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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 24 janvier 2017

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 41

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Président

– Audition de M. Daniel Hochedez, dont la nomination à la fonction de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a été proposée par le Président de l'Assemblée nationale, et vote sur cette proposition de nomination dans les conditions prévues par l'article 29-1 du Règlement (M. Guy Geoffroy, rapporteur)

– Présentation du rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2016-564 du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme (MM. Guillaume Larrivé et Patrick Mennucci, rapporteurs)

La réunion débute à 16 heures 30.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission examine tout d’abord, sur le rapport de M. Guy Geoffroy, la nomination de M. Daniel Hochedez à la fonction de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, proposée par le Président de l’Assemblée nationale.

M. le président Dominique Raimbourg. Chers collègues, nous sommes réunis pour procéder à l’examen de la nomination de M. Daniel Hochedez à la fonction de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. C’est la troisième fois que nous nous prononçons sur une nomination relative à cette instance, après celle de M. Jean-Louis Nadal, nommé président par le Président de la République et celle de Mme Danièle Rivaille, désignée par le président de l’Assemblée nationale.

Conformément à l’article 19 de la loi du 11 octobre 2013, la nomination requiert un avis conforme à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Nous allons nous prononcer sur cette nomination selon les règles qui nous sont coutumières. La Commission a désigné parmi les membres de l’opposition un rapporteur, M. Guy Geoffroy, qui a adressé un questionnaire à M. Hochedez, lequel y a répondu par écrit. Ces réponses ont été mises en ligne sur le site de l’Assemblée nationale et vous ont été adressées hier avec quelques éléments biographiques sur M. Hochedez. L’audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le portail vidéo du site de l’Assemblée. Elle sera immédiatement suivie d’un vote et du dépouillement du scrutin.

M. Daniel Hochedez. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré et ému de comparaître aujourd’hui devant vous, à la suite d’une marque de confiance de M. le Président Bartolone qui a bien voulu me pressentir pour exercer les fonctions de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, fonctions dont il vous revient d’apprécier si je suis apte et digne de les exercer.

Je passe de l’autre côté du miroir : pendant toute ma carrière, j’ai été, dans d’autres instances de votre Assemblée, à la place de mes jeunes collègues qui entourent aujourd’hui votre président et votre rapporteur. Puis-je rejoindre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en tant que « personnalité qualifiée » ? La seule qualification que j’ose me reconnaître est d’avoir essayé, au long de ma vie professionnelle, d’accomplir au mieux les missions qui m’étaient confiées.

En me référant au trombinoscope de votre commission, je me suis rendu compte que je devais être un parfait inconnu pour la plupart d’entre vous. Il est vrai que j’ai quitté l’Assemblée nationale il y a maintenant trois ans et demi et que mon parcours ne m’a jamais directement conduit auprès de cette commission, même si je reconnais parmi vous des visages qui m’ont été rendus familiers dans d’autres instances de l’Assemblée. Je vais donc tâcher de vous résumer brièvement quel a été mon parcours, au-delà du curriculum vitae qui vous a été transmis et des réponses aux questions que m’a posées M. le rapporteur.

J’aurai bientôt soixante-sept ans, je suis issu d’une famille de province et je suis conscient que je dois beaucoup à l’école de la République. À vingt-et-un ans, après une maîtrise de droit et une formation à l’École nationale des impôts, j’ai exercé pendant trois ans les fonctions d’inspecteur des impôts dans un service dédié aux non-résidents, au sein duquel il fallait, outre la loi fiscale, appliquer les conventions internationales. Parallèlement, j’ai poursuivi mes études, obtenant le diplôme de l’Institut d’études politiques. Une sélection administrative m’a permis de bénéficier d’une année sabbatique pour préparer le concours de l’École nationale d’administration ; entre-temps, la réussite au concours d’administrateur m’a ouvert en 1975 les portes du Palais-Bourbon, où j’ai servi près de quarante ans – traversant dix législatures – sans lassitude et, bien au contraire, avec un plaisir et un enthousiasme toujours renouvelés.

Fonctionnaires de l’Assemblée, nous avons la chance, au cours d’une carrière qui se déroule dans les quelques milliers de mètres carrés qui nous entourent, de pouvoir nous tourner vers de multiples horizons. Jeune administrateur, je fus affecté à la commission de la Production et des échanges où j’ai notamment suivi des sujets très nouveaux pour moi – l’équipement, le logement, l’urbanisme, l’environnement – à une époque déjà fertile en réformes.

Puis, au début des années 1980, les autorités de cette maison ont décidé que l’équipe qui travaillait aux côtés du Rapporteur général de la commission des Finances ne serait plus composée de fonctionnaires du ministère des Finances – fâcheuse confusion entre contrôleurs et contrôlés – mais de fonctionnaires de l’Assemblée. J’ai donc participé à cette nouvelle équipe et nous avons défriché les matières budgétaires et fiscales face à un ministère des Finances dont il nous fallait littéralement arracher, pour le compte des parlementaires et du Rapporteur général, la collaboration et le respect.

Au milieu des années 1980, j’ai rejoint le service de la Séance où j’ai exercé pendant sept ans. Outre les travaux classiques de préparation des dossiers de séance, j’étais chargé des immunités et des incompatibilités parlementaires, sujets sensibles et juridiquement pointus qui ne sont pas sans lien avec les questions qui vous retiennent aujourd’hui. En 1988, j’ai été conduit à informer vos prédécesseurs des modalités nécessaires pour s’adapter à une innovation résultant des lois du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique : la première déclaration de patrimoine exigée des élus.

Changement de perspective en 1991 : j’ai été désigné chef du secrétariat de la délégation pour les Communautés européennes, ancêtre de l’actuelle commission des Affaires européennes. Ce fut une mission passionnante : j’ai participé pendant six ans à l’élaboration et à la mise en œuvre de procédures permettant aux parlementaires d’être informés et d’intervenir en amont dans l’élaboration d’une législation communautaire de plus en plus prégnante.

En 1997, je suis retourné à la commission des Finances en tant que chef du secrétariat du Rapporteur général. Aux activités législatives fiscales et budgétaires s’est ajouté ce qui constitue la plus grande fierté de ma carrière et de ma vie administrative : deux années de travaux pour aboutir à la rénovation, par les parlementaires eux-mêmes, de notre Constitution financière, avec l’élaboration de la loi organique relative aux lois de finances de 2001.

Ensuite, un nouveau défi s’est présenté : la direction de l’informatique de l’Assemblée. Je n’y étais guère préparé mais j’ai essayé, de 2001 à 2005, sous l’impulsion et avec le soutien du collège des Questeurs, de moderniser un outil vital pour le fonctionnement de l’institution avec, entre autres, la mise à la disposition de chaque député d’un équipement informatique dans son bureau – une première – et les développements initiaux qui ont abouti à la faculté que vous avez désormais de déposer vos amendements en ligne.

Puis, en 2006, les autorités m’ont confié la direction d’une nouvelle structure, le service de la Culture et des questions sociales, afin de mieux mobiliser des ressources humaines dispersées et inégalement employées pour faire face, notamment, à la nécessaire augmentation des travaux de contrôle.

Dernière étape, enfin : mon retour en 2008 auprès de la commission des Finances comme directeur du service des Finances publiques, où il me revenait de gérer les collaborateurs d’une instance bicéphale dotée – innovation importante – d’un président d’opposition et d’un Rapporteur général de la majorité. J’ai ensuite pris ma retraite avec le titre de directeur honoraire.

Parallèlement, j’avais été chargé pendant une dizaine d’années de modestes travaux dirigés en droit constitutionnel – une tâche intellectuellement rafraîchissante – et je me suis aussi efforcé de contribuer à des ouvrages permettant de mieux faire connaître l’Assemblée. Depuis ma retraite, je n’ai pas complètement rompu les ponts avec l’institution, me considérant comme « réserviste » et participant en tant que de besoin à des missions de formation : ainsi, j’étais il y a peu auprès des assemblées de Madagascar dans le cadre du dernier sommet de la Francophonie. J’ai également apporté mon concours à des instances du Conseil de l’Europe où siègent parlementaires et élus locaux.

Une personne ne se résume cependant pas à une carrière – surtout achevée – et si vous me le permettez, monsieur le président, je vous dirai quelques mots de ce que je fais lorsque je ne suis pas « réserviste » pour l’Assemblée nationale. Un peu d’écriture, d’abord : j’écris des articles dans des revues locales de la terre de mes ancêtres paternels, l’Argonne. Je vais bientôt publier une biographie de l’un de vos lointains prédécesseurs, au demeurant peu connu – Robert François George, qui était député à la Constituante et maire de Varennes-en-Argonne lors de l’arrestation de Louis XVI en juin 1791. Un engagement associatif, ensuite : je participe à des actions de solidarité, à des activités mémorielles et culturelles et à des actions en direction des jeunes, particulièrement dans l’enseignement professionnel.

