Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la délégation aux outre-mer

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Délégation aux outre-mer

Mardi 22 juillet 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de M. Serge Letchimy, vice-président de la Délégation aux outre-mer

– Audition de M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables (SER), accompagné de M. Romain Poubeau, chargé de mission, responsable de la filière photovoltaïque du SER ainsi que de la commission Outre-mer, M. Hervé La Touche, élu du bureau de SOLER (commission photovoltaïque du SER), représentant de SOLER dans les Outre-mer et directeur général de la société Sunzil et M. Alexandre de Montesquiou, directeur associé du cabinet Ai2P, sur les dispositions que le Gouvernement a annoncées concernant la transition énergétique

La séance est ouverte à 16 heures 30.

La Délégation aux outre-mer procède à l’audition de M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables (SER), accompagné de M. Romain Poubeau, chargé de mission, responsable de la filière photovoltaïque du SER ainsi que de la commission Outre-mer, M. Hervé La Touche, élu du bureau de SOLER (commission photovoltaïque du SER), représentant de SOLER dans les Outre-mer et directeur général de la société Sunzil et M. Alexandre de Montesquiou, directeur associé du cabinet Ai2P, sur les dispositions que le Gouvernement a annoncées concernant la transition énergétique.

M. Serge Letchimy, vice-président. Je vous prie tout d’abord d’excuser notre président, M. Jean-Claude Fruteau, retenu à La Réunion.

Nous entamons aujourd’hui une série d’auditions concernant le projet de loi de programmation pour la transition énergétique. J’ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, ainsi qu’à ses collaborateurs.

Ce projet de loi pourrait être adopté rapidement : son dépôt en première lecture à l’Assemblée nationale pourrait intervenir au cours du dernier trimestre de l’année 2014. Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, est déterminée à aller vite.

Il s’agit là d’un texte fondamental pour l’outre-mer. La commission des Affaires économiques a d’ailleurs confié à Mme Éricka Bareigts une mission sur le rôle de la Commission de régulation de l’énergie dans nos régions.

Mme Royal avait clairement fait savoir qu’elle n’entendait pas voir la question des outre-mer abordée de façon marginale. Malheureusement, cette volonté ne me paraît pas suffisamment affirmée dans le texte ; reste qu’elle a été clairement affichée. Il nous appartiendra de l’améliorer, soit dans le cadre de la délégation, soit à titre personnel, par des propositions concrètes traduisant une approche globale et systémique, et non sectorielle et purement technique, tant il est vrai que les mutations énergétiques sont une question centrale pour l’avenir de nos régions, propre à nous permettre de décliner des stratégies locales sur le plan humain, sociétal, écologique et environnemental.

M. Victorin Lurel. Nous avons là une chance extraordinaire de profiter de nos atouts pour en faire un vrai modèle ; vous y aviez d’ailleurs appelé, monsieur le président, dans un rapport pour avis et moi-même, dans le cadre de mes précédentes fonctions, j’avais organisé une réunion sur ce sujet. Nous ne pouvons pas nous contenter d’être une sorte de laboratoire ou une simple avant-garde ; à nous d’inventer les dispositifs – fiscalité, modèles innovants, recherche appropriée – donnant aux outre-mer les moyens de leur développement, sachant que nous avons suffisamment de gisements pour être autonomes sur le plan énergétique. Après les lois d’habilitation, il faut aller plus loin, mais également introduire des mesures de simplification, faire en sorte qu’EDF soit un peu moins lointain, autrement dit intégrer davantage le schéma institutionnel tout en préservant notre autonomie.

M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Nous avons publié aujourd’hui même nos propositions sur le projet de loi tel que l’a présenté Mme Royal le 18 juin – mais tout porte à croire qu’il évoluera encore.

Ce projet de loi est une base très positive. D’abord, il fixe un objectif global de développement des énergies renouvelables – 32 % à l’horizon 2030. Cet objectif qui n’est cependant pas décliné par forme d’énergie – électricité, chaleur, froid, transports –, ni entre l’hexagone et les zones non interconnectées, alors que la loi Grenelle comportait des objectifs spécifiques pour les DOM : il serait bon qu’ils soient conservés. Ensuite, il aborde la question du pilotage de la transition énergétique de façon assez précise : on sait que la mise en œuvre des lois Grenelle a en effet mis en lumière une cruelle absence de pilotage dans les DOM.

Concernant les énergies renouvelables, la possibilité est prévue de recourir à d’autres modes de soutien que les tarifs d’achat tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui. Ces dispositifs renvoient essentiellement à des ordonnances ou à des décrets ; nous serons très attentifs à leur rédaction afin que les spécificités de l’outre-mer y soient préservées. Certains dispositifs tout à fait efficaces dans l’hexagone ne le sont pas forcément outre-mer ; ainsi, la rétribution des énergies renouvelables par des mécanismes « prix du marché plus prime » ne peut fonctionner dans les DOM où il n’y a pas de marché de l’électricité.

La simplification est pour nous un thème extrêmement important. Nous souffrons d’une complexification des procédures pour le montage des projets, qu’il s’agisse de l’encadrement environnemental ou des procédures de raccordement. Malheureusement, le projet de loi se borne à une seule disposition, relative aux énergies marines renouvelables ; c’est totalement insuffisant. Les propositions que nous vous soumettons prévoient tout un arsenal de mesures de simplification.

L’objectif de 32 % pourrait être décliné par type d’application énergétique, par filière et par région, ce qui renvoie à la programmation pluriannuelle de l’énergie. Autrement dit, les objectifs concrets ne seront fixés qu’au moment de la publication de la PPE, soit, dans le meilleur des cas, à l’horizon 2016, alors que nous avons besoin de mesures d’urgence, car nos filières sont en grand danger dans les DOM : dans les secteurs du solaire, du photovoltaïque et de l’éolien, l’emploi a été divisé par cinq en trois ans. On dit toujours que les énergies renouvelables permettent de créer des emplois ; encore faut-il un pilotage, et ce pilotage n’existe pas dans les DOM, ce qui explique la mauvaise situation de nombre d’entreprises, à l’image de celle de M. Hervé La Touche, amenée à licencier.

M. Hervé La Touche, élu du bureau de SOLER (commission photovoltaïque du SER), représentant de SOLER dans les outre-mer et directeur général de la société Sunzil. Pour exercer depuis vingt-cinq ans en outre-mer, je prétends avoir une vision assez objective du marché et je peux vous dire que nous sommes dans une situation particulièrement difficile depuis le moratoire. Les entreprises comme la mienne, qui avaient fait le pari de l’emploi et ont joué le jeu en tentant de structurer le marché, se retrouvent pénalisées par rapport à d’autres qui ont fait le choix d’une certaine volatilité. De mon côté, j’ai la chance d’avoir des actionnaires solides, mais une PME est incapable de survivre dans une telle situation. Les trois quarts des emplois ont disparu. Les patrons, épuisés, ne savent que faire, si ce n’est déposer le bilan.

M. Jean-Louis Bal. Ce projet de loi est une bonne base. Nous proposons de l’améliorer, notamment pour ce qui touche à la simplification ; malheureusement, nombre d’entreprises dans les DOM, déjà très affaiblies, risquent de disparaître d’ici à ce qu’il devienne totalement opérant.

Les lois Grenelle fixent un objectif de 50 % d’énergies renouvelables sur l’ensemble des usages de l’énergie dans les départements d’outre-mer à l’horizon 2020. Pour tenir cet objectif, il faudra s’appuyer sur l’ensemble des énergies renouvelables, par nature complémentaires. La biomasse est stockable, tout comme l’hydraulique, ce qui peut permettre de gérer la variabilité de l’éolien et du solaire ; la géothermie est par essence une énergie de base accessible 8 700 heures par an, autrement dit vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

On ne peut pas, d’un côté, avoir des projets à plus ou moins long terme sur la géothermie ou le stockage hydraulique et, de l’autre, tout arrêter en photovoltaïque pour des questions de taux de pénétration des énergies dites intermittentes, ou stopper l’éolien à cause d’un problème de cohabitation avec les radars en Guadeloupe. Tout cela n’est pas acceptable pour des entreprises qui ont besoin de stabilité et de visibilité.

M. Serge Letchimy, vice-président. L’objectif des 30 % peut être bloquant, sauf si des solutions adaptées sont apportées en matière de stockage. Quelle est votre appréciation en la matière ?

Se pose aussi le problème de la gouvernance technique et du rôle de l’opérateur historique : force est de constater qu’EDF détient les clés de la porte d’entrée et de la porte de sortie… C’est EDF qui fait les calculs de base, qui apprécie les taux de pénétration et qui décide de l’opportunité de faire entrer ou pas telle ou telle énergie renouvelable.

M. Jean-Louis Bal. EDF-SEI (Systèmes énergétiques insulaires) fait ce que lui demande le pouvoir politique. Si celui-ci ne lui demande rien, l’opérateur historique ne fait rien.

M. Serge Letchimy, vice-président. Ce n’est pas toujours le cas : voyez comment EDF a réagi lorsque le pouvoir politique lui a demandé de participer au projet de centrale géothermique en Dominique… Victorin Lurel en sait quelque chose !

M. Jean-Louis Bal. Le pouvoir politique ne le lui a certainement pas demandé suffisamment instamment… Cela nous ramène à la question du pilotage ; toutes les parties prenantes (entreprises des EnR, gestionnaires de réseaux, collectivités) ont besoin de connaître la stratégie énergétique dans ces zones.

M. Hervé La Touche. Les réseaux électriques ont été construits sur la base de modèles qui sont aujourd’hui datés. Les réformer est par nature complexe, et plus encore dans les outre-mer : non seulement nos réseaux sont fragiles, mais EDF-SEI doit faire face à des contextes sociaux et sociétaux particuliers. Reste que nous avons impérativement besoin d’un vrai pilote, un pilote politique dans la gouvernance ultramarine. Allez regarder les prévisions d’EDF-SEI sur leur site internet : ils parlent évidemment d’énergies renouvelables, mais leurs projets à moyen terme ne concernent que les énergies fossiles : rajout de turbines à gaz, de groupes électrogènes, réfection des centrales de Jarry et de Martinique. C’est dans leurs gènes, et c’est précisément ce qu’il faut bousculer.

M. Serge Letchimy, vice-président. Avez-vous des propositions concrètes à faire en termes de repositionnement d’EDF ?

M. Hervé La Touche. Nous posons le constat, mais nous n’avons pas la solution.

M. Victorin Lurel. Une solution serait de donner valeur prescriptive aux schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) et aux plans régionaux des énergies renouvelables et de l’utilisation rationnelle de l’énergie (PRERURE).

Auparavant, lorsque vous projetiez une installation photovoltaïque, il fallait adresser votre dossier à EDF qui décidait souverainement, et de l’ordre d’examen, et du raccordement ou non de votre installation au réseau. Grâce à la procédure d’habilitation, la région Guadeloupe a fait en sorte, par une délibération à valeur législative, d’être également destinataire du dossier. Ainsi, le pilote politique que vous appelez de vos vœux devrait se trouver dans une conception décentralisée de la politique énergétique des régions – avec évidemment les modalités de contrôle et les contre-pouvoirs qui s’imposent pour éviter les guerres picrocholines sur le terrain. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas laisser élaborer des PPE à l’insu des régions.

M. Hervé La Touche. Effectivement, on peut se demander à quoi servent les SRCAE en l’état actuel des choses. On a l’impression d’un perpétuel recommencement. On repousse à chaque fois la réforme du modèle.

M. Victorin Lurel. Il me semble que la loi portant réforme territoriale donnera valeur prescriptive aux SRCAE.

M. Hervé La Touche. Ce sera très bien. Reste que vous aurez toujours des régions plurielles – Guadeloupe, Martinique, Guyane, etc. – face à un opérateur unique. Certes, elles se sont associées dans le programme « Pure Avenir », mais il ne s’agit pas d’un instrument politique capable de faire valoir ses points de vue. Il faudrait regrouper les pouvoirs politiques dans une sorte de comité des régions.

M. Serge Letchimy, vice-président. Pour l’heure, il y a une confusion totale entre gouvernance stratégique, gouvernance technique et gouvernance politique, ce à quoi s’ajoute une forme d’auto-appropriation de la gouvernance politique – appelons un chat un chat. On nous a démontré qu’il y avait une autorité au-dessus du Premier ministre : alors que Victorin Lurel et moi-même étions intervenus au niveau du Premier ministre, M. Henri Proglio, président d’EDF, a jugé qu’il n’était pas utile de répondre à nos questions !

Le processus décisionnel ne devrait donc pas appartenir à EDF, mais à chaque collectivité. Et l’idée émise par Victorin Lurel, la mise en cohérence entre tous les schémas régionaux et le schéma d’aménagement régional (SAR) est tout à fait intéressante.

Il ne s’agit pas d’écarter systématiquement EDF, mais de mettre fin à certaines aberrations. À Bellefontaine, où l’alimentation en gaz à partir de Trinidad permettrait de réduire de 30 % la facture des particuliers et de sortir de l’énergie fossile à terme, EDF joue la montre. Nous sommes soumis à une stratégie du ralentissement qui lamine les initiatives. Quant aux files d’attente des dossiers photovoltaïques, c’est EDF qui décidait du classement des projets, ce qui était d’autant plus scandaleux qu’il s’agissait de projets hautement spéculatifs et qui donnaient lieu il fut un temps à défiscalisation.

M. Jean-Louis Bal. Vous avez distingué, à juste titre, la gouvernance stratégique et la gouvernance technique sur le terrain. Il est extrêmement important que l’État reprenne la main en matière de gouvernance stratégique, comme en témoigne l’abandon du projet de centrale en Dominique.

M. Victorin Lurel. Après l’étude du projet pendant cinq ans, EDF a invoqué le changement de ses ratios de productivité et de rentabilité. In fine, l’intérêt général est subordonné aux standards internes d’EDF. Nous avons bataillé pour faire reprendre le projet par GDF Suez, mais M. Mestrallet nous a bien fait comprendre que les déclarations publiques d’EDF, qui ne reposaient que sur l’appréciation totalement subjective du directeur d’EDF-SEI, Thierry Pons, ont gravement porté atteinte au dossier. Les plans pluriannuels énergétiques ne peuvent être élaborés sans la moindre concertation avec les collectivités. Comme l’a indiqué Serge Letchimy, on devait installer des turbines bicombustibles à Bellefontaine, mais EDF est totalement contre l’idée d’importer du gaz de Trinidad.

M. Serge Letchimy, vice-président. Quel est votre avis technique sur le seuil de 30 % d’énergies intermittentes insérées dans le réseau ?

M. Victorin Lurel. À partir de quel modèle a-t-il été arrêté ? On a entendu dire que le modèle méditerranéen sur lequel il avait été établi est aujourd’hui dépassé.

M. Jean-Louis Bal. Selon plusieurs connaisseurs de ce dossier, ce seuil de 30 % est tout à fait empirique et aurait vocation à être retravaillé.

M. Serge Letchimy, vice-président. Mais encore faut-il qu’il propose quelque chose, car on nous dit qu’aller au-delà menacerait la stabilité du réseau et provoquerait un black-out. Nous en avons subi il y a quinze jours à la Martinique, dont nous avons mis quarante-huit heures à nous remettre !

M. Jean-Louis Bal. À notre connaissance, un seul black-out a été déclenché par le photovoltaïque, à Mayotte, qui a un tout petit système électrique.

M. Hervé La Touche. Mayotte est à 37 %, mais le réseau électrique mahorais est encore plus sous-dimensionné que dans le reste des DOM. Deux ou trois black-out se sont produits, dont un seul auquel a contribué le photovoltaïque. Pour une raison simple : dans un petit système électrique, lorsqu’un groupe tombe en panne, le photovoltaïque peut se décrocher à la suite. Ainsi, même si le seuil 30 % est empirique, il y a une limite, peut-être à 40 % ou 45 %, mais il y en a assurément une. Les solutions existent : elles sont à chercher du côté de la prédiction – dans le cas du photovoltaïque, on a tout intérêt à mieux anticiper le moment où les nuages vont passer – et, bien évidemment, du stockage.

M. Victorin Lurel. Quel est l’état d’avancement des technologies en matière de stockage ? Je crois qu’EDM a mis au point un modèle efficace.

M. Hervé La Touche. Il s’agit du projet OPERA. Le décret devrait être signé aujourd’hui par Mme Royal. Il prévoit la possibilité d’amortir la maîtrise de l’énergie et le stockage dans le cadre de la CSPE. Mais ne nous leurrons pas : il a plutôt été porté par la vision d’EDF-SEI en faveur des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP).

Sur le plan technique, le modèle EDM ne pose aucun problème. Le vrai problème est le modèle économique, sachant que le stockage d’un kilowattheure de stockage coûte 1 000 euros, ce qui est cher ; mais les prix baissent à toute vitesse. Par contre, la gestion intelligente de l’énergie permet de diminuer considérablement le besoin de stockage par unité d’énergie intermittente par rapport à ce que ce que nous prévoyions il y a encore deux ou trois ans, notamment dans les appels d’offre « CRE 1 » lancés dans les DOM.

M. Victorin Lurel. Où en est l’expérimentation menée à l’île de La Réunion avec des batteries sodium-soufre du japonais NGK, financée notamment par de l’argent public ? Toute la technologie aurait été vendue à EDF Énergies nouvelles…

M. Hervé La Touche. De mémoire, EDF Énergies nouvelles était partie prenante au projet initial. Des problèmes de sécurité – un risque d’incendie lié à la batterie NGK – ont provoqué l’arrêt de l’usine, qui a redémarré une fois le problème réglé. Aujourd’hui, on n’a pas de retour de l’opérateur public, ce qui est préoccupant. Cette question est du reste déterminante dans la connaissance des coûts de revient. Pour trouver des solutions de modélisation de l’ensemble du système, les opérateurs doivent avoir accès à des niveaux analytiques de coûts, qui permettent de savoir combien coûte un kilowattheure produit à tel ou tel endroit et heure par heure. Tout cela est disponible, mais pas encore accessible.

M. Serge Letchimy, vice-président. Qu’en est-il des autres expériences de batteries au lithium ?

M. Hervé La Touche. Elles sont en cours, il s’agit des appels d’offre CRE 1, lancés en 2012. La première centrale en Guyane sur le site de Toucan va produire cet été avec 5 mégawatts. Akuo construit un système à l’île de La Réunion qui va également produire cet été avec 8 MW.

Cela étant dit, l’avenir des DOM est-il de construire de grandes centrales avec des stockages de masse ? Je ne le pense pas. Nous préconisons plutôt des mesures d’urgence sur le bâti, ce qui permettrait d’avancer dans le domaine de la maîtrise de l’énergie, de l’isolation des toits et de consommation rationnelle, et même de la voiture électrique.

M. Victorin Lurel. Si le décret est publié, une quote-part du surcoût serait prise en charge par la CSPE.

M. Hervé La Touche. Tout à fait.

Quand il investit, EDF sait qu’un kilowattheure doit bénéficier de la CSPE pour être rentable. Il présente un rendement des capitaux garanti sur la base duquel il calcule tous les ans la somme dont il a besoin pour équilibrer les comptes. C’est le même principe ici : un opérateur va investir dans de la MDE, voire du stockage, et un rendement lui sera garanti sur les capitaux investis, de l’ordre de 11 %.

M. Serge Letchimy, vice-président. Ce décret est très important : il permettra le développement de l’investissement.

M. Jean-Louis Bal. Sur la question des retours, je vous suggère d’interroger l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie qui a apporté la part publique du financement pour l’expérimentation de la batterie sodium-soufre à La Réunion.

M. Victorin Lurel. J’ai cru comprendre qu’une convention a été signée avec EDF, qui a racheté la totalité des actions d’EDF Énergies nouvelles.

M. Jean-Louis Bal. L’ADEME doit avoir les informations sur le retour d’expérience et la propriété industrielle.

M. Serge Letchimy, vice-président. Il est très malsain qu’EDF puisse tirer profit d’une recherche innovation sans y avoir mis un euro. Dans les secteurs de la géothermie ou de l’énergie thermique des mers, les investissements des collectivités sont extrêmement lourds. Pour la centrale d’ETM à Bellefontaine en Martinique, nous avons dû débourser des millions d’euros ! Il est très malsain également qu’EDF puisse donner en amont un avis sur tout projet d’énergies renouvelable. Aussi notre Délégation doit-elle se prononcer sur la question du positionnement d’EDF à tous les niveaux.

Un autre problème se pose : nous sommes bloqués à 30 % d’énergies renouvelables et la stratégie nationale se fixe comme objectif la diminution de 50 % de l’énergie nucléaire ; or il n’y a pas d’énergie nucléaire dans les DOM. Par conséquent, l’essence du texte ne s’applique pas à l’outre-mer, où nous nous inscrivons dans la perspective d’une mutation profonde par rapport à l’énergie fossile.

M. Hervé La Touche. Le projet de loi prévoit d’aligner les objectifs nationaux et ceux de l’outre-mer… Autrement dit, vous perdez la moitié de ce qu’il était possible de faire grâce aux lois Grenelle.

M. Serge Letchimy, vice-président. Tout à fait. Il faut impérativement redresser cette mécanique qui fait chuter les objectifs du Grenelle de l’environnement. Il faut donc modifier le texte sur l’objectif des 32 % d’énergies renouvelables – fixé à 50 % par le Grenelle pour l’outre-mer – et sur la stratégie puisque nous n’avons pas de nucléaire.

Certains pensent qu’il n’est pas possible de modifier le plafond de 30 % pour le photovoltaïque.

M. Jean-Louis Bal. Je redis que le niveau de 30 % est empirique. Nos discussions avec les directions régionales d’EDF dans les DOM font apparaître que cette limite pourrait être relevée en fonction de la situation des systèmes électriques dans chaque DOM. Si la Guadeloupe et la Martinique ne sont pas les mieux placées, la Guyane et La Réunion ont d’importantes productions hydrauliques ; or l’hydraulique est précisément l’énergie qui se stocke le plus facilement. Ces centrales hydroélectriques peuvent intervenir très rapidement pour pallier la variabilité des énergies éoliennes et solaires. Autrement dit, dans ces régions, la part des énergies variables pourrait être considérablement relevée.

M. Serge Letchimy, vice-président. Vous êtes en train de nous démontrer que la question du stockage se pose totalement différemment d’un département à l’autre. Le mix énergétique martiniquais n’a rien à voir avec le mix de la Guyane, pays équivalent au Portugal en termes de surface et qui recèle des richesses incroyables, y compris en eau. Il ne faut pas se contenter d’un raisonnement outre-mer, il faut construire des stratégies régionales.

Dans la mesure où la Guadeloupe et la Martinique ont pratiquement atteint les 35 %, est-ce à dire que tout krab-la mó deyè, autrement dit que tout est cuit et qu’il n’y a plus aucune place pour les énergies renouvelables ?

M. Victorin Lurel. Si nous sommes limités par le plafond des 30 %, quel intérêt avons-nous d’intensifier l’investissement dans le photovoltaïque ? L’arrêt brutal de la défiscalisation a, d’une certaine manière, nettoyé et régulé le secteur. Quel serait aujourd’hui le bon tarif de raccordement ?

M. Jean-Louis Bal. Encore une fois, je pense que la limite des 30 % peut être relevée au cas par cas. Par ailleurs, il y a un an et demi, nous avons fait une proposition pour un tarif photovoltaïque avec stockage et MDE, mais sur laquelle nous n’avons jamais obtenu de réponse.

M. Serge Letchimy, vice-président. En quoi consiste ce tarif ?

M. Hervé La Touche. Nous avons étudié les évolutions des énergies dans le passé pour faire des projections et élaborer un modèle technico-économique qui, suivant le système photovoltaïque souhaité – avec plus ou moins de services et de maîtrise de l’énergie – propose un tarif à la carte.

Ce tarif inclut le coût du photovoltaïque seul, de 180 euros le mégawattheure en moyenne en outre-mer, qui est donc déjà rentable par rapport au coût de production d’EDF – de 250 à 300 euros le mégawattheure suivant le département, selon les chiffres de la CRE. Encore faut-il y rajouter de qui lui permettra de le fiabiliser par rapport au réseau et d’apporter du service system, ce qui, en fonction du niveau de service souhaité, se traduit par un coût supplémentaire à ajouter au prix de base : c’est pourquoi je parlais d’un tarif à la carte. On obtient ainsi un prix tout compris qui varie entre 300 euros et 400 euros le mégawattheure pour un système photovoltaïque intégrant du stockage et de la maîtrise de l’énergie. Ce tarif s’amortit en termes de CSPE sur la durée de vie du système : il n’y a pas de surcoût CSPE, au contraire : il y a bel et bien une rentabilité, mais elle n’est pas immédiate. C’est tout le débat de fond : faut-il impérativement voir la CSPE baisser dans l’année qui suit ou pas ? Ce débat a été clarifié : a priori, il y a bel et bien une notion d’amortissement. Nous avons passé des heures à expliquer à la CRE la logique de notre modèle qui intègre un amortissement sur sept ans pour un système photovoltaïque avec stockage.

M. Victorin Lurel. Pour financer l’investissement, vous proposez des green bonds et des prêts concessionnels. Une période d’amortissement de sept ans permettrait donc de rentabiliser l’investissement et de justifier la pérennité des énergies renouvelables ?

M. Hervé La Touche. Tout à fait. Je parlais de la CSPE, mais le temps de retour sur le plan financier lui-même est de treize à quinze ans pour le photovoltaïque. Cela n’a rien à voir avec de la spéculation.

M. Victorin Lurel. Vous ne demandez pas le retour de la défiscalisation ?

M. Hervé La Touche. Non, mais si elle permet de faire du stockage et de la MDE, pourquoi pas s’il n’y a rien d’autre ?

M. Victorin Lurel. Vous aviez la défiscalisation, les exonérations de l’octroi de mer, un tarif de raccordement intéressant…

M. Hervé La Touche. Mais un coût d’investissement beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui.

M. Victorin Lurel. Il fallait stopper la bulle. Votre secteur a perdu les trois quarts de ses emplois. Vous n’espérez pas le retour de cette embellie, mais vous demandez un dispositif de financement…

M. Hervé La Touche. L’embellie a été très courte… Certes, nous avons bénéficié de la défiscalisation, mais les opérateurs historiques comme nous, qui avons créé des emplois, ont affiché un taux de rentabilité interne (TRI) de 14 %, alors que d’autres se sont lancés dans des opérations purement spéculatives et ont quitté depuis longtemps les DOM. Ce sont ces comportements-là qu’il faut combattre.

M. Serge Letchimy, vice-président. Pour les modalités de rachat, le principe retenu par la CRE et EDF est de ne pas dépasser le coût actuel de la production des énergies fossiles. Cela vous semble-t-il pertinent ?

M. Hervé La Touche. Il est pertinent si l’on raisonne à long terme. En l’état actuel des choses, personne ne peut proposer un coût moins cher avec du stockage. Par contre, un amortissement est possible, et c’est ce que nous démontrons.

Nous avons une CSPE pivot, autrement dit un moment à partir duquel tous les kilowattheures produits par nos systèmes font baisser le coût de la CSPE. Mais pour cela, il faut avoir amorti le système de stockage. C’est pourquoi EDF-SEI juge le stockage trop cher et préfère les STEP, autrement les stockages d’eau, qui mettront quinze ans à arriver… Nous ne sommes pas opposés à ces solutions, mais ce ne sont pas celles que nous pourrons développer à l’international. Or une solution qu’on est capable de vendre en Guadeloupe peut être vendue à Porto Rico, où elle doit être économiquement viable.

M. Victorin Lurel. Comme les éoliennes Vergnet, vendus à Cuba.

M. Hervé La Touche. La défiscalisation a permis à des sociétés comme la mienne d’exister et de se développer à l’international. Il y a, d’un côté, les spéculateurs et, de l’autre, les professionnels de la filière qui ont développé des emplois et du savoir-faire. Il ne faut pas tirer à boulet rouge sur ce genre de mécanisme, dès lors qu’il permet de promouvoir le développement de produits qui ne soient pas uniquement ultramarins, mais applicables à des réseaux électriques du même type dans la zone caribéenne, par exemple. C’est la seule façon de permettre aux entreprises d’être pérennes.

M. Serge Letchimy, vice-président. EDF n’investit pas suffisamment dans l’innovation, notamment en matière de stockage, pourtant nécessaire au regard du seuil des 30 %. Mais au lieu de privilégier un stockage massif centralisé, on a tout intérêt à préférer le stockage intelligent. Le développement de la voiture électrique, par exemple, suppose la multiplication des sites d’alimentation, et donc des unités de stockage. Il est surprenant que personne ne cherche à pousser EDF dans cette direction et lui laisse bloquer le système à loisir.

M. Hervé La Touche. C’est parce que personne ne lui impose ! Actuellement, le système marche avec la CSPE. Pourquoi changer ?

M. Serge Letchimy, vice-président. Ne faudrait-il pas imposer à EDF de réserver une part d’investissement pour le stockage ? Sinon, je ne vois pas comment on va s’en sortir.

M. Hervé La Touche. Il faut effectivement le lui imposer. On fait un Grenelle, mais il n’y a personne pour dire où l’on en est. Il faut un pilote. L’attitude d’EDF n’a rien de surprenant : remettre en cause un modèle qui marche depuis trente ans dans les DOM pour prendre des risques en se lançant dans des projets parfois un peu « shadok » comme l’énergie thermique des mers, n’a rien de naturel, sauf si l’on se contente d’investir à la marge. Certes, EDF-SEI est un gros promoteur de la maîtrise de l’énergie, dans le domaine des chauffe-eau solaires par exemple, mais pas sur de gros sujets comme les nôtres. Il faut donc le lui imposer.

M. Serge Letchimy, vice-président. Vous avez parlé du bâti et de la maîtrise de l’énergie.

M. Hervé La Touche. C’est ce qui crée des emplois.

M. Serge Letchimy, vice-président. Que pensez-vous des propositions de la ministre sur l’aide fiscale et le prêt à taux zéro ? Avez-vous des propositions complémentaires pour le bâti – bureaux, commerces, entreprises, habitations ?

M. Victorin Lurel. Vous demandez un plan d’urgence sans attendre la loi. De quoi s’agit-il ?

M. Hervé La Touche. Il s’agit de la prime à l’autoconsommation sur les moins de 100 kW dans le bâtiment.

M. Jean-Louis Bal. C’est une question centrale pour le photovoltaïque. L’autoconsommation consiste à consommer l’essentiel de sa production de façon à limiter le prélèvement sur le système électrique et, à l’inverse, à lui venir en soutien. Il est primordial de lancer ce concept très rapidement dans les DOM.

Hervé La Touche a rappelé que les premiers développements des énergies renouvelables dans les années quatre-vingt-dix ont permis aux entreprises de rayonner à l’international. La même opportunité se présente avec l’autoconsommation, notamment avec stockage de l’énergie. Cela coûtera un peu plus cher au début que ce que peut permettre le financement par la CSPE, mais cet investissement rapportera assez rapidement au niveau du système électrique Et surtout, il va nous permettre de relancer des activités industrielles exportatrices. L’autoconsommation se développe dans le monde entier, notamment dans les îles des Caraïbes, à portée de nos entreprises domiennes. Pour ce faire, nous demandons ce tarif sur lequel nos discussions ont été plutôt positives avec les services des ministères et d’EDF. Nous attendons maintenant une décision.

M. Serge Letchimy, vice-président. Le stockage maison par maison est-il possible ?

M. Jean-Louis Bal. Plutôt bâtiment par bâtiment. Il faudrait commencer par les bâtiments tertiaires.

M. Hervé La Touche. La priorité est le tertiaire.

M. Jean-Louis Bal. Les situations sont extrêmement diverses d’une région à l’autre. En Guadeloupe et Martinique, il est préférable d’avoir du stockage très décentralisé, mais décentralisé au niveau des bâtiments tertiaires. Dans les régions bien pourvues en eau et en reliefs, le mieux sera le stockage centralisé sur de l’hydraulique. Aujourd’hui, le stockage le plus efficace est sur l’eau.

M. Hervé La Touche. Il faut quinze ans pour concevoir un stockage sur l’eau.

M. Serge Letchimy, vice-président. Qu’appelez-vous stockage sur l’eau ?

M. Jean-Louis Bal. Les barrages hydrauliques, pour commencer.

Ensuite, les projets en Guadeloupe et à La Réunion de création de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), qui consistent à pomper l’eau de mer dans un réservoir situé le plus haut possible, 300 mètres minimum lorsqu’on a de l’énergie en excédent, et à turbiner l’eau stockée lorsque la demande devient plus forte que la production. C’est le stockage le plus efficace, mais la construction d’une STEP nécessite du temps. Les Espagnols viennent d’en construire une aux Canaries, sur l’île de El Hierro, devenue aujourd’hui autonome en énergie grâce à l’éolien, le photovoltaïque et cette station de pompage.

Dans le bâtiment, il faudrait plutôt faire appel au stockage électrochimique, sur lequel les technologies évoluent très rapidement, notamment avec le lithium-ion. Comme pour le photovoltaïque, plus le déploiement pré-commercial sera important, plus les prix chuteront rapidement.

Il faut lancer ces technologies dans les DOM, mais sans idée préconçue sur le niveau de décentralisation du stockage – quartier, bâtiment tertiaire, habitation individuelle. Car aujourd’hui, personne n’est capable de dire quel sera le niveau optimum, sans compter qu’il ne sera pas le même à La Réunion et en Guyane.

M. Bernard Lesterlin. L’outre-mer est un kaléidoscope au regard de la diversité des situations géographiques, climatologiques, démographiques. La Polynésie française est un territoire vaste comme l’Europe où vivent 260 000 personnes ; à l’opposé, Mayotte compte pratiquement autant d’habitants sur 376 kilomètres carrés.

La nécessité d’investir dans la recherche-développement a été rappelée par notre président. Dans ce domaine, le problème de l’outre-mer n’est-il pas celui de l’étroitesse du marché, voire de l’existence de situations de monopole de production ?

Les Réunionnais ont fait de gros efforts pour la diversification des sources d’énergie ; Madagascar n’est pas loin. En Guyane, pays en plein développement démographique et économique, la production hydroélectrique garantit une sécurité énergétique sans être véritablement destructrice d’espaces. Quant aux Antilles, Serge Letchimy et Victorien Lurel sont mieux placés que moi pour en parler. Quelle est la voie selon vous pour un investissement dans les nouvelles technologies avec une optique régionale ? Si la taille des marchés outre-mer peut être dissuasive à l’investissement dans la recherche sans aide publique, l’exportation de technologies conçues par des entreprises ou des laboratoires dans ces territoires sur l’ensemble de la zone peut l’encourager.

M. Hervé La Touche. À l’époque où les dispositifs de défiscalisation permettaient au marché local d’être très demandeur, notre groupe, qui représente environ 35 % du marché du solaire dans l’outre-mer, consacrait 10 % de son chiffre d’affaires au déploiement à l’international. Lorsque votre activité est pérenne et vous permet de dégager des marges, vous investissez.

Aujourd’hui, le marché qui correspond à la niche des réseaux ultramarins représente environ 250 millions de personnes, soit cent fois plus que le nombre d’habitants des départements d’outre-mer. Il y a donc des choses à faire !

Avec un marché local, vous pouvez lancer des projets – ce que nous avons fait au Brésil, en Bolivie, au Pérou. Mais s’il n’y a plus de marché local, il devient extrêmement compliqué d’être forts à l’international. Des groupes savent le faire, des métiers sont particulièrement adaptés ; le nôtre est particulier. Les acteurs français puissants à l’international et sans marché national sont très peu nombreux.

Quant à la R&D, il faut être réaliste. Nous nous sommes bornés à faire des adaptations techniques et économiques des produits développés en Europe : cela relève de la recherche appliquée. La mise au point d’un produit prend tout au plus deux ou trois ans ; il n’y a pas besoin d’y réfléchir pendant quinze ou vingt ans. Dans ces conditions, un petit marché peut être suffisant – c’est ce que nous essayons de recréer avec le dispositif que nous demandons en urgence – et permettre d’aller à Porto Rico, à Trinidad, et d’y proposer un copier-coller de ce que vous avez fait chez vous. Actuellement, trois ou quatre entreprises domiennes – qui représentent une quarantaine d’ingénieurs ou de cadres qui savent travailler à l’international – réussissent à vivre en se déployant sur ces marchés très spécifiques, ces marchés de niche dans lesquels la France a un rôle à jouer, sachant que nous n’avons pas pris le grand train du marché mondial, contrairement aux Allemands, aux Chinois, aux Américains et aux Japonais.

M. Jean-Louis Bal. Le marché mondial des énergies renouvelables est littéralement en train d’exploser. Chaque jour dans le monde, 250 mégawatts d’éolien et de photovoltaïque sont installés, ce qui représente l’équivalent d’un EPR par semaine… Cela est notamment dû à l’excellent niveau de rentabilité et de compétitivité – qui va continuer à s’améliorer – qu’ont désormais atteint ces énergies renouvelables par rapport à celui des énergies fossiles. Dans certains pays, le niveau de rentabilité de la production éolienne et photovoltaïque permet même une rentabilité des systèmes avec stockage.

Pour autant, ce développement est encore embryonnaire au niveau mondial. D’où l’intérêt de développer un savoir-faire dans les DOM, d’améliorer nos technologies et les performances des entreprises françaises. Les marchés italien et asiatique vont s’ouvrir. Le développement de nos savoir-faire sur ces technologies d’autoconsommation avec stockage nous offrira de réelles opportunités sur le marché mondial, et pas seulement dans les îles des Caraïbes.

M. Serge Letchimy, vice-président. N’oublions pas pour autant la réalité du contexte de l’outre-mer : à côté de chez nous, il n’y a pas que Sainte-Lucie… Le Brésil, avec 200 millions d’habitants, est à deux heures de vol. Nos régions sont membres de l’Association des États de la Caraïbe, de l’OICS, de CARICOM, de l’ASEPAL. Les Mexicains nous demandent de venir, car ils sont eux aussi très demandeurs de solutions énergétiques autonomes. La Martinique, la Guadeloupe et la Guyane pourraient être des terres d’excellence à l’exportation. On oublie trop souvent que nous avons un bassin naturel et que, par l'intermédiaire des Brésiliens, nous pourrions parfaitement exporter notre savoir-faire vers l’Italie et la France via des joint-ventures qui nous permettront d’optimiser les coûts. C’est en ce sens que ce texte est fondamental pour l’outre-mer. Cessons de le regarder par le petit bout de la lorgnette ! « Un jour la nature nous redonnera la main », a dit le poète. C’est ce qu’elle est en train de faire !

Je vous remercie, messieurs, de nous avoir permis de terminer sur cette note très positive.

La séance est levée à 18 heures.