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Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport d’information de M. Philippe Plisson sur les oies cendrées.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Lors de sa réunion du 13 mai 2015, notre commission a décidé la création d’une mission d’information sur les oies cendrées, à la demande de M. Philippe Plisson, président du groupe d’études chasse et territoires, et l’a nommé rapporteur.
Au cours de ses travaux, M. Philippe Plisson a rencontré une cinquantaine de personnes, s’est rendu à Bruxelles et a effectué un déplacement aux Pays-Bas avec d’autres parlementaires.
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a déjà eu l’occasion, à de nombreuses reprises, d’aborder le thème de la chasse qui fait partie de ses compétences. Ainsi, lors de la dernière législature, nous avons examiné une proposition de loi de M. Jérôme Bignon relative à la chasse. De même, nous avons eu plusieurs débats sur la chasse au loup dans certains départements et sur certaines méthodes de chasse à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité.
La présente mission d’information était centrée sur les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oies cendrées. Dans un premier temps, M. Plisson nous expliquera pourquoi il a souhaité que soit créée cette mission d’information. Puis, il nous présentera les différentes propositions qu’il souhaite faire.
M. Philippe Plisson, rapporteur. En préambule, je souhaiterais tout d’abord remercier la Commission et son président, Jean-Paul Chanteguet, d’avoir accepté de créer une mission d’information sur les oies cendrées et de m’en avoir confié la responsabilité.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire au cours de mes déplacements, dans le monde actuel fait de drames et de bouleversements, ce sujet pourrait sembler futile. En réalité, il n’est pas anodin car il participe à ce rejet de l’Europe que l’on rencontre en particulier dans nos campagnes. Certaines décisions n’y sont pas comprises, ce qui entraîne des réactions vives, des manifestations et des votes extrémistes que nous déplorons ici.
Ce sujet mérite qu’on s’y attarde, d’autant qu’il serait facile de le régler. Malheureusement, les freins juridiques auxquels on se heurte font que ce dossier est sur la table depuis des années.
L’objectif de la mission d'information était d’essayer de trouver une solution au débat qui perturbe depuis une dizaine d’années, sinon davantage, les relations entre fédérations de chasseurs et associations environnementales sur la question des dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oies cendrées. Le souhait est d’éviter que de nouvelles manifestations ne se produisent lors de la prochaine saison de chasse et qu’un accord soit enfin trouvé de manière pérenne entre toutes les parties prenantes.
Dès le départ, j’ai souhaité associer, outre les membres de notre commission, les membres du groupe d’études chasse et territoires de notre Assemblée, qui ont été invités à suivre les auditions. D’ailleurs, certains ont été très présents, en particulier M. Jean-Claude Buisine.
Au cours de nos travaux qui ont duré quatre mois et qui nous ont conduits à nous rendre à Bruxelles et aux Pays-Bas, j’ai effectivement auditionné une cinquantaine de personnes dont vous trouverez la liste en annexe et que je remercie pour leur collaboration.
Le rapport qui vous est présenté aujourd’hui est articulé autour de quatre points : la présentation des données scientifiques les plus récentes sur l’espèce d’oies Anser anser, le rappel de la réglementation en matière de prélèvements cynégétiques ou autres et de la jurisprudence, tant de la Cour de justice de l’Union européenne que du Conseil d’État ; la présentation des termes du débat et des principales questions qui structurent les antagonismes ; les pistes de réflexion et les solutions envisageables.
En ce qui concerne les connaissances scientifiques sur les oies cendrées, je rappelle les deux études les plus récentes sur le sujet : d’une part, le rapport du Muséum national d’histoire naturelle d’octobre 2009, dont l’auteur est Jacques Comolet-Tirman ; d’autre part, le rapport demandé par le ministère chargé de l’écologie et remis par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) au mois de novembre 2014, dont l’auteur est Vincent Schricke.
Qu’ont confirmé ces deux rapports ?
Tout d’abord, que la population d’oies cendrées en Europe occidentale comporte entre 800 000 et 900 000 individus et est en progression notable. L’augmentation récente et assez spectaculaire des effectifs fait l’objet d’un consensus parmi tous les ornithologues. Si l’espèce a pu être menacée à un moment, aujourd’hui elle se porte plutôt bien puisqu’elle prolifère.
Ensuite, que notre pays est situé sur un axe majeur de migration péninsule ibérique – Scandinavie. On dénombre seulement une vingtaine de milliers d’oies cendrées hivernant sur notre territoire dont l’origine est essentiellement nordique. Mais les comptages montrent que la France est survolée par plus de 100 000 oies cendrées en migration vers le sud en automne et vers le nord au printemps. Les raisons évoquées pour expliquer cette croissance générale de la population sont multiples. Elles tiennent principalement à l’augmentation de la protection accordée aux oiseaux migrateurs et à l’interdiction de la chasse dans certains pays, au développement des capacités d’accueil et donc des aires d’alimentation – réserves naturelles ou ornithologiques, extension des prairies inondables, etc. – ainsi qu’aux changements climatiques qui modifient, pour toutes les espèces d’ailleurs, tant la date que le lieu des migrations. Les Pays-Bas qui ont multiplié les aires d’accueil et les cultures pour sédentariser les oies, ont obtenu des résultats au-delà de leurs espérances.
Enfin, que des évolutions importantes dans le comportement de l’espèce sont intervenues : déplacement des aires d’hivernage vers le nord de l’Europe, migrations de retour de plus en plus précoces depuis vingt ans et sédentarisation accrue dans certains pays comme les Pays-Bas où l’on dénombre plus de 500 000 oies cendrées au cœur de l’hiver dont la majeure partie ne migre plus mais reste pour nicher.
Si les connaissances relatives à l’espèce Anser anser sont satisfaisantes et ont même été complétées récemment, des incertitudes demeurent sur les changements de comportement de l’espèce. Or ces connaissances sont primordiales dans l’hypothèse de la mise en place d’un plan de gestion et elles constituent un préalable pour toute nouvelle prise de décision au niveau européen. C’est pourquoi, ma première proposition vise à poursuivre certaines études, en particulier par baguage et pose de balises GPS sur les oiseaux, afin de lever les dernières ambiguïtés sur les déplacements qui peuvent être soit erratiques, soit migratoires, et sur les dates de migration prénuptiale et postnuptiale.
Il s’agit en effet de savoir si les vols d’oiseaux que l’on voit passer sont en déplacement erratique pour changer de lieu de nourriture ou s’ils sont en migration prénuptiale. Aujourd’hui, seules des balises posées sur les oiseaux nous permettent de le savoir. C’est ce qu’a fait l’ONCFS, en équipant seize oiseaux d’un GPS. Il ressort de cette expérience que tous ces oiseaux ont commencé à migrer après le 10 février. Cependant, comme on a vu des oiseaux voler avant et après cette date, la question reste posée.
Deuxième axe du rapport : Quel est le statut légal de l’espèce ?
Tant la Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices sauvages que l’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique – Eurasie (AEWA) ont classé l’espèce, du fait de sa large répartition dans le monde et de son importante population, dans la catégorie LC, c’est-à-dire en préoccupation mineure. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a procédé au même niveau de classement.
Au niveau européen, la base juridique est la directive 79/409 sur la conservation des oiseaux sauvages de 1979 – contre laquelle M. Georges Riboulet, le président de l’Union nationale de défense des chasses traditionnelles françaises (UNDCTF) s’est battu pendant des années – modifiée pour la dernière fois en 2009, qui énonce un principe général de protection mais reconnaît la commercialisation, la chasse et la capture de certaines espèces et sous certaines conditions. C’est le cas de l’oie cendrée, espèce chassable.
En ce qui concerne la France, je rappelle que dans la liste des espèces de gibier dont la chasse est autorisée figurent les trois espèces, oie cendrée, oie des moissons et oie rieuse, qu’en vertu de l’article R. 424-9 du code de l’environnement le ministre en charge de la chasse est seul compétent pour fixer les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau, et qu’il s’appuie sur l’article L. 424-2 du code de l’environnement qui détermine les conditions de définition des périodes de chasse, en application de la directive européenne sur la conservation des oiseaux sauvages.