Cela étant dit, la question qui se pose aujourd’hui est celle-ci : suis-je qualifié pour siéger au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ? Je ne suis certes pas un spécialiste de ces questions, même si je les ai un peu abordées au cours de ma carrière et si je m’y plonge activement depuis quelques jours. J’ai toutefois le sentiment que mon parcours montre que j’ai été en mesure de m’adapter et de prendre à bras-le-corps les sujets divers et parfois tout nouveaux pour moi auxquels les hasards de ma vie administrative et de l’actualité politique m’ont confronté.

Au-delà de la technique, qui s’acquiert, les compétences et l’action de la Haute Autorité exigent de ses membres des qualités qui recoupent celles qu’exigent les fonctions que je me suis efforcé d’exercer – sans trop démériter, je crois – dans les services de l’Assemblée. M. le rapporteur m’ayant invité au péché d’immodestie, j’ai cité, en réponse à son questionnaire, quelques-unes de ces qualités que je ne rappellerai ici qu’en quelques mots : neutralité et impartialité, discrétion, nécessité de pratiquer des analyses objectives, écoute et dialogue, loyauté et respect des institutions et de la volonté du législateur.

Je me permettrai de souligner un dernier point : ma longue présence, dans l’ombre, aux côtés de décideurs dans cette maison, peut m’avoir donné le recul nécessaire pour l’exercice des compétences de la Haute Autorité, dont une me paraît assez délicate : l’appréciation d’éventuels conflits d’intérêts. M. le rapporteur m’a interrogé sur ce point et je me suis efforcé de lui répondre. Dans ce domaine, j’espère pouvoir apporter la vision sans a priori d’un citoyen un peu éclairé et conscient sur les contraintes et les modes de raisonnement des femmes et des hommes qui participent à l’exercice du pouvoir.

Le mouvement législatif qui s’est poursuivi et accéléré en 2013 est à la mesure des soucis et des attentes de l’époque. Je crois que nous ne sommes pas pour autant entrés dans « l’ère du soupçon ». Si la transparence et le contrôle sont indispensables à la confiance, leur mise en œuvre doit s’accompagner de mesure, de bon sens et de respect pour ceux qui ont été élus ou désignés pour exercer des responsabilités publiques éminentes.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, il y a quelques semaines je n’étais candidat à rien, mais M. le Président de l’Assemblée nationale m’a convié à ce que je considère comme une belle aventure, utile pour nos institutions et pour notre pays puisqu’il s’agirait d’apporter une contribution à un exercice visant à conforter, sans céder ni à l’inquisition, ni au voyeurisme ni au soupçon permanent, les bases du lien de confiance entre les citoyens et ceux qui participent à l’exercice du pouvoir.

Je me présente donc aujourd’hui devant vous comme candidat à cette fonction et je vous remercie de votre attention, en espérant que j’ai pu vous convaincre que j’ai sinon les qualités et les connaissances techniques, du moins la volonté d’exercer, conformément à la loi qui relève du seul législateur, les fonctions de membre de la Haute Autorité avec conscience, indépendance, objectivité, impartialité et discrétion, en m’efforçant d’être durant mon éventuel mandat digne de votre confiance, si vous voulez bien valider ma désignation.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je tiens avant tout à remercier M. Hochedez de s’être prêté à ce jeu de questions et de réponses dans des conditions pourtant délicates, puisque le délai était très court, et d’avoir tout fait pour que ses réponses ne soient ni laconiques ni évasives, malgré l’absence de recul ; cela mérite d’être salué, de même que la manière dont il vient de prolonger ses réponses et son éloquent curriculum vitae.

La décision de nommer une « personnalité qualifiée » – notion très complexe – à la Haute Autorité se fonde naturellement sur des valeurs, que vous avez évoquées par écrit comme à l’oral, monsieur Hochedez. Vous avez aussi insisté sur votre expérience – elle est incontestable – et sur votre vécu, notamment les trente-huit années que vous avez passées dans cette Assemblée aux côtés des « décideurs », selon votre expression, que sont les parlementaires.

