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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Lundi 12 décembre 2016

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 33

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Président

– Examen du projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence (n° 4295) (M. Pascal Popelin, rapporteur)

– Information relative à la Commission

La réunion débute à 21 heures 10.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission procède à l’examen du projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence (n° 4295) (M. Pascal Popelin, rapporteur).

M. le président Dominique Raimbourg. Mes chers collègues, nous examinons ce soir, sur le rapport de M. Pascal Popelin, le projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

Notre calendrier est très contraint : aux termes de l’article 4 de la loi du 3 avril 1955, « la loi portant prorogation de l’état d’urgence est caduque à l’issue d’un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l’Assemblée nationale ». M. Manuel Valls a remis sa démission le mardi 6 décembre ; en conséquence, en l’absence de prorogation, l’état d’urgence en vigueur depuis le 14 novembre 2015 cesserait de produire ses effets le mercredi 21 décembre à minuit.

C’est la raison pour laquelle nous débattrons en séance publique dès demain soir de ce projet de loi, déposé samedi par le Gouvernement.

Sans plus attendre je donne la parole à notre rapporteur, puis à ceux qui souhaiteront s’exprimer.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Au moment où notre Commission engage le débat sur une cinquième prorogation de l’état d’urgence, je souhaite rappeler quelques faits.

La France va vivre, au printemps prochain, une phase d’élections nationales qui constituera un moment crucial de la vie démocratique de notre pays. Les rassemblements seront nombreux. Alors que la menace terroriste n’a pas diminué – douze projets d’attentats ont été déjoués depuis ceux qui ont ensanglanté une nouvelle fois notre pays en juillet dernier –, les pouvoirs publics ont le devoir d’assurer la sécurité des Français dans cette période particulière.

C’est la raison pour laquelle une nouvelle prorogation de l’état d’urgence – qui devait prendre fin le 21 janvier 2017 à minuit – a été annoncée par le chef de l’État et le Gouvernement il y a de cela déjà plusieurs semaines. Comme le président de la Commission vient de le rappeler, le remaniement intervenu le 6 décembre a précipité les échéances puisque c’est finalement avant le jeudi 22 décembre qu’il nous faut procéder à une prorogation.

Le présent projet de loi s’inscrit dans ce calendrier très resserré ; mais il traduit une résolution plus large : maintenir cette légalité d’exception au cours des prochains mois et jusqu’au terme de la période électorale à venir.

Chacun d’entre nous en a pleinement conscience : l’état d’urgence n’a pas vocation à être prolongé indéfiniment, comme l’ont fort justement rappelé Dominique Raimbourg et Jean-Frédéric Poisson dans le cadre de leurs travaux sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence, mais aussi le Conseil d’État – tout en estimant une nouvelle fois rempli, dans son avis du 8 décembre dernier, le critère de « péril imminent » – et le Conseil constitutionnel. La responsabilité du Parlement, et des pouvoirs publics dans leur ensemble, est de mobiliser tous les ressorts de notre législation, dans les limites de l’État de droit, afin de permettre aux moyens opérationnels de se déployer.

J’ai la conviction que le débat sur l’état d’urgence doit être mené devant nos compatriotes à l’occasion des prochaines élections, ce qui permettra au chef de l’État et au Gouvernement qui en seront issus de disposer d’un mandat clair du peuple français sur la question complexe du terme de cette période d’exception.

Le présent projet de loi prolonge l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet 2017 et évite sa caducité consécutivement au changement de Gouvernement qui interviendra au printemps prochain. Il permet en effet l’« enjambement » de la période électorale du premier semestre 2017 en proposant une dérogation à la règle définie à l’article 4 de la loi de 1955. Les nouveaux élus ne seront donc pas obligés de travailler dans des délais impossibles. Toutefois, nous ne supprimons cette caducité que pour cette fois-ci : cette clause constitue aux yeux du Gouvernement comme aux miens un garde-fou utile, qu’il paraît nécessaire de maintenir dans le droit commun.

Le projet de loi prévoit expressément la faculté pour les préfets d’ordonner des perquisitions administratives de jour et de nuit – c’est ce que nous appelons l’état d’urgence « aggravé » – et limite à quinze mois consécutifs la durée maximale des assignations à résidence en l’absence de faits nouveaux. C’est la version du Gouvernement ; mais, sur ce dernier point, nous aurons, je le sais, une discussion. Le président de notre Commission et moi-même vous proposerons une nouvelle rédaction, qui prendra en considération à la fois le rapport de contrôle de Dominique Raimbourg et de Jean-Frédéric Poisson, l’avis du Conseil d’État, et la situation concrète d’une quarantaine de personnes encore aujourd’hui assignées à résidence, et qui l’ont été depuis le début de la période d’état d’urgence.

Beaucoup d’autres points pertinents ont été soulevés dans le rapport de contrôle présenté la semaine dernière. Nous avons, je crois, besoin d’un peu de temps pour approfondir notre réflexion. À mes yeux, l’idéal demeure d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, et je regrette que nous n’ayons pas pu y parvenir au mois de janvier dernier. À tout le moins, une refonte de la loi de 1955 me semble nécessaire, même si la loi simple présente moins de garanties de stabilité, et donc moins de freins à un éventuel emballement.

Je rappelle aussi que nous examinerons au mois de janvier un projet de loi relatif à la sécurité publique : ce véhicule législatif nous permettra, le cas échéant, de revenir sur les questions soulevées par le rapport de contrôle.

Je ne serai pas plus long. J’espère que nous saurons conduire nos travaux dans un temps raisonnable et avec toute la sérénité et la hauteur de vues qu’exigent ces matières.

M. Yves Goasdoué. Je serai bref, moi aussi. La récente démission du Gouvernement nous amène à traiter à nouveau de cette question dans un calendrier extrêmement contraint, ce que la plupart, voire la totalité, d’entre nous ne peuvent que regretter : nous aurions aimé avoir plus de temps pour réfléchir aux voies et moyens qui auraient pu nous permettre de sortir de l’état d’urgence.

En raison des revers subis par Daech un peu partout dans le monde, la menace est sans doute plus grande que jamais : cette organisation incite explicitement des Français à commettre des actes terroristes sur notre territoire.

Le Gouvernement propose donc une prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet 2017, afin d’« enjamber » la période électorale. Celle-ci sera émaillée de nombreuses réunions, de grands meetings, de grands rassemblements, qui constitueront des cibles éminentes. Je ne crois pas que nous puissions prendre la responsabilité de ne pas renouveler l’état d’urgence.

Je lis ici et là – et je suis sensible à ces arguments – que les modifications que nous avons apportées à notre droit devraient nous permettre de nous passer de l’état d’urgence. C’est en partie vrai, mais en partie seulement : en particulier, le droit commun ne serait pas suffisant pour gérer les grands rassemblements. En l’état actuel de notre droit, nous ne pouvons pas gérer les fouilles ou les contrôles d’identité comme nous autorise à le faire l’état d’urgence. Le droit commun ne nous permet pas non plus d’empêcher telle ou telle personne de s’approcher de tel ou tel grand rassemblement.