Les dates d’ouverture de la chasse aux oies cendrées sont complexes car elles dépendent des territoires concernés. Par contre, la date de fermeture de la chasse est uniforme sur l’ensemble du territoire : l’arrêté du 19 janvier 2009 fixe désormais au 31 janvier la date de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau.
Mais il faut indiquer que, depuis vingt ans, les dates de fermeture de la chasse aux oies cendrées ont été ramenées par étapes jusqu’à cette date : 28 février jusqu’en 1998 ; 20 février à partir de 1999 ; 10 février en 2008 ; et donc le 31 janvier depuis 2009. C’est depuis cette dernière date que chaque année, le 1er février, il y a une « guerre civile » dans ma circonscription.
Mme Catherine Quéré. Dans ma circonscription aussi !
M. Philippe Plisson, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les données que nous avons récoltées sur les périodes de chasse dans les différents pays et sur l’importance des prélèvements cynégétiques. Mais il est nécessaire d’avoir en mémoire quelques chiffres : au total, on évalue à environ de 150 000 à 180 000 le nombre des oies cendrées de la population nord-ouest européenne qui sont prélevées chaque année pendant la saison « hivernale » de chasse, soit 17 à 19 % des effectifs à l’issue de la période de reproduction. À ce total, doit être ajouté le prélèvement effectué aux Pays-Bas pendant la période de reproduction : 70 000 oies durant l’été 2010, 150 000 durant l’été 2013. Les Pays-Bas procèdent à des opérations de destruction massive parce que les oies mangent les cultures.
La nouvelle enquête menée par l’ONCFS évalue le nombre de prélèvements, en France, entre 15 000 et 18 000. Les chiffres de prélèvements rapportés à la population en croissance montrent que les capacités globales de prélèvement dans notre pays ne peuvent pas représenter un risque pour les populations nord-européennes, en forte augmentation elles aussi.
Je souligne également le fait que les différences dans les dates de chasse tiennent beaucoup aux dérogations qui sont autorisées dans le cadre de l’article 9 de la directive « Oiseaux » et qui permettent des prélèvements dans des conditions précises : pour la santé humaine, dans l’intérêt de la sécurité aérienne, en cas de dégâts agricoles ou piscicoles, ou à des fins scientifiques.
L’interprétation de la directive « Oiseaux » a été donnée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), laquelle a élaboré une jurisprudence autour de la notion de « protection complète » des oiseaux migrateurs et du gibier d’eau, en précisant ainsi les notions de « petites quantités » susceptibles d’être prélevées, de « risque de confusion » entre espèces ou d’ « autre solution satisfaisante ».
La protection prévue pour ces espèces, tant pour la période nidicole et les différents stades de reproduction et de dépendance que pour le trajet de retour des espèces migratrices vers leur lieu de nidification, doit être complète et exclure des risques de confusion entre espèces différentes. En conséquence, la CJUE a interdit l’échelonnement des dates de périodes de chasse en fonction des espèces ou selon différentes parties du territoire, sauf si la preuve, fondée sur des données scientifiques, qu’un tel échelonnement n’est pas incompatible avec la protection complète des espèces est rapportée. Dès que le premier oiseau commence à migrer, on décide l’arrêt de la chasse.
Par l’arrêt du 16 octobre 2003, rendu à la suite d’une question préjudicielle que le Conseil d’État lui avait soumise le 25 janvier 2002, la CJUE a précisé son interprétation concernant les possibilités de dérogation qui ne peuvent être envisagées qu’à défaut de solutions alternatives satisfaisantes et ne peuvent servir de fondement légal à des mesures qui auraient « pour seul objet de prolonger les périodes de chasse sur des territoires déjà fréquentés par ces dernières pendant les périodes de chasse ».
La jurisprudence de la Cour de justice, qui introduit ainsi la protection du « premier oiseau », est excessivement stricte car elle considère que tout vol hivernal est une migration prénuptiale. C’est le fond du débat. Reprise par les jurisprudences au niveau de chaque État, elle est à la source de nombreux contentieux nationaux.
C’est bien le cas dans notre pays où nous avons vécu une véritable saga puisque, depuis plus de vingt ans, les arrêtés fixant les dates d’ouverture et/ou de fermeture de la chasse aux oies cendrées ont fait l’objet de recours devant le Conseil d’État et ils ont tous été annulés par la juridiction.
Vous trouverez dans le rapport des précisions sur la jurisprudence récente du Conseil d’État et sur les raisons qui sous-tendent ses décisions, notamment celle du 23 décembre 2011 qui enjoint au Gouvernement de fixer une date de fermeture qui ne soit pas postérieure au 31 janvier, la décision du 7 novembre 2012 qui annulait l’arrêté du 3 février 2012 autorisant des prélèvements jusqu’au 10 février 2012 dans treize départements à des fins d’études scientifiques, et l’ordonnance du 5 février 2014 qui a suspendu l’arrêté du 30 janvier 2014.
Dans une démarche politique d’apaisement, la ministre de l’écologie a innové en 2015. Par lettre en date du 28 janvier 2015, elle a rappelé que la date de fermeture de la chasse aux oies était fixée au 31 janvier mais elle a donné comme instruction au directeur général de l’ONCFS que, dans la période du 31 janvier au 8 février, soit organisée « une action d’information visant à prévenir les chasseurs » et a demandé que la verbalisation ne prenne effet qu’à compter du 9 février suivant. (Murmures sur divers bancs) Si le statut juridique de cette solution est fragile, elle a le mérite d’avoir apporté une solution de court terme dans une période de blocage.
On peut comprendre les réticences du Gouvernement à prendre des arrêtés dérogatoires quant aux dates de fermeture de la chasse aux oies cendrées. Mais il me semble essentiel de souligner que les possibilités demeurent néanmoins en droit : soit pour régionaliser les dates de fermeture ; soit pour prendre en compte la situation de l’espèce, c’est-à-dire non seulement l’évolution des dates de migration que la surabondance, dans le cadre de l’article 7 de la directive « Oiseaux » ; soit enfin pour recourir aux dérogations admises par l’article 9 de la même directive – ce n’est pas parce que toutes les conditions ne sont pas remplies actuellement qu’il faut s’interdire un tel recours à l’avenir.
J’ai formulé trois propositions.
Premièrement, poursuivre les études juridiques afin de déterminer les conditions qui permettraient de fixer par arrêté ministériel des dérogations à la date annuelle de fermeture de la chasse aux oies cendrées.
Deuxièmement, effectuer des comptages plus fréquents et plus exhaustifs pour mieux évaluer les prélèvements cynégétiques en France qui aujourd’hui sont relativement vagues.
Troisièmement, poursuivre les enquêtes auprès des autres pays européens afin de connaître les données sur les prélèvements et la mise en œuvre des plans de gestion de l’espèce.
Il m’est apparu intéressant de formuler cinq interrogations présentant l’état du débat et permettant une meilleure recherche de solutions.
Première interrogation : l’importance des dégâts causés aux cultures justifie-t-elle une régulation plus intense de l’espèce ?
Face aux dégâts causés aux cultures particulièrement importants aux Pays-Bas et dans une moindre mesure en Allemagne, en Suède et en Norvège, la plupart des organisations agricoles et les gestionnaires des zones naturelles humides soutiennent l’option d’une plus forte régulation de l’espèce. C’est ce qui explique la mise en œuvre de plans de régulation en Norvège pour la période 2012-2020 et aux Pays-Bas depuis 2013-2014.
Les dégâts aux cultures sont indemnisés dans certains pays et coûtent de plus en plus cher. Aux Pays-Bas, le montant annuel des indemnisations directes versées aux agriculteurs par les provinces néerlandaises a atteint 12 millions d’euros en 2014, dont 9 millions pour la période hivernale et 3 millions pour la période estivale. Une des critiques apportées au système d’indemnisations est la part indirecte que l’Union européenne y prendrait. En effet, des aides européennes peuvent être accordées par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). L’Europe aide donc les pays à détruire les oies tout en interdisant, dans le même temps, de les chasser.
Mme Catherine Quéré. Eh oui, c’est la réalité !
M. Philippe Plisson, rapporteur. En France, comme en Espagne, la situation est différente car les dégâts aux cultures sont jusqu’à présent minimes. De toute façon, les dégâts aux cultures et aux récoltes agricoles ne pourraient pas être indemnisés car seuls les dégâts causés par les grands gibiers le sont actuellement.
Deuxième question : un accroissement des prélèvements en Espagne et en France permettrait-il une meilleure régulation de l’espèce dans d’autres pays ?
Compte tenu de l’origine des oies en transit ou en hivernage dans notre pays, la question se pose de savoir si un prélèvement cynégétique accru en France diminuerait les dégâts agricoles occasionnés aux Pays-Bas.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Bonne question !
M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est ce que nous espérions lorsque nous avons lancé notre étude. Augmenter même marginalement le prélèvement cynégétique en France pourrait contribuer à réduire le stock d’oiseaux présents aux Pays-Bas au début du printemps et plus particulièrement en Norvège, leur destination connue, où elles prolifèrent. Un tel argument mériterait d’être repris dans les négociations avec la Commission européenne ou dans le cadre de l’élaboration d’un plan de gestion européen.
Troisième question : dans quelles conditions le gazage ou la destruction massive des oies cendrées sont-ils autorisés sur le territoire des Pays-Bas ? Nous nous sommes rendus aux Pays-Bas où nous avons rencontré les oies et ceux qui les gazent. Nous avons vu des troupeaux d’oies en train de paître dans les champs comme des vaches. Nous avons regardé un film qui montre la manière dont les Hollandais se débarrassent des oies cendrées, en particulier en Zélande.
Les différentes méthodes de destruction des oies cendrées sont toutes encadrées par des plans nationaux ou locaux de gestion ou de régulation. Ainsi, il revient à chaque province néerlandaise d’élaborer un plan de gestion avec les parties prenantes, l’objectif étant de revenir au niveau des dégâts agricoles en 2005, pendant la saison.
Le cas particulier de l’aéroport de Schiphol a fait l’objet d’un plan spécifique. Les premiers incidents se sont en effet produits dès 2000 et ils s’accroissent depuis 2010. La présence de nombreuses oies cendrées à proximité de l’aéroport perturbe le trafic et pourrait bien occasionner des accidents puisque certains oiseaux rentrent dans les réacteurs. Ce plan comporte plusieurs volets mais il autorise la capture puis le gazage au dioxyde de carbone d’un nombre important d’oiseaux chaque année – 10 000 durant l’été 2013 dans un rayon de vingt kilomètres autour de l’aéroport. Au moment de la mue, quand elles n’ont plus de plumes, les oies ne peuvent plus voler. Elles sont donc mises dans des containers, gazées et tuées. Ensuite, certains en font des rillettes… (Rires)
Mme Catherine Quéré. Nous en avons même goûté ! (Rires)
M. Philippe Plisson, rapporteur. Il semble bien que plusieurs provinces aient recours à cette pratique depuis cette année pour éliminer des dizaines de milliers d’animaux, en particulier en Zélande – nous l’avons vérifié – et en Frise.
Quatrième question : la notion même de migration ne peut-elle pas être remise en cause ?
Le débat sur les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse est évidemment lié à la notion même de migration.
Or les déplacements hivernaux des oiseaux migrateurs sont souvent complexes et le fait qu’ils quittent les zones d’hivernage ne signifie pas forcément qu’ils commencent la migration de retour. Des déplacements correspondent davantage à la recherche de zones d’alimentation. Certains oiseaux se déplacent en effet parce qu’ils n’ont plus à manger. La difficulté réside donc dans le fait de différencier ces « délocalisations » durant l’hivernage, qui peuvent être qualifiées d’errements, avec des déplacements prénuptiaux.
Remettre en cause les données scientifiques, en particulier sur des faits précis, ne mène à rien. Émettre des doutes sur les conclusions qui en sont tirées doit servir de base à de nouvelles approches, et c’est ce que nous faisons. Il est avéré que le pic de migration prénuptiale des oies cendrées a bien lieu durant la deuxième décade de février. Le débat porte donc sur la caractérisation de certains vols durant la dernière décade de janvier : les oies vont-elles sur leur lieu de nidification ou cherchent-elles un endroit où elles pourront se nourrir ?
Cinquième question : l’instauration d’une dérogation pour allonger la période de chasse est-elle compatible avec les normes européennes ?
Les possibilités de recours aux dérogations sont limitées et doivent être justifiées par rapport aux objectifs généraux de la directive « Oiseaux » et conformes aux conditions spécifiques décrites à son article 9. Ces conditions sont strictes et restreignent considérablement la possibilité d’utilisation, d’autant plus que la mise en œuvre est encadrée tant par la Commission européenne que par la Cour de justice de l’Union européenne.
Trois conditions cumulatives sont rappelées dans le guide sur la chasse durable en application de la directive : premièrement, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante ; deuxièmement, que soit faite la preuve d’un des motifs énoncés à l’article 9, paragraphe 1, points a), b) et c) ; troisièmement, que soient satisfaits des critères de forme.
La Commission européenne a rappelé sa position actuelle dans une réponse à la lettre que la ministre de l’écologie avait envoyée le 30 janvier dernier au commissaire européen Karmenu Vella : le régime dérogatoire est d’interprétation stricte et il revient aux États, pour sa mise en œuvre, d’établir que les conditions de son application sont remplies. La première condition à satisfaire pour accéder au régime dérogatoire est l’absence « d’autre solution satisfaisante ». Or la France ne satisfait pas à cette condition puisque les espèces d’oies visées sont effectivement présentes sur le territoire national durant la période légale de chasse du 21 août au 31 janvier et que les quantités prélevées sont loin d’être négligeables. Elles peuvent être chassées durant leur première migration vers le sud.
Quatrième et dernier axe du rapport : quelles sont les démarches possibles ?
Deux démarches sont examinées en France pour adapter le cadre de la chasse aux oies cendrées : la mise en place d’un plan de gestion et l’amélioration des conditions d’hivernage.
Tant le Gouvernement que certaines associations de défense de l’environnement ou les fédérations de chasseurs semblent désormais favorables à l’adoption et à la mise en œuvre d’un plan de gestion des oies cendrées afin de développer une logique de long terme dans le prélèvement de ces oiseaux.
L’hypothèse retenue est celle d’un plan international d’action et de gestion dans le cadre de l’AEWA qui serait décliné au niveau national. Car, si l’AEWA promeut principalement le maintien et la sauvegarde des oiseaux d’eau au statut de conservation défavorable, il peut aussi avoir comme objectif de mettre en œuvre des dispositifs de gestion des espèces abondantes qui causent des dommages significatifs aux activités humaines.
Quels sont les avantages et les inconvénients d’un plan d’action et de gestion ?
Selon l’organisation scientifique Oiseaux migrateurs du paléarctique occidental (OMPO), la directive « Oiseaux » n’est plus adaptée aux réalités biologiques actuelles du fait notamment de l’absence d’outil de gestion. La directive européenne n’admet qu’une dérogation au cadre juridique de prélèvement des espèces chassables. Une telle dérogation n’est pas un mécanisme de gestion des espèces en accroissement mais constitue seulement une solution de court terme dans l’attente d’un plan de gestion à l’échelle européenne.
Dans l’aire de l’AEWA, d’autres pays européens sont motivés par une gestion de l’espèce à grande échelle, notamment les pays nordiques qui subissent les dégâts. L’adoption d’un plan de gestion spécifique à l’oie cendrée concernerait une dizaine de pays et intéresserait surtout la Norvège, la Suède et les Pays-Bas qui éprouvent des difficultés à gérer les oies sédentaires sur leurs territoires.
Certains pays se sont exprimés en faveur d’un plan plurispécifique qui intégrerait d’autres espèces, notamment la bernache nonnette et l’oie rieuse. La question qui se pose est celle d’un plan spécifique à l’oie cendrée ou d’un plan global pour toutes les espèces d’oies générant des difficultés similaires. Selon le ministère de l’écologie, il vaudrait mieux adopter une approche globale : un plan de gestion couvrant trois espèces d’oies concernerait alors une vingtaine de pays, ce qui représente un maximum pour que l’accord soit efficace.
Plusieurs critiques d’ordre général sont apportées au plan de gestion, touchant aux délais ou à l’articulation avec les normes européennes. Un plan de gestion prendra beaucoup de temps à être mis en place car tout plan de gestion élaboré dans le cadre de l’AEWA devra être discuté dans le cadre de l’Union européenne, ne serait-ce que pour les pays signataires de l’accord et membres de l’Union européenne.
La ministre de l’écologie a demandé à l’AEWA, le 19 novembre 2014, de se saisir de ce sujet pour la mise en œuvre d’un plan de gestion international de l’oie cendrée avec l’ensemble des États intéressés. C’est donc une demande officielle. Une réunion préparatoire a été organisée au ministère, le 27 janvier 2015, avec la Fédération européenne des associations de chasse et des conservatoires de la faune sauvage (FACE), l’OMPO, l’AEWA, la Fédération nationale des chasseurs (FNC), l’ONCFS, France nature environnement (FNE), la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et la Fondation Sommer.
La première réunion du comité technique de l’AEWA, qui s’est tenue du 3 au 6 mars 2015, pour interroger les parties sur leur intérêt à l’égard d’un tel plan de gestion, est très encourageante. Lors de la dixième réunion du Comité permanent de l’AEWA, du 8 au 10 juillet dernier, à Kampala, a été examiné un projet de résolution sur l’adoption et la mise en œuvre de plans internationaux d’action et de gestion mono ou plurispécifiques. Le projet de plan de gestion multi-espèces « oies » concernant en particulier l’oie cendrée mais aussi la bernache nonnette et l’oie rieuse a été présenté par le directeur technique de l’AEWA. Nous sommes dans une démarche qui est entrée aujourd’hui dans une phase de réalisation.
Une fois que le plan d’action sera établi, différentes mesures de gestion détaillées seront prises. L’AEWA se tournera vers un opérateur pour gérer le plan au niveau national. Les ministères chargés de l’écologie et de l’agriculture ont proposé que l’OMPO soit l’opérateur du plan en France, ce que toutes les parties prenantes ont accepté.
C’est pourquoi je propose de soutenir la démarche du Gouvernement pour l’élaboration d’un plan d’action et de gestion de l’espèce au niveau de l’AEWA et pour sa mise en œuvre au niveau national dès qu’il sera achevé.
Une autre piste concerne l’amélioration des conditions d’hivernage. L’effectif des oies cendrées hivernant en France semble atteindre un palier autour de 20 000 individus. L’exemple d’autres pays européens, comme l’Allemagne ou les pays scandinaves, pourrait être repris afin de créer des zones d’accueil et de tranquillité suffisamment vastes et préservées des dérangements et des aires de gagnage pour améliorer l’alimentation des oiseaux hivernant. Si nous arrivons à faire en sorte que des oiseaux s’arrêtent chez nous, éventuellement qu’ils y migrent, nous aurons alors une vraie raison de pouvoir participer à leur régulation.
Mme Catherine Quéré. Ils seront gazés au lieu d’être chassés !
M. Philippe Plisson, rapporteur. Cette solution suppose évidemment de verser des compensations aux agriculteurs qui cultiveraient des parcelles spécifiques et de s’assurer que les oiseaux à la recherche de nourriture et attirés par des parcelles qui leur sont consacrées ne se détournent vers d’autres champs ou des prairies cultivés. Enfin, il faut prévoir une indemnisation dans le cas de dégâts, comme c’est le cas en Hollande.
La question se pose alors de l’origine des fonds et des montants. Mais il serait difficile de comprendre pourquoi un système en place dans d’autres pays – avec l’accord des autorités européennes et l’octroi de subventions européennes, par exemple au titre du FEADER – ne pourrait pas voir le jour en France, d’autant que l’évolution de la PAC a considérablement réduit les aides à la culture des céréales, ce qui faciliterait une forme de reconversion pour certains agriculteurs.
Quelles pourraient être les démarches au niveau européen ? Dans le rapport, j’ai appelé cette démarche « de l’évaluation à l’évolution des directives européennes ? »
La Commission européenne mène en ce moment un fitness check, c’est-à-dire une évaluation du fonctionnement des deux directives « Oiseaux » et « Habitats ». L’objet de la procédure est de recueillir l’avis des parties prenantes sur le contenu des règles et leur mise en œuvre. Deux questions sont posées : le cadre réglementaire est-il adapté à sa finalité ? Atteint-il les résultats escomptés ? Il y a deux semaines, j’ai participé, à Bruxelles, à un colloque organisé par la FACE sur ce sujet.
Pour la France, quatre acteurs ont été sollicités pour remettre une contribution : le ministère du développement durable, l’Office national des forêts, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture et LPO/BirdLife France.
Personne n’est capable d’affirmer aujourd’hui quelles sont les intentions de la Commission Juncker ni quel est l’actuel rapport de forces politiques.
J’ai le sentiment que la plupart des interlocuteurs se sont montrés peu favorables – c’est le moins que l’on puisse dire – à la révision de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages, alors qu’elle aurait besoin d’un toilettage et d’une actualisation compte tenu de l’évolution des espèces et de leurs migrations, notamment en liaison avec les changements climatiques.
En 1979, date de la directive, l’oie cendrée était en voie de disparition alors qu’aujourd’hui c’est une espèce invasive. On voit bien que les choses ont évolué, que leur habitat s’est modifié, que le climat a changé ce qui a entraîné des bouleversements en ce qui concerne les migrations puisque les oies s’arrêtent en Hollande au lieu d’aller jusqu’en Espagne ou au Maroc. Toutes ces constatations mériteraient que l’on remette sur la table cette directive. Mais dans cette Europe à vingt-huit, tout le monde a peur d’ouvrir la boîte de Pandore. Les associations de protection des oiseaux et les associations de chasse, en particulier la FACE, considèrent qu’il ne faut toucher à rien car de toute façon on ne parviendra pas à se mettre d’accord. Or, la directive de 1979 n’est plus adaptée, elle permet juste un équilibre précaire qui n’est pas satisfaisant pour la France.
Les nombreuses réticences exprimées tiennent aux délais nécessaires à une telle révision, à la difficulté d’obtenir un nouveau consensus entre les États membres, au risque d’une remise à plat qui soulèverait de multiples oppositions et pourrait constituer un appel d’air pour d’autres revendications, au sentiment que les difficultés proviennent davantage de la transposition de la directive dans le droit national et de la jurisprudence très stricte que du contenu même du texte.
Certains pays ne disposent pas d’une instance comparable au Conseil d’État. C’est le cas, par exemple, de Malte qui a pu bénéficier pour d’autres espèces, comme la tourterelle et la caille, de dérogations. Comme le Conseil d’État rend des décisions par rapport à la légalité juridique et que le droit européen prévaut sur le droit national, les arrêtés du Gouvernement français ont été cassés, quel que soit le gouvernement en place depuis 2010.
C’est pourquoi, il semblerait que l’on s’oriente plutôt vers une modification du guide sur la chasse durable en application de la directive. Cette solution pourrait recueillir l’accord de la Commission européenne dans la mesure où les services sont partisans de solutions pragmatiques et redoutent des revendications multiples.
Certes, ce guide n’est pas contraignant sur le plan juridique mais la jurisprudence tant européenne que nationale s’est longtemps reposée sur lui.
J’estime cependant que la piste de la révision de la directive « Oiseaux » voire sa fusion avec la directive « Habitats » ne doit pas être abandonnée. Une nouvelle directive, actualisée, pourrait ainsi être plus opérationnelle en intégrant mieux la gestion de la biodiversité ordinaire en rapport avec l’évolution des espèces, du climat et de la nature des cultures.
Enfin, je reste persuadé de la nécessaire poursuite du dialogue tant au niveau européen, entre le Gouvernement français et la Commission européenne, que français.
Plusieurs thèmes pourraient être abordés : une réflexion sur les questions de chevauchement telles qu’elles ressortent de l’article 2-7 du guide de la chasse durable ; le recours à une dérogation au titre de l’article 9 de la directive « Oiseaux », soit au titre du paragraphe 1 a), 1 b) (dégâts) ou 1 c), sous réserve que notre pays présente les éléments qui correspondent aux conditions fixées par la CJUE ; l’interprétation même du guide sur la chasse durable.
Mais un des préalables devrait être la reprise du dialogue au niveau national. Or depuