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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 8 février 2017

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 9

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), et de Mme Patricia Chantin, directrice adjointe du cabinet du directeur général, responsable des relations parlementaires et institutionnelles

La séance est ouverte à 16 heures 15.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), et de Mme Patricia Chantin, directrice adjointe du cabinet du directeur général, responsable des relations parlementaires et institutionnelles.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Chers collègues, à la fin du mandat de cette délégation, pendant lequel nous avons beaucoup travaillé, j’ai souhaité faire un bilan du travail que nous avons produit. Ce bilan porte sur les deux aspects du travail du Parlement : un volet législatif, qui regroupe les mesures que nous avons votées ; et un volet consacré à l’évaluation des politiques publiques, car les députés ont le droit et le devoir d’évaluer ces politiques et l’application des lois qu’ils ont votées.

Nous souhaitions rencontrer la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), rouage important de la politique familiale, donc des droits des femmes. La qualité de l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle est un des éléments qui déterminent les inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel.

Notre délégation a notamment travaillé sur la politique d’accueil du jeune enfant et le congé parental, avec la création de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PREPARE), ainsi que sur l’aide aux familles monoparentales nous tenait aussi spécialement à cœur.

Concernant d’abord l’accueil du jeune enfant : c’est un sujet fondamental, car c’est la possibilité pour les femmes qui viennent d’avoir un enfant de trouver rapidement des solutions d’accueil proches de leur domicile, commodes en termes d’horaires et d’accessibilité, qui leur permettent de reprendre le travail et de faire progresser leur carrière.

Notre volonté d’obliger les pères à prendre un congé a parfois été mal comprise. Nous avons constaté que nombre de femmes subissent une discrimination à l’embauche vers trente ans, parce que les employeurs pensent que les femmes à cet âge prendront un congé maternel et auront un enfant. Nous constatons donc des discriminations nettes à l’embauche. Notre idée était d’amener les pères à prendre leur part de congé, mais aussi de changer les mentalités et d’amener les employeurs à penser que les pères, eux aussi, peuvent prendre un congé parental.

Connaissez-vous le nombre de pères bénéficiaires de la PREPARE ?

Pourriez-vous nous dire si le plan crèches a abouti, et si le nombre de places attendues entre 2012 et 2016 a effectivement vu le jour ? Est-ce que les nouvelles formules de garde ont été utilisées massivement ? En fin de mandat, j’ai reçu plusieurs projets de création de maisons d’assistantes maternelles. Est-ce une coïncidence, ou avez-vous constaté cette tendance ?

M. Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales. Cet exercice est une excellente idée. J’accompagnais la conseillère du Président de la République en Allemagne il y a quinze jours pour y échanger sur les politiques familiales. Rapidement, nous en sommes venus à ce point devenu essentiel pour la politique des familles : l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. L’intitulé du ministère de Laurence Rossignol en atteste : « Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes. » Cette association de termes, qui a pu sembler étrange à certains, répond en fait à un objectif principal des politiques familiales.

Les objectifs assignés aux politiques familiales ont évolué au cours du temps. Avant la Seconde Guerre mondiale, leur visée était essentiellement nataliste, ce qui n’a pas disparu puisque nous gardons un des taux de fécondité les plus élevés d’Europe, qui assure le renouvellement des générations. Puis ces politiques ont accompagné la croissance, lorsque les prestations familiales constituaient un élément essentiel du revenu, c’est moins le cas aujourd’hui. À partir des années 1970 est apparu l’objectif de concilier vie familiale et vie professionnelle. Cela explique que la France connaisse concomitamment un taux de natalité élevé et un taux d’activité féminin parmi les plus élevés d’Europe. Dans les années 1980-1990, l’objectif de lutte contre la précarité a gagné en importance. Or 60 % des familles en situation précaire sont des familles monoparentales, et dans 85 % des cas, les familles monoparentales sont formées par la mère et ses enfants.

Aujourd’hui, l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et non la simple égalité de droit, est devenue un objectif prioritaire. Cette préoccupation est partagée par les Allemands, bien qu’ils n’aient pas du tout la même histoire des politiques familiales. En dix ans, ils ont créé 400 000 places de crèche, ils ont mis en place un système de congé parental utilisé à 30 % par les pères – nous sommes loin de ces chiffres – et ils ont instauré un droit opposable à une place en crèche qui repose sur les communes.

Vous avez raison, madame la présidente, de signaler que les politiques publiques ne se limitent pas aux mesures législatives et à leur application. L’action de la branche famille dans ce domaine est encadrée par la convention d’objectifs et de gestion (COG), qui n’a pas de caractère législatif et qui est dans sa dernière année. Au-delà des mesures législatives, il est donc important d’évaluer les autres formes des politiques publiques.

La COG avait un objectif extrêmement ambitieux d’accès aux dispositifs d’accueil de la petite enfance, et nous avons mis en place plusieurs réformes législatives et réglementaires, dont la PREPARE, mais aussi d’autres comme la garantie des impayés de pension alimentaire.

Nous n’avons pas encore de bilan définitif de la PREPARE, ses effets réels ne commenceront à se faire sentir qu’à partir du mois d’avril 2017. Elle peut être perçue 36 mois si les deux parents décident d’y recourir, ou 24 mois au maximum si seul l’un des deux parents en bénéficie.

La CNAF anime l’Observatoire de la petite enfance, dont je vous ai apporté le rapport 2016 et la lettre annuelle. La prochaine lettre annuelle, en juin 2017, sera consacrée aux premiers résultats de l’exercice 2016 et en partie aux résultats de l’exercice 2015.

Le bilan dressé dans la dernière lettre annuelle n’est pas très positif, mais l’on sait toutefois que le taux de pères bénéficiaires est passé de 2,5 % en 2010 à 5,1 % en 2016 pour le rang 1, c’est-à-dire pour le premier enfant. Si nous constatons un doublement du recours des pères depuis 2010, nous ne savons pas du tout si cela résulte de la mise en place de la PREPARE. Par ailleurs, le recours au congé parental avait commencé à diminuer avant la mise en place de la PREPARE.

Je rappelle que le Conseil d’administration de la CNAF, dans sa majorité, avait exprimé un avis négatif sur cette réforme, non pas sur le principe du partage du congé entre pères et mères, mais parce que compte tenu des pesanteurs sociologiques, elle contribuerait à diminuer la durée du congé parental.

Dans une contexte générale de diminution du recours au congé parental, que l’on constate depuis 2010, la part des pères ayant recours au congé parental augmente donc, mais elle augmente extrêmement lentement. C’est à partir d’avril 2017 que nous pourrons estimer les effets plus réels de la PREPARE : c’est à ce moment que nous verrons si le congé des mères, qui ont pris 24 mois, est prolongé par un congé de 12 mois pour les pères. Il y en aura sûrement, mais il est peu probable qu’il s’agisse de gros bataillons.

Le dispositif mis en place en Allemagne porte sur des périodes plus courtes, avec des montants de revenu de remplacement plus élevés. Il faudra que nous utilisions les comparaisons internationales au moment de dresser le bilan de cette réforme. Celle-ci a sûrement eu un effet, mais on ne peut pas vraiment le mesurer, et en tout état de cause il sera faible.

S’agissant des enfants de rangs 2 et plus, l’effet est moins important : le taux de pères prenant ce congé passe de 3,6 % en 2010 à 4,1 % en 2015.

En ce qui concerne la politique d’accueil du jeune enfant, la COG prévoyait 275 000 solutions d’accueil supplémentaires – les termes sont un peu ambigus – réparties en raison de 100 000 solutions d’accueil en « Équipement d’accueil du jeune enfant » (EAJE), 100 000 solutions d’accueil individuelles et 75 000 places en classes passerelle ou en préscolarisation.

La préscolarisation a connu une baisse très importante entre 2000 et 2012. Il y a eu un ressaut en 2012, puis une stabilisation, mais nous n’avons pas vu de croissance significative. En tout état de cause, nous sommes loin des 75 000 places prévues.

Mme la présidente. Il faut faire attention car nous ne parlons pas tout à fait de la même chose. Pendant longtemps, il y a eu une politique très forte d’accueil des enfants de deux ans à l’école maternelle classique, avec une maîtresse, un ATSEM (Agent territorial spécialisé des écoles maternelles) et un groupe d’enfants. Cet accueil a fortement chuté entre 1995 et 2010 ; dans mon département, nous avons dû passer de 40 % d’enfants de deux ans scolarisés à 14 %.

La proposition qui est faite maintenant est celle de l’accueil dans des classes passerelles : dans l’école, un encadrement intermédiaire entre la crèche, où l’encadrement est excessif pour des enfants de deux à trois ans, et l’école où il n’y a que deux adultes. À mes yeux, la classe passerelle est une très bonne solution.

Mme Maud Olivier. La chute spectaculaire dont vous faites état trouve son origine dans le fait que moins de moyens ont été mis à disposition. Ce n’est pas parce que les familles ne souhaitaient pas que leurs enfants aillent en maternelle, mais les écoles maternelles n’acceptaient plus les enfants parce qu’elles n’en avaient plus les moyens.

M. Daniel Lenoir. Entre 2000 et 2012, le nombre d’enfants de moins de trois ans accueillis en préscolarisation à l’école maternelle a chuté d’environ 820 000 à environ 760 000 : ce sont donc 60 000 enfants accueillis en moins durant cette période. Mais c’est l’éducation nationale qui gère ces programmes, je ne suis donc pas capable de distinguer l’accueil en classe maternelle de l’accueil en classes passerelles.

Mme la présidente. Je défendais la classe passerelle car je pensais que les moyens de la CAF pouvaient être affectés aux classes passerelles. On pourrait ainsi soulager l’éducation nationale, qui n’aurait pas à consacrer tous les moyens pour accueillir les enfants de deux ans. La CAF, qui apporte une aide pour l’accueil des enfants jusqu’à l’âge de trois ans, pourrait transférer cette aide au bénéfice de l’éducation nationale, pour les enfants en classes passerelles.

Si nous voulons atteindre nos objectifs, nous devons utiliser des formules souples et moins onéreuses, développées par plusieurs acteurs : communes, ministère, CAF... Si l’on attend d’avoir des places de crèche pour tous les enfants de zéro à trois ans, nous n’y arriverons pas. Dans les crèches, l’encadrement est trop important pour des enfants de deux à trois ans. Un même taux d’encadrement pour des enfants de trois ans et des enfants de six mois n’est pas nécessaire.

M. Daniel Lenoir. Le fait est que les classes passerelles ne se sont pas développées, et la responsabilité de développer cet accueil à l’école maternelle incombe à l’éducation nationale.

L’année dernière, nous avons essayé de relancer cette forme d’accueil, avec les deux ministres concernés, dans les quartiers prioritaires. Je ne suis pas sûr que cela ait produit un effet massif. Un effet symbolique certainement, parce que ce n’était pas seulement important pour l’accueil des enfants, mais aussi pour la mixité sociale et la socialisation des enfants. Mais si l’on regarde les chiffres, il n’y a pas eu d’augmentation significative de l’accueil en classes maternelles.

Mais je vous rejoins complètement pour constater la nécessité de modes d’accueil diversifiés : le dispositif ne peut pas reposer uniquement sur les crèches. Bien que lorsque l’on demande aux parents quel est le mode d’accueil qu’ils préfèrent, la crèche arrive en première position. L’objectif d’accueillir 75 000 enfants en classe passerelle ou en classe classique d’école maternelle était à l’évidence trop ambitieux.