S’agissant de l’assignation à résidence, rappelons – comme le vice-président du Conseil d’État, M. Jean-Marc Sauvé, l’a très bien fait dans un entretien qu’il a accordé au journal Le Monde – que les assignations à résidence sont contrôlées par le juge administratif. Ce contrôle est approfondi, et il porte à la fois sur la nécessité et la proportionnalité de l’assignation. Pouvoir faire appel, en quarante-huit heures, au juge des référés dans le cadre des référés-liberté, ce n’est pas rien : l’assignation à résidence fait alors l’objet d’un débat contradictoire. Et le juge administratif n’est pas moins protecteur des libertés publiques que le juge judiciaire !

Cela étant, il faut sans doute limiter les assignations dans la durée et vérifier la manière dont on peut en sortir, notamment lorsqu’elles durent depuis plus d’un an.

Je lis, et j’y suis également sensible, que les perquisitions de jour et de nuit sont moins utiles qu’au début de l’état d’urgence, mais le nombre de saisines du parquet antiterroriste et de poursuites judiciaires augmente de nouveau depuis la réinstauration des perquisitions.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, écologiste et républicain votera, dans sa grande majorité, pour la prolongation de l’état d’urgence.

M. Guillaume Larrivé. Au nom des collègues du groupe Les Républicains, je déplore, sans intention polémique, l’absence du ministre de l’Intérieur à nos débats. Il est assez regrettable qu’il n’ait pas jugé utile de venir présenter à la commission des Lois ce projet de loi, qui est tout sauf banal. En effet, c’est la première fois dans l’histoire de la République que l’Assemblée nationale est saisie pour la cinquième fois consécutive par le Gouvernement d’une demande de prorogation de l’état d’urgence, et il aurait été légitime que le ministre de l’Intérieur vienne nous présenter ce texte et nous faire partager l’appréciation du Gouvernement sur les préconisations contenues dans le rapport du président Raimbourg et de M. Jean-Frédéric Poisson.

Le calendrier d’examen de ce projet de loi résulte en fait de celui du parti socialiste : si le précédent Premier ministre n’avait pas démissionné pour convenance personnelle, nous aurions été saisis dans des conditions normales d’une éventuelle prorogation de l’état d’urgence, qui devait s’arrêter le 21 janvier prochain. On peut regretter que les travaux du Parlement soient dictés par un calendrier qui n’est pas directement lié à la sécurité nationale.

Faut-il ou non proroger l’application de ces mesures de police administrative renforcée que constitue l’état d’urgence ? À la lecture du rapport du président Raimbourg et de M. Jean-Frédéric Poisson et de l’exposé des motifs, assez précis, du texte du Gouvernement, la réponse est positive. Notre groupe votera en tout cas la prorogation dans son principe, même si l’état d’urgence ne représente pas l’intégralité de la réponse à la menace terroriste. Il ne s’agit que de mesures de police administrative qui viennent compléter les investigations judiciaires et qui n’ont pas vocation à s’y substituer. Il est utile de continuer de donner aux préfets la faculté de procéder à des perquisitions administratives et à l’autorité administrative celle de procéder à des assignations à résidence.

Néanmoins, il nous semble nécessaire que notre assemblée complète rapidement notre arsenal juridique, en renforçant notamment la protection de ceux qui nous protègent, à savoir les fonctionnaires de la Police nationale et les militaires de la Gendarmerie nationale, mais également tous les agents dépositaires de l’autorité publique. Depuis un certain temps, les députés du groupe Les Républicains proposent au Gouvernement et aux députés de la majorité un certain nombre de mesures allant en ce sens – je pense à l’alignement des conditions d’emploi des armes par les fonctionnaires de la Police sur celles applicables aux militaires de la Gendarmerie, aux peines planchers visant à réprimer des atteintes à l’autorité publique, et à l’abrogation de dispositions pernicieuses de la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, notamment celle qui étendra, le 1er janvier prochain, la contrainte pénale à l’ensemble des délits, y compris ceux punis de plus de cinq ans de prison. Nous avons déposé une dizaine d’amendements à cette fin. Il nous semble en effet nécessaire de corriger certaines malfaçons législatives que vous avez introduites dans le droit positif depuis cinq ans, mesdames et messieurs les députés de la majorité.

Il n’est pas cohérent de proroger l’état d’urgence et de laisser subsister dans le droit des dispositions qui affaiblissent les forces de sécurité intérieure !

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, lors de la présentation du rapport d’évaluation que vous avez eu l’amabilité d’effectuer devant notre commission avec M. Jean-Frédéric Poisson, un consensus s’était formé pour constater que nous étions confrontés au piège et au casse-tête juridique redoutés par le précédent président de la commission des Lois. M. Jean-Jacques Urvoas avait affirmé en effet en janvier dernier qu’il était aisé d’entrer dans l’état d’urgence, en raison de l’émotion légitime suscitée par la violence et la brutalité des attaques, mais qu’il serait très difficile d’en sortir. L’histoire parlementaire offre la meilleure preuve de ce constat, et nous nous trouvons aujourd’hui dans cette situation.

Avec cinq collègues, j’ai refusé de voter la première prorogation de l’état d’urgence, car je considérais d’une part que l’état de droit n’était pas un état de faiblesse et qu’il n’était pas évident de devoir avoir recours à une législation d’exception pour nous défendre et que, d’autre part, l’intérêt de l’état d’urgence, au-delà des douze jours octroyés par notre législation au Gouvernement, n’était pas non plus manifeste – d’ailleurs, le premier rapport d’évaluation en convenait presque puisqu’il affirmait qu’au bout de deux semaines, la brutalité de l’effet de surprise passait et le dispositif perdait de sa force et de sa pertinence.

À entendre mes collègues, les termes du débat ont changé. Il y a plus d’un an, on nous disait que nous ne disposions que de l’état d’urgence pour nous défendre face à une menace si nouvelle et si grave. Aujourd’hui, on entend une musique différente : on nous explique qu’il s’agit d’un dispositif complémentaire permettant de gérer l’ordre public, notamment lors de grands rassemblements selon mon collègue socialiste ; pour M. Larrivé, l’état d’urgence représente même un « véhicule législatif » pour rouvrir des débats sur la législation pénale tenus dans cette assemblée.

Monsieur le président, je crois, et votre rapport le montre bien, que nous avons atteint la limite de l’efficacité du dispositif. Cela transparaît dans l’évaluation des enquêtes ouvertes, des perquisitions administratives et de l’ensemble de ce dispositif, qui n’est pas fait pour durer. Dans sa conclusion, le rapport avance des propositions pour tenter de sortir de l’état d’urgence, que plus personne n’estime totalement pertinent et efficace, mais dont personne ne sait comment sortir : la constitutionnalisation de l’état d’urgence et la transformation de la loi d’application en loi organique.

Cette volonté de sortir de l’état d’urgence m’apparaît comme un aveu. Nous constatons que nous sommes dans une impasse, avec ce dispositif qui nous échappe et dont plus personne ici, au sein de cette Commission, ne défend la pertinence. Je ne suis pas de ceux qui, devant une telle situation, se réfugient derrière une responsabilité quelque peu virtuelle. Il faut parler un langage de vérité à nos concitoyens. Nous avons adopté de nombreux dispositifs qui sont aujourd’hui dans le droit commun : autorisation des perquisitions de nuit à domicile ; reconnaissance, au profit du Parquet, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, de prérogatives quasiment équivalentes à celles des magistrats instructeurs ; procédure pénale permettant la mise en œuvre des contrôles d’identité et autorisant l’inspection visuelle et la fouille des bagages. Notre arsenal législatif ayant été fortement durci, rien ne justifie aujourd’hui une cinquième prorogation de l’état d’urgence d’autant que nous ne savons pas comment nous pourrons en sortir.

M. Guillaume Garot. Face au péril terroriste, qui reste imminent, la prorogation de l’état d’urgence s’impose mais cela ne doit pas nous faire oublier en effet tout l’arsenal juridique que nous avons voté depuis 2012 et qui s’inscrit dans le droit commun. Pour rassurer ceux qui seraient inquiets ou dubitatifs, il importe que le rapporteur montre dans ses réponses en quoi le dispositif de l’état d’urgence est parfaitement complémentaire du droit commun que nous avons institué depuis plus de quatre ans, en ce qu’il lui confère toute son efficacité.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je rebondirai sur ce que vient de dire notre collègue Guillaume Garot. C’est la cinquième fois effectivement que nous examinons un texte visant à proroger l’état d’urgence. Dans le cadre du rapport relatif au contrôle parlementaire, vous avez fait le point, M. le Président, sur toutes les mesures administratives. Il eût été intéressant qu’un audit soit fait afin de déterminer si les dispositions prévues à titre dérogatoire et exceptionnel par l’état d’urgence étaient encore utiles, et si d’autres ne devraient pas leur être ajoutées. Vous avez souligné en effet la semaine dernière qu’on constatait une baisse assez sensible d’un certain nombre de mesures. Il est donc dommage qu’on nous propose à nouveau un dispositif identique alors que la situation a peut-être un peu évolué.

M. le rapporteur. Mon rapport devrait apporter des éléments de réponse à vos différentes questions. Il permet de considérer qu’il est un peu hâtif de balayer d’un revers de main la pertinence du recours à l’état d’urgence dans la période que nous traversons et dans celle que nous allons connaître. Je crois d’ailleurs que les faits contredisent le procès d’intention selon lequel l’autorité administrative mettrait sous l’éteignoir la vie démocratique ou les mouvements sociaux : nous avons vu au cours du premier semestre de 2016 ce qu’il en a été réellement. Il n’est naturellement pas dans l’intention du Gouvernement ni de la majorité d’entraver le libre exercice démocratique du débat préalable aux élections présidentielle et législatives. En revanche, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de disposer de tous les moyens d’assurer la sécurité des rassemblements de personnes et donc de prérogatives pour discuter avec les organisateurs desdits rassemblements.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Prorogation de l’état d’urgence

La Commission examine l’amendement CL14 de suppression de l’article présenté par M. Sergio Coronado. 

M. Sergio Coronado. Dans leur rapport de contrôle présenté la semaine dernière, les deux rapporteurs exprimaient clairement un malaise. Il est d’ailleurs regrettable que Jean-Frédéric Poisson ne soit pas présent ce soir car la position qu’il défend dans ce rapport le conduirait à ne pas voter la prorogation de l’état d’urgence.

Il est en tout cas compliqué de proroger un dispositif législatif qui doit être limité dans le temps et géographiquement – telle est l’essence même de l’état d’urgence. Je rappellerai les propos tenus, dans cette enceinte, par Jean-Jacques Urvoas : « Les mesures que nous allons décider ne dureront qu’un temps limité. Elles ne se comprennent d’ailleurs que par leur obsolescence programmée. » C’est aussi l’avis exprimé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. Nous sommes devant une difficulté : nous prorogeons pour la cinquième fois un dispositif législatif hérité de la IVe République, qui a été voté en période coloniale, qui n’était pas, au départ, destiné à la lutte contre le terrorisme et qui devait être limité dans le temps.

En outre, depuis plus d’un an, nous avons renforcé considérablement notre arsenal législatif et nous disposons à présent d’outils qui n’existaient pas au moment où nous avons voté la première prorogation. Or nous faisons comme si rien n’avait changé. Notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier vient d’ailleurs d’exprimer cette interrogation. La situation a changé, à la fois quant à la nature de la menace et quant aux moyens pour y faire face, mais nous faisons comme si nous étions encore en novembre 2015. Nous ne pouvons nous engager dans une nouvelle prorogation de l’état d’urgence sans procéder à l’évaluation de cette situation nouvelle, de ce qui a été fait et, enfin, des nouveaux moyens dont l’État dispose désormais pour se défendre contre le terrorisme.

Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression de l’article 1er.

M. le rapporteur. Comme vous avez évoqué le Conseil d’État, je vais citer son avis du 8 décembre 2016 : « [Le Conseil d’État] relève la coïncidence entre l’intensité de [la] menace terroriste et la période de la campagne électorale présidentielle et législative qui est importante dans la vie démocratique de la Nation. Le Conseil d’État estime que la conjonction de la menace terroriste persistante d’intensité élevée rappelée ci-dessus et des campagnes électorales, présidentielle et législative, caractérise "un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public" au sens de l’article 1er de la loi du 3 avril 1955. »

M. Guillaume Larrivé. Notre débat tourne un peu à vide du fait de l’absence, que je n’arrive pas à comprendre, du Gouvernement. Compte tenu de ce qu’est l’hémicycle, le dialogue n’aura pas lieu demain en séance publique. C’est ici, devant la commission des Lois, convoquée comme c’est normal à vingt et une heures un lundi, que le ministre de l’intérieur devrait débattre des différents arguments.

Le rapporteur a raison de citer l’avis du Conseil d’État. Je voudrais mentionner aussi le paragraphe 6 de cet avis : « Enfin le Conseil d’État (…) rappelle que les renouvellements de l'état d'urgence ne sauraient se succéder indéfiniment et que l’état d’urgence doit demeurer temporaire. Les menaces durables ou permanentes doivent être traitées, dans le cadre de l’État de droit, par les instruments permanents de la lutte contre le terrorisme, tels ceux issus des lois adoptées ces deux dernières années dans ce domaine ainsi que ceux, le cas échéant, du projet de loi sur la sécurité publique qui sera prochainement examiné par le Parlement. »

Je voterai pour ce texte mais je trouve qu’on nous le fait adopter dans des conditions insuffisamment sérieuses. Il serait utile que le Gouvernement soit représenté. J’aimerais, monsieur le président, que vous nous disiez pourquoi il ne l’est pas ce soir.

M. le président Raimbourg. À la décharge du ministre de l’intérieur, je dois rappeler qu’il n’a été nommé que la semaine dernière et qu’il est confronté à la même difficulté que nous. Tout cela est précipité par la démission du Gouvernement. Il m’a également indiqué qu’il avait dû se rendre à Bruxelles pour le Conseil Justice et affaires intérieures. Le calendrier n’est pas beaucoup plus confortable pour lui que pour nous.

D’après des échanges téléphoniques que j’ai eus avec son cabinet, il me semble que le ministère peaufine la dernière rédaction du texte et procède à des ajustements, en prévision des débats qui vont se dérouler ce soir dans notre commission, demain en séance, mercredi et jeudi au Sénat. Je ne peux pas vous en dire plus car ce sont les seuls éléments en ma possession.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Limitation dans le temps des assignations à résidence

La Commission examine l'amendement CL24 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement est cosigné par le président de notre Commission, qui pourra compléter la présentation que je vais en faire. Il est proposé de ramener de quinze à douze mois la durée maximale de l’assignation à résidence. Il tend aussi à substituer à la condition « d’éléments nouveaux » nécessaires pour reconduire une assignation à résidence au-delà de douze mois, une autorisation expresse par le juge des référés du Conseil d’État. C’est ce dernier qui pourra donner l’autorisation de prolonger une assignation à résidence pour une durée de trois mois éventuellement renouvelable.

Nous mettons en place un dispositif transitoire qui permet de prendre en compte les personnes assignées à résidence depuis plus d’un an à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Une quarantaine de personnes sont concernées. Nous proposons un délai de quatre-vingt-dix jours durant lequel le Gouvernement pourra solliciter du juge administratif un avis favorable pour prolonger les mesures qui les concernent. Nous avons essayé de tenir compte du rapport parlementaire examiné la semaine dernière et de l’avis du Conseil d’État publié le 8 décembre.

M. le président Raimbourg. Mme Attard et M. Coronado, vous avez présenté des amendements qui tomberont si l’amendement CL24 est adopté. Je vous donne la parole pour que vous puissiez vous exprimer sur cet amendement mais aussi, si vous le souhaitez, pour défendre vos propres amendements.

Mme Isabelle Attard. L’amendement CL24 propose que l’assignation à résidence ne dépasse pas douze mois alors que le texte prévoyait quinze mois. Ces durées sont-elles déterminées « au doigt mouillé » ? En tout cas, le rapport dit « Raimbourg-Poisson » préconisait huit mois. Comme mon collègue Sergio Coronado, je considère que cette durée est suffisante pour une privation de liberté. Pourquoi douze mois ?

J’en viens maintenant à mon amendement CL13. Monsieur le rapporteur, il n’y a pas seulement quelques députés isolés pour trouver que l’état d’urgence a été détourné de son objectif initial. Dans Un président ne devrait pas dire ça, il est rapporté des propos tenus en décembre 2015 par le Président de la République. Dans un passage du livre, que je cite intégralement dans l’exposé des motifs de mon amendement, il explique que l’état d’urgence a été utilisé pour surveiller des gens qui ne sont pas forcément liés au terrorisme.

J’aime bien appeler un chat, un chat et je m’efforce d’être cohérente depuis quatre ans et demi. Dans mon amendement, je suggère donc de remplacer « assignations à résidence » par « lettres de cachet ». Sous l’Ancien Régime, la lettre de cachet permettait l’enfermement d’opposants politiques sans autre forme de procès. Étant donné les dérives que nous constatons en matière d’assignations à résidence illégitimes depuis novembre 2015, étant donné tous les arrêtés supprimés en Conseil d’État après les plaintes de personnes qui ont fait l’objet de cette mesure sur la base de quelques notes blanches peu étayées, étant donné la décision du Gouvernement de supprimer certaines assignations avant qu’elles ne soient soumises au Conseil d’État pour éviter que le ridicule ne soit encore plus visible, je pense que la comparaison se justifie.

Nous pourrions considérer que cet état d’urgence et ces assignations à résidence ont servi à maintenir chez eux des opposants à la COP 21, à la loi travail ou à d’autres mesures gouvernementales. Le juge judiciaire n’apparaît pas en amont des décisions prises : on tire d’abord et on pose la question après. C’est un peu l’impression que donnent les assignations à résidence : d’abord, on enferme, quitte à ce que ces personnes ne puissent plus exercer leur profession et subissent des préjudices financiers et personnels extrêmement importants. Cela se passe effectivement sans autre forme de procès. Je trouve que la situation correspond bien à la définition de la lettre de cachet.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, dans le rapport que vous nous avez présenté la semaine dernière avec Jean-Frédéric Poisson, vous pointiez une sorte de dérive des assignations à résidence, en soulignant le peu de procédures judiciaires auxquelles elles ont donné lieu. Il y a ainsi quelque cinquante personnes assignées à résidence depuis la première période, sans qu’aucun élément ne vienne étayer la menace puisque aucune procédure judiciaire n’a suivi.

Dans son avis publié le 8 décembre, le Conseil d’État « a en conséquence estimé nécessaire de fixer dans la loi une limite maximale de douze mois à la durée ininterrompue de l’assignation à résidence d’une personne ». Monsieur le président, la proposition que vous faisiez dans votre rapport me semblait plus intéressante et plus adaptée aux risques que vous aviez vous-mêmes pointés : vous préconisiez qu’une même personne ne puisse pas être assignée plus de huit mois au cours d’une période totale de douze mois.

Je suis sans doute moins radical que ma collègue Isabelle Attard. Je veux avancer et vous convaincre, vous le savez bien dans cette commission, même si mes efforts n’ont pas rencontré beaucoup de succès depuis un an. Je vais finir par me radicaliser ! Je me contentais seulement de reprendre la proposition que vous nous faisiez, monsieur le président. Comme je connais l’autorité que vous exercez sur les membres de cette commission, je ne doute pas qu’ils décideront de vous suivre vous plutôt que le Conseil d’État.

M. le président Dominique Raimbourg. Puisque vous souhaitez des explications, je vais vous les donner, en prenant en compte les difficultés que pose l’écriture de ce genre de textes.

Première observation, je regrette que nous n’ayons pas constitutionnalisé l’état d’urgence. Si nous l’avions fait, nous aurions un cadre constitutionnel et une loi organique qui nous mettraient à l’abri des dérives – hélas, la déchéance de nationalité, que je n’appelais pas de mes vœux, est venue polluer un débat qui, autrement, aurait été plus facile à mener. Je note cependant qu’une partie des opposants à l’état d’urgence – je ne parle pas de vous, monsieur Coronado – prétendaient qu’en le constitutionnalisant, nous le banaliserions... À mon avis, ce n’était pas vrai ; malheureusement, cette critique a prospéré.

Deuxième observation, nous avons essayé de mettre en place toutes les garanties possibles qui nous permettent de nous tenir sur cette ligne de crête si difficile entre l’efficacité et la protection des libertés. Tout d’abord, l’état d’urgence est limité dans le temps. Ensuite, les durées d’assignation évoquées dans l’amendement sont des durées cumulées et non plus continues comme dans le projet de loi. Dans un certain nombre de cas, en effet, les assignations sont levées parce que les personnes qui en font l’objet sont incarcérées. Dans d’autres cas, assez nombreux, l’assignation est levée parce que les intéressés sont internés en psychiatrie – c’est d’ailleurs inquiétant. Le dispositif est pensé comme celui des heures de garde à vue : tous les jours comptent. Par ailleurs, la prolongation sera désormais ordonnée par le juge administratif, quand bien même il s’agit là d’une légère entorse par rapport à la doctrine qui veut que les opérations de police administrative soient soumises non pas à l’autorisation mais au contrôle du juge. Compte tenu des circonstances particulières dont nous parlons, cette précaution me semble nécessaire, quoiqu’elle ne soit pas tout à fait conforme à l’orthodoxie juridique. Enfin, la prolongation autorisée par le juge ne pourra excéder une durée de trois mois – certes renouvelable. Tous les trois mois, il y aura donc une vérification par le juge. C’est important, car un certain nombre de personnes assignées à résidence depuis longtemps n’ont jamais formé de recours. Il faut néanmoins vérifier si leur situation justifie le maintien de cette assignation.

Troisième observation, si le Gouvernement a retenu une durée de quinze mois plutôt que la durée de huit mois préconisée – in abstracto – par le rapport sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence, c’est parce qu’il fallait prendre en compte l’existence de personnes assignées à résidence depuis treize mois. Il était extrêmement délicat de prévoir une durée de huit mois qui ne s’appliquerait pas aux personnes déjà assignées depuis treize mois ; c’était là une rupture d’égalité qui ne nous paraissait pas possible. D’où cette durée de quinze mois, ramenée aujourd’hui à douze, avec la possibilité d’une prolongation.

Dernière observation, madame Attard, si la question des assignations à résidence décidées au moment de la COP21 est toujours posée par certains, à notre connaissance, il n’y a jamais eu d’assignation à résidence pour d'autres opposants. Il n’y en a notamment pas eu à l’occasion des manifestations contre la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Certes, il y eut des interdictions de paraître, ce qui n’est pas la même chose, à l’encontre de manifestants considérés comme violents, et la première vague des interdictions de paraître décidées par la préfecture de police a posé problème puisqu’elles ont été annulées, mais, ensuite, elles n’ont visé que des personnes qui avaient déjà fait l’objet de constatations. Ce ne sont donc pas tout à fait des lettres de cachet, ce n’en sont même pas du tout.

M. Guillaume Larrivé. En l’état, je ne voterai pas cet amendement. La difficulté, pour moi, ne tient pas vraiment au délai. Douze mois ? Quinze mois ? Cela peut se discuter, même si nous aurions aimé entendre les explications du ministre de l’intérieur sur le dispositif proposé et son avis sur celui que tend à lui substituer cet amendement CL24. Cette question est cependant secondaire.

Plus importante me paraît celle de l’autorité qui décidera de l’assignation à résidence. L’amendement que vous proposez marque une véritable dépossession du pouvoir propre du Gouvernement. Dans le texte du projet de loi, c’est toujours l’autorité administrative qui est compétente. Dans son avis, l’assemblée générale du Conseil d’État a noté : « En cas de faits nouveaux ou d’informations complémentaires, [la disposition proposée par le projet de loi] n’interdirait pas aux autorités compétentes de reprendre une mesure d’assignation à résidence d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. »

En revanche, l’amendement CL24 aurait pour effet de dessaisir le ministre de sa compétence pour la transférer au juge des référés. Mais le juge de l’administration n’est pas l’administration ; chacun son métier. Je ne comprends pas trop la raison du changement proposé. Aujourd’hui, le ministre est sous le contrôle du juge administratif. Demain, il sera sous le contrôle du juge administratif pendant douze mois et, ensuite, le juge administratif se substituera à l’administration ! Je n’en vois pas l’intérêt, mais j’en vois bien les risques : déposséder l’autorité politique de sa responsabilité, y compris vis-à-vis de nous, puisque le Gouvernement est responsable devant le Parlement, contrairement au juge des référés du Conseil d’État. Étrange idée que celle de déposséder le Gouvernement de son pouvoir propre.

M. le rapporteur. Tout d’abord, je ne crois pas que les lettres de cachet de l’Ancien Régime aient jamais pu faire l’objet d’un recours en référé ni d’un recours au fond, mais peut-être quelque chose m’a-t-il échappé.

Je précise que l’amendement que nous présentons est le fruit non seulement d’un travail en commun entre le président Raimbourg et moi-même mais aussi d’échanges avec nos homologues du Sénat, qui auront à se prononcer après nous. Nous procédons régulièrement ainsi pour ces textes prorogeant l’état d’urgence. La première fois, c’est l’Assemblée nationale qui a été saisie en premier. Pour les deux textes suivants, c’était l’inverse. Nous préférons bien sûr, notamment pour des raisons de délai et compte tenu du calendrier parlementaire, ne pas devoir réunir une commission mixte paritaire. Nous avons donc travaillé, de manière officieuse, non seulement avec le président Philippe Bas mais aussi avec le rapporteur Michel Mercier.

Il n’y a aucune dépossession de l’autorité administrative. La compétence conférée au juge est celle d’autoriser la prolongation, mais c’est bien le ministre qui prend ou ne prend pas la décision en vertu de l’autorisation donnée. L’amendement dispose également que « l’autorité administrative peut, à tout moment, mettre fin à l’assignation à résidence ou diminuer les obligations qui en découlent en application des dispositions [de l’article 2 ainsi rédigé] ».

Cela veut dire que, s’il est nécessaire et légitime que le pouvoir exécutif rende compte, notamment devant le Parlement, c’est bien le ministre et son administration qui auront à rendre compte devant nous des décisions qu’ils auront prises.

M. Guillaume Larrivé. Quand vous écrivez, monsieur le président, monsieur le rapporteur, que « le ministre de l’intérieur peut toutefois demander au juge des référés du Conseil d’État l’autorisation de prolonger une assignation à résidence au-delà de la durée mentionnée à l’alinéa précédent », cela veut bien dire que c’est le juge des référés qui décidera ou pas de prolonger l’assignation ! J’y vois, nonobstant l’éventuel accord du président Philippe Bas, un glissement.

Nous sommes au cœur du cœur de ce qu’on appelait autrefois la haute police, nous sommes au cœur de la police administrative. Nous parlons d’assignations à résidence préventives, il est question d’un public extrêmement particulier, susceptible de porter très gravement atteinte à l’ordre public. Imaginez-vous concrètement la scène : le ministre de l’intérieur considérant, face à un danger imminent, qu’un individu doit faire l’objet d’une assignation à résidence ne peut plus édicter une telle mesure, il doit aller devant le juge des référés pour faire son métier de police administrative. Je veux bien que M. Bruno Le Roux trouve cela très bien, je veux bien que la commission des Lois du Sénat trouve cela très bien, mais notre responsabilité est de dire ce que nous pensons. Et je pense que ce n’est pas un point de détail, et que cet amendement ne doit pas être adopté.

M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur Larrivé, le « cœur du cœur », ce sont les douze premiers mois, au cours desquels c’est le ministre qui décide d’assigner à résidence, le contrôle du juge s’exerçant a posteriori. Cet amendement propose d’inverser cette logique à l’expiration de ces douze mois, en prévoyant une autorisation a priori.

Nous avons déjà inversé cette logique pour mettre en place la procédure de saisie des données informatiques : la perquisition ne permet pas de saisir des données informatiques, car le Conseil constitutionnel a considéré qu’il s’agissait d’une atteinte excessive aux libertés et qu’une autorisation du juge administratif était nécessaire pour y procéder. Dans ce cas, nous avons donc remplacé le contrôle a posteriori par un contrôle a priori.

Nous nous contentons ici de remettre en place un contrôle a priori pour autoriser des restrictions de liberté, après une première période de douze mois.

M. Guillaume Larrivé. L’argument des saisies informatiques est très bon, mais cette évolution a été faite précisément parce que le Conseil constitutionnel nous y invitait. Dans le cas présent, un avis du Conseil d’État valide expressément l’idée que l’autorité administrative reste compétente dans son champ. Ce n’est pas du tout une décision juridictionnelle qui nous pousse à faire cela, c’est bien un choix de votre part.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je ne peux pas suivre Guillaume Larrivé. Je comprends ses hésitations, je les ai partagées. On ne peut demander au juge administratif, ou plus exactement au Conseil d’État – ce n’est pas exactement la même chose – de se substituer à l’autorité de police. Mais l’exemple donné par le président de notre Commission est tout à fait pertinent, et dans ces conditions, il n'y a pas de difficultés.

Le Conseil constitutionnel n’a pas guidé la main du législateur, il s’est borné à indiquer qu’il n’était pas possible de saisir certains types de matériel. Mais il n’a jamais dit qu’il convenait de demander l’autorisation au Conseil d’État, la solution n’était pas donnée dans sa décision. C’est pourquoi je pense que le précédent avancé par le président est particulièrement instructif : sans lui, j’aurais partagé l’hésitation de M. Larrivé.

M. Sergio Coronado. Je vois dans cette mesure un prolongement de l’inquiétude que vous manifestiez dans votre rapport : un certain nombre de personnes sont assignées à résidence depuis plusieurs mois et aucun contrôle ne s’est opéré sur la pertinence et la validité de la prolongation de ces assignations. Le changement relevé par notre collègue Guillaume Larrivé est une façon d’introduire un contrôle du juge sur la validité de l’assignation à résidence.

M. le rapporteur. Je rappelle que le Conseil d’État, dans son avis du 8 décembre, a estimé nécessaire de fixer dans la loi une limite maximale de douze mois à la durée ininterrompue de l’assignation à résidence d’une personne. Si l’on retient ce principe, au-delà de douze mois, il ne peut y avoir de prolongation.

Le Gouvernement proposait une période de quinze mois, mais ajoutait qu’il fallait disposer d’éléments nouveaux. La difficulté est qu’une personne assignée à résidence est consciente d’être surveillée, et très entravée. Trouver ces éléments nouveaux pourrait donc s’avérer compliqué.

La solution que nous proposons semble à la fois plus réaliste et plus protectrice des droits des personnes assignées à résidence. Plus réaliste pour les raisons que je viens d’évoquer : comment trouver des éléments nouveaux ? Et plus protectrice des libertés, car à l’expiration du délai de douze mois, seule une décision expresse du juge des référés du Conseil d’État pourra permettre la prolongation de l’assignation à résidence, pour une durée maximale de trois mois. Il est donc indispensable d’établir solidement les motivations d’une assignation à résidence qui se prolongerait dans le temps, au regard de la menace pour la sécurité et l’ordre public que constitue le comportement de la personne.

Je rappelle qu’en pratique, sur les 95 assignations à résidence qui perdurent, il est question d’une quarantaine de cas – pas davantage. Parmi ceux-ci, nombre d’entre eux ont fait l’objet de recours, à chaque fois rejetés par le juge administratif. Chacun peut ainsi mesurer la juste proportion de ce qui est en jeu en termes de protection des libertés publiques.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Étant avocat en droit administratif, je connais un peu cette matière, et je ne vois pas sur quelle base juridique le juge des référés du Conseil d’État peut donner une autorisation. Le juge administratif ne peut pas faire d’actes d’administrateur. Il peut suspendre, prendre des mesures utiles, mais je ne comprends pas comment il pourrait donner une autorisation.

M. le président Dominique Raimbourg. Il me semble que la base juridique est le texte de loi lui-même.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est une atteinte au principe même de ce qu’un juge administratif est capable de faire en France.

M. le président Dominique Raimbourg. Nous l’avons déjà fait pour les saisies informatiques. La base juridique est la loi, mais vous avez raison, nous sommes à la limite de l’organisation habituelle.

La Commission adopte l’amendement. En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé, et les amendements CL13 et CL15 tombent.

Après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL19 de M. Julien Dive.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cet amendement soulève deux problèmes : l’excessive sollicitation des services de sécurité du fait de l’état d’urgence ; et les déplacements des ministres qui imposent des déploiements de force importants et entraînent des coûts exorbitants. Alors que nous entrons en période préélectorale, nous devrions être prudents s’agissant des déplacements des ministres, qui agacent souvent la population. Peut-être pourrions-nous limiter tout cela.

M. le rapporteur. Si nous nous replaçons du point de vue du droit, la définition d’un « déplacement facultatif de membres du gouvernement », mentionné dans cet amendement, mériterait d’être précisée. Et mon cher collègue, vous qui connaissez bien les arcanes du droit administratif, ne croyez-vous pas qu’il s’agit d’une injonction au Gouvernement ?

Mon avis est défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Article 3 : Non caducité de l’état d’urgence après la démission du Gouvernement consécutive à l’élection du Président de la République ou à celle des députés de l’Assemblée nationale

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Après l’article 3

La Commission examine l’amendement CL5 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Il s’agit du premier des dix amendements que j’ai déposés avec mon collègue Éric Ciotti. Il vise à instaurer une présomption de légitime défense au bénéfice des policiers et des gendarmes qui accomplissent, dans l’exercice de leurs fonctions, un acte proportionné à la gravité de l’atteinte injustifiée commise envers eux-mêmes ou envers autrui. À cette fin, il complète l’article 122-6 du code pénal qui prévoit déjà une telle présomption au bénéfice du citoyen qui tente nuitamment de repousser un cambrioleur.

Ce sujet, que nous évoquons depuis plusieurs années, n’a hélas pas pu trouver d’aboutissement législatif à ce jour. Pourtant, il nous semble nécessaire, alors que le Gouvernement nous demande de proroger l’état d’urgence, de mieux protéger ceux qui nous protègent en faisant évoluer le cadre de l’usage des armes par les policiers et les gendarmes.

M. le rapporteur. L’article 1er du projet de loi relatif à la sécurité publique, qui doit être présenté en Conseil des ministres le 21 décembre prochain, prévoit de fixer un cadre pour l’usage des armes commun aux policiers et aux gendarmes ainsi qu’aux douaniers et militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions comme l’opération Sentinelle ou protégeant des installations militaires.

Je connais votre impatience sur le sujet, monsieur Larrivé, mais tout vient à point à qui sait attendre. Ce projet de loi sera l’occasion de débattre sereinement et de légiférer en prenant le temps nécessaire, y compris aux échanges entre les deux chambres.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, à titre temporaire, puisque ce débat, loin d’être renvoyé aux calendes grecques, se tiendra lors de l’examen d’un texte qui devrait être inscrit à l’ordre du jour du Parlement dans moins d’un mois.

M. Sergio Coronado. Guillaume Larrivé sait le respect que je lui porte. Bien que j’en approuve rarement le contenu, ses interventions en commission sont souvent éclairantes et utiles au débat.

En revanche, les dix amendements qu’il a déposés, qui s’apparentent à des cavaliers et qui ont déjà fait l’objet de discussions au sein de notre commission, ne me semblent pas appropriés à cette heure tardive. Je ne crois pas qu’ils participent à enrichir le débat sur la pertinence de l’état d’urgence.

Ces amendements permettront à M. Larrivé et à M. Ciotti de porter le débat devant le Parlement et les Français, comme ils ont l’habitude de le faire au travers de propositions de loi très ciblées et parfaitement relayées dans la presse.

Je demande à notre collègue de faire preuve de la rigueur à laquelle il nous a accoutumés en faisant en sorte que ce débat ait lieu dans l’hémicycle.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CL9 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Contrairement à ce que vient de dire M. Coronado, ces amendements n’ont pas seulement vocation à alimenter le débat public.

Depuis que nous débattons de l’état d’urgence, soit depuis plus d’un an, notre groupe a toujours fait part de ses interrogations sur le contenu de l’état d’urgence. Je vous rappelle que lors du précédent débat sur l’état d’urgence, le Parlement s’était prononcé non seulement sur sa prorogation, mais aussi sur des mesures pérennes de nature à renforcer la sécurité de nos concitoyens, que nous jugeons complémentaires de l’état d’urgence stricto sensu.

Nous sommes convaincus qu’on ne peut pas d’un côté proroger l’état d’urgence, et de l’autre, maintenir les policiers et les gendarmes dans un état juridique second, démunis qu’ils sont face à diverses menaces.

Cet amendement fait écho à la récente présentation par le garde de Sceaux d’un rapport sur l’application de la contrainte pénale. Il est déraisonnable, précisément parce que le Gouvernement nous demande de proroger l’état d’urgence, de laisser subsister cette disposition et de l’étendre, ainsi que le prévoit la loi du 15 août 2014 qui a été votée avant les attentats, à l’ensemble des délits passibles d’une peine de cinq ans d’emprisonnement – ce sont des délits très graves – à compter du 1er janvier 2017.

Cet amendement est au cœur du sujet puisqu’il pose la question de l’articulation des différents textes que nous votons.

Il est pour le moins curieux de solliciter du Parlement le vote d’une cinquième prorogation de l’état d’urgence et, dans le même temps, d’accepter que les dispositions sur la contrainte pénale continuent de s’appliquer et que leur extension ne soit pas remise en cause.

M. le président Dominique Raimbourg. Je me départis un instant de la position en retrait que j’adopte habituellement comme président de la commission des Lois pour vous dire que je partage l’avis de M. Coronado. J’écoute toujours vos arguments avec beaucoup d’intérêt, monsieur Larrivé, mais celui que vous avancez me paraît assez faible.

Je vous rappelle qu’en décembre 1958, alors que la guerre d’Algérie faisait rage, sous le gouvernement du général De Gaulle, a été votée la création d’un sursis avec mise à l’épreuve, qui s’applique pour l’ensemble des crimes et délits. Un assassinat, qui est puni d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité, peut aujourd’hui faire l’objet d’un sursis avec mise à l’épreuve ; dans les faits, cela n’arrive jamais parce que le sursis est une possibilité donnée au juge, tout comme la contrainte pénale. Vous niez la réalité en faisant croire que cette peine sera systématiquement prononcée par le juge sous prétexte que la loi le prévoit. La difficulté tient plus aujourd’hui au faible nombre de peines de contrainte pénale prononcées qui ne permet pas de répondre au problème de la surpopulation carcérale.

Je tenais à apporter cette précision sur la loi qui a instauré cette contrainte pénale, dont j’ai été le rapporteur.

M. le rapporteur. Je salue la constance de M. Larrivé. Il comprendra donc la constance de mon avis défavorable sur le même sujet.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement CL4 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Compte tenu du rapport de forces issu des urnes de juin 2012, j’imagine que cet amendement subira le même sort que les précédents. Il vise à instaurer un mécanisme de peine plancher pour la répression des différents types d’agressions commises contre un policier, un gendarme, ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique.

M. le rapporteur. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, mon avis est défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CL3 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Le présent amendement allonge, pour les agressions les plus graves commises contre un policier, un gendarme ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, la période de sûreté pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucune libération conditionnelle, semi-liberté ou autre mesure d’aménagement de peine. La règle proposée consiste à fixer la durée de la période de sûreté aux deux tiers de la peine prononcée, et non plus à la moitié comme actuellement.

M. le rapporteur. Nous avons déjà beaucoup légiféré sur le durcissement des dispositions liées aux aménagements de peine. Cela étant, nous sommes ici en désaccord, donc avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL1 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Le présent amendement porte à vingt ans de réclusion criminelle et à 150 000 euros d’amende la peine applicable à la destruction ou à la dégradation d’un bien par incendie ou par utilisation d’explosifs, lorsqu’il s’agit d’un poste de police ou d’une gendarmerie, ou encore du siège de toute autre autorité publique. À cette fin, il modifie l’article 322-8 du code pénal pour d’autres situations. Je comprends bien, là aussi, que cet amendement ne sera pas adopté ce soir mais j’espère qu’il le sera lors de l’examen du projet de loi relatif à la sécurité publique.

M. le rapporteur. Je propose en effet que nous en débattions à cette occasion, c’est-à-dire au mois de janvier prochain. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CL2 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Il s’agit ici de renforcer la répression des menaces proférées contre un policier, un gendarme ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique - particulièrement lorsque ces menaces s’étendent à l’environnement personnel, à savoir à la famille, de cet agent public. Il est donc proposé de punir de trois ans d’emprisonnement – contre deux actuellement – lesdites menaces.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL17 de M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le présent amendement fait suite à mon exposé liminaire. Le Président de la République et le Premier ministre ont déclaré, après les attentats perpétrés en France, que nous étions en situation de guerre. Il a d’ailleurs fallu un certain temps pour qu’ils s’adaptent à la situation. Or nous nous sommes rendu compte que la coordination des services – notamment le renseignement extérieur – n’était pas au niveau souhaitable, tous les fichiers n’étant pas disponibles pour toutes les forces de police et de sécurité.

Aussi est-il proposé que, pendant l’état d’urgence, soit rendus directement accessibles à toutes les forces de l’ordre et aux services de renseignement, les fichiers ayant un lien direct ou indirect avec la lutte contre le terrorisme.

M. le rapporteur. J’émets un avis défavorable non parce que je serais contre l’amélioration de la fluidité des échanges d’informations entre services – et beaucoup a été réalisé en la matière depuis le début de la législature –, mais pace que votre amendement présente un risque d’inconstitutionnalité pour incompétence négative : comment, en effet, renvoyer à un décret les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre et les services de renseignement seraient autorisés à accéder aux fichiers concernés sans aucune précision ?

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL6 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Il s’agit de préciser les conditions d’emploi de la force armée par les fonctionnaires de la police nationale en les alignant sur celles définies pour les militaires de la gendarmerie.

M. le rapporteur. Cette question sera au cœur de la discussion à venir sur le projet de loi relatif à la sécurité publique. Nous pourrons alors nous efforcer de faire évoluer le droit dans les meilleures conditions possibles, à savoir le rendre conforme à la jurisprudence conventionnelle. Il s’agit en effet d’éviter une doctrine doublement obsolète : d’une part parce que certaines dispositions de la loi de 1903 ne peuvent plus être appliquées et d’autre part parce que la jurisprudence permet d’aller au-delà des limites fixées par la loi en vigueur. Mon avis est défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL7 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Le présent amendement fait écho à un débat ancien au sein des forces de sécurité intérieure, portant sur les tâches indues. Certaines missions aujourd’hui assurées par les policiers ou les gendarmes pourraient en effet l’être par d’autres personnels, notamment ceux de sécurité privée.

C’est pourquoi il s’agit ici de préciser le cadre dans lequel les entreprises de sécurité privée pourraient assurer des missions de garde statique, par l’intermédiaire d’agents pouvant être armés. Comme le préconise le collège du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), les agents concernés devraient bénéficier d’une formation exigeante et répondre à des conditions très strictes et très précises de moralité.

Cet amendement n’est pas sans lien avec l’état d’urgence puisque, à mesure que ce dernier est prorogé, les forces de police et de gendarmerie sont très sollicitées – si bien qu’il serait intelligent de recourir de façon plus précise, « bornée », à des personnels de sécurité privée pour certaines missions périphériques qui ne relèvent donc pas directement des missions régaliennes de l’État.

M. le rapporteur. Je prends votre présente proposition pour un amendement d’appel, monsieur Larrivé, et je puis vous assurer que vous ne serez pas frustré d’un débat sur ce point lors de l’examen du texte sur la sécurité publique. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL8 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Dans la continuité du précédent amendement, celui-ci propose d’en finir avec la règle selon laquelle un garde du corps privé ne peut en aucun cas porter une arme, quand bien même il serait formé par le CNAPS. C’est pourquoi nous proposons que des agents de protection physique des personnes, spécialement formés et habilités, soient désormais autorisés à porter une arme lorsqu’ils assurent la protection d’une personnalité reconnue par l’autorité administrative comme particulièrement menacée.

M. le rapporteur. Même réponse que précédemment – peut-être pourriez-vous avoir satisfaction en la matière, le moment venu…

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL10 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. J’imagine que le présent amendement est celui qui recueillera l’assentiment le plus large de la commission puisqu’il entend commencer, enfin, à solder le passif des années Taubira (Sourires), en abrogeant le II de l’article 19 de la funeste loi du 15 août 2014.

M. le rapporteur. Vous l’avez exprimé avec moins de conviction qu’auparavant - conviction peut-être émoussée par la répétition... Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CL18 de M. Julien Dive.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cet amendement, dont M. Dive est le premier signataire, prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement sur l’impact des prorogations de l’état d’urgence sur les conditions de travail des forces de police et de gendarmerie.

Mme Isabelle Attard. Il s’agit certes d’une demande de rapport mais elle me paraît légitime puisqu’il est question du droit au repos des forces de l’ordre, de leur permettre de travailler dans les meilleures conditions possibles. La question m’a tenu à cœur dès la première prorogation de l’état d’urgence : j’avais alors interrogé le préfet du Calvados, mon département, sur sa manière d’organiser les effectifs, de répartir les repos afin de limiter toute bavure en cas de fatigue excessive. Car personne n’est un surhomme et chacun a droit à des heures de récupération. Or certaines tâches ne sont plus effectuées à cause de l’état d’urgence, comme les extractions – la lenteur de la justice, souvent dénoncée, risque d’en être aggravée.

M. le rapporteur. La question n’est pas illégitime mais ce n’est pas le propos. Lorsque, sous l’impulsion de son président de l’époque, M. Jean-Jacques Urvoas, la commission a adopté cette forme de doctrine consistant à ne pas inciter les députés à demander des rapports au Gouvernement, c’est parce que nous considérions que l’Assemblée dispose des moyens qui lui permettent, sur tout objet l’intéressant – et celui présenté par M. Morel-A-L’Huissier en est un – d’établir ses propres rapports. Et c’est une bonne chose, en tout cas pour tous ceux qui demeurent attachés à l’indépendance du Parlement.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. En l’occurrence, enquêter au sein des forces de police et de gendarmerie serait pour l’Assemblée quelque peu compliqué.

M. le rapporteur. Nous avons toute prérogative pour le faire, mon cher collègue. D’ailleurs, de nombreuses missions d’information s’y sont employées. L’administration est tenue de nous répondre. Or cette attitude que nous avons eue pendant des années, consistant à nous en remettre à l’information que le Gouvernement voulait bien nous communiquer, pourrait être révolue – à condition qu’elle commence de l’être dans notre propre esprit.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte ensuite l’ensemble du projet de loi modifié.

*

* *

La réunion s’achève à 22 heures 30.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Erwann Binet, Mme Colette Capdevielle, M. Sergio Coronado, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Philippe Doucet, M. Guillaume Garot, M. Yves Goasdoué, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Huguette Bello, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Daniel Gibbes, M. Philippe Houillon, Mme Sandrine Mazetier, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg