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Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une réunion avec une délégation de la commission des transports du Bundestag.
M. le président Jean-Paul Chanteguet, coprésident. Je suis heureux d’accueillir aujourd’hui, pour une réunion conjointe, une délégation de la commission des transports du Bundestag, conduite par M. Martin Burkert. Nous siégeons dans la salle de la commission des affaires économiques et non dans la nôtre, ce qui nous permet d’utiliser les cabines techniques pour une traduction simultanée.
C’est la seconde fois que notre commission reçoit une délégation du Bundestag puisque, l’an passé, les 18 et 19 novembre 2014, nous avons eu le plaisir de rencontrer une délégation de la commission de l’environnement, de la protection de la nature, de la construction et de la sûreté, conduite par sa présidente Mme Bärbel Höhn.
Nos collègues ont rencontré hier M. Guillaume Pepy, président-directeur général de SNCF Mobilités, et M. Pierre Cardo, président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), et ils auront, après notre réunion, un entretien avec M. Philippe Duron, président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).
Ces échanges nous permettent d’obtenir une vision plus précise de la politique des transports telle qu’elle est mise en œuvre dans d’autres pays. Je rappelle que les transports sont une compétence forte et centrale de notre commission.
Ce matin, nos discussions seront centrées sur les infrastructures de transport routières et ferroviaires, en particulier sur le schéma des infrastructures, le financement de ces infrastructures et l’évolution du quatrième paquet ferroviaire européen.
Pour que nous ayons un débat dynamique je vous propose de passer la parole, successivement, aux députés français et aux députés allemands, d’abord à un représentant de chaque groupe politique puis à tout orateur qui souhaitera s’exprimer.
M. Martin Burkert, président de la commission des transports du Bundestag, coprésident. Je voudrais d’abord vous saluer très cordialement. Je me réjouis de l’occasion que nous avons de mener cette réunion commune à nos deux commissions.
En premier lieu, je présenterai les membres de notre délégation. Notre collègue Reinhold Sendker, qui appartient au groupe politique CDU/CSU, est vice-président de notre commission ; il vient de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
Notre collègue Dirk Fischer, qui appartient lui aussi au groupe politique CDU/CSU, vient de Hambourg. Il traite de la politique des transports au Bundestag depuis largement plus longtemps que chacun d’entre nous, puisqu’il a été notamment pendant près d’un quart de siècle le président du groupe de travail compétent en matière de transports au groupe politique CDU/CSU.
Notre collègue Gero Storjohann est le vice-porte-parole du groupe de travail du groupe politique CDU/CSU et vient du Schleswig-Holstein. Il est en outre vice-président de la commission des pétitions.
Notre collègue Kirsten Lühmann est porte-parole du groupe politique SPD au sein de notre commission des transports et des infrastructures numériques. Elle vient de Basse-Saxe. Elle est en outre membre du conseil de surveillance de la Deutsche Bahn (DB). Pour nous parlementaires, c’est une fonction très importante.
Notre collègue Herbert Behrens est porte-parole du groupe politique Die Linke au sein de notre commission des transports et des infrastructures numériques. Il vient lui aussi de Basse-Saxe.
Notre collègue Valerie Wilms est porte-parole du groupe politique Alliance 90/Les Verts au sein de notre commission des transports et des infrastructures numériques. Elle vient du Schleswig-Holstein. Elle est aussi porte-parole de son groupe politique au sein du Conseil consultatif parlementaire pour le développement durable.
Je suis quant à moi Martin Burkert, président de la commission des transports et des infrastructures numériques. Je viens de Bavière, plus précisément de Franconie.
Notre rencontre s’inscrit dans une tradition, à mon sens formidable, qui relie nos deux pays. Depuis le milieu du vingtième siècle, l’Allemagne et la France travaillent étroitement ensemble au service de l’intégration européenne. Signé par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer en 1963, le traité de l’Élysée a posé la première pierre de cette coopération intense. À l’occasion du cinquantième anniversaire de ce traité, de nombreux événements et rencontres ont mis à l’honneur l’amitié franco-allemande. Des cérémonies d’importance ont eu lieu à Berlin où se sont retrouvés les deux parlements et les deux gouvernements.
Dans le domaine des transports en particulier, il existe d’importants sujets d’intérêt commun, car des systèmes de transport efficaces, durables et écologiques ne sont pas simplement d’une importance fondamentale en tant qu’artères vitales de l’économie, mais sont également indispensables au citoyen pour satisfaire ses besoins de mobilité.
C’est pourquoi l’agenda franco-allemand 2020 inclut lui aussi des points importants de la politique des transports. Il prévoit notamment la mise en place du premier projet de démonstration transfrontalier à l’échelle mondiale, dans la région entre Strasbourg et Stuttgart/Mannheim/Karlsruhe, autour du véhicule électrique, qui démontrera les potentialités du projet « e-mobility ». La France et l’Allemagne se sont fixées pour objectif de présenter leurs vues communes dans le domaine de la standardisation afin d’accélérer la création d’une norme unique européenne en matière de véhicules électriques, y compris pour les infrastructures nécessaires. Les deux pays veulent en outre intensifier leurs efforts pour faire avancer un système de transport efficace, durable et hautement productif, en poursuivant et en amplifiant la coopération ferroviaire entre eux.
Nous mettons aussi en pratique ces objectifs. Le transport à grande vitesse entre la France et l’Allemagne est une histoire à succès. La liaison de TGV entre Rhin et Rhône fut mise en service en 2011 et offre des correspondances régulières entre TGV et ICE entre les centres de Marseille, Lyon et Strasbourg, dans l’Est de la France, et l’Allemagne, en direction de Cologne et Francfort. En 2015, la DB et la SNCF ont signé un accord de coopération relatif au transport transfrontalier à grande vitesse par ICE ou TGV, valable jusque 2020. La filiale commune de la SNCF et de la DB, Alleo, fait du très bon travail. La coopération a fait ses preuves au quotidien.
La situation générale du transport ferroviaire et l’attitude vis-à-vis du rapport entre le réseau et le trafic sur les rails sont autant de thèmes d’intérêt commun. Dans l’accord trouvé récemment au Conseil sur une orientation générale relativement quatrième paquet ferroviaire, je salue tout particulièrement la possibilité de conserver une structure d’entreprise intégrée à l’avenir. Je suivrai avec intérêt le déroulement du trilogue qui va s’ouvrir. Objectif du quatrième paquet ferroviaire, le renforcement de la compétitivité du mode « rail » grâce à une amélioration de la qualité et de l’efficience des prestations ferroviaires est à mes yeux, indépendamment de ces négociations, un important projet commun à nos deux pays. Pour ce faire, il faut que la promotion des liaisons transfrontalières nous tienne à cœur dans le domaine de la grande vitesse, si nous voulons soutenir le transport ferroviaire écologique comme alternative par rapport à l’avion.
Dans le secteur du fret, il y a malheureusement beaucoup de difficultés. Elles aussi appellent des solutions européennes, à commencer par une unification des procédures d’homologation. Au bout de vingt-quatre ans, l’espace ferroviaire européen unique n’est malheureusement pas encore une réalité. Le fret supporte des coûts élevés, par exemple dans le domaine des économies d’énergie. Ses parts de marché en Europe ne s’établissent qu’à 17 %, au lieu des 30 % fixés comme objectif par le Livre blanc. Des marges bénéficiaires trop basses représentent un problème important dans un contexte de concurrence avec le transport par route, moins écologique. Mais le manque d’harmonisation et de standardisation, qui persiste, produit lui aussi ses effets sur la longue durée. C’est pourquoi nous avons besoin de l’adoption et de la mise en œuvre rapide du volet technique du quatrième paquet ferroviaire.
Je voudrais également vous adresser une demande de soutien sur la question du « rétrofit » des véhicules de transports de marchandises dans toute l’Europe d’ici 2020. En Allemagne, les nuisances sonores liées au trafic ferroviaire ont réduit l’acceptation, au sein de la population, de ce mode de transport ; il faut la restaurer. De nos entretiens d’hier, nous avons retenu que le problème ne se pose pas en France, Dieu merci. Quant à l’ouverture complète du transport ferroviaire à la concurrence, 2026 nous semble trop tardif. Je souligne qu’en Allemagne, les entreprises françaises Veolia et Keolis sont déjà très actives et bien acceptées.
S’agissant de la libéralisation du transport de longue distance par autocar, je puis vous dire que nous avons, nous aussi, été surpris de son succès. Les conditions cadres en sont les suivantes. D’abord, il concerne les distances de plus de cinquante kilomètres et une heure de trajet, contre cent kilomètres en France. Ensuite, d’ici 2019, chaque car devra compter deux places pour des fauteuils roulants. Nous avons également pu adopter des horaires valables à l’échelle fédérale, de sorte que les cars ne s’arrêtent pas à n’importe quelle station, mais respectent plutôt un itinéraire.
Nous conduirons l’année prochaine une évaluation de cette politique en Allemagne. Des discussions ont déjà lieu. Elles portent sur le salaire minimum et les standards sociaux, s’agissant des conducteurs d’autocar ; sur l’introduction d’un droit d’usage (Maut) pour les autocars, dont le produit irait au financement d’infrastructures pour les autocars, où l’Allemagne accuse un déficit. Le parti social-démocrate (SPD) n’a pas réussi à faire adopter sa proposition d’une taxe de 0,4 centime par kilomètre. Pour un trajet de cinq cents kilomètres, cela représenterait un prix par passager de deux euros plus élevé, mais aussi un meilleur financement des infrastructures pour les autocars.
Ce qui serait aussi favorable à l’environnement, à la protection du climat et à l’économie des ressources, ce serait que les objectifs qui ont été fixés dans le domaine de l’électromobilité soient atteints. Tant l’Allemagne que la France veulent promouvoir l’électromobilité. En Allemagne, nous avons entrepris d’avoir sur nos routes un million de véhicules électriques d’ici 2020. La France a l’objectif plus ambitieux encore de parvenir à deux millions de véhicules électriques en service d’ici 2020. J’ai hâte de savoir quelles sont en ce domaine vos expériences de parlementaires. Oui, je vous vois sourire, car en Allemagne nous n’en sommes même pas à 20 000 véhicules électriques en service.
Quant au péage poids lourds (Lkw Maut) sur les routes, il devrait concerner tous les poids lourds d’ici 2018. Le poids minimal des véhicules soumis à la taxe a déjà été abaissé de 12,5 tonnes à 7,5 tonnes ; le péage concerne aussi maintenant plus de kilomètres d’autoroutes. D’ici 2018, 40 000 kilomètres du réseau devraient ainsi être soumis au péage pour l’ensemble des poids lourds de plus de 7,5 tonnes. Les sommes collectées vont au financement des infrastructures.
De manière générale, le financement des infrastructures est un thème de discussion important en Allemagne. L’arriéré est important et des mesures ont été prises sous le slogan « Nous réparons l’Allemagne ». Il y a beaucoup d’efforts à faire.
Pour finir, je dirai un mot de l’introduction du droit de péage pour les véhicules touristiques. À l’heure actuelle, il n’est pas encore assuré au vu des négociations au niveau européen. Indépendamment de cela, nous ne perdons pas de vue la transition vers un financement par l’utilisateur à la place du financement par l’impôt. Nous partageons du reste cet objectif avec la Commission européenne. La question de la contribution que les partenariats publics/privés peuvent apporter au financement des infrastructures de transport est encore en discussion chez nous. Nous discutons aussi de la question de savoir si la construction et la maintenance des autoroutes doivent continuer à être assurés par les Länder au nom du gouvernement fédéral ou bien si une solution centralisée donnerait de meilleurs résultats. Nous ne pouvons imposer aux générations futures l’idée que le secteur privé l’emporte toujours sur la puissance publique.
Hier soir, nous avons pu mener, dans le cadre de notre dîner, des discussions allant au-delà de notre secteur de compétence, puisque nous avons abordé, non sans émotion, la question de l’afflux de réfugiés. Je suis persuadé que de telles discussions peuvent nous faire avancer.
La France est en Europe le partenaire le plus important de l’Allemagne. Il n’y a pas d’autre pays avec lequel il y ait une concertation aussi étroite et aussi régulière dans les tous domaines. Je me réjouis que nous donnions aujourd’hui le coup d’envoi à des échanges réguliers entre nos deux commissions –car j’espère que nous n’en resterons pas à notre rencontre d’aujourd’hui et que nous pourrons aborder des thèmes allant du transport aérien à la politique des ports, en passant par le transport fluvial et même les déplacements à vélo.
Monsieur le président, je vous remercie de nouveau de votre invitation.
M. Reinhold Sendker, membre du groupe CDU/CSU. Notre président a déjà abordé tous les points importants. En Allemagne, la politique des transports arrive à un tournant pour tendre désormais à un meilleur financement des infrastructures. Sur toute la législature, ce sont non moins de cinq milliards d’euros qui y seront consacrés. Un programme d’investissement du gouvernement fédéral amènera ainsi trois milliards d’euros aux trois grands modes de transport, en 2016, 2017 et 2018. Prévue dans l’accord de coalition, l’extension du droit de péage à toutes les routes fédérales d’ici 2019 devrait rapporter quant à elle plus de deux milliards d’euros et permettre de réaliser des investissements urgents.
En 2015, le maintien en bon état des infrastructures coûtera 2,9 milliards d’euros et les nouvelles constructions 1,2 milliard d’euros. Cela nécessite beaucoup de planification. Des ponts doivent être rénovés ; des ouvrages d'art supplémentaires doivent être construits aussi.
Pour les autoroutes, nous réfléchissons à la fondation d’une société d’infrastructures –il ne s’agit que d’une discussion, aucun projet de loi n’est encore déposé. Elle pourrait œuvrer à la transformation d’autoroutes à six voies en autoroutes à huit voies. Pour l’instant, ce sont les Länder qui agissent en cette matière au nom du gouvernement fédéral. Nous accusons un retard important qu’il convient de rattraper au cours des prochaines années, grâce à une modification du mode de financement.
Je suis heureux que la France soutienne, au niveau européen, la position de l’Allemagne sur les nuisances sonores. Mais d’autres secteurs de coopération peuvent également s’ouvrir.
M. Philippe Duron, membre du groupe socialiste, républicain et citoyen. Au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je voudrais dire que nous sommes très honorés de votre visite au sein de notre assemblée et de notre commission. Les échanges, les comparaisons sont toujours bienvenus en matière de politiques publiques. La géographie de nos deux pays, leurs systèmes urbains, l'économie, l'histoire expliquent pour partie des organisations de transport différentes. Les choix politiques faits par nos deux pays dans les deux dernières décennies ont accentué certaines situations et certaines différences. La réunification de l'Allemagne vous a conduit à une remise à niveau des infrastructures de communications dans les Länder de l'Est. Vous y disposez désormais d’un réseau d’autoroutes des plus modernes.
Vous avez engagé votre réforme ferroviaire en 1994, vingt ans avant la France, et vous êtes allés plus loin que notre loi ferroviaire votée l'an dernier : reprise de la dette par l’État, prise en charge du surcoût du statut des cheminots par le Bund ; maîtrise des coûts de production.
Vous avez, avant nous, engagé la tarification de la route avec la mise en place de la LKW Maut. Nous avons tenté de prendre exemple sur vous, sans aller aussi loin. (Sourires)
M. le président Jean-Paul Chanteguet, coprésident. C’est un euphémisme !
M. Philippe Duron. Nous avons nos points forts avec la construction et la gestion concédée d'un réseau autoroutier efficace et bien entretenu, un réseau de lignes à grande vitesse remarquable et performant. D'autres exemples nous amèneraient à considérer que nous avons tout intérêt à poursuivre les comparaisons et à tirer parti des bonnes pratiques de chacun de nos deux pays, comme nous aurions intérêt à accentuer notre coopération en Europe.
Permettez-moi pour conclure de vous poser trois questions.
Premièrement, pourriez-vous nous expliquer comment le Parlement participe à la politique des transports, et notamment comment il valide la planification et la programmation des infrastructures ? Dans cet exercice, quelles sont aujourd'hui les priorités de l'Allemagne, le financement de nouvelles infrastructures ou bien l'entretien, la régénération, la modernisation des réseaux existants ?
Deuxièmement, dans quelques semaines, la France va accueillir la conférence des Nations Unies sur le climat (COP21). Les transports continuent de générer des émissions fortes de gaz à effet de serre, de dioxyde de carbone, de particules fines. Comment envisagez-vous l'avenir de la filière transports ? Quelle est votre vision à moyen et long terme de la répartition des transports par modes qu'il s'agisse des voyageurs mais aussi et surtout du fret ?
À l'occasion de la réforme ferroviaire de 1994, l'Allemagne a opté pour une ouverture progressive du marché à la concurrence. Cette anticipation aux obligations européennes a fait progresser l'offre en matière de transport régional, elle a favorisé l'apparition d'opérateurs privés de fret sans pour autant affaiblir la Deutsche Bahn, l’opérateur historique. Quels enseignements tirez-vous de cette ouverture à la concurrence ? Comment voyez-vous l'évolution de ce processus, en France, mais aussi en Europe ?
Mme Kirsten Lühmann, membre du groupe SPD. Nous savons combien le temps est précieux, surtout pendant les semaines de session. Je vous suis donc particulièrement reconnaissante de votre invitation. Beaucoup a déjà été dit sur la politique des transports en Allemagne. Je vais aborder deux thèmes supplémentaires.
Premièrement, il est très important de restructurer les transports. Déjà arrivés à capacité, les réseaux de transport ne peuvent connaître une extension illimitée, car l’agriculture et la nature doivent pouvoir conserver de l’espace. En outre, les nouveaux projets d’infrastructures font l’objet de critiques de plus en plus nombreuses dans la population.
Quand nous avons posé hier la question des nuisances sonores ferroviaires dans votre pays, nous avons entendu en réponse que le problème ne s’y pose pas. Mais j’ai vu aussi des sourires apparaître sur les visages… Quel que soit le mode de transport, en Allemagne, les nouveaux projets se heurtent à des résistances au sein de la population du fait de ces nuisances. Nous nous efforçons de pallier la difficulté en associant de manière précoce la population aux décisions et en prenant des mesures supplémentaires de protection contre le bruit, mais nous ne rencontrons pas toujours le succès. Je serais heureuse d’en apprendre davantage sur la situation en France.
Deuxièmement, nous devons œuvrer à une meilleure utilisation des infrastructures existantes, en exploitant notamment les possibilités ouvertes par le numérique. Le trafic de marchandises pourrait ainsi faire l’objet d’une automatisation partielle en matière de conduite. Je ne parle pas des projets qui attirent l’attention du grand public, mais ne peuvent connaître de réalisation concrète avant vingt ou trente ans, telles que les voitures sans conducteur, mais de projets réalisables à moyen terme pour que le transport soit plus durable et plus sûr.
S’agissant de transports moins gourmands en carbone, le caractère terminal de la consommation d’énergies fossiles nous impose de changer notre mode de pensée. Nous apportons notre soutien au gaz naturel et au GPL par des incitations fiscales qui seront prolongées au-delà de 2019 car la pénétration du marché par les véhicules qui les utilisent est plus basse qu’attendu. La directive européenne ouvre la possibilité de prendre des engagements volontaires en ce domaine. Nous veillons à tenir les nôtres. Dans les cinq prochaines années, ce sont non moins de 150 stations d’hydrogène qui seront installées sur les autoroutes grâce à des fonds publics.
L’hydrogène doit servir davantage au transport routier de marchandises, car les véhicules lourds ne pourront rouler à l’électricité, et au transport par bateau. Or l’énergie solaire et l’énergie éolienne ne peuvent être stockées mais pourraient permettre, grâce à la méthanisation, d’obtenir de l’hydrogène. Dans le cadre du tournant de la politique énergétique, des expériences pilotes sont en cours.
Dans le domaine ferroviaire, la DB veut poursuivre l’électrification de ses lignes, pour que toutes ses locomotives soient électriques, y compris celles qui sont employées pour le fret.
S’agissant de la planification en matière d’infrastructures de transport, le Bundestag établit un plan à quinze ans qui est décliné en trois plans quinquennaux sur la base desquels les financements sont arrêtés dans le cadre du vote annuel du budget. Mais la règle de l’annualité des crédits entraîne parfois une non-consommation ; nous nous efforçons de trouver le moyen que la pluriannualité des investissements soit mieux prise en compte.
Ces crédits se répartissent comme suit : 50 % vont à la route, 40 % au rail et 10 % au transport fluvial. Nous avons en outre changé notre paradigme, pour cesser de financer davantage les investissements que le maintien en bon état des infrastructures. Ce sont désormais 60 % des crédits qui vont à la rénovation des infrastructures existantes et 40 % à de nouveaux projets.
Enfin, nous espérons développer un instrument susceptible de livrer au Parlement une information au jour le jour de l’état de la consommation des crédits en matière de transports.
Mme Valérie Lacroute, membre du groupe Les Républicains. Le groupe Les Républicains est ravi de vous accueillir dans notre commission. Nous sommes très intéressés par le modèle allemand dans le domaine des transports. Vous avez déjà évoqué la libéralisation du transport par autocar, l’extension des péages aux poids lourds, le financement des infrastructures ou encore votre réflexion sur les partenariats publics/privés pour réparer les autoroutes.
Notre réunion tombe à point nommé puisqu’il y a une dizaine de jours, le Conseil des ministres des transports de l’Union européenne a trouvé un accord sur le pilier politique du quatrième paquet ferroviaire. Cet accord du 8 octobre reporte à 2026 l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs sur les liaisons intérieures, et à 2020 pour les TGV. Pour autant –notre groupe partage votre point de vue sur ce point–, le gouvernement ne doit pas attendre 2026 pour préparer progressivement la SNCF à ce nouveau cadre concurrentiel, faute de quoi elle ne résistera pas à l’entrée de concurrents européens sur le marché français.
La France doit donc expérimenter dès maintenant l’ouverture régulée de ses trains intérieurs, TER et TET. Elle doit, comme l’a fait l’Allemagne il y a quinze ans, donner aux régions la possibilité de sélectionner de nouveaux opérateurs pour exploiter certaines lignes. Cette libéralisation du rail a fonctionné en Allemagne, elle a profité aussi bien aux usagers qu’aux contribuables : quand la subvention des Länder au train-kilomètre a baissé de 3 % en dix ans, elle a augmenté de 22 % pour les régions françaises sur la même période.
J’ai donc deux questions à vous poser au nom de notre groupe.
D’abord, comment les pouvoirs publics ont-ils aidé l’opérateur historique DB à s’adapter progressivement à cette concurrence et à améliorer sa qualité de service ?
Ensuite, la politique d’ouverture à la concurrence suivie par les Länder a été très variable, entraînant une répartition des parts de marché des concurrents de la DB qui varient considérablement d’un Land à l’autre. Quels sont les choix des Länder qui se sont avérés les plus bénéfiques pour accroître l’offre de trafic, baisser les tarifs et alléger la dépense publique ? À l’inverse, quels sont les choix qui n’ont pas produit les effets escomptés ?
M. Herbert Behrens, membre du groupe Die Linke. Il est aisé de reconnaître que nous avons des sujets d’intérêt communs. Comme membre de l’opposition, je veux faire quelques commentaires sur le processus décisionnel en matière de politique de transports.
Contrairement à la situation au parlement français, il nous est plus difficile de débattre ensemble du climat et des transports, car ces deux secteurs sont attribués au Bundestag à des commissions différentes. À notre sens, une action en faveur du climat n’est pourtant possible que si le transport entame une mutation, délaissant le transport individuel au profit des transports collectifs et orientant le transport de marchandises vers le fret ferroviaire ou fluvial.
Le droit de péage (Maut) constitue un point central de la politique des transports. L’influence du législateur sur la répartition modale s’exerce à travers ce péage, qui va être enfin étendu à l’ensemble des routes nationales pour les poids lourds. Dans notre groupe politique, nous voudrions même qu’il couvre l’ensemble des routes du pays. Il ne s’agit pas de faire du transport routier une vache à lait, mais de réunir le financement nécessaire pour supporter le coût des externalités négatives induites par ce type de transport. L’Allemagne ne va pas encore aussi loin que nous le voudrions, alors que le droit européen laisse des marges de manœuvre pour cela.
J’en viens au droit de péage pour les voitures et à la redevance sur les infrastructures ou péage de transit. Je préfèrerais appeler ce dernier une taxe sur les étrangers, car elle est remboursée aux contribuables allemands à l’euro près, sous la forme d’un dégrèvement à due concurrence de leur impôt sur les véhicules (KfZ Steuer). Nous refusons cela. Ce système conduit seulement, sur le plan européen, à une perte de crédibilité pour l’Allemagne. Notre groupe s’est prononcé en faveur de son abandon.
S’agissant des privatisations, il me semble que la nouvelle politique fiscale crée une pénurie artificielle en matière d’infrastructures. Nous voulons quant à nous plus d’infrastructures publiques. Si l’État est en charge de la sécurité des transports, il doit assurer que les réseaux servent l’intérêt commun. Ce n’est qu’à ce prix que leur utilisation peut être favorable au climat.
Monsieur Philippe Duron, vous nous avez interrogés sur la réforme de la DB dans les années 1990 et sur l’ouverture à la concurrence du fret et du trafic voyageurs. Je voudrais souligner que les opinions sont contrastées au Bundestag au sujet du bilan de cette réforme. Car elle n’a pas amené d’extension du réseau, mais a conduit au contraire à sa réduction, certaines lignes n’étant plus desservies, bien qu’elles aient une certaine valeur pour le réseau dans sa totalité.
Par suite de cette réforme, les Länder ont pris en charge le transport régional, ce qui peut conduire à des difficultés sur le plan social. Dans l’hypothèse où la DB ne remporte pas l’appel d’offres, son personnel se retrouve sur le carreau. Il faut éviter le dumping social. C’est pourquoi je défends l’idée que l’entreprise qui remporte l’appel d’offres doive aussi reprendre le personnel.
Quant à une ouverture accrue à la concurrence, cette fois au trafic de voyageurs, il faut savoir qu’elle se heurte à la résistance de notre groupe politique.
M. François-Michel Lambert, membre du groupe écologiste. Au nom du groupe écologiste, j’aborderai les questions du transport et de la mobilité en général. Nous avons en effet la chance ici de pouvoir traiter ensemble du développement durable, de l’aménagement du territoire et des transports. Je comprends que les structures sont différentes au Bundestag.
Dans le domaine du transport de personnes, une révolution est en vue. La croissance démographique et l’urbanisation croissante créent de nouveaux espaces d’échange entre les personnes, tandis que la désindustrialisation se répand, de manière plus prononcée en France qu’en Allemagne. Les flux de marchandises sont ainsi en voie de recomposition.
Votre approche de la question est sans doute plus structurée que la nôtre. Comme président de la Conférence nationale de la logistique, je travaille à la définition de la stratégie France Logistique 2025. Chez vous, le Masterplan Logistik a déjà dix ans. La concurrence a fait son entrée dans le domaine ferroviaire, la mobilité des voyageurs a évolué et une offre importante d’autocars s’est déployée. Nous nous sommes inspirés de cette dernière lors de notre examen de la « loi Macron », notre collègue Gilles Savary s’appuyant sur cette expérience mais s’efforçant aussi de nous faire tirer les leçons de quelques erreurs commises en Allemagne. Si c’est une bonne chose que les Français prennent en compte ce qui se fait en Allemagne, il conviendrait cependant de dépasser le cadre des États nations pour définir une vision commune au niveau du continent.
Nous connaissons aujourd’hui la révolution numérique, qui prend la forme de l’ « ubérisation » dans le domaine des transports : de nouveaux opérateurs arrivent et bousculent les schémas existants. Nous devons effectivement intensifier l’usage de nos infrastructures et réfléchir à la manière de faire passer de plus en plus de voyageurs sur les voies de transport, plutôt que chercher à en construire de nouvelles ou à élargir les autoroutes, comme j’ai entendu que vous en avez le projet en Allemagne.
Les pouvoirs publics ne doivent pas perdre la main sur les outils qui permettent de mobiliser l’ensemble des infrastructures, y compris la plus basique d’entre elles, les trottoirs. Une application récente rend possible pour les passants de porter des plis d’un point à un autre de la ville, entre l’Assemblée nationale et le Sénat par exemple. Il peut en découler une destruction de valeur économique.
Je me demande donc comment nous pourrons tirer profit de cette révolution numérique qui progresse au rythme des mois, et non des années. Une coopération en ce domaine est-elle possible au niveau européen entre Français et Allemands ?
Mme Valerie Wilms, membre du groupe Alliance 90/Les Verts. Beaucoup a déjà été dit, mais je vous présenterai la vision du groupe des Verts.
Jusqu’à présent, l’approche retenue en Allemagne est une approche par la base, ou approche bottom-up. Les souhaits des Länder et des circonscriptions sont recueillis pour établir les plans d’infrastructures à cinq ans. Mais cela conduit à des dérapages, car on ne peut satisfaire tout le monde. Rien que pour la Bavière, les projets souhaités mettraient 160 ans à être mis en œuvre. Avec un territoire qui est au centre de l’Europe, l’Allemagne a par ailleurs une responsabilité particulière, car elle est zone de transit pour de nombreux camions. À l’avenir, il convient donc d’adopter une approche par le sommet, ou approche top-down. Nous devons nous y prendre autrement.
S’agissant des infrastructures, elles constituent le patrimoine même de l’État sur le long terme. Il n’est donc pas envisageable de bouleverser la planification tous les quatre ans. Mieux vaut en adopter une avec une vaste majorité au Bundestag, pour plusieurs législatures. Cette vision à long terme nous fait encore défaut. Car, si le gouvernement fédéral paie et planifie, les Länder mettent en œuvre les projets d’infrastructure et agissent à leur guise sur le terrain. Le plan des réseaux devient un manteau d’Arlequin.
Oui, Monsieur François-Michel Lambert, vous avez raison de dire qu’il ne faut pas tant de nouvelles infrastructures qu’un bon entretien des infrastructures existantes, même s’il était normal de se lancer dans de grands investissements au moment de la réunification. Pour l’avenir, cependant, le recours à des décisions annuelles au Bundestag sur les routes, sur les rails et sur les voies fluviales ne peut être d’un grand secours. Au groupe des Verts, nous sommes plutôt partisans de la mise en place d’une société nationale de réseaux en charge des infrastructures fluviales et routières, comme c’est le cas pour les infrastructures ferroviaires. La maintenance des installations doit être assurée de manière plus automatique. Nous saluons par ailleurs l’extension du droit de péage des poids lourds, qui est conforme au principe du financement par l’utilisateur.
Monsieur Philippe Duron, le fret ferroviaire n’est pas un problème en soi dans notre pays. Le défi réside dans son association avec la route, plutôt que dans sa concurrence avec elle. À mes yeux, il vaut mieux qu’il se concentre sur les transports à longue distance, car c’est sa force et l’avenir est au transport combiné.
Quant au rôle des politiques, c’est seulement de définir les lignes directrices pour un système de transport de long terme, plutôt que prendre de multiples décisions ponctuelles.
M. Dirk Fischer, membre du groupe CDU/CSU. La décision de n’ouvrir le transport de voyageurs à la concurrence qu’en 2026 me semble à moi aussi peu satisfaisante. En Allemagne, plus de trois cents entreprises ferroviaires, dont de nombreuses entreprises étrangères, font déjà concurrence à la DB. Cela a des conséquences sur le plan économique que nous soyons aussi en avance sur l’ouverture à la concurrence.
Notre collègue Kirsten Lühmann a fourni des pourcentages exacts sur le financement public des infrastructures de transports. Je voudrais seulement ajouter que la taxe sur les poids lourds est versée au budget de l’État, tandis que la redevance sur les sillons ferroviaires alimente celui des entreprises. L’entretien du rail est donc plus fortement soutenu que celui de la route, alors qu’il représente 17 % du trafic de marchandises, contre 80 % pour celle-ci.
Lorsque nous avons demandé à M. Guillaume Pepy hier si les nuisances sonores posaient un problème dans le domaine ferroviaire, il nous a répondu que non. Peut-être l’âme française est-elle moins sensible au bruit ? (Sourires) Un accompagnement psychologique de l’âme allemande nous ferait peut-être faire alors des économies, car le surcoût écologique des projets s’élève souvent à 25 % de leur montant, du fait de la construction de tunnels, de murs antibruit, voire de l’enterrement de certaines lignes. Ces nuisances sonores jouent un rôle prépondérant dans la définition des projets en Allemagne. Aussi le gouvernement fédéral se trouve-t-il en permanence devant un stock de projets en souffrance qu’il doit repousser toujours un peu plus.
Je crois plutôt que la raison des différences entre l’Allemagne et la France se trouve dans le fait que le réseau allemand est un réseau universel. Il n’y a pas de lignes séparées pour le transport de voyageurs à grande vitesse, de sorte que les trains de marchandises ne peuvent utiliser que le temps laissé disponible par le trafic de voyageurs. Ce n’est qu’entre une heure et cinq heures du matin qu’ils peuvent circuler sans entrave, au moment où la population est en phase de sommeil profond…
Quant à la concurrence, j’en suis un grand défenseur, et un adversaire des monopoles. En bon élève de Ludwig Erhard, j’estime qu’elle fait baisser les coûts, qu’elle améliore les prestations et fait monter la productivité, ce qui est important dans le contexte d’une économie mondialisée. Nous avions à une époque une sorte d’office social de transport des personnes. Le transport ferroviaire n’était pas une activité rentable et efficace. Avec la concurrence, le client est devenu roi. Les autocars peuvent mettre leur grain de sable dans le transport de voyageurs par la DB, et la poussent à s’améliorer.
Encore n’y a-t-il que le transport sur longue distance qui soit ouvert à la concurrence. Les petites lignes très déficitaires sont abandonnées à la DB, ce qui pose problème. J’ai fait partie de ceux qui ont porté la réforme ferroviaire au Bundestag. Il était prévu à l’origine que les sociétés régionales qui avaient la taille nécessaire soient privatisées, seule la société en charge du réseau restant publique. Mais les Länder ont voulu conserver la main sur ces sociétés, puis M. Harmut Mehdorn, président de la DB, a obtenu une recentralisation du modèle. Il aurait dû être en réalité beaucoup plus décentralisé.
M. Gilles Savary, membre du groupe socialiste, républicain et citoyen. Permettez-moi tout d’abord de vous assurer que les Français ne sont pas frappés de surdité et que nous avons la même sensibilité au bruit que les Allemands. (Sourires) Mais, de manière assez systématique, les rails longs sont employés pour les entrées urbaines, et le trafic de fret est moins important. De nombreux murs anti-bruit sont cependant construits en zone urbaine.
S’agissant du quatrième paquet ferroviaire, j’ai été très étonné de l’évolution de la position allemande sur son volet politique, à savoir l’absence d’ouverture rapide à la concurrence. Encore faut-il préciser que, même en 2026, les régions pourront se prononcer en faveur d’un opérateur exclusif. Pour moi, cette position marque un revirement par rapport à ce que j’ai connu pendant dix ans au Parlement européen.
Pour les investissements dans les infrastructures, votre système me paraît mieux à même d’éviter le clientélisme, grâce à la définition d’un horizon plus lointain en relation avec la décision budgétaire annuelle. Mais je pense qu’en France, un tel système aurait ruiné le système ferroviaire, vu la concentration sur le TGV voulue par l’ancienne majorité. (Murmures)
S’agissant de la concurrence entre le rail et la route, je me demande si le développement de la filière hydrogène ne pourrait pas remettre en cause la supériorité écologique du train sur la route. Certes, un car pollue déjà aujourd’hui davantage du fait de l’abrasion des plaquettes de frein que de la consommation de carburant. Mais, si la propulsion à l’hydrogène se répand, le train sera bientôt moins vertueux que la route, s’il roule à l’électricité carbonée.
Mme Kirsten Lühmann, membre du groupe SPD. Je voudrais faire quelques remarques par rapport au propos de notre collègue Dirk Fischer sur quelques points. Bien sûr, nous aimons tous le marché, mais il induit des problèmes. Je suis heureuse que la commissaire Violeta Bulc aborde aussi le problème du dumping social.
L’ouverture met en concurrence des entreprises qui n’ont pas les mêmes structures de coûts salariaux, notamment quand ces entreprises sont implantées à l’Est de l’Europe. Aussi sommes-nous particulièrement reconnaissants à la France et à la Belgique d’avoir réussi à imposer le temps de repos des conducteurs de poids lourds pendant le week-end.
S’agissant de la révolution numérique, elle a engendré une forte hausse des ventes par correspondance, de sorte que les centres villes voient désormais passer des camions de livraison jusqu’à cinq ou six fois par jour pour un même foyer. Ce secteur est lui aussi privatisé.
Quant aux nuisances sonores, nous sommes partisans d’une lutte à la source, car un certain seuil n’est plus accepté dans la population.
Vous avez eu raison de souligner que l’électricité n’est pas propre par nature. Encore faut-il qu’elle provienne d’une source susceptible de se régénérer. Elle ne peut être une solution si elle est issue du charbon ou de la fission nucléaire. L’Allemagne s’est engagée à réduire ses émissions de carbone de huit milliards de tonnes par an dans le domaine des transports et doit y être attentive, car il n’y a pas que de l’électricité propre.
M. Jean-Marie Sermier, membre du groupe Les Républicains. J’aborderai quant à moi une question technique. Il faut des avancées technologiques pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre et les émissions de dioxyde de carbone. Le recours à l’électricité peut être un moyen de le faire, mais tout dépend de son origine. Alors qu’il est assez facile d’en produire à partir de l’hydrogène, ce type de transport électrique ne peut se développer que s’il est concurrentiel sur les routes, c’est-à-dire si le stockage embarqué d’hydrogène peut être réduit.
Force est de constater que nous disposons d’hydrogène dit fatal, issu d’un processus technologique. Il n’est cependant pas exploité à sa juste valeur. Vous nous semblez plus en avance en Allemagne sur ce sujet. Des appels à projet ont déjà été ouverts en France. Mais avez-vous déjà dans votre pays des stations à partir desquels une logique d’itinéraire peut se développer, et même à terme se prolonger jusqu’en France ? Sinon, quand déploierez-vous ces stations ?
M. Jean-Yves Caullet, membre du groupe socialiste, républicain et citoyen. Comment l’Allemagne compte-t-elle atteindre l’objectif européen d’intégration d’énergie renouvelable en matière de carburants routiers ? Une fiscalité particulière favorise-t-elle par exemple l’intégration d’ester ou d’éthanol ?
M. Alain Chrétien, membre du groupe Les Républicains. Vous avez évoqué les transformations sociales au sein de la DB. Comment y est-on passé de 100 % d’agents publics en 1994 à 17 % en 2015 ? Quelles négociations ont-elles eu lieu pour arriver à ce résultat ? Nous pourrions peut-être nous en inspirer à l’avenir.
Quant aux nuisances sonores, je confirme que le moindre passage de trains en ville réduit chez nous la dimension du problème.
M. Jean-Louis Bricout, membre du groupe socialiste, républicain et citoyen. Qu’en est-il chez vous de l’accessibilité des transports aux personnes à mobilité réduite ? Une coordination des politiques publiques en France et en Allemagne me paraît indispensable si nous voulons pouvoir assurer une continuité minimale à cet égard pour les trajets d’un pays à l’autre.
M. Guillaume Chevrollier, membre du groupe Les Républicains. S’agissant du transport ferroviaire, la SNCF est soumise au défi de la réforme du statut des cheminots. Comment avez-vous traité ce problème en Allemagne ? Par ailleurs, comment financez-vous la maintenance des infrastructures ?
Chez nous, les entreprises de taxi sont soumises à de nouvelles formes de concurrence, notamment du fait d’Uber. Quelle est l’expérience allemande à cet égard ?
M. Alain Leboeuf, membre du groupe Les Républicains. Je veux revenir sur la mobilité électrique. Où en est-on de la normalisation des prises ? Elles étaient à l’origine différentes en France et en Allemagne, mais un standard de type II a été inventé, je crois. L’interopérabilité doit être améliorée si nous voulons rassurer les possesseurs de véhicules électriques.
Après le scandale des tests Volkswagen, l’Allemagne soutiendra-t-elle d’ailleurs davantage les véhicules électriques ?
M. le président Martin Burkert. Je tenterai de répondre à quelques-unes des questions posées.
Le financement des réseaux d’infrastructures a été porté, la semaine dernière, de 7,4 milliards d’euros à 8 milliards d’euros, avec un rythme de progression annuelle de 1,8 %. Ce montant doit encore être réparti entre les Länder. L’appel à projet le plus important sera ouvert à Munich, pour le réseau de S-Bahn.
L’Institut Frauenhofer a mené des études sur la production artificielle d’hydrogène. Il faut garder en tête que cette substance est difficile à manier et peut être dangereuse. Les constructeurs automobiles travaillent également sur le sujet.
S’agissant de la transformation de la DB en société par actions, elle a fait l’objet d’un accord avec les syndicats. Il y avait encore à l’époque 100 000 fonctionnaires dans l’entreprise, dont les perspectives de carrière devaient être protégées. Ils ne sont plus que 40 000 aujourd’hui. Un fonds de gestion spécial a été à l’époque abondé à hauteur de 90 milliards de deutschemarks. Le Bureau du chômage a installé ses propres antennes dans l’entreprise, pour que les réductions de personnel ne conduisent pas à des pertes d’emploi, à condition d’une certaine mobilité.
Quant à l’électromobilité, les prises standard sont en effet en préparation. Pour l’affaire Volkswagen, elle devrait nous inciter à promouvoir l’achat de véhicules électriques sous la forme de l’Abwrackprämie, ou prime à la casse, mise en place pendant la crise financière.
Pour les métiers de taxis, les lacunes législatives sont exploitées aussi chez nous. La loi doit évoluer et des auditions sont en cours à ce sujet. Pour l’heure, Uber a suspendu son activité en Allemagne.
M. Herbert Behrens, membre du groupe Die Linke. Nous avons beaucoup discuté du recours à des énergies vertueuses, mais moins de l’intensité d’utilisation des réseaux de transport. Les deux sujets sont pourtant liés. Hier, nous avons utilisé un taxi entre l’aéroport et le centre-ville, mais, dès lors que le moteur tourne au ralenti dans un embouteillage, la question n’est plus de savoir quel est le carburant employé, mais comment éviter une surcharge du trafic.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Chers collègues, je vous remercie pour votre participation à cette réunion conjointe.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 21 octobre 2015 à 9 h 30
Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Serge Bardy, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Alain Chrétien, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Yannick Favennec, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Rémi Pauvros, Mme Barbara Romagnan, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Catherine Troallic, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. - M. Yves Albarello, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Patrice Carvalho, M. David Douillet, M. Laurent Furst, M. Charles-Ange Ginesy, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, Mme Viviane Le Dissez, M. Franck Marlin, M. Philippe Plisson, M. Napole Polutélé, Mme Catherine Quéré, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville
Assistaient également à la réunion. - M. Damien Abad, M. Philippe Le Ray, M. Paul Molac, M. François Vannson