Aujourd’hui, 17 % des enfants sont accueillis en EAJE ; ce chiffre est en forte augmentation. D’une part, la demande d’accueil en crèche est forte ; d’autre part l’actuelle COG a permis une augmentation importante de l’accueil en EAJE, en ligne avec les objectifs affichés. Parallèlement, le recours à l’accueil individuel est moins important, sans que l’on puisse pour l’instant connaître les causes de cette baisse.

En 2014, 33 % des enfants entre zéro et trois ans étaient accueillis par des assistantes maternelles agréées, 17 % en EAJE, 4 % en école maternelle et 1,7 % par des salariés à domicile. Au total, 56 % des enfants sont accueillis dans des modes de garde formels. Ce chiffre était de 50 % en 2010, et en 2015 il sera encore supérieur. Des places de crèche se sont donc créées, mais pas autant que nous l’aurions souhaité, car il y a eu une forme de substitution entre l’accueil individuel et les places de crèche. Le désir des parents est principalement l’accueil en mode de garde collectif.

Cela laisse à penser que le besoin de mode de garde formel atteint, dans certaines situations, son maximum. Des raisons liées au marché de l’emploi peuvent expliquer que les parents soient plus disponibles pour garder leurs enfants et aient moins de revenus pour payer des places de crèche. La garde familiale, notamment par les grands-parents, augmente également. En outre, une même famille peut recourir à plusieurs types de garde : un accueil collectif, un accueil individuel et un accueil familial pour ses différents enfants.

En ce qui concerne les objectifs de la COG, nous n’atteindrons pas les 100 000 places d’accueil individuel supplémentaires, puisque le recours à l’accueil individuel diminue. Ce n’est pas une question de capacité, car il y a beaucoup d’assistantes maternelles, mais il y a un changement des pratiques avec une diminution du recours à ce type d’accueil individuel.

L’objectif de 100 000 places supplémentaires en EAJE sera atteint, et nous allons peut-être même le dépasser. Nous estimons qu’en fin de COG, la capacité d’accueil en EAJE aura augmenté de 125 000 places. Même si les chiffres pour 2016 s’avéraient moins bons que ce que nous imaginions, ce chiffre ne changera pas fondamentalement.

Nous avons connu des phénomènes contradictoires. Dans le cadre de la COG, à la fin 2015, le nombre de places en crèche a augmenté d’environ 42 000. La capacité d’accueil a donc augmenté, mais le recours, en nombre d’heures, a diminué. Du fait du mode de calcul de la COG, on pourrait penser que le nombre de places d’accueil s’est réduit, mais en réalité, en début de COG, nous accueillions 2,5 enfants par berceau, et nous sommes plutôt à 2,6 enfants par berceau aujourd’hui, car le nombre d’heures auxquelles recourent les parents a diminué de près de dix heures.

Avec 2,5 enfants par berceau et 40 000 places nettes, nous allons donc dépasser les 100 000 enfants accueillis. Il s’agit des places financées sur la prestation de services, c’est-à-dire par le Fonds national d’action sociale. La part de ce fonds consacrée au financement des EAJE est d’ailleurs passée de 2,3 milliards en 2011 à plus de 3 milliards aujourd’hui. Il a donc augmenté de 30 %, ce qui représente un effort considérable. Le budget du Fonds national d’action sociale de la CNAF a augmenté à un rythme de 4,5 % ou 5 % par an, certes moins que ce qui était autorisé par la COG, mais cela reste très supérieur à beaucoup de budgets publics.

Nous avons donc connu une augmentation importante sur la base de la prestation de services unique, dont le mode de calcul fait parfois objet de débats avec l’Association des maires de France et un certain nombre de crèches. Mais en parallèle, des micro-crèches se sont développées, financées sur le complément mode de garde (CMG). En fait, on ne finance pas les micro-crèches, on paie les parents qui ont une place en micro-crèche et bénéficient à ce titre du complément mode de garde. Aujourd’hui, tous les ans, 5 000 enfants de plus sont accueillis grâce à ce mode de financement.

C’est une bonne chose, qui permet de créer des capacités supplémentaires, mais les promoteurs de ces structures sont parfois tentés de contourner la réglementation en installant deux ou trois micro-crèches les unes à côté des autres. Nous nous efforçons d’y remédier, mais le contrôle ne dépend pas de nous mais des services de protection maternelle et infantile. Une micro-crèche représente 10 places. En installant trois micro-crèches dans une même zone, on arrive à 30 places, l’équivalent d’une crèche et les normes d’encadrement des micro-crèches ne sont pas les mêmes que celles des crèches…

Mme la présidente. Y a-t-il des grandes inégalités en fonction des territoires ?

M. Daniel Lenoir. Oui, il existe une très forte hétérogénéité des capacités d’accueil globales, mais aussi des capacités d’accueil selon les différents modes d’accueil. La capacité moyenne d’accueil est de 56 %, mais elle cache des disparités territoriales très élevées : le taux d’accueil global est de 85 % en Haute-Loire, et de 20 % en Seine-Saint-Denis en 2013. D’autre part, dans des régions entières, le mode d’accueil peut être principalement individuel, c’est le cas de la Bretagne qui compte assez peu de crèches.

Pour y remédier, dès 2013-2014, nous avons mis en place des schémas départementaux d’accueil de la petite enfance et des services aux familles. Mais il a été compliqué de mettre en place la gouvernance de ces schémas départementaux, car le projet de la ministre de l’époque était de fusionner deux commissions dont l’une est d’origine législative – la commission départementale de l’accueil des jeunes enfants (CDAJE) – et l’autre est autonome – la commission de parentalité. J’en avais discuté avec Dominique Bertinotti lorsqu’elle était ministre : créer une commission par voie législative n’était peut-être pas nécessaire et de toute façon, cette mesure aurait dû prendre place dans une loi sur la famille qui n’a jamais été déposée.

Quoi qu’il en soit, nous avons démontré qu’il n’était pas besoin de loi pour mettre en place une commission où les partenaires se rencontrent. Nous avons donc préfiguré ce dispositif dans dix-sept départements en demandant aux préfets de réunir les principaux partenaires : la CAF, le conseil départemental, les communes et les partenaires que sont les associations familiales, les différentes fédérations représentatives des crèches associatives ou privées, etc. Sur la base de ces dix-sept tests, Laurence Rossignol a souhaité généraliser ces schémas départementaux, en demandant à l’ensemble des préfets de prendre l’initiative d’inviter les présidents des conseils départementaux. Ces derniers étaient parfois réticents, considérant qu’il s’agissait de leur compétence exclusive. Mais s’agissant d’un domaine de compétence partagé, si nous souhaitons élaborer un schéma, il est préférable que tous les acteurs intéressés soient autour de la table.

Aujourd’hui, soixante-huit départements sont couverts par un schéma départemental. Dans une dizaine d’autres, il est en cours de signature. Il reste seulement une vingtaine de départements qui n’ont pas encore pris cette initiative, pour des raisons de contexte local. Nous espérons que l’année 2017 permettra de couvrir l’ensemble du territoire, bien que le contexte sera sans doute moins propice.

Ces schémas départementaux ont permis d’identifier les zones prioritaires et de moduler les aides en fonction de ces zones. En conséquence, entre 2013 et 2015, 61 % des décisions de financement de places nouvelles ont concerné ces zones prioritaires. Le taux de couverture nationale a progressé, il a dépassé 56 %, nous verrons s’il continue à croître à l’avenir. Nous n’avons aucune maîtrise sur le taux de recours des parents et il est possible qu’un grand nombre de places de crèches soit créé, mais que le taux de couverture reste inchangé. Des schémas territoriaux extrêmement ambitieux, comme en Seine-Saint-Denis où le département s’est investi financièrement, ont permis d’augmenter la capacité d’accueil. Nous atteindrons donc sans difficulté l’objectif d’augmenter de 100 000 places la capacité d’accueil et nous allons le dépasser grâce aux 25 000 places en micro-crèches financées par le complément mode de garde.

Toutefois, nous ne maîtrisons pas les décisions d’implantation des micro-crèches. En s’installant dans une zone où l’offre est déjà suffisante, elles risquent de déstabiliser l’offre locale.

Un objectif de mixité sociale nous est aussi assigné ; j’ai d’ailleurs conclu avec l’AMF un dispositif qui va nous permettre de suivre précisément le profil des familles accueillies en crèche. L’objectif d’accueillir 10 % de familles en situation de précarité sera atteint sans difficulté, pour la simple raison qu’il était probablement déjà atteint lorsque nous avons signé la COG. Mais les micro-crèches CMG peuvent avoir un effet d’éviction nuisible à cette mixité sociale et de déstabilisation économique des crèches existantes, car l’offre n’étant pas illimitée, si des familles se tournent vers les micro-crèches, des crèches municipales ou associatives auront peut-être des problèmes de remplissage.

Les micro-crèches sont donc une bonne nouvelle, mais dans certains cas limités, elles peuvent créer des difficultés locales.

Mme la présidente. Vous ne pouvez pas vous opposer à l’ouverture d’une micro-crèche dans une zone où une crèche n’est pas remplie ?

M. Daniel Lenoir. L’ouverture d’une micro-crèche relève d’une autorisation conditionnée par le respect des normes et les schémas départementaux ne sont pas opposables. Je ne pense d’ailleurs pas que ce serait une bonne idée. Cela permet donc, dans certains cas peu nombreux, de détourner les normes, puisque l’ouverture de trois micro-crèches permet d’éviter d’ouvrir une crèche. Le problème principal est le risque de déstabilisation de certaines situations.

Pour en revenir à la diversité des modes de garde, la principale priorité de la COG sur l’accueil maternel était le développement des relais d’assistantes maternelles. Ils permettent aux assistantes maternelles de bénéficier d’un appui, de se retrouver et de développer leurs compétences. Nous atteindrons les objectifs en la matière.

En revanche, le développement des maisons d’assistantes-maternelles, dans lesquelles elles accueillent des enfants ensemble, n’était pas prévu. Ce ne sont pas des crèches et nous voyons que les communes rurales ont une grande appétence pour ces dispositifs. Le conseil d’administration de la CNAF a dépassé ses réticences initiales grâce à un dispositif qui permet de labéliser ces maisons d’assistantes maternelles. Ces réticences tenaient pour partie au fait que les maisons d’assistantes maternelles n’ont pas de personnalité morale, donc lorsque des aides leur sont versées, elles ne servent plus à rien si les assistantes maternelles décident de se séparer. Nous avons donc conditionné les aides à l’existence d’une personne morale et au respect d’un certain nombre de critères de qualité, et il existe maintenant un label de qualité qui permet de développer des aides spécifiques pour ces maisons d’assistantes maternelles, mais je concède que cela a fait l’objet d’un débat tendu au sein du conseil d’administration de la CNAF.

La COG met surtout en évidence un objectif quantitatif. Sans abandonner cet objectif, nous travaillons aujourd’hui aussi sur des objectifs qualitatifs de divers ordres. Par exemple, nous souhaitons que les crèches permettent un accès favorisé au marché du travail, notamment à l’issue du congé parental. Il y a trois ans, j’ai signé avec Pôle emploi une convention qui permet, un an avant la fin du congé parental, un contact privilégié avec Pôle emploi pour un retour à l’emploi. Cela s’inscrit dans le dispositif de rendez-vous des droits au sein des CAF. Nous n’avons pas encore dressé le bilan de cette mesure, même si nous sommes conscients que ce dispositif ne pourra pas tout résoudre. Bien évidemment, il ne suffit pas d’avoir un rendez-vous avec la CAF et Pôle emploi pour trouver un travail. Nous avons complété cette action par plusieurs dispositifs. Nous sommes en train de développer des crèches à vocation d’insertion professionnelle. Il s’agit d’aider la mère à trouver un travail alors que l’enfant est accueilli à la crèche. Une crèche, gérée par un centre social à Marseille, a un taux de réussite de plus de 75 %, ce qui est beaucoup même si cela ne concerne que vingt berceaux.

Nous sommes également en train de développer avec Pôle emploi un réseau appelé « Ma cigogne » qui permet d’identifier les crèches pouvant accueillir temporairement un enfant lorsque la mère est à la recherche d’un emploi. Ce dispositif étant en cours de déploiement, il n’a évidemment pas encore produit d’effets.

Il y a deux ans, nous avons organisé un colloque avec deux think tanks, Terra Nova et l’Institut Montaigne, sur les effets de l’acquisition précoce du langage sur le développement de l’enfant. Des études, menées principalement aux États-Unis, montrent que c’est extrêmement efficace pour lutter contre les inégalités. Nous sommes en train d’expérimenter des dispositifs de cette nature.

Nous avons aussi signé un accord avec l’association Écolo Crèche afin de développer des structures d’accueil et d’éveil des jeunes enfants qui respectent des critères écologiques mais aussi sanitaires. Il s’agit d’un enjeu de santé publique.

Nous avons donc tout un ensemble de dispositifs qui s’appuient sur des objectifs qualitatifs et qui, je l’espère, seront repris dans la future COG. Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), et notamment sa section enfance, devrait développer des dispositifs pour mieux accompagner les jeunes enfants dans leur développement, car on sait en effet que beaucoup de choses se jouent avant l’âge de trois ou cinq ans.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les haltes-garderies existent-elles toujours ?

M. Daniel Lenoir. Oui, mais elles ne sont pas répertoriées car il n’y a pas de dispositif d’aides.

Mme Chaynesse Khirouni. J’ai compris que le nombre de pères qui prennent un congé parental reste faible, même s’il a un peu augmenté entre 2010 et 2015. Quelles mesures pourraient être initiées pour informer, communiquer auprès des familles, afin que ce droit puisse être mis en œuvre ? Est-on certain que l’information est bien passée ? Si oui, de quelle manière ? Peut-on l’amplifier ?

J’en viens aux classes passerelles. Dans quelle mesure la CNAF peut-elle jouer son rôle pour travailler avec les partenaires, les collectivités locales, afin que ces 75 000 places soient réellement mises en œuvre ?

M. Daniel Lenoir. Comme les classes passerelles nécessitent des partenariats entre la CAF, l’éducation nationale et les mairies, il me semblait que les schémas départementaux permettraient de nouer ces partenariats. Certes, je ne dispose pas aujourd’hui du résultat de l’évaluation, mais je n’ai pas le sentiment qu’il y ait eu un mouvement important pour développer les classes passerelles. Je ne suis pas certain qu’il faille chercher qui est responsable ; mieux vaudrait valoriser davantage les quelques expériences qui fonctionnent bien.

S’agissant du congé parental, je pense que l’information est bien passée. Le magazine Vies de famille consacre régulièrement des articles qui rappellent cette possibilité, et les CAF donnent systématiquement cette information lors de la naissance de l’enfant. Les raisons du non-recours à la PREPARE ne sont, selon moi, pas liées au manque d’information, mais plutôt au fait que le dispositif ne répond pas vraiment à ce pour quoi il a été prévu. Cela dit, je pense qu’il est encore trop tôt pour le dire.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je dis très clairement que ce n’était pas ce dispositif que nous souhaitions. La PREPARE ne marchera que si l’indemnité que perçoivent les pères est suffisante. Conséquence des inégalités salariales, le père étant souvent le premier et le principal contributeur de ressources du foyer, si l’indemnité qu’il perçoit pendant six mois est trop faible et qu’elle ne compense pas la perte de revenu, il sera difficile pour la famille de faire ce choix financier. J’indique au passage que le jour où l’inégalité salariale n’existera plus, ce phénomène n’existera plus non plus. Mieux vaudrait un congé court et mieux rémunéré. Si nous avions décidé de porter le congé parental à un an ou un an et demi, bien rémunéré et partagé, cela aurait mis au chômage pendant deux ans ou deux ans et demi des femmes qui, pour la plupart, n’avaient pas de formation et n’étaient pas employables immédiatement sur le marché du travail. La situation du marché du travail a limité notre réforme mais nous avons tout de même envoyé un signal fort.

Cette mesure a été en effet aussi été prise pour faire changer les mentalités, car il faut reconnaître qu’il n’est pas toujours bien vu dans les entreprises que le père prenne un congé parental.

M. Christophe Premat. Nous avons examiné, jeudi dernier, dans l’hémicycle, la proposition de loi de Marie-George Buffet visant à agir concrètement en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Nous avons adopté en première lecture une mesure qui porte le congé paternité de onze à quatorze jours. Je reconnais que nous aurions pu adopter un dispositif plus ambitieux…

Je souhaite vous interroger sur les dispositifs d’aide à la parentalité. En la matière, il y a saucissonnage des aides. Certains accueils centrés sur la parentalité sont lancés par des municipalités. Il existe aussi des espaces associatifs, des ludothèques, etc. On n’y apprend pas aux gens à être parents, mais on y accueille les enfants et l’on permet à des parents de se rencontrer, d’échanger. Je précise que ces dispositifs n’ont pas vocation à se substituer à un accueil préscolaire. Ne pourrait-on pas unifier tous ces dispositifs ?

M. Daniel Lenoir. C’est vrai, les CAF aident, principalement sous forme de financement des dispositifs d’aide à la parentalité ou encore d’aide à la création de places de crèche, etc. Mais, sauf exception, ce n’est pas nous qui en avons l’initiative mais les municipalités ou les partenaires associatifs. Il y a eu un trou d’air en 2014 en ce qui concerne les places de crèches, car, tout de suite après la signature de la COG au mois de juillet, on est entré dans la préparation des élections municipales. Je pense qu’il y aura également un trou d’air en 2016, en raison des problèmes budgétaires des municipalités, mais il est encore trop tôt pour le dire.

Nous sommes en train de faire un bilan qualitatif des dispositifs d’aide à la parentalité qui peuvent être des réseaux d’écoute, des lieux d’accueil, etc. – un autre bilan avait été fait par le Haut Conseil de la famille (HCF). Nous aidons ces dispositifs sur la base des crédits du Fonds national d’action sociale. La COG actuelle avait prévu un doublement des crédits et l’on est passé effectivement de 50 à 100 millions. En outre, j’ai obtenu, à la fin de l’année 2016, un ou deux millions supplémentaires, parce que ces dispositifs ont eu un tel succès que l’enveloppe prévue était insuffisante. Il est encore trop tôt pour faire un bilan quantitatif, mais ce qui est sûr, c’est que qualitativement cela répond à une demande.

Dans les situations de séparations, la médiation est aussi un dispositif d’aide à la parentalité : elle permet que la séparation se fasse à l’amiable, y compris en ce qui concerne la fixation du montant de la pension alimentaire, sans être obligé de passer devant le juge.

Un autre rapport du Haut conseil, effectué il y a deux ans, a montré que le dispositif de médiation était plébiscité par ceux qui y ont eu recours, mais que peu de familles ont eu recours à la médiation en cas de séparation. Nous avons largement développé ces dispositifs de médiation. Un autre dispositif que nous avons mis en place dans le cadre de la GIPA est intitulé « Être parents après la séparation » – je préfère le terme de coparentalité utilisé par les Québécois. Il permet de préparer les deux parents, celui qui a la garde de l’enfant et celui qui ne l’a pas, à continuer à être parents séparément, mais ensemble, si je puis dire. Chaque année, 750 personnes ont recours à ce dispositif qui est développé dans 63 départements.

Il existe d’autres dispositifs, comme les lieux d’accueil et d’écoute des parents (LAEP), issus des travaux de Françoise Dolto dans les années soixante-dix, ainsi que les réseaux d’écoute par téléphone. J’ai demandé à un chercheur qui travaille à l’école de santé publique de Rennes de procéder à une évaluation qualitative, quantitative, mais aussi scientifique, de ces dispositifs pour mieux en appréhender l’utilité. En tout cas, ce qui est sûr c’est que ces dispositifs correspondent à un besoin. Nous les proposons également aux parents qui sont confrontés à des phénomènes de radicalisation d’adolescents.

Mme Chaynesse Khirouni. Les crèches d’entreprise sont-elles comprises dans les solutions d’accueil collectif que vous évoquez ?

M. Daniel Lenoir. Les crèches d’entreprise ont beaucoup évolué. Actuellement, le système qui se développe le plus est celui des entreprises qui réservent des berceaux dans des crèches. Ces réservations bénéficient d’une aide publique qui n’est pas gérée par les CAF ; il s’agit d’un crédit d’impôt.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Une entreprise a droit à un crédit d’impôt quand elle investit. Cela fait baisser de moitié le coût du berceau. De mémoire, un berceau coûte 22 000 euros.

M. Daniel Lenoir. Le coût du berceau dans la crèche située à côté de la CNAF est un peu moins élevé : il est de 15 000 euros.

Ce matin, j’ai reçu une mission d’inspection générale. Je leur ai dit qu’il serait intéressant qu’ils demandent à la Direction générale des finances publiques (DGFIP) d’évaluer ce crédit d’impôt qui permet d’aider les entreprises à réserver des places de crèches.

La Garantie contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA) est sûrement la plus belle des réformes que j’ai été amené à mettre en place. La GIPA est un ensemble de prestations ; c’est un nouveau service que nous avons développé pour les familles, principalement les familles monoparentales qui sont à 85 % des femmes et donc à 15 % des hommes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Toutes les mesures peuvent profiter aux hommes !

M. Daniel Lenoir. Avec Laurence Rossignol et le président Jean-Louis Deroussen, nous avons lancé, le 20 janvier 2017, à la CAF des Yvelines, la nouvelle Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA).

Avant d’être une garantie sur les impayés alimentaires, la GIPA est tout d’abord la garantie d’une pension alimentaire minimale. L’allocation de soutien familial complémentaire (AFSC) vient compléter la pension alimentaire versée par le débiteur, à hauteur de 104,75 euros. Ce faisant, l’expérimentation a montré que, dans les cas où auparavant le montant de la pension alimentaire n’avait pas été fixé par le juge, car en dessous d’environ 50 euros cela ne permettait pas de bénéficier de l’ancienne Allocation de soutien familial (ASF), une pension alimentaire même d’un faible montant peut maintenant être fixée et permet de montrer la responsabilité du débiteur vis-à-vis de l’enfant. Dorénavant, les pensions alimentaires peuvent être fixées même pour des montants de 20 ou 30 euros. C’est une bonne chose, car il n’y a pas de raison que la solidarité se substitue totalement à la possibilité d’exercer ses propres responsabilités. Ensuite, ce dispositif se substitue au débiteur défaillant jusqu’à hauteur du minimum, pas au-delà. Cela permet donc d’assurer la pension alimentaire minimale quand le débiteur est défaillant.

Enfin, en troisième lieu, nous avons mis en place un système de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, qui bénéficie à ceux qui ont droit à l’ASF recouvrable mais aussi à tous les créanciers ou créancières qui n’ont pas leur pension alimentaire. On a donc spécialisé vingt-deux CAF et une caisse de la Mutualité sociale agricole (MSA) dans le recouvrement des pensions alimentaires. C’est un métier différent de celui que nous exerçons habituellement. Tout cela est piloté par l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires qui vient d’être inaugurée.

Parallèlement, nous avons développé un dispositif de prévention des difficultés à l’issue de la séparation, en promouvant la médiation. Au 1er janvier 2018, nous pourrons agréer, sans que la validation par le juge soit nécessaire, l’accord entre les parties dès lors que le montant de la pension alimentaire respecte un barème minimal. Évidemment, il pourrait être assez facile de fixer volontairement une pension alimentaire faible entre les deux parents pour que la solidarité nationale se substitue aux parents. Cela pourrait s’appeler de l’abus, voire de la fraude.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Certains pourraient avoir intérêt à ne pas avoir de pension pour toucher ces 104,75 euros !

M. Daniel Lenoir. Si le montant de la pension alimentaire est inférieur au barème minimal, on demandera aux parents d’aller voir le juge qui seul peut apprécier si la situation justifie que la pension alimentaire soit inférieure à ce barème.

Avec la médiation, il n’est pas nécessaire de passer devant le juge. L’accord issu de la médiation pourra être agréé directement par la CAF. Comme je le disais tout à l’heure, nous accompagnons la séparation, c’est-à-dire que nous préparons les familles séparées à continuer à exercer leur fonction parentale ensemble, y compris en préparant le débiteur à payer la pension alimentaire. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de ce dispositif, mais je peux d’ores et déjà dire qu’il connaît un grand succès. Si la modification de l’ASF nécessitait une loi, d’autres dispositions relèvent seulement d’une politique publique d’ensemble.

L’Agence de recouvrement est donc composée de vingt-trois caisses pivot, d’une plateforme téléphonique à Toulouse et d’un site Internet, ouvert depuis le 20 janvier 2017, qui permet de simuler le montant de la pension alimentaire minimale. La première semaine, il y a eu 20 000 connexions sur le site Internet.

60 % des familles précaires sont des familles monoparentales, ce qui est peu connu.

La moitié des bénéficiaires de la prime d’activité sont des femmes. Ce dispositif de la prime d’activité est un véritable succès : alors que le taux de recours au RSA activité était de 30 %, on dépassera probablement les 70 % de taux de recours à la prime d’activité. Les estimations qui figuraient dans la loi de finances faisaient état de 50 % ; elles ont largement été dépassées. Ce succès est dû au travail des CAF et de la CNAF puisque nous avons mené une opération de simplification, en utilisant toutes les potentialités du numérique. La prime d’activité est une prestation très personnalisée. En général, lorsque l’on personnalise, on ne simplifie pas et c’est normal car l’on tient compte de tous les éléments de situation. Pour simplifier la prime d’activité, nous avons utilisé les potentialités du numérique. Nous avons fait un simulateur qui permet au bénéficiaire potentiel de savoir s’il a droit ou non à la prime d’activité. C’est aussi un outil pédagogique puisqu’il montre comment est calculée cette prime. Ce simulateur a eu un très grand succès puisqu’il y a eu plus de 20 millions de simulations pour une population cible de 4 millions, même s’il est probable que certaines simulations relevaient d’une certaine forme d’optimisation sociale.

Mme la présidente Catherine Coutelle. J’ai testé ce système dans ma permanence avec des personnes qui ne savaient pas qu’elles avaient droit à cette prime d’activité. J’ai trouvé le système facile à utiliser.

M. Daniel Lenoir. Cela fait plaisir à entendre !

Nous avons ensuite mis en place une téléprocédure qui permet, à l’issue de la simulation, de faire la déclaration en ligne. J’avais fixé un objectif de 100 % de dématérialisation. Jusqu’à présent, nous avons dépassé les 90 %, ce qui est un avantage en termes de simplification, car il est plus facile de remplir une procédure électronique qu’un dossier papier. Comme cela suppose la suppression de toutes les pièces jointes, nous vérifions les déclarations qui, si elles sont volontairement fausses, sont sanctionnées.

Enfin, ces déclarations en ligne passent directement dans des machines, ce qui permet un gain de productivité et un calcul plus rapide de la prestation. C’est ce que l’on appelle la liquidation automatique. Malheureusement, il y a eu moins de liquidations automatiques que de flux électroniques, car nous n’avons pas eu le temps de développer tous les dispositifs de liquidation automatique dans notre architecture. Nous sommes en train de le faire pour la réforme des minima sociaux puisque nous mettons en place le même dispositif pour le RSA.

Je souhaite qu’à l’avenir les allocataires n’aient plus à saisir leurs données et qu’ils les récupèrent directement auprès de Pôle emploi, de leur employeur, ou de l’assurance maladie. La généralisation de la déclaration sociale nominative (DSN) permettra de renseigner automatiquement les informations requises, comme le font les impôts, ce qui constituera une simplification et une prévention contre la fraude.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) vous autorisera-t-elle à faire cela ?

M. Daniel Lenoir. Il n’y a aucune raison que la CNIL ne l’autorise pas.

Au titre de décembre 2016, le nombre de foyers CAF avec un droit versable à la prime d’activité s’élève à 2 357 108, pour un montant moyen de 158 euros. Parmi ces foyers CAF, près de la moitié, soit 1 140 841, sont des femmes seules, 499 701 ont des enfants à charge – ce qui fait 1,5 enfant en moyenne par foyer – et 641 140 n’en ont pas. Enfin 166 000 bénéficient d’une majoration pour isolement, c’est-à-dire qu’ils sont seuls avec un enfant de moins de trois ans. Comme la GIPA, cette prime d’activité constitue un soutien important pour les familles monoparentales.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cela participe à la déprécarisation et à la sortie du seuil de pauvreté des enfants de ces familles.

Monsieur Lenoir, je vous remercie pour toutes vos réponses. Vous avez rempli notre contrat, en nous indiquant ce qui fonctionne et ce qui marche moins et si les lois ont été transformées en politique publique. Certaines avancées sont certaines, comme la GIPA et la prime d’activité. Quant à la garde d’enfant, des améliorations ont été obtenues, mais nous savons qu’il pourrait y avoir une simplification et une amélioration du congé parental. Mais nous avons l’intention de laisser du travail à nos successeurs…

J’entends dire parfois que c’est ce Gouvernement qui a attaqué le plus la politique familiale et que les familles nous en veulent d’avoir plafonné le versement des allocations familiales pour les familles les plus aisées, c’est-à-dire à partir de 6 000 euros voire de 8 000 euros de revenus, ce qui ne me paraît pas scandaleux. Je pense, au contraire, que nous n’avons pas « maltraité » les familles au cours de cette législature, bien au contraire, mais il faut le faire comprendre.

M. Daniel Lenoir. Nous allons actualiser une étude sur l’effet redistributif des différentes prestations. J’avais intitulé cette étude : « Qu’est devenue la courbe en U de la politique familiale ? ». En fait, cette courbe s’est aplatie sur la deuxième partie du U, c’est-à-dire qu’il n’y a plus d’effet anti-redistributif sur les septième, huitième et neuvième déciles. En revanche, la courbe s’est relevée, mais pas beaucoup, sur les premiers déciles.

D’après une récente enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), cette réforme n’est pas contestée dans sa grande majorité, y compris par ceux qui ont vu leurs allocations familiales baisser.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Un couple qui gagne 6 000 euros par an et qui perçoit 40 ou 50 euros en moins d’allocations familiales s’en remet sans problème.

M. Daniel Lenoir. Cette enquête, qui n’a pas encore été publiée, montre également que la GIPA est plébiscitée, comme l’est d’ailleurs le dispositif d’intégration des données du patrimoine dans le calcul de l’allocation logement que j’ai, par ailleurs, beaucoup de difficulté à mettre en œuvre, mais c’est une autre histoire…

La Délégation examine ensuite le rapport d’information présenté par Mme Catherine Coutelle sur l’activité de la Délégation aux droits des femmes de janvier 2016 à février 2017.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chers collègues, nous en venons à la présentation du rapport d’information sur l’activité de la Délégation de janvier 2016 à février 2017. À la page 5, vous trouverez un graphique qui fait état d’une progression continue de l’activité de la Délégation depuis sa création. À cet égard, je rappelle que trente rapports ont été publiés entre juillet 2012 et février 2017. Les activités législatives de la Délégation ont été importantes au cours de cette législature, à travers notamment les travaux sur le projet de loi pour une République numérique et le projet de loi Travail. Nous avons mené des travaux d’évaluation des politiques publiques concernant l’égalité femmes-hommes à Mayotte où trois membres de la Délégation sont allées ; nous avons travaillé sur les études de genre qui ont fait l’objet d’un rapport de Mme Maud Olivier et sur les violences faites aux femmes qui ont fait aussi l’objet d’un rapport de Mme Pascale Crozon. Nous avons effectué de nombreux déplacements et reçu beaucoup de personnalités internationales. En un an, la Délégation a examiné onze rapports d’information et adopté quatre-vingt-dix-huit recommandations.

Je tiens également à signaler que nous avons réalisé plusieurs enquêtes. Nous avons écrit aux régions pour leur demander si elles poursuivaient le dispositif « Pass contraception ». Nous avons envoyé des questionnaires à plusieurs ambassades pour recueillir des informations sur les dispositifs en vigueur concernant les modalités d’imposition sur le revenu des couples. Nous avons sollicité des services ministériels pour réaliser des simulations macroéconomiques de l’impact de réformes envisagées, notamment celle du quotient conjugal. Nous avons organisé de nombreux colloques et des déplacements sur le terrain, le dernier en date ayant eu lieu hier, à l’hôpital Bicêtre, où une équipe est dédiée à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Les membres de cette équipe nous ont dit que ce que nous avions fait au cours de cette législature sur la détresse, l’absence de délai de prescription, les remboursements et la revalorisation tarifaire avait été très précieux. Le fait que l’on puisse faire des IVG médicamenteuses dans les centres de santé aujourd’hui est aussi extrêmement positif. Elles sentent bien que cette politique peut être remise en cause. Elles sont à la fois très reconnaissantes et inquiètes pour l’avenir.

Tous ces éléments ainsi recueillis ont ensuite donné lieu au dépôt de nombreux amendements.

J’indique enfin que j’ai demandé un rapport faisant le bilan de l’activité sur cinq ans en matière d’égalité femmes-hommes et qui fera l’objet d’une synthèse de huit pages que vous pourrez utiliser sur le terrain.

Mes chers collègues, je tiens à vous remercier car nous avons beaucoup travaillé.

La Délégation adopte le rapport d’information.

La séance est levée à 17 heures 55.

——fpfp——

Membres présents

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Catherine Coutelle, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Maud Olivier, M. Christophe Premat