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Délégation aux outre-mer

Mardi 29 septembre 2015

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 14

Présidence de M. Jean-Claude Fruteau, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Georges Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur le changement climatique et les outre-mer

La séance est ouverte à 16 heures 20.

Présidence de M. Jean-Claude Fruteau, président.

La Délégation entend Mme Georges Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur le changement climatique et les outre-mer.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, au nom de la délégation aux outre-mer, la bienvenue à Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté de venir évoquer avec nous les perspectives de la négociation sur le climat, communément appelée COP21, sur laquelle trois des membres de notre délégation sont en train de préparer un rapport qu’ils nous présenteront à la fin du mois d’octobre. Ces trois rapporteurs représentent chacun un bassin océanique – l’océan Pacifique pour Maina Sage, l’océan Indien pour Ibrahim Aboubacar et l’océan Atlantique pour Serge Letchimy.

Je rappelle que les outre-mer sont intéressés au premier chef par les questions relatives au climat, car ils subissent de manière particulièrement forte les effets de son dérèglement, qu’il s’agisse de la hausse des températures, de l’intensité accrue des cyclones et des houles, ou de l’élévation du niveau des océans. Ils ne sont évidemment pas restés passifs devant la menace. Des rencontres ont eu lieu, des initiatives ont été prises, et le ministère des outre-mer me semble pouvoir jouer un rôle important dans la stimulation des recherches, dans le partage des expériences des différents territoires et dans la coordination de la réflexion sur les aspects financiers de la réponse à apporter aux conséquences du changement climatique.

Je vous donne maintenant la parole afin que vous nous exposiez l’état de vos réflexions et nous indiquiez quel rôle vous entendez faire jouer au ministère que vous dirigez sur cette question essentielle qu’est le changement climatique.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m’avoir invitée à m’exprimer sur la question du changement climatique et de son impact sur les territoires d’outre-mer, qui constitue un enjeu majeur. Dans moins de deux mois, la France présidera la vingt et unième Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, communément appelée COP21, qui représente une échéance cruciale pour nous tous.

L’objectif est d’aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, afin de maintenir le réchauffement climatique mondial à moins de 2 °C. Cet accord a vocation à s’appliquer à partir de 2020 et la France, qui présidera la Conférence, va jouer un rôle de premier ordre sur le plan international, pour rapprocher les points de vue et pour faciliter la recherche d’un consensus, tout en permettant au débat de se dérouler dans de bonnes conditions.

Nous sommes tous concernés par les bouleversements liés au changement climatique qui s’annonce, et plus particulièrement par ceux qui vont toucher les outre-mer, qui concentrent sur leurs territoires un patrimoine naturel exceptionnel, tout en faisant face à des contraintes très fortes. Les effets du changement climatique mettent en péril leur environnement, mais aussi leurs populations. Nous devons nous interroger sur les leviers à mobiliser pour favoriser la transition écologique des outre-mer, faire face au défi du changement climatique, et permettre aux populations et aux territoires de bénéficier de la croissance verte issue d’une gestion durable et responsable des ressources naturelles.

L’adaptation aux risques naturels est le premier défi auquel les décideurs publics sont confrontés. Comment faire des outre-mer des territoires capables de s’adapter aux risques naturels et aux effets du changement climatique ? Les risques naturels sont nombreux : incendies de forêt, inondations, submersions marines, sécheresse, érosion des sols et du littoral. Le changement climatique aura des effets sur le niveau de la mer, sur les précipitations, sur la fréquence des cyclones. Les derniers travaux du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ont confirmé la tendance à la hausse du niveau des mers, qui affecte directement les outre-mer et tout particulièrement les îles du Pacifique, qui s’élèvent très peu au-dessus du niveau de la mer. On assiste d’ores et déjà à une recrudescence des catastrophes naturelles ; c’est pourquoi il est nécessaire de développer et de renforcer les réseaux d’alerte précoce. Il faut améliorer les modèles de prévision en s’appuyant sur les centres de Météo France impliqués en outre-mer, mais aussi renforcer la coopération régionale dans ce domaine. C’est ainsi que la France a initié récemment un programme ciblant en priorité les zones où se situent les petits États insulaires du Pacifique, des Caraïbes et de l’océan Indien, et visant à intensifier la coopération régionale dans le domaine de la connaissance des risques météorologiques et de leurs impacts, de l’alerte précoce et de la transmission d’informations.

Pour agir à bon escient, encore faut-il disposer de données scientifiques permettant d’éclairer utilement les décideurs politiques. À cet égard, les outre-mer français peuvent constituer des postes avancés. Présents sur les trois océans, leur répartition géographique en fait des avant-postes privilégiés de la recherche et du suivi de ses effets à l’échelle planétaire. C’est particulièrement vrai pour les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), un monde unique, peu peuplé mais jouant un rôle extrêmement important en raison de la présence de nombreuses bases scientifiques où sont mis en œuvre des programmes relatifs aux gaz à effet de serre, ainsi qu’aux modifications météorologiques à venir. Ce sont des observatoires privilégiés des changements globaux qui perturbent les écosystèmes marins et terrestres.

Sur une autre échelle, nous avons aussi à évoquer l’Initiative française sur les récifs coralliens (IFRECOR), qui s’est lancée dans la construction d’un observatoire du changement climatique inséré dans les réseaux mondiaux. Il s’agit en fait d’une mise en réseau des observatoires locaux installés dans chacun des territoires ultramarins. Cette initiative est très importante, car le fait que les coraux se mettent à blanchir constitue un très mauvais signe de la santé des océans. Nous essayons actuellement d’élargir le champ des connaissances et d’améliorer les réseaux internationaux de suivi du changement climatique.

Notre seconde priorité est la biodiversité, car préserver l’environnement des outre-mer, c’est préserver le patrimoine et le cadre de vie des ultramarins, mais aussi valoriser une exceptionnelle richesse utile à tout le monde. En dépit d’une superficie réduite, les territoires ultramarins abritent 3 450 plantes et 380 vertébrés endémiques, c’est-à-dire plus que toute l’Europe continentale. Quant au milieu marin d’outre-mer, vaste de plus de 10 millions de kilomètres carrés, il abrite plus de 10 % des récifs coralliens et des lagons de la planète. Un décret pris récemment, visant à faire respecter nos droits sur nos espaces marins, devrait avoir pour conséquence d’accroître significativement notre domaine maritime.

Mme Chantal Berthelot. De 500 000 kilomètres carrés !

Mme la ministre. Si l’on considère que la Polynésie représente une zone économique exclusive (ZEE) équivalente à celle de l’Europe, on comprend que le patrimoine naturel des outre-mer fasse de la France l’un des plus riches pays au monde en matière de diversité biologique.

Les services rendus par les écosystèmes – récifs coralliens, mangroves, herbiers – sont considérables en termes de protection du littoral et pour lutter contre les effets de l’augmentation du niveau des océans. Toutefois, ce patrimoine naturel est d’une grande fragilité. Il est donc indispensable de mettre en œuvre une politique ambitieuse de protection. Les outre-mer sont des territoires où les aires protégées sont très développées : parcs nationaux ou régionaux, réserves naturelles, parcs marins. Si nous devons poursuivre nos efforts en vue du développement durable des territoires, nous devons également veiller à ce que les habitants puissent y vivre et y exercer des activités économiques : il ne s’agit pas de mettre les territoires sous cloche, et il faut donc trouver le moyen de faire cohabiter ces deux préoccupations qui peuvent parfois se révéler antinomiques.

La politique de préservation des ressources naturelles est particulièrement importante pour les espaces maritimes. Les océans sont en effet les poumons de la planète : ils produisent la majorité de l’oxygène que nous respirons et leur capacité de stockage du CO2 est largement supérieure à celle de l’ensemble des forêts terrestres. Les océans sont directement impactés par l’augmentation des émissions de CO2 et le réchauffement climatique. L’acidification des eaux menace les coraux et les mollusques à coquille, tandis que l’augmentation de la température de l’eau et du niveau des mers, ainsi que la surexploitation des ressources et la pollution, diminuent la capacité des écosystèmes marins à s’adapter aux changements climatiques présents et futurs. La préservation et la reconquête des milieux marins constituent donc une priorité.

La France, qui possède la deuxième zone économique exclusive au monde grâce à ses outre-mer, a une responsabilité particulière en la matière. Dès 1999, le ministère des outre-mer et le ministère de l’écologie ont créé l’IFRECOR, seul réseau d’action rassemblant l’ensemble des outre-mer français, et auquel nous avons assigné l’objectif de protéger 35 000 hectares de mangrove et 75 % des récifs coralliens français d’ici à 2020. On assiste à une prise de conscience de plus en plus marquée de la nécessité d’une meilleure prise en compte des océans lorsqu’on évoque le changement climatique. La création en juin dernier de la plateforme mondiale Océan et Climat, qui a pour objectif de développer les connaissances scientifiques sur les liens entre océan et climat, va permettre d’accélérer la prise de conscience.

Je veux rappeler que les outre-mer ont aussi un rôle à jouer en matière d’atténuation du changement climatique. Ces territoires sont très dépendants des énergies fossiles, car ils ne sont pas interconnectés au réseau des centrales nucléaires ; les réseaux de transports en commun y sont très limités. Il importe donc que nous nous efforcions d’encourager la transition vers une économie plus sobre en carbone – à l’heure actuelle, ce sont les voitures qui constituent les plus grosses émissions de gaz à effet de serre. Les territoires d’outre-mer sont dotés d’atouts considérables en matière d’énergies renouvelables – solaire, photovoltaïque, thermique, biomasse, géothermie, énergie marine renouvelable – et il s’y fait déjà beaucoup de choses innovantes en la matière. Lors d’une visite à la Réunion, j’ai beaucoup entendu parler du prix d’achat de la bagasse – le résidu de la canne à sucre issu du broyage de celle-ci, que l’on brûle dans les centrales thermiques pour produire de l’électricité – et je peux vous dire que l’arrêté qui va augmenter le prix d’achat est prêt à être signé.

La loi de transition énergétique, portée par Ségolène Royal et votée cet été, constitue une avancée majeure en matière de lutte contre le changement climatique. Elle fixe des objectifs ambitieux pour les départements d’outre-mer, puisqu’il s’agit d’atteindre l’autonomie énergétique à l’horizon 2030, avec un objectif intermédiaire de 50 % dès 2020. Par ailleurs, elle renforce les pouvoirs des régions en matière de politique énergétique grâce à la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui va définir pour chaque territoire, ainsi que pour Saint-Pierre-et-Miquelon, les orientations de la politique énergétique en matière de développement des énergies renouvelables, de maîtrise de la demande en énergie et d’efficacité énergétique.

Nous savons qu’il importe que la transition énergétique s’appuie sur les caractéristiques propres à chaque territoire sur la base d’un objectif commun, consistant à atteindre à terme l’autonomie énergétique. Aujourd’hui, les outils sont en place et il appartient aux territoires et aux acteurs de s’en saisir pour agir, notamment en matière d’économie circulaire, d’économies d’énergie et de développement des énergies renouvelables. Des collectivités comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ont la responsabilité de fixer leurs propres objectifs. L’État peut les accompagner dans cette démarche, et je tiens à saluer le travail des autorités polynésiennes, qui ont élaboré un plan Climat Énergie extrêmement intéressant, qui fixe un objectif de 50 % d’énergies renouvelables en Polynésie d’ici à 2020. La Polynésie possède tous les atouts pour atteindre cet objectif. Je me souviens avoir visité une petite île polynésienne sur laquelle se trouvait un très bel hôtel, malheureusement abandonné en raison du coût de l’énergie nécessaire à son fonctionnement. Il nous a été dit que cet hôtel pourrait rouvrir si l’on trouvait le moyen d’utiliser des énergies renouvelables pour l’alimenter. Je pense que ce cas est loin d’être unique et que, si l’on veut développer un tourisme durable, il faut le faire en recourant aux énergies renouvelables.

Je sais que le gouvernement calédonien souhaite également s’engager dans une démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et nous ne pouvons que l’y encourager. En effet, la Nouvelle-Calédonie présente une situation particulière : si globalement, elle est assez peu émettrice de gaz à effet de serre, elle présente un niveau d’émission par personne extrêmement élevé.

Comme vous le voyez, nous sommes au cœur des problématiques qui vont mobiliser les États lors de la préparation de ce grand moment qu’est la COP21. Les territoires d’outre-mer sont en pointe sur ces sujets et doivent être présents lors de la Conférence. Ils se sont mobilisés pour fédérer leur voisinage : une conférence Caraïbe Climat s’est tenue à la Martinique en mai dernier, et un sommet des dirigeants dans le Pacifique en juillet dernier. Enfin, je me suis rendue récemment en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour le Forum des Îles du Pacifique. Nous allons réunir un sommet France-Océanie le 26 novembre prochain, à la veille de la COP21, pour répondre à la préoccupation des petits États du Pacifique, que toute montée des eaux menace directement.

Nous allons faire en sorte que les problématiques des outre-mer soient bien représentées dans le cadre de la COP21, et je sais qu’une zone leur sera réservée au sein du pavillon France. Pour relayer avec force leur message, nous organisons le 15 octobre prochain un séminaire sur les outre-mer face au changement climatique, afin d’élaborer un agenda des solutions pour les outre-mer. Je remercie ceux d’entre vous qui ont manifesté leur intention de s’y rendre, car nous avons besoin de mettre en lumière les initiatives et les projets ultramarins qui contribuent d’ores et déjà à l’adaptation au changement climatique.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Je vous remercie, madame la ministre. Nos trois rapporteurs ont accompli un travail considérable consistant d’abord à effectuer des consultations écrites au niveau des institutions, puis à entreprendre des démarches sur les territoires concernés, en collaboration avec les députés s’intéressant à ces questions, enfin à procéder à l’audition de personnalités qualifiées – scientifiques, responsables d’institutions et d’établissements publics, représentants d’ONG. Je les remercie de s’être saisis de ces questions avec détermination et je leur donne maintenant la parole, en commençant par Maina Sage, qui est un peu le chef de file de l’équipe dont ils font partie.

Mme Maina Sage, rapporteure. Je m’associe à notre président pour vous remercier de votre présence, madame la ministre. L’objectif de notre rapport est de faire un état des lieux des connaissances sur les impacts du changement climatique, actuel et à venir, dans nos territoires ; de regrouper l’ensemble des actions et initiatives déjà menées en matière de stratégies d’atténuation et d’adaptation – si nous sommes en première ligne des victimes, nous souhaitons également être en première ligne des acteurs : il est important pour nous de valoriser ce que nos territoires font déjà pour se prémunir contre le changement climatique – ; enfin, de permettre à l’ensemble de nos collègues de porter haut la voix des outre-mer et de se regrouper autour de ce rapport afin de passer un message commun en vue de la COP21.

Nous avons mené une quinzaine d’auditions au niveau national début septembre. Chacun a ensuite mené des auditions locales, dans son bassin océanique – une vingtaine en ce qui me concerne pour la Polynésie. Nous avons invité nos collègues députés à participer à nos travaux, et je tiens à remercier ceux qui ont apporté leur contribution.

Nos territoires sont des atouts pour la France, de par la richesse de leur biodiversité, et de par leur position géostratégique – ils sont répartis sur l’ensemble de la planète, à toutes les latitudes, et constituent à ce titre des avant-postes privilégiés d’observation du changement climatique. Pour ce qui est de la biodiversité – que ce soit en matière d’écosystèmes coralliens, de mangroves ou d’espaces maritimes –, la France possède la deuxième surface maritime mondiale, avec près de 10 millions de kilomètres carrés se trouvant à 97 % en outre-mer – dont la moitié en Polynésie française : les outre-mer abritent donc 80 % de la biodiversité française. La richesse de cette biodiversité rend sa protection fondamentale pour nos territoires, d’autant plus que nos économies sont souvent fondées sur cette richesse, ce que l’on a tendance à oublier : elles seront donc particulièrement fragilisées par le changement climatique, car nombre de nos activités vont se trouver menacées, qu’il s’agisse de la pêche, de la perliculture ou de l’aquaculture. La situation insulaire de nos territoires – à l’exception de la Guyane – renforce encore leur fragilité. Nos territoires sont de taille réduite, souvent situés sur des atolls, des îles sans point haut, dont les habitants ont toutes les raisons de s’inquiéter de la montée des eaux.

Au regard de ce constat, et la COP21 étant imminente, il nous a semblé nécessaire de rappeler que les impacts du changement climatique seront extrêmement graves pour les territoires d’outre-mer. Les menaces ne sont pas les mêmes que pour l’Hexagone, ce qui nous a été confirmé par toutes les auditions que nous avons menées auprès de la communauté scientifique : les outre-mer vont se trouver en première ligne des impacts du changement climatique.

Si nous sommes peu contributeurs des gaz à effet de serre, nous nous engageons tout de même dans une stratégie d’atténuation, afin d’apporter notre contribution. Nous demandons cependant, au titre de notre insularité, de la fragilité de nos économies, de la richesse de notre biodiversité et des atouts que l’outre-mer représente pour la France, à ce que l’État français nous donne la parole dans le cadre des discussions de la COP21. Toutes les auditions que nous avons réalisées auprès des institutions, des élus locaux, communaux, régionaux, et au niveau national, ont mis en évidence une demande particulière des outre-mer de ne pas simplement être vus et entendus au cours de la COP21, mais de savoir très concrètement comment l’État prévoit d’intégrer ce paramètre dans les décisions qui seront prises pour lutter contre le changement climatique. S’agit-il d’un accompagnement technique et financier ? Nos petits territoires, qu’il s’agisse des départements d’outre-mer (DOM) – souvent autonomes en matière d’environnement et d’énergie – ou des collectivités d’outre-mer (COM), ne peuvent relever ce défi à eux seuls.

La première question que nous nous posons est celle de l’accessibilité au Fonds vert. Cette année, plusieurs députés sont intervenus pour poser la question de l’éligibilité à des fonds exceptionnels, destinés à permettre à leurs territoires à la fois d’être avant-gardistes en matière de solutions et de mettre en œuvre des stratégies d’adaptation – car si les outils sont là, encore faut-il les financer, ce qui est très difficile à l’échelle de nos territoires.

La deuxième question a trait à la coopération régionale. Vous avez raison de dire que nous avons su mobiliser pour fédérer nos voisinages, au-delà de nos nationalités, car la question du changement climatique ne fait pas de différence entre les territoires français et les petits États insulaires indépendants qui les entourent. Il y a une logique à travailler au plan régional et à mettre des moyens en commun. Pour ce qui est du Pacifique, les petits États insulaires seront éligibles au Fonds vert. Si nous avons le privilège d’accueillir de nombreux centres de recherche bien dotés et actifs, ce n’est pas le cas de tout le monde. Il existe une volonté de plus forte coopération régionale, que nos statuts ont malheureusement tendance à freiner. Les territoires d’outre-mer veulent être accompagnés par l’État en vue de consolider cette coopération régionale.

Enfin, vous avez évoqué la table ronde du 15 octobre prochain – une initiative dont nous vous remercions – et le sommet France Océanie du 26 novembre, au sein duquel le pavillon France sera présent. Aujourd’hui, à deux mois de la COP21, je veux souligner la volonté des outre-mer d’avoir rapidement des certitudes sur la façon dont ils seront représentés. Les outre-mer disposeront-il d’un espace réservé au sein du pavillon France ? Il s’agit là de questions purement organisationnelles, mais vous comprendrez que nous ayons désormais besoin de précisions compte tenu des distances qui nous séparent de Paris : nous ne sommes pas à deux heures de train, mais à 20 00 kilomètres – à 2 500 euros le billet pour la Polynésie –, ce qui nécessite de s’organiser un peu à l’avance.

M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur. Pour ma part, j’évoquerai plus particulièrement la contribution de la zone de l’océan Indien au positionnement de la France sur les questions de biodiversité et de changement climatique. Je veux souligner la contribution de nos outre-mer au travail effectif mené au niveau mondial, qu’il s’agisse de la connaissance des phénomènes ou des outils de protection de la biodiversité. Il est important de mettre en avant les atouts des outre-mer, ainsi que les actions qui y sont déjà menées.

En ce qui concerne l’océan Indien, l’île de la Réunion est dotée d’un centre régional météorologique, où s’est tenue récemment une conférence régionale réunissant quinze pays de l’océan Indien, allant de l’Afrique jusqu’aux abords de l’Australie. Comptant parmi les six centres de référence mondiaux au sens de l’Organisation mondiale de la météorologie, il accomplit un remarquable travail de recherche sur les questions de l’air, de l’eau et de la mesure du réchauffement, et témoigne du fait que les outre-mer peuvent être acteurs de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les Terres australes et antarctiques françaises sont également à la pointe de ce qui se fait en matière d’observation et de recherche scientifique, que ce soit aux Kerguelen, en Terre-Adélie ou sur les îles Éparses, des îles inhabitées qui constituent autant de centres de référence.

En matière de biodiversité, le parc national de la Réunion, qui couvre 40 % du territoire de l’île, constitue un outil d’avant-garde de protection de la faune et de la flore, tout comme les aires marines protégées correspondant à l’intégralité des zones économiques exclusives de Mayotte et des îles Glorieuses – où un projet de stratégie biodiversité vient d’être mis en œuvre en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD). C’est une preuve supplémentaire de la contribution significative des outre-mer à la recherche scientifique, qui justifie qu’une place leur soit réservée au sein du pavillon France lors de la COP21.

La première question que je souhaite vous poser, madame la ministre, porte sur le partage des informations de toute nature entre les structures – d’État ou de nature associative – travaillant sur la question du changement climatique et les élus locaux. Faute de disposer d’éléments précis, les élus en sont pour le moment réduits à raisonner et agir sur la base d’approximations, qui ne leur permettent pas de jouer efficacement leur rôle de relais auprès de la population.

Ma deuxième question a trait à l’éducation à l’environnement et au développement durable. Un sondage récent effectué au niveau national a montré que 52 % des Français ignoraient ce qu’était la COP21. Plus généralement, un effort réellement systématique doit être accompli pour l’éducation aux problématiques qui nous intéressent, pas seulement dans le cadre de l’école, mais en recourant à l’ensemble des structures susceptibles de contribuer à l’éducation.

Ma troisième question, très préoccupante dans les territoires de l’océan Indien, est celle de la politique de transport et des gaz à effet de serre. Aujourd’hui, c’est le règne du « tout voiture » et, si des schémas régionaux de transport existent, notamment à la Réunion et à Mayotte, une grande inertie freine les évolutions pourtant nécessaires dans ce domaine : nous devons absolument nous interroger sur la manière de promouvoir les comportements d’atténuation si nous voulons parvenir aux objectifs que nous nous sommes fixés.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Je salue l’initiative de la délégation aux outre-mer de s’être saisie du sujet du changement climatique, ainsi que la décision de Mme la ministre d’organiser un débat sur cette question à la mi-octobre.

Comme l’a très justement dit Maina Sage, nous serons les premières victimes du changement climatique mais, plutôt que de pleurer sur notre sort, nous souhaitons être en première ligne pour trouver des solutions. Nos sociétés d’outre-mer ont fondé leur organisation sociale et économique sur la biodiversité, et les traditions et coutumes dans ce domaine sont nombreuses et puissantes. Enfin, les conséquences du changement climatique seront particulières en outre-mer.

Le passage de la tempête Erika sur la Dominique, en août 2015, a fait dire au Premier ministre Roosevelt Skerrit que l’île avait reculé de trente ans – ce qui est particulièrement frappant quand on sait que la Dominique avait déjà un retard de vingt-cinq ans en matière de développement. Le professeur Jean Jouzel, chercheur du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), estime que nous allons subir une élévation de la température moyenne située entre 1 °C et 3,5 °C, ce qui fait craindre une augmentation plus importante en outre-mer, où la situation est beaucoup plus fragile et difficile à gérer. Selon lui, la montée des eaux va se situer entre quarante centimètres et un mètre : dans cette hypothèse, des îles risquent de disparaître. D’autres phénomènes sont à craindre, tels que la salinisation et l’acidification des sols, ainsi que l’augmentation de la violence et de la fréquence des cyclones.

Face à cette perspective, la première question que je me pose est de savoir comment différencier, dans le cadre de la COP21, la stratégie soutenue au niveau national par la France de celle de ses outre-mer. Si nous sommes tous d’accord pour nous associer à une stratégie mondiale, comment pouvons-nous dégager, à côté de la stratégie nationale, des stratégies régionales dédiées aux outre-mer, et de quelle manière pouvons-nous les faire valoir dans le cadre de la COP21, sans que l’on nous oppose que nous ne sommes que des régions françaises ? Si je dois avouer que la Martinique siégera pour sa part sous le pavillon de l’Organisation des États de la Caraïbe de l’Est (OECS), cela ne m’empêche pas de soulever cette question qui intéresse d’autres outre-mer. J’insiste sur l’aspect fondamental que revêt le thème de la différenciation, et sur le fait qu’il est essentiel pour vous de remporter cette bataille, madame la ministre. Le droit à l’égalité n’est pas l’ennemi du droit à la différence et parfois même, l’expression de la différence permet d’accomplir de grands progrès.

Par ailleurs, il est essentiel que nous ne nous contentions pas de survivre à l’événement dramatique que va représenter le réchauffement climatique, mais que nous en fassions le levier d’un nouveau modèle de développement économique. Cela m’amène à ma deuxième question : comment accompagner et financer la transition énergétique ? S’il faut se contenter des mécanismes existants, notamment ceux relevant de l’aide au développement, autant ne plus y penser, tant les besoins actuels sont déjà importants. Il faut des financements spécifiques.

Mme Maina Sage, rapporteure. Exceptionnels !

M. Serge Letchimy, rapporteur. Quelles seront les conditions d’accessibilité au Fonds vert ?

La troisième question que je souhaite aborder est celle de la coopération scientifique et de l’organisation par bassins maritimes transfrontaliers. Il y a quelques années, les élus d’outre-mer ont obtenu que l’expression « bassin maritime transfrontalier » soit inscrite dans la loi Grenelle, créant ainsi un nouveau concept qui permet aux outre-mer d’acquérir une nouvelle dimension en matière de coopération scientifique : ils ne sont plus réduits à n’exister, de ce point de vue, que comme des régions et départements de France. J’espère pouvoir compter sur le soutien de l’ensemble des outre-mer lorsque je défendrai ma proposition de loi sur la coopération, qui pourrait nous permettre un élargissement à ce qu’Aimé Césaire appelait la « géographie cordiale ». Si nous n’avons pas la possibilité de nous connecter facilement à la diplomatie territoriale et à l’économie de proximité, nous aurons beaucoup de mal à évoluer – c’est Laurent Fabius lui-même qui l’affirme.

Aimé Césaire me disait souvent : « Cherche dans la nature, tu vas trouver », et je me suis longtemps interrogé sur le sens de cette phrase. Appliquée au changement climatique, elle signifie qu’il faut savoir le considérer comme une opportunité de reprendre la main en matière de stratégie de développement endogène. Toutes les expertises réalisées à partir de l’Europe continentale sont inadaptées à nos réalités – certaines sont adaptables, mais pas toutes. S’inspirer des liens entre la résilience sociale, la résilience économique et la résilience en matière de biodiversité, pour produire de l’innovation technologique en mêlant le coutumier à la modernité, nécessite de mettre au point des stratégies de recherche et développement par bassin maritime transfrontalier.

Il y a trois ans, Sainte-Lucie a été ravagée par un cyclone. Les dégâts n’auraient sans doute pas été aussi importants si l’île avait été dotée de moyens de communication météorologique plus performants, à l’échelle du bassin maritime transfrontalier. Il en est de même pour les algues sargasses qui envahissent toutes les côtes des Antilles : si la Martinique est particulièrement touchée par ce problème, sa résolution ne se fera qu’à une très grande échelle, incluant même le Brésil.

En tant que parlementaire, je vous remercie de privilégier cette approche globale des choses, madame la ministre, et j’appuierai les efforts que vous accomplirez pour nous permettre de trouver notre place au sein de la COP21. Ce n’est pas gagné – pour le moment, je n’ai pas ressenti une volonté affirmée de l’État et des ministères d’aller en ce sens –, mais nous comptons sur vous.

Mme Chantal Berthelot. Je salue également l’initiative de la délégation aux outre-mer de s’être saisie de la question du changement climatique et je m’associe aux propos de nos trois rapporteurs, qui ont parfaitement saisi les enjeux de cette question pour nos outre-mer.

Bien que ses terres soient continentales, la perspective d’un réchauffement climatique de grande ampleur est tout aussi préoccupante pour la Guyane que pour les territoires d’outre-mer situés sur des îles : une augmentation des températures située entre 2,6 °C et 3,7 °C aurait des conséquences dramatiques pour notre environnement, pour la biodiversité mais aussi pour l’activité économique. L’agriculture et la pêche ne manqueraient pas de se trouver impactées, avec des saisons sèches plus longues et plus intenses, des pluies plus importantes et des phénomènes d’érosion – or, si la végétation guyanaise est luxuriante, elle n’en est pas moins fragile.

Les peuples autochtones d’Amazonie ont su, grâce à des traditions millénaires, préserver leurs terres jusqu’à présent, et souhaitent associer leur présence à celle des Amérindiens lors des grands rendez-vous à venir. L’enjeu climatique ne peut être perçu par nous comme il l’est par le monde occidental : pour nous, il s’agit avant tout de défendre la vie en préservant la planète terre-mère qui nous nourrit. C’est cette vision des choses qui a inspiré le président bolivien Evo Morales lorsqu’il a organisé la Conférence mondiale des peuples contre le changement climatique en 2010 : l’homme doit prendre conscience de sa fragilité et adopter un comportement plus humble vis-à-vis de sa planète. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si la participation de la Coordination des Organisations Indigènes du Bassin Amazonien (COICA) à la COP21 est bien prévue ?

M. le président Jean-Claude Fruteau. Madame la ministre, vous aurez compris à quel point les outre-mer veulent être acteurs, et même leaders, en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Appelés à subir de plein fouet les dérèglements à venir, ils entendent occuper une place particulière dans la réflexion qui va s’engager. De nombreuses questions vous ont été posées, auxquelles vous avez certainement à cœur de répondre.

Mme la ministre. Si elles contiennent des questions, les interventions des parlementaires que nous venons d’entendre constituent également des contributions à la réflexion qui s’est engagée sur le thème du réchauffement climatique.

Pour répondre à Maina Sage, je dirai que l’un des principaux objectifs que nous poursuivons est d’essayer de faire entendre la voix des petits États insulaires, dont font partie la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie. C’est pourquoi nous avons souhaité redonner vie au sommet France Océanie, plus ou moins abandonné après s’être réuni une première fois il y a quelques années. Il ne faut pas perdre de vue que, si la France accueille la COP21, elle n’est pas la seule à assumer son organisation, qui se fait au niveau international : les États auront pour objectif d’aboutir à une déclaration commune, mais il faut aussi s’attendre à un événement riche en initiatives émanant des États et de multiples associations. L’avantage de ce caractère foisonnant, c’est qu’il a toutes les chances de sensibiliser un grand nombre de personnes.

Les petits États réclament à juste titre d’être épaulés afin de pouvoir s’engager dans des stratégies nouvelles visant à économiser l’énergie. L’un des objectifs des débats organisés dans le cadre de la COP21 sera précisément de définir les financements de ces évolutions de stratégies. Pour fonctionner, le Fonds vert doit être alimenté conformément à ce qui avait été prévu initialement, à savoir 100 milliards de dollars par an. Or, on n’a trouvé qu’une dizaine de milliards pour le moment, et la France s’efforce de convaincre les autres pays développés de la nécessité de réunir l’intégralité du financement.

Il est prévu d’adosser l’Agence française de développement à la Caisse des dépôts, ce qui va permettre de disposer de sommes considérables pour financer les politiques dont la mise en œuvre aura été décidée dans le cadre de la COP21. Nous sommes très attentifs à cette opération, car l’AFD intervient beaucoup pour financer les projets de coopération, mais elle intervient aussi pour les collectivités d’outre-mer : à ce titre, le ministère des outre-mer est très présent dans la gouvernance de l’Agence, et nous ne souhaitons pas perdre la main sur cet outil important. Le renforcement de l’AFD dans le Pacifique sera une excellente chose dans la mesure où il permettra de financer des projets. Cela dit, les deux collectivités françaises du Pacifique ne sont pas susceptibles d’émarger aux fonds de l’AFD de la même façon que les petits États insulaires du Pacifique. Nous avons donc à trouver une cote mal taillée, et je crois que la coopération régionale nous permettra de faire coïncider les différentes politiques menées dans le Pacifique – c’est aussi ce qui rend le sommet France-Océanie si important.

J’ai discuté avec David Sheppard, le directeur général du Programme Régional Océanien pour l’Environnement (PROE), et je crois pouvoir dire que chacun se rend bien compte de l’importance de la participation de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie à l’évolution en cours. La conférence internationale qui s’est tenue à Port Moresby il y a quelques semaines a été l’occasion de lancer l’idée d’un sommet France-Océanie, qui a immédiatement suscité un grand intérêt parmi l’ensemble des pays de la zone concernée.

Nous avons demandé à ce que l’outre-mer dispose d’un espace particulier au sein du pavillon France lors de la COP21 et espérons disposer d’un stand acceptable, mais il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas les seuls et que nous ne sommes pas les maîtres d’œuvre de l’organisation de cet événement – de ce point de vue, Serge Letchimy a sans doute été prudent de se trouver une place au sein de l’espace Caraïbes. Comme lors de toutes les conférences internationales, l’aspect officiel de la COP21 est extrêmement formel, c’est pourquoi tous les efforts de sensibilisation que nous aurons accomplis précédemment seront d’une grande utilité.

Ibrahim Aboubacar a insisté, à juste titre, sur l’importance de la biodiversité, et évoqué le parc naturel et le centre météorologique se trouvant à la Réunion, tous deux très importants – ainsi, le centre météorologique participera à la prévention des tsunamis. Il a raison de souligner le rôle des TAAF : ces zones très peu peuplées sont extrêmement utiles pour les scientifiques car elles leur permettent d’effectuer des observations essentielles pour suivre l’évolution des climats. J’envisage de m’y rendre prochainement, ce qui nécessitera sans doute de voyager à bord d’un avion militaire, car les infrastructures de transport y sont très peu développées.

Le sujet du partage de l’information doit effectivement être porté par les élus locaux si l’on veut que les choses évoluent et que les populations se sentent impliquées. Certaines informations, certains chiffres, sont insuffisamment diffusés à l’heure actuelle, et nous devons trouver le moyen de faire en sorte que les structures nationales partagent davantage avec les élus locaux : sur ce point, il n’y a pas d’opposition de principe, il faut simplement opérer certains rapprochements. Je sais que, grâce au combat que vous avez mené en ce sens, les outre-mer seront désormais plus présents au sein de l’Agence française pour la biodiversité, ce qui est très positif pour les outre-mer, mais aussi pour la France en général.

Des actions sont déjà menées au sein des écoles pour l’éducation à l’environnement. Sans doute les ateliers éducatifs mis en œuvre dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires permettront-ils de développer chez les enfants la connaissance du milieu dans lequel ils vivent, avec l’aide des associations de défense de la nature.

Les élus ont évidemment la possibilité de prendre des décisions importantes visant à réaliser des économies d’énergie et à préserver la planète. Ainsi, un élu pourtant plus très jeune avait fait le choix du tram-train, il y a une dizaine d’années – un choix d’avant-garde pour l’outre-mer, où c’est généralement le « tout voiture » qui domine.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Si je ne me trompe, madame la ministre, vous faites allusion au sénateur Paul Vergès qui, il y a vingt ans, attirait déjà l’attention sur les conséquences des changements climatiques et évoquait la montée des océans – à l’époque, la plupart des gens lui riaient au nez.

Mme la ministre. Paul Vergès a souvent eu une vision très novatrice…

M. Serge Letchimy, rapporteur. Une pensée toujours moderne !

Mme la ministre. Et je trouve dommage que son projet de tram-train ait été abandonné.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Cela n’est pas définitif, madame la ministre, cela peut changer !

Mme la ministre. En tout état de cause, nous devons tous réfléchir à des moyens de transport alternatifs si nous voulons préserver la planète.

Serge Letchimy nous a suggéré d’essayer de dégager une stratégie ultramarine différenciée. Pour ma part, je suis convaincue qu’il existe des problèmes et des solutions particulières pour l’outre-mer. Nous devons faire un maximum de lobbying pour que nos préoccupations soient prises en compte dans la déclaration finale de la COP21, mais je pense que nous pouvons également faire beaucoup en nous appuyant sur la réglementation existante. Ainsi, la loi nous permet actuellement de mettre en œuvre des programmations pluriannuelles de l’énergie. Dans ce cadre, nous avons la possibilité de développer des stratégies propres à chaque territoire et répondant à la fois aux préoccupations locales et aux besoins de la planète.

Certaines préoccupations écologiques actuelles ont le mérite de remettre en cause des modèles économiques restés longtemps inchangés, aboutissant par exemple à ce que l’on fasse venir des produits fabriqués à l’autre bout de la planète pour des raisons de coût, ce qui déstructurait les économies locales. Aujourd’hui, la prise en compte du bilan carbone, par exemple, a pour conséquence que l’on privilégie de plus en plus les produits locaux, ce qui est bénéfique pour l’économie de nos territoires.

Pour ce qui est du financement, on a évoqué les 100 milliards du Fonds vert, mais je considère que nous devons également nous appuyer sur les fonds de financement mis en place dans le cadre de la transition énergétique. En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous avons la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et les fonds de l’AFD, mais aussi le Fonds européen de développement (FED) et les programmes européens de coopération régionale. Pour mener à bien des programmes ambitieux, nous avons besoin de financements, mais aussi et surtout d’une sensibilisation des populations et des élus concernés, afin de pouvoir mobiliser ces financements : ce sera l’un des principaux objectifs de la COP21.

Pour ce qui est des algues sargasses, je redis mon intérêt pour une initiative régionale permettant d’échanger entre les pays concernés par ce phénomène nouveau qui constitue, aux yeux des populations, une manifestation tangible de la réalité du réchauffement climatique.

Chantal Berthelot a évoqué la question de l’Amazonie et de ses habitants. Si ces personnes s’entendent continuellement dire que leur pays constitue le poumon de la planète, encore faut-il qu’elles puissent y vivre correctement. Nous avons désigné une mission de parlementaires qui se trouve actuellement en Guyane. Elle est allée à la rencontre des peuples autochtones, qui rencontrent actuellement d’importants problèmes liés au conflit entre la modernité et la tradition, ce qui se traduit notamment par une épidémie de suicides extrêmement préoccupante. Il est souhaitable que ces personnes puissent s’exprimer en tant que peuples autochtones dans le cadre de la conférence, et nous nous efforcerons de faire en sorte que ce soit le cas. Leur expérience nous est précieuse, car ils ont toujours eu un mode de vie écologique, basé sur une utilisation raisonnable des ressources de leur environnement. Le monde moderne, lui, n’a peut-être pas respecté les grands équilibres de la planète, c’est pourquoi il me semble que nous pourrions tirer enseignement de la sagesse de ces populations. J’espère que leur voix sera écoutée avec intérêt dans le cadre de la COP21.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Personne ne souhaite intervenir ?

Madame la ministre, nous vous remercions d’être venue vous exprimer devant notre délégation.

La séance est levée à 17 heures 35.

Information relative à la Délégation

La Délégation a désigné M. Ibrahim Aboubacar, co-rapporteur, sur les effets du changement climatique dans les Outre-mer.