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Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Jeudi 11 juin 2015

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 33

Présidence de M. François Brottes, Président

–  Suite de l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 2765) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques)

–  Présences en réunion 69

La Commission poursuit l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 2765) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques).

TITRE III

TRAVAILLER

Chapitre IER

Exceptions au repos dominical et en soirée

Article 71 : Fixation à trois ans de la durée de l’autorisation dérogatoire individuelle ou sectorielle d’ouverture dominicale

La Commission adopte l’article 71 sans modification.

Article 75 : Procédure de création des zones touristiques et des zones commerciales

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE557 rectifié et SPE558 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 75 modifié.

Article 76 : Contreparties aux autorisations dérogatoires accordées dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales

La Commission examine l’amendement SPE683 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement vise d’abord à supprimer, d’une part, la possibilité d’ouverture dominicale sans accord, sur décision unilatérale de l’employeur, et, d’autre part, l’exonération totale dont bénéficient, dans le texte adopté par le Sénat, les établissements employant moins de 12 salariés.

Cet amendement ouvre en outre la possibilité, pour les établissements de moins de 11 salariés, de recourir à une consultation auprès de ceux-ci sur les contreparties prévues pour le travail dominical.

En effet, dans ces établissements, il n’y a généralement pas de délégué syndical et le recours à un salarié mandaté n’est pas une pratique courante. Il faut donc faire en sorte que l’on puisse négocier l’ensemble des compensations, leur nature et leur montant.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. C’est un amendement important.

Le principe auquel nous nous tenons depuis le début en matière d’ouverture des commerces le dimanche est le suivant : pas d’accord, pas d’ouverture. Pour les établissements de moins de 11 salariés, la question se posait de savoir comment pouvoir conclure l’accord d’entreprise. Dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, la solution choisie a été de mandater un salarié.

Finalement, la philosophie retenue par votre rapporteur thématique, à laquelle j’adhère, est d’en rester au principe « pas d’accord, pas d’ouverture », et de préciser, partout où il peut y avoir légalement un délégué du personnel ou un délégué syndical, que celui-ci a vocation à représenter les salariés et à porter l’accord. En revanche, pour les entreprises de moins de 11 salariés, en particulier celles qui sont déjà ouvertes, il est plus pragmatique d’organiser un référendum auprès des salariés, portant à la fois sur le principe de l’ouverture dominicale et sur les compensations proposées par l’employeur.

Néanmoins, une telle décision peut aussi être prise au niveau de la branche ou du territoire, comme pour l’ensemble des autres entreprises.

Avis favorable à l’amendement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cette loi est la marque de l’incapacité du Gouvernement à traiter la question du chômage dans notre pays. Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu’il y a aujourd’hui, toutes catégories confondues, un million de chômeurs de plus qu’il y a trois ans.

Je vous rappelle le ton de la campagne électorale de 2012 : il suffisait, nous disait-on, que la majorité actuelle arrivât au pouvoir pour que tout cela se réglât mécaniquement. La future majorité a pris à plusieurs reprises, la main sur le cœur, l’engagement que le chômage allait baisser : il suffisait de changer les têtes à l’Élysée et ailleurs pour que, miraculeusement, le chômage se mette à refluer… C’est le message que nous avons toutes et tous entendu il y a quatre ans. Rien de tout cela ne s’est produit. Nous sommes dans l’impasse et, comme dirait quelqu’un que je connais bien, « on n’est pas sortis des ronces », monsieur le ministre.

La situation empire au rythme d’environ 1 000 chômeurs de plus par jour et, comme je l’ai dit en première lecture, ce n’est pas votre projet de loi ni son titre III qui y changera quoi que ce soit. La manière dont vous êtes en train de le réécrire, parfaitement conforme au texte de la première lecture, ne modifiera pas la situation.

J’en viens à l’amendement.

Signe du fait que votre politique ne marche pas, rien, qu’il s’agisse du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ou des emplois aidés, ne produit d’effet. Il en est de même du contrat de génération, dont je rappelle qu’il était au cœur de la primaire socialiste de 2011 : entre les deux tours, l’affrontement entre Mme Aubry et de M. Hollande portait sur ce point. C’est un fiasco. Aujourd’hui, vous en venez à proposer des dispositions dont on m’expliquera comment elles peuvent s’articuler avec la « loi Rebsamen », que l’Assemblée nationale examinait il y a quelques jours dans l’hémicycle, à savoir le dialogue social territorial à travers les commissions paritaires régionales pour les entreprises de moins de 11 salariés.

Je ne suis pas favorable à ces dispositions. J’ai porté la parole de mon groupe dès la première lecture sur tous ces articles, et notre position ne change pas. Nous voterons contre tous les articles sur le travail dominical, pour des raisons que j’ai expliquées cinquante fois.

En revanche, je continue de m’interroger sur ce qui se passera lorsque les contreparties acceptées lors de la consultation mentionnée par le rapporteur thématique seront plus favorables que l’accord. Votre rédaction, monsieur le rapporteur, mentionne bien que, lorsque l’accord collectif existe, il s’applique et remplace ces contreparties. Que se passera-t-il lorsque les contreparties seront plus favorables que l’accord pour le salarié ? Cet amendement pose un problème de rédaction.

M. le ministre. Je crains, monsieur Poisson, de devoir vous retourner le compliment : il n’y aura pas demain non plus de sauveur en matière de chômage, quel qu’il soit, et celles et ceux qui ont échoué à régler le problème ne sont pas celles et ceux qui peuvent prétendre le traiter demain. J’aimerais que nous évitions ce genre de débat démagogique : si un sauveur existait en matière de chômage, il serait Président de la République depuis longtemps et nous n’en serions pas là.

Monsieur Poisson, nous essayons de trouver des solutions concrètes pour le pays. Dites-moi ce qui, dans le texte qui vient du Sénat ou dans les propositions faites par votre groupe, est de nature à créer les dizaines de milliers d’emplois que le texte du Gouvernement, selon vous, ne créerait pas. Si nous pouvons avoir des convergences pragmatiques, pourquoi passer par des circonlocutions un tantinet agressives qui veulent dire, finalement, que vous êtes d’accord avec nous, mais que vous ne pouvez nous approuver parce que l’idée ne vient pas de vous ? Pour ma part, je n’ai pas de problème en matière de propriété intellectuelle des idées. Nous devons, certes, marquer nos différences, mais non les caricaturer, comme vous le faites, et je me féliciterais que nous puissions nous retrouver autour de certaines solutions pour peu qu’elles soient bonnes pour le pays.

Pour ce qui est de l’ouverture dominicale, notre philosophie d’ensemble vise à donner plus de flexibilité aux élus sur le territoire, ainsi qu’aux zones touristiques et commerciales. Cette philosophie est sous-tendue par un principe qui n’a jamais été vraiment appliqué dans notre pays, et qui tend à donner un contenu au dialogue social et à l’idée que nous nous faisons de la social-démocratie. Cela veut dire que nous faisons confiance à l’intelligence des élus locaux pour savoir s’il est bon ou non d’ouvrir le dimanche sur leur territoire, et à celle des acteurs économiques pour savoir s’ils vont conclure ou non un accord.

Je vais maintenant répondre à votre question, monsieur Poisson. Pensez-vous une seule seconde que des acteurs, notamment des salariés – je pense en particulier à ceux qui travaillent dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle (PUCE) –, vont accepter un accord au titre duquel ils seront moins payés ? Bien sûr que non, sauf à considérer qu’il y a une incapacité des acteurs, au niveau du groupe, de la branche ou de l’entreprise, à avoir une délibération éclairée. Pensez-vous que quelqu’un qui, depuis des années, travaille le dimanche en étant payé double, va accepter de ne plus l’être du fait d’un accord collectif ? Je ne le crois pas, et vous non plus sans doute.

Le chômage augmente, c’est vrai, et je ne me dérobe pas à ce qui est notre responsabilité. Reste que, généralement, on ne tire pas les fruits de la politique économique que l’on mène. Il en est de la politique économique comme de beaucoup de choses : on y paie souvent les erreurs du passé.

M. Gérard Cherpion. Comme les 35 heures !

M. le ministre. Si vous voulez parler des 35 heures, monsieur Cherpion, nous pouvons aussi en discuter…

Le pays n’a pas aujourd’hui un taux de chômage qui serait le fruit de la politique menée ces six derniers mois ou l’année dernière. De la même façon, l’Allemagne de Mme Merkel bénéficie largement des réformes qui ont été conduites il y a dix ans, réformes qu’elle n’a pas menées. Voilà la réalité.

S’il y avait eu une politique formidablement efficace sur le plan économique et social durant la décennie qui a précédé la campagne que vous rappelez, les choses ne se seraient sans doute pas détricotées de cette façon. Le pays aurait été moins endetté, il aurait eu un déficit moindre. Ce n’est pas nous qui avons rajouté, dans les cinq dernières années, 600 milliards d’euros de dettes ! La même crise a été vécue en Italie, qui a continué à consolider son économie, de même qu’en Allemagne, qui n’a pas fait davantage de dépenses publiques. Il suffit de faire des comparaisons pour s’inquiéter, et l’on ne reconstruit pas en deux ans la compétitivité d’un pays.

Vous pouvez me taper dessus, c’est le jeu, et vous y êtes plus habitués que moi, qui ne l’aime guère. Nous pouvons jour à nous renvoyer la balle, mais cela ne m’intéresse pas. Cela dit, il ne faut pas que cela vous affranchisse de la coresponsabilité qui, de toute façon, est la vôtre, que vous le vouliez ou non, puisque vous avez géré ce pays pendant les dix années qui ont précédé notre arrivée, et que les résultats économiques procèdent de cycles longs.

La question est la suivante : en ce qui nous concerne, sommes-nous capables de conduire des réformes qui font bouger les lignes, qui sont créatrices d’activité et qui portent l’idée de justice économique et sociale qui est la nôtre ? Et, de votre côté, saurez-vous converger vers ces solutions parce que vous considérerez qu’elles sont efficaces pour le pays, même si, eu égard à votre sensibilité différente, que je respecte, vous auriez voulu procéder un peu différemment ?

Si vous me dites que vous avez pensé avant nous à telle ou telle solution, je suis prêt à vous en donner acte. Si elle est bonne pour mon pays et que j’en suis convaincu, peu m’importe d’où elle vient. À la fin, il faut que le chat mange la souris, comme disait un grand Chinois.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Souvent droite varie, bien fol qui s’y fie ! Nos collègues nous expliquent qu’ils sont opposés sous toutes les formes et dans tous les cas à l’ouverture dominicale des commerces, ce qui est au demeurant leur droit, mais la droite sénatoriale, elle, non contente de libéraliser à outrance le travail du dimanche, ne s’est pas demandée ce qu’il fallait faire au cas où les compensations étaient supérieures à l’accord, puisqu’elle a décidé de supprimer purement et simplement toute idée de contrepartie.

Les contradictions sont inhérentes à toutes les sensibilités. Je ne vous en fais pas particulièrement grief, mais vous entendre clamer votre opposition au projet du Gouvernement, que nous soutenons, contraste copieusement avec la position sénatoriale qui, elle, ouvre les vannes à tout va, sans compensations.

Chaque assemblée est libre, je n’en disconviens pas, mais le décor général me fait dire que l’équilibre est de notre côté, car nous souhaitons que les libertés économiques progressent, que les possibilités de développement de l’activité augmentent, et que cela se fasse dans un même mouvement, avec les protections collectives des salariés.

Voilà l’inspiration générale du texte. Que l’on soit opposé à tel ou tel de ses aspects, pourquoi pas ? Mais plutôt que de savoir ce qui, et qui a généré le chômage, nous préférons mettre sur la table des mesures pour développer l’activité et l’emploi, grâce à plus de liberté économique et plus de progression collective.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement est en effet un amendement important. Le Sénat ayant souhaité la suppression de toute compensation pour les salariés, alors que nous considérons que c’est un progrès social que les salariés qui travaillent le dimanche puissent obtenir des compensations, il était important que nous puissions légiférer sur le cas des entreprises de moins de 11 salariés.

Aujourd’hui, il y a une réelle difficulté, nous l’avons constaté dans toutes les auditions que nous avons menées : le mandatement ne fonctionne pas bien dans les entreprises de moins de 11 salariés, car, bien souvent, il n’y a pas de représentation syndicale. Dès lors, il fallait trouver un dispositif qui permette au chef d’entreprise de construire un dialogue suivi avec ses salariés et, en même temps, de définir la nature des compensations.

Nous avions décidé en première lecture que cette nature devait être surtout salariale, et qu’il était souhaitable que les salariés puissent négocier avec leur employeur le montant de ces compensations et le nombre de dimanches travaillés. Ce que nous proposons aujourd’hui, après avoir procédé à de nombreuses auditions, permet d’éviter qu’il y ait des « trous dans la raquette » et d’obtenir que chacun des salariés qui travaillent dans un magasin, dans un commerce de détail, puisse, demain, obtenir des compensations si son employeur a voulu qu’il travaille le dimanche par roulement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis un peu surpris des réactions suscitées par mon intervention. Notre groupe a l’habitude d’assumer clairement et tranquillement ses positions, quelles que soient les circonstances, quand il s’agit de questions de principe.

S’agissant de l’affirmation du rapporteur général selon laquelle la droite varierait quant à sa position sur le travail dominical, je n’aurai pas la cruauté de rappeler la position du groupe auquel il appartient, il y a quelques années, quand nous avons voté la « loi dite Mallié »…

Monsieur le ministre, je ne comprends pas pourquoi, chaque fois que nous faisons le constat de ce que nous considérons comme étant un échec des politiques du Gouvernement, on nous fait le reproche d’être, soit polémiques, soit agressifs. Il n’y a aucune agressivité dans mes propos. Il y a seulement un constat : nous considérons que les politiques que vous conduisez échouent. Vous avez le droit de penser le contraire. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, vous ne seriez sans doute pas là ce matin ! Je le répète, il s’agit d’un constat, et nous disons que ce texte n’apportera rien. Il ne s’agit pas d’une agression, mais d’une simple confrontation d’analyses sur une situation donnée.

Monsieur le ministre, le cas que j’expose n’est pas théorique. Vous n’y êtes pour rien, puisque ce n’est pas vous qui avez rédigé l’amendement.

À défaut d’accord collectif dans une branche, cet amendement ouvre la possibilité, pour les établissements de moins de 11 salariés, de recourir à une consultation auprès des salariés sur les compensations prévues pour le travail dominical. L’employeur consulte les salariés et ils tombent d’accord pour définir les compensations. Imaginons qu’intervienne ensuite un accord territorial ou de branche. L’accord étant plus large, il s’applique aux dispositions prises dans l’accord interne à l’entreprise.

Il ne s’agit pas d’un cas théorique, monsieur le ministre. Ce n’est pas le même niveau d’accord, pas le même périmètre, donc, par hypothèse, il peut y avoir des différences. Si je dis cela, c’est seulement pour vous éclairer, étant donné que, de toute façon, nous ne voterons pas cet article.

M. Gérard Cherpion. J’avoue ne pas très bien comprendre non plus. Le Sénat n’a pas supprimé les contreparties. L’alinéa 8 prévoit que : « L’accord mentionné au premier alinéa du présent II fixe les contreparties, en particulier salariales, accordées aux salariés privés du repos dominical, ainsi que les engagements… » Il n’est en aucun cas question de supprimer les contreparties, qui sont effectivement légitimes.

Quant à l’alinéa 11, il montre que l’amendement tel qu’il est rédigé n’est pas adéquat. Je cite : « Lorsqu’un accord collectif ou qu’un accord territorial est régulièrement négocié postérieurement à la décision prise sur le fondement de l’avant-dernier alinéa du présent II, cet accord s’applique en lieu et place des contreparties prévues par cette décision. » La démonstration de notre collègue Poisson est donc juste.

M. le ministre. La grande différence avec le texte du Sénat, c’est qu’il n’y est pas envisagé d’accord dans les entreprises de moins de 11 salariés, mais une décision unilatérale de l’employeur.

Le Sénat a bien vu, comme nous tous qui en avions discuté ensemble – le rapporteur général l’avait vu également dès la première lecture –, la difficulté de traiter le cas des entreprises de moins de 11 salariés. J’avais souhaité que l’on puisse, dans un premier temps, aboutir à une solution simple et unique.

Le Sénat a repris la spécificité des entreprises de moins de 11 salariés, mais il a supprimé toute consultation des salariés. C’est là la grande différence. L’amendement des rapporteurs introduit le fait qu’il ne s’agit plus d’une décision de l’employeur, mais d’un référendum, ce qui, vous le reconnaîtrez, n’est pas tout à fait la même vision du dialogue social.

Il existe une hiérarchie des normes collectives, qui est respectée par cet amendement. Sont applicables les accords de branche, territoriaux et, à défaut, l’accord d’établissement qui, pour les entreprises de moins de 11 salariés, est matérialisé par le référendum, objet de cet amendement.

La hiérarchie des normes fait que l’accord conclu au niveau de l’entreprise ne peut être moins-disant que l’accord de branche. S’il y a un accord de branche ou un accord de territoire qui fixe un certain niveau de compensation, l’accord d’entreprise ne peut être moins-disant s’il est conclu postérieurement. Inversement, un accord de territoire ou de branche postérieur plus favorable s’appliquera ipso facto dans l’entreprise. Telle est la hiérarchie des normes en droit social.

M. Christophe Sirugue. Dans l’argumentation développée par nos collègues de l’opposition, les commissions paritaires régionales (CPR) ont été mises en avant. En tant que rapporteur du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, en cours d’examen par le Parlement, je ne vois pas en quoi il y a interférence. La définition du rôle de ces commissions pour les entreprises de moins de 11 salariés est particulièrement claire : nous ne leur avons pas donné la mission de se substituer à qui que ce soit pour des accords de quelque nature que ce soit. Aussi trouvé-je l’argument quelque peu fallacieux.

La Commission adopte l’amendement SPE683.

En conséquence, l’amendement SPE302 de M. Jean-Louis Roumegas devient sans objet.

Elle adopte également l’amendement rédactionnel SPE684 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 76 modifié.

Article 77 : Volontariat des salariés qui travaillent le dimanche

La Commission adopte l’amendement de conséquence SPE685 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 77 modifié.

Article 78 : Extension aux commerces alimentaires du régime dérogatoire des zones touristiques internationales et des commerces situés dans l’emprise des gares

La Commission examine l’amendement SPE304 de M. Jean-Louis Roumegas, tendant à supprimer l’article.

Mme Michèle Bonneton. Nous demandons la suppression de cet article qui vise à étendre les dérogations au repos dominical au-delà de 13 heures pour les commerces de détail alimentaires situés dans les zones touristiques internationales et dans les emprises de gares. Le repos dominical devrait être et rester la norme.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Nous proposons, au contraire, de voter conforme le texte du Sénat qui, conjugué à l’article 80 bis, est plutôt positif pour les salariés des commerces de détail alimentaires.

Nous avons un double dispositif.

Le premier, que nous vous présenterons, s’appliquera aux commerces alimentaires de détail qui ouvrent le dimanche matin.

Ensuite, pour le travail de l’après-midi, un autre dispositif se met en place, celui de l’accord de branche et de l’accord d’entreprise, dans le cadre que nous avons déjà défini.

Avis défavorable, donc.

M. le ministre. Même avis.

Bien que l’amendement ait été adopté, je souhaite revenir au débat que nous avons eu tout à l’heure. J’ai été sensible au point soulevé par M. Cherpion. Nous avons laissé – par la faute du Gouvernement et non des rapporteurs – une ambiguïté dans le texte, que je m’engage à lever d’ici à la séance publique.

La Commission rejette l’amendement SPE304.

La Commission adopte l’article 78 sans modification.

Article 79 : Nouveau régime applicable aux commerces situés dans l’emprise d’une gare

La Commission adopte l’article 79 sans modification.

Article 80 : Dimanches du maire

La Commission examine l’amendement SPE305 de M. Jean-Louis Roumegas.

Mme Michèle Bonneton. Nous proposons de supprimer l’article 80.

La France connaît actuellement le système dit des « dimanches du maire », qui permet aux maires d’autoriser les commerces à ouvrir cinq dimanches par an. Mais, dans une très large majorité des communes, ils choisissent de ne pas utiliser cette faculté.

La possibilité de porter ce nombre de dimanches à douze ferait sortir le travail dominical du domaine de l’exception pour en faire une habitude. Outre que les commerçants indépendants sont très inquiets de cette disposition, il faut souligner que le commerce de détail est un secteur où l’emploi est précaire et largement féminin ; or, le travail du dimanche constitue pour les femmes une source de difficultés supplémentaires, notamment pour la garde de leurs enfants.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. La question des dimanches du maire nous a longuement occupés lors de la première lecture et nous avons abouti à une rédaction équilibrée. Nous présenterons dans un instant l’amendement SPE559 qui tend à la rétablir.

Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement SPE305.

Elle en vient à l’amendement SPE559 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement vise à rétablir le texte voté par l’Assemblée en première lecture, qui porte le nombre de dimanches possibles à douze par an, tout en supprimant le minimum de cinq. Le maire pourra ainsi choisir librement le nombre de dimanches, compris entre zéro et douze, qui pourront être travaillés – à ceci près que, pour des raisons de transparence vis-à-vis de tous, la décision devra être prise, non plus au fur et à mesure comme auparavant, mais avant le 31 décembre pour l’année suivante, et après délibération du conseil municipal – ainsi que de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) lorsque le nombre de dimanches est supérieur à cinq, pour des raisons de cohérence territoriale.

Pour les commerces alimentaires de détail, nous avons souhaité en outre que soient déduits des « dimanches du maire » les jours fériés travaillés, dans la limite de trois.

Enfin, il pourra y avoir, au sein des conseils municipaux, un débat sur l’ouverture dominicale des bibliothèques.

C’est un dispositif complet que nous avions adopté en première lecture. Je propose ici de le rétablir.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE559.

Puis elle adopte l’article 80 modifié.

Article 80 bis AA (nouveau) : Ouverture dominicale des commerces de biens culturels

La Commission examine les amendements identiques SPE358 des rapporteurs et SPE306 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Notre amendement vise à supprimer cet article ajouté par le Sénat, et qui vise à autoriser l’ouverture dominicale des commerces de biens culturels. Nous considérons que ce n’est pas opportun, car la logique du projet de loi est une logique géographique et non pas une logique sectorielle. Par ailleurs, nous avons constaté, après avoir auditionné un certain nombre d’acteurs de la filière, que ces ouvertures pourraient avoir un effet de capillarité, un effet « domino », qui poserait de nombreux problèmes.

Comment définir, en effet, un commerce de biens culturels ? La FNAC, par exemple, vend des livres et des disques, mais aussi des biens d’équipement. Si nous autorisons l’ouverture de commerces de biens culturels, d’autres commerces, qui vendent des biens d’équipements spécifiques comme de la hi-fi ou des appareils photo, et accessoirement des disques ou des films, voudront, eux aussi, ouvrir leurs magasins.

Enfin, il est indispensable de protéger l’économie actuelle des libraires et des disquaires indépendants, dont la résistance commerciale, notamment face à internet, et la capacité d’innovation sont à souligner. Le risque de monopolisation de ce secteur d’activité par quelques enseignes généralistes implantées sur tout le territoire national et en mesure de supporter les charges d’une ouverture tous les dimanches serait en effet une menace pour eux.

Nous avons voulu être vigilants sur ce point. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.

Mme Michèle Bonneton. Nous voulons, nous aussi, par notre amendement, supprimer cet article, pour les raisons exposées par le rapporteur thématique.

Cela étant, monsieur le ministre, quid des galeries marchandes de franchisés ? À quelle réglementation sont-elles soumises ?

M. Jean-Yves Caullet. Je salue l’argumentation du rapporteur thématique. Les promoteurs de cette mesure mettaient en avant l’idée que la culture devait être ouverte à tous le dimanche. Je voudrais souligner, pour ma part, que la culture ne se réduit pas au commerce de biens culturels.

Par ailleurs, en ce qui concerne les petites enseignes, et notamment les libraires, j’ai le bonheur d’avoir dans ma ville une librairie indépendante, et je salue l’argument qui consiste à défendre ces professionnels, car ils le méritent.

M. Christophe Castaner. Je voudrais lier cet amendement à celui que nous avons adopté cette nuit sur les cinémas de proximité. Ils traduisent une conception globale de la culture, une identité culturelle, une exception culturelle à la française, qui nous est chère et qui ne se réduit pas au commerce, comme vient de le dire notre collègue.

M. Gérard Cherpion. Je vois une contradiction entre l’amendement SPE559, que nous venons de voter, et cet amendement.

On envisage, dans l’amendement SPE559, la possibilité d’ouvrir les bibliothèques le dimanche. Cela va dans le bon sens. Mais pourquoi ne pas donner aux gens qui le veulent la possibilité de choisir ? Dire cela, ce n’est pas restreindre la culture au commerce de biens culturels : c’est donner à ceux qui le souhaitent la possibilité d’aller chercher, fût-ce en entrant dans un local commercial, des éléments qui participent de la culture.

J’estime donc qu’il faut maintenir le texte sénatorial.

M. le ministre. Pour répondre à la question de Mme Bonneton, l’autorisation est donnée magasin par magasin, non pour la galerie entière.

Nous nous heurtons, avec cet article, à la difficulté inhérente à l’approche sectorielle. C’est exactement le même débat que celui que nous avons eu il y a quelques mois sur le bricolage et les meubles de jardin.

Je comprends les motivations sur lesquelles repose l’article. La FNAC, en particulier, se trouve soumise à une concurrence extrêmement forte, notamment de la part du commerce en ligne – bien qu’elle ait elle-même un site de vente en ligne. Le problème, c’est que la FNAC ne vend pas que des livres et des disques. Si nous lui donnions cette autorisation par voie législative, les enseignes qui vendent des biens informatiques et de l’électroménager viendraient nous dire, à juste titre, que nous avons créé une distorsion de concurrence en permettant à leur concurrent, sous prétexte qu’il est aussi libraire, d’ouvrir le dimanche. C’est pourquoi nous n’avons jamais voulu étendre ce type de disposition par voie réglementaire. Je précise, car la question a été posée, que l’on ne peut pas fermer seulement certains rayons de la FNAC…

La bonne approche, c’est celle qui permet de répondre aux enjeux du secteur. Il faut rappeler qu’il existe déjà les zones touristiques, les zones commerciales et les douze dimanches du maire. Prenons un exemple concret. La FNAC de Bordeaux était officiellement très désireuse d’ouvrir le dimanche, mais ses représentants reconnaissaient qu’ouvrir tous les dimanches n’était pas économiquement pertinent. Il semble que l’ouverture à raison d’un dimanche par mois soit un point d’équilibre qui satisfasse tout le monde sur le terrain : la FNAC, qui peut ainsi faire plus de chiffre d’affaires, mais aussi les libraires indépendants, qui peuvent trouver un accord avec leurs salariés sur la base des douze dimanches du maire.

Compte tenu des libertés que nous avons laissées au acteurs de terrain, aux maires, aux différentes branches, au dialogue social dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI), il convient avant tout de déterminer quels sont les cas qui restent à traiter. Je suis prêt, par voie réglementaire, à rechercher, de manière beaucoup plus « chirurgicale » que par une approche sectorielle, d’éventuels éléments de fragilité. Cela étant, nous connaissons déjà les sites fragiles.

J’entends les préoccupations économiques exprimées par certaines enseignes du secteur. Je pense qu’on peut les traiter par une autre voie et je m’engage à y réfléchir de manière approfondie. Mais je pense que nous déséquilibrerions le texte à vouloir les traiter par une approche sectorielle que nous inscririons dans la loi.

Pour toutes ces raisons, et notamment parce qu’une telle disposition viendrait déstabiliser les libraires indépendants, j’émets un avis tout à fait favorable aux amendements de suppression.

M. Gérard Cherpion. J’entends vos arguments, monsieur le ministre, mais ils tombent du fait de ce que vous venez de dire vous-même.

Les grandes surfaces alimentaires qui ouvrent le dimanche matin vendent aussi, vous le savez, de l’électroménager et des livres. Il y a donc, à l’évidence, une distorsion de concurrence. Lorsqu’il m’arrive d’aller dans un tel magasin le dimanche matin, le premier rayon sur lequel je tombe en arrivant, c’est celui des livres. Le deuxième, c’est celui de l’électroménager… Pourquoi établir une différence, alors que vous avez-vous-même reconnu qu’il était possible de vendre ces articles dans un magasin dont ce n’est pas la spécialité ? Vous créez vous-même une distorsion de concurrence que vous ne pouvez pas justifier.

M. le ministre. Je ne nie pas que ce biais existe, mais une enseigne de commerce alimentaire, aujourd’hui, ne vend de livres qu’à titre accessoire. Le système ne saurait être parfait, sauf à considérer qu’il faille spécialiser étroitement les commerces. Mais si l’on venait à traiter cette question comme le propose le Sénat, on laisserait se développer des enseignes qui vendraient de l’électroménager ou de l’informatique non à titre accessoire, mais à parité avec les biens culturels, voire davantage – car le problème, c’est qu’ensuite on ne s’arrête plus.

Nous ferons très précisément le bilan de la loi pour les grands libraires indépendants et la FNAC. Vous constaterez alors que nous aurons traité l’essentiel des cas. Pour ceux que nous n’aurons pas traités, nous ferons un travail plus fin avec les élus et avec l’entreprise, afin de trouver des ouvertures.

Reste que, concrètement, la question de la FNAC de Bordeaux a été réglée par ce classement de la ville en zone touristique. Celle de la FNAC de Bercy ne l’est pas, car elle n’est pas classée en zone touristique. Il s’agit en réalité de régler une dizaine de cas en France, soit parce qu’il n’y a pas assez de dimanches du maire, soit parce que la classification en zone touristique n’a pas été faite. Le problème est là. Je pense que nous pouvons le traiter autrement qu’en l’inscrivant dans la loi et en ouvrant un autre front. Il y a un travail à faire, par exemple, avec la mairie de Paris pour voir si Bercy ne pourrait pas être classé en zone touristique afin que la FNAC puisse y ouvrir le dimanche.

Vous avez raison, le système n’est pas parfait aujourd’hui, mais nous le rendrions encore plus déséquilibré en allant dans le sens souhaité par le Sénat.

M. Gérard Cherpion. La FNAC de Bordeaux vend effectivement de l’électroménager et beaucoup d’autres choses. Cela étant, le site internet de la FNAC vend tous les jours, le dimanche en particulier, des aspirateurs et d’autres articles. J’estime que votre attitude revient à se voiler la face devant un problème très préoccupant, car de nombreux emplois vont disparaître du fait du développement du commerce en ligne. Nous devrions avoir une politique générale, non une politique consistant en un assemblage de petites dérogations.

M. le ministre. Tout ce que nous faisons au sujet du travail dominical, sur lequel les sensibilités sont diverses au sein de votre groupe, vise précisément à traiter ce problème en donnant beaucoup plus de flexibilité aux acteurs.

Si je suis entré dans tous ces détails, c’est pour souligner que le texte permettra aux vendeurs de biens culturels d’ouvrir le dimanche. De qui s’agit-il ? D’une grande enseigne, la FNAC, et de libraires indépendants. Ces derniers ne souhaitent pas ouvrir tous les dimanches, car ils savent qu’ils n’en ont pas les moyens. Quant à la FNAC, entreprise importante à laquelle nous sommes attachés, il faut l’aider dans la bataille qu’elle mène – avec succès – pour se redresser et pour faire face à la concurrence sur internet, sans pour autant déstabiliser d’autres secteurs.

Le système auquel nous sommes parvenus n’est pas parfait, mais il est le moins déstabilisant possible. Depuis le début, ma préoccupation est de donner des marges de manœuvre à celles et ceux qui se battent pour préserver le commerce réel face au commerce numérique.

La Commission adopte les amendements SPE358 et SPE306.

En conséquence, l’article 80 bis AA est supprimé.

Article 80 bis A (nouveau) : Majoration de la rémunération des salariés du secteur alimentaire privés du repos dominical

La Commission est saisie de l’amendement SPE676 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Nous souhaitons que les commerces alimentaires de détail qui ouvrent le dimanche matin, c’est-à-dire nos supermarchés de chef-lieu de canton, installés pour beaucoup à la périphérie des villes, puissent verser une compensation à leurs salariés. Nous considérons que l’ouverture dominicale des magasins de détail doit rester l’exception, et que cette exception doit se voir aussi sur la fiche de paie.

Cet amendement vise donc à rétablir la majoration de 30 % au bénéfice des salariés de commerces alimentaires de détail, votée en première lecture par l’Assemblée nationale, mais en l’appliquant à l’ensemble des commerces et non plus aux seuls commerces dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés. Ainsi consoliderons-nous la constitutionnalité du dispositif en évitant une discrimination, difficile à justifier, entre salariés selon la taille de l’entreprise.

Je souhaiterais rectifier cet amendement en reprenant le sous-amendement SPE686 de Jean-Patrick Gille, qui vise à garantir aux salariés travaillant dans les commerces de détail alimentaires qui ouvrent tous les dimanches un nombre annuel minimum de dimanches non travaillés.

M. le ministre. Je m’en remets à la sagesse de la Commission sur l’amendement, étant entendu que cette sagesse tend vers le favorable…

En revanche, le sous-amendement de M. Gille pose problème, car il me semble que, en le retenant, nous nous immiscerions dans l’organisation de l’entreprise, ce qui ne serait pas une bonne chose. En l’occurrence, dans le secteur alimentaire, la convention collective traite de ce sujet. Il serait incohérent de vouloir, par la loi, corriger les conventions collectives qui ont défini ce nombre de dimanches.

J’ai suivi le même principe quand on a voulu définir dans la loi les niveaux de compensation. Je préférerais que vous n’intégriez pas ce sous-amendement, qui va compliquer les choses et déstabiliser les branches, alors même qu’on leur demande de négocier. Je préfère que la branche compétente négocie sa part du pacte de responsabilité et les compensations de l’ouverture dominicale, plutôt que de rajouter des éléments qu’elle a déjà négociés.

M. le président François Brottes. Monsieur le rapporteur thématique, souhaitez-vous toujours rectifier votre amendement ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il s’agit d’ouvertures de droit. Cela étant, j’ai entendu l’argument du ministre, et nous pourrons rediscuter de la question en séance publique, notamment avec Jean-Patrick Gille

Mme Michèle Bonneton. Il me paraît intéressant d’inscrire dans la loi une majoration salariale minimale, comme le propose l’amendement du rapporteur thématique. En revanche, indiquer que chaque salarié doit bénéficier au minimum de douze dimanches chômés par an ne me semble pas pertinent, mais pour des raisons différentes de celles données par le ministre.

Douze dimanches de repos par an, cela fait un dimanche par mois, autrement dit trois dimanches travaillés par mois. Dans ce cas, le dimanche devient quasiment un jour comme les autres. Je suis étonnée qu’une telle idée ait pu traverser l’esprit de certains députés. Ce serait une véritable déstabilisation de la vie familiale.

M. Gérard Cherpion. Ce sous-amendement n’est pas en débat pour deux raisons. D’abord, son auteur n’est pas là pour le défendre. Ensuite, j’imagine qu’il avait consulté les partenaires sociaux, car il s’agit en l’occurrence d’une discussion qui a une incidence sociale. Je pense que l’article L. 1 du code du travail s’applique et que, bien évidemment, ce sous-amendement a été soumis aux partenaires sociaux.

Je connais votre attachement, monsieur le ministre, à la discussion avec les partenaires sociaux et au respect du dialogue social. J’estime que, en imposant une rémunération majorée d’au moins 30 %, on s’en écarte.

Vous avez fait voter tout à l’heure la capacité de négocier dans les branches et dans les entreprises. Laissons les branches et les entreprises faire leur travail ! Si, à l’avenir, on se rend compte que cela ne fonctionne pas, il sera toujours temps de prendre des sanctions. Vous faites de la sanction préventive, et cela ne correspond pas à ma philosophie.

M. Jean-Yves Caullet. Nous parlons ici d’entreprises de petite taille, et il s’agit de fixer une majoration minimale, non d’imposer que cette majoration soit égale à 30 %. Par ailleurs, les salariés qui travaillent le dimanche tiennent souvent à ce que le nombre de dimanches non travaillés soit inclus dans la négociation. Je suis, cela étant, d’accord pour dire qu’il n’est sans doute pas pertinent d’inscrire ce nombre dans la loi, car c’est un point qui doit relever de la négociation sociale.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement va à l’encontre de votre souhait de favoriser le dialogue social, puisqu’il inscrit la majoration dans la loi. Certes, il ne s’agit que d’une majoration minimale, mais elle ne manquera pas d’influencer les négociations.

Mme Cécile Untermaier. Cette disposition concerne les commerces alimentaires de détail qui, depuis l’adoption d’une mesure très contestable sous la présidence de Nicolas Sarkozy, peuvent ouvrir le dimanche jusqu’à 13 heures sans majoration de salaire pour leurs employés – souvent des femmes très mal payées et sans aucune perspective d’amélioration de leur statut.

Je salue donc cet amendement, soutenu par le Gouvernement, qui va permettre aux salariés de ces commerces qui souhaitent travailler le dimanche d’obtenir une majoration salariale. C’est un excellent signal. Si les entreprises estiment que c’est financièrement trop lourd pour elles, elles n’ouvriront pas le dimanche, et les commerces de proximité ne s’en porteront que mieux.

La Commission adopte l’amendement SPE676.

L’article 80 bis A est ainsi rédigé.

Article 81 : Dérogation aux règles du travail de nuit pour les commerces de détail situés en zone touristique internationale

La Commission examine, en discussion commune les amendements SPE307 de M. Jean-Louis Roumegas et SPE562 des rapporteurs.

Mme Michèle Bonneton. Une étude, parue le 5 janvier dernier dans l’American Journal of Preventive Medicine, démontre la surmortalité des femmes qui travaillent de nuit. Ce facteur de pénibilité fait consensus, et ses effets sur la santé et l’espérance de vie ont été démontrés à de nombreuses reprises. Or cet article propose de contourner les critères du travail de nuit pour les salariés des commerces se trouvant dans les zones touristiques internationales. Nous demandons donc sa suppression.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Nous avions, en première lecture, encadré strictement le recours au travail en soirée, ne l’autorisant que dans les zones touristiques internationales (ZTI) et aux conditions suivantes : le volontariat, la réversibilité, la prise en charge du transport des salariés au-delà de minuit, la possibilité pour les femmes enceintes d’être affectées à un autre poste. Or le Sénat a étendu la possibilité de recourir au travail en soirée à l’ensemble des zones touristiques. Nous souhaitons donc revenir au texte adopté par l’Assemblée.

J’émets par ailleurs un avis défavorable sur l’amendement SPE307.

M. le ministre. Avis défavorable sur l’amendement SPE307 et favorable sur l’amendement SPE562.

La Commission rejette l’amendement SPE307, puis adopte l’amendement SPE562.

Elle adopte ensuite l’article 81 modifié.

Article 81 bis : Clarification des arrêtés préfectoraux de fermeture

La Commission examine l’amendement SPE563 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. L’Assemblée avait souhaité s’emparer de la question des arrêtés préfectoraux de fermeture et fait adopter un dispositif permettant la remise en cause de ces arrêtés à la demande des organisations syndicales ou patronales majoritaires. Le Sénat a souhaité compléter ce dispositif en limitant à cinq ans la durée de vie de ces arrêtés, ce qui nous semble non seulement redondant mais obligeait surtout à un réexamen systématique et régulier de l’ensemble des arrêtés qui ne nous paraît pas utile. Je propose donc d’en revenir au dispositif adopté en première lecture.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE563.

Puis elle adopte l’article 81 bis modifié.

Article 81 ter (supprimé) : Concertation locale sur le travail dominical

La Commission examine les amendements identiques SPE564 des rapporteurs et SPE228 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il s’agit de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale afin que, dans le cadre de chaque schéma de cohérence territoriale, les maires, les présidents d’EPCI, les associations de commerçants et les organisations représentatives des salariés et des employeurs du commerce de détail se concertent sur les modalités de l’ouverture dominicale des commerces et leur incidence sur les équilibres territoriaux.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte les amendements SPE564 et SPE228 .

L’article 81 ter est ainsi rétabli.

Article 82 : Dispositions transitoires non codifiées

La Commission examine les amendements identiques SPE565 des rapporteurs et SPE308 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il s’agit de ramener la période de négociation à vingt-quatre mois. Une période transitoire de trente-six mois serait en effet trop longue.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte les amendements SPE565 et SPE308.

Puis elle en vient à l’amendement SPE309 M. Jean-Louis Roumegas.

Mme Michèle Bonneton. La possibilité d’ouvrir les commerces douze dimanches par an fait sortir le travail du dimanche de l’exception pour en faire une habitude. Nous proposons donc la suppression des alinéas 6 et 7 de l’article 82.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement SPE309.

Puis elle examine l’amendement SPE566 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il est proposé à la fois de simplifier et de mieux encadrer le dispositif transitoire pour l’année 2015, en prévoyant, d’ici décembre et avant que les conseils municipaux et les EPCI puissent débattre de la question des douze dimanches d’ouverture, quatre dimanche supplémentaires et non sept comme le propose le Sénat.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE566.

Elle adopte ensuite l’article 82 modifié.

Article 82 bis : Modification des jours fériés outre-mer

La Commission maintient la suppression de cet article.

Chapitre II

Droit du travail

Section 1

Justice prud’homale

Article 83 : Réforme de la justice prud’homale

La Commission examine l’amendement SPE498 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Nous n’avons pas de désaccord fondamental sur les conseils des prud’hommes avec le Sénat, mais ce dernier a souhaité préciser des points de procédure, ce à quoi nous nous opposons pour des questions de méthode. En effet, la réforme de la procédure doit être appréhendée globalement et relève par ailleurs du pouvoir réglementaire. Procéder à des modifications procédurales ponctuelles risque de gêner la Chancellerie lorsqu’il lui faudra, après concertation, fixer par décret les nouvelles règles procédurales. Nous souhaitons donc revenir à la rédaction initiale du projet de loi et à la notion de « conseillers prud’hommes », de manière à éviter toute assimilation avec le corps des magistrats même si, de fait, les conseillers prud’hommes sont bien des juges.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Gérard Cherpion. Le fait de préciser expressément que les conseillers prud’hommes sont des juges me semble au contraire de nature à renforcer leur capacité à émettre des jugements.

La Commission adopte l’amendement SPE498.

Elle en vient ensuite à l’amendement SPE310 de M. Jean-Louis Roumegas.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement propose de supprimer les alinéas 8 à 11 de l’article 83, car ils introduisent un référentiel qui a vocation à guider le montant des indemnités susceptibles d’être allouées et qui s’inscrit dans la logique visant à soumettre à un barème les indemnités versées par les entreprises afin de leur permettre, lorsqu’elles ne respectent pas la loi, d’anticiper les montants qu’elles auront à verser. Or les juges prennent d’ores et déjà en compte la situation des demandeurs, notamment leur âge ou leur ancienneté. Cet amendement vise donc à conserver aux juges prud’homaux leurs prérogatives en matière d’appréciation des situations.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il ne vous a pas échappé que le Gouvernement a annoncé qu’il souhaitait que les indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse soient désormais encadrées par la loi. Il a déposé à cet effet un amendement qui sera examiné à l’article 87 D et qui soumet, de façon impérative et non indicative, ces indemnités à barème, en établissant un plancher et un plafond, ce qui laissera au juge toute latitude pour fixer à l’intérieur de cette fourchette le montant du préjudice subi du fait d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cela n’interdit pas de maintenir le référentiel, élaboré comme un indicateur synthétique à partir de l’analyse de la jurisprudence.

C’est se tromper que de croire que les grandes ou les moyennes entreprises n’anticipent pas les montants à provisionner pour un procès prud’homal. En cas de procès en cours, le commissaire aux comptes interroge toujours l’avocat au moment du bilan pour évaluer dans quelle fourchette se situent les risques de l’entreprise. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le ministre. Avis défavorable également.

Mme Michèle Bonneton. Le fait que l’entreprise puisse anticiper l’indemnité qu’elle aura à verser ne plaide pas en faveur du maintien de ces alinéas. Par ailleurs, vous parlez d’un plafond, mais il est précisé à l’alinéa 10 que ce référentiel fixe le montant de l’indemnité susceptible d’être allouée.

La Commission rejette l’amendement SPE310.

Puis elle examine l’amendement SPE311 de M. Jean-Louis Roumegas.

Mme Michèle Bonneton. Le renvoi direct devant la formation de départage et le bureau restreint de jugement soulève des inquiétudes chez les partenaires sociaux, notamment sur le respect de l’identité des prud’hommes, juridiction paritaire qui pourrait se voir contournée par le renvoi devant le juge départiteur. L’efficacité du dispositif prévu par cet article n’est pas assurée, les magistrats professionnels sont déjà en nombre insuffisant, et augmenter leur charge de travail ne semble pas une garantie de réduction des délais. De même, pour le bureau restreint, inscrire des délais dans la loi ne crée pas les conditions d’une justice plus rapide ni de meilleure qualité, car force est de constater que cette justice manque de moyens.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable. Nous avons déjà eu cette discussion en première lecture. Je récuse totalement l’idée que la juridiction prud’homale pourrait se voir contournée et le principe paritaire bafoué. En effet, c’est le bureau de conciliation, composé d’un conseiller salarié et d’un conseiller employeur, qui peut seul décider d’un renvoi devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur. Cela étant, si les conseillers prud’hommes, qui connaissent la jurisprudence de leur conseil et de la section à laquelle ils appartiennent, sont saisis d’une affaire dont ils estiment qu’elle a toutes les chances d’être renvoyée devant le juge départiteur, et pensent en conséquence pouvoir faire l’économie d’une audience, je ne vois pas au nom de quoi on le leur refuserait.

Quant aux moyens dont dispose cette justice, je suis d’accord avec vous pour considérer que nous devons faire en sorte qu’ils soient accrus.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement SPE311.

Puis elle est saisie de l’amendement SPE499 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. La réforme de la procédure prud’homale établit que les nouveaux conseillers prud’hommes bénéficieront d’une semaine de formation commune. Il convient de préciser que cette formation est de la responsabilité de l’État, tant en ce qui concerne ses grandes lignes directrices que son organisation matérielle. Reste à déterminer qui, au sein de l’État, en aura la charge.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je m’étonne que cet amendement ne se soit pas vu opposer l’article 40 de la Constitution.

M. le président François Brottes. J’ai consulté le président de la commission des Finances.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. L’État a très clairement fait connaître son souhait d’être en charge de cette formation commune, à la différence de la formation syndicale de six semaines qui existe actuellement. La responsabilité devait à l’origine en incomber à l’École nationale de la magistrature (ENM), mais le Sénat a supprimé toute référence à cette dernière. Nous nous bornons donc à revenir à ce que souhaitait le Gouvernement, ce qui permet de franchir l’obstacle de l’article 40.

La Commission adopte l’amendement SPE499.

Elle examine ensuite l’amendement SPE500 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il s’agit d’assurer la parité au sein de la Commission nationale de discipline des prud’hommes.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Gérard Cherpion. L’alinéa 40 indique que la commission nationale comporte entre autres « deux magistrats du siège des cours d’appel, désignés par le premier président de la Cour de cassation sur une liste établie par les premiers présidents des cours d’appel, chacun d’eux arrêtant le nom d’un magistrat du siège de sa cour d’appel après avis de l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel ». Mais que faire s’ils ne sont pas d’accord ? Faudra-t-il créer une commission supplémentaire pour déterminer qui désignera une magistrate et qui désignera un magistrat ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Le premier président de la Cour de cassation fait son choix sur une liste établie par les premiers présidents de cours d’appel, après consultation de leur assemblée générale, cette liste comportant obligatoirement autant d’hommes que de femmes puisque chaque président de cour d’appel sera tenu de désigner un homme et une femme. Compte tenu des effectifs de la magistrature, il me semble que cette mesure est plutôt favorable aux hommes…

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE500.

Puis elle est saisie de l’amendement SPE229 de Mme Catherine Coutelle.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement précédent.

L’amendement SPE229 est retiré.

La Commission examine l’amendement SPE582 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il s’agit de clarifier la manière dont est établie la liste des défenseurs syndicaux. Il n’y a pas lieu de réserver aux seules organisations représentatives au niveau national la possibilité de proposer des défenseurs syndicaux, ce qui pourrait en exclure les syndicats multiprofessionnels ou des syndicats très implantés dans certaines branches – je pense, entre autres, à Solidaires ou à l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA). Nous souhaitons revenir à la pratique actuelle.

Si nous avons néanmoins choisi de maintenir un niveau minimal de représentativité et décidé que ne pourront proposer des défenseurs que les organisations représentatives dans au moins une branche, c’est que nous ne voulons pas que des personnes souhaitant exercer les fonctions de défenseur syndical puissent constituer à cette fin et à cette fin seulement un syndicat. Ce serait une fraude à la loi.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE582.

Puis elle examine l’amendement SPE580 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Quand le bureau de conciliation décide de renvoyer l’affaire directement devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur, le bureau de jugement ne peut siéger qu’en formation complète, c’est-à-dire en présence des quatre conseillers prud’hommes et du juge départiteur. Cette précision est nécessaire car, lorsqu’une affaire est reprise par le juge départiteur après que le bureau de jugement a rendu un jugement de départage, les règles du délibéré sont les suivantes : soit la formation est complète, et l’on vote à cinq ; soit elle est incomplète, et le juge délibère avec les conseillers mais statue seul.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE580.

Elle en vient ensuite à l’amendement SPE501 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il s’agit de supprimer les modifications apportées par le Sénat à la procédure, afin que la réforme globale qui s’impose, notamment pour réduire les délais de jugement, puisse se faire de manière parfaitement cohérente. Je pense par exemple à la règle de l’unicité d’instance, propre à la justice prud’homale, qui doit être articulée avec les autres règles de procédure, ce que n’a pas prévu le Sénat.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE501.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE533 et SPE502 des rapporteurs.

Elle examine ensuite l’amendement SPE503 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il s’agit à nouveau de supprimer une modification de procédure apportée par le Sénat.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE503.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels SPE583 et SPE584 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 83 modifié.

Article 84 : Modalités d’entrée en vigueur des dispositions relatives à la justice prud’homale

La Commission adopte l’article 84 sans modification.

Section 2

Dispositif de contrôle de l’application du droit du travail

Article 85 : Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de renforcement du système d’inspection du travail et de révision des sanctions en matière de droit du travail

La Commission examine l’amendement SPE435 du Gouvernement.

M. le ministre. Cet amendement vise à réinsérer dans le projet de loi l’habilitation à prendre par ordonnance les dispositions du projet de loi relative à la formation professionnelle et à la démocratie sociale qui avaient trait à l’inspection du travail et que le Sénat a supprimées. Cela permettra au Gouvernement, à partir des travaux conduits autour de cette loi et de la proposition de loi portée notamment par M. Denys Robiliard, de mener à terme la réforme de l’inspection du travail.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis favorable. Je souhaite cependant que le ministre nous confirme que l’habilitation donnée ne modifiera en rien les procédures envisagées en matière de sanctions administratives dans l’article 20 du projet de loi qu’avait rédigé M. Michel Sapin et dans la proposition de loi que j’avais déposée, consistant à distinguer l’autorité de contrôle – l’inspecteur du travail – de l’autorité de sanction – la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

M. le ministre. Je vous confirme en effet que telle est bien l’intention du Gouvernement et que les services déconcentrés de l’inspection du travail sont bien intégrés dans les DIRECCTE.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le ministre, dans votre exposé sommaire, vous justifiez le recours à l’ordonnance par le souci de vérifier la conformité de ces dispositions au récent arrêt Grande Stevens de la Cour européenne des droits de l’homme, qui semble remettre en cause la possibilité de prévoir à la fois des poursuites pénales et des poursuites administratives. J’aimerais quelques précisions, car il est juridiquement délicat de fonder des décisions sur une simple présomption.

Par ailleurs, sur la forme, la proposition de loi du rapporteur a certes été défendue en commission mais elle n’a jamais fait l’objet d’un débat en séance plénière.

Enfin, sur le fond, cette proposition de loi donnait aux inspecteurs du travail des pouvoirs d’investigation très importants, leur octroyant notamment la possibilité de se saisir de toutes les pièces qu’ils jugeaient nécessaires à l’exercice de leur mission. C’est très problématique au regard de la protection des données des entreprises, dès lors que ces pièces peuvent concerner des contrats, des brevets ou des dépôts de marque. Je suis donc très opposée à cet amendement.

M. le président François Brottes. Je rappelle que le corps de l’amendement en discussion importe plus que son exposé sommaire, dont la formulation n’est pas toujours heureuse.

M. le ministre. Cette question a donné lieu à deux longs débats parlementaires. Cela étant, si le Gouvernement a choisi de procéder par ordonnance, c’est d’abord à cause de l’arrêt Grande Stevens qui, en rappelant la règle non bis in idem, remet en cause le principe de la double poursuite, pénale et administrative. Cela concerne aussi d’autres corps de contrôle ou des autorités administratives indépendantes, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF). Nous avons donc entrepris un travail d’expertise, qui est actuellement en cours.

Nous avons par ailleurs souhaité qu’une concertation ultime puisse avoir lieu avec les partenaires sociaux.

Enfin, le Gouvernement s’est engagé à ce que les mesures prises par ordonnances soient soumises aux commissions parlementaires compétentes et fassent l’objet d’un débat avant signature.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il n’est pas exact que le débat n’ait pas eu lieu dans l’hémicycle : l’article 20 du projet de loi sur la formation professionnelle et la démocratie sociale – que reprenait pour l’essentiel la proposition de loi – a bien été discuté en commission, puis en séance plénière, avant d’être supprimé par le Sénat.

On ne peut plus discuter aujourd’hui de la question de l’articulation des sanctions administratives avec les sanctions pénales dans les mêmes termes qu’à l’époque, non seulement à cause de l’arrêt de la CEDH mais également à cause de la décision rendue par le Conseil constitutionnel à propos de l’AMF et selon laquelle des poursuites pénales ne peuvent intervenir à la suite de poursuites administratives dès lors qu’elles tendent au même objet.

La Commission adopte l’amendement SPE435.

L’article 85 est ainsi rédigé.

Article 85 bis : Réforme du délit d’entrave relatif à une institution représentative du personnel (IRP)

La Commission examine l’amendement SPE567 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il s’agit de revenir à l’équilibre auquel nous étions parvenus en ce qui concerne les délits d’entrave. Je rappelle que nous avions augmenté les peines d’amende et supprimé la peine d’emprisonnement pour les entraves au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, et uniquement pour celles-ci. Le Sénat a souhaité supprimer cette peine d’emprisonnement pour tous les délits d’entrave, y compris en cas de refus de constitution d’une institution représentative du personnel ou en cas d’atteinte au statut protecteur des représentants. Cela ne nous paraît pas symboliquement souhaitable, d’autant que les poursuites sont rares et les condamnations à une peine d’emprisonnement plus encore – il n’y a guère d’exemple de condamnation à de la prison ferme.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE567.

L’article 85 bis est ainsi rédigé.

Article 86 bis A (nouveau) : Rétablissement du délai de carence en cas d’arrêt maladie dans la fonction publique

La Commission examine les amendements identiques SPE504 des rapporteurs et SPE146 de M. Gérard Sebaoun, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. La majorité sénatoriale a fait voter plusieurs dispositions qui participent de son programme politique. Vous ne serez pas surpris que j’en demande la suppression. En l’occurrence, il s’agit de l’instauration de trois jours de carence dans le secteur public. Je rappelle que 80 % des salariés du secteur privé voient aujourd’hui leur délai de carence couvert.

M. le ministre. Avis favorable. On ne peut en effet considérer que le secteur public et le secteur privé soient soumis à deux régimes différents, puisque, dans le privé, les conventions collectives couvrent trois fois sur quatre le délai de carence. Si l’article adopté par le Sénat était maintenu, la loi serait moins favorable aux fonctionnaires qu’à la très grande majorité des cadres du secteur privé.

M. Gérard Sebaoun. Notre groupe s’est déjà opposé à la proposition de loi relative aux indemnités journalières défendue par Bérangère Poletti, qui entendaient rétablir les trois jours de carence. Je rappelle que, selon l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), 76 % des entreprises de plus de 250 salariés et un peu moins de 50 % des entreprises de moins de 10 salariés couvrent les trois jours de carence.

Si l’on veut aller dans le sens de l’histoire, accompagner l’allongement de la durée du travail et le vieillissement de la population, mieux vaut trouver les voies et moyens de couvrir l’ensemble de la carence plutôt que de la rétablir pour les agents du secteur public.

M. Gérard Cherpion. Quoi qu’en dise le ministre, nous avons affaire à deux régimes bien distincts, le régime des agents publics étant, par exemple, plus protecteur en matière de licenciement. Il me paraît donc légitime que la règle de carence soit la même pour tous les Français, quitte à ce que des systèmes de compensation soient ensuite mis en place. Il n’y a pas de raison que ce soit l’État ou les collectivités qui assument cette charge.

La Commission adopte les amendements SPE504 et SPE146.

En conséquence, l’article 86 bis A est supprimé.

Article 86 bis B (nouveau) : Quadruplement du taux de la taxe spécifique sur la revente de fréquences

La Commission examine l’amendement SPE505 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique  Il s’agit de supprimer cet « amendement Bolloré » voté par le Sénat. C’est une question de principe : on n’établit pas une règle fiscale pour répondre à des situations particulières qui n’avaient pas été anticipées. Il me semble que si une telle mesure avait été proposée par les socialistes, elle aurait inévitablement suscité des commentaires sur la énième taxe du quinquennat…

M. le ministre. J’ajoute que, pour régler le problème auquel prétend s’attaquer cet article, il faut adopter des décisions de principe plus structurantes. La vraie question est de savoir comment monétiser l’exploitation du domaine public – en l’espèce, une fréquence de télévision numérique terrestre (TNT) – octroyée à un individu ou à un groupe, qui va, dans un délai de temps extrêmement court, revendre son usage en faisant une plus-value. Il faut pour cela définir, au moment de l’attribution des fréquences, des règles encadrant la revente et les plus-values. Une proposition de loi sur la bande des 700 MHz, portée par le président de la commission des affaires culturelles, M. Patrick Bloche, a été déposée sur le bureau de l’Assemblée ; elle me paraît un véhicule législatif mieux adapté pour apporter des solutions à un problème qu’une simple augmentation de la taxe ne me semble pas de nature à résoudre. Je m’en remets donc à votre sagesse.

M. Gérard Cherpion. Remettons la taxe au milieu du village ! (Sourires.) La taxe sur la revente des fréquences attribuées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel a été votée dans une loi de finances rectificative de 2013, à une époque où, me semble-t-il, les socialistes étaient aux manettes…

La Commission adopte l’amendement SPE505.

En conséquence, l’article 86 bis B est supprimé.

Article 86 ter : Rapport sur le crédit d’impôt famille

La Commission maintient la suppression de cet article.

Article 86 quater (nouveau) : Création d’une commission de simplification du code du travail

La Commission examine les amendements identiques SPE506 des rapporteurs et SPE361 de M. Gérard Sebaoun, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Le Sénat a souhaité instituer une commission de simplification permettant d’accroître les possibilités de dérogation au code du travail par un accord collectif, simplifier les règles applicables à la rupture du contrat de travail, instaurer le principe selon lequel, sauf exception, un accord collectif est applicable nonobstant les dispositions contraires d’un contrat de travail. Lorsqu’on institue une commission, il me paraît sage de ne pas anticiper sur ses conclusions, ce qui découle ici de la définition du champ de compétences de cette commission. Par ailleurs, M. Jean-Denis Combrexelle a été chargé de présider une commission chargée de travailler sur la place de la négociation collective dans le droit du travail. Nous demandons donc la suppression de cet article.

M. Gérard Sebaoun. Le « grand soir » du code du travail est un leurre, et il me semble que le Sénat s’est livré ici à un exercice de provocation. S’il faut simplifier le droit, nous le ferons, mais pas de cette manière.

Mme Véronique Louwagie. On ne peut parler de provocation de la part du Sénat, qui a adopté 30 % des articles tels qu’ils avaient été votés par notre assemblée.

Sur le fond, nous nous accordons tous sur la nécessité de simplifier le code du travail, et c’est dans cette perspective que le Premier ministre vient d’annoncer que les CDD pourraient désormais être renouvelés deux fois. En revanche, je ne peux laisser dire au rapporteur thématique que le Sénat a anticipé sur les conclusions de la commission qu’il veut créer. Il se borne à lui fixer des orientations, en définissant ses missions et ses objectifs.

M. le ministre. La complexité du droit du travail ne peut se satisfaire d’incantations sur la simplification et la nécessité d’amaigrir le code du travail : réduire sa pagination, c’est aussi réduire des droits. J’admets que ce code est parfois inutile, parfois mal écrit, et qu’il est des droits formels qui entravent des droits réels, mais, pour y remédier, il faut s’inscrire dans un cadre organisé et adopter une direction claire. C’est ce qu’a souhaité faire le Premier ministre en lançant en février dernier un groupe de travail présidé par M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail, censé réfléchir à une meilleure articulation, dans la hiérarchie des normes, entre ce qui relève du domaine de la loi et ce qui relève de la négociation collective – accords de branche ou d’entreprise. La cohérence est une forme de discipline collective qui n’est pas si évidente, mais nous entendons poursuivre nos réformes afin de permettre aux partenaires sociaux de participer davantage, au niveau des branches, à la concrétisation des droits des salariés, en les adaptant, dans le cadre du dialogue social et en préservant un minimum de consensus politique et social, aux nouvelles réalités du pays.

Le groupe de travail présidé par M. Jean-Denis Combrexelle rendra ses conclusions en septembre, dans le cadre d’une conférence sociale réunissant l’ensemble des partenaires sociaux. Je suis donc favorable à ces amendements de suppression.

La Commission adopte les amendements SPE506 et SPE361.

En conséquence, l’article 86 quater est supprimé.

Section 3

Le dialogue social au sein de l’entreprise

Article 87 A (nouveau) : Aménagement des seuils sociaux

La Commission examine les amendements identiques SPE507 des rapporteurs et SPE369 de M. Gérard Sebaoun, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Nous avons, dans le cadre du projet de loi sur le dialogue social, abordé la question des institutions représentatives du personnel. On ne peut en parallèle aborder ce même sujet dans un second projet de loi. C’est une question de méthode.

Par ailleurs, le projet de loi défendu par M. François Rebsamen a clairement opté pour une extension du champ de la délégation unique du personnel et non pour un relèvement des seuils sociaux, ainsi que le préconise le Sénat.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte les amendements SPE507 et SPE369.

En conséquence, l’article 87 A est supprimé.

Article 87 B (nouveau) : Obligations en matière d’élection et de consultation des institutions représentatives du personnel

La Commission examine les amendements identiques SPE508 des rapporteurs et SPE372 de M. Gérard Sebaoun, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet article porte sur les seuils applicables aux comités d’entreprise. Mon argumentation est la même que précédemment.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte les amendements SPE508 et SPE372.

En conséquence, l’article 87 B est supprimé.

Article 87 C (nouveau) : Fusion du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail

La Commission examine les amendements identiques SPE509 des rapporteurs et SPE380 de M. Gérard Sebaoun, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Le Sénat entend fusionner les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avec les comités d’entreprise, contrairement à ce qui a été acté dans le projet de loi sur le dialogue social.

M. Gérard Sebaoun. Nous sommes très attachés au fait que les CHSCT conservent leurs prérogatives et leurs moyens. C’est essentiel pour les conditions de travail comme pour la bonne marche économique des entreprises.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Gérard Cherpion. Je voudrais pointer ici une contradiction : le rapporteur du projet de loi sur le dialogue social a lui-même déposé un amendement permettant l’installation d’un secrétaire adjoint dans les comités d’entreprise, ce qui prouve bien qu’il ne croit pas totalement au fait qu’il n’y aura pas de fusion entre les deux instances…

M. Christophe Sirugue. Si nous avons souhaité l’installation d’un secrétaire adjoint, c’est uniquement pour permettre aux représentants de mieux gérer la mutualisation de certaines réunions.

La Commission adopte les amendements SPE509 et SPE380.

En conséquence, l’article 87 C est supprimé.

Article 87 D (nouveau) : Plafonnement à douze mois de salaire des indemnités versées pour un licenciement dépourvu de causes réelles et sérieuses

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Nous allons examiner un apport récent du Gouvernement au texte. Il consiste en l’encadrement des indemnités octroyées pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse par les conseils de prud’hommes ou par les cours d’appel. Vos talents de pédagogue, monsieur le ministre, ne seront pas superflus pour faire partager à la commission spéciale le bien-fondé de vos propositions…

Au-delà des indemnités conventionnelles ou légales liées à un licenciement, quand ce licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, il convient de contingenter la réparation du préjudice que les juges peuvent accorder. Certes, cette pratique est en vigueur partout en Europe dans les pays comparables au nôtre. Il n’en reste pas moins que le licenciement sans cause réelle et sérieuse est réputé illégal et abusif. Le Gouvernement estime qu’il existe un frein à l’embauche qui serait lié à la difficulté de licencier ou, plus exactement, à la cherté du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il faut admettre qu’il y a là, en l’état de notre droit, comme un oxymore : c’est comme si l’on disait que moins cher sera le divorce et plus il y aura de mariages… (Sourires.)

Le risque existe également de la généralisation d’une sorte de gestion prévisionnelle du licenciement sans cause réelle ou sérieuse – tentation qui, naturellement, ne traversera l’esprit de personne ici... De même, on peut redouter une amputation de la réparation intégrale du préjudice subi par le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse.

Ces préventions étant exprimées et appelant des éclaircissements, il faut prendre acte d’un certain nombre d’aspects positifs du dispositif proposé.

Il offre aux deux parties, en premier lieu, une possibilité de prévoir ce qui peut advenir lors d’une séparation dépourvue de cause réelle et sérieuse. On peut aussi admettre que ce dispositif va unifier et homogénéiser la réparation du préjudice là où, aujourd’hui, il peut exister des variations fortes selon les juridictions, voire selon les régions. En outre, établir un barème et un système d’encadrement du montant des indemnités prononcées pour les licenciements dénués de cause réelle et sérieuse, est de nature à renforcer le potentiel de négociation avant contentieux entre les parties.

Dans cette perspective, monsieur le ministre, nous souhaitons nous assurer que les éléments du barème ne seront pas éloignés des décisions constatées à l’heure actuelle, nous assurer également que l’on n’organise pas une régression des droits des salariés. Enfin, nous souhaitons que l’indemnisation du préjudice lié à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse tienne compte non seulement, certes, de la taille de l’entreprise, mais aussi de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Il n’y a de notre part nul procès d’intention, mais la simple volonté d’exprimer franchement nos interrogations, et tout aussi franchement nos éléments d’appréciation positive. En somme, nous souhaitons borner le dispositif afin que, sous couvert d’une simplification bienvenue, il ne soit pas appliqué au détriment des salariés.

M. Alain Tourret. Un licenciement sans cause réelle et sérieuse entraîne une indemnisation correspondant au préjudice subi. Avons-nous pour autant la possibilité, par la loi, de limiter cette indemnisation, que ce soit de façon globale ou partielle ? Est-ce possible pour certains licenciements et pas pour d’autres, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise ou de la taille de cette dernière ? Dès lors qu’il ne s’agit pas ici d’une indemnisation minimale, il est à mon avis possible d’établir des barèmes.

Ensuite, quels types de seuils doit-on prendre en compte ? Le droit du travail est en effet le droit des seuils. Le seuil d’ancienneté, s’agissant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, est de deux ans pour les entreprises de moins de 11 salariés. J’estime que, s’il ne convient pas de le modifier, on pourrait en revanche abaisser celui concernant les effectifs à cinq salariés par exemple, dès lors que l’on considère l’état d’esprit au sein des très petites entreprises (TPE) comme plus proche de celui des auto-entrepreneurs ou des start-up que de celui des plus grandes entreprises. Faut-il, en outre, abaisser ce même seuil pour les entreprises importantes ? Reste à savoir ce qu’est une entreprise « importante » : on a trop tendance, en effet, à ne raisonner qu’en fonction des effectifs et non pas du chiffre d’affaires. Or, lors de l’examen, hier, des dispositions relatives aux tribunaux de commerce, un double critère a été pris en considération : le nombre de salariés et le montant du chiffre d’affaires.

Pour les grands groupes, il m’apparaît difficilement acceptable que le montant des dommages-intérêts puisse être limité, puisque tout est provisionné non pas en fonction des licenciements en cours, mais en fonction des licenciements susceptibles d’être décidés au cours des années à venir. L’absence de limitation devrait donc être la règle. Que cherchons-nous ? À faire en sorte qu’un montant potentiellement élevé de dommages-intérêts n’entrave pas l’embauche ; or, au contraire des petites entreprises, les grands groupes ne sont pas concernés par cette crainte.

Certains dommages-intérêts sont consécutifs à des problèmes de procédure et d’autres imputables à des règles de fond. Les premiers sont importants : un mois de salaire lorsque la procédure n’est pas suffisamment respectée ; deux mois lorsque le CDD est transformé en CDI ; six mois quand un plan social est annulé – et ce, en l’absence même de tout préjudice – ; un an pour le licenciement de certains représentants du personnel. Il faut traiter la question.

Enfin, le conseil de prud’hommes a la possibilité de condamner l’entreprise à verser des indemnités à Pôle emploi correspondant au montant que celle-ci va elle-même verser pendant les six mois qui suivent la rupture du contrat de travail, à savoir après la période de préavis de carence. Il s’agit de sommes non négligeables, pouvant atteindre trois mois de salaire. Or les conseils de prud’hommes n’ont pas à motiver leur décision, et il n’y a pas de critère spécifique d’attribution. Je note en outre que Pôle emploi n’est pas partie prenante au procès – on pourrait l’y obliger, de la même manière que la caisse d’assurance maladie doit l’être en matière d’accidents du travail. Qui plus est, Pôle emploi ne récupère pas, le plus souvent, les sommes en question, puisqu’elles ne sont même pas au courant de la procédure ! Il faut donc, à mon sens, supprimer cette règle injuste, onéreuse et inefficace.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit, selon le Gouvernement, d’offrir une grande prévisibilité aux entreprises et d’harmoniser la liste des préjudices. Le rapporteur général a en effet rappelé la situation juridique actuelle, peu sûre et qui constitue un vrai frein à l’embauche. Reste que le dispositif prévu risque vraiment d’amputer le dédommagement des salariés : les seuils nouvellement fixés ne seront pas forcément en corrélation avec le dommage subi.

Nous souhaitons, nous aussi, renforcer la sécurité juridique des entreprises. En effet, la transmission d’un litige au conseil des prud’hommes provoque une réelle inquiétude, une réelle crispation même, chez le chef d’entreprise, et n’est pas sans effet sur l’embauche. Ce qui nous est proposé, c’est de fixer les montants maximums des indemnités susceptibles d’être attribuées par le juge, en fonction, d’une part, des effectifs de l’entreprise et, d’autre part, de l’ancienneté du salarié, mais sans prendre du tout en compte, j’y insiste, le dommage qu’a pu subir ce dernier.

On sait en outre la difficulté de gérer les effets de seuil ; or, vous en créez ici de nouveaux, dont l’impact n’est pas aisé à évaluer a priori.

Ensuite, les indemnités maximales prévues sont de douze ou de vingt mois de salaire suivant que l’entreprise compte plus de 20 salariés ou non. J’entends bien que vous ne voulez pas remettre en cause la situation financière difficile des TPE et des PME, plus fragiles en tout cas que les grandes entreprises. Notre collègue Tourret a affirmé que ces dernières constituaient systématiquement des provisions en vue de financer d’éventuelles indemnités de licenciement. C’est souvent le cas, en effet, mais pas toujours.

Or vous créez une rupture d’égalité importante entre les salariés licenciés puisque, selon qu’ils auront travaillé dans une entreprise de moins ou de plus de 20 salariés, ils percevront, indépendamment du dommage subi et de la situation qui a provoqué leur départ de l’entreprise, une indemnité très différente. Toutes les entreprises doivent au contraire être traitées de la même manière quels que soient leurs effectifs. En revanche, il importe qu’on prenne en compte l’ancienneté du salarié, la règle devant être la même, j’y insiste, quelle que soit la taille de l’entreprise.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. J’attendais, madame Louwagie, les propositions qui allaient jaillir de votre analyse critique de l’amendement gouvernemental – analyse que je peux comprendre. Or je n’en ai entendu qu’une : vous souhaitez, si j’ai bien compris, que les mêmes dispositions s’appliquent pour tous les salariés, en fonction tout de même de leur ancienneté. Mais, si l’on veut que les mêmes règles s’appliquent à toutes les entreprises, cela signifie, compte tenu de la fragilité des plus petites, que tout le dispositif sera tiré vers le bas. Autrement dit, vous voudriez que l’on applique, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la même règle au salarié d’une entreprise artisanale de peinture et à celui du groupe Total – deux entreprises dont chacun conviendra que la trésorerie disponible n’est pas tout à fait équivalente… Je vous accorde que tout système comportant des distinguos, des seuils, renforce la complexité des règles en vigueur. Il ne faudrait toutefois pas que, sous couvert de simplification, on organise, même involontairement, la régression pour tous. C’est pourquoi, si le système proposé reste imparfait, je n’en vois pas pour l’heure de meilleur.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Indépendamment de l’amendement gouvernemental, l’idée d’un barème se heurte au principe de réparation intégrale du préjudice, principe qui n’a toutefois pas de consécration constitutionnelle. La décision du Conseil constitutionnel portant sur la faute inexcusable précise – sauf exceptions – le droit du législateur à définir les modalités de la réparation et à les cantonner. Le législateur est donc fondé ici à intervenir.

Nous avons quelque difficulté à caractériser précisément ce qu’est le préjudice causé. En effet, deux institutions emploient parfois le même vocabulaire, si bien qu’il arrive que l’on confonde l’indemnité de licenciement elle-même et les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La première est due à tout salarié qui compte plus d’un an d’ancienneté et est strictement proportionnelle à l’ancienneté du salarié. Forfaitaire, elle est fixée par la loi ou par la convention collective. Il s’agit d’indemniser le fait même du licenciement, sauf en cas de faute grave – privative de toute indemnité de licenciement et des indemnités de préavis.

Les dommages-intérêts réparent, quant à eux, les conséquences de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, sachant que l’indemnité, elle, est versée du seul fait qu’il y a eu licenciement. Les deux notions, par conséquent, se recouvrent en partie et ne sont pas simples à articuler.

L’article L. 1235-3 du code du travail dispose notamment que « si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié ». Il n’est pas ici question de réparation intégrale du préjudice. Le même article poursuit : « Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 », versée forfaitairement au salarié licencié, sauf s’il l’a été pour faute grave.

C’est à l’article L. 1235-5 qu’on apprend que cette disposition générale n’est pas applicable aux salariés qui ont moins de deux années d’ancienneté ni aux salariés d’une entreprise de moins de 11 salariés – l’indemnité n’est alors pas bornée.

L’amendement du Gouvernement porte sur les licenciements jugés dépourvus de cause réelle et sérieuse et non sur les licenciements jugés nuls, ces derniers faisant l’objet, quel que soit le motif de la nullité – annulation de l’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), licenciements de salariés protégés en l’absence d’autorisation de l’inspecteur du travail… –, de dispositifs d’indemnisation, qui ne relèvent pas des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, et dont le niveau est souvent très supérieur à six mois, voire à douze mois de salaire. Ces dispositifs, cumulables, ne sont donc pas concernés par la réforme.

S’agissant de l’office du juge, les conseillers prud’hommes informés de ce projet sont mortifiés : ils pensent que l’encadrement proposé par le Gouvernement est une marque de défiance à leur encontre. Or ce n’est pas du tout le cas, puisque la réforme prud’homale telle qu’envisagée par le texte, et qui instituait, il faut l’admettre, un début d’échevinage à peine déguisé, a été abandonnée. Nous avons en effet constaté que, si les taux d’appel étaient très importants, c’était du fait non de la qualité des juges mais de la nature des affaires traitées. Si nous avons maintenu les dispositifs permettant d’accélérer les procédures, y compris en permettant au juge départiteur d’intervenir plus tôt, c’était pour faciliter le processus, et en aucune façon pour revenir sur la parité caractéristique de l’institution prud’homale. La volonté du Gouvernement, concentrée essentiellement sur les TPE et les PME, est d’assurer la lisibilité de la jurisprudence, très difficile à assurer puisqu’il y a autant de jugements rendus que de cas particuliers.

J’ai voulu faire cette mise au point pour éviter toute confusion, notamment entre les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse et les licenciements nuls. Comme c’est sur ces derniers que portent certains des discours alarmistes que nous entendons ici et là, j’insiste sur le fait qu’ils ne sont pas concernés par la réforme.

Quant à la rupture d’égalité, il ne faut pas la négliger, mais elle existe déjà : dans une entreprise importante, il y a un comité d’entreprise, une protection syndicale ; dans les petites entreprises, la protection syndicale est possible mais beaucoup plus faible. Les salaires versés, on le sait bien, ne sont pas non plus les mêmes…

Que faire, donc, étant donné que ce sont les petites entreprises que nous entendons se plaindre du « risque » prud’homal ? Je ne crois pas ce risque important : une étude récente de la Chancellerie montre que les indemnités effectivement versées sont en moyenne très inférieures aux chiffres qui circulent. Les juges tiennent compte de la taille de l’entreprise, même si ce critère ne figure pas actuellement dans la loi : les indemnités versées sur le fondement de l’article L. 1235-3 sont très différentes de celles versées sur le fondement de l’article L. 1235-5, c’est-à-dire dans le cas de petites entreprises ou de salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté.

Le souhait du Gouvernement est de donner plus de visibilité. À mon sens, le référentiel voté en première lecture était suffisant. Le Gouvernement estime qu’il ne l’est pas, et qu’il faut prévoir un barème impératif. Nous y reviendrons.

M. Gérard Cherpion. Je remercie le professeur Robiliard de son très intéressant cours de droit, mais nous sommes ici pour faire la loi, pas pour entendre un cours de droit.

Nous sommes, je le dis sans ambiguïté, favorables à la barémisation.

Votre méthode pose en revanche problème : une longue interruption de séance qui était destinée à permettre un accord entre le Gouvernement et les rapporteurs, des explications très alambiquées, de très nombreux sous-amendements montrant les incertitudes qui demeurent… Pour reprendre une formule bien connue, il y a sans doute un « loup » quelque part.

Ce que vous nous proposez ici revient à reproduire les inégalités entre salariés qui surviennent lors d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Denys Robiliard nous parle de statistiques, mais le boulanger qui perd aux prud’hommes et doit payer une indemnité importante n’a plus qu’à fermer boutique ! Je vais prendre un exemple précis. Une entreprise de textile technique dans les Vosges est obligée de licencier, pour des raisons économiques, une dizaine de personnes sur un effectif total d’une centaine : les personnes licenciées ne reçoivent aucune prime supra-légale – elles savent bien que, si elles veulent sauver l’emploi des autres, si elles ne veulent pas voir l’entreprise fermer pour de bon, elles ne peuvent rien demander. Mais, à cinquante kilomètres, une grosse entreprise licencie beaucoup de monde, avec une prime supra-légale de 50 000 euros minimum pour deux ans de présence…

Voilà le genre de rupture d’égalité que vous produisez. Quelle que soit la taille de l’entreprise, le préjudice est le même pour le salarié – il est même souvent plus difficile de retrouver un emploi lorsqu’on a été licencié par une petite entreprise. Je suis favorable, je le redis, à la barémisation ; mais votre méthode n’est pas la bonne.

M. Benoît Hamon. Je vais me risquer à un parallèle peut-être un peu audacieux.

La semaine dernière, nous évoquions en séance publique le syndrome d’épuisement professionnel, sans réussir à nous mettre d’accord avec le Gouvernement sur ses causes – nouvelles formes de management et d’organisation du travail, usage des nouvelles technologies… En revanche, certaines organisations et une partie du Gouvernement semblent s’accorder sur la définition d’un nouveau syndrome de la peur d’embaucher, et de ses causes : contrat de travail, droit du licenciement, seuils sociaux… Ce syndrome créerait de telles angoisses qu’il expliquerait le niveau exceptionnel du chômage dans notre pays. Je conteste fermement cette entrée dans le débat. Je conteste qu’il existe une peur d’embaucher qui soit liée au niveau des indemnités prud’homales et au niveau des indemnités pour licenciement abusif.

Cette disposition arrive tout juste dans le débat : ce n’est pas un amendement que nous attendions, ni que nous appelions de nos vœux – et si je dis « nous », c’est que je crois pouvoir parler ici au nom de la majorité socialiste. J’estime, comme le rapporteur thématique, qu’il n’est pas utile de continuer à la défendre en évoquant la peur d’embaucher : si cet argument est bien présent dans le discours de certaines organisations patronales, il est extrêmement rare de l’entendre dans la bouche de petits patrons. J’ai entendu certains collègues dire que, dans leurs permanences, on parlait de la justice prud’homale comme de la raison pour laquelle de petits patrons n’embauchaient pas ; j’aimerais rencontrer ces chefs d’entreprise… Aujourd’hui, un chef d’entreprise embauche parce que son carnet de commandes le justifie, parce qu’il a envie de conquérir un nouveau marché, parce qu’il a décidé d’innover ou de se diversifier, bref parce qu’il en ressent le besoin économique ou commercial – il ne commence pas par se préoccuper des aléas qui, au terme d’un conflit, pourraient l’amener devant les prud’hommes où il serait peut-être condamné pour licenciement abusif. Fort heureusement, les choses ne se passent pas comme cela.

L’encadrement proposé par le Gouvernement restreint la liberté du juge prud’homal, sa capacité à exercer son discernement et à distinguer un licenciement où le chef d’entreprise s’est certes montré négligent, mais où il est de bonne foi, d’un licenciement qui procède d’une volonté d’enfreindre la loi. Les niveaux d’indemnisation ne sont pas les mêmes.

Si j’ai bien compris, les rapporteurs, dans leur grande sagesse, cherchent à établir un barème qui se rapproche des situations aujourd’hui constatées. C’est une solution que je soutiendrai, mais à quoi bon ? Pourquoi imposer cette harmonisation de Mulhouse à Aix-en-Provence, alors que tous les syndicats de salariés y sont hostiles ? Bref, le jeu en vaut-il la chandelle ?

M. Jean-Yves Caullet. Pour rebondir sur les propos de Benoît Hamon, je souligne que la reprise économique, certes encore trop faible, est là, mais que les carnets de commande ne sont pas encore pleins. Cette situation semble s’installer, de même que les tentatives de contournement du contrat de travail et que, par conséquent, une précarisation accrue des salariés. Le détachement, y compris illégal, se développe ; on préfère l’intérim au CDD, le CDD au CDI. Si nous ne prenons pas en considération ces difficultés, le monde économique trouvera ses propres solutions, et nous finirons par nous apercevoir que ce que nous défendons par conviction s’est trouvé vidé de sa substance.

Aujourd’hui, un chef d’entreprise qui a besoin de main-d’œuvre pour une courte durée choisit l’intérim, et il paye cette souplesse en payant la société d’intérim ; quand il a recours au CDD, il paye une prime de précarité ; quand il a recours au CDI, il me semble sain qu’il sache combien la rupture de ce CDI pourrait lui coûter. Il mesurerait mieux ce que lui coûterait la stabilisation du lien entre l’entreprise et le salarié, et serait ainsi incité à choisir un contrat de travail plus long.

Cette réforme est cardinale, car elle vise à conforter l’établissement d’une relation aussi durable que possible entre l’entreprise et son salarié, malgré toutes les incertitudes du monde économique. Les modalités, c’est vrai, en sont complexes, et je remercie pour ma part notre rapporteur thématique, dont je préfère largement les cours de droit aux approximations que nous avons également entendues. Pour faire la loi, connaître le droit n’est pas inutile !

M. le président François Brottes. Je peux témoigner avoir entendu des chefs d’entreprise me dire qu’ils n’utilisaient plus que des auto-entrepreneurs.

M. Jean-Yves Caullet. C’est en effet un cas que j’ai oublié de mentionner.

La Commission en vient à la discussion de l’amendement SPE383 de M. Gérard Sebaoun, tendant à supprimer l’article.

M. Gérard Sebaoun. En écoutant cette discussion, j’ai presque l’impression de voir un film d’épouvante ! Je souscris pleinement aux propos de Benoît Hamon, mais non à ceux de Jean-Yves Caullet : je ne nie absolument pas les difficultés que rencontrent les petits patrons, mais faut-il inscrire dans la loi elle-même ce qu’il en coûte d’enfreindre la loi ? J’exagère, bien sûr, mais le rôle du législateur est-il de permettre à quelqu’un de savoir combien lui coûtera précisément un licenciement abusif ? Cela me paraît contraire à l’équilibre que le juge prud’homal doit rechercher.

Je suis donc tout à fait hostile à la barémisation.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis défavorable à l’amendement, car je souhaite que celui du Gouvernement soit examiné.

Il ne faut pas tout voir en noir et blanc. Une condamnation aux prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’implique pas nécessairement que le chef d’entreprise soit de mauvaise foi. Les licenciements scandaleux, où l’on se débarrasse d’un salarié en inventant un motif de toutes pièces, cela existe, nous en sommes bien d’accord – et le juge, alors, ne retient pas ses coups, si vous me passez l’expression.

Mais, dans une petite entreprise où les relations sociales sont très tendues mais peu organisées, où les échanges sont le plus souvent oraux et sans témoins, un entrepreneur peut ne pas réussir à apporter la preuve de sa bonne foi. La règle est, à juste titre, que le doute bénéficie au salarié : un chef d’entreprise de bonne foi, mais qui ne peut pas démontrer qu’il avait raison, peut donc parfaitement perdre son procès. Cela existe, et c’est bien sûr plus fréquent dans les petites entreprises que dans les grandes. Il faut donc prêter attention à ces subtilités, et c’est pourquoi je suis plus nuancé que vous sur l’amendement du Gouvernement.

La Commission rejette l’amendement SPE583.

Elle examine ensuite l’amendement SPE701 du Gouvernement, faisant l’objet des sous-amendements SPE708, SPE703, SPE702, SPE704, SPE705, SPE706, SPE709, SPE710, SPE711 et SPE707 des rapporteurs.

M. le ministre. Le débat qui vient de se dérouler nous a surtout montré l’absence de vérité académique sur ce sujet. Il y a néanmoins une certitude : si tout fonctionnait à merveille, nous n’en serions pas là.

La situation de notre marché du travail est paradoxale. Notre « stock » de contrats de travail est constitué à 80 % de CDI – c’est pourquoi celui-ci est considéré comme la norme. Mais le flux est constitué, à près de 90 %, de CDD. Encore ce chiffre ne tient-il pas compte des relations kleenex que sont l’intérim et l’auto-entrepreneuriat, qui permettent de sortir de la logique même du contrat de travail, ni du recours – massif dans certaines régions, et en croissance – au travail détaché illégal.

Nous sommes donc en train d’accepter silencieusement l’installation, dans notre pays, d’un dualisme de plus en plus prononcé du marché du travail. Pourquoi si peu de CDI sont-ils signés aujourd’hui ?

On peut considérer que c’est le CDI lui-même qui pose problème. C’est de là que part le débat sur le contrat unique, solution mise en avant par les organisations patronales et par une partie de l’opposition parlementaire. Pour ma part, je ne crois pas à cette formule. Si l’on veut vraiment un contrat unique, on se trouve face à un dilemme : le contrat unique, cela peut être simplement le CDI actuel, et alors il est probable que l’on n’obtiendra qu’une extension du travail au noir, du travail détaché illégal ou du recours à l’auto-entrepreneuriat ; ou alors c’est un CDD amélioré, et l’on précarise la totalité du marché du travail. De ce débat ne naît aucune solution équilibrée, efficace et juste. Souvent, ceux qui défendent le contrat unique ne proposent finalement que de créer un contrat de travail de plus – c’est ainsi qu’a été créé le contrat de chantier, par exemple.

Pourtant il faut bien constater que l’on a de moins en moins recours au CDI, et que la différence entre celui-ci et le CDD, ce sont les conditions de rupture.

Aujourd’hui, 10 % à 12 % des ruptures de CDI sont des licenciements économiques : la loi de sécurisation de l’emploi nous a permis d’en améliorer le cadre juridique et de donner de la visibilité aux deux parties, sans réduire les droits. Il est indéniable que des inégalités subsistent. Je souligne que nous ne touchons pas ici aux primes supra-légales, mais c’est là un tout autre sujet. Un peu moins de 40 % des ruptures de CDI sont des ruptures amiables. Enfin, 50 % à 60 % sont des licenciements individuels, dont un tiers passent devant les prud’hommes. Le sujet que nous évoquons maintenant est donc considérable – et si vous interrogez de petits patrons, voire des patrons de PME et d’ETI, ils vous confirmeront que c’est pour eux une préoccupation.

Pas plus que vous, monsieur le député, je ne crois à la peur d’embaucher. Il me paraît en revanche légitime qu’un chef d’entreprise se demande, avant de signer un contrat, ce qu’il se passera le jour où son entreprise ira moins bien, où les circonstances économiques changeront – c’est la raison du fréquent recours au CDD, et aux diverses formes de relations que nous évoquions.

Bien sûr, on peut refuser le réel. Mais, alors, de quoi la situation dont nous parlons est-elle le symptôme ? Car il y a bien un problème : certes, dans deux tiers des cas, il n’est pas fait appel aux prud’hommes, mais un tiers, c’est beaucoup. La justice prud’homale joue un rôle important, et il faut se pencher sur sa situation.

On constate d’abord que les procédures aux prud’hommes durent souvent très longtemps, et créent pour l’employeur comme pour le salarié de grandes incertitudes. Ce projet de loi contient donc des dispositions pour raccourcir et simplifier les procédures, pour éviter les manœuvres dilatoires, qui sont nombreuses et dont les premières victimes sont souvent les salariés.

On constate également une dispersion des dommages-intérêts, et c’est ce que nous traitons ici. Je veux détailler précisément le périmètre de la réforme proposée par le Gouvernement et annoncée par le Premier ministre en début de semaine. Notre volonté n’est ni de barémiser – un référentiel a été voté en première lecture, et donne déjà des indications – ni de réduire les droits. Notre volonté est d’éviter la dispersion. Le plafond que nous fixons doit donc être supérieur aux moyennes observées. Certains trouvent les plafonds que nous proposons trop élevés : la belle affaire ! Ce que nous voulons, c’est réduire les inégalités territoriales, mais aussi augmenter la visibilité – les indemnités pouvant aujourd’hui passer du simple au double.

Je veux insister sur le fait que nous parlons ici des indemnités prononcées en cas de licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. Ces montants s’ajoutent aux indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, qui demeurent inchangées, ainsi qu’aux heures supplémentaires, congés payés, etc., qui représentent, dans plus d’un quart des cas, plus de la moitié des sommes effectivement touchées par le salarié.

De la même façon, les atteintes graves au droit du travail – discrimination, non-respect de l’égalité professionnelle, harcèlement, témoignage de corruption, licenciement d’une femme enceinte… – ne sont pas soumises au plafond. La nullité, cela a été dit, est hors du champ.

Mais, dans le cas du licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est bon, pour l’employeur comme pour le salarié, de savoir où l’on va. La réforme du Gouvernement est équilibrée : elle ne réduit pas les droits – ce qui fait d’ailleurs dire à certains qu’elle n’aura pas d’effet – mais elle augmente la visibilité, pour les employeurs comme pour les salariés. Tout à l’heure, je vous présenterai la réforme que nous vous proposons des accords de maintien dans l’emploi dits « défensifs », et qui vise, de la même façon, à accroître la capacité des acteurs à s’adapter.

C’est là, je crois, une réforme équilibrée et sociale-démocrate, aujourd’hui nécessaire au regard des imperfections du marché du travail – dont tout le monde est victime, puisqu’elles renforcent le dualisme du marché du travail, voire le chômage. Le statu quo n’est donc pas une option.

Que prévoit précisément l’amendement SPE701 du Gouvernement ?

Il vise tout d’abord à circonscrire les cas d’erreur formelle pour leur accorder un traitement ad hoc. Jugeant le texte trop large sur ce point, le rapporteur thématique proposera un sous-amendement SPE708, auquel je suis favorable.

Ensuite, le Gouvernement propose de fixer des planchers et des plafonds d’indemnisation, qui ont été présentés par le Premier ministre en début de semaine et qui, pour répondre à Mme Louwagie, s’appuient sur l’observation que les dommages-intérêts perçus par les salariés licenciés varient fortement en fonction de leur ancienneté et de la taille de l’entreprise concernée. Un seuil ne sera jamais parfait si l’on souhaite un système qui soit lisible, sans quoi l’on en viendrait à élaborer un barème contraignant. Le plafond que nous proposons a été défini en référence à des critères connus ainsi qu’au seuil de 20 salariés. D’autres pays tels que l’Allemagne et l’Italie en ont fait autant, mais en imposant des barèmes plus contraignants. Ainsi les planchers et les plafonds récemment décidés par les Italiens sont-ils comparables à ceux que nous prévoyons pour les salariés ayant moins de quinze ans d’ancienneté et travaillant dans des entreprises de moins de 20 salariés, mais ils sont plus généralisés, donc plus contraignants. Nous définissons également les cas d’exception à ce principe dans le nouvel article L. 1235-3-2.

Dans le même temps, nous conférons une certaine progressivité à l’articulation entre le plancher et le plafond du dispositif. Très inégalitaire, le régime actuel ne comprend qu’un plancher unique, fixé à deux ans d’ancienneté, applicable aux seules entreprises de 11 salariés et plus, et ayant un impact très négatif sur le marché de l’emploi : les courbes élaborées démontrent malheureusement que le nombre de licenciements individuels s’accroît chez les salariés à partir de deux ans d’ancienneté dans les entreprises de plus de 11 salariés. Sur le plan micro-économique, cela veut bien dire que ce plancher est un élément déclencheur pour les employeurs, qui se comportent en l’espèce comme s’ils avaient affaire à des salariés en contrat à durée déterminée.

J’ai été un peu long, monsieur le président, mais je souhaitais rappeler le cadre dans lequel cette réforme s’inscrit, la philosophie que porte le Gouvernement et, ce faisant, présenter l’amendement SPE701.

M. le président François Brottes. Monsieur le rapporteur thématique, pourriez-vous nous présenter la série de sous-amendements que vous proposez à l’amendement du Gouvernement, afin que nous connaissions votre vision d’ensemble sur le sujet ?

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Pour que chacun puisse s’y repérer, je souhaite vous fournir des données issues d’une étude réalisée par la Chancellerie à partir de l’intégralité des arrêts rendus par les chambres sociales des cours d’appel au mois d’octobre 2014. Ils représentent un échantillon représentatif de 10 % de la production d’arrêts rendus en matière sociale. Le taux d’appel des décisions des conseils de prud’hommes étant de 67 %, cela donne une image fidèle de l’ensemble des litiges. Ces chiffres concernent les montants alloués au titre de l’article L. 1235-3 du code du travail qui prévoit un minimum de six mois de salaire, ce minimum affectant bien entendu la mesure du préjudice. Entre deux ans et moins de cinq ans d’ancienneté, l’indemnité s’élève à 7,7 mois de salaire ; entre cinq ans et moins de dix ans, à 10,4 mois ; entre dix et moins de quinze ans, à 11,6 mois ; entre quinze et moins de vingt ans, à 14,5 mois ; à vingt ans d’ancienneté et plus, à 15,1 mois. Cette information fondamentale nous a aidés à fixer les planchers et plafonds proposés dans nos sous-amendements.

L’amendement du Gouvernement est complexe.

Il précise en premier lieu que l’absence de lettre préalable de licenciement ou d’énonciation de tout motif de licenciement prie à elle seule celui-ci de cause réelle et sérieuse. Je propose, par le sous-amendement SPE708, de revenir sur cette disposition, pour une raison qui se situe à la limite entre le fond et la forme – mais nous savons depuis Victor Hugo que « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface »… La règle relative à l’énonciation des motifs de licenciement est ancienne, puisqu’elle remonte à 1975. Fixée de manière jurisprudentielle puis consacrée par la loi, elle est très protectrice du salarié, qui a ainsi le droit de prendre connaissance, dans sa lettre de licenciement, du motif de celui-ci, nonobstant ce qui a pu être dit au cours de l’entretien préalable. Cette lettre revêt une fonction très importante dans le cadre de la procédure judiciaire, puisqu’elle fixe les limites du litige : on ne pourra pas discuter, pour déterminer si un licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, d’autres éléments que ceux mentionnés dans cette lettre. De sorte que, lorsque cette dernière est mal rédigée – ce qui arrive plus souvent dans les petites entreprises que dans les grandes –, elle peut emporter des conséquences catastrophiques pour l’employeur. Pour dire les choses telles qu’elles sont, un employeur a intérêt à être odieux et à tout mettre sur le tapis. Celui qui voudra épargner son salarié en édulcorant la situation, en omettant par exemple de préciser que le salarié a commis une faute grave, perdra son procès. Ce type d’employeur n’est guère fréquent, mais j’en ai rencontré... Dans le même temps, néanmoins, je tiens aussi à assurer la protection du salarié, qui a droit à connaître les motifs de son licenciement, et à faire en sorte que l’employeur ne puisse pas, parce qu’il est attaqué devant les prud’hommes, ne pas réfléchir a posteriori aux raisons pour lesquelles il a licencié. Peut-être connaissez-vous des salariés qui ne commettent pas de fautes ; moi pas – sauf lorsqu’ils sont trop lents pour avoir le loisir d’en commettre, auquel cas la lenteur peut être une raison de les licencier… (Sourires.) On peut toujours trouver à redire d’un travail, surtout a posteriori.

La règle de l’énonciation des motifs de licenciement participe à la fois de la forme et du fond. Elle détermine complètement l’examen du licenciement tel qu’il a été prononcé. J’ai par conséquent des doutes quant à la manière dont la Cour de cassation interprétera l’amendement SPE701. En effet, le licenciement verbal est d’ores et déjà considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, puisqu’il n’est pas énoncé par écrit. De plus, dans le cas du licenciement économique, l’établissement de la cause réelle et sérieuse suppose la réunion de trois éléments indispensables : les raisons économiques, la suppression d’emploi et l’impossibilité de reclassement. Imaginons que l’employeur ne mentionne pas, dans sa lettre, le second élément parce qu’il lui semble aller de soi : il sera condamné.

Il existe actuellement une jurisprudence relative à la précision de la lettre de licenciement : ainsi la notion d’insuffisance professionnelle suffit-elle sauf en cas de faute où les choses sont plus complexes. Je ne pense donc pas que les règles aujourd’hui appliquées par la chambre sociale de la Cour de cassation seront modifiées par cet amendement, celle-ci pouvant au contraire y voir la cristallisation de sa jurisprudence. N’étant pas assuré que la rédaction proposée par le Gouvernement améliorera le droit actuel, je propose, comme je l’ai dit, de supprimer par le sous-amendement SPE708 les alinéas 3 et 4 de l’amendement du Gouvernement – mais peut-être pourrons-nous clarifier les choses d’ici à l’examen du texte en séance publique ?

J’en viens à présent au cœur du sujet : les planchers et plafonds proposés qui, selon le ministre, ne sauraient constituer à eux seuls une « barémisation » des indemnités, mais qui n’en constituent pas moins un début de barème. Le tableau proposé par le Gouvernement comporte six cases et deux critères : le premier est l’effectif de l’entreprise – plus ou moins de 20 salariés ; le second est l’ancienneté du salarié dans l’entreprise – moins de deux ans, entre deux et quinze ans, plus de quinze ans. L’amendement prévoit systématiquement un plafond d’indemnisation, et un plancher uniquement à partir de deux ans d’ancienneté. Dans le droit actuel, le plancher d’indemnisation est de six mois pour les entreprises de onze salariés et plus, tandis que, dans l’amendement du Gouvernement, le plancher est de deux mois pour les entreprises de moins de 20 salariés et de quatre mois pour les autres.

Je propose plusieurs sous-amendements à ce tableau.

La réforme gouvernementale s’inscrit dans un plan d’ensemble qui concerne les TPE et les PME. Les mesures prises visent à apporter de la lisibilité tout en tenant compte du fait que certaines entreprises ont plus de capacités d’indemnisation que d’autres. Par mes sous-amendements SPE702 et SPE706, je propose d’insérer dans ce tableau un nouveau seuil de 300 salariés, en cohérence avec ce que nous venons d’adopter dans la loi sur le dialogue social qui autorise la mise en place d’une délégation unique du personnel (DUP) en deçà de ce seuil. Je suis opposé, soit dit en passant, à la multiplication des seuils, et je n’ai pas été suivi lorsque j’ai proposé que le seuil de la DUP soit ramené à 50 salariés. Reste que, au-delà de 300 salariés, l’employeur et les syndicats ont désormais la possibilité de négocier complètement l’architecture du dialogue social interne à l’entreprise, et que, en procédant ainsi, le législateur a consacré, entre les entreprises de moins et de plus de 300 salariés, une différence de nature, tenant à leur capacité d’organisation du travail et de négociation sociale. Ce seuil me semble donc devoir être retenu lorsque l’on décide où s’arrête le droit applicable aux TPE et aux PME.

Ensuite, je propose, par les sous-amendements SPE704, SPE705 et SPE706, de modifier l’indemnisation due aux salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté. Le Gouvernement propose de leur accorder une indemnisation plafonnée à un douzième de mois par mois d’ancienneté ; cela donne l’impression que ces salariés seraient dans une période d’essai progressive, ce que prévoient d’ailleurs certaines conventions collectives spécifiques, mais ce à quoi je ne suis pas favorable, d’autant que ce serait contraire à la convention de l’OIT relative aux périodes d’essai. Il me semble important, en deçà de deux ans d’ancienneté, de prévoir uniquement un plafond et de laisser le juge arbitrer en fonction de la réalité du licenciement prononcé et des conséquences qu’il entraîne. Je propose de fixer ce plafond à trois mois de salaire dans les entreprises de moins de 20 salariés et à quatre mois dans les autres.

Entre deux et quinze ans d’ancienneté, le Gouvernement propose que le plancher soit de deux mois de salaire dans les entreprises de moins de 20 salariés et de quatre mois dans les autres. Je propose, par le sous-amendement SPE703, de ramener de quinze à dix ans ce deuxième seuil d’ancienneté. En outre, mon sous-amendement SPE706, dont j’ai parlé voici un instant, tend à porter, dans les entreprises de 300 salariés et plus, le plancher d’indemnisation à six mois de salaire – ce qui correspond à la règle actuelle – et le plafond à douze mois pour les salariés ayant entre deux et dix ans d’ancienneté et à vingt-sept mois pour les salariés ayant dix ans d’ancienneté ou plus.

Ces modifications permettront de rapprocher la règle proposée par le Gouvernement de celle établie par la jurisprudence. Les plafonds fixés dans nos sous-amendements sont même nettement au-dessus de la moyenne constatée. C’est pourquoi nos sous-amendements nous paraissent plus équilibrés que l’amendement proposé par le Gouvernement.

À l’alinéa 11, le Gouvernement apporte des précisions juridiques afin d’éviter dès à présent tout risque de mauvaise interprétation et de confusion entre le licenciement sans cause réelle et sérieuse et le licenciement nul. Il récapitule à cet effet tous les cas de licenciement nul et vise notamment la violation de la liberté d’expression du salarié – condamnée par l’arrêt Clavaud. Je rappelle que, dans cette affaire, un ouvrier de chez Michelin avait été licencié pour avoir décrit la situation de son entreprise dans L’Humanité. Au terme d’une procédure fort longue, la Cour de cassation a jugé le licenciement comme nul au motif que l’employeur avait porté atteinte à la liberté d’expression de son salarié. Le 1° et le 2° de mon sous-amendement SPE709 ont une portée rédactionnelle, tandis que son 3° substitue à la notion de liberté d’expression celle de liberté fondamentale. Je le rectifie d’ailleurs au passage, afin d’écrire « à une liberté fondamentale », avec l’article indéfini plutôt que le possessif.

Le sous-amendement SPE710 à l’alinéa 12 est rédactionnel.

Après discussion avec le Gouvernement, je me suis laissé convaincre de retirer le sous-amendement SPE711.

Enfin, mon sous-amendement SPE707 concerne les dispositions transitoires de l’article 87 D. À l’alinéa 18 de son amendement SPE701, le Gouvernement prévoit en effet que les règles nouvelles ne s’appliqueront pas aux litiges actuellement en cours devant les prud’hommes, ce qui serait de toute façon contraire à la Constitution ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme, mais qu’elles entreront en vigueur au lendemain de la promulgation de la loi. Je propose, pour ma part, d’écrire que ces règles ne s’appliqueront pas aux licenciements dont la notification a été adressée avant l’entrée en vigueur de la loi. En effet, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme considère que l’on porte atteinte à l’un de ses protocoles facultatifs lorsque l’on fait perdre à une personne des droits auxquels elle pensait légitimement pouvoir prétendre, quand bien même elle n’aurait pas engagé l’instance nécessaire. Or, un salarié aujourd’hui licencié disposant d’un délai de prescription de deux ans peut ne pas s’être précipité pour engager l’instance. S’il attend la promulgation de la loi, il bénéficiera des nouveaux plafonds qu’elle prévoit. Il convient donc d’éviter que la loi porte atteinte à ses espérances légitimes, ce qui serait contraire au protocole précité. Le Gouvernement ne fait pas la même lecture que moi de ces dispositions, raison pour laquelle je retire ce sous-amendement, après avoir toutefois présenté mes arguments en vue de la discussion que nous aurons en séance publique.

M. le ministre. S’agissant du sous-amendement SPE708, le rapporteur thématique nous a présenté une plaidoirie très convaincante, expliquant que le formalisme actuel posait effectivement problème mais que la rédaction de notre amendement était trop large et risquait de ce fait de fragiliser la capacité du salarié à faire valoir ses droits dans le cadre d’un litige. À la lumière de ces explications, et avec la volonté de retravailler conjointement la définition de ces éléments d’ici au débat en séance publique, j’émets un avis favorable.

J’émets également un avis favorable aux sous-amendements SPE703, SPE702, SPE704, SPE705 et SPE706, qui s’inscrivent dans une cohérence qu’a rappelée le rapporteur thématique, qui vont dans le sens souhaité par le Gouvernement et qui améliorent l’amendement. S’agissant du sous-amendement SPE706, le Premier ministre lui-même a indiqué lors de sa conférence de presse qu’il convenait que nous réfléchissions ensemble à la situation particulière des entreprises de 300 salariés et plus, et j’ai pour ma part exprimé mon opposition au plafonnement, par le Sénat, de toutes les indemnités à douze mois. Le plafond proposé par le rapporteur thématique me semble très cohérent avec la moyenne observée. Il réduira la disparité des indemnités tout en tenant compte du fait que les entreprises de 300 salariés et plus appartiennent à une catégorie de sociétés plus robustes, pouvant se voir appliquer des planchers et des plafonds distincts. Je redis au passage, encore une fois, ma conviction qu’instaurer un plancher et un plafond ne revient nullement à instituer un barème.

Je suis également favorable aux sous-amendements SPE709 rectifié et SPE710.

Je remercie le rapporteur thématique d’avoir retiré son sous-amendement SPE711. Il me semble en effet plus sûr de reprendre l’intégralité des cas de nullité dans le texte, comme nous l’avons fait, que de simplement renvoyer à la notion de licenciement nul.

Enfin, j’avais aussi suggéré au rapporteur thématique de retirer le sous-amendement SPE707. Celui-ci nous a bien expliqué que l’on ne pouvait appliquer ces nouvelles dispositions aux instances en cours. Cela dit, si l’on s’écarte de la date d’entrée en vigueur proposée par le Gouvernement, on risque fort, compte tenu des deux ans de prescription applicables en matière de licenciement et de la durée des procédures judiciaires, de faire coexister pendant plusieurs années deux modes d’indemnisation parallèles et concurrents. J’entends bien l’argument relatif à l’espérance légitime du salarié, mais nous proposons un plafond d’indemnisation relativement élevé, qui réduit les disparités tout en majorant largement la moyenne observée. Le sujet mérite néanmoins d’être travaillé d’ici à l’examen en séance publique, et s’il s’avère que notre dispositif n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, je me rallierai à la position du rapporteur thématique.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Même si le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la conformité de la loi aux conventions internationales, il ne serait pas satisfaisant, en effet, que le dispositif ne soit pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme.

M. Benoît Hamon. Le ministre a raison de rappeler que la part des CDD dans le stock des contrats de travail est de 10 % ; elle est toutefois de 50 % en ce qui concerne les jeunes. Mais ces contrats sont extrêmement courts – dix jours, en moyenne – et ne se substituent donc pas à des CDI. Ce que l’on constate, en revanche, c’est que cette situation, en période de crise et de chômage de masse, favorise la dégradation des protections attachées aux CDI. Dès lors, la question qui se pose est de savoir si nous voulons ou non freiner ce processus. Or, je ne vois pas en quoi la modification de la réglementation relative à l’indemnisation remédie à la situation actuelle du marché du travail. Elle constitue davantage une réponse à l’argument, selon moi très politique, du patronat selon lequel les employeurs auraient peur d’embaucher, qu’une solution à un problème constaté sur le terrain.

Les sous-amendements SPE711 et SPE707 sont retirés.

La Commission adopte successivement les sous-amendements SPE708, SPE703, SPE702, SPE704, SPE705, SPE706, SPE709 tel que rectifié par son auteur et SPE710.

Elle adopte ensuite l’amendement SPE701 sous-amendé.

L’article 87 D est ainsi rédigé.

Article 87 (supprimé) : Suppression de la compétence administrative en matière préélectorale

La Commission examine l’amendement SPE692 rectifié des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement a trait aux élections professionnelles. Les conflits liés, par exemple, à la définition des collèges électoraux sont tranchés par l’inspection du travail, de sorte que les contentieux portant sur cette matière relèvent du juge administratif. Mais, sa saisine n’étant pas suspensive, le processus électoral peut se poursuivre sur le fondement de la décision prise par l’inspecteur du travail, jusqu’à l’élection. Celle-ci peut alors être contestée, mais cette fois devant le juge judiciaire. Ainsi, la même élection peut faire l’objet de deux recours devant deux juges différents, dont les décisions peuvent être contradictoires.

Pour remédier à cette situation, nous proposons de créer un bloc de compétence en confiant au juge judiciaire l’ensemble du contentieux relatif à l’élection des institutions représentatives du personnel.

M. Le ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE692.

L’article 87 est ainsi rétabli.

Section IV

Mesures relatives au développement de l’emploi des personnes handicapées et aux contrats d’insertion

Article 93 : Acquittement partiel de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés pour les périodes de mises en situation en milieu professionnel

La Commission adopte l’article 93 sans modification.

Article 93 bis : Prise en compte des stages de découverte dans l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés

La Commission examine l’amendement SPE647 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 93 bis, qui vise à inclure dans les bénéficiaires de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés les élèves handicapés de moins de 16 ans accueillis en entreprise dans le cadre de stages de découverte.

M. le ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE647.

L’article 93 bis est ainsi rétabli.

Article 94 bis A (nouveau) : Suppression de dispositions obsolètes du code du travail

La Commission adopte l’article 94 bis A sans modification.

Article 94 bis B (nouveau) : Élargissement des établissements bénéficiaires de la taxe d’apprentissage

La Commission est saisie de l’amendement SPE511 des rapporteurs, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement tend à supprimer l’article 94 bis B, qui permet aux établissements à but lucratif d’être financés par la taxe d’apprentissage. En effet, les inquiétudes qui s’étaient exprimées à propos des établissements créés par des entreprises – je pense notamment à Michelin – ne sont pas fondées, puisque ces établissements sont déjà éligibles au quota « apprentissage ».

M. le ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE511.

En conséquence, l’article 94 bis B est supprimé.

Article 94 ter (nouveau) : Organisation du stage de préparation à l’installation par les organisations professionnelles et les chambres de métiers et de l’artisanat

La Commission adopte l’article 94 ter sans modification.

Section V

Lutte contre la prestation de services internationale illégale

Article 96 : Création d’une nouvelle mesure administrative de suspension temporaire d’activité d’un prestataire de services étranger en cas d’infraction grave à des règles fondamentales du droit du travail

La Commission examine l’amendement SPE697 du Gouvernement, qui fait l’objet des sous-amendements, SPE714, SPE716, SPE715 et SPE717 des rapporteurs.

M. le ministre. Cet amendement, qui est la traduction législative de l’une des mesures annoncées par le Premier ministre au début de cette semaine, vise à intensifier la lutte contre les fraudes au détachement afin de garantir aux TPE et aux PME des conditions de concurrence loyale avec les autres entreprises. Il prévoit ainsi de renforcer les mesures administratives et les sanctions à l’encontre des entreprises qui contournent les règles du détachement et de leurs donneurs d’ordre.

Premièrement, lorsque les documents utiles au contrôle de la régularité du détachement, exigibles en langue française, ne sont pas présentés par l’employeur à l’inspection du travail, ce dernier sera passible d’une amende administrative de 2 000 euros au maximum par salarié détaché, dans la limite d’un plafond fixé à 500 000 euros.

Deuxièmement, lorsque les documents et informations permettant de vérifier le respect des règles relatives au droit du travail ne sont pas présentés ou sont volontairement erronés, la procédure de suspension administrative de la prestation de service pourra être appliquée jusqu’à obtention des éléments nécessaires à la réalisation du contrôle.

Troisièmement, lorsque l’employeur de salariés détachés en France ne se conforme pas à son obligation de déclaration préalable de détachement, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre pourra être rendu responsable de la transmission de la déclaration de détachement à l’inspection du travail. Il s’agit ici d’éviter que les donneurs d’ordre ne fassent porter la responsabilité du travail détaché illégal à leurs sous-traitants, dont il arrive même que l’insolvabilité soit organisée.

Quatrièmement, lorsque l’employeur de salariés détachés en France ne se conforme pas à l’obligation de rémunérer ses salariés au salaire minimum, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre sera systématiquement tenu, de manière solidaire avec l’employeur des salariés détachés, au paiement des rémunérations. Selon le droit actuel, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre n’est tenu solidairement au paiement des salaires et charges des salariés que s’il n’a pas formellement enjoint à l’employeur de les payer et s’il n’a pas informé l’agent de contrôle sur les suites données.

Enfin, cet amendement clarifie les composantes du salaire minimum devant être versé par l’employeur étranger à un salarié détaché en France. L’employeur doit non seulement respecter le SMIC, les minima conventionnels et les majorations pour heures supplémentaires, mais également le paiement de tous les accessoires de salaire prévus par les conventions collectives. Actuellement, en effet, les entreprises de BTP étrangères ne sont pas tenues de loger leurs salariés détachés, par exemple, alors que les entreprises françaises en ont l’obligation lorsque leurs salariés travaillent sur un chantier éloigné de leur domicile.

Tels sont les points essentiels de cet amendement, cohérent avec celui que nous avons adopté à l’article 87 D, entre autres. En effet, si l’on estime que le CDI doit être le contrat unique, il faut non seulement lui donner davantage de visibilité, mais aussi lutter contre toutes les formes de précarisation. Nous l’avons fait dans la loi de sécurisation de l’emploi en créant un dispositif de bonus-malus concernant l’intérim et le contrat cours – dispositif sur lequel nous allons du reste continuer à travailler car il ne fonctionne pas de manière satisfaisante –, et nous le faisons également en luttant contre le contournement des règles applicables au travail détaché, qui est un « point de fuite » de notre droit du travail.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis très favorable. Deux de mes quatre sous-amendements sont rédactionnels, et j’envisage de retirer les deux autres si le ministre répond à mes interrogations.

La Commission adopte le sous-amendement rédactionnel SPE714.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Par le sous-amendement SPE716, je propose que, si l’entreprise étrangère ne transmet pas la déclaration relative aux travailleurs détachés, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre soit uniquement tenu d’en informer l’inspection du travail, à charge pour elle de faire le nécessaire. Il nous paraît en effet délicat d’obliger les maîtres d’ouvrage autres que les grandes entreprises telles que Bouygues – je pense notamment aux collectivités territoriales – à produire cette déclaration alors qu’ils ne sont pas en mesure d’identifier les salariés détachés, sachant que la nationalité n’est pas un indice suffisant.

M. le ministre. Selon le droit actuel, le donneur d’ordre a l’obligation de demander des informations à son sous-traitant pour vérifier la régularité du détachement. Si ces informations ne lui sont pas transmises, il se contente d’en informer la direction du travail et peut poursuivre sa collaboration avec ce sous-traitant. Nous souhaitons transformer cette obligation de moyen en obligation de résultat. C’est pourquoi nous proposons que, si son sous-traitant ne transmet pas la déclaration à l’inspection du travail, le donneur d’ordre soit tenu de le faire lui-même.

Je comprends votre préoccupation, monsieur le rapporteur thématique, mais il ne s’agit pas, pour le Gouvernement, d’imposer au donneur d’ordre une obligation qu’il ne pourra remplir. Un décret définira les informations qui lui seront demandées de manière limitative : il pourrait s’agir du nombre de salariés et du lieu de la prestation, par exemple. En tout état de cause, cette obligation de déclaration, simple, est nécessaire pour établir la responsabilité du donneur d’ordre et donner un contenu à son obligation de résultat. Dès lors, je vous demande de bien vouloir retirer le sous-amendement SPE716 ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je le retire, mais je souhaite que nous en rediscutions d’ici à l’examen du texte en séance publique. Certes, cette obligation de résultat ne contribue pas à la simplification de la vie des entreprises, mais un tel formalisme est nécessaire si nous voulons lutter réellement contre les abus en matière de détachement. Il nous faut néanmoins nous assurer que les entreprises ne se trouveront pas dans l’impossibilité de satisfaire à cette obligation. C’est pourquoi je propose que nous poursuivions notre réflexion sur ce point.

Le sous-amendement SPE716 est retiré.

La Commission adopte le sous-amendement rédactionnel SPE715.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je vais également retirer le sous-amendement SPE717, car je m’aperçois qu’il a été rédigé sur la base d’une ancienne version de l’amendement du Gouvernement, qui a été corrigé sur ce point.

M. le ministre. Je remercie le rapporteur thématique pour son honnêteté intellectuelle. Il faut rendre à César ce qui est à César : l’amélioration de la rédaction de notre amendement est due à la discussion que nous avons eue avec lui. Notre objectif est en effet de faire en sorte que le donneur d’ordre soit responsable des dysfonctionnements déjà constatés. Je rappelle cependant qu’avant de devoir payer lui-même les salaires redressés, il peut demander par injonction au sous-traitant fautif de payer ou dénoncer le contrat. Il s’agit en quelque sorte d’une procédure d’escalade.

Le sous-amendement SPE717 est retiré.

La Commission adopte l’amendement SPE697 sous-amendé.

Puis elle examine l’amendement SPE512 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement, quasi rédactionnel, a pour objet de rétablir le texte voté en première lecture, car je préfère que la procédure soit détaillée dans l’article et non procéder par renvoi au sein du code. Le texte sera certes plus long, mais il sera plus facile à lire pour l’agent de contrôle.

M. le ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE512.

Puis elle examine l’amendement SPE698 du Gouvernement.

M. le ministre. Il s’agit de s’assurer qu’un employeur installé en France ne puisse pas utiliser les services d’un salarié français détaché. En l’état actuel de notre droit interne, un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement des salariés – lesquelles relèvent du domaine de la libre prestation de service au sens du droit européen – lorsque son activité est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures situées sur le territoire national à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue. Or, certaines activités professionnelles ne nécessitent pas de locaux ou d’infrastructures particulières en France pour pouvoir y être exercées de manière permanente. Nous proposons donc de supprimer cette condition.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis favorable. L’article L. 1262-3 du code du travail me paraît cependant assez peu clair : je ne l’ai compris que grâce à l’explication que vient de donner le ministre… (Sourires.)

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le ministre, que se passe-t-il si une société mère a des filiales à l’étranger qui emploient des salariés français qu’elles font travailler en France ?

M. le ministre. Deux cas de figure sont à distinguer. Le premier, couvert par les présentes dispositions, consiste à utiliser les services de salariés français dans le cadre du détachement, en externalisant la prestation plutôt qu’en recourant à une filiale – une situation qui, jusqu’à présent, permettait de contourner toutes les règles. Le deuxième cas correspond à la situation d’une filiale à l’étranger où travaillent des salariés français expatriés ou frontaliers – je pense par exemple à une grande entreprise française qui emploierait des salariés français dans une filiale située hors de France, à cinquante kilomètres de la frontière. Ce type de situation perdurera, ne correspondant pas au détachement illégal que nous cherchons à combattre : ce que notre dispositif a vocation à couvrir, c’est le fait pour une société française de contourner les règles de détachement. Si nous en sommes en présence d’une vraie filiale, établie de manière stable à l’étranger et où travaillent des salariés français, il ne s’agit pas d’un cas de détournement du détachement. Il me semble que la rédaction de cet amendement verrouille parfaitement le dispositif, mais je ne suis pas opposé à ce que nous ouvrions éventuellement la discussion sur ce point.

La Commission adopte l’amendement SPE698.

Elle examine ensuite l’amendement SPE699 du Gouvernement.

M. le ministre. Le présent amendement a pour objet de contrôler les locaux affectés à l’hébergement des salariés détachés. Il s’agit pour cela de consacrer un droit d’entrée des agents de l’inspection du travail dans les locaux destinés à l’hébergement des travailleurs, avec le consentement de leurs occupants, et de rendre obligatoire l’envoi de la déclaration prévue à l’article 1er de la loi du 27 juin 1973 à l’inspection du travail, dès lors qu’elle concerne l’hébergement collectif de travailleurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE699.

Puis elle est saisie de l’amendement SPE695 du Gouvernement.

M. le ministre. L’objet de cet ajout à l’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale est de renforcer la lutte contre la fraude en accordant l’accès au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) à l’association en charge de la mise en œuvre du régime de garantie des salaires (AGS).

Les AGS ont pour mission d’avancer les créances salariales dues aux salariés dont l’employeur a fait l’objet de procédures collectives en cas d’insuffisance de fonds disponibles, aux termes de l’article L. 3253-14 du code du travail. La gestion de ce régime est confiée à la délégation UNEDIC AGS.

En vertu de l’article L. 3253-21 du code du travail, les versements correspondant aux créances salariales doivent être effectués dans des délais très courts – cinq à huit jours –, ce qui ne laisse que peu de temps pour effectuer les vérifications nécessaires. Cela contribue à ce que des versements puissent être effectués à tort, notamment dans des dossiers comportant de fausses déclarations ou de faux documents. Ces fonds versés à tort, non détectés et qui ne seront jamais récupérés, grèvent les comptes des organismes sociaux, réduisant les marges de manœuvre pour une politique sociale plus adaptée et amplifiant le sentiment d’un système inefficace et injuste. Plusieurs cas ont été largement médiatisés, d’entreprises très connues utilisant des salariés détachés avec des contrats illégaux, et percevant tout de même les prestations.

Pour pouvoir détecter rapidement les fraudes, il est proposé de permettre à l’association en charge de la mise en œuvre du régime de garantie des salaires un accès au répertoire institué par l’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale. Cet accès permettrait des échanges plus rapides entre la délégation UNEDIC AGS et les organismes sociaux, échanges qui ne sont aujourd’hui pas réalisés faute de temps, alors même qu’ils sont légalement autorisés. Les informations contenues dans ce répertoire renforceront la capacité de la délégation UNEDIC AGS à déceler immédiatement certaines anomalies ou fraudes, concernant des personnes faussement déclarées comme salariées.

Il faut noter qu’à l’occasion de son contrôle de l’AGS sur les exercices 2005 à 2009, la Cour des comptes a constaté cette absence d’accès au RNCPS de la délégation UNEDIC AGS et, lors de sa délibération de février 2012, relevé le caractère « anormal » de cet état de fait. Par courrier du 27 août 2012, en réponse à la demande de la Cour, le ministre de l’économie et des finances a renforcé la position qu’elle avait exprimée en faveur d’une évolution législative permettant à la délégation d’accéder au répertoire national commun de la protection sociale. C’est l’objet de ce texte.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Avis favorable. Pour dissiper toute ambiguïté, je précise que l’AGS intervient quand un employeur en redressement ou en liquidation judiciaire n’a pas la capacité de faire face à ses obligations salariales et indemnitaires. Dans un certain nombre de cas, on a affaire à des sociétés qui ont été créées uniquement dans le but d’activer ce mécanisme et de constituer ainsi des droits à des personnes n’ayant pas nécessairement travaillé. Il s’agit d’un mécanisme de fraude certes limité, mais qui mérite que l’on se donne les moyens de le combattre efficacement.

M. Gérard Cherpion. Je suis tout à fait d’accord avec l’explication donnée par le ministre, et voudrais simplement insister sur le fait que tous les employeurs déposant le bilan ne sont pas des fraudeurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. C’est vrai.

M. Gérard Cherpion. Le temps nécessaire pour établir les bordereaux et permettre aux salariés de toucher les prestations est parfois long. Il ne faudrait donc pas que la mesure prise soit contrebalancée par un allongement des délais d’inspection, qui aurait pour conséquence de pénaliser les personnes privées de leur salaire en repoussant le moment où elles toucheront ce qui leur revient.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je pense que la disposition prise permettra au contraire d’accélérer les choses, en facilitant l’accès aux documents nécessaires, donc les vérifications. Cela dit, je suis conscient qu’il y a un problème particulier quand un doute sur l’existence du contrat du travail oblige le salarié à saisir le conseil des prud’hommes pour faire reconnaître cette existence, ce qui rallonge considérablement les délais.

La Commission adopte l’amendement SPE695.

Puis elle adopte l’article 96 modifié.

Article 96 bis : Adaptation de dispositions relatives à la lutte contre la concurrence sociale déloyale au secteur des transports

La commission adopte successivement les amendements de coordination SPE589 et SPE592 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 96 bis modifié.

Article 96 ter (nouveau) : Publicité du nombre de travailleurs détachés pour les candidats à un contrat de partenariat

La Commission est saisie de l’amendement SPE513 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Nous proposons de supprimer la disposition adoptée par le Sénat, qui serait contraire au droit communautaire.

M. le ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE513.

En conséquence, l’article 96 ter est supprimé.

Article 97 : Généralisation obligatoire de la carte d’identité professionnelle du bâtiment

La Commission examine l’amendement SPE700 du Gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement SPE718 des rapporteurs.

M. le ministre. Le présent amendement a pour objet d’améliorer deux dispositions de lutte contre le travail illégal, d’une part en articulant la sanction de fermeture administrative temporaire d’établissement pour des faits de grande ampleur, graves ou répétés de travail illégal et la décision pénale, d’autre part en alignant la peine complémentaire de confiscation, prévue pour les personnes physiques en matière de travail illégal, sur les dispositions de droit commun de l’article 131-21 du code pénal.

Dans le souci de favoriser la mise en œuvre de la sanction de fermeture administrative d’établissement pour des faits de travail illégal tout en sécurisant juridiquement l’autorité compétente – le préfet –, le présent amendement propose de fonder la sanction administrative soit sur un procès-verbal, comme le texte le prévoit actuellement, soit sur un rapport administratif, mais aussi de mentionner que la fermeture administrative est une mesure temporaire, et non pas provisoire comme le prévoit le texte actuellement.

En outre, l’amendement permet de supprimer la levée de plein droit de la mesure de fermeture administrative temporaire d’établissement dans les cas de classement sans suite et de non-prononcé par le juge pénal de la peine complémentaire de la fermeture de l’établissement. En effet, si ces décisions pénales interviennent après que l’administration a déjà pris des sanctions, elles doivent rester sans incidence sur la sanction administrative intervenue, l’administration n’étant liée par la réalité des faits constatés par le juge pénal et par la qualification opérée par lui qu’en cas de relaxe ayant donné lieu à examen au fond. Enfin, il est proposé d’imputer la durée de la fermeture administrative sur la durée de la fermeture lorsqu’elle est prononcée par le juge pénal en tant que peine complémentaire.

Cette modification législative met en œuvre l’une des recommandations formulées par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport remis en décembre 2014, relatif à la pratique des sanctions administratives prévues par le code du travail en matière de lutte contre le travail illégal, qui constatait les insuffisances de cette mesure.

Les fraudes en matière de travail illégal sont par ailleurs génératrices de préjudices sociaux et fiscaux, donc source d’importants profits illégaux qu’il faut tarir. La saisie et la confiscation de l’objet ou du produit de l’infraction peuvent s’avérer essentielles, d’autant qu’elles contribuent à l’indemnisation des salariés et des organismes de recouvrement des cotisations sociales, eux aussi lésés. Il y a donc lieu de faciliter la possibilité de saisie ou de confiscation.

Pour réduire l’insécurité juridique, il est ainsi proposé, à l’instar du régime existant pour les personnes morales, d’aligner la peine complémentaire de confiscation, prévue pour les personnes physiques en matière de travail illégal, sur les dispositions de droit commun de l’article 131-21 du code pénal. En outre, les modalités de renvoi vers la peine complémentaire de confiscation pour les délits de marchandage et de prêt illicite de main-d’œuvre sont mises en cohérence avec celles introduites pour le travail dissimulé et l’emploi d’étrangers sans titre de travail.

Enfin, je précise que je suis favorable au sous-amendement rédactionnel SPE718 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Pour ma part, je suis favorable à l’amendement SPE700 ainsi sous-amendé.

La Commission adopte le sous-amendement SPE718.

Puis elle adopte l’amendement SPE700 sous-amendé.

Elle est ensuite saisie de l’amendement SPE587 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Je retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE594 et SPE588 des rapporteurs.

Puis elle est saisie de l’amendement SPE514 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Cet amendement vise à ce que la procédure soit explicitement détaillée dans le corps de l’article L. 8291-2 du code du travail créé par le présent article.

M. le ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE514.

Puis elle adopte l’article 97 modifié.

Article 97 bis A : Télétransmission de la déclaration de détachement de salariés

La Commission est saisie de l’amendement SPE590 des rapporteurs.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. L’amendement SPE590 est un amendement de coordination avec la législation spécifique aux travailleurs des transports.

M. le ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE590.

Puis elle adopte l’article 97 bis A modifié.

Section 5 bis

Simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité

(Division et intitulé nouveaux)

Article 97 quinquies (nouveau) : Simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité

La Commission examine les amendements identiques SPE515 des rapporteurs, SPE321 de M. Jean-Louis Roumegas et SPE384 de M. Gérard Sebaoun, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Le débat sur la fiche individuelle du compte pénibilité relève du projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale et qui a permis des avancées. L’article 97 quinquies est donc non seulement inutile, mais susceptible de créer des divergences juridiques.

M. Jean-Louis Roumegas. Le compte pénibilité constitue l’une des avancées majeure en matière sociale – peut-être la seule – de ce quinquennat, ce qui explique que nous n’ayons pas voté contre la loi sur les retraites. L’application de cette disposition a déjà été repoussée et le Sénat a écarté des facteurs de pénibilité loin d’être secondaires – les risques chimiques, les postures pénibles, le bruit, le travail répétitif –, n’en maintenant que trois. Je souhaite que le Gouvernement conserve un peu d’ambition en matière de pénibilité, afin de ne pas vider cette notion de son sens.

M. Gérard Sebaoun. La faim étant elle aussi un facteur de pénibilité, je considère, à cette heure tardive, mon amendement comme défendu… (Sourires.)

Mme Véronique Louwagie. Je comprends que la réduction du nombre de facteurs de pénibilité par le Sénat puisse susciter de la déception, mais je veux rappeler que le dispositif de pénibilité pose des problèmes aux entreprises : en l’état, il n’est pas applicable. À mon sens, il vaut sans doute mieux commencer en prenant en compte un nombre réduit de facteurs pour peut-être évoluer ensuite, mais de manière progressive.

M. le ministre. Je suis favorable à ces amendements de suppression, le Gouvernement ayant constamment réaffirmé sa volonté d’aller au bout de la réforme du compte pénibilité. En ce qui concerne les modalités d’application de la réforme, les conclusions remises par MM. Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville au Premier ministre le 26 mai dernier ont permis d’avancer en montrant que l’on pouvait avoir une grande ambition sociale tout en faisant preuve d’un grand pragmatisme.

En matière de pénibilité, nous avons une réforme ambitieuse qu’il ne s’agit pas d’affaiblir en réduisant des droits reconnus. Seules les modalités d’application peuvent faire l’objet d’adaptations visant à permettre la prise en compte des éléments constatés sur le terrain et exposés dans le rapport que j’ai évoqué. C’est chose faite avec les amendements apportés à la loi relative à la modernisation du dialogue social. J’émets donc un avis favorable à ces amendements.

La Commission adopte les amendements SPE515, SPE321 et SPE384.

En conséquence, l’article 97 quinquies est supprimé.

Section 6

Amélioration du dispositif de sécurisation de l’emploi

Article 98 A (nouveau) : Assouplissement des conditions de conclusion des accords de maintien de l’emploi et création des accords de développement de l’emploi

La Commission est saisie, en discussion commune, de l’amendement SPE322 de M. Jean-Louis Roumegas, tendant à supprimer l’article, et de l’amendement SPE693 du Gouvernement.

M. Jean-Louis Roumegas. L’article 98 A introduit par le Sénat prévoit la conclusion d’accords dits offensifs pour le maintien de l’emploi, ce en quoi nous voyons un véritable recul en matière de droit du travail. La loi de sécurisation de l’emploi avait prévu, dans un cadre assez strict, la possibilité d’aménager le temps de travail et les rémunérations. Autrement dit, il s’agissait de permettre aux entreprises confrontées à de grandes difficultés conjoncturelles de recourir à des mesures de chômage partiel, cette possibilité étant assortie d’une contrepartie, l’absence de licenciements.

Le Sénat propose d’étendre cette disposition à une notion que nous dénonçons souvent : l’application à titre préventif. Or, chacun sait à quels abus le licenciement économique peut déjà donner lieu. L’extension votée par le Sénat nous paraît aller à l’encontre de ce qui était recherché dans la loi de sécurisation de l’emploi, c’est pourquoi nous y sommes opposés.

M. le ministre. En adoptant l’article 98 A, le Sénat a procédé à la mise en œuvre de ce que l’on appelle l’accord offensif de maintien de l’emploi. Il s’agit en fait d’étendre l’accord de maintien de l’emploi (AME) tel que défini dans la loi du 14 juin 2013 à des sociétés qui ne traverseraient pas de graves difficultés économiques, en partant du principe qu’il est possible de déroger à la loi ou à l’accord de branche dès lors qu’un accord majoritaire a été conclu au niveau de l’entreprise.

Si je comprends les arguments avancés par M. Roumegas et suis même d’accord avec la philosophie qui les sous-tend, je lui demanderai de retirer son amendement pour se rallier au mien. Pour commencer, je suis convaincu que l’AME offensif est un cas théorique, qui ne trouve pas vraiment à s’appliquer aujourd’hui. L’AME défensif lui-même a peu de succès, et je pense que l’on obtiendra très rarement un accord majoritaire dans une entreprise pour obtenir des réorganisations du temps de travail ou d’autres modifications substantielles pouvant toucher le contrat de travail individuel – car si de telles clauses avaient des chances d’être adoptées, elles auraient été négociées en amont et figureraient dans le contrat de travail.

Si l’AME offensif me pose un problème, c’est en termes de hiérarchie des normes. Ma conviction profonde est que, sur ce point, le meilleur niveau n’est pas celui de l’entreprise, mais sans doute celui de la branche. En tout état de cause, il convient de mener une réflexion sur ce qui relève respectivement de la loi, de l’accord de branche et de l’accord d’entreprise. Une meilleure respiration doit être trouvée en la matière, et c’est l’objet du rapport que le précédent directeur général du travail, M. Jean-Denis Combrexelle, remettra au Premier ministre en septembre prochain. Cela dit, accepter qu’un accord d’entreprise majoritaire puisse déroger à un accord de branche ou à la loi me paraît constituer une manière subreptice de remettre en cause la hiérarchie des normes sans avoir réfléchi à toutes les conséquences que cela implique. À mon sens, il convient de réfléchir en amont à la hiérarchie des normes pour définir ce qui relève de l’ordre public social – en d’autres termes, quel type de dispositions relèvera de la loi précisément pour que ni accord de branche, ni accord d’entreprise, ne puisse le remettre en cause. De même, le périmètre utile de l’accord d’entreprise doit être défini.

Cette réflexion n’ayant jamais été menée, et notre droit du travail s’étant construit par sédimentation législative, des brèches se sont ouvertes dans la hiérarchie des normes – en 2004, puis à deux autres reprises – lorsqu’on a permis que certains accords de branche ou d’entreprise dérogent à cette hiérarchie. Les puristes refusent ces brèches par principe – ce qui n’empêche d’ailleurs pas certains syndicats, qui y sont opposés sur le plan national, de signer des accords locaux par pragmatisme. Cela dit, nous sommes parvenus à un point où nous ne pouvons plus nous dispenser de réfléchir de manière structurée à la hiérarchie des normes.

Pour les raisons que je viens d’exposer, je ne suis pas favorable à l’amendement du Sénat et je partage votre souhait de revenir sur la disposition adoptée par la Haute Assemblée. Je vous demande cependant de retirer votre amendement au profit de l’amendement SPE693 du Gouvernement, qui vise à retravailler l’accord de maintien dans l’emploi défensif. Ce type d’accord, prévu par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, a fait l’objet d’une évaluation : au 15 mars 2015, il n’en avait été conclu que neuf, dont huit au sein de PME. Autant le dire, cela marche très mal, et ce constat de blocage est partagé par tous les partenaires sociaux, que M. François Rebsamen et moi-même avons rassemblés dès le mois de février – et qui, je le précise, ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur une nouvelle formule.

Par ailleurs, le bilan de la mise en œuvre de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, remis lundi dernier, a mis en évidence plusieurs points d’insuffisance, dont certains sont traités par le présent amendement, tandis que d’autres trouvent une solution dans la loi de modernisation du dialogue social, notamment ses dispositions relatives à la représentation des salariés dans les conseils d’administration.

L’amendement SPE693, qui s’appuie sur le bilan de l’ANI, confirme les principes fondamentaux de l’accord de maintien dans l’emploi défensif. Premièrement, l’accord est conclu pour une durée déterminée, et la difficulté conjoncturelle de l’entreprise doit être avérée – c’est la principale différence avec la disposition adoptée par le Sénat. Deuxièmement, l’accord doit être signé par des syndicats représentant la majorité des salariés, et peut être suspendu par un référé devant le tribunal de grande instance à la demande de l’un des signataires, si le juge estime que les engagements ne sont pas appliqués ou que la situation économique de l’entreprise a évolué de manière significative.

Notre amendement prévoit également des évolutions de trois ordres sur l’accord de maintien dans l’emploi. Premièrement, la durée pendant laquelle l’entreprise n’aura pas le droit de licencier pourra désormais aller jusqu’à cinq ans en cas d’accord majoritaire, alors qu’elle était jusqu’à présent limitée à deux ans – ce qui est parfois trop court pour permettre le rétablissement de la compétitivité, la durée des négociations pouvant excéder six mois ; en tout état de cause, je rappelle que la durée est validée dans l’accord majoritaire.

Deuxièmement, l’accord pourra désormais prévoir les conditions et modalités selon lesquelles il peut être révisé ou suspendu, ceci afin d’éviter qu’il ne se fige définitivement à l’issue de la négociation, et pour permettre qu’en cas d’amélioration ou d’aggravation de la situation économique de l’entreprise, des dispositions dynamiques puissent être prises.

Troisièmement, il est proposé de rendre ces accords plus attractifs en précisant les conséquences de la rupture du contrat de travail en cas de refus du salarié de se voir appliquer les dispositions de l’accord. Sur ce point très important, le dialogue que nous avons eu avec le rapporteur thématique a été précieux. Un débat s’est engagé sur le point de savoir s’il pouvait s’agir d’un licenciement individuel, ou seulement d’un licenciement économique. Il est évident que, compte tenu des circonstances mêmes et du cadre de la négociation, seul le licenciement économique est envisagé. Il reposera sur une cause réelle et sérieuse, mais - c’est l’innovation que nous apportons – l’employeur ne sera pas tenu aux obligations d’adaptation et de reclassement. Toutefois, le salarié bénéficiera soit du congé de reclassement, soit du contrat de sécurisation professionnelle. Si l’on reste donc bien dans le cadre d’un licenciement économique, on écarte le risque que les meilleurs, rejetant l’accord et ses termes, obtiennent une rupture de contrat économique en bénéficiant non seulement du contrat de sécurisation professionnelle, mais également des obligations d’adaptation et de reclassement.

M. Gérard Cherpion. Ceci pour les entreprises de moins de 1 000 salariés.

M. le ministre. Effectivement. Nous proposons donc des dispositions procurant un cadre juridique sûr, tout en permettant d’éviter les comportements d’optimisation que peuvent adopter les meilleurs éléments, qui font parfois renoncer les chefs d’entreprise à négocier des accords de maintien dans l’emploi. Notre objectif est, à la lumière de l’évaluation qui a été effectuée, de rendre ces accords plus opérants, sans toutefois modifier les grands équilibres de la négociation qui avait conduit à l’ANI du 11 janvier 2013.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Voici deux ans que la loi de sécurisation de l’emploi s’applique. Or nous constatons que les accords de maintien dans l’emploi ne fonctionnent pas, puisque dix seulement ont été signés. Deux causes l’expliquent : la durée légale pendant laquelle l’entreprise ne pourra pas licencier et les conditions de rupture du contrat des salariés qui n’acceptent pas les modifications que l’accord entraîne pour leur contrat de travail.

Sur la durée, l’innovation consisterait à passer de deux à cinq ans. Il est certes permis de se demander si des difficultés s’étalant sur si longue période sont de nature conjoncturelle ou de nature structurelle. Dans certaines industries, le retour sur investissement n’est cependant pas visible avant l’écoulement de cinq années, par exemple lorsqu’il s’agit de construire un modèle de voiture qui sera en concurrence avec des modèles construits sur d’autres sites européens où les salaires ne sont pas comparables.

L’amendement du Gouvernement me paraît satisfaisant, d’autant que sont prévues une « clause de revoyure » à deux ans et la saisine possible du juge des référés se prononçant par définition dans des délais très courts, mais jouissant par exception de la plénitude de juridiction pour trancher le fond même du litige. Par ailleurs, le sort des salariés se trouve garanti par la nécessité que l’accord conclu soit un accord majoritaire et que le licenciement prononcé soit non un licenciement pour cause personnelle, mais un licenciement économique ouvrant droit à la conclusion d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ou à congé de reclassement.

Je vous suggère donc, monsieur Roumegas, de retirer votre amendement ; à défaut, je devrais émettre un avis défavorable. Quant à l’amendement du Gouvernement, vous aurez compris que j’y suis favorable.

M. Gérard Cherpion. Je salue l’effort d’explication du Gouvernement et reconnais que son amendement est inspiré par le bon sens et le pragmatisme. Pourtant, je regrette, monsieur le ministre, que vous ne soyez pas revenu aux termes mêmes de l’ANI de janvier 2013, où il est prévu que le refus par un salarié d’une modification de son contrat entraîne un licenciement pour motif personnel. Le législateur avait modifié l’accord sur ce point. En outre, vous prenez argument de ce que le nombre d’accords offensifs conclus serait de toute façon faible pour vous y opposer. Mais le nombre d’accords défensifs est faible et il serait ridicule de supprimer la possibilité d’en conclure. De même, il serait dommage de se priver de la possibilité de conclure des accords offensifs, même si les entreprises prêtes à profiter de ce stimulant seront peu nombreuses.

Au moment où la reprise se fait sentir, confortée par les facteurs extérieurs, nous aurions tort de nous priver de cet outil. Il faut donc aller plus loin que l’amendement du Gouvernement, en ouvrant la possibilité d’accords offensifs, même si elle sera peu utilisée. De beaux accords défensifs ont été conclus, notamment dans l’automobile, qui ont permis de sauvegarder des emplois. Par effet miroir, des accords offensifs pourraient donner les mêmes résultats.

M. Jean-Louis Roumegas. Certes, monsieur le ministre, vous voulez retirer de l’article la possibilité de passer des accords offensifs. Mais, si le salarié refuse les modifications à son contrat prévues par l’accord majoritaire, il ne pourra bénéficier du même accompagnement que s’il faisait l’objet d’un licenciement économique. De plus, l’extension de la durée des accords ne nous satisfait pas. Enfin, je ne crois pas que les partenaires sociaux soient tombés d’accord sur les dispositions que vous proposez, car vous n’avez eu avec eux que de simples discussions. Certes, monsieur le ministre, votre amendement est préférable au texte du Sénat, mais je maintiens le mien, car j’estime qu’il vaut mieux en rester à la loi de sécurisation de l’emploi de 2013.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. D’après l’article 18 de l’ANI, « en cas de refus du salarié des mesures prévues par l’accord, la rupture de son contrat de travail qui en résulte s’analyse en un licenciement économique dont la cause réelle et sérieuse est attestée par l’accord précité́ ».

M. le ministre. Quant aux discussions avec les partenaires sociaux, il ne s’agit pas de négociations, mais d’une évaluation de leur part. C’est pourquoi je me suis opposé à ce type d’amendements en première lecture, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, car je l’attendais encore. Elle a été rendue lundi. L’amendement du Gouvernement reste dans le cadre des équilibres définis par l’ANI. Quant aux accords offensifs de maintien dans l’emploi, ils doivent pour leur part faire l’objet de négociations préalables, comme le prévoit la « loi Larcher ». D’une manière générale, une réflexion devrait être engagée sur la hiérarchie des normes et sur son évolution.

M. Gérard Sebaoun. Avec l’amendement du Gouvernement, le salarié qui refuse l’accord majoritaire perd néanmoins quelque chose par rapport à un licenciement économique classique, puisqu’il n’a pas de droit à l’adaptation ou au reclassement.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. C’était l’une des ambiguïtés qui pouvaient demeurer. Il n’était pas logique de laisser subsister l’offre de reclassement, dont le contenu aurait été le même que celui de la modification possible du contrat de travail prévue par l’accord majoritaire et que le salarié a déjà refusée. C’est pourquoi il est prévu de supprimer l’obligation de reclassement.

M. Gérard Cherpion. Je maintiens que l’article 15 de l’ANI, relatif à la mobilité interne, présente une contradiction avec l’article 18, car il prévoit bien un licenciement pour cause personnelle.

M. le ministre. Mais, dans le cas qui nous préoccupe, il ne s’agit précisément pas de mobilité interne. C’est à l’article 18 qu’il faut se référer, où il est question de licenciement pour cause économique, ce qui est cohérent avec les conditions dans lesquelles l’accord majoritaire a été signé. Si le salarié qui le refuse ne reçoit pas d’offre de reclassement, il peut néanmoins bénéficier du congé de reclassement. Il faut bien faire la distinction.

La Commission rejette l’amendement SPE322.

Puis elle adopte l’amendement SPE693.

L’article 98 A est ainsi rédigé.

Article 98 B (nouveau) : Mise en place d’un nouveau contrat de travail conclu pour la durée d’un projet

La Commission examine les amendements identiques SPE516 des rapporteurs et SPE323 de M. Jean-Louis Roumegas, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Le Sénat a adopté la généralisation du contrat de chantier, à laquelle nous sommes opposées. Nous proposons donc de supprimer l’article.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous sommes opposés pour deux raisons à un CDI de projet. Nous ne voyons pas en quoi cela représente une simplification ; il s’agit plutôt du contraire. Ensuite, en prétendant lutter contre la précarité, on ne fait qu’en créer davantage. Nous sommes en faveur du retrait pur et simple de l’article du Sénat.

M. Gérard Cherpion. Je crains qu’une mauvaise interprétation ne soit faite de cet article. Le contrat de chantier est limité à certaines branches, à certains secteurs. Pourtant, à l’intérieur même d’une entreprise, certains chantiers peuvent être temporaires, tels que le changement du système informatique. L’élargissement prévu porte précisément sur les chantiers temporaires à l’intérieur d’une entreprise.

M. le ministre. Avis favorable à l’adoption des amendements.

La Commission adopte les amendements SPE516 et SPE323.

En conséquence, l’article 98 B est supprimé.

Article 103 : Proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle aux salariés dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi

La Commission adopte l’article sans modification.

Article 103 bis : Financement par l’entreprise des formations réalisées dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle

La Commission examine l’amendement SPE694 du Gouvernement.

M. le ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination rédactionnelle suite à la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale concernant l’utilisation du droit individuel à la formation dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle.

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l’amendement SPE694.

Puis elle adopte l’article 103 bis modifié.

Article 103 ter (nouveau) : Modification de la définition du motif économique du licenciement

La Commission examine les amendements identiques SPE581 des rapporteurs et SPE324 de M. Jean-Louis Roumegas, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il est loisible de discuter du régime juridique du licenciement économique, mais sa modification requiert l’accord des partenaires sociaux, en tout cas leur consultation préalable. En tout état de cause, il ne faut y toucher qu’avec précaution. L’amendement SPE581 propose donc de supprimer l’article.

M. Jean-Louis Roumegas. On abuse déjà du licenciement économique sous prétexte d’améliorer la compétitivité. Si l’on rentre dans cette logique, autant supprimer tout droit du travail. La compétitivité augmentera, mais à quel prix !

M. le ministre. Avis favorable.

La commission adopte les amendements SPE581 et SPE324.

En conséquence, l’article 103 ter est supprimé.

Article 104 bis (nouveau) : Création d’un crédit congé formation

La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel SPE585, l’amendement de précision SPE569 et l’amendement rédactionnel SPE586 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 104 bis modifié.

Section 7

Dispositions tendant au développement des stages

(Division et intitulé nouveaux)

Article 104 ter (nouveau) : Augmentation de la durée des stages pour l’année de césure

La Commission examine les amendements identiques SPE596 des rapporteurs et SPE179 de Mme Khirouni, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Il s’agit de supprimer un article relatif à la durée maximale des stages effectués au cours d’une année de césure. Le Sénat a souhaité la porter à un an.

Pour notre part, nous souhaitons nous en tenir aux principes définis dans la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, issue de la proposition de loi de Chaynesse Khirouni. Le stage doit rester lié à une formation, ce que le dispositif adopté au Sénat ne garantit pas.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte les amendements SPE596 et SPE179.

En conséquence, l’article 104 ter est supprimé.

Article 104 quater (nouveau) : Augmentation de la durée des stages pour les étudiants en master

La Commission est saisie des amendements identiques SPE597 des rapporteurs, SPE180 de Mme Khirouni et SPE325 de M. Jean-Louis Roumegas, tendant à supprimer l’article.

M. Denys Robiliard, rapporteur thématique. Nous souhaitons supprimer une disposition introduite au Sénat qui, dans le même ordre d’idées que l’article précédent, a porté de six à douze mois la durée du stage des étudiants préparant des diplômes de grade de master.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Gérard Cherpion. Nous commettrions une erreur en supprimant cette disposition. Il n’est pas rare que de grandes entreprises, qui prennent des stagiaires en fin de cycle d’études pour des périodes longues, leur permettent ensuite de rester. Ces stagiaires créent en quelque sorte leur emploi sur le lieu de leur stage – et, lorsque ce n’est pas le cas, ils ont généralement plus de facilité à trouver un emploi ailleurs. Je concède que cela ne concerne le plus souvent que des étudiants d’un niveau de formation élevé, mais il ne faut pas se priver de cette possibilité de leur mettre le pied à l’étrier.

La Commission adopte les amendements SPE597, SPE180 et SPE325.

En conséquence, l’article 104 quater est supprimé.

Article 104 quinquies (nouveau) : Plafonnement du nombre de stagiaires par entreprise par accord de branche

La Commission adopte les amendements identiques SPE598 des rapporteurs, SPE181 de Mme Chaynesse Khirouni et SPE326 de M. Jean-Louis Roumegas.

En conséquence, l’article 104 quinquies est supprimé.

Article 104 sexies (nouveau) : Prise en compte, pour le calcul de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, des stagiaires de longue durée lorsqu’ils sont embauchés en CDI

La Commission adopte les amendements identiques SPE599 des rapporteurs et SPE182 de Mme Chaynesse Khirouni.

En conséquence, l’article 104 sexies est supprimé.

Après l’article 104 sexies

La Commission adopte l’amendement de coordination SPE178 de Mme Khirouni.

TITRE IV

DISPOSITIONS FINALES

Article 105 A : Rapport sur les tarifs postaux dans les départements et régions d’outre-mer

La Commission maintient la suppression de cet article.

Article 105 bis : Rapport sur les tarifs postaux dans les départements et régions d’outre-mer

La Commission adopte l’article 105 bis sans modification.

Article 107 (nouveau) : Création d’un schéma régional d’organisation des chambres de commerce et d’industrie

La Commission adopte l’article 107 sans modification.

Article 108 (nouveau) : Renforcement des pouvoirs des chambres de commerce et d’industrie de région

La Commission adopte l’amendement de coordination SPE523 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 108 modifié.

Article 109 (nouveau) : Représentation des chambres de commerce et d’industrie au sein des chambres de commerce et d’industrie de région

La Commission adopte l’article 109 sans modification.

Article 110 (nouveau) : Dérogation temporaire aux règles d’élection aux chambres de commerce et d’industrie de région

La Commission adopte l’article 110 sans modification.

Article 111 (nouveau) : Délai d’adoption des schémas directeurs des chambres de commerce et d’industrie de région

La Commission adopte l’article 111 sans modification.

Article 112 (nouveau) : Adaptation du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat à la nouvelle carte régionale

La Commission en vient à l’amendement SPE412 de M. Alain Fauré.

Mme Monique Rabin. Bien que signataire, je ne suis pas très favorable à cet amendement. La Mission d’évaluation et de contrôle mène actuellement au sein de la commission des finances un travail sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements. Nous rendrons en temps voulu un rapport circonstancié.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Je reprends volontiers cet amendement au sujet duquel j’émets un avis extrêmement favorable.

M. le ministre. Le Gouvernement a déposé au Sénat une série d’amendements relatifs aux chambres de commerce et aux chambres de métiers. Il est favorable à cet amendement très attendu qui vise à maintenir l’équilibre de la composition de l’assemblée générale de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA).

La Commission adopte l’amendement SPE412.

Puis elle adopte l’article 112 modifié.

Article 113 (nouveau) : Modalités de constitution de l’échelon régional des chambres de métiers et de l’artisanat en vue de l’entrée en vigueur de la nouvelle carte régionale

La Commission est saisie des amendements identiques SPE712 des rapporteurs et SPE170 de M. Marcel Bonnot.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Véronique Louwagie souhaitant ardemment défendre l’amendement SPE170, et pour honorer la tradition de la galanterie française, je retire l’amendement des rapporteurs.

L’amendement SPE712 est retiré.

Mme Véronique Louwagie. Un sous-amendement adopté au Sénat a modifié les conditions de vote pour la fusion des chambres de métiers et d’artisanat dans le cadre des évolutions liées à la mise en œuvre de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions. Au vu des réactions qu’a suscitées cette mesure, et des disparités économiques entre certaines régions voisines, il semble que le principe d’égalité retenu pour ce vote ne soit pas pertinent. L’objectif n’étant pas de générer des tensions et des perturbations, il vous est proposé de revenir sur ce qui a été adopté au Sénat et d’en rester au principe de majorité.

M. le ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l’amendement SPE170.

Elle examine ensuite l’amendement SPE470 du Gouvernement.

M. le ministre. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l’amendement SPE470.

Puis elle adopte l’article 113 modifié.

Article 114 (nouveau) : Autres modalités d’adaptation du réseau de chambres de métiers et de l’artisanat à la nouvelle carte régionale

La Commission étudie l’amendement SPE713 des rapporteurs.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les amendements identiques que Véronique Louwagie et moi-même avions présentés à l’article 113.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement SPE713.

Elle adopte ensuite l’article 114 modifié.

Article 115 (nouveau) : Abrogation de dispositions devenues obsolètes

La Commission adopte l’article 115 sans modification.

Titre

La Commission est saisie d’un amendement SPE29 de M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Gérard Cherpion. Ce texte, présenté comme un projet de loi pour la croissance et l’activité, laisse, en fait, très peu de place à la croissance et à l’activité, et ressemble plus à un catalogue de mesures traitant de sujets variés, parfois très intéressants. Nous proposons donc de rédiger ainsi son titre : « Projet de loi portant diverses dispositions d’ordre juridique, financier, économique et social. »

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Monsieur Cherpion, l’exposé sommaire de votre amendement qualifie le projet de loi de « catalogue à la Prévert ». Ce dernier aurait sans aucun doute imaginé un titre beaucoup plus poétique que celui que vous proposez, qui est d’une indigence totale et mérite que nous exprimions un avis très défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement SPE29.

Seconde délibération

M. le président François Brottes. Le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 76.

La Commission est saisie de l’amendement SPE1 du Gouvernement.

M. le ministre. Tel qu’il était rédigé, l’alinéa 12 de l’article 76 introduisait une ambiguïté, comme le soulignait M. Cherpion. Nous proposons de supprimer cet alinéa.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Avis favorable. Au fond, l’accord le plus avantageux l’emportera.

La Commission adopte l’amendement SPE1.

Elle adopte ensuite l’article 76 modifié.

Enfin, la Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Réunion du jeudi 11 juin 2015 à 10 heures

Présents. - M. Luc Belot, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Jacques Bridey, M. François Brottes, M. Christophe Caresche, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, M. Gérard Cherpion, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Richard Ferrand, Mme Bernadette Laclais, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, Mme Monique Rabin, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Christophe Sirugue, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert, Mme Cécile Untermaier

Excusés. - M. Jean-Louis Bricout, M. Éric Woerth

Assistaient également à la réunion. - Mme Chantal Guittet, M. Benoît Hamon, M. Christian Paul, M. Gérard Sebaoun

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