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Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté »

Mardi 8 novembre 2016

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de Mme Annick Lepetit présidente

– Suite de l’examen des articles du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (n° 4141) (M. Razzy Hammadi, rapporteur général, Mme Valérie Corre, M. Philippe Bies et Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteurs thématiques)

– Présences en réunion

COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI « ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ »

Mardi 8 novembre 2016

La séance est ouverte à vingt-et-une heures quarante.

(Présidence de Mme Annick Lepetit, présidente)

——fpfp——

La Commission spéciale poursuit l’examen des articles des titres I et III du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (n° 4141) (M. Razzy Hammadi, rapporteur général, Mme Valérie Corre, M. Philippe Bies et Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteurs thématiques)

Article 16 bis : Création des conseils de jeunes dans les collectivités territoriales et les EPCI (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS236 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique sur le titre Ier. Il s’agit de rétablir à trente ans la limite d’âge maximale des jeunes qui peuvent s’impliquer dans les conseils de jeunes. Le Sénat avait souhaité l’abaisser à vingt-trois ans.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 bis modifié.

Article 16 ter : Représentation des associations de jeunesse au sein des CESER (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS244 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit comme à l’article précédent de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale en première lecture, car la rédaction adoptée par le Sénat ne nous semble pas opérante.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 ter modifié.

Article 16 quater [supprimé] : Représentation de toutes les classes d’âge au sein des CESER (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS245 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit, là encore, de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. Nous sommes soucieux de la place des jeunes et voulons que la composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) reflète l’équilibre démographique.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je comprends parfaitement votre position. Mais quelle est la faisabilité effective de ces principes ? Sagesse.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 16 quater est ainsi rétabli.

Article 16 quinquies : Représentation de toutes les classes d’âge et parité au sein des conseils de développement (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS246 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit, là encore, de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. Nous voudrions que la composition des conseils de développement respecte non seulement la parité entre les femmes et les hommes – ce que le Sénat a conservé –, mais reflète également l’équilibre démographique de la population du territoire concerné.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je partage l’objectif de parité. Mais la mise en œuvre de votre proposition me semble complexe au regard de l’objectif. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 quinquies modifié.

Article 16 sexies [supprimé] : Intégration des avis de la population au schéma régional d’aménagement en Île-de-France (précédemment réservé)

La Commission maintient la suppression de l’article 16 sexies.

Article 16 septies [supprimé] : Association des citoyens à l’élaboration des projets de schémas régionaux d’aménagement en Île-de-France (précédemment réservé)

La Commission maintient la suppression de l’article 16 septies.

Article 16 octies A [supprimé] : Création d’une concertation publique pour l’élaboration des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (précédemment réservé)

La Commission maintient la suppression de l’article 16 octies A.

Article 16 octies : Transformation du Conseil national de la jeunesse en Conseil d’orientation des politiques publiques de la jeunesse (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS321 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Conseil d’orientation des politiques de la jeunesse a été créé par le décret du 12 octobre 2016, à la suite de nos débats de première lecture et après que le Conseil constitutionnel eut délégalisé les dispositions relatives au Conseil national de la jeunesse. Le présent amendement a dès lors pour objet de supprimer l’article 16 octies, introduit avant cette date dans le projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté. Cet article est en effet devenu superfétatoire.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure thématique, la Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 16 octies est supprimé.

Article 16 nonies : Introduction d’un volet jeunesse dans les contrats de ville (précédemment réservé)

La Commission adopte l’article 16 nonies sans modification.

Article 16 decies [supprimé] : Réduction du seuil à partir duquel un conseil de développement doit être mis en place (précédemment réservé)

La Commission maintient la suppression de l’article 16 decies.

Article 17 : Information individualisée des jeunes en matière d’assurance maladie (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS92 de Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Il s’agit de rétablir ce qui avait été acquis lors de la première lecture de notre assemblée. L’amendement prévoit que, pour chaque étape de sortie du statut d’ayant droit à l’assurance maladie – seize ans, dix-huit ans et vingt-trois ans –, les jeunes soient systématiquement informés, et de manière individualisée, par les organismes d’assurance maladie. Ils doivent être informés des droits auxquels ils peuvent prétendre pour leur santé, concernant par exemple des examens gratuits, mais également dans le cadre de programmes de prévention. Nous savons combien il est important pour les jeunes de recevoir des informations sur les maladies sexuellement transmissibles, mais aussi sur la contraception ou l’interruption volontaire de grossesse.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Votre amendement propose de revenir au texte initial adopté à l’Assemblée nationale, avec les précisions sur les différentes informations apportées aux jeunes. Mais, à la différence de ce qui avait été adopté au Sénat, vous ne reprenez pas la codification. Mon amendement CS243, qui sera appelé à la suite, propose de maintenir le principe d’une codification et de reprendre pour le reste l’intégralité des précisions qu’avait approuvées l’Assemblée nationale. Il satisfait donc le vôtre.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je pense également que l’amendement des rapporteurs répond mieux aux objectifs initiaux de Mme Hobert.

L’amendement CS92 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS243 des rapporteurs et CS89 de Mme Maud Olivier.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. J’ai déjà défendu l’amendement CS243.

La Commission adopte l’amendement CS243.

En conséquence, l’amendement CS89 tombe.

La Commission adopte l’article 17 modifié.

Article 17 bis [supprimé] : Droit personnel à la CMU-C pour les jeunes (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS247 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit là encore de revenir à la rédaction initiale de l’Assemblée nationale adoptée en première lecture, en affirmant le droit des jeunes à l’accès à la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. À l’issue d’un débat dynamique, je n’ai pas réussi à convaincre la majorité sénatoriale de l’intérêt du maintien de cette disposition. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 17 bis est ainsi rétabli.

Article 18 bis [supprimé] : Rapport sur la création d’une allocation d’études et de formation (précédemment réservé)

La Commission maintient la suppression de l’article 18 bis.

Article 18 ter [supprimé] : Rapport sur la création d’un observatoire régional du suicide (précédemment réservé)

La Commission maintient la suppression de l’article 18 ter.

Article 19 bis [supprimé] : Dématérialisation de la procédure de naturalisation (précédemment réservé)

La Commission maintient la suppression de l’article 19 bis.

Article 19 ter [supprimé] : Émancipation à leur demande des mineurs de plus de 16 ans (précédemment réservé)

La Commission maintient la suppression de l’article 19 ter.

Article 19 quater : Clarification du régime juridique des auberges de jeunesse (précédemment réservé)

La Commission adopte l’article 19 quater sans modification.

Article 19 quinquies : Inclusion de la préparation du permis de conduire parmi les formations éligibles au compte personnel de formation (CPF) (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS239 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit de rétablir l’article 19 quinquies relatif à l’éligibilité de la formation au permis de conduire – permis B – au compte personnel de formation (CPF) dans sa version issue de l’Assemblée nationale, moyennant une coordination tenant compte de l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cet amendement est très attendu par la jeunesse. Je me félicite que cet amendement nous permette de revenir à la rédaction initiale de l’Assemblée.

M. Xavier Breton. Ce n’est pas mon cas ! Je trouve dommage qu’on supprime la possibilité d’élargir cette éligibilité aux permis poids lourds et deux-roues, qui sont le complément de formation diplômante dans certaines filières.

L’éligibilité du permis B est une bonne chose. Mais je ne partage pas votre enthousiasme sur la suppression des possibilités supplémentaires. Certes, l’éligibilité du permis poids lourds au CPF existe aujourd’hui pour les conducteurs et les transporteurs, mais non pour les métiers de l’entretien et de la réparation ; ceux qui exercent ces métiers ont pourtant besoin de pouvoir se déplacer en poids lourds. Je trouve dommage de supprimer ce qu’avait ajouté le Sénat, car cela allait dans le bon sens et restait dans l’esprit initial.

M. Jean-Patrick Gille. Comme vous l’avez dit, cher collègue, les personnes inscrites dans une certification de conducteurs et de transporteurs sont éligibles. Sur les deux-roues, le sujet peut être évalué. Cela dépend du II de cet article du code du travail.

D’ailleurs, je rappelle que le Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation professionnelle (COPANEF), avec les comités paritaires interprofessionnels régionaux pour l’emploi et la formation professionnelle (COPAREF), établit régulièrement la liste nationale interprofessionnelle (LNI) des certifications éligibles au compte personnel de formation.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. L’esprit initial du texte était d’ouvrir un nouveau droit aux jeunes. Pour le Gouvernement, il serait regrettable de le diluer. Je propose plutôt que nous allions à l’essentiel. Pour les autres permis, il existe d’autres dispositifs de prise en charge par les régions.

M. Xavier Breton. Certes, il ne faut pas diluer ces dispositions, mais il importe de compléter un dispositif existant. Cela n’aurait d’ailleurs aucune incidence budgétaire pour l’État, puisque cela serait financé par les seuls organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

Je déposerai un amendement à ce sujet en séance publique, mais je souhaite qu’on puisse étudier les demandes des professionnels des métiers de la réparation et de l’entretien. N’évacuons pas d’un revers de main cette demande très pratique.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 19 quinquies modifié.

Article 19 sexies [supprimé] : Rapport sur la préparation de l’épreuve du code de la route dans les lycées en marge du temps scolaire (précédemment réservé)

La Commission est saisie des amendements CS24, CS49, CS53 et CS54 de M. Jean-Noël Carpentier, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Jean-Noël Carpentier. Plusieurs de ces dispositions avaient été adoptées en première lecture. Elles visent à permettre l’apprentissage du code et à favoriser le passage de son examen au sein de l’Éducation nationale. Cela présente deux avantages : d’abord, la sécurité routière fait ainsi l’objet d’un apprentissage au long cours, alors qu’il y a toujours autant de morts sur les routes ; ensuite, le permis reviendrait moins cher pour les jeunes si sa partie théorique était passée au sein de l’Éducation nationale.

L’amendement de repli CS24 vise à rétablir l’article 19 sexies issu des travaux de l’Assemblée en première lecture, en prévoyant la remise d’un rapport sur le permis de conduire, à défaut de pouvoir inclure dans le temps scolaire la préparation et le passage du permis de conduire.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. J’étais défavorable, en première lecture, à la mesure proposée par l’amendement CS24, puisqu’un rapport d’application général de la loi Macron a été rendu en mars dernier par notre collègue Richard Ferrand. J’y suis toujours opposée.

Quant à l’amendement CS49, il va plus loin que l’amendement précédent, puisqu’il prévoit d’intégrer la préparation du code, et non seulement le passage de l’examen, dans les locaux des lycées en dehors du temps scolaire. Sur le fond, je trouve l’amendement intéressant. Toutefois, il y a une grande différence entre le passage de l’épreuve du code et sa préparation, qui supposerait de mobiliser des locaux dans les lycées en dehors du temps scolaire pendant des périodes beaucoup plus longues. En outre, une telle mesure supposerait d’avoir au préalable consulté les écoles de conduite. En l’état, elle ne me semble donc pas opportune. Je suis donc défavorable à l’amendement.

Quant à l’amendement CS53, j’y suis également défavorable. Il s’agit d’expérimenter pendant trois ans la possibilité pour les lycées d’organiser dans leurs locaux la préparation et le passage de l’épreuve théorique. Cela se révèle en réalité en deçà du droit existant, puisque la loi Macron a déjà prévu, pour la préparation, une telle possibilité, mais pérenne.

Enfin, l’amendement CS54 porte sur l’expérimentation de la préparation et du passage du code dans les lycées pendant le temps scolaire. J’y suis opposée. Cela supposerait d’intégrer l’acquisition de cette compétence dans les programmes scolaires. Mieux vaut pour cela, me semble-t-il, interroger le Conseil supérieur des programmes, que nous avons chargé de cette compétence lorsque nous avons adopté la loi de refondation de l’école.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Sur l’amendement CS24, j’exprimerai un avis de sagesse. La loi du 6 août 2015 n’a pas introduit de préparation générale à l’examen du permis de conduire dans les établissements scolaires, mais seulement l’organisation de cet examen dans les établissements. Ces dispositions sont encore récentes. Je formulerai un avis de sagesse sur ce rapport visant à la faire évoluer.

Quant aux trois autres amendements, je crois qu’il ne faut pas déjà aller plus loin que la loi de 2015, dont l’encre est à peine sèche. Cela irait en outre contre l’intérêt des auto-écoles, avec lesquelles aucune concertation n’a été menée. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit pourtant d’un enjeu dans les territoires ruraux, où la question de la mobilité se pose avec acuité, puisqu’elle constitue une condition de l’insertion. Organiser la préparation dans les lycées ou les centres d’apprentissage constituerait une avancée sociale majeure, outre un apprentissage précoce de la sécurité.

Du point de vue logistique, les établissements ont tout ce qu’il faut pour cela, puisqu’ils disposent notamment de salles équipées d’écrans d’ordinateur. Quant aux auto-écoles, je pense qu’elles pourraient très bien fournir des intervenants dans les lycées.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. L’article en cause constitue une belle conquête, le fruit d’un travail conjoint avec Jean-Patrick Gille. Monsieur Bricout, vous voulez universaliser, à travers le service public de l’Éducation nationale, l’accès gratuit et intégré aux savoirs fondamentaux de base. Mais c’est précisément ce que nous arrivons à faire avec le compte professionnel de formation.

J’adresserai plutôt un message au Gouvernement, qui a repris dans la loi Macron le travail dont Arnaud Montebourg était à l’origine. J’ai par ailleurs travaillé sur ce dossier avec le député-maire de Neuilly. Comme je l’ai dit en première lecture, nous attendions un geste du Gouvernement – car le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports n’est pas le seul concerné –, d’autant que les conclusions relatives à la libéralisation de l’apprentissage du code montrent qu’elle ne produit pas les effets escomptés pour réduire l’attente avant d’obtenir son permis, non seulement le code, mais la conduite. Je lui lance aujourd’hui un nouvel appel pour que nous puissions avancer sur le volet conduite. En première lecture, nous avions retiré les amendements correspondants.

M. Jean-Louis Bricout. Cette disposition irait très bien dans ce texte, qui concerne l’apprentissage des comportements. Car les jeunes se comportent dans la vie comme au volant.

M. Jean-Noël Carpentier. J’apprécie l’avis de sagesse ministériel pour l’amendement CS 24, car le rapport préconisé pourrait déjà faire œuvre utile. Mais, plus généralement, il s’agit de bon sens et du sujet important que constitue la sécurité routière.

Quant aux auto-écoles, comme l’a dit notre collègue Jean-Louis Bricout, elles peuvent être conventionnées pour intervenir dans les lycées. Je ne comprends pas les arguments de la rapporteure thématique. Cependant, plutôt que de lancer un appel au Gouvernement, je propose d’avancer dès maintenant. Ce serait un signe important adressé aux jeunes : nous leur montrerions que, pour nous, leur santé compte plus que tout. Avec cette disposition, nous retirerions aussi une charge financière aux familles.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je ne doute pas de votre sincérité. Mais, quand les auto-écoles sont concernées, le minimum demeure d’organiser un tour de table avec elles si l’on ne veut pas créer un mauvais climat, des manifestations et des blocages.

M. Jean-Noël Carpentier. Je ne voudrais certes pas jouer le pousse-au-crime. Mais pourquoi, alors, n’a-t-on pas lancé ces négociations ? Les auto-écoles seraient d’ailleurs peut-être favorables à la mesure, dans une volonté de service public et avec le souci de se concentrer sur l’essentiel.

La Commission rejette successivement les amendements et maintient la suppression de l’article 19 sexies.

Article 19 septies A [supprimé] : Éligibilité des bénéficiaires du CIVIS et de la Garantie Jeunes au dispositif du « permis à un euro par jour » (précédemment réservé)

La Commission est saisie des amendements identiques CS240 des rapporteurs et CS47 de M. Gilles Savary.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. L’amendement de rétablissement C240 propose de rétablir l’article 19 septies A qui avait été proposé par le Gouvernement après un travail mené par Gilles Savary. Il constitue une avancée importante, puisqu’il consacre le droit des allocataires du Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) – qui va être remplacé par la Garantie Jeunes – à bénéficier du dispositif de cautionnement public du « permis à 1 euro par jour ».

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement y est tout à fait favorable.

M. Yves Blein. Nous sommes extrêmement favorables à l’amendement que vient de présenter notre rapporteure thématique, qui est identique à notre amendement CS47.

La Commission adopte les amendements.

L’article 19 septies A est ainsi rétabli.

Article 19 septies [supprimé] : Droit de la jeunesse à la mobilité internationale (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS215 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit de rétablir le texte adopté en première lecture.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Il reste beaucoup à faire pour concrétiser ce droit à la mobilité internationale. Mais c’est un bel espoir pour la jeunesse. Avis favorable.

M. Xavier Breton. On peut en effet s’interroger, chaque fois que l’on ouvre un droit, sur les moyens de le rendre effectif.

J’aurais besoin d’une précision. Le jeune se verra reconnu le droit de bénéficier d’une expérience « extraprofessionnelle ou associative ». Prendra-t-on en compte une expérience de mobilité dans le cadre étudiant ou universitaire ? Je pense, notamment, à l’étudiant qui passerait un an à l’étranger pour acquérir un double diplôme universitaire.

M. le rapporteur général. Ce type d’expérience n’est pas pris en compte par le texte tel qu’il est rédigé. Cela dit, votre remarque est plus que pertinente et, si, en séance publique, vous défendez un amendement qui va dans ce sens, je n’y opposerai pas.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 19 septies est ainsi rétabli.

Article 19 octies [supprimé] : Rapport sur la création d’un Office francophone et méditerranéen de la jeunesse (précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CS214 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à rétablir le texte de première lecture.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je copréside l’Office franco-allemand de la jeunesse et l’Office franco-québécois de la jeunesse avec mes homologues allemand et canadien. Malgré le coût que cela entraîne pour les nations concernées, je pense qu’il faudrait réfléchir à la façon d’étendre ce type d’expériences, que les jeunes ne pourraient pas acquérir sans l’aide de ces organismes. Ce rapport sera particulièrement utile. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 19 octies est ainsi rétabli.

Chapitre III
Accompagner les jeunes vers l’emploi

[division et intitulé nouveaux]

Article 19 nonies [nouveau] : Emploi d’appoint jeune (précédemment réservé)

La Commission est saisie d’un amendement de suppression CS241 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le rapporteur général a dit quelques mots de cet amendement dans son intervention liminaire, et nous en avons débattu en commission mixte paritaire. Il convient de supprimer ce contrat précaire réservé aux jeunes et qui, à mon sens, renforcerait les inégalités dont ils pâtissent. Ne votons pas ce retour au contrat de première embauche (CPE), mais supprimons l’article.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Il s’agit là de la seule mesure structurelle imaginée par le Sénat à l’intention de la jeunesse, mais je ne suis pas sûr que ce soit ce que celle-ci attend d’un gouvernement, quel qu’il soit. Elle souhaite être considérée pour ce qu’elle est et ne veut pas bénéficier de mesures catégorielles liées à l’âge – qui deviendrait ainsi un handicap. Malgré mon argumentation, je n’ai pas pu convaincre le Sénat. Je suis donc heureux de pouvoir compter sur l’appui de l’Assemblée nationale pour supprimer ces « emplois d’appoint jeunes », puisque telle est leur dénomination – moins romantique, en définitive, que « contrat de première embauche »...

La Commission adopte l’amendement.

L’article 19 nonies est supprimé.

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous avons achevé l’examen des articles du titre I et passons à l’examen du titre III

TITRE III
POUR L’ÉGALITÉ RÉELLE

Chapitre Ier
Dispositions relatives aux conseils citoyens

Article 34 [supprimé] : Interpellation du préfet par le conseil citoyen et inscription du sujet à l’ordre du jour des assemblées délibérantes

La Commission est saisie de l’amendement CS249 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur le titre III. Cet amendement vise à rétablir l’article 34, qui prévoit l’interpellation du représentant de l’État dans le département par les conseils citoyens. Je sais que le sujet a soulevé dernièrement un tonnerre d’applaudissements, si j’en crois ce que nous ont dit les différents ministres. Le rétablissement de cet article va dans le bon sens : un renforcement de la démocratie.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je pense que Mme Chapdelaine fait référence au discours qu’a tenu le Président de la République devant nos concitoyens, le 27 octobre dernier, et qui a manifestement marqué les esprits. Je ne peux qu’être favorable à ce rétablissement.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 34 est ainsi rétabli.

Article 34 bis [supprimé] : Nomination d’un délégué du Gouvernement à la suite d’une interpellation du préfet par le conseil citoyen

La Commission adopte l’amendement de cohérence CS250 des rapporteurs.

L’article 34 bis est ainsi rétabli.

Article 34 ter [supprimé] : Justification auprès des conseils citoyens des actions menées en contrepartie de l’abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties

La Commission est saisie de l’amendement CS251 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit de rétablir l’article 34 ter, qui prévoit une justification, auprès des conseils citoyens, du montant engagé et des actions menées en contrepartie de l’abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre commission.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 34 ter est ainsi rétabli.

Chapitre II
Dispositions relatives à la langue française dans la formation professionnelle

Article 35 : Apprentissage de la langue française dans le cadre de la formation professionnelle

La Commission est saisie des amendements identiques CS252 des rapporteurs et CS153 de M. Paul Molac. L’amendement CS252 fait l’objet du sous-amendement CS339 du Gouvernement.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Le Sénat a modifié la rédaction de l’article 35 de façon à faire disparaître la disposition selon laquelle les actions de lutte contre l’illettrisme relèvent de tous les acteurs institutionnels, économiques et associatifs investis dans le champ de la formation professionnelle.

Il a par ailleurs fait disparaître de cet article la possibilité d’organiser des actions de formation professionnelle en langue régionale sans tomber sous le coup des dispositions réprimant les discriminations.

Le présent amendement propose de rétablir, sur ces deux points, la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement n’est pas favorable à inscrire, dans le code du travail, que « le fait de dispenser une formation en langue régionale ne peut être appréhendé comme une mesure de discrimination ». Il a donc déposé un sous-amendement visant à supprimer cette partie de l’amendement CS252.

Inscrire cette disposition serait permettre qu’une formation professionnelle en boulangerie, par exemple, soit dispensée en langue régionale. Je pense que le Conseil constitutionnel ne le laisserait pas passer. En outre, cela risquerait de créer un précédent malheureux, alors même que, aujourd’hui, une formation professionnelle consacrée à l’apprentissage d’une langue autre que le français peut être financée sur les fonds de la formation professionnelle.

Je suis donc favorable à l’amendement des rapporteurs, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Paul Molac. J’ai déposé le même amendement que celui des rapporteurs, justement pour éviter que certains n’intentent des actions pour discrimination devant le tribunal administratif. Je ne vois pas au nom de quoi nous pourrions empêcher la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) ou n’importe quelle autre fédération professionnelle d’organiser une formation de boulanger en langue régionale. Si c’était en anglais, je pense que nul ne s’y opposerait, et on voudrait l’empêcher parce que ce serait en langue régionale !

Je rappelle qu’il existe des formations en langue régionale destinées aux enseignants ou à des personnes qui, par exemple, travaillent dans des mairies. Elles se font avec l’aval de la préfecture de Bretagne et avec des financements qui viennent du Conseil régional. Je peux citer l’exemple de formations pour le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur en accueils collectifs de mineurs (BAFA), qu’a organisées la préfecture de région, à Rennes.

Je comprends donc mal la réaction du Gouvernement. Cela se fait déjà et il s’agit simplement ici d’éviter les recours. En adoptant ces amendements, on éviterait que quelqu’un vienne brandir un article ou un arrêté de l’époque napoléonienne pour empêcher que cela continue.

Pourquoi invoquer un risque d’inconstitutionnalité ? Certes, le Conseil constitutionnel peut dire que les documents officiels doivent être rédigés en français, éventuellement avec une traduction en langue régionale. Mais, en l’occurrence, il s’agit de formation professionnelle.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Si l’on va jusqu’au bout de votre logique, la personne qui ne comprend pas la langue régionale de l’endroit où elle habite ne peut pas accéder à cette formation.

M. Paul Molac. Évidemment. Mais on peut avoir besoin de quelqu’un qui parle cette langue régionale dans le cadre d’une activité bien précise. C’est la même chose lorsque l’on cherche une secrétaire trilingue qui parle anglais et allemand. La connaissance de la langue est liée au poste de travail.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je crois qu’il n’y a aucun obstacle, aujourd’hui, à dispenser une formation en langue régionale financée par les fonds de la formation professionnelle. Mais vous ne pouvez pas l’inscrire dans la loi, au risque de commettre une infraction – au titre de la liberté d’accès à ce type de formation. Je suis très étonné de la façon dont vous présentez les choses et je maintiens qu’il y a là un risque d’inconstitutionnalité.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis défavorable au sous-amendement du Gouvernement. Il n’y a rien de discriminatoire dans le fait d’organiser une formation professionnelle en breton ou en niçard, dès lors que l’accès au cours est garanti à tous. Rappelons que la Constitution inscrit les langues régionales dans le patrimoine de la France. Il serait cocasse de prétendre que le développement du patrimoine national pourrait présenter un caractère inconstitutionnel.

M. Paul Molac. Le but est simplement d’éviter que quelqu’un mette en avant qu’il ne peut pas accéder à cette formation parce qu’il ne parle pas la langue régionale. Dans le même esprit, certains sont allés jusqu’à envoyer au tribunal administratif des panneaux bilingues qu’on trouve au bord des routes ! S’il fallait enlever tous les panneaux bilingues installés à l’entrée des villes et des villages de France et de Navarre, cela ferait beaucoup de bruits. Bien sûr, après une condamnation en première instance, le jugement a été annulé en appel…

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je me permets d’insister. Le financement de l’apprentissage d’une langue régionale par la formation professionnelle est possible. Mais ce que vous voulez inscrire dans la loi, ce sont des formations thématiques dispensées dans une langue régionale. Les personnes qui ne maîtrisent pas la même langue en seront écartées. Je considère que ces amendements sont extrêmement dangereux.

La Commission adopte le sous-amendement CS339, puis l’amendement CS252 sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CS153 tombe.

Enfin, elle adopte l’article 35 modifié.

Chapitre III
Dispositions relatives à la fonction publique

Article 36 A [supprimé] : Rapport sur les discriminations dans la fonction publique

La Commission est saisie de l’amendement CS253 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Le Sénat a supprimé l’article 36 A par lequel il était demandé au Gouvernement de publier un rapport biennal sur la lutte contre les discriminations et la prise en compte de la diversité dans les trois fonctions publiques.

Je précise qu’il ne s’agit pas d’une demande de rapport classique, qui appelle l’attention sur un problème ponctuel, en vue de prendre une décision, mais d’une demande d’analyse de fond, qui réclame un bilan régulier dans une perspective de long terme. C’est une démarche que l’opposition a d’ailleurs adoptée – et que nous n’avons pas remise en cause – en demandant l’établissement, tous les deux ans, d’un rapport sur les étrangers en France.

Le présent amendement vise à rétablir l’article 36 A dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 36 A est ainsi rétabli.

Article 36 : Troisième concours

La Commission adopte l’article 36 sans modification.

Article 36 bis A : Extension de la mission du service public de l’enseignement supérieur à l’orientation vers la fonction publique

La Commission adopte l’article 36 bis A sans modification.

Article 36 bis B [supprimé] : Collecte des données relatives aux candidats aux concours administratifs

La Commission est saisie de l’amendement CS63 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il est nécessaire de disposer d’éléments statistiques pour identifier les biais de sélection que peuvent présenter les concours de recrutement de la fonction publique au détriment de certains candidats.

L’article 36 bis B répond à cet objectif. Le Sénat l’avait supprimé en arguant de la protection de la vie privée des fonctionnaires. Mais nous avons intégré à cet article des garanties fortes en la matière : suppression de la conservation des données dans le dossier du fonctionnaire ; avis public de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur le décret d’application de cette disposition.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Favorable, compte tenu des enrichissements qui sont intervenus à l’occasion de la navette.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 36 bis B est ainsi rétabli.

Article 36 bis C : Assouplissement du parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État (PACTE)

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS254 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 36 bis C modifié.

Article 36 bis : Plan de formation des agents territoriaux

La Commission est saisie d’un amendement CS255 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Le Sénat s’est opposé à la présentation du plan de formation des agents territoriaux à l’assemblée délibérante des collectivités territoriales. Les sénateurs ont vu dans cette disposition une lourdeur malvenue. Mais nous savons que ce contrôle est nécessaire pour assurer la bonne réalisation de ce document. En effet, si les collectivités n’ont rien à se reprocher, cela peut aller très vite. Et s’il y a des manques, ce peut être l’occasion d’y remédier. Cela peut avoir enfin un but pédagogique, en valorisant ce que font certaines collectivités.

Le présent amendement propose par conséquent de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 36 bis modifié.

Article 36 quinquies [supprimé] : Mention du principe d’égal accès aux emplois publics sur les avis de concours

La Commission maintient la suppression de l’article 36 quinquies.

Article 36 sexies [supprimé] : Égalité de traitement des candidats aux concours de la fonction publique

La Commission maintient la suppression de l’article 36 sexies.

Article 36 septies : Recrutement de jeunes gens sans emploi en qualité de contractuels dans des emplois des catégories A ou B dans la perspective de leur inscription aux concours de recrutement de la fonction publique

La Commission est saisie de l’amendement CS257 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’objet de l’amendement est de prévoir la présence d’un non-fonctionnaire dans le processus de recrutement dérogatoire des personnes éloignées de l’emploi comme agents publics.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de cohérence CS258 et l’amendement rédactionnel CS260 des rapporteurs.

Elle adopte enfin l’article 36 septies ainsi modifié.

Article 36 octies : Concours d’entrée à l’École nationale d’administration

La Commission est saisie de l’amendement CS261.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. En première lecture, nous avions souhaité diversifier la composition du jury de l’École nationale d’administration (ENA). Cela nous paraissait la meilleure façon de diversifier, par ricochet, son recrutement. La disposition que nous avons alors votée prévoyait la présence d’un député et d’un sénateur dans ce cénacle. Ce n’était évidemment pas la meilleure solution. Nous avons tiré profit de la navette pour travailler avec le Gouvernement à une rédaction plus consensuelle, que nous vous proposons ici : le jury de l’ENA comprendrait désormais cinq non-fonctionnaires – contre trois au plus aujourd’hui – et un spécialiste des ressources humaines. Il serait ainsi composé aux deux tiers de hauts fonctionnaires et d’universitaires, garants de la compétence des lauréats. Mais il serait aussi ouvert sur d’autres domaines, comme les enjeux de la société civile, les questions de diversité ou encore le monde de l’entreprise. Cela nous paraît être un bon compromis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je confirme l’excellence du travail qui a été réalisé pendant la navette. Avis favorable du Gouvernement.

M. Yves Blein. Je souhaiterais que Mme la rapporteure développe son propos et précise quelles sont les raisons qui ont conduit à abandonner l’idée d’intégrer au jury de l’ENA un député et un sénateur. Nous avions trouvé la suggestion intéressante.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Les jurys de l’ENA mettent à peu près trois semaines pour procéder aux recrutements, ce qui aurait posé un problème d’emploi du temps aux parlementaires qui auraient dû y siéger. Ensuite et surtout, pour satisfaire l’objectif de diversité et d’ouverture à la société civile, sans heurter cette grande institution, nous avons imaginé une solution de compromis, pour favoriser cette ouverture et cette diversité, qui ont du mal à s’imposer puisqu’à l’heure actuelle la plupart des candidats recrutés sont issus des écoles préparatoires parisiennes.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement avait proposé que le jury se réunisse pendant les vacances parlementaires, pour vous éviter de perdre trop de temps. Mais cela n’a pas eu d’écho…

M. Yves Blein. Rassurez-moi : le personnel politique fait bien partie de la société civile ?

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 36 octies modifié.

Article 36 nonies [nouveau] : Mécanisme de dégressivité de la rémunération des fonctionnaires territoriaux momentanément privés d’emploi

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS262 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 36 nonies modifié.

Chapitre IV
Dispositions améliorant la lutte
contre le racisme et les discriminations

Section 1
Dispositions modifiant la loi du 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse et le code pénal

Article 37 : Répression des infractions de presse

La Commission est saisie de l’amendement CS263 des rapporteurs, qui fait l’objet du sous-amendement CS340 du Gouvernement.

M. le rapporteur général. En modifiant l’article 37, le Sénat a profondément altéré le droit de la presse, bien au-delà de la seule répression des infractions relatives à la discrimination dont l’Assemblée nationale avait souhaité durcir le régime. Il n’est pas admissible que, au détour d’un texte destiné à renforcer l’égalité et la citoyenneté, on attente ainsi à la liberté de la presse et à la protection de la liberté d’expression, qu’elle soit exercée par des journalistes professionnels ou par de simples citoyens.

Les réactions que vous avez pu lire dans la presse ou dans différents médias ont montré au Sénat qu’il était allé bien trop loin. Au cours des allers et retours entre la commission et la séance, il a montré qu’il était conscient de son erreur, sans vouloir réellement l’assumer. Et sa tentative de « rétropédalage » en séance publique, devant le tollé soulevé par le texte issu de sa commission, n’a fait que le confirmer. Nous proposons donc de revenir au texte sur lequel nous nous étions entendus en juin dernier.

On ne saurait toucher sans un débat approfondi, dans nos hémicycles comme au sein de la société, à la loi de 1881. Certes, nous ne sommes ni sourds ni aveugles aux évolutions des nouveaux modes de communication, pas plus qu’aux atteintes à la réputation des personnes que les réseaux sociaux favorisent. Mais il ne faut pas tout mélanger. Beaucoup ont eu raison de voir, dans la façon dont la question avait été traitée, un prétexte à remettre en cause un des principes fondamentaux consacrés par la loi de 1881, la liberté d’expression.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est favorable à la proposition de M. le rapporteur général, avec une réserve, qui l’a conduit à déposer un sous-amendement. En première lecture, l’Assemblée nationale a remplacé la dénomination « stage de citoyenneté » prévu par l’article 131-5-1 du code pénal, par celle de « stage d’apprentissage des valeurs de la République et de devoirs du citoyen ». Si l’objectif du stage résultant de cette nouvelle terminologie, et notamment la référence aux devoirs du citoyen, paraît devoir être approuvé, le Gouvernement estime toutefois préférable de conserver la dénomination actuelle de cette peine, qui existe depuis plus de douze ans et qu’ont adoptée les praticiens et les justiciables.

Au surplus, les modifications proposées par l’Assemblée nationale sont incomplètes, des coordinations ayant notamment été omises dans de nombreux articles du code pénal et du code de procédure pénale.

Enfin, débaptiser cette peine exigerait de modifier l’ensemble des formulaires et applications informatiques utilisées par les juridictions, de réécrire les dispositions réglementaires d’application et de modifier les casiers judiciaires des personnes déjà condamnées. Vous voyez les conséquences qu’un changement d’appellation peut avoir sur la vie judiciaire de notre pays ! Le sous-amendement propose donc de rétablir l’expression « stage de citoyenneté ».

Il est vrai que nous avons eu, au Sénat, des débats très mouvementés sur la modification de la loi de 1881. Une question aussi riche ne pouvait pas être traitée au travers d’un amendement, alors même que les journalistes se sont beaucoup exprimés de leur côté. La loi de 1881 est un « totem ». Il est possible de la modifier, de l’adapter en fonction des besoins, mais pas de risquer de la mettre en péril en touchant, notamment, aux délais de prescription.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Alors qu’on a adopté une disposition sur la protection des sources des journalistes, il eût été malencontreux de laisser passer l’amendement du Sénat, qui constituait une attaque en règle contre les journalistes et la loi de 1881.

La Commission adopte le sous-amendement CS340, puis l’amendement CS263 sous-amendé.

L’article 37 est ainsi rédigé.

Article 38 : Création de circonstances aggravantes générales

La Commission examine l’amendement CS264 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’article 38 porte sur l’aggravation des sanctions pénales pour les infractions motivées par le racisme, l’homophobie et, comme nous l’avons ajouté en première lecture, le sexisme. Les députés proposent d’appliquer la circonstance aggravante à toutes les infractions, sauf celles pour lesquelles la discrimination est un élément constitutif. Par exemple, le refus de vente est autorisé, sauf s’il est motivé par des raisons discriminatoires. Dans ce cas, l’aggravation n’a pas de sens. Les sénateurs, quant à eux, veulent viser les infractions auxquelles s’applique la circonstance aggravante, laissant les autres de côté. Nous proposons donc de tenir la position que nous avions en première lecture.

J’ajoute que nous profitons de l’occasion pour éliminer le mot « race » et généraliser l’expression « prétendue race ».

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

M. Xavier Breton. S’agissant de modifier le code pénal, nous devons être précis. J’aimerais que vous nous expliquiez, madame la rapporteure thématique, à quelles catégories font référence les termes employés à l’article 132-77 : « groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son sexe, son orientation sexuelle ou identité de genre vraie ou supposée ».

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Dans un cas, il s’agit des homosexuels, dans l’autre, des transgenres, l’identité de genre étant ici la transsexualité.

M. Xavier Breton. En ce qui concerne l’orientation sexuelle, il aurait fallu ajouter les bisexuels. Quant à l’« identité de genre », il y a bien d’autres manières de dire cela. On introduit des notions sans en connaître précisément les contours. Nous aurons l’occasion d’en reparler en séance publique.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. C’était une recommandation du Défenseur des droits, que nous avons auditionné longuement. Il nous a expliqué la souffrance de certaines personnes. Il y a des sujets dont on peut rire, d’autres non.

M. Xavier Breton. Le Défenseur des droits avait aussi préconisé de ne pas retenir le divorce par consentement mutuel sans juge dans le cas des couples avec enfants. Vous n’écoutez pas toujours ce que dit le Défenseur des droits. Sur de tels sujets, il ne suffit pas de faire de l’affichage et d’introduire des notions qu’on ne maîtrise pas, car nous touchons au code pénal. J’en appelle à votre vigilance en ce qui concerne la rédaction de cet article.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 38 est ainsi rédigé.

Article 38 bis : Abrogation du délit de blasphème et alignement des sanctions encourues en cas de trouble à l’exercice des cultes

La Commission adopte l’article 38 bis sans modification.

Article 38 quater [supprimé] : Condition de l’action des associations en matière de négationnisme et d’apologie

La Commission en vient à l’amendement CS265 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Nous rétablissons l’article, voté en première lecture, qui conditionne l’action en justice des associations dans les affaires de discrimination à l’absence d’opposition de la victime.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 38 quater est ainsi rétabli.

Article 38 quinquies [nouveau] : Interdiction des souscriptions publiques pour le paiement des amendes contraventionnelles

La Commission est saisie de l’amendement CS335 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Sur amendement du Gouvernement, le Sénat a créé un délit de prise en charge des amendes contraventionnelles et d’annonce publique de cette prise en charge. Une telle disposition existe déjà pour les crimes et les délits, ainsi que dans le domaine des transports de voyageurs depuis la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 pour décourager l’organisation des fraudeurs réguliers en mutuelles occultes.

Le présent amendement propose la suppression de cette disposition excessive. Il existe une vertu pédagogique à ce qu’un criminel ou un délinquant assume seul les amendes qui lui sont infligées, de sorte que d’autres ne puissent lui donner le sentiment de partager avec lui la responsabilité de son acte. De même, la neutralisation des mutuelles de fraudeurs est une condition de la survie économique de la SNCF et de la RATP.

Ce n’est pas le cas pour les infractions contraventionnelles, dont le législateur a estimé qu’elles ne heurtaient pas gravement le lien social. De plus, la formulation retenue présente des effets de bord dangereux et non maîtrisés. Si un jeune reçoit, par exemple, une contravention, et que ses parents disent publiquement qu’ils paieront son amende, c’est six mois de prison pour tout le monde. Si des jeunes partagent une voiture et, à la suite d’un procès-verbal, se cotisent par Facebook ou par l’application Leetchi pour acquitter l’amende, c’est six mois de prison pour tout le monde. Vous me direz que les juges ne condamneront jamais pour de telles affaires. Raison de plus : on ne fait pas la loi en pensant que les juges ne devront pas l’appliquer. C’est excessif, dangereux et inutile.

Si certains veulent payer les amendes des autres, tant qu’aucun intérêt fondamental n’est en jeu, laissons-les faire. Voilà pourquoi nous vous proposons de supprimer cette disposition.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est très défavorable à l’adoption de cet amendement de suppression. Qu’a-t-il voulu faire ? Combler une faille de notre droit. Aujourd’hui, il est interdit de faire un appel public à la souscription en vue de payer une amende prononcée dans le cadre d’un délit ou d’un crime. De même, votre assemblée, à son initiative, a adopté une disposition qui pénalise l’appel public et la souscription en vue de payer une amende contraventionnelle en matière de police des transports. Nous souhaitons étendre cette disposition à toutes les contraventions, quelle que soit leur nature. Je rappelle que le Sénat a adopté cette disposition à l’unanimité.

Le Gouvernement a pu constater, au prix de provocations difficilement acceptables dans l’espace public, que notre droit contenait des failles utilisées par ceux qui font métier d’attaquer la République. Chacun aura compris à quoi je fais allusion. J’assume de dire qu’il faut pénaliser le fait de déclarer publiquement que l’on va prendre en charge une amende prononcée à l’encontre d’autrui pour qu’autrui puisse prolonger son comportement contraire aux lois de la République, sans en subir les conséquences.

Nous sommes, mesdames et messieurs les députés, des femmes et des hommes politiques responsables. Je vous invite à imaginer les conséquences, demain, de l’adoption d’un tel amendement de suppression. Je comprends les réserves, les explications sur un cas bien particulier. Je suis, comme vous, attentif à éviter les stigmatisations, à prévenir le risque qui pourrait être vécu comme un acharnement. Mais, si cette disposition fait suite à la découverte d’une faille, elle demeure, heureusement, de portée générale. Elle pourrait s’appliquer, par exemple, aux infractions au code de la route. J’entends également les craintes sur la pénalisation du mouvement social qui, parfois, lance des appels à la souscription. Mais je fais la distinction. Lorsque la loi de la République s’applique, celui qui est condamné doit réparer lui-même le préjudice causé. C’est un principe général, aujourd’hui valable pour les délits et les crimes, que nous voulons élargir aux contraventions. Cependant, il est évident que les appels à la souscription pour payer un avocat et régler des frais de justice ne sont pas visés par cette disposition. Cela ne concerne que l’amende en tant que telle, une fois la condamnation prononcée.

Je vous demande donc, madame la rapporteure thématique, de retirer cet amendement, dont l’adoption aurait de lourdes conséquences au regard de pratiques que je qualifie d’antirépublicaines et de provocatrices, portées notamment par quelqu’un qui, aujourd’hui, s’honore d’avoir abandonné sa nationalité française.

M. le rapporteur général. Les démocraties modernes sont confrontées, au quotidien et dans le temps médiatique, à l’affaiblissement de la parole publique, et il suffit parfois d’une provocation pour que les parlementaires s’empressent de modifier la loi. Parlons clair : il s’agit ici du cas d’une personne qui se vante de payer les amendes des femmes qui portent la burqa dans l’espace public. M. le ministre a raison, il y a une faille, qu’il faut combler. Mais je ne crois pas que cet article soit la meilleure manière de lutter contre les agissements de cet hurluberlu, qui gagne à ce que la loi de la République soit modifiée pour un acte aussi loufoque que perturbateur, et qui n’a d’effet que parce que les médias s’en sont fait le relais, ou parce que, pour se faire un peu de publicité, Mme Morano va devant le tribunal et fait un scandale en se heurtant aux forces de police. C’est ainsi que les parlementaires en viennent à voter des dispositions sans vraiment en peser les conséquences.

Vous dites, monsieur le ministre, que, dans d’autres cas, on ne s’oppose pas au fait que les frais de justice ou d’avocat soient pris en compte. Mais, pour un procès-verbal, par exemple, il n’y a ni avocat ni frais de justice. Je rappelle qu’il y a eu des appels à souscription pour soutenir quelqu’un dont on pensait qu’il menait une action juste et qu’il était injustement condamné à verser une amende.

L’article introduit par le Gouvernement mérite d’être amélioré, et notre amendement de suppression vise à ce que nous puissions, d’ici à la séance publique, discuter des effets de bord de cette disposition. N’y a-t-il pas des situations dont nous pourrions considérer qu’elles ne sont pas visées par cette mesure ? Nous sommes en train de légiférer à la suite d’un fait divers qui ne concerne qu’un seul individu. Cela me gêne, et je crois que cela devrait gêner tous les députés.

Du reste, il me semble que le code pénal offre déjà tous les moyens de sanctionner quelqu’un qui, en allégeant la peine individuelle prononcée ou en altérant la réparation intégrale du préjudice subi par les victimes, encourage celui qui s’apprête à commettre ou a commis l’infraction.

M. Paul Molac. Sans parler de ces cas extrêmes, j’ai été fort surpris d’apprendre qu’un étudiant dans une grande ville bretonne pouvait souscrire une sorte d’assurance, créée par les étudiants et qui revenait moins chère qu’un abonnement aux transports urbains. S’il écopait d’une contravention pour non-présentation d’un titre de transport, c’est cette assurance qui la payera. Nous lui avons dit que ce n’était pas bien du tout, mais, je dois l’avouer, cela ne l’a pas beaucoup ému… Je suppose que cette disposition vise aussi à lutter contre ce genre de pratique, qu’on peut qualifier de délictueuse.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. La loi prévoit déjà que, pour de tels actes, l’étudiant en question risque six mois de prison !

M. Paul Molac. Je le lui dirai !

M. Yves Blein. Il ne s’agit pas de légiférer sur un cas particulier, et je ne soutiendrai pas cet amendement de suppression. C’est une bonne idée de créer un délit de prise en charge des amendes contraventionnelles et d’annonce publique de cette prise en charge. Lutter contre ce type de comportement me semble relever du bon sens républicain. Je soutiens donc la proposition du Gouvernement. Nous avons instauré le statut de lanceur d’alerte. Certains peuvent s’en prévaloir pour préconiser des choses à ne pas faire. Autant les arrêter tout de suite !

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le rapporteur général, notre pays a besoin d’autorité, de fermeté. Nous sommes une République généreuse, protectrice des droits, mais une République qui ne peut pas accepter que, pour des raisons éminemment politiques, un personnage défraie ainsi la chronique. Certes, vous avez raison, aujourd’hui, il est seul à agir ainsi, parce qu’il en a les moyens, mais, demain, ils peuvent être dix, cent, mille à l’imiter. Alors, plus nombreux encore seront ceux qui s’exonéreront de leur responsabilité en sachant qu’il y aura toujours un bienfaiteur fortuné pour payer leur amende, autant de fois qu’il le faudra.

Mme la rapporteure thématique considère que cela n’empêchera rien. C’est possible, mais au moins aurons-nous eu le courage de dire qu’il n’est plus permis, aujourd’hui, de tolérer des agissements qui visent à affaiblir les bases de notre République et qui sont sciemment et politiquement assumés par l’intéressé, comme on l’a vu dans les reportages ou les articles qui lui ont été consacrés.

Nous savons qu’il y a d’autres formes de contraventions. Et il n’est pas question de stigmatiser les personnes, quelles que soient leurs origines, mais nous ne pouvons laisser s’installer l’idée que l’on peut contourner les lois de la République en sachant que la sanction sera prise en charge par quelqu’un d’autre. Je répète donc que le Gouvernement est très défavorable à cet amendement.

M. le rapporteur général. Je rappelle que cette personne a abandonné la nationalité française et que, si l’autorité de l’État devait être exprimée, il suffisait de ne pas la recevoir sur le territoire français, ce qui aurait évité que nous perdions du temps à modifier la loi de la République pour un seul individu.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Nous ne sommes pas tout à fait convaincus par l’article introduit par le Gouvernement. Nous en partageons l’objectif, mais il faut trouver la bonne rédaction. Toutefois, compte tenu des arguments développés par le ministre, nous retirons l’amendement.

L’amendement CS335 est retiré.

La Commission adopte l’article 38 quinquies sans modification.

Article 38 sexies [nouveau] : Peine complémentaire automatique en répression de la dissimulation du visage dans l’espace public

La Commission est saisie de l’amendement CS266 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’article 38 sexies, introduit par le Sénat, crée une peine automatique à l’encontre des porteuses de burqa. Cette disposition est inconstitutionnelle, le juge devant conserver la possibilité de ne pas prononcer une peine. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 38 sexies est supprimé.

Article 39 : Intérêt à agir en matière de négationnisme et d’apologie

La Commission en arrive à l’amendement CS267 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement concerne l’action des associations de lutte contre les discriminations dans les affaires d’apologie de crimes contre l’humanité. Contrairement au Sénat, nous pensons que les personnes qui font l’apologie de crimes contre l’humanité et qui propagent le négationnisme le font autant pour insulter la mémoire des victimes que pour attaquer le lien social et crisper la société. C’est pourquoi nous défendons le droit, pour les associations de lutte contre les discriminations, de les poursuivre en justice.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Très favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 39 modifié.

Article 39 bis [supprimé] : Répression de la discrimination dont sont victimes les personnes qui ont subi ou refusé de subir un bizutage

La Commission examine l’amendement CS268 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement propose de rétablir l’interdiction de discriminer les victimes et les témoins de bizutages.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. C’est un rétablissement très utile. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 39 bis est ainsi rétabli.

Article 40 [supprimé] : Application outre-mer

La Commission maintient la suppression de l’article 40.

Article 40 bis : Homologation de peines d’emprisonnement en Polynésie française

La Commission adopte l’article 40 bis sans modification.

Section 2
Dispositions modifiant la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008
portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire
dans le domaine de la lutte contre les discriminations

Article 41 : Harmonisation des critères constitutifs d’une discrimination en droit civil et en droit pénal

La Commission est saisie de l’amendement CS108 de Mme Annie Le Houerou.

M. Paul Molac. Le présent amendement a pour but de rétablir la version de l’article 41, votée par l’Assemblée nationale en première lecture.

Le rétablissement de l’article initialement adopté à l’Assemblée nationale permet d’inclure dans les critères constitutifs d’une discrimination la capacité de s’exprimer dans une langue autre que le français, qu’elle soit étrangère ou régionale, et la notion d’identité de genre. La reconnaissance de ces deux critères de discrimination constitue une avancée très importante, sur laquelle il serait particulièrement dommageable de revenir.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je vais demander à M. Molac de bien vouloir retirer cet amendement, qui sera satisfait par l’amendement CS269 que nous allons présenter dans un instant et qui sera, en outre, plus lisible.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis que la rapporteure thématique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS269 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit d’un amendement de rétablissement des apports de l’Assemblée nationale en première lecture. Je rappelle qu’il est aussi en cohérence avec le contenu de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.

L’amendement propose de remplacer le mot « race » par les mots « prétendue race » et de réintroduire la distinction entre orientation sexuelle et identité de genre, qui ne sont pas des notions parfaitement fongibles. Enfin, il rétablit la sanction de la discrimination fondée sur la capacité d’une personne à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Si nous adoptons cet amendement, celui de M. Molac sera satisfait, ainsi que les amendements à venir de Mme Gilda Hobert.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Mme la rapporteure a évoqué la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, ce qui va m’amener à demander le retrait de l’amendement.

La disposition proposée figurait dans la version initiale du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, présentée en avril 2016 au Conseil des ministres, puis transmis en première lecture à l’Assemblée nationale. Cet article a ensuite été intégré dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, à l’initiative de la commission des lois de l’Assemblée nationale, dont il constituait l’article 44. Il a été adopté définitivement, il y a moins d’un mois, par votre assemblée. Le Gouvernement n’est pas, par principe, favorable à l’introduction d’une disposition déjà adoptée par le Parlement il y a si peu de temps. Le Conseil constitutionnel a été saisi et rendra sa décision avant l’examen en séance du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

Je ne suis pas opposé sur le fond à votre amendement, mais il existe un problème de chronologie, car soit l’article 44 de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle est déclaré conforme à la Constitution et il me paraît inutile de modifier une disposition dont l’encre est à peine sèche, soit l’article 44 est déclaré non conforme et il faudra le rétablir en séance publique.

Pour ces raisons, je suggère un retrait pragmatique. Faute de quoi, j’émettrai un avis défavorable.

M. le rapporteur général. J’apporte mon soutien aux arguments de Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je voudrais rappeler la genèse du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Une proposition de loi instaurant une action de groupe en matière de discriminations a d’abord été votée à la quasi-unanimité du Parlement, à l’exception de deux votes contre et de l’abstention de celui qui, à l’époque, était porte-parole du groupe Les Républicains. Le texte a été repris in extenso dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, avec l’ajout d’éléments importants, comme ceux qu’a évoqués Marie-Anne Chapdelaine, et qui permettent d’avoir une définition adaptée aux discussions que nous avons eues avec les syndicats et les associations.

La principale substance du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle était donc l’action de groupe et les différentes dispositions de lutte contre les discriminations, issues du travail des parlementaires. Mais le texte a par la suite été altéré, et l’on nous explique maintenant qu’il ne faut pas revenir à ce que nous avions fait, car le texte est maintenant devant le Conseil constitutionnel. Je pense qu’il y a des limites à ne dépasser en matière de cohérence et de chronologie.

Ce que propose Marie-Anne Chapdelaine, ce n’est rien d’autre que ce que nous avons voté à une très large majorité en première lecture et ce que le Parlement a voté à trois ou quatre reprises ces deux dernières années.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avec tout le respect que je dois au Parlement, et pour être parfaitement précis, l’article 41 ne parle pas de l’action de groupe, mais seulement du recours civil en matière de discrimination.

Par ailleurs, c’est bien votre Assemblée qui a voté le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle à propos duquel je vous demande d’attendre la décision du Conseil constitutionnel.

M. Yves Blein. Bien que votre argumentation soit convaincante, monsieur le ministre, on peut, par prudence, choisir de voter cet amendement. Certes, nous aurons l’avis du Conseil constitutionnel sur la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle d’ici à la séance publique, et nous pourrons alors procéder aux ajustements nécessaires. Mais, avec cet amendement, nous aurons en quelque sorte une garantie de bonne fin : nous serons assurés que la question dont il traite sera bien prise en considération.

M. Paul Molac. Sans compter que je ne suis pas certain que mes préoccupations soient bien présentes dans l’autre texte auquel il a été fait référence : je suis généralement le seul à les exprimer ; or je n’ai pas participé à sa rédaction. On m’a déjà dit qu’il n’y avait que les chiens qui parlaient gallo ou breton… Ces questions doivent bien être considérées comme relevant des problèmes de discrimination.

La Commission adopte l’amendement CS269.

En conséquence, les amendements CS71 de Mme Gilda Hobert, CS154 de M. Paul Molac, CS72 et CS73 de Mme Gilda Hobert tombent.

La Commission adopte ensuite l’article 41 modifié.

Article 42 [supprimé] : Testing comme mode de preuve en droit civil

La Commission est saisie de l’amendement CS270 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Nous proposons ici de rétablir l’article 42, supprimé par le Sénat. La jurisprudence civile de la Cour de cassation admet certes le testing ; mais, en inscrivant celui-ci dans la loi, on prévient un éventuel revirement, tout en reconnaissant la légitimité de l’action de ceux qui se sont battus pour cela.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 42 est ainsi rétabli.

Article 43 : Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes

La Commission est saisie de l’amendement CS86 de Mme Maud Olivier.

Mme Maud Olivier. Il s’agit de transformer en rapport annuel sur l’état du sexisme le « rapport général » bisannuel prévu par cet article.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable : la préparation d’un rapport annuel représenterait pour le Haut Conseil une charge que ses moyens ne lui permettent pas d’assumer.

Mme Maud Olivier. La lutte contre le sexisme fait actuellement l’objet d’une grande campagne nationale. Il serait bon que nous disposions de temps en temps du bilan de ce type d’actions, et le Haut Conseil pourrait tout à fait se charger de cette mission.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde alors l’amendement CS341 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. C’est au Premier ministre et au ministre chargé des droits des femmes qu’il doit prioritairement revenir de saisir le Haut Conseil à l’égalité, afin d’organiser ses travaux et d’en assurer la cohérence et l’efficacité. L’expérience l’a montré, la cosaisine du Haut Conseil par le ministre chargé des droits des femmes et un ou une autre ministre reste possible.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il est normal que le ministre des droits des femmes soit l’interlocuteur privilégié du Haut Conseil.

Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CS40 de Mme Maud Olivier et CS85 de Mme Laurence Dumont.

Mme Maud Olivier. Cet amendement rétablit la rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je laisse le Gouvernement choisir la norme réglementaire qui a sa préférence pour déterminer la composition du Haut Conseil : les rapporteurs n’ont pas d’avis sur la question.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le président ou la présidente du Haut Conseil est déjà nommé par décret en Conseil des ministres. Le Gouvernement n’est pas partisan d’un excès de formalisme en la matière. Je comprends bien qu’il s’agit d’apporter des garanties, mais le Haut Conseil n’est pas une autorité administrative indépendante et ne peut en avoir les caractéristiques propres, notamment l’inamovibilité de ses membres. Ainsi, un décret en Conseil des ministres serait plus lourd, sans empêcher pour autant que la composition du Haut Conseil puisse être modifiée selon le bon vouloir de l’autorité de nomination.

Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 43 modifié.

Section 3
Dispositions relatives au droit des médias

Article 44 A [supprimé] : Représentation de la diversité de la société française dans les programmes audiovisuels

La Commission maintient la suppression de l’article 44 A.

Article 44 B : Protection de l’image des femmes dans les messages publicitaires

La Commission adopte l’article 44 B sans modification.

Article 44 [supprimé] : Pouvoir du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans la supervision dans les programmes et la programmation du respect de l’engagement des opérateurs de donner à voir la diversité de la société française

La Commission maintient la suppression de l’article 44.

Article 45 [supprimé] : Quota relatif aux langues régionales pour la diffusion des œuvres musicales

La Commission examine l’amendement CS155 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Le même amendement avait été déposé en première lecture par Victorin Lurel et soutenu par de nombreux députés d’outre-mer. Je propose ici de rétablir la disposition que nous avions alors votée, et qui obligeait les diffuseurs radiophoniques à réserver 4 % de la proportion d’œuvres musicales d’expression française aux œuvres interprétées dans une langue régionale en usage en France.

Cette disposition vise à favoriser la diversité de l’expression musicale et culturelle, à dynamiser et pérenniser la création musicale dans toutes les régions du territoire national et à assurer la défense du patrimoine national au sens de l’article 75-1 de la Constitution.

M. le rapporteur général. Je comprends les positions, constantes et cohérentes, des défenseurs de cette mesure. Mais imaginons que de tels quotas soient appliqués à des radios régionales : va-t-on demander à une radio bretonne de diffuser 4 % de musique issue de telle ou telle diversité ? En pratique, la structuration actuelle des médias en France rend la chose très difficile. C’est ce qui ressort de nos rencontres avec les représentants des radios comme de nos propres constats.

Nous n’avons pas pour autant abandonné la partie. Nous, rapporteurs, nous sommes volontairement abstenus, comme le Gouvernement d’ailleurs, de déposer des amendements sur cette section relative au droit des médias. D’une part, nous n’avons pas eu le temps de revoir les représentants du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ; ce sera fait la semaine prochaine. Nous voulons encore préciser les enjeux de la mise en œuvre du dispositif. D’autre part, la rédaction que nous avons adoptée en juin n’est plus valide : la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, promulguée le 7 juillet dernier, le lendemain de notre vote solennel en première lecture sur le présent projet de loi, a réformé tout le système des quotas musicaux.

J’invite donc l’auteur de l’amendement à le retirer, en attendant la discussion en séance. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Actuellement, une quinzaine de langues régionales sont présentes sur un grand nombre de radios : l’alsacien, le basque, le breton, le corse, le créole, le francique mosellan, le gascon, l’occitan, les patois bressan, charentais et savoyard, le polynésien et le provençal sont relayés sur plus de 200 fréquences en FM. Leur diffusion est régulière, mais non quantifiée comme vous le voudriez, monsieur le député Molac. Ce serait très complexe ; en outre, ce n’est pas par le bâton, mais par la conviction et le partage de valeurs que l’on fera progresser les langues régionales.

Avis défavorable.

M. Paul Molac. J’y reviendrai en séance et nous étudierons la question de près. Vous ne vous débarrasserez pas de moi si facilement ! Je tiens d’autant plus à cette mesure que j’entends à la radio beaucoup d’œuvres qui ne sont pas non plus en français, mais plutôt dans la langue parlée outre-Manche ou outre-Atlantique… C’est dommage : nous avons d’excellents groupes de musique qui restent méconnus – je pense moins aux Bretons, qui bénéficient d’une audience assez importante en France, voire à l’international, qu’aux Occitans, par exemple.

Je sais qu’un tel dispositif est compliqué à instaurer, car les entreprises de médias n’aiment pas les quotas. Mais je suis attaché à cette idée de la France et de sa diversité.

M. le rapporteur général. Nous nous sommes efforcés de travailler sérieusement sur ce sujet. Je ne suis pas homme à camper sur mes positions par principe ; nous pouvons nous laisser convaincre. Le vrai problème n’est pas le canal de diffusion, mais l’édition et la production : aujourd’hui, en France, les maisons de disques ont plus intérêt à produire des œuvres formatées, en série, qui rapportent de l’argent à ceux qui en gagnent déjà beaucoup, qu’à faire fleurir la diversité. Autrement dit, ce n’est pas en diffusant quinze fois le même titre breton ou occitan sur une radio qui n’en passait jusqu’alors aucun que l’on va promouvoir la diversité régionale !

Je vous invite donc à venir la semaine prochaine, lors du débat sur le projet de loi de finances, soutenir un amendement dans lequel je propose de remettre en cause plusieurs aides à la création afin d’éviter que ceux qui gagnent déjà le plus d’argent, parce qu’ils sont le plus diffusés, continuent d’être mieux diffusés que les autres parce qu’ils récupèrent davantage d’argent public.

L’amendement est retiré.

La Commission maintient la suppression de l’article 45.

Section 4
Dispositions relatives à l’éducation

Article 47 [supprimé] : Droit à l’inscription dans les cantines scolaires

La Commission est saisie des amendements identiques CS272 des rapporteurs et CS21 de M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cet amendement est très court, mais il a une longue histoire, au cours de laquelle le Sénat s’est comporté comme le grand effaceur de la République.

Périodiquement, plusieurs communes refusent d’inscrire certains élèves à la cantine des écoles primaires en se fondant sur des motifs irréguliers et discriminatoires tels que le lieu de résidence ou l’exercice d’une activité professionnelle par leurs parents. Souvent, ce refus touche donc des enfants dont l’un des parents au moins est au chômage : cela revient à discriminer, voire à stigmatiser des familles déjà en difficulté, bref à ajouter l’exclusion à l’exclusion.

La restauration scolaire n’est pas une compétence obligatoire pour les communes, mais, quand une commune a choisi de créer une cantine scolaire, celle-ci a le caractère d’un service public. Or on sait la valeur constitutionnelle que le Conseil constitutionnel accorde au principe d’égalité, notamment d’égalité des usagers devant le service public.

Sur ces fondements, la justice administrative a toujours condamné de tels refus d’admission. Ainsi, le 16 novembre 1993, le tribunal administratif de Versailles a refusé toute distinction entre les élèves selon que leurs parents ont un emploi ou non. Le Conseil d’État a jugé de même à plusieurs reprises, notamment le 23 octobre 2009, puis en 2011.

Il importe donc de légiférer sur ce point et d’inscrire explicitement dans la loi ces principes posés par le juge, afin de dire clairement qu’ils sont obligatoires. Ainsi, des familles souvent démunies n’auront plus besoin de former des recours contentieux pour faire reconnaître leurs droits. Le Défenseur des droits a recensé 400 cas de discrimination de ce type, ce qui est tout à fait considérable. Mais les personnes qui seraient en droit d’agir ne le savent pas toujours et n’en ont pas forcément les moyens.

Une proposition de loi allant dans ce sens, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 12 mars 2015, a été rejetée par le Sénat. Grâce à votre bienveillance, elle est devenue un amendement au présent projet de loi qui a été adopté, mais, à nouveau, le Sénat a supprimé la disposition correspondante. Je propose ici de la rétablir.

Je remercie très vivement les deux ministres qui sont successivement intervenus dans cette affaire : Marylise Lebranchu, puis Patrick Kanner, lequel a défendu cette disposition au Sénat avec une magnifique énergie – sans parvenir toutefois à convaincre les sénateurs, qui lui ont opposé, sans toujours le dire, des arguments essentiellement financiers. Pourtant, ceux d’entre nous, nombreux, qui sont maires ou l’ont été savent que faire construire un restaurant scolaire n’est pas ruineux. En outre, comme l’a fait observer la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), ce n’est généralement pas nécessaire : il suffit souvent d’aménager les locaux existants en créant un second service ou un self-service.

Il est très injuste de créer une discrimination entre les enfants de chômeurs et les autres. Cette ségrégation est particulièrement choquante dans la période actuelle. Jean Zay, ministre de l’éducation nationale, disait que la pire des injustices est celle qui est commise envers des enfants. Comme les auteurs du même amendement, que je remercie de leur soutien, je souhaite qu’il soit mis fin à cette injustice.

M. Paul Molac. J’ajoute que, pour les enfants de familles en très grande difficulté, le déjeuner à la cantine est parfois le seul vrai repas équilibré de la journée. Je voterais donc très volontiers cet amendement si j’étais membre de la commission spéciale.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Notre amendement est identique. Nous sommes évidemment très favorables à une telle disposition, et nous avons du mal à comprendre comment le Sénat a pu s’y opposer.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Merci au président Schwartzenberg pour ses encouragements. Le débat au Sénat a été rude, et les arguments qui m’ont été opposés étaient parfois teintés d’une idéologie nauséabonde.

On a parlé à propos de ce texte de loi « fourre-tout » – c’est M. Breton, je crois, qui a employé cette expression…

M. Xavier Breton. Je l’assume.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. …de « vide-grenier », de « cabinet de curiosités ». Mais, s’il existe une mesure qui symbolise la volonté politique d’égalité et de citoyenneté qu’exprime son titre, c’est bien celle dont nous parlons.

Il s’agit d’intégrer dans la loi le principe de non-discrimination clairement affirmé par la jurisprudence. On m’a aussi objecté au Sénat qu’il était déjà possible d’attaquer des règlements intérieurs manifestement illégaux ; encore faut-il prouver qu’ils le sont ; or des parents en difficulté, au chômage, ne sont guère enclins à entamer une procédure contentieuse. Si la loi est limpide, plus personne ne pourra se dissimuler derrière les imprécisions de jurisprudences réservées par définition aux avertis. Quand on est pauvre, ce n’est pas la même chose d’aller devant le juge administratif que quand on est riche. Or la loi de la République doit favoriser l’égalité.

Avis très favorable.

M. Julien Dive. J’approuve entièrement le bien-fondé de l’amendement et les arguments de M. le ministre. J’aimerais simplement une précision : quand on parle de discrimination, qui en est responsable ? Le maire ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. En général, c’est une délibération du conseil municipal qui fixe les critères d’admission. Cet acte peut être déféré devant le juge administratif par les parents concernés, mais ceux-ci n’ont pas les moyens de saisir l’autorité juridictionnelle et les maires misent sur le fait qu’ils n’iront pas en justice.

M. Julien Dive. Il y a sans doute, en effet, des conseils municipaux qui adoptent ce genre de délibérations. Maire d’une commune de 1 000 habitants où il y a une cantine, je ne peux pas savoir quels enfants ont des parents au chômage, je ne m’y intéresse pas et le conseil municipal n’adopte pas des délibérations de ce type. Ce n’est pas parce qu’une minorité d’élus le font qu’il faut mettre tous les maires dans le même panier !

Je propose donc que l’on précise que c’est une délibération du conseil municipal qui est visée.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Ce n’est pas nécessairement le maire qui est concerné : il peut s’agir du conseil départemental qui gère les cantines dans les collèges.

Mme Audrey Linkenheld. L’amendement porte sur les écoles primaires.

M. Julien Dive. Ce sont donc les maires qui sont concernés.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. L’idée est d’éviter que l’on empêche des élèves de manger au nom de critères sociaux. Le Défenseur des droits a recensé 400 cas, mais il y en a peut-être beaucoup plus. Des milliers d’enfants peuvent être touchés.

Mme Maud Olivier. De plus, ces questions ne font pas nécessairement l’objet d’une délibération : il arrive que des consignes soient données officieusement. Je peux citer l’exemple d’une commune où cela se passe ainsi.

M. Julien Dive. Des exemples, nous pouvons tous en citer. Mais, je le répète, ne mettons pas tous les maires et conseillers municipaux dans le même panier qu’une minorité. Visons au moins un fait avéré : sinon une délibération, du moins une consigne ou un règlement intérieur. Peut-être est-ce ce problème qui explique la position du Sénat – sans vouloir la justifier.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. L’un des arguments des sénateurs était le suivant : les charges afférentes sont telles qu’il n’est pas anormal de recourir à des critères de « sélection » des enfants – car telle était bien l’idée, même si le mot n’a pas été employé. Or, dès lors qu’un service public est ouvert, il ne peut exister de critères de ce type – ou alors il ne faut pas que la commune crée de cantine scolaire ; elle n’y est pas obligée, à la différence des conseils départementaux.

La Commission adopte les amendements.

L’article 47 est ainsi rétabli.

Article 47 bis [supprimé] : Pôles de stage

La Commission est saisie de l’amendement CS273 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement vise à rétablir les pôles de stage qui, dans chaque académie, aideront les élèves et tous ceux qui ont besoin d’une période de formation en milieu professionnel à contacter les entreprises intéressées. Il s’agit d’une disposition importante, car du premier stage vont souvent dépendre la première orientation et le premier emploi. Or chacun sait que, la plupart du temps, les jeunes trouvent leur stage en fonction des relations de leurs parents, ce qui fait que certains se trouvent obligés d’effectuer le leur auprès d’un membre de leur famille : ainsi un fils de maçon n’aura-t-il parfois d’autre choix que de faire un stage en maçonnerie, faute de pouvoir accéder à une entreprise de comptabilité, par exemple.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 47 bis est ainsi rétabli.

Article 47 quinquies [supprimé] : Rapport annuel du recteur d’académie sur la mixité sociale

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS274 des rapporteurs et CS36 de Mme Anne-Christine Lang.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’amendement vise à rétablir l’article 47 quinquies, adopté en première lecture sur amendement de Mme Lang, qui prévoit une présentation annuelle par l’administration de l’éducation nationale de l’état de la mixité dans le département, devant le conseil départemental réunissant toutes les personnes concernées par cette thématique.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Depuis 2015, le ministère de l’éducation nationale s’est doté des outils nécessaires pour mettre réellement en œuvre l’objectif évoqué par Mme la rapporteure – je pense notamment à la circulaire du 8 janvier 2015 relative à l’amélioration de la mixité sociale au sein des établissements publics de second degré, qui a retenu le principe d’une démarche partenariale afin de dresser un état des lieux au sein des collèges publics et privés sous contrat. C’est sur ce fondement et dans le cadre de la stratégie interministérielle pour l’égalité réelle et la citoyenneté que le ministère de l’éducation nationale a mobilisé près de vingt et un départements depuis la dernière rentrée afin de faire émerger des solutions concrètes en faveur de la mixité sociale.

C’est sur le terrain que s’organise le développement de la mixité sociale. Je souhaite donc le retrait de cet amendement et, à défaut, émettrai un avis défavorable.

Mme Anne-Christine Lang. C’est précisément parce que la question de la mixité sociale s’organise sur le terrain que l’état des lieux sur la composition sociale des écoles et des collèges des territoires doit être connu de l’ensemble des membres des communautés scolaires, c’est-à-dire non seulement des autorités académiques, mais également des élus locaux, des principaux de collège, des directeurs d’école et des parents d’élèves, afin que des solutions locales puissent être élaborées sur cette base.

J’estime donc que, une fois par an, l’ensemble des acteurs de l’école et des communautés éducatives doit être informé, devant le conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN), de l’évolution de la mixité. En effet, les quartiers évoluent, et il faut éviter que certains ne se trouvent ghettoïsés dans un sens ou dans un autre : pour cela, il peut se révéler nécessaire que les élus locaux redéfinissent les périmètres scolaires, sur la base des éléments concrets et chiffrés qui leur sont communiqués. Tel est l’objet de l’amendement CS36, que je maintiens.

L’amendement CS274 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS36.

L’article 47 quinquies est ainsi rétabli.

Section 4 bis
Égal accès à une alimentation saine et de qualité pour les citoyens sur les territoires

Article 47 sexies [supprimé] : Intégration au rapport sur la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise de considérations sur la consommation alimentaire durable

La Commission est saisie des amendements identiques CS34 de M. Hervé Pellois et CS156 de M. Paul Molac.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CS34 vise à rétablir deux dispositions sur le choix et la proportion de produits locaux et bio en restauration collective publique et dans les grandes entreprises, afin de donner à tous la possibilité de goûter des produits de qualité. L’ancrage territorial permet en effet de réconcilier le consommateur et le producteur, de construire des projets de territoire, d’accroître les marges des agriculteurs et de développer l’emploi local.

M. Paul Molac. L’amendement CS156 vise à rétablir, dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, l’article 47 sexies supprimé par le Sénat.

Il s’adresse spécifiquement aux grandes entreprises, qui devront intégrer, dans leur action de responsabilité sociale et environnementale (RSE), des exigences en matière de consommation alimentaire durable : choix de produits bio et locaux, cuisine sur place, lutte contre le gaspillage alimentaire et le suremballage.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis.

La Commission adopte les amendements.

L’article 47 sexies est ainsi rétabli.

Article 47 septies [supprimé] : Présence obligatoire, dans la restauration collective des personnes publiques, de produits relevant de l’alimentation durable et de l’agriculture biologique

La Commission examine les amendements identiques CS35 de M. Hervé Pellois et CS157 de M. Paul Molac.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CS35 a le même objet que le précédent, si ce n’est qu’il vise à modifier le code rural et de la pêche maritime en conséquence.

M. Paul Molac. L’amendement CS157, à la rédaction duquel j’ai collaboré avec Mme Allain, et auquel le ministre de l’agriculture a donné son aval, vise à ce que l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics incluent dans la composition des repas servis dans les restaurants collectifs dont ils ont la charge 40 % de produits locaux et 20 % de produits bio, en introduisant ces critères dans les appels d’offres des marchés publics.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. L’argumentaire qui vient d’être exposé me conduit à exprimer un avis défavorable. En effet, il retient la proximité comme critère d’attribution des marchés publics, alors que le texte même de l’amendement évite de le faire. Or, retenir le critère de proximité entraîne un risque de non-compatibilité avec le code des marchés publics, comme le Gouvernement a déjà eu l’occasion de le souligner dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de Mme Allain sur la relocalisation de l’alimentation.

Par ailleurs, cet amendement est, de fait, moins-disant en matière d’approvisionnement en produits de qualité et en produits issus de l’agriculture biologique dans la mesure où il ne reprend même pas l’obligation qu’avait instaurée le Grenelle de l’environnement, alors que nous savons que l’objectif fixé à ce titre est accessible, en particulier en ce qui concerne la production bio, qui connaît une forte croissance.

En accord avec M. Le Foll, j’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable à cet amendement.

M. Paul Molac. Je suis très étonné par la position du Gouvernement, car, à défaut d’imposer ces critères dans les appels d’offres, on ne parviendra pas à changer les pratiques – et, depuis la première lecture du texte, le cabinet de M. Le Foll partage notre avis sur ce point.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je ne fais pourtant que vous transmettre l’avis du ministère de l’agriculture – mais sans doute pourriez-vous mettre les choses au point avec le cabinet de M. Le Foll avant la séance publique.

M. le rapporteur général. Avec tout le respect dû à la parole du Gouvernement, exprimée par le ministre ici présent, je me dois de préciser que plusieurs ministères avaient exprimé leur soutien à cette disposition au cours des échanges que Mme Chapdelaine et moi-même avions eus avec eux tout au long du parcours législatif de ce texte. Pour notre part, nous sommes favorables à cet amendement : si ce n’était pas le cas initialement, c’était en raison de son absence d’accroche – ce à quoi il a été remédié.

M. Paul Molac. J’insiste sur le fait que la rédaction de cet amendement voté en première lecture a été expressément approuvée par le ministère de l’agriculture.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Comme vous le savez, je ne suis pas spécialiste de l’agriculture : la position que j’exprime ce soir au nom du Gouvernement est donc celle que le ministre compétent en la matière m’a demandé de vous communiquer. En l’état actuel des choses, je ne puis que vous inviter à retirer cet amendement en attendant de pouvoir obtenir une explication de la part du ministre de l’agriculture – et je m’engage à ce que le cabinet de M. le Foll prenne contact avec vous à cette fin.

L’amendement CS35 est retiré.

M. Paul Molac. Je maintiens l’amendement CS157.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Et nous maintenons l’avis favorable des rapporteurs.

La Commission rejette l’amendement et maintient la suppression de l’article 47 septies.

Section 5
Dispositions relatives à l’abrogation de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe

Article 48 : Conséquences de l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969

La Commission est saisie de l’amendement CS275 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Le Sénat, pour des raisons qui ne l’honorent guère, a refusé d’aligner le statut civil des gens du voyage sur celui du reste de la population.

Un SDF a la possibilité d’élire domicile auprès du centre social de son choix, dans la commune de son choix. Personne ne peut le lui interdire, et j’espère que personne n’y songe même. Pour ce qui est des gens du voyage, ils peuvent choisir leur commune de rattachement, mais le préfet peut leur opposer un refus s’ils y représentent plus de 3 % de la population : il leur faut alors s’enregistrer ailleurs.

Le Sénat a exprimé la crainte – qui, à notre avis, tient du fantasme – de voir un jour tous les gens du voyage de France s’inscrire dans la même commune et, le jour des municipales, s’y déplacer en convoi pour y faire basculer les résultats du scrutin.

Ce scénario, sur la base duquel les sénateurs ont maintenu le contrôle du préfet, est tout à fait fantaisiste. Si les Français dans leur ensemble s’abstiennent largement lors des élections, alors qu’elles ont lieu dans leur commune, les gens du voyage s’abstiennent plus encore, et sont éparpillés sur tout le territoire : ils n’ont donc pas à voir leurs droits restreints au motif que d’autres se sont inscrits au même endroit qu’eux en grand nombre.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je suis favorable au rétablissement du texte pour une communauté qui s’est trop souvent trouvée stigmatisée au cours de l’histoire, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, comme l’a rappelé le Président de la République au cours de l’hommage qu’il lui a rendu récemment.

M. le rapporteur général. Je rappelle qu’un grand nombre de personnes qu’il est d’usage de désigner par l’appellation « gens du voyage » se battent depuis des années pour ne plus être appelés ainsi, mais plutôt « citoyens itinérants ».

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 48 modifié.

Article 49 : Dispositions transitoires

La Commission adopte successivement l’amendement de coordination CS276 et l’amendement rédactionnel CS277 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 49 modifié.

Section 6
Dispositions relatives aux emplois soumis à condition de nationalité

Article 54 [supprimé] : Rapport sur le statut des étrangers travaillant à la SNCF

La Commission examine l’amendement CS278 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Le présent amendement rétablit la demande de rapport adressée au Gouvernement sur les conditions d’emploi des étrangers à la SNCF, supprimée par le Sénat.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 54 est ainsi rétabli.

Article 54 bis [supprimé] : Rapport sur l’accès des étrangers à la fonction publique

La Commission est saisie de l’amendement CS279 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Le présent amendement rétablit la demande de rapport adressée au Gouvernement sur les conditions d’emploi des étrangers extra-communautaires dans la fonction publique, supprimée par le Sénat.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 54 bis est ainsi rétabli.

Section 7
Égalité entre les femmes et les hommes 
et dispositions renforçant la lutte contre le sexisme

Article 56 ter [supprimé] : Interdiction du retrait du titre de séjour d’une personne bénéficiaire du regroupement familial et victime de violences familiales

La Commission examine l’amendement CS280 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement reprend un article de la proposition de loi de Marie-George Buffet adoptée il y a quelques mois par l’Assemblée nationale. Comme vous le savez, la France offre sa protection aux femmes victimes de violences conjugales commises au domicile, car c’est la seule façon de les inciter à dénoncer leur bourreau. Les étrangères qui portent plainte et dont l’agresseur est condamné en justice reçoivent un titre de séjour.

Si la loi du 7 mars 2016 a pris en compte non seulement les coups portés par le conjoint, mais aussi ceux donnés par un autre membre de la famille – souvent le frère, parfois la première épouse –, elle ne l’a fait que pour les étrangères conjointes d’un Français, et non pour les étrangères conjointes d’un étranger en situation régulière sur le territoire.

Nous vous proposons par cet amendement d’aligner les situations juridiques.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement ne peut que souscrire à la démarche de cet amendement : il n’y a en effet aucune raison de traiter différemment le conjoint d’un Français et celui d’un ressortissant étranger en situation régulière. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 56 ter est ainsi rétabli.

Article 56 quater [nouveau] : Inversion de la charge de la preuve dans les affaires d’agissement sexiste

La Commission est saisie de l’amendement CS323 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. L’article 56 quater, introduit à l’initiative du Sénat en dépit de l’avis défavorable du Gouvernement et de la Commission spéciale, vise à préciser que l’aménagement de la charge de la preuve s’applique aussi aux actions en justice engagées sur le fondement de l’article L. 1142-2-1 du code du travail relatif à l’agissement sexiste.

L’égalité entre les femmes et les hommes passe par la lutte contre les agissements sexistes, qui ne doivent pas être tolérés. À cette fin, il a été introduit dans la loi sur le dialogue social et l’emploi du 17 août 2015 l’interdiction des agissements sexistes dans le règlement intérieur de toutes les entreprises. Cette interdiction a également été inscrite parmi les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité.

Cependant, l’agissement sexiste est une notion juridiquement neuve, puisqu’elle vient d’être introduite dans notre droit. Nous ne savons pas encore quelle sera la pratique devant les tribunaux et il convient d’en observer la mise en œuvre. Légiférer sur ce point en alignant le régime de la preuve en matière de discrimination et celui en matière d’agissements sexistes semble prématuré. C’est pourquoi je vous propose de maintenir le texte actuel, dont l’encre est encore toute fraîche.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement doit être voté, car l’article adopté par le Sénat aboutit à une situation impossible à tenir dans un État de droit.

Le renversement de la charge de la preuve existe dans notre droit pour les affaires de discrimination : elle consiste à ce que le plaignant avance des faits, à charge pour le défenseur de prouver que son intention n’était pas coupable. C’est un bon système, car les discriminations laissent des traces sur des écrits, sur des déroulements de carrière, et auprès de collègues. Ce sont des situations répétées ou aux effets durables. Le juge peut les appréhender objectivement et le défenseur peut démontrer leur logique, s’il a agi de bonne foi.

Ce n’est pas le cas de l’agissement sexiste, infraction unique qui ne laisse pas forcément de trace et n’a pas forcément de témoin. Or, si nous inversons la charge de la preuve, comment peut-on se défendre d’une accusation malveillante ? Il est tout bonnement impossible de prouver qu’un acte n’a pas eu lieu, et l’exiger revient à ouvrir la porte à tous les abus.

Cet article traduit une bonne intention, mais il est foncièrement dangereux. Il faut le supprimer, c’est pourquoi je suis favorable à l’amendement du Gouvernement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 56 quater est supprimé.

Article 56 quinquies [nouveau] : Parité dans les instances des établissements culturels

La Commission examine l’amendement CS281 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je remercie le Gouvernement de cet amendement, adopté au Sénat, qui promeut la parité dans les établissements culturels. Cependant, une erreur de rédaction me semble devoir être corrigée.

Si une nomination viole les règles de la loi, je ne vois pas comment le nommé peut prendre part aux délibérations et potentiellement en changer le sens : cela suppose qu’on admette sa présence au mépris de la règle de parité, pourtant facile à vérifier. Si une nomination est nulle, elle est nulle. L’amendement propose donc, conformément au bon sens, que le président de l’instance constate la nullité en ouverture des travaux et demande à la personne concernée de se retirer.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 56 quinquies modifié.

Section 8
Dispositions relatives à la procédure pénale

Article 57 bis [supprimé] : Insertion de la notion d’identité de genre dans le code de procédure pénale

La Commission adopte l’amendement de coordination CS336 des rapporteurs.

L’article 57 bis est ainsi rétabli.

Article 58 : Action civile des associations étudiantes dans la lutte contre le bizutage

La Commission est saisie de l’amendement CS282 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Le Sénat a mis des obstacles à l’action en justice des associations étudiantes contre le bizutage en exigeant la délivrance d’un agrément préalable – que les sénateurs n’ont d’ailleurs pas créé, ce qui en dit long sur leur détermination en la matière. Afin d’y remédier, nous proposons avec l’amendement CS282 d’en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 58 modifié.

Article 59 : Renforcement du régime juridique de l’ordonnance de protection

La Commission adopte l’article 59 sans modification.

Article 59 bis A [nouveau] : Sanction en France de la violation de mesures de protection ordonnées par un État étranger

La Commission adopte l’article 59 bis A sans modification.

Section 9
Dispositions relatives au droit du travail

Article 60 [supprimé] : Ouverture aux associations de la capacité d’agir contre les discriminations dans l’entreprise

La Commission examine l’amendement CS283 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Le présent amendement a pour but de rétablir l’article 60 du projet de loi dans sa rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale afin que les actions de groupe en matière de discrimination au travail – dans le secteur privé comme dans le secteur public – puissent être indifféremment engagées par des organisations syndicales ou par des associations.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. C’est le rapport Pécaut-Rivolier qui a permis que l’action de groupe soit enfin reconnue en droit français, ce qui a constitué une révolution juridique. Le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, dont la promulgation est attendue prochainement, à l’issue des délais prévus pour d’éventuels recours devant le Conseil constitutionnel, fixe l’ensemble des règles applicables, en particulier dans le domaine du droit du travail. À ce stade, il ne paraît pas pertinent au Gouvernement de revenir, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, sur les dispositions adoptées par votre assemblée il y a à peine un mois.

Le groupe de dialogue interpartenaire que j’avais constitué avec M. Rebsamen, alors ministre du travail, sous l’égide de Jean-Christophe Sciberras, avait étudié la question de manière approfondie, et conclu en formulant une proposition qui laisse une place importante au dialogue social dans l’entreprise, et réserve l’intérêt à agir dans l’entreprise aux syndicats pour ce qui est de la question des discriminations. Les organisations syndicales, que nous avons à nouveau consultées, sont très attachées à ce droit permanent et exclusif qui leur serait donné.

Sachant l’intérêt que M. le rapporteur général porte à ces questions, et son implication pour défendre ce nouveau droit, je tiens à préciser que le secteur associatif n’est pas exclu du dispositif : il aura intérêt à agir – et sera tout à fait légitime à le faire – en matière de recrutement. Cela dit, le Gouvernement considère qu’au sein de l’entreprise, il est de bonne politique de laisser aux seuls partenaires sociaux le soin de s’emparer de ces questions, notamment après les débats que nous avons eus au sujet de la loi Travail.

Je répète que cette disposition fait l’objet d’un accord des partenaires sociaux, ainsi que de la commission des lois de l’Assemblée nationale, et de l’Assemblée elle-même, qui l’a exprimé par un vote il y a quelques jours.

Pour les raisons que je viens d’exposer, je souhaite donc que vous retiriez cet amendement, monsieur le rapporteur général ; à défaut, je devrai émettre un avis défavorable.

M. le rapporteur général. Tout d’abord, monsieur le ministre, ce n’est pas le rapport Pécaut-Rivolier qui a permis la reconnaissance de l’action de groupe dans notre droit. Je rappelle en effet qu’un groupe de travail, que j’ai eu la chance d’animer, a commencé à mener, avant même l’examen du projet de loi sur la consommation, une réflexion sur la création d’une action de groupe, tout d’abord transversale, puis thématique lorsque le Gouvernement nous a fait savoir qu’il ne souhaitait pas que soit créée une action de groupe transversale. Nous avons donc réfléchi parallèlement à la création de deux actions de ce type, l’une dans le domaine de la consommation, l’autre dans celui des discriminations. Du reste, le rapport Pécaut-Rivolier ne porte pas sur l’action de groupe mais sur l’action conjointe. Or les deux procédures sont différentes, que ce soit du point de vue de la réparation, de la représentation ou de l’unicité de la procédure. Quant au rapport Sciberras, je me souviens que la double page que Les Échos lui avaient consacrée m’avait glacé les sangs, puisqu’on apprenait qu’il s’agissait, en définitive, de ne plus rendre systématique quelque action collective que ce soit et que la réparation devait se faire par étapes, aux prud’hommes après validation du manquement. Bref, la procédure aurait été d’une complexité telle qu’elle aurait souvent empêché la réparation du préjudice.

Sur le fond, il existe deux rapports parlementaires sur le sujet : celui de la proposition de loi et celui du projet de loi que nous examinons. Dans le cadre de ces deux rapports, nous avons auditionné les organisations syndicales, et je tiens à votre disposition, monsieur le ministre, les échanges que j’ai pu avoir avec les services juridiques et les représentants confédéraux de l’ensemble des syndicats représentatifs. Je leur ai demandé s’ils étaient formellement opposés à ce que les associations mènent des actions de groupe, et leurs réponses correspondent à ce que nous avons écrit noir sur blanc dans ces rapports. À ce jour, je n’ai aucune trace écrite de la position du Gouvernement, malgré tout ce qui m’est dit depuis des mois sur le fait qu’il lui serait impossible de permettre aux associations d’agir en justice contre les discriminations. En tout cas, les éléments que l’on m’a fait parvenir n’expriment pas une opposition aussi claire.

Notre position a été validée à deux reprises, lors de la première lecture de la proposition de loi relative à l’action de groupe en matière de discrimination et lors de la première lecture de ce projet de loi. Nous souhaitons que les associations puissent également agir dans le cadre de l’action de groupe !

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le rapporteur général, la position des organisations syndicales a été confirmée dans les comptes rendus officiels du groupe Sciberras, que nous vous avons envoyés par voie électronique et que nous vous confirmerons par courrier.

M. le rapporteur général. Je souhaite que l’on rétablisse le texte adopté à une large majorité en première lecture et je peux, si certains le souhaitent, vous donner lecture des positions exprimées par les syndicats, notamment celle, la dernière en date, qu’un grand syndicat français m’a fait parvenir aujourd’hui à douze heures quarante-huit.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 60 est ainsi rétabli.

Article 60 bis [supprimé] : Prise en compte des actions de lutte contre les discriminations lors de l’exécution des marchés publics

La Commission examine l’amendement CS337 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit de rétablir l’article 60 bis adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, qui tend à prendre en compte les actions de lutte contre les discriminations dans les conditions d’exécution des marchés publics.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est favorable à cette disposition qui permet de mieux prendre en compte la politique menée par les entreprises en matière de lutte contre les discriminations, notamment dans l’attribution des marchés publics et leur exécution. Du reste, cette modification de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics reprend directement une proposition formulée dans le rapport du groupe de dialogue sur la lutte contre les discriminations au recrutement et dans l’entreprise remis à M. Rebsamen et à moi-même en mai 2015. Il est en effet important que les efforts des entreprises en ce domaine puissent être valorisés. Nous suggérons néanmoins une légère modification de la rédaction de l’amendement. Il conviendrait en effet que celui-ci vise à ajouter, à la première phrase du premier alinéa du I de l’article 38 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, les mots : « à la lutte contre les discriminations » après les mots : « au domaine social ou à l’emploi ». Cette formulation est plus large, et elle est limitée par la condition – « à condition qu’elle soit liée à l’objet du marché public » – posée dans l’article modifié.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. J’accepte d’avance la modification proposée par le Gouvernement et je m’engage à donner un avis favorable lorsqu’il le présentera en séance publique.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 60 bis est ainsi rétabli.

Article 61 [supprimé] : Portabilité du lundi de Pentecôte

La Commission maintient la suppression de l’article 61.

Article 61 bis [supprimé] : Formation à la non-discrimination à l’embauche

La Commission est saisie de l’amendement CS284 des rapporteurs, qui fait l’objet du sous-amendement CS342 du Gouvernement.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’amendement tend à rétablir la formation obligatoire à la non-discrimination à l’embauche des employés chargés de missions de recrutement dans les entreprises de taille significative. Cet enjeu est pris en considération par un grand nombre de sociétés vertueuses, mais il ne l’est pas par toutes les entreprises. L’intervention de la loi est donc nécessaire pour dépasser ces manifestations de bonne volonté, que je salue par ailleurs.

J’annonce d’ores et déjà que je suis favorable au sous-amendement CS342 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Ce sous-amendement vise à porter de 50 à 300 salariés le seuil à partir duquel les entreprises doivent mettre en place des formations à la non-discrimination à l’embauche pour leurs employés. Ce seuil me paraît plus adapté, dans la mesure où seront concernées les entreprises capables d’assumer de telles charges.

M. Julien Dive. Le sous-amendement du Gouvernement apaise mes inquiétudes, car, je le rappelle, une entreprise de 51 salariés est une PME dont le responsable des ressources humaines est parfois le patron lui-même, lequel aurait donc été contraint de suivre cette formation. Toutefois, je déplore le caractère obligatoire de cette formation. Que des initiatives soient prises dans ce domaine, ici ou là, c’est louable. Mais les chefs d’entreprise sont là pour créer de la valeur, de l’emploi, de la croissance, et non pour réparer, le cas échéant, les erreurs qu’auraient commises certains de leurs collaborateurs en opérant une discrimination à l’embauche. En tout état de cause, il existe déjà un arsenal juridique pour sanctionner les personnes, y compris certains responsables du recrutement ayant ce type de comportements.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. La formation est, certes, obligatoire, mais elle s’adresse aux employés chargés des missions de recrutement.

M. Julien Dive. Elle n’est pas gratuite !

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Les entreprises, si je ne m’abuse, cotisent pour la formation de leurs salariés, et la formation à la non-discrimination peut entrer dans ce cadre : il s’agit d’une nouvelle compétence. J’ajoute que, si le sous-amendement du Gouvernement est adopté, les entreprises concernées auront une taille suffisante pour assumer cette charge.

M. Yves Blein. Rien n’empêche l’entreprise d’inscrire cette formation dans son plan de formation, n’est-ce pas ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Absolument.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. J’ajoute que Mme El Khomri et moi-même avons reçu un rapport de France Stratégie qui révèle que les discriminations représentent, pour la société, un coût de 150 milliards d’euros : s’il n’y avait pas de discriminations, notre produit intérieur brut serait augmenté d’autant. Les discriminations sont un fléau, reconnu comme tel par tous, contre lequel il faut se donner les moyens de lutter. Tel est, me semble-t-il, l’objet de cet amendement, très important pour la qualité de notre économie. La discrimination à l’embauche est une réalité, qu’elle frappe les femmes ou les jeunes des quartiers.

M. Julien Dive. Je ne nie pas l’existence de discriminations. Ce qui me gêne, encore une fois, c’est le caractère obligatoire de cette formation. Si elle peut être intégrée au plan de formation, très bien. Mais ce qui tue nos entreprises, ce sont ces obligations administratives qu’on leur impose constamment. Nous, parlementaires, devons en avoir conscience et être à l’écoute des chefs d’entreprise.

M. Xavier Breton. Je partage l’opinion de M. Dive. Plutôt que de faire de la lutte contre les discriminations une cause partagée et encouragée, on vous dit, un peu comme dans Le Meilleur des mondes, ce qu’il faut faire et penser. On ne fait pas appel à la liberté et à la responsabilité des acteurs économiques, et c’est dommage.

