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Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité

Mercredi 14 janvier 2015

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 8

Présidence de M. François Brottes, Président

–  Suite de l’examen, ouvert à la presse, du projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques)

–  Présences en réunion

La commission poursuit l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques).

La réunion commence à seize heures trente.

Article 12 : Rénovation des modalités de détermination de certains tarifs réglementés (suite)

La Commission examine l’amendement SPE1804 des rapporteurs.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Le présent amendement vise à inscrire dans la loi le principe d’une révision quinquennale des tarifs, conformément à la proposition n° 12 de la mission d’information de la commission des Lois sur les professions juridiques réglementées.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Pour garder la possibilité de réviser les tarifs plus souvent, je propose de remplacer « tous les cinq ans » par « au moins tous les cinq ans ».

La Commission adopte l’amendement SPE1804 ainsi rectifié.

La Commission examine les amendements identiques SPE142 de M. Philippe Houillon et SPE322 de M. Patrick Hetzel.

M. Philippe Houillon. Cet amendement vise à supprimer l’avis obligatoire de l’Autorité de la concurrence prévu par le projet de loi. Les prestations juridiques doivent rester de la compétence exclusive du garde des Sceaux.

M. Patrick Hetzel.  Mon amendement est identique.

M. le président François Brottes.  Monsieur le ministre, prenez-vous ces amendements comme une agression ?

M. le ministre. Pas du tout, mais je les trouve répétitifs. Pour ne pas reprendre des arguments que j’ai déjà développés ce matin, je me contenterai d’émettre un avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable. Au cours des travaux de la mission, nous étions convenus de confier à l’Autorité de la concurrence le soin de publier une grille de tarifs.

La Commission rejette les amendements SPE142 et SPE322.

L’amendement SPE751 de M. Jean-Christophe Fromantin n’a plus d’objet.

Puis la Commission examine l’amendement SPE1732 des rapporteurs.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Le présent amendement vise à faire participer les associations de consommateurs et d’usagers du droit à l’élaboration de l’avis public que l’Autorité de la concurrence pourra émettre, soit à la demande du Gouvernement, soit de sa propre initiative, à la fois sur les prix réglementés dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée, ou encore sur les tarifs réglementés applicables aux professions visées.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE1732.

Puis elle en vient aux amendements identiques SPE143 de M. Philippe Houillon et SPE323 de M. Patrick Hetzel.

M. Philippe Houillon. Cet amendement conteste, une nouvelle fois, le rôle accordé à l’Autorité de la concurrence. On peut considérer qu’il est défendu.

M. Patrick Hetzel. C’est la même chose.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure thématique, la Commission rejette les amendements SPE143 et SPE323.

Puis elle examine l’amendement SPE1733 du rapporteur général qui fait l’objet d’un sous-amendement SPE1865 de Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Ce sous-amendement propose que l’Autorité de la concurrence soit informée deux mois avant chaque révision de tarif.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Je suis favorable à ce sous-amendement sous réserve qu’il soit inséré après le mot « celle-ci » et non pas après le mot « concurrence », pour ne pas faire disparaître l’idée que la communication se fait à la demande de l’Autorité de la concurrence.

Mme Michèle Bonneton. Je suis d’accord.

La Commission adopte le sous-amendement SPE1865 ainsi rectifié, puis elle adopte l’amendement SPE1733 sous-amendé.

En conséquence, l’amendement SPE761 de Mme Michèle Bonneton tombe.

La Commission adopte successivement les amendements de coordination SPE1734 et SPE1735, et l’amendement rédactionnel SPE1736 des rapporteurs.

Puis elle examine les amendements identiques SPE144 de M. Philippe Houillon et SPE324 de M. Patrick Hetzel. 

M. Philippe Houillon. L’amendement SPE144 propose de supprimer l’alinéa 21 qui est une nouvelle preuve de l’abandon de notre droit continental pour considérer le droit comme une marchandise. Cet alinéa prévoit en effet que le Conseil national de la consommation – CNC – sera consulté sur les modalités d’affichage et d’étiquetage des tarifs des prestations juridiques. À quoi bon ajouter des étages à cette usine à gaz ?

M. Patrick Hetzel. Les prestations juridiques sont traitées comme des marchandises alors que leur nature s’apparente davantage à un service public.

M. le ministre. En quoi le fait de consulter les représentants des usagers contrevient-il à l’idée de service public ? À raison, certains de vos collègues faisaient ce matin référence à La Poste et aux postiers, dont nous saluons la qualité du travail. Pour ma part, je préside le comité de suivi des travaux de La Poste où siège le comité des usagers. Dans l’amendement qui vient d’être adopté, nous avons ajouté d’une part les usagers, d’autre part, les professionnels. Il est tout à fait normal que cette consultation soit possible, car elle renforce à la fois la qualité et la transparence des mesures qui sont prises. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable.

M. Philippe Houillon. La réponse du ministre ne fait que renforcer ma conviction et montre que la présence de la garde des Sceaux serait utile.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La démarche qui consiste à solliciter l’avis des associations de consommateurs est essentielle à un moment où la chancellerie réfléchit sur la justice du XXIe siècle et se pose la question de la place du justiciable dans l’organisation des juridictions. Nos concitoyens sont des sujets de droit et des usagers des services publics offerts par les officiers ministériels et les auxiliaires de justice. Il est pertinent qu’ils participent à ces consultations. C’est un progrès qui chahute un peu toutes les professions et les corps de fonctionnaires. J’ajoute que le CNC est consulté pour avis et que la décision finale appartient aux autorités de l’État. Ouvrir le champ des avis et de la réflexion aux justiciables, aux citoyens, aux usagers du droit, c’est faire preuve de modernité.

M. Patrick Hetzel. On peut vouloir consulter les usagers et les bénéficiaires, mais pourquoi le faire par le biais du CNC ? Ce vecteur ne nous paraît pas adapté, car cela reviendrait à traiter les prestations de nature juridique comme des marchandises.

M. Jean-Frédéric Poisson. La constance est une belle vertu – même quand elle est gouvernementale et indépendamment de l’objet auquel elle s’applique –, et on ne peut pas vous reprocher de suivre jusqu’au bout votre raisonnement initial, qui consiste à dire que les services juridiques sont de même nature que les autres. Il est significatif que vous fassiez référence à La Poste, chargée d’apporter du courrier chez tous les usagers de France et de Navarre. Vous considérez donc qu’il n’y a pas de différence de nature entre ce service et des prestations juridiques. C’est bien là que réside, depuis le début, notre point de désaccord sur les professions réglementées. Dès lors, il ne peut y avoir de conciliation possible, sauf sur certaines modalités pratiques de ces articles. Vous considérez que l’accès des justiciables aux services que rendent les professions réglementées est de même nature que l’achat d’un paquet de bonbons, un timbre-poste ou un téléviseur.

Cette orientation étant assez peu compatible avec les idées d’une partie de la majorité gouvernementale, vous faites intervenir des autorités indépendantes et autres organismes publics, afin de chercher un équilibre et de compenser la baisse de la puissance de l’État liée à la marchandisation, à la libéralisation de ce genre de services. On voit bien que ce jeu d’équilibre ne relève pas d’une prise en compte de la complexité de la réalité, mais d’une vision conceptuelle, pour ne pas dire idéologique, des choses. Entre vous et nous, les différences sont inconciliables.

De notre point de vue, les services rendus au nom de la justice ou pour le compte des justiciables par les professions réglementées ne peuvent en aucune manière être assimilés aux autres services. Comme ils ne sont pas de même nature, ils ne peuvent être soumis ni à un régime concurrentiel, ni à la surveillance de l’Autorité de la concurrence, ni à l’avis du CNC.

M. le président François Brottes. Ce débat n’est pas sans me rappeler celui que nous avions eu en séance, lorsque Christian Estrosi était ministre de la Poste, sur la mise en concurrence des lettres recommandées, eu égard au rôle qu’elles jouent par rapport aux différentes juridictions.

M. Julien Aubert. D’habitude, c’est l’Europe qui nous pousse à la mise en concurrence ; dans le cas présent, nous nous tirons nous-mêmes une balle dans le pied ! Cet amendement révèle l’engrenage : les tarifs n’étant plus identiques, puisque vous voulez les faire évoluer dans un corridor, il devient nécessaire de les afficher. Votre approche induit des effets pervers. En modifiant un système de tarifs qui fonctionne, vous êtes amenés à entreprendre toute une série d’autres réformes et refontes. Vous avez fait une partie du chemin, mais en direction d’une normalisation totale. Nous sommes opposés à la philosophie de ce texte, mais nous constatons aussi qu’il y a une complexité inhérente à votre réforme.

M. Sébastien Huyghe. Cet affichage des tarifs est un peu ridicule. Alors qu’on nous a parlé de rabais, de remises et de ristournes – voire de soldes –, à quoi bon afficher un tarif ? Il suffira au professionnel d’afficher le tarif le plus élevé et de pratiquer ensuite remises et rabais à la tête du client, selon des critères difficiles à déterminer.

M. Jean-Yves Caullet. Nous parlons de publicité et de facilité d’accès à un tarif, via des affichages ou autres. Or il n’y a pas de règles sans contrôle. Si l’on ne peut pas contrôler ces modalités par des outils existants pour défendre les citoyens – en tant que consommateurs, certes, mais ce n’est pas infamant –, il va falloir inventer une autre usine à gaz : prévoir un service de contrôle, une autre autorité, etc. Ce n’est pas sain.