Vous n’ignorez pas que votre participation aux travaux de la Haute Autorité concernera bien entendu les députés, les sénateurs et les députés européens, mais aussi un nombre beaucoup plus important de responsables publics – de l’ordre de 14 000 – soumis à son contrôle. Les réponses écrites que vous nous avez transmises nous ayant tout à fait satisfaits, j’ajouterai simplement la question suivante. Vous écrivez avec modestie que vous n’êtes « aucunement » spécialiste des questions dont vous aurez à traiter pendant six ans ; sans en être vraiment spécialiste, vous ne l’êtes pas non plus « aucunement » ! En matière de conflits d’intérêts, comment envisagez-vous votre participation aux travaux et aux décisions de la Haute Autorité vis-à-vis des autres décideurs que sont l’ensemble des élus des collectivités locales de la République ? La relation entretenue avec ceux à qui l’on s’efforce de faire connaître un point de vue n’est sans doute pas de même nature qu’il s’agisse de parlementaires, qui ont à écrire la loi – ce qui n’est pas une mince décision – ou d’élus locaux qui, certes, sont chargés d’établir la loi locale dans leurs assemblées délibérantes, mais aussi d’attribuer des marchés et de prendre des décisions engageant directement l’économie de leur collectivité, l’instance de décision étant alors étroitement liée à l’environnement dans lequel elle prend ses décisions. La notion de conflit d’intérêts doit-elle selon vous être abordée à l’identique ou différemment selon les catégories d’élus concernés ?

M. Guillaume Garot. Je vous remercie pour votre exposé, monsieur Hochedez, ainsi que pour les réponses écrites que vous avez apportées aux questions qui vous ont été adressées et que j’ai lues avec beaucoup d’intérêt. Vous évoquez un nécessaire changement de culture pour pouvoir exercer les missions de la Haute Autorité telles qu’elles sont définies dans la loi. Selon vous, quelle articulation existe donc entre l’éthique à laquelle les parlementaires sont tenus et le fonctionnement de la Haute Autorité, et quelle doctrine défendrez-vous concernant les conflits d’intérêts ?

M. Paul Molac. Je vous remercie, monsieur Hochedez, d’avoir précisé que vous veniez d’Argonne, et non pas simplement de « province », un terme qui agace quelque peu le Breton que je suis, car je suis bien breton et non provincial – ne faisons pas comme s’il n’y avait au-delà des limites de Paris qu’un marais indistinct.

Puisque vous avez abordé la question des conflits d’intérêts, permettez-moi de citer quelques exemples dont j’ai entendu parler à droite ou à gauche. Que dire d’un député qui continuerait d’exercer dans un cabinet de conseil et dont les émoluments perçus à ce titre dépassent de loin son indemnité parlementaire au point, parfois, d’atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros ? De même, un député peut-il demeurer salarié d’un grand groupe et cela ne risquerait-il pas de susciter un conflit d’intérêts ? Je n’ai pas de doctrine arrêtée sur de telles situations, dont on entend dire qu’elles existent. Quel sentiment vous inspirent-elles ?

M. Daniel Hochedez. Je vous remercie, monsieur le président, monsieur le rapporteur, ainsi que les parlementaires qui ont bien voulu m’interroger pour aller au-delà de mes réponses écrites et de mon intervention liminaire.

Comme l’a souligné le rapporteur, la charge de travail de la Haute Autorité est énorme puisqu’elle couvre plusieurs milliers de déclarations – quelque 14 000 personnes aux niveaux de responsabilité très divers. Il est sûrement nécessaire d’adopter une approche différente en fonction de ces niveaux. En particulier, les responsabilités locales mettent en jeu des relations de proximité, des relations d’intérêts très concrets sur le terrain. L’approche ne doit donc pas être la même que s’agissant de personnes appelées à faire la loi de la République. Pour traiter les dossiers locaux sans avoir d’a priori particulier, il faudra s’efforcer de les apprécier avec bon sens en s’appuyant sur des considérations d’ordre éthique répondant aux attentes de tous les citoyens. Dans la loi votée par le Parlement, la notion de conflit d’intérêts fait apparaître la nécessité non seulement de s’attacher au fait mais aussi de prendre en compte l’apparence. J’essaierai donc, dans le cadre de l’examen de ce type de dossiers, de me mettre, si je puis dire, dans la peau du citoyen. J’essaierai aussi de prendre en compte le fait que c’est la bonne foi – et non la mauvaise – qui se présume. Je considère que lorsqu’on doit traiter de questions éthiques et apprécier le comportement de telle ou telle personne, il faut éviter les a priori et tenir compte du fait que tous les élus et décideurs sont des gens qui ont accepté de prendre des responsabilités et de faire certains sacrifices. À ce titre, ils doivent a priori être considérés comme étant de bonne foi. Les dossiers doivent être examinés avec pragmatisme, sans esprit doctrinal ni suspicion.

Il est vrai que j’ai plus d’expérience des décideurs que vous êtes, mesdames et messieurs les députés, ou d’autres décideurs que j’ai pu côtoyer au niveau de l’État central que des décideurs locaux. Je pense néanmoins qu’avec du bon sens et la volonté de se mettre dans la peau du citoyen mais aussi de celui dont on examine le dossier, on peut arriver à des solutions équilibrées. J’ai cru comprendre, en lisant le dernier rapport d’activité de la Haute Autorité, que sa façon de traiter les dossiers était précisément fondée sur le dialogue et la pédagogie. Je crois aussi que les choses vont se lisser car les lois récentes appellent un changement de culture et que celui-ci progresse dans les esprits. L’important est que la loi conduise chaque décideur à se poser des questions. Je commence moi-même à m’en poser : devrai-je me déporter lorsqu’éventuellement la Haute Autorité examinera la déclaration de madame ou monsieur Untel, députés ?

Je pense avoir répondu à la question de M. Garot.

S’agissant de l’Argonne et de la Bretagne, monsieur Molac, nous ne jouons pas dans la même cour – l’Argonne étant un tout petit territoire à cheval sur trois départements et, jusqu’il y a peu, sur deux régions. (Sourires.) Quant aux cas évoqués de députés qui seraient en même temps membres d’un cabinet de conseil ou salariés d’un grand groupe, ils relèvent, selon moi, du législateur. La législation sur les incompatibilités et sur la transparence de la vie publique est sédimentaire : chaque fois qu’un cas problématique se présente, on essaie de poser un verrou, d’élaborer une loi. Je n’ai pas de réponse a priori aux questions que vous avez soulevées : je dirais qu’elles ne relèvent pas de ma responsabilité. Si vous voulez bien valider la proposition qui a été faite par M. le président de l’Assemblée nationale, ma mission sera d’appliquer la loi, toute la loi, rien que la loi et, en cas de problème, d’essayer de déterminer quelle était la volonté du législateur. Quant à savoir s’il faut interdire à un député d’avoir telle ou telle activité, il appartient aux parlementaires d’en décider et à moi-même, le cas échéant, d’appliquer leur décision, étant précisé qu’un certain nombre de mesures d’application de cette législation relève – et c’est bien légitime – des autorités constituées au sein de chacune des assemblées.

M. le président Dominique Raimbourg. Nous vous remercions. Nous allons maintenant procéder, hors de votre présence, au scrutin à bulletins secrets.

Délibérant à huis clos, la Commission procède au vote au scrutin secret, en application de l’article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, sur la nomination de M. Daniel Hochedez comme membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Il est procédé au scrutin par appel nominal.

Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :

Nombre de votants : 9

Bulletins blancs ou nuls : 0

Suffrages exprimés : 9

Avis favorables : 9

Avis défavorables : 0

La Commission émet, à l’unanimité, un avis favorable à la nomination de M. Daniel Hochedez à la fonction de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

*

* *

La Commission examine le rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2016-564 du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme (MM. Guillaume Larrivé et Patrick Mennucci, rapporteurs).

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, le 28 avril 2016, l’Assemblée nationale adoptait définitivement, à l’unanimité, en deuxième lecture, la proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme. Ce texte était nécessaire. Avant son adoption, les outils visant à prévenir les violences dans les enceintes sportives et à leurs abords apparaissaient insuffisamment efficaces. Or, face à la multiplication des incidents survenus à l’occasion de rencontres sportives, parfaitement intolérables et profondément contraires aux valeurs du sport, les pouvoirs publics ne pouvaient pas rester inactifs.

La loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme a donc opportunément donné aux clubs sportifs les moyens de mieux assumer leurs obligations en matière de sécurité et modifié, pour le rendre plus efficace, le régime des interdictions de stade – de nature administrative surtout mais aussi judiciaire.

Par ailleurs, le législateur s’est attaché à faciliter les modalités du dialogue entre les supporters, les clubs et les pouvoirs publics en même temps qu’il a confié aux premiers un rôle plus important dans l’organisation des manifestations et compétitions sportives ainsi que dans la promotion des valeurs du sport.

Pour produire pleinement leurs effets, certaines dispositions de la loi devaient être complétées par des mesures réglementaires. C’est pourquoi nous avons souhaité, Guillaume Larrivé et moi, procéder à l’évaluation de la mise en application du texte dans les conditions prévues à l’article 145-7, alinéa 1, du Règlement de l’Assemblée nationale.

Avant de faire état des décrets pris pour l’application de la loi qui figurent en annexe du rapport, nous rappellerons brièvement les principales dispositions du texte adopté en avril dernier. Je présenterai les dispositions destinées à doter les clubs sportifs et les pouvoirs publics d’outils plus efficaces pour prévenir les violences dans les stades et à leurs abords.

À titre liminaire, il faut rappeler qu’avant la loi du 10 mai 2016, les clubs disposaient de marges de manœuvre limitées pour éloigner des stades les personnes n’y ayant pas leur place. Certes, il leur incombait d’en refuser l’accès aux personnes interdites d’y pénétrer. Mais, pour le reste, un flou juridique entourait les conditions dans lesquelles ils pouvaient refuser de vendre un billet ou interdire l’accès au stade aux personnes qui, sans être sous le coup d’une interdiction de stade, présentaient, au regard de leur comportement, une menace pour la sécurité des autres spectateurs, des sportifs ou de l’arbitre.

C’est pourquoi l’article 1er de la loi a inséré, à l’article L. 332-1 du code du sport, une disposition qui ouvre aux clubs la possibilité de refuser ou d’annuler la délivrance de titres d’accès à ces manifestations ou d’en refuser l’accès aux personnes qui auraient contrevenu ou contreviendraient aux dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur relatives à la sécurité desdites manifestations. Parallèlement, et pour garantir l’effectivité du dispositif, le législateur les a autorisés à établir un fichier de façon qu’ils soient en mesure de conserver une trace des comportements irrespectueux des dispositions en question. Un décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) devait préciser les conditions dans lesquelles les clubs peuvent mettre en œuvre un tel fichier.

Ce décret a été pris le 28 décembre 2016. Il définit, dans une nouvelle section du chapitre II du titre III du livre III de la partie réglementaire du code du sport, les règles qui s’imposent aux clubs dès lors qu’ils décident d’élaborer un fichier de ce type. Concrètement, il dresse la liste exhaustive des informations qui peuvent y être mentionnées : identification des individus concernés, motifs de l’enregistrement, décisions prises par les clubs ; il fixe la durée maximale de conservation des informations en question ; il donne le détail des personnes qui peuvent y accéder ou en avoir simplement connaissance ; il organise la traçabilité des opérations de consultation du fichier ; il impose aux clubs de porter à la connaissance du public plusieurs informations relatives au fichier.

Les articles 3 et 4 de la loi ont, pour leur part, modifié le régime de l’interdiction de stade. Le premier a porté la durée de l’interdiction administrative de stade, prévue à l’article L. 332-16 du code du sport, de 12 à 24 mois, voire 36 mois – et non plus 24 – dans le cas où la personne aurait déjà fait l’objet d’une telle mesure au cours des trois années précédentes. Le second a prévu, aux articles L. 332-15 et L. 332-16 du même code, que les organismes sportifs internationaux pourraient désormais être destinataires de l’identité des personnes faisant l’objet d’une interdiction judiciaire ou administrative de stade dès lors qu’une équipe française participerait à la manifestation qu’ils organisent.

Enfin, l’article 5 de la loi a défini de nouvelles règles applicables à la vente des cartes annuelles d’abonnement aux stades, cartes qui ne peuvent plus être vendues que par le club, une société commerciale mandatée par lui à cet effet ou un comité d’entreprise, ainsi que le prévoit le nouvel article L. 332-1-1 du code du sport. Ce même article précise que ces titres d’accès peuvent être nominatifs.

Je me félicite que le décret nécessaire à l’entière application de l’article 1er de la loi ait été pris. J’ajoute que les dispositifs créés par la loi du 10 mai 2016 qui visent à mieux prévenir les violences commises lors des rencontres sportives commencent à être utilisés. Il faut que les clubs se les approprient pleinement, ce que la publication des mesures réglementaires ne manquera pas de favoriser, et j’espère que le travail que nous avons accompli avec Guillaume Larrivé pourra y contribuer.

M. Guillaume Larrivé, rapporteur. Notre collègue Patrick Mennucci a exposé avec beaucoup de précision combien le premier volet de la loi était en cours d’application ; le second l’est tout autant. Comme vous vous en souvenez, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient souhaité, à l’unanimité, que ce dispositif législatif comporte non seulement des mesures de prévention des violences dans les stades, mais aussi un volet prévoyant une meilleure implication des supporters dans le monde du sport.

Avec le concours des différents groupes politiques, et l’engagement actif du secrétaire d’État chargé des sports, nous étions parvenus à inscrire dans la loi trois avancées.

La première consiste à introduire dans la partie législative du code du sport la définition du rôle des supporters et de leurs associations, lesquels doivent, par leur comportement et leur activité, participer au bon déroulement des manifestations et compétitions sportives et concourir à la promotion des valeurs du sport.

La deuxième consacre le principe de la création d’une instance nationale du supportérisme chargée de contribuer au dialogue entre les supporters et les autres acteurs du sport et de réfléchir à la participation des supporters au bon déroulement des compétitions sportives et à l’amélioration de leur accueil.

La troisième confie aux clubs le soin d’assurer le dialogue avec leurs supporters via la désignation d’un ou plusieurs référents chargés de remplir cette mission. Cette procédure s’inspire de l’article 35 du Règlement de l’Union européenne des associations de football (l’UEFA) sur l’octroi de licence aux clubs et le fair-play financier.

L’entrée en vigueur de ce dispositif législatif assez simple nécessitait un décret. Celui-ci a été publié dès le 13 juillet 2016, soit deux mois après l’entrée en vigueur de la loi. Il a inséré un chapitre IV dans le titre II du livre II de la partie réglementaire du code du sport. L’instance nationale du supportérisme est donc désormais opérationnelle, et devrait se réunir pour la première fois au mois de février prochain.

Le décret établit le cadre juridique des relations entre les clubs sportifs et leurs supporters et précise les modalités de désignation des référents – le ministère nous a indiqué que ces désignations étaient en cours.

Le décret définit également les règles relatives à l’agrément des associations de supporters appelées à siéger au sein de l’instance nationale du supportérisme et à formuler un avis sur la désignation des référents. C’est peut-être ce qu’il faut retenir de l’application de ce volet de la loi : de nombreuses associations de supporters se sont manifestées pour demander leur agrément, non seulement dans le monde du football, mais aussi dans celui du basketball, du handball ou du rugby. À ce stade, trente-neuf associations, dont la liste figure dans le rapport, ont été agréées par le ministère chargé des sports. Cela montre une certaine appropriation par le monde du supportérisme des outils que nous lui avons donnés.

Je pense donc pouvoir conclure la présentation de ce rapport en disant que nous avons fait œuvre utile en votant à l’unanimité, non pas une cathédrale législative, mais ce texte court comprenant deux volets aujourd’hui pleinement opérationnels, le Gouvernement ayant su prendre les textes d’application avec diligence. Il revient désormais aux différents acteurs sur le terrain de s’approprier pleinement ces outils, ce qui, me semble-t-il, est en bonne voie.

M. le président, Dominique Raimbourg. Il ressort de votre rapport que tous les textes d’application nécessaires ont été pris, que l’instance nationale du supportérisme est en place et que le dispositif est complet. Dès lors, est-il possible d’avoir une appréciation de l’efficacité du dispositif ? Une baisse du nombre des incidents et violences a-t-elle été constatée ou est-il trop tôt pour dresser un premier bilan ?

M. Guillaume Larrivé, rapporteur. Le décret d’application du premier volet de la loi ayant été pris il y a un mois, il est en effet trop tôt pour mesurer l’impact des nouvelles mesures. Je peux indiquer, en revanche, que 249 interdictions de stade sont en cours d’exécution : 107, sous le régime administratif, 142 sous le régime judiciaire.

La Commission autorise à l’unanimité la publication du rapport.

La réunion s’achève à 17 heures 30.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Éric Ciotti, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Guillaume Garot, M. Guy Geoffroy, M. Guillaume Larrivé, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Huguette Bello, M. Sergio Coronado, Mme Laurence Dumont, M. Daniel Gibbes, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Marie-Jo Zimmermann