La Commission adopte le sous-amendement CS342.

Puis elle adopte l’amendement CS284 sous-amendé.

L’article 61 bis est ainsi rétabli.

Article 61 ter A [nouveau] : Élargissement de la mission de la médecine du travail aux cas de violences sexistes et sexuelles subies sur le lieu de travail

La Commission est saisie de l’amendement CS324 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cet amendement tend à supprimer l’article 61 ter A, qui vise à ajouter, parmi les missions du médecin du travail, une mission relative à la protection des femmes. L’énumération détaillée ainsi introduite n’a pas lieu d’être dans l’article L. 4622-3 du code du travail, qui définit de manière succincte les missions du médecin du travail. Qui plus est, elle étend le champ de compétence du médecin du travail à des risques qui ne sont pas liés au milieu ou aux conditions de travail.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure thématique, la Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 61 ter A est supprimé.

Article 61 ter [supprimé] : Inclusion économique des personnes résidant dans un quartier prioritaire

La Commission maintient la suppression de l’article 61 ter.

Section 10
Dispositions diverses et finales

Article 62 [supprimé] : Reddition de comptes non financiers par les entreprises

La Commission examine les amendements identiques CS285 des rapporteurs et CS344 du Gouvernement.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Nous avons adopté, en première lecture, une transposition partielle de la directive européenne du 22 octobre 2014 sur le reporting des entreprises en matière de politique interne de lutte contre les discriminations. À ce travail forcément incomplet, le Gouvernement a souhaité adjoindre, en séance publique, une disposition l’habilitant à transposer cette directive par ordonnance, ce que nous avons volontiers accepté. Le Sénat aurait pu perfectionner notre rédaction, mais il a préféré la supprimer purement et simplement. Je le déplore, car une telle pratique du bicamérisme ne présente guère d’avantages. Quoi qu’il en soit, l’ordonnance du Gouvernement ayant vocation à satisfaire nos objectifs, nous vous proposons de rétablir l’article 62.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement a déposé un amendement identique afin que nous nous entourions de toutes les précautions s’agissant du processus constitutionnel qui pourrait nous être opposé pour des raisons liées à la procédure des ordonnances.

L’amendement CS285 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS344.

L’article 62 est ainsi rétabli.

Article 63 [supprimé] : Fonds de participation au soutien des initiateurs d’actions de groupe

La Commission examine l’amendement CS338 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement tend à rétablir, en l’améliorant, la disposition que nous avions adoptée en première lecture. Nous avions en effet proposé de créer un fonds de participation au financement des actions de groupe, mais nous nous étions un peu avancés, notamment sur les modalités du dispositif financier que nous avions retenu. Nous proposons donc, pour prendre en compte les principes constitutionnels de précision de la loi pénale et de réparation intégrale des préjudices civils, que ce fonds soit alimenté par une majoration des amendes prononcées par les juridictions répressives saisies dans le cadre d’actions de groupe. Ce faisant, nous reprenons le dispositif de suramende prévu par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, dite « loi Urvoas », dispositif auquel le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à redire.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Je rappelle que l’article 68 de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle dispose que « le juge peut également condamner le défendeur au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par le demandeur à l’action. » Cette disposition permet de financer les frais d’avocat, de sorte que votre amendement, monsieur le rapporteur général, nous paraît superfétatoire. Cette procédure collective de liquidation pourra être suivie lorsque le demandeur à l’action le demande et que les éléments produits ainsi que la nature des préjudices le permettent.

Enfin, de manière plus pragmatique, il n’est pas certain qu’un prélèvement sur le montant des réparations allouées tel que vous le proposez suffise à alimenter suffisamment et à faire fonctionner un fonds de garantie digne de ce nom. Je rappelle en effet que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, dont vous vous inspirez, est abondé, chaque année, à hauteur de 380 millions d’euros par la branche « Accidents du travail » de la sécurité sociale.

Enfin, je suis dubitatif, voire inquiet, face aux effets induits par une telle mesure. De fait, un fonds de participation aura nécessairement un effet incitatif, comme on le constate actuellement au Québec. Or notre vision de l’action de groupe diffère de celle qui prévaut dans ce pays : elle est un dernier recours, ce qui a d’ailleurs sous-tendu le rôle des avocats dans cette procédure nouvelle.

Pour ces différentes raisons, de fond et pratiques, j’émettrai un avis défavorable.

M. le rapporteur général. Je dois dire que je suis quelque peu désarçonné par vos arguments, monsieur le ministre. Tout d’abord, le dispositif que nous vous proposons – qui, encore une fois, s’inspire de celui de la loi « Urvoas » – serait superfétatoire s’il intervenait à l’issue de la procédure. Or il s’agit d’y recourir avant d’entamer la procédure. Actuellement, dans notre pays, une personne sur deux est victime de discrimination, parce qu’elle est noire, parce qu’elle est une femme, parce qu’elle a telle orientation sexuelle ou parce qu’elle est en situation de handicap. Or ces personnes renoncent à agir en justice parce que c’est compliqué et que cela coûte trop cher. C’est pourquoi nous avons souhaité instituer une action de groupe et vous proposons à présent qu’elle soit financée par un dispositif qui interviendrait avant, et non à la fin de la procédure comme le permet la disposition que vous avez citée.

Ensuite, je viens d’indiquer que nous avons renoncé à alimenter le fonds par un prélèvement sur le montant des réparations parce que nous savons qu’un tel prélèvement porterait atteinte au principe constitutionnel de la réparation intégrale du préjudice. Nous lui avons préféré un dispositif de suramende, inspiré de celui qu’a proposé et adopté la commission des Lois dans un autre cadre.

Enfin, je rappelle que l’idée de cette disposition, dont je rappelle qu’elle a été votée très majoritairement en première lecture, est née lors de nos auditions, et je ne pense pas seulement à celle du Défenseur des droits qui, dans un rapport sur l’application de la loi « Consommation » du 17 mars 2014 publié la semaine dernière, dresse un bilan des premières procédures d’action de groupe et nous invite à créer un tel dispositif.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le rapporteur général, pourquoi ne pas avoir fait adopter cette disposition dans le cadre du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle ?

M. le rapporteur général. C’est vrai, les deux textes ont été examinés concomitamment. Mais faut-il, dans ce cas, interdire les amendements financiers en dehors des lois de finances, les amendements relatifs à la santé en dehors du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou ceux relatifs à l’agriculture en dehors d’une loi spécifiquement consacrée à l’agriculture ? Telle n’est pas notre philosophie. J’ajoute que ce que nous faisons ici en matière d’action de groupe est parfaitement transparent, puisque j’ai précisé, lors de l’examen du projet de loi sur loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, que nous traiterions de cette question dans ce texte.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je ne veux pas polémiquer avec vous, monsieur le rapporteur général, mais il me semble que la loi sur la modernisation de la justice, qui a été votée il y a un mois, aurait été le véhicule le plus adapté au dispositif que vous proposez, notamment pour des raisons de lisibilité politique.

M. le rapporteur général. Je suis d’accord.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 63 est ainsi rétabli.

Article 63 bis [supprimé] : Naturalisation des « oubliés » de Madagascar

La Commission examine l’amendement CS212 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement, qui comporte deux parties, vise tout d’abord à rétablir la procédure de naturalisation dérogatoire au bénéfice de ceux que l’on appelle les « oubliés » de Madagascar, privés de nationalité par les aléas de l’histoire au moment de la décolonisation. Nous savons que le Gouvernement s’est engagé dans une démarche prometteuse de règlement de leurs difficultés au cas par cas, mais nous souhaitons qu’il puisse nous apporter en séance publique, et de manière solennelle, les éléments les plus récents avant de renoncer à notre dispositif.

Dans sa seconde partie, notre amendement tend, à la suite des travaux de notre collègue Patrick Mennucci, à reconnaître les événements tragiques du 17 octobre 1961.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cet amendement comporte en effet deux dispositions portant sur des sujets différents. La première concerne les « oubliés » de Madagascar. En première lecture, le ministre de l’intérieur vous avait fait part de sa volonté de faire procéder à un examen au cas par cas de la situation particulière de ces personnes dans le cadre des dispositions actuelles du code civil. Cet examen est en cours. Les services du ministère de l’intérieur nous ont indiqué que les échanges étaient constructifs et que, conformément aux engagements pris par le ministre de l’intérieur, plusieurs de ces personnes ont été reçues au consulat de France à Antananarivo. Les premiers postulants ont déjà été reçus par le consulat le 4 novembre dernier, et les rendez-vous s’échelonneront dans les semaines qui viennent. Les premiers dossiers permettent d’ores et déjà d’envisager des naturalisations. La première d’entre elles devrait pouvoir intervenir dans un décret de naturalisation à paraître dans le courant de la semaine du 14 novembre. Les vingt-cinq candidats de la première vague verront l’examen de leur dossier achevé avant la fin de l’année. L’étude de l’ensemble des dossiers sera achevée avant la fin du premier trimestre 2017. Telles sont les informations que m’a transmises le ministère de l’intérieur. Comme vous le constatez, la volonté du Gouvernement est d’apporter une réponse rapide, efficace, définitive à la situation des « oubliés » de Madagascar, sans même qu’une disposition législative ad hoc soit nécessaire. Pour ces motifs, je vous suggère de retirer votre amendement et d’en reporter l’examen à la séance publique.

J’en viens à la seconde partie de l’amendement, qui porte sur la reconnaissance, dans la loi, de la responsabilité de la France dans les événements tragiques du 17 octobre 1961. Cinquante et un ans après, le 17 octobre 2012, le Président de la République a reconnu les faits. Je suis particulièrement sensible à la mémoire de ce jour tragique où des manifestants algériens qui réclamaient légitimement l’indépendance de leur pays ont rencontré un funeste préfet dont chacun se souvient du nom. Les faits sont établis, mais on ne connaît toujours pas le nombre exact des personnes qui ont trouvé la mort ce jour-là. Toutefois, je ne veux pas nourrir de faux espoirs : en n’intervenant qu’en nouvelle lecture – au prix, disons-le, d’un artifice procédural qui démontre une grande capacité d’imagination de votre part –, la reconnaissance que vous proposez est très vraisemblablement vouée à la censure constitutionnelle. Une proposition de loi ayant le même objet a été déposée par M. Mennucci ; elle doit permettre un débat serein. Pour toutes ces raisons, madame la rapporteure, je vous suggère de retirer votre amendement.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Nous entendons vos arguments, monsieur le ministre, notamment concernant les « oubliés » de Madagascar. Nous allons donc retirer l’amendement, que nous redéposerons en séance publique afin que vous nous fassiez part, monsieur le ministre, de l’avancée des dossiers.

L’amendement est retiré.

La Commission maintient la suppression de l’article 63 bis.

Article 66 [supprimé] : Rapport sur l’application et l’opportunité d’une suppression de deux textes réglementaires à vertu historique

La Commission maintient la suppression de l’article 66.

Article 67 bis [nouveau] : Coordination pour la création de la carte mobilité inclusion

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS286 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 67 bis modifié.

Article 68 [supprimé] : Interdiction de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant dans l’exercice de l’autorité parentale

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS287 des rapporteurs et CS42 de Mme Édith Gueugneau, et l’amendement CS112 de Mme Édith Gueugneau.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’amendement vise à rétablir l’article 68, qui prévoit que l’autorité parentale exclut tout recours aux violences corporelles sur les enfants. Il s’agit d’une règle de droit civil, dénuée de portée pénale, qui a vocation à être lue aux couples par l’officier d’état civil au moment des célébrations du mariage. Cette disposition symbolique a une portée pédagogique : le recours aux violences corporelles n’est pas admissible dans notre République.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Comme en première lecture, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte les amendements CS287 et CS42.

En conséquence, l’amendement CS112 tombe.

L’article 68 est ainsi rétabli.

Article 69 [supprimé] : Contenu du rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme

La Commission maintient la suppression de l’article 69.

Article 70 [supprimé] : Précisions sur l’objectif d’égal accès à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs

La Commission est saisie de l’amendement CS95 de Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Cet amendement propose de rétablir l’article 70 et vise à renforcer la lutte contre les exclusions, notamment celles subies par des personnes vivant dans l’isolement et la précarité. Il propose de permettre leur accès à certaines activités, en ajoutant la pratique sportive et culturelle, ainsi que l’offre culturelle locale dans les objectifs prévus par l’article 140 de la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Des actions avec les associations pourraient être engagées dans ce sens.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 70 est ainsi rétabli.

TITRE IV [nouveau]
Application outre-mer

Article 71 [nouveau] : Application outre-mer

La Commission adopte successivement les amendements de coordination CS289 à CS291 des rapporteurs, l’amendement CS332 du Gouvernement ayant reçu un avis favorable des rapporteurs, l’amendement CS292 des rapporteurs, les amendements CS333 et CS334 du Gouvernement ayant reçu un avis favorable des rapporteurs, l’amendement CS237 des rapporteurs, l’amendement CS327 du Gouvernement ayant reçu un avis favorable des rapporteurs et l’amendement CS293 des rapporteurs.

La Commission adopte l’article 71 modifié.

Elle adopte enfin l’ensemble du projet de loi modifié.

La séance est levée le mercredi 9 novembre 2016 à zéro heure cinquante-cinq.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté »

Réunion du mardi 8 novembre 2016 à 21 heures 30

Présents. – M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Marie-Anne Chapdelaine, Mme Valérie Corre, M. Pascal Demarthe, M. Julien Dive, M. Jean-Patrick Gille, M. Razzy Hammadi, Mme Gilda Hobert, M. Régis Juanico, Mme Anne-Christine Lang, Mme Annick Lepetit, Mme Audrey Linkenheld, Mme Maud Olivier, M. Arnaud Viala

Assistaient également à la réunion. – M. Paul Molac, M. Roger-Gérard Schwartzenberg