Quant à la modulation tarifaire, nous l’envisageons au regard des coûts réels et de la rémunération nécessaire du professionnel, et non pas comme une négociation de marchands de tapis, au cas par cas, client par client. Nous parlons de la modulation tarifaire d’un service public qui aboutit à un même tarif pour tout le monde ; vous parlez de négociation commerciale, tant il est vrai que l’on critique toujours chez les autres ce que l’on a dans son propre ADN.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le cœur du problème, c’est de considérer que ces services sont de même nature que les autres. Les dispositions concernant les tarifs ne sont pas codifiées ; inclure certains de ces éléments dans le code du commerce conduit à cette mécanique folle de consultation, comme pour tous les autres tarifs qui figurent dans ce code.

La Commission rejette les amendements SPE144 et SPE324.

Puis elle examine les amendements identiques SPE145 de M. Philippe Houillon et SPE325 de M. Patrick Hetzel. 

M. Philippe Houillon. Il s’agit de prévoir que les règles de publicité des tarifs ne seront pas contrôlées par le CNC, mais par le ministre de la justice.

M. Patrick Hetzel. Mon amendement est défendu.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure thématique, la Commission rejette les amendements SPE145 et SPE325.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel SPE1737 et l’amendement de précision SPE1775 des rapporteurs.

Elle examine ensuite l’amendement SPE650 de M. Guénhaël Huet. 

M. Guénhaël Huet. Je retire mon amendement, qui est satisfait.

L’amendement SPE650 est retiré.

La Commission adopte l’article 12 modifié.

Après l’article 12

La Commission examine les amendements identiques SPE26 de M. Julien Aubert, SPE722 de M. Michel Heinrich, SPE1102 de M. Sébastien Huyghe et SPE1143 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Julien Aubert. Je retire l’amendement SPE26, car il est satisfait.

Les amendements SPE26, SPE722, SPE1102 et SPE1143 sont retirés.

La Commission est saisie des amendements identiques SPE25 de M. Julien Aubert, SPE664 de M. Guénhaël Huet, SPE714 de M. Michel Heinrich, SPE1103 de M. Sébastien Huyghe et SPE1145 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Julien Aubert. Cet amendement prévoit deux types de forfaits tarifaires selon la complexité de l’acte, en réponse à une demande des notaires.

M. Guénhaël Huet. Mon amendement est défendu.

M. Michel Heinrich. Le mien aussi.

M. Sébastien Huyghe. Vu la fort belle manière avec laquelle Julien Aubert a défendu son amendement, je considère aussi le mien comme défendu.

Mme Audrey Linkenheld. Pour ma part, je vais retirer mon amendement, considérant qu’il est satisfait par l’adoption de l’amendement SPE1885 des rapporteurs.

M. le ministre. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable.

Les amendements SPE25, SPE664, SPE714, SPE1103 et SPE1145 sont retirés.

Article 13 : Modifications des règles de postulation et d’établissement des bureaux secondaires des avocats

La Commission est saisie des amendements identiques SPE39 de M. Julien Aubert, SPE196 de M. Philippe Houillon et SPE336 de M. Patrick Hetzel.

M. Julien Aubert. Quelles que soient les qualités du ministre de l’économie, l’article 13 ne relève pas de son champ de compétences, et nous ne souhaitons pas que cela change. En l’absence de ses collègues, nous proposons de supprimer cet article.

M. Philippe Houillon. Monsieur le ministre, vous proposez de supprimer un monopole alors même que le Conseil d’État estime que l’étude d’impact est lacunaire et présente de graves insuffisances. Êtes-vous en mesure d’évaluer les conséquences chiffrées, pour ce secteur économique, de la suppression de la postulation au niveau du tribunal de grande instance – TGI – et de son extension au ressort de la cour d’appel ? Si oui, nous pourrons en débattre ; sinon, est-il responsable de prendre une telle décision sans examen ? Est-il urgent de le faire ?

Vous n’évoquez aucune indemnisation. Certes, vous affirmez qu’il ne s’agit pas de supprimer, mais d’étendre le monopole de la postulation au ressort de la cour d’appel ; cependant, cette réforme augmentera le nombre de professionnels dans un secteur donné. Il s’agit donc bien d’une mesure susceptible de porter atteinte à leur activité.

Elle risque surtout de fragiliser le maillage territorial : les petits barreaux – une centaine sur cent soixante – qui tirent leur justification même de leur rattachement à un tribunal – d’où l’expression « un barreau près le TGI de… » – disparaîtront petit à petit, ce qui entraînera des carences en matière d’assistance juridique et pénale. Cette conséquence mécanique n’a pas été évaluée.

Par ailleurs, comment procédera-t-on techniquement puisque le réseau privé virtuel des avocats – RPVA –, qui fonctionne entre un barreau et son TGI, ne fonctionne pas pour l’instant entre les TGI d’une même cour d’appel ? La seule solution serait de pallier ce problème dans le délai d’un an que vous proposez de respecter.

L’étude d’impact menée par le cabinet Ernst & Young à la demande du Conseil national des barreaux – CNB – montre que la suppression de la postulation correspondrait pour les professionnels concernés à une perte de 52 millions d’euros. Devant ces difficultés, et puisqu’il n’y a pas urgence à agir, prenons le temps de débattre des évolutions à imprimer à ce secteur. Supprimer ce monopole paraît d’autant plus inopportun que, interrogés par la mission d’information, les premiers présidents de cours d’appel ont témoigné des problèmes qu’a entraînés la suppression des avoués à la cour, appelant à la plus grande prudence dans la réforme de la postulation. En effet, ils préfèrent avoir affaire à quelques interlocuteurs fiables et connus qu’à un nombre incalculable d’intervenants. Alors qu’il s’exprimait lundi devant le Premier ministre et la garde des Sceaux, le premier président de la Cour de cassation a exprimé la même préoccupation s’agissant des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et a insisté sur la nécessité de disposer d’un barreau spécifique.

Serait-il possible que tous ces professionnels, qui connaissent intimement le fonctionnement de la justice, se trompent et que vous, monsieur le ministre, ayez raison ? Peut-on rayer toute une organisation d’un trait de plume et engager l’avenir d’un secteur économique sans étude d’impact, au seul prétexte que cela serait moderne ?

M. Patrick Hetzel. L’article 13 pose d’énormes problèmes. On peut comprendre – jusqu’à un certain point – son objectif économique, mais le Conseil d’État a souligné que ses dispositions remettaient en cause l’activité des avocats sans s’appuyer sur une étude d’impact. Le maillage territorial actuel assure à nos concitoyens une certaine proximité de la justice, alors que la réforme envisagée conduira à la suppression des petits barreaux. Ainsi, ma circonscription possède un barreau à Saverne ; si l’on étend le monopole de la postulation au ressort de la cour d’appel de Colmar, la commune ne comptera à terme plus d’avocats, ce qui obligera nos concitoyens à se déplacer ailleurs.

L’efficacité et la permanence du service rendu risquent également d’être affectées ; en effet, lorsqu’il faudra agir rapidement, l’éloignement des avocats du lieu où ils devront opérer posera problème. Vous ne prenez pas en compte la réalité de l’activité des professionnels de la justice sur le territoire national ; si vous poursuivez ce funeste dessein, nous perdrons en proximité, en accessibilité du droit et surtout en efficacité. Il eût été intéressant de connaître l’avis de la garde des Sceaux sur une réforme qui engage l’accès de nos concitoyens à leurs avocats.

M. le ministre. Monsieur Aubert, le projet de loi émane du Gouvernement et nous avons conduit les auditions avec la garde des Sceaux. Si nos services respectifs avaient eu connaissance des informations que vous mentionnez, l’étude d’impact aurait pu être plus nourrie. Or les représentants du barreau nous ont affirmé ne pas en disposer eux-mêmes. Le paradoxe est troublant : alors que cette réforme menacerait la survie même des barreaux, personne ne nous l’a indiqué ! Faut-il renoncer à réformer parce que les professionnels ne font pas remonter l’information ?

Cette réforme représente la suite logique de la suppression des avoués qui confère aux avocats la compétence pour postuler devant la cour d’appel. Monsieur Houillon, vos arguments sont d’une profonde hypocrisie, puisque la compétence des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation n’a rien à voir avec celle des avocats postulant devant un TGI. Est-ce un gage de la qualité de la justice que de soumettre nos concitoyens à une double tarification dans une affaire menée entre Chambéry et Annecy ? Vous évoquez de grands principes, alors qu’il s’agit d’améliorer la qualité de la justice rendue et de tirer les conséquences d’une réforme conduite il y a plusieurs années. Les avocats de TGI pourront postuler au niveau de la cour d’appel et vice versa ; on donnera donc aux avocats des compétences réciproques. Loin de menacer leur activité, la réforme de la postulation touche très peu à leurs droits, mais leur ouvre au contraire de nouvelles possibilités.

Pour calmer les angoisses qui subsistent, le Gouvernement est prêt à émettre un avis favorable sur les aménagements prévus par les rapporteurs, qui permettront de préserver les éléments les plus importants au niveau des TGI. Je n’accepte pas vos arguments de principe, qui sont pour partie fallacieux. Cette réforme, qui améliore le service rendu à nos concitoyens, est la conséquence logique de la modernisation de notre justice engagée depuis plusieurs années. Il ne s’agit en aucun cas de la suppression d’un monopole – il n’y a donc pas d’indemnisation à prévoir, conformément à l’avis du Conseil d’État –, mais d’une extension du monopole de la postulation du ressort du TGI à celui de la cour d’appel.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Notre mission d’information a largement abordé cette question, mais, depuis la fin de ses travaux, j’ai rencontré les bâtonniers des barreaux de Libourne, Nîmes, Alès et Bordeaux où se pratique déjà la multipostulation. Contre toute attente, ils ont dressé un bilan globalement positif du dispositif, constatant que le nombre des barreaux n’avait pas diminué, et ils nous ont encouragés à aller vers cette postulation élargie.

Partant, il m’a paru inutile et dilatoire de maintenir le principe d’une expérimentation dans une cour d’appel rurale et urbaine, conformément au projet initial. Les bâtonniers ont souligné à juste titre que le succès de l’extension de ce périmètre territorial de la postulation passait par le maintien de la postulation auprès du TGI dans le ressort duquel les avocats ont établi leur résidence professionnelle pour quatre types d’activité : les procédures de saisie immobilière, les procédures de partage et de licitation, l’aide juridictionnelle et les affaires où les avocats ne sont pas plaidants. Cet aménagement a permis de préserver le financement des ordres qui tirent en partie leurs ressources des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats – CARPA –, alimentées entre autres par les fonds provenant des ventes immobilières à l’issue des procédures de saisie. Les activités des ordres – notamment les permanences en matière pénale – apparaissent également pérennisées.

C’est pourquoi nous considérons finalement qu’il faut porter cette réforme non avec réserve, mais avec ambition. Les barreaux doivent se mobiliser pour mettre en place les transmissions via le RPVA au niveau du territoire correspondant au ressort de la cour d’appel. C’est cela, aussi, la justice du XXIe siècle.

M. Jean-Louis Roumegas. Comme l’ensemble du projet de loi, cet article cherche à répondre à de vraies questions, mais avec trop de précipitation, les remèdes proposés risquant de se révéler pires que le mal. Accepter les amendements de suppression reviendrait pourtant à refuser le débat ; nous sommes au contraire prêts à entrer dans la complexité des choses avant de décider de la conduite à tenir.

En simplifiant l’ouverture des bureaux secondaires, nous courons le risque de voir se multiplier des bureaux fictifs, et il convient à cet égard d’entendre les inquiétudes de la profession. J’espère que les amendements annoncés par les rapporteurs seront retenus ; ces précautions nous paraissent nécessaires. L’organisation actuelle de la postulation n’est pas satisfaisante, et nous étions prêts à en accepter la réforme si l’on passait par une phase d’expérimentation que Mme la rapporteure thématique avait annoncée dans son rapport d’information. Je regrette qu’elle revienne sur cette sage décision ! En revanche, l’obligation d’établir des conventions d’honoraires apparaît comme une mesure de protection des usagers, souvent surpris par la facture. Nous approuverons donc d’emblée cette disposition.

M. Jean-Louis Costes. Madame la rapporteure thématique, nous n’avons visiblement pas rencontré les mêmes personnes ! Le CNB a clairement indiqué que la possibilité de plaider sans limitation territoriale accentuerait la fracture entre les zones urbaines et rurales, où les avocats représentent le seul point d’accès au droit. Je crains que l’on n’assiste dans ce domaine – comme dans celui de la santé – à une désertification. Cette réforme ne stimulera en rien l’activité – sauf peut-être à Paris ; elle passe donc à côté des objectifs de la loi. Elle renvoie enfin à la répartition des compétences territoriales – la cour d’appel de mon département est régulièrement menacée de suppression – et la garde des Sceaux aurait été la bienvenue dans cette discussion.

M. Marc Dolez. Le groupe GDR avait également déposé des amendements de suppression de l’article 13. Nous craignons en effet que l’extension du monopole de la postulation au ressort des cours d’appel n’ait des conséquences dommageables sur l’équilibre économique et numérique des barreaux situés dans les régions rurales. La remise en cause du maillage territorial prévu par la carte judiciaire en vigueur porterait atteinte à l’accès au droit de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas qualifier nos arguments de « fallacieux » alors que nous exprimons de réelles craintes quant à votre proposition. Vous avez reconnu qu’il n’y avait pas à ce jour d’analyse sérieuse des conséquences de cette réforme ; il n’est donc pas cohérent de balayer nos préoccupations d’un revers de main pour justifier votre suggestion. La mission d’information avait d’ailleurs unanimement exprimé les mêmes inquiétudes. À ce propos, madame la rapporteure thématique, je m’étonne de votre argumentation : sous prétexte d’avoir rencontré tel ou tel entre Noël et le Nouvel An, vous mettez de côté les recommandations de la mission d’information ! Les interlocuteurs que nous avons entendus depuis la fin de ses travaux nous ont au contraire confortés dans nos craintes. Puisqu’il n’y a pas urgence à légiférer sur cette question, la sagesse demanderait de prendre le temps de l’analyse, de manière à mesurer toutes les conséquences de cette disposition. J’appelle donc mes collègues à voter ces amendements de suppression.

M. Julien Aubert. Le qualificatif « fallacieux » – « qui cherche à tromper ou à nuire » – a peut-être dépassé les intentions du ministre. Nous cherchons simplement à défendre le principe de précaution ; partageant l’objectif de l’article – lutter contre la double tarification –, nous en contestons la méthode.

Ce n’est pas aux avocats de prouver que la réforme leur sera défavorable ; c’est au ministère de trouver les éléments permettant de réaliser une véritable étude d’impact. C’est à vous qu’incombe la charge de la preuve !

En élargissant le périmètre d’action des avocats, vous mettez ceux-ci en concurrence. Or, quel que soit le secteur, la concurrence conduit toujours, par les mécanismes de fusion et de concentration, à la disparition des acteurs les plus fragiles. Nous craignons donc une réduction du nombre de professionnels au bénéfice des plus gros, des plus puissants et des plus urbains d’entre eux. Madame la rapporteure thématique, j’ai participé à l’audition que vous avez évoquée ; vous avez omis de mentionner que les intervenants vous ont également interpellée sur la question des clients institutionnels. L’élargissement du périmètre d’action des avocats permettra aux cabinets urbains de capter cette clientèle qui préfère avoir affaire à un seul interlocuteur. Or la perte de ces clients peut provoquer la disparition de certains cabinets dont ils représentent une partie importante du portefeuille.

Différents types d’avocats – ou de notaires – font face à différents types de problèmes. Dans les grandes villes, cette mise en concurrence peut se faire de manière indolore, mais elle serait préjudiciable aux territoires ruraux. Ainsi en est-il du barreau de Carpentras, situé dans ma circonscription et un des plus vieux de France : alors que les réformes judiciaires successives – menées par la gauche comme par la droite – lui ont déjà ôté plusieurs compétences, notamment les assises, certains avocats ont préféré se relocaliser. En fermant leurs cabinets, ils ont fragilisé l’écosystème économique des communes dans lesquelles ils étaient installés. Nous craignons que cette réforme ne produise le même effet négatif. Mais, au-delà de la préoccupation économique, il s’agit de préserver l’accès au droit dans un esprit de service public. En effet, en cas de concentration des cabinets, le coût du déplacement empêchera une partie de la population de se rendre chez un avocat situé à vingt ou quarante kilomètres. Le texte a beau affirmer l’égalité des droits entre les citoyens, cette réforme – qui poursuit un objectif noble – risque d’entraîner une désertification juridique dans les territoires les plus faibles et de détériorer l’accès au droit des populations vulnérables. Avant de faire ce bond, il convient de réaliser une véritable étude d’impact sur l’organisation territoriale du droit.

Mme Bernadette Laclais. À côté de la cour d’appel de Chambéry, protégée par les accords de rattachement de la Savoie à la France de 1860, la région Rhône-Alpes – et demain Rhône-Alpes-Auvergne – compte plusieurs autres cours d’appel. Si certaines d’entre elles venaient à disparaître, chaque cour couvrirait alors des zones beaucoup plus larges. Or les territoires de montagne situés en fond de vallée sont difficiles d’accès ; on n’y compte pas les distances en kilomètres, mais en temps de parcours. En cas d’affaiblissement de la présence des avocats, les déplacements représenteraient donc une réelle difficulté pour les justiciables, à laquelle j’espère que vous pourrez apporter des réponses rassurantes.

M. Philippe Gosselin. Trois sujets inquiètent les avocats : le statut d’avocat d’entreprise, l’ouverture des capitaux et la postulation. S’agissant de cette dernière, la profession est acquise à l’idée de changement, et la proposition d’expérimentation – alliant prudence et ouverture – allait dans le bon sens. Mais, au-delà des barreaux évoqués par la rapporteure thématique – dont la situation est particulière –, les petits et très petits barreaux regroupant quelques dizaines d’avocats et situés en territoires ruraux risquent de pâtir de cette réforme. Dans l’ouest de la France, toutes étiquettes et sensibilités politiques confondues, l’inquiétude est grande quant au maillage territorial. Nous avons déjà subi une recomposition des TGI et de la carte judiciaire il y a quelque temps…

M. Alain Tourret. Réforme conduite par Mme Dati !

M. Philippe Gosselin. En effet, et je l’assume. Cette réforme a amené à des regroupements de barreaux, ce qui a permis à certains d’entre eux de gagner en importance ; mais, comme les avocats n’ont pas déménagé pour autant, cela a créé de vraies difficultés. La sagesse serait d’écouter l’alerte, de s’appuyer sur de vrais chiffres et de permettre l’expérimentation dont le refus conduira non vers un « corridor de la mort » – expression qui a été mal interprétée –, mais vers l’apparition de déserts juridiques. Ce n’est pas un hasard si, dans notre commission spéciale, tous les groupes politiques – y compris le groupe SRC – développent les mêmes arguments. Face à l’inquiétude unanime, pourquoi s’obstiner ?

Mme Colette Capdevielle. L’article 13 nous met face à un enjeu important : celui de l’accès au droit. Nous connaissons les effets dévastateurs de la réforme de la carte judiciaire pour nos territoires, notamment ceux qui sont défavorisés. La postulation des avocats a permis, depuis des décennies, le maintien des petits et moyens barreaux, et je crains que la réforme proposée ne fragilise davantage encore la justice du quotidien, notamment le droit de la famille qui constitue le plus gros des contentieux de nos TGI. En effet, sans qu’il soit véritablement évalué, le risque est grand de voir diminuer le nombre des avocats dans les petits barreaux au profit de la cour d’appel. Les craintes sont également vives quant aux obligations d’assistance et de conseil. Demain, les avocats qui installeront des cabinets secondaires n’assumeront pas plus qu’aujourd’hui les missions d’aide judiciaire, de commission d’office ou d’assistance des étrangers en rétention. La charge de la défense des plus démunis pèsera toujours sur les professionnels les moins favorisés.

Il faut enfin veiller à l’équilibre des CARPA, dont certaines apparaissent fragiles. Les inégalités sont grandes entre les cours d’appel – plus ou moins riches – et entre les territoires du ressort d’une même cour d’appel – plus ou moins favorisés. Dans certaines zones, l’aide juridictionnelle représente une charge lourde, déséquilibrant les ordres et donc les CARPA. J’ai considéré avec intérêt l’amendement des rapporteurs ; prévoir le maintien de la postulation en matière de saisies immobilières, de partage et de licitation semble positif, mais est-ce suffisant pour permettre à des barreaux moyens de subsister ? Je crains l’installation d’un accès au droit à deux vitesses ; ce ne sont pas les avocats, mais les justiciables qu’il faut rassurer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut évidemment rejeter ces amendements qui tendent à supprimer l’article 13, quitte à revisiter les dispositions de la loi relatives à la postulation ou à l’installation des cabinets secondaires.

La difficulté, c’est que la profession est multiple : ainsi les avocats qui plaident – concernés par les mesures dont nous débattons – sont-ils de moins en moins nombreux. Mais le fait qu’une partie d’entre eux ne mettent plus la robe et ne soient plus confrontés aux problèmes de la proximité n’en rend pas moins nécessaire de protéger l’accès des justiciables à ceux qui continuent de le faire. La profession est divisée sur la question de la postulation ; le premier des barreaux considère ainsi que la réforme proposée constitue une mauvaise manière de régler de vrais problèmes.

Comme le montre notamment l’exemple de la région parisienne, la pratique de la multipostulation dans le ressort de la cour d’appel modifie le fonctionnement des barreaux. N’oublions pas les enjeux économiques : si, demain, l’aide juridictionnelle devient, pour un avocat, le seul moyen de subsister dans un tribunal, la profession fera face à de sérieuses difficultés.

Parce qu’elle devait nous permettre d’examiner avec précision toutes les questions, l’idée d’une expérimentation me paraissait pertinente. En effet, pas plus que l’Union nationale des CARPA – UNCA – ou les organismes de gestion fiscale des avocats, la profession n’est capable de distinguer ce qui, dans son économie, relève du travail de postulation et de l’activité de conseil. Rejetons donc les amendements de suppression et entrons dans le débat ; apporter des réponses pragmatiques à ces questions déjà anciennes représenterait un véritable progrès.

M. Michel Heinrich. Ce texte pose un vrai problème en matière d’aménagement du territoire. Conçu pour créer de l’emploi, il risque de fragiliser les petits barreaux des villes moyennes par l’inévitable concentration des avocats au siège de la cour d’appel ou dans les villes universitaires. À la récente réunion de l’assemblée générale des villes de France, tous les maires – quelle que soit leur sensibilité politique – évoquaient ces inquiétudes. Monsieur le ministre, lors de la discussion générale sur le projet de loi, vous sembliez reconnaître ces risques et aviez proposé quelques ouvertures ; j’y reviendrai à l’occasion d’un amendement que j’ai déposé.

M. Sébastien Huyghe. Nous ne sommes pas opposés a priori à la réforme de la postulation, mais nous ne disposons pas d’une étude d’impact qui nous permettrait d’en mesurer les conséquences. Nous aurions été favorables à l’expérimentation proposée par la mission d’information. Mais cette mesure que vous souhaitez imposer ne masque-t-elle pas une réforme de la carte judiciaire qui ne dit pas son nom ? En effet, appliquée d’autorité, elle risque de conduire à la disparition de certains petits barreaux, qui pourrait être suivie par celle des TGI dont ils dépendent. Si vous voulez refaire la carte judiciaire, assumez donc cette volonté comme nous l’avions fait. Mais ne vous cachez pas derrière une mesure mal calibrée pour imposer subrepticement la suppression de certains TGI.

M. Alain Tourret. Lorsque, en 1972, j’ai prêté serment devant le TGI de Caen, il comptait trente-cinq avocats ; quand je l’ai quitté, en 2012, ils étaient trois cent cinquante. Entre-temps, la profession s’est totalement modernisée : jadis uniquement tournée vers la plaidoirie, elle s’est ouverte au conseil, épousant le monde du droit, des affaires et de l’économie comme jamais auparavant. La postulation en représente l’aspect le plus ancien ; elle n’existe pas devant le tribunal d’instance, ni devant le juge aux affaires familiales, ni devant les tribunaux correctionnels, ni devant les cours d’assises, ni devant les conseils de prud’hommes, ni devant les tribunaux de commerce. S’attacher à cette relique du passé qui ne correspond plus à l’actualité de la profession revient à aborder la question par le petit bout de la lorgnette !

Lorsque, avec Mme Dati, vous avez fait la réforme judiciaire à la hache, avez-vous indemnisé les avocats dont les cabinets étaient situés dans le ressort des tribunaux d’instance que vous avez supprimés ?

Pour rapprocher le justiciable du lieu où l’on rend la justice, il faudrait avant tout transférer tous les dossiers du juge aux affaires familiales devant les tribunaux d’instance. Depuis la suppression des avoués près les cours d’appel, ce sont les avocats qui les remplacent, certains avoués étant eux-mêmes devenus avocats. La réforme de la postulation proposée dans cet article constitue donc la moins mauvaise des solutions.

Notre cabinet n’a jamais souhaité exercer la postulation, la procédure exigeant d’établir des droits fixes et variables, de solliciter le délégué du bâtonnier et le président du TGI, etc. Établir tous ces documents nous coûtait plus que ce que nous pouvions percevoir ! Voilà la réalité de la postulation. Je sais que certains confrères de province y sont attachés ; mais ceux qui représentent la modernité de la profession – et le barreau de Paris en particulier – estiment qu’il s’agit d’une réalité complètement dépassée. Certes, la réalité de la profession est variée, mais je suis persuadé que ce n’est pas en tirant la profession vers le bas que l’on convaincra les avocats de rester dans les territoires ruraux : c’est au contraire en leur permettant de se spécialiser pour remplacer les notaires dans le rôle de conseillers. Voilà les solutions qu’il faut privilégier pour les avocats du XXIe siècle !

M. Gilles Lurton. J’adhère aux propos de Sébastien Huyghe. Si la fin de la postulation fait disparaître des barreaux, les TGI correspondants suivront inéluctablement, ce qui entraînera des regroupements dans les grandes villes.

Monsieur le ministre, vous dites que cette mesure sert à lutter contre la double tarification ; l’objectif peut se défendre, le recours à un avocat postulant étant parfois mal perçu, notamment à cause de la facturation. Pourtant, quand un avocat doit plaider dans une autre ville que celle du ressort de son TGI, c’est son collègue postulant qui est responsable de l’affaire auprès du tribunal compétent, assurant notamment les mises en état nécessaires à l’avocat titulaire pour suivre le déroulement de l’affaire. La disparition de l’avocat postulant obligera l’avocat titulaire à se déplacer plus souvent dans des tribunaux situés ailleurs que dans la ville de son ressort, et cela entraînera des coûts plus importants.

J’ai assisté à l’audition où la rapporteure thématique a reçu les bâtonniers de Nîmes, Bordeaux et Alès, et je me souviens que ces derniers n’étaient pas unanimes. Ainsi, le bâtonnier d’Alès a, me semble-t-il, assuré que la fin de la postulation conduirait automatiquement à la disparition de son barreau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Quelle est la pertinence de cet article dans une loi sur la croissance et l’activité ? Supprimer la postulation ne favorisera que les gros cabinets d’avocats ; cette mesure très parisienne conduira à l’isolement des citoyens ruraux qui verront disparaître des campagnes les avocats – après les médecins, et avant les huissiers et les notaires. De même, l’avocat en entreprise sera certainement inscrit au barreau correspondant au siège social ; les grandes entreprises étant généralement domiciliées à Paris, on retrouve le même biais. Monsieur le ministre, supprimer cet article constituerait un geste positif qui laisserait le temps à Mme la garde des Sceaux de préparer une réforme claire en coopération avec les avocats.

M. Denys Robiliard. La postulation passe aujourd’hui par un réseau privé virtuel, la clé électronique permettant à tous les avocats de France de s’identifier auprès de toutes nos juridictions. Par conséquent, la nécessité de se faire représenter auprès des juridictions a techniquement disparu, même s’il peut rester utile de disposer d’un correspondant local. Dans la réalité de l’exercice professionnel, c’est l’avocat qui conduit le dossier – le dominus litis – qui mène l’affaire du début jusqu’à la fin, le postulant ne servant, dans l’immense majorité des cas, que de « boîte aux lettres ».

Certains craignent que la disparition de la postulation n’entraîne l’apparition de déserts judiciaires, similaires aux déserts médicaux. Mais il y a une différence de taille : la profession d’avocat et plus généralement les juristes ne connaissent pas le numerus clausus. Les facultés de droit produisent chaque année des dizaines de milliers d’étudiants qui cherchent à s’employer, notamment en tant qu’avocats. Quand je me suis installé, en 1987, j’étais le vingt-neuvième avocat de mon barreau ; Blois en compte aujourd’hui plus de quatre-vingts. En 1991 est intervenue la fusion entre les métiers d’avocat et de conseil juridique, donnant lieu à une profession unifiée.

Je serai moins radical qu’Alain Tourret sur la question de la postulation : les notes des avocats qui traitent du droit des successions justifient l’effort d’établir l’état de frais !

Enfin, les cabinets secondaires posent la question du passager clandestin : on bénéficie du barreau local sans en supporter les charges. C’est un vrai problème qu’il nous faut traiter.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’étude d’impact ne dit rien des conséquences que les dispositions de l’article 13 auront sur la vie des territoires, alors qu’elles conduiront probablement à la réduction du nombre des barreaux et au regroupement des avocats, ce qui compliquera l’accès au droit pour nos concitoyens. Au-delà, et contrairement à l’esprit général du texte – j’y vois d’ailleurs un début de faiblesse –, cet article risque à terme d’entraîner une concentration des différentes professions du droit, pour des raisons économiques. La mutualisation des charges et les fusions seront par ailleurs facilitées par les dispositions de l’article 22. Monsieur le ministre, avez-vous des précisions à apporter à la commission spéciale sur ces deux points ?

M. Jean-Yves Caullet. Si l’accès au droit dans notre pays était soumis au maintien d’une disposition de ce type, le mal serait bien profond ! Quant à savoir si cet article sous-tend une réforme cachée, on se méfie le plus de ce qu’on a soi-même imaginé.

Cette réforme de la postulation crée la réciprocité des compétences. Ainsi – n’oublions pas que nous sommes au XXIe siècle ! –, un avocat d’un petit barreau reconnu comme un excellent spécialiste pourra se saisir d’affaires intéressantes et techniques dans l’ensemble du ressort de la cour d’appel. Voilà en quoi cette disposition peut stimuler la croissance, l’activité et l’aménagement du territoire. Certes – Julien Aubert et nos collègues Bernadette Laclais et Colette Capdevielle ont raison de le souligner –, la tendance au regroupement est réelle, mais non point fatale. Ne nous trompons donc pas de vote !

La Commission rejette les amendements SPE39, SPE196 et SPE336.

Elle examine ensuite les amendements identiques SPE147 de M. Philippe Houillon, SPE328 de M. Patrick Hetzel, SPE661 de Mme Colette Capdevielle, SPE691 de M. Guénhaël Huet, SPE883 de M. Michel Zumkeller et SPE1180 de M. Marc Dolez.

M. le ministre. Je suis défavorable à ces amendements. Je comprends que l’on ait des inquiétudes en ce qui concerne l’aménagement du territoire, mais la comparaison avec la profession médicale ne serait pertinente que si les avocats étaient soumis à un numerus clausus. Le vrai risque pour la profession n’est pas la désertification territoriale, mais la paupérisation en raison du trop grand nombre de professionnels par rapport à la matière existante. Parce qu’il crée la compétence réciproque entre les avocats du TGI et de la cour d’appel, le texte augmente au contraire leur capacité à agir et à innover.

Monsieur Poisson, j’entends les préoccupations relatives au regroupement des avocats ; mais c’est l’utilisation abusive d’une situation de concentration qui doit être combattue, et non la concentration elle-même, car le regroupement peut permettre aux professionnels d’innover davantage, d’investir et de mieux s’organiser pour rendre un service de meilleure qualité.

Enfin, monsieur Huyghe, on peut sans doute me faire beaucoup de reproches, mais non celui de dissimuler mes objectifs ! Ce texte ne cache aucune intention masquée.

M. le rapporteur général. Après avoir écouté attentivement tous les orateurs, je remarque que le seul argument utilisé pour défendre la postulation a été – malgré le grand nombre de professionnels du droit présents dans la salle – l’aménagement du territoire, et ses enjeux réels ou supposés. Personne n’a défendu son intérêt pour les citoyens, les clients ou la bonne administration de la justice : on ne parle que des recettes qui devraient rester sur tel ou tel territoire. L’argumentation des adversaires de cette réforme apparaît donc assez faible.

Chaque fois que nous nous apprêtons à réformer au service des citoyens, on nous annonce la désertification et l’apocalypse. N’agitons pas les peurs dans le seul dessein d’éviter tout changement. Il y a de plus quelque chose de cocasse à vouloir faire porter à ce projet de loi les péchés de la loi Dati ; et il n’y aura pas, cela a été dit, de loi « Dati bis ».

Je voudrais souligner que quatorze des vingt recommandations formulées par la mission d’information emmenée par Cécile Untermaier ont été intégrées à ce projet de loi, et que deux autres le seront sans doute si nos amendements sont adoptés : peu de rapports parlementaires sont aussi bien traités – j’en connais qui ne servent même pas à caler une armoire !

Imaginons que des citoyens désintéressés nous aient écoutés : ils se sont sans doute interrogés sur ce qu’était vraiment la postulation. Disons-leur que ce qui compte vraiment aujourd’hui, c’est la montée en puissance du RPVA, c’est-à-dire que l’on peut aujourd’hui transmettre beaucoup plus facilement des pièces d’un tribunal à l’autre. Cette réforme ne diminuera pas le nombre des avocats, comme plusieurs bâtonniers l’ont confirmé à Cécile Untermaier. Certains protestent parce que leur audition aurait eu lieu entre Noël et le Jour de l’An ! Mais elle a eu lieu la semaine dernière et était ouverte à tous, et Gilles Lurton y a d’ailleurs participé. Que ceux qui n’y étaient pas ne viennent pas se plaindre !

L’extension de la postulation au niveau du ressort de la cour d’appel est un moyen terme entre le projet originel de suppression de la territorialité de la postulation à l’échelle nationale – qui avait la faveur du barreau de Paris – et le statu quo. Le RPVA aura ainsi le temps de devenir pleinement opérationnel. La qualité de la justice ne se dégradera pas et les avocats pourront continuer d’avoir recours à des correspondants. Mais le tarif réglementé de la postulation est supprimé : les éventuels frais supplémentaires devront être facturés de façon transparente.

C’est donc une avancée économique pour le citoyen, sans dégradation de l’accès à la justice, sans risque d’appauvrissement numérique des barreaux. Elle permettra aussi une plus grande transparence. N’affaiblissons pas la portée de cet article.

M. Gilles Lurton. J’ai effectivement participé à cette audition – comme d’ailleurs à de nombreuses autres, y compris dans ma circonscription. Il me semble que les bâtonniers n’étaient pas si unanimes que vous voulez bien le dire.

Je crois aussi avoir démontré dans mon intervention quel était, sur le fond, le rôle d’un avocat postulant.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Oui, je le répète, il existe un risque pour le milieu rural.

La Commission rejette les amendements SPE147, SPE328, SPE661, SPE691, SPE883 et SPE1180.

Elle se saisit de l’amendement SPE764 de Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Comme nombre de nos collègues, nous estimons que la réforme proposée par le Gouvernement n’est pas aboutie. Certes, l’idée est intéressante, mais elle risque d’altérer le maillage territorial existant et de fragiliser davantage encore les barreaux dont l’activité est relativement faible. Or l’étude d’impact a été jugée lacunaire par le Conseil d’État lui-même.

Cette réforme n’est pas urgente : prenons des précautions. Nous proposons donc une expérimentation dans le ressort de deux cours d’appel, qui devraient être très différentes l’une de l’autre. Cela permettrait d’évaluer sérieusement les effets de la fin de la postulation. Nous reprenons là l’une des propositions formulées par la rapporteure thématique à l’issue de la mission d’information sur les professions juridiques réglementées.

M. le ministre. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà données, et parce qu’il me semble que les amendements qui seront proposés par vos rapporteurs sont de nature à répondre à vos préoccupations.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable. J’avais effectivement proposé cette expérimentation à l’issue de la mission. Je tire aujourd’hui les conséquences des contacts que j’ai eus avec les quatre bâtonniers des cours d’appel où la multipostulation est en place : ils m’ont clairement dit que cette expérimentation ne leur avait pas posé de problème.

Soyons modernes. Nous tenons tous à notre maillage territorial et aux barreaux, mais trouvons des moyens qui ne soient pas des artifices.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, que répondez-vous à ceux qui évoquent des risques de concentration ? Certaines grandes entreprises choisiraient sans doute d’employer des correspondants locaux au détriment des petits cabinets locaux. Une expérimentation permettrait d’évaluer des conséquences de la réforme.

M. Patrick Hetzel. Comme l’indique Michèle Bonneton, cet amendement est directement issu d’une proposition faite par la rapporteure thématique elle-même à l’issue d’une très récente mission d’information. Comment, madame la rapporteure thématique, justifiez-vous votre revirement soudain ?

Mme Michèle Bonneton. La modernité n’est pas un argument suffisant : toute époque a été moderne… Un risque de paupérisation semble reconnu par tous : comment le pallier ? Comment améliorer la condition des avocats et des barreaux ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Il me semble quelque peu désolant de devoir répéter ce que j’ai déjà dit. Ce n’est pas de ma part un revirement. J’ai d’abord adopté une position prudente, mais je ne veux pas d’un dispositif dilatoire : j’ai, depuis la fin de la mission d’information, entendu des bâtonniers satisfaits de cette expérience d’extension de la postulation. Il me paraît donc légitime et honnête d’en tirer les conclusions et de faire l’économie d’une expérimentation : il faut réformer, agir, simplifier.

Les usagers portent sur la postulation, je le souligne, un regard pour le moins surpris.

Rien n’interdit à un avocat d’avoir recours à un correspondant, ce qui peut se révéler très utile ; mais, s’il souhaite se rendre dans un tribunal proche, il le pourra. C’est finalement une liberté nouvelle pour l’avocat.

M. Philippe Houillon. Permettez-moi un mouvement d’humeur. Cette mission d’information a siégé durant trois mois et auditionné 160 personnes ! Il a énormément été question de la postulation. Nous avons entendu les bâtonniers, les représentants des avocats, les premiers présidents de cours d’appel… Si votre revirement, madame la rapporteure thématique, est un simple effet du fait majoritaire, dites-le, ce sera plus clair. Sinon, je ne comprends pas que vous ayez changé d’avis après une seule audition de quatre bâtonniers ! Faites-nous la grâce de ne pas nous prendre pour des imbéciles.

M. le rapporteur général. Nous avons bénéficié du compte rendu d’expérience de plusieurs bâtonniers. De plus, le souhait d’une expérimentation aurait pu se comprendre si l’on s’en tenait à la version initiale du projet de loi. Or les amendements SPE1739 et SPE1741, que nous discuterons tout à l’heure, viendront modifier le texte : à la lumière des expériences menées, nous proposerons que quatre types d’activité – procédures de saisie immobilière, procédures de partage et de licitation, procédures au titre de l’aide juridictionnelle, affaires où les avocats ne sont pas plaidants – conservent le régime actuel. Le risque de diminution du nombre d’avocats dans certains barreaux sera ainsi limité.

Un autre amendement, SPE1745, fixe au 1er janvier 2016 l’entrée en vigueur de la réforme : il y aura ainsi un temps d’adaptation à cette nouvelle organisation, qui pourra être mise en place de façon sereine.

Dès lors, il n’est pas souhaitable de retarder une réforme dont des professionnels, comme Denys Robiliard, Alain Tourret ou Jean-Yves Le Bouillonnec, ont expliqué tout l’intérêt. Une expérimentation serait dilatoire et ne nous éclairerait pas plus que les éléments dont nous disposons déjà.

Mme Colette Capdevielle. Nous avons effectivement auditionné quatre barreaux, qui ne sont pas les plus riches. Nous avons également rencontré des bâtonniers inquiets pour le futur. Le délai que prévoient les amendements des rapporteurs pourrait être mis à profit pour mener une expérimentation. Nous apprenons que le CNB aurait mené une étude d’impact : pourrions-nous suspendre nos travaux pour en prendre connaissance ? Cela me paraît la moindre des choses. La mission d’information proposait très clairement une expérimentation, en citant notamment la situation économique de certains barreaux, ainsi que le déséquilibre entre les barreaux au sein de certaines cours d’appel. Bordeaux ou Nîmes ne comptent pas beaucoup de barreaux : leur expérience ne me semble donc pas permettre d’évaluer les conséquences pour d’autres cas qui peuvent différer fortement. Je souhaiterais donc que l’étude d’impact du CNB nous soit communiquée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Notre groupe réitère sa surprise et son incompréhension, même si l’on peut comprendre que la rapporteure thématique puisse évoluer et changer d’avis avec le temps : son revirement en quelques jours est tout de même très soudain et ne me convainc pas.

Le groupe UMP votera en faveur de cet amendement.

M. Jean-Louis Roumegas. Vous parlez de manœuvre dilatoire, monsieur le rapporteur général, mais Colette Capdevielle a elle-même rappelé que notre rapporteure thématique avait défendu cette même proposition. Vos propos sont à l’évidence excessifs.

Plus généralement, j’ai du mal à comprendre votre précipitation. Vous voulez à toute force libéraliser et déréglementer, sans prendre le temps du débat, comme si l’on allait sauver l’économie par un coup de baguette magique. Vous chamboulez tout à la va-vite – professions réglementées, code des transports, code de l’environnement… On peut douter du bien-fondé d’une telle méthode. Ce n’est pas sérieux ; c’est même très gênant. Tout le monde veut réformer, mais il faut parfois accepter de perdre un peu de temps pour en gagner ensuite.

Mme Véronique Louwagie. Je suis très troublée par ce que nous voyons : suivant que les auditions se déroulent dans le cadre d’une mission d’information ou dans celui de la préparation de la discussion d’un projet de loi, on en arriverait à des conclusions tout à fait différentes ! Je m’inquiète de la crédibilité des auditions menées ici. C’est grave. Nous prenons des décisions qui auront des conséquences importantes, et nous travaillons à la légère. Nous ne donnons pas le meilleur de nous-mêmes, me semble-t-il.

M. le rapporteur général. Monsieur Roumegas, j’ai dit qu’une expérimentation serait dilatoire, mais je n’ai pas parlé de manœuvres, ce qui impliquerait une mauvaise foi que je ne vous prête pas. Respectons-nous les uns les autres.

Vous parlez de précipitation. Mais la Chancellerie travaille sur ce sujet depuis des mois !

M. Marc Dolez. La Chancellerie n’est pas là !

M. le rapporteur général. Le Gouvernement est représenté, ce qui n’est pas toujours le cas ! Mais, rassurez-vous, j’ai transmis tout à l’heure à Mme la garde des Sceaux l’affectueuse attente des commissaires, et je lui ai même indiqué qu’elle serait sans doute très bien accueillie en séance, puisque la frustration crée le désir.

Il n’y a donc nulle précipitation, puisque des travaux ont été menés. La multipostulation existe déjà, et depuis bien plus de deux ans, à la fois dans un ressort de cour d’appel à dominante urbaine – avec Paris, Bobigny, Nanterre et Créteil – et dans deux ressorts de cours d’appel à dominante rurale, avec Bordeaux et Libourne d’un côté, Nîmes et Alès de l’autre. Nous ne pouvons donc pas considérer que nous ne sommes pas éclairés. Forts des enseignements tirés des comptes rendus de ces expérimentations, nous proposons deux amendements que j’ai expliqués tout à l’heure.

Je maintiens donc qu’il serait dilatoire de mener de nouvelles expérimentations, alors que plusieurs ont déjà lieu sur des territoires très différents les uns des autres. Nous pouvons nous considérer comme suffisamment éclairés. Mon rapport indique notamment que, contrairement à l’intention première du Gouvernement, mieux vaut limiter à l’échelle de la cour d’appel la déterritorialisation du monopole de la postulation. C’est là un point d’équilibre satisfaisant. Mais ne lanternons pas davantage.

M. Marc Dolez. Je suis surpris d’entendre que nous serions complètement éclairés ! Tel n’était pas le sentiment de la mission d’information ni de ceux qu’elle a auditionnés. Le ministre lui-même ne l’a d’ailleurs pas prétendu, puisqu’il a reconnu qu’il n’y avait pas d’étude d’impact sur ce sujet. Une heure et demie plus tard, il n’y aurait plus de problème ? Ce n’est pas le cas. Votre argument d’autorité, monsieur le rapporteur général, ne convainc pas. Le groupe GDR va donc voter pour cet amendement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le rapporteur général, la mission d’information n’a pas méconnu les expériences conduites dans les barreaux que vous avez mentionnés. Si la Chancellerie dispose de rapports sur ce sujet, nous aimerions les lire, mais je crois qu’ils n’existent pas même place Vendôme !

Il y a en réalité deux positions différentes : celle de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, qui a voté le rapport sérieux de nos collègues Houillon et Untermaier, fondé sur un large travail d’auditions de personnalités du monde juridique ; et celle de Bercy, qui a écrit le projet de loi. Nous nous étonnons fortement de la dissolution de la première position en quelques jours. C’est manifestement le fait majoritaire qui s’applique. C’est aussi une démonstration de la primauté accordée à l’avis du ministère de l’économie sur celui des professions réglementées.

En l’absence de rapport sur ces expérimentations, et puisque personne ne semble pouvoir rassurer la commission spéciale sur les effets probables de cette réforme, je souhaite à nouveau l’adoption de cet amendement.

M. le rapporteur général. Alès comptait quarante avocats avant qu’y soit instaurée la multipostulation ; aujourd’hui, il y en a toujours quarante, et des jeunes viennent s’installer. L’argument de l’appauvrissement numérique des barreaux ne peut donc être retenu.

S’agissant de la volatilité de la clientèle institutionnelle, les personnes que nous avons entendues nous ont toutes dit qu’elle était très difficile à anticiper. Au mois d’octobre, le président de la Conférence des bâtonniers et celui du CNB m’ont dit que leurs organisations ne disposaient d’aucun outil permettant d’évaluer les effets de la réforme de la postulation sur le chiffre d’affaires et l’emploi. Et voilà qu’aujourd’hui, à midi, un rapport tombe du camion, dont il faudrait prendre connaissance à la hâte ! Pourtant, en septembre, en octobre, en novembre, en décembre, ils n’avaient pas de documents à nous transmettre. Je répète donc que nous sommes suffisamment éclairés.

M. Jean-Yves Caullet. Au-delà du fond, la question du délai et de la capacité de la profession à s’organiser est fondamentale.

Je demande une suspension de séance.

(Suspension de séance)

M. Jean-Yves Caullet. Cette suspension a, je crois, été fructueuse.

Des expérimentations ont bien eu lieu, dans des territoires principalement urbains comme principalement ruraux, et il n’y a pas de demande de retour au statu quo ante. Mais une réforme de cette ampleur nécessite, c’est sûr, un temps d’adaptation : je préférerais donc qu’un délai soit prévu. La réforme pourrait entrer en vigueur un an après la date de promulgation de la loi, plutôt qu’à une date fixée à l’avance.

M. le ministre. J’ai bien noté la sensibilité de nombre d’entre vous sur ce sujet. S’agissant des questions de fond et de la viabilité des plus petits barreaux, les amendements des rapporteurs, et en particulier celui qui limite le champ de la réforme, me paraissent de nature à rassurer ceux qui s’inquiètent des conséquences de la loi. J’entends aussi que le délai que vous demandez – notamment Mme Capdevielle, avec son amendement SPE669 – a surtout pour objet d’assurer la viabilité des CARPA et donc d’organiser une mutualisation progressive. Je vous propose donc un compromis, qui m’est soufflé par M. Caullet : j’accepterai une rectification de l’amendement SPE1745 ayant pour objet de fixer l’entrée en vigueur de la réforme à un an après la promulgation de la loi. Cela permettra aux CARPA et à la profession en général de s’organiser.

M. le rapporteur général. Je remercie d’ores et déjà le ministre, qui nous annonce qu’il accueillera avec bienveillance les amendements à venir des rapporteurs.

Je répète que je suis défavorable à l’amendement SPE764. En revanche, le délai proposé me semble une bonne façon de calmer les inquiétudes qui se sont exprimées.

M. Jean-Louis Roumegas. Le débat aura donc permis de progresser, même modestement, et tout progrès est bon à prendre. Toutefois, si un délai est nécessaire, l’accorder n’empêche pas de mener des expérimentations.

Mme Colette Capdevielle. J’ai écouté Jean-Yves Caullet et le ministre avec grand intérêt. Notre débat a été riche et vous avez, monsieur le ministre, tenu compte de nos réflexions et de nos craintes. Le délai proposé me paraît une très bonne chose, car les CARPA ne sont pas prêtes.

M. Philippe Houillon. Il faut bien comprendre que ce sont des bouleversements considérables qui attendent toutes ces professions ; s’adapter et se réorganiser leur demandera du temps.

Le délai que vous proposez, compte tenu de la durée probable du débat parlementaire, reviendra probablement à une entrée en vigueur à la fin de l’année 2016. Nous défendrons également un amendement, qui est un amendement de repli, et qui vise à fixer l’entrée en vigueur de la réforme au 1er juillet 2017 : cela revient à donner six mois de plus, qui ne seraient sans doute pas six mois de trop. Mais cet amendement est subsidiaire : nous voterons, je le répète, l’amendement SPE764.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, quels éléments vous permettent de conclure que ces expérimentations sont satisfaisantes et qu’il convient de les généraliser ?

D’autre part, un délai d’un an après la promulgation de la loi ne risque-t-il pas de poser problème, dans la mesure où vous demandez aussi des habilitations pour prendre des ordonnances, avec d’autres délais encore ? Cela me paraît une source de grande complexité.

M. le ministre. Sur ce sujet, aucune ordonnance n’est prévue. Il n’y a donc pas de problème.

La Commission rejette l’amendement SPE764.

Elle se saisit ensuite de l’amendement SPE704 de M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Cet amendement tend à maintenir le dispositif actuel de la postulation pour les affaires judiciaires relevant des secteurs professionnels et impliquant des personnes morales – ces affaires représentent une part importante du chiffre d’affaires de certains barreaux.

Monsieur le ministre, j’ai cru comprendre, lors de votre audition par la Commission, que vous étiez plutôt ouvert sur ce sujet.

M. le ministre. J’ai de la sympathie pour votre amendement, c’est vrai : il cherche à supprimer le surcoût entraîné par la postulation pour les ménages, tout en le maintenant pour les assureurs et les banquiers. Nous avons nous-même cherché une solution de ce type, mais, après expertise, nous nous sommes aperçus qu’il n’était pas possible, en droit, d’opérer une telle distinction. Les amendements des rapporteurs sont dans le même esprit, mais maintiennent la postulation pour certains types d’actes, ce qui, pour le coup, est possible.

Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure thématique, la Commission rejette l’amendement SPE704.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel SPE1738 des rapporteurs.

Puis elle examine les amendements identiques SPE149 de M. Philippe Houillon et SPE330 de M. Patrick Hetzel.

M. Philippe Houillon. Il s’agit d’un amendement de repli, notre amendement initial ayant été déclaré irrecevable. Nous demandons un rapport du Gouvernement relatif à l’indemnisation des avocats subissant un préjudice anormal à la suite de la suppression du monopole territorial qui leur avait été octroyé. Un monopole est créé au niveau des cours d’appel, mais un autre monopole est bien supprimé.

M. le ministre. Avis défavorable. Le Gouvernement, comme le Conseil d’État, considère qu’il n’y a pas suppression d’un monopole, mais extension de son ressort géographique. De surcroît, comme il en a longuement été question, cette extension se pratique déjà dans différentes cours d’appel.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons, et aussi pour un problème d’ordre rédactionnel : maintenant que nous sommes convenus que la réforme prendrait effet un an après la promulgation de la loi – même si l’amendement n’est pas encore voté –, ce rapport ne saurait être rendu six mois après cette promulgation. S’il était adopté, cet amendement serait inopérant.

M. Philippe Houillon. Je rectifie mon amendement en remplaçant « dans les six mois suivant la promulgation de la loi » par « dans les deux ans suivant la promulgation de la loi ».

La Commission rejette l’amendement SPE149 ainsi rectifié et l’amendement SPE330.

Elle examine ensuite l’amendement SPE1739 des rapporteurs.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Cet amendement vise à limiter les activités pour lesquelles les avocats pourraient postuler auprès de l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel au sein de laquelle ils ont établi leur résidence professionnelle. En effet, lors de leur audition, le 6 janvier 2015, les bâtonniers des barreaux de Bordeaux, Libourne, Nîmes et Alès où existe d’ores et déjà un dispositif de multipostulation, en application de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ont dressé un bilan globalement positif de cette organisation.

Ils ont toutefois souligné que les barreaux aux effectifs numériques les plus faibles s’étaient maintenus grâce aux exceptions à la multipostulation qui sont prévues par la loi pour les activités suivantes des avocats : procédures de saisie immobilière ; procédures de partage et de licitation ; aide juridictionnelle ; affaires où ils ne sont pas avocats plaidants. Pour ces quatre types d’activités, la postulation auprès du tribunal de grande instance dans le ressort duquel les avocats ont établi leur résidence professionnelle a été maintenue.

Cela a notamment permis de préserver le financement des ordres qui tirent en partie leurs ressources des CARPA qui sont alimentées, entre autres, par les fonds provenant des ventes immobilières à l’issue des procédures de saisie. Grâce à la préservation des ressources des ordres, les activités des barreaux, notamment les permanences assurées en matière pénale, ont pu être pérennisées.

Cet amendement est un complément nécessaire de la réforme de la postulation.

M. le ministre. Comme je l’ai déjà dit, avis favorable.

M. Philippe Houillon. Je ne comprends pas exactement l’intérêt de conserver la postulation pour les affaires où les avocats ne sont pas plaidants. Pourriez-vous nous l’expliquer ?

Vous choisissez de laisser aux petits barreaux le poids de l’aide juridictionnelle, tout en amenant les affaires rentables au niveau de la cour d’appel : c’est un choix politique auquel je ne souscris pas.

Enfin, j’ai cru entendre que le Gouvernement n’était pas hostile à une extension du champ des exceptions : pourriez-vous, monsieur le ministre, nous le confirmer ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Nous avons repris les exceptions qui existent actuellement dans les ressorts de cours d’appel où la multipostulation se pratique.

La Commission adopte l’amendement SPE1739.

M. Philippe Houillon. Monsieur le ministre, je répète ma question : à quelles matières accepteriez-vous d’étendre le champ des exceptions ?

M. le ministre. Ayant porté une réforme plus ambitieuse que celle qui se dessine aujourd’hui, il me semble qu’il ne m’appartient pas de définir de quelle façon il faudrait réduire encore sa portée. J’appelais seulement l’attention de votre collègue sur la façon dont l’amendement que vous venez d’adopter me paraissait répondre à ses attentes.

M. Philippe Houillon. Vous n’êtes donc pas défavorable sur le principe.

M. le ministre. Je ne me prononce pas a priori. La charge de la proposition vous revient !

La Commission adopte l’amendement rédactionnel SPE1740 et l’amendement de cohérence SPE1741 des rapporteurs.

Elle se saisit ensuite de l’amendement SPE1202 de M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Cet amendement vise à conserver aux barreaux la possibilité de refuser l’installation d’un bureau secondaire dans leur ressort. Cela permettrait de préserver l’emploi dans les cabinets.

M. le ministre. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable, mais nous proposons un amendement qui permettra de maintenir un régime d’autorisation.

La Commission rejette l’amendement SPE1202.

Puis elle se saisit de l’amendement SPE1742 des rapporteurs, qui fait l’objet d’un sous-amendement, SPE1899, de M. Philippe Houillon.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Cet amendement tend à supprimer le dispositif substituant un régime déclaratif à l’actuel régime d’autorisation préalable prévu pour l’établissement de bureaux secondaires dans le ressort d’un barreau distinct de celui où l’avocat a sa résidence professionnelle. D’autre part, il ramène de trois à un mois le délai dans lequel le conseil de l’ordre du barreau d’accueil doit se prononcer sur la demande d’établissement d’un bureau secondaire dans son ressort.

M. Philippe Houillon. Mon sous-amendement substitue un délai de six semaines au délai d’un mois prévu par l’amendement.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable au sous-amendement. Un délai d’un mois paraît suffisant.

Mme Colette Capdevielle. Le rétablissement du régime d’autorisation est une avancée. En revanche, un délai d’un mois me paraît convenir. Cela permet d’aller vite et c’est dans l’esprit de la loi.

M. Philippe Houillon. Six semaines, c’est du bon sens. Pensez aux demandes faites au mois d’août !

M. le ministre. Je veux rappeler que l’ambition première du Gouvernement était de simplifier ; c’est la raison pour laquelle nous proposions initialement de substituer, au régime d’autorisation en vigueur, un régime déclaratif. Mon collègue Thierry Mandon y tenait beaucoup, et à juste titre.

Aujourd’hui, l’excès de formalisme auquel vous souhaitez revenir contraint inutilement, je crois, la création et le développement de l’activité des avocats. Mais j’ai beaucoup écouté, et je m’aperçois que les difficultés sont grandes. J’entends aussi que ce n’est pas un sujet essentiel pour la croissance. Cette loi est une succession de petits pas qui vont dans la même direction : mais qu’il est dur de faire ces petits pas ! Ceux à qui on les demande protestent tant qu’il faut parfois les pousser ! Les personnes présentes pourront témoigner de ces obstacles lorsque d’autres réclameront de plus grands pas.

M. Philippe Houillon. Ce sont des pas de travers !

M. le ministre. Mais non ! C’est de la simplification. Vous parlez d’usine à gaz sur certains sujets, mais vous plaidez ici pour le formalisme.

Je constate qu’il existe au sein de la commission spéciale un consensus pour conserver plus de procédures qu’il n’en faudrait à nos yeux. Je suis mal à l’aise, mais je prends en considération la dynamique collective, et les observations des professionnels qui sont reflétées par les uns et les autres.

Le passage de trois à un mois a un sens. Faut-il revenir à six semaines ? On n’est plus, je crois, à deux semaines près.

J’approuve les dispositions de cet amendement qui imposent à l’avocat ouvrant un bureau secondaire de satisfaire à ses obligations en matière d’aide judiciaire et de commission d’office tant dans le ressort où est établie sa résidence professionnelle que dans celui où il dispose d’un bureau secondaire. Cela règle le problème, soulevé par M. Robiliard, d’éventuels « passagers clandestins ».

Sagesse.

La Commission rejette le sous-amendement SPE1899.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le groupe UMP votera l’amendement SPE1742.

La Commission adopte, à l’unanimité, l’amendement SPE1742.

En conséquence, les amendements SPE84 de M. Martial Saddier, SPE589 de M. François Vannson, SPE677 de Mme Colette Capdevielle, SPE695 de M. Guénhaël Huet, SPE1187 de M. Marc Dolez, SPE150 de M. Philippe Houillon, SPE331 de M. Patrick Hetzel, SPE1662 du Gouvernement et SPE886 de M. Michel Zumkeller deviennent sans objet.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques SPE85 de M. Martial Saddier et SPE680 de Mme Colette Capdevielle, et les amendements identiques SPE151 de M. Philippe Houillon et SPE332 de M. Patrick Hetzel.

M. Lionel Tardy. L’intervention des avocats dans le cadre de ventes judiciaires et de biens immeubles nécessite la création d’un tarif autonome. Un décret déterminera les modalités de mise en œuvre de ce tarif, sa nature et ses taux. L’amendement relaie l’une des recommandations de la mission d’information de la commission des Lois, relative aux professions juridiques réglementées.

Mme Colette Capdevielle. Il s’agit de maintenir, en matière de saisie immobilière et de sûretés judiciaires, un tarif dont les modalités seront déterminées par décret.

M. Philippe Houillon. Le rapporteur général le confirmera sans doute, des travaux sur le sujet sont sur le point d’aboutir à la Chancellerie. La mesure est d’importance, ne serait-ce que pour la rédaction des cahiers des charges.

M. Patrick Hetzel. Les professionnels nous ont confirmé qu’une discussion est engagée avec la Chancellerie : il est un peu étonnant que le Gouvernement n’en fasse pas état à ce stade. Quoi qu’il en soit, il ne faut évidemment pas faire table rase de ce qui a été convenu avec les professionnels.

M. le ministre. Avis favorable aux amendements SPE85 et SPE680.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Conscients des difficultés que pose la suppression du tarif de la postulation, nous nous sommes rapprochés de la direction des affaires civiles et du sceau à la Chancellerie, où il nous a été confirmé que des aménagements à la règle devaient être trouvés ; ils me semblent toutefois relever du domaine réglementaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dès lors que sont supprimés les honoraires relatifs à la postulation, la loi doit prévoir une rémunération spécifique.

M. Philippe Houillon. Si le tarif est supprimé dans la loi, c’est à celle-ci qu’il revient de préciser la dérogation.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis de sagesse sur l’amendement SPE151.

M. le rapporteur général. Je suggère de nous en tenir à la position du Gouvernement.

Les amendements SPE151 et SPE332 sont retirés.

La Commission adopte les amendements SPE85 et SPE680.

Elle en vient à l’amendement SPE483 de Mme Laure de La Raudière.

M. Bernard Gérard. La prestation d’un avocat est un service juridique intellectuel ; son évolution, par définition imprévisible, dépend en grande partie de l’aléa judiciaire. Exiger que la convention d’honoraires couvre à la fois les « diligences prévisibles » et leur « évolution possible » serait source de litige et de contestation entre l’avocat et son client. Je suggère donc de supprimer cette seconde expression.

M. le ministre. C’est précisément parce que des évolutions, parfois importantes, sont possibles que la convention d’honoraires doit les préciser : il y va de la transparence due à nos concitoyens, d’autant que l’information entre le justiciable et son avocat est souvent asymétrique. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable également, pour les mêmes raisons.

La Commission rejette l’amendement SPE483.

Puis elle se saisit des amendements identiques SPE333 de M. Patrick Hetzel et SPE1026 de M. Alain Chrétien.

M. Patrick Hetzel. L’amendement tend à supprimer, à la fin de l’alinéa 13, les mots : « et leur évolution possible », qui sont source d’ambiguïté dans la mesure où l’évolution du contentieux peut conduire l’avocat à rediscuter son offre avec le client.

M. Alain Chrétien. Le Gouvernement entend en quelque sorte institutionnaliser un devis ; mais celui-ci ayant valeur contractuelle, il pourra faire l’objet de contentieux entre l’avocat et le client, a fortiori si la définition reste floue.

M. le ministre. J’ai déjà répondu sur le fond. Il importe que la convention précise l’évolution possible des diligences pour des raisons de transparence, faute de quoi ladite convention pourrait être très lacunaire.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. Patrick Hetzel. Sur les sujets dont nous parlons, notre souci commun est d’assurer une bonne sécurité juridique ; or la rédaction envisagée accroît les risques de contentieux. J’ai du mal à saisir ce paradoxe.

M. Jean-Frédéric Poisson. Spécifier qu’une évolution est possible n’est guère satisfaisant. D’autre part, il y a fort à parier que les avocats, dont beaucoup travaillent sans l’aide d’un secrétariat, annexeront aux conventions des formulaires types énumérant les différentes hypothèses procédurales : quelle sera, alors, la valeur ajoutée dans la relation avec le client ?

M. Alain Chrétien. Une entreprise qui réalise des travaux dans une maison ne précise pas, sur son devis, que celui-ci pourra évoluer en fonction de telle ou telle autre tâche. Si de nouveaux travaux sont décidés, un nouveau devis est établi. Il en va de même avec un avocat : une convention est signée pour tel ou tel contentieux ; si la procédure se poursuit en appel ou si le client demande un complément d’information, une nouvelle convention est établie.

M. Bernard Gérard. Quelles sont les évolutions possibles, sinon les multiples voies de recours ? Il est un peu irréaliste de demander à un avocat d’intégrer autant d’éléments dans la convention.

M. Olivier Carré. Les « diligences prévisibles » incluent par définition les possibles : à moins d’écrire « les diligences prévues et leur évolution possible », les amendements me semblent donc tout à fait pertinents, sans parler des risques qu’ils permettent d’éviter.

M. Alain Tourret. Il faut faire simple. La liste des « évolutions possibles » pourrait faire tout un livre !

M. le ministre. Je suis sensible à l’argument de M. Carré : il serait sans doute préférable d’écrire « les diligences prévues ».

M. Olivier Carré. J’observais seulement que les mots : « et leur évolution possible » sont superfétatoires et que l’on peut donc les supprimer dans la version actuelle du texte, comme y tendent les amendements.

M. Jean-Yves Caullet. Il me semble opportun que la convention précise non seulement les diligences prévues, mais aussi que celles-ci peuvent évoluer, auquel cas le client en rediscute avec son avocat.

M. Jean-Frédéric Poisson. Entend-on renseigner le client sur toutes les évolutions possibles ou sur les évolutions envisageables au vu du cas, les autres évolutions faisant l’objet d’une nouvelle convention ? Dans la seconde hypothèse, on peut s’en tenir à la formule : « les diligences prévues », avec les conséquences qu’elles impliquent.

M. le ministre. Cette expression ne peut se suffire à elle-même, monsieur Poisson. Il faut écrire, soit : « les diligences prévues et leur évolution possible », soit : « les diligences prévisibles ». La seconde solution a l’avantage de correspondre aux amendements auxquels, éclairé par M. Carré et avalant mon chapeau, j’émets donc un avis favorable.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Éclairée par le débat, j’émets également un avis favorable.

M. Denys Robiliard. En aval, ce sont le bâtonnier et le Premier président de la cour d’appel qui sont saisis des contentieux relatifs aux honoraires. Ils connaissent les « diligences prévisibles » et pourront dire si les informations requises ont été données. Je souscris donc aux amendements.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je suggère d’écrire : « les diligences prévues à ce jour ». En tout état de cause, la disposition me semble de nature à distendre les relations entre l’avocat et son client.

La Commission adopte les amendements SPE333 et SPE1026.

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité

Réunion du mercredi 14 janvier 2015 à 16 h 30

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Karine Berger, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Jacques Bridey, M. François Brottes, Mme Colette Capdevielle, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Gérard Cherpion, M. Alain Chrétien, M. Jean-Louis Costes, M. Marc Dolez, Mme Françoise Dumas, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bernard Gérard, M. Jean-Patrick Gille, M. Joël Giraud, M. Philippe Gosselin, M. Laurent Grandguillaume, M. Jean Grellier, M. Michel Heinrich, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Houillon, M. Guénhaël Huet, M. Sébastien Huyghe, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-Luc Laurent, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Dominique Lefebvre, M. Arnaud Leroy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Sandrine Mazetier, Mme Martine Pinville, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, Mme Monique Rabin, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert, Mme Cécile Untermaier, Mme Clotilde Valter, M. Philippe Vigier, M. Philippe Vitel, M. Jean-Luc Warsmann, M. Michel Zumkeller

Assistaient également à la réunion. - M. Gilles Carrez, M. Hervé Pellois, M. Lionel Tardy, M. Philippe Vigier

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