juridiction judiciaire, le Sénat a exclu, à juste titre, la compétence de la CADA pour les contentieux relatifs à la copie et aux extraits des registres de l’état civil.

Je souscris aux précisions apportées par nos collègues sénateurs, et vous invite à adopter sans nouvelle modification une proposition de loi qui facilitera grandement l’action de la Croix-Rouge française et améliorera le taux de succès des demandes de rétablissement des liens familiaux. Ce texte me paraît d’autant plus nécessaire que, depuis deux ans, la Croix-Rouge française constate qu’un nombre croissant de personnes ont été forcées de quitter leur pays et se sont trouvées séparées violemment de leur famille. Les demandes de rétablissement des liens familiaux sont donc en augmentation : au nombre de 830 en 2015, on en comptait déjà, au 30 septembre dernier, 802 au titre de l’année 2016 dans les sept antennes spécialisées de la Croix-Rouge française, avec un taux d’issues positives de 66 %.

Mme Pascale Crozon. Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir rappelé le rôle spécifique confié au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) par les conventions de Genève, et que l’on peut résumer en quelques mots : l’assistance et la protection des victimes de guerre, puis, par extension, de toute catastrophe humanitaire.

Au nombre de ces missions figure le rétablissement des liens au service de familles séparées par les déplacements de population et les migrations qui accompagnent inévitablement ces conflits. Cette mission reste malheureusement d’une dramatique actualité au niveau mondial et les demandes sont, en France, en augmentation constante.

Même si d'autres intervenants participent à cette mission dans des cas spécifiques – comme l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour les réfugiés, ou les départements pour ce qui concerne les mineurs isolés –, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge peut répondre, grâce à une plate-forme d’échange d’informations, à une grande diversité de recherches dans un grand nombre de pays et pendant de longues périodes.

Encore faut-il pour cela que chaque comité national puisse accéder aux informations qui lui sont nécessaires, et vous avez détaillé les difficultés administratives que peut rencontrer la Croix-Rouge française en l’absence de transposition en droit français de dispositions relatives à une mission qui a pourtant valeur supranationale. La proposition énonce les dérogations au droit commun dont peut bénéficier la Croix-Rouge lorsque les informations demandées sont nécessaires à l’accomplissement de cette mission, étant entendu que le consentement des personnes est exigé. Les précisions apportées par le Sénat sont de bon sens ; elles sont soutenues par le groupe Socialiste, écologiste et citoyen, qui partage la préoccupation humanitaire exprimée dans ce texte.

M. René Dosière. Je me réjouis que le Sénat ait pris soin de préciser que les dispositions du texte s’appliqueront aux Terres australes et antarctiques françaises, même si, dans ces territoires inhabités, les personnes susceptibles d’en bénéficier ne doivent pas être très nombreuses… (Sourires.)

M. le président Dominique Raimbourg. Le législateur doit tout prévoir !

M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants se félicite de cette excellente proposition de loi. Le sujet est loin d’être anecdotique pour les personnes concernées, qui doivent pouvoir être aidées, et la Croix-Rouge est l’organisme habilité à le faire. Je m’interroge toutefois : l’adoption de ce texte ne permettra-t-il pas à d’autres organismes de faire, le cas échéant, des demandes similaires de dérogations au droit commun, ce qui ne me paraît pas souhaitable ? Sur un autre plan, je me réjouis que la navette ait permis au Sénat de veiller à ce que le texte soit applicable partout sur notre territoire, réparant ainsi un oubli de notre part.

M. Pierre Morel-à-l’Huissier. Chaque année, des milliers de familles dans le monde sont séparées à la suite de conflits armés, de catastrophes naturelles ou d’origine humaine et de crises humanitaires entraînant des déplacements de population.

La mission de la Croix-Rouge française en matière de rétablissement des liens familiaux est ancienne : elle remonte à 1949, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Elle a pris une envergure nouvelle depuis qu’en 2013 l’État s’est désengagé brutalement de sa mission de recherche dans l’intérêt des familles. Il est étonnant que cette mission du ministère de l’intérieur ait été supprimée sans que rien lui soit substitué, les demandeurs étant invités à « se tourner vers les réseaux sociaux et internet », solution pour le moins légère.

La proposition de loi que nous examinons pérennise la mission de la Croix-Rouge en cette matière en renforçant ses moyens d’agir par de meilleures conditions d’accès aux informations et documents administratifs détenus par les services centraux ou déconcentrés, la possibilité de saisir le représentant de l’État pour vérifier l’inscription sur les listes électorales et celle de saisir la CADA en cas de refus de l’administration de communiquer les documents. D’autre part, le texte circonscrit les conditions dans lesquelles les informations sur une personne retrouvée peuvent être divulguées, en respectant son droit à l’oubli.

Ce texte consensuel est nécessaire, puisqu’il donne une base juridique solide à l’action de la Croix-Rouge française, dont je salue l’efficacité ainsi que celle de son président, M. Jean-Jacques Eledjam. En 2014, 988 situations ont été traitées, dont 62 % ont connu une issue positive.

M. Philippe Gosselin. Je me réjouis que l’unanimité se fasse comme elle s’est faite lors de l’examen du texte en première lecture – j’avais alors fait part de l’assentiment du groupe Les Républicains. Je rappelle à mon tour l’intérêt de la navette parlementaire. Ardent défenseur du bicaméralisme, je me félicite de l’amélioration de la proposition de loi par le Sénat, qui a réparé une omission fâcheuse en étendant l’application de la proposition de loi aux collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative. Les dispositions proposées viennent à point nommées : la procédure de recherche dans l’intérêt des familles a été abrogée en 2013 et le ministère de l’intérieur s’était alors limité à inviter les préfets à orienter les demandeurs vers les réseaux sociaux sur l’internet, qui offrent, signalait la circulaire, « d’intéressantes possibilités » Il fallait aller au-delà. Sur le plan général, je salue l’engagement de la Croix-Rouge, qui pourra désormais travailler en toute sécurité juridique. Le groupe Les Républicains votera sans réserve en faveur de ce texte.

M. Olivier Dussopt. Je salue le travail de notre rapporteure, qui nous amènera sans nul doute à voter le texte conforme. Ainsi sera traduit dans la loi l’engagement pris par le président de la République, lors du dernier anniversaire marquant de la Croix-Rouge, de renforcer les moyens mis à la disposition de l’organisation pour lui permettre d’exercer sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux. Le désengagement des services de l’État à ce sujet rendait ces dispositions indispensables. Le Sénat a utilement modifié la proposition de loi en étendant son application aux îles Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux TAAF. Les graves dégâts fréquemment causés par les intempéries peuvent en effet rendre nécessaire, outre-mer, l’intervention de la Croix-Rouge en faveur des personnes réfugiées ou isolées en raison de ces circonstances particulières.

Enfin, je souligne le soin mis par notre rapporteure à garantir la possibilité de saisine de la CADA par la Croix-Rouge dans le cadre de sa mission statutaire d’une part, la protection de la confidentialité des données d’autre part ; ainsi le dispositif est-il soigneusement encadré, comme il devait l’être. En adoptant ce texte, nous ferons œuvre utile, tout en saluant le travail accompli par le comité de la Croix-Rouge en France, pour cette mission particulière comme pour les autres.

M. le président Dominique Raimbourg. Que voulez-vous répondre, madame la rapporteure, à ce chœur de louanges ?

Mme la rapporteure. Je me réjouis que l’unanimité qui s’était trouvée lors de l’examen de la proposition de loi en première lecture prévale à nouveau, et je remercie tous ceux qui l’ont exprimée. Les dérogations au droit commun accordées par le texte le sont à la Croix-Rouge, un organisme dont la légitimité est reconnue à l’échelle internationale, comme en témoignent ses 189 antennes dans le monde. Aucune autre organisation ne demande, en France, à rétablir les liens familiaux. Aussi bien, le fait de conforter de la sorte une des missions statutaires de la Croix-Rouge ne permettra pas que d’autres organismes s’engouffrent dans cette voie. En revanche, les dispositions proposées permettront que la Croix-Rouge exerce sa mission dans les meilleures conditions possibles, avec une sécurité juridique renforcée.

Si le ministère de l’intérieur a abrogé, en 2013, la circulaire relative à la recherche dans l’intérêt des familles, c’est que le nombre de requêtes – qui concernaient essentiellement les suites de la guerre civile en Espagne et de la Deuxième Guerre mondiale – s’étiolait. Malheureusement, les violents conflits actuels sont à l’origine de la recrudescence des besoins, de très nombreuses familles se trouvant éclatées. Dans ce contexte, il nous appartient de favoriser le rétablissement des liens familiaux, droit fondamental.

Les départements d’outre-mer étaient, bien entendu, déjà concernés par la proposition, mais il est bon que, réparant un oubli, le Sénat en ait étendu l’application aux îles Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises, élargissant comme elle devait l’être la portée du texte, tout en l’encadrant par les garanties nécessaires. Je vous demande donc à nouveau de voter conforme un texte qui nous grandira et honorera une France fidèle à sa devise.

La Commission procède à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 2 : Droit d’accès de la Croix-Rouge française aux copies d’actes d’état civil

La Commission adopte, à l’unanimité, l’article 2 sans modification.

Article 3 : Dérogation en faveur de la Croix-Rouge française pour accéder aux listes électorales et aux informations personnelles afférentes

La Commission adopte, à l’unanimité, l’article 3 sans modification.

Article 3 bis [supprimé]

La Commission maintient la suppression de l’article 3 bis.

Article 5 [nouveau]

La Commission adopte, à l’unanimité, l’article 5 sans modification.

Article 6 [nouveau]

La Commission adopte, à l’unanimité, l’article 6 sans modification.

Puis elle adopte, à l’unanimité, l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

La réunion s’achève à 10 heures 55.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Christian Assaf, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Luc Belot, M. Erwann Binet, M. Gilles Bourdouleix, M. Dominique Bussereau, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Carlos Da Silva, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, Mme Sophie Dion, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Philippe Doucet, Mme Françoise Dumas, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Olivier Marleix, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Joaquim Pueyo, M. Dominique Raimbourg, Mme Cécile Untermaier, M. Daniel Vaillant, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, Mme Paola Zanetti, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Huguette Bello, Mme Colette Capdevielle, M. Marc-Philippe Daubresse, Mme Laurence Dumont, M. Guillaume Garot, M. Daniel Gibbes, M. Guillaume Larrivé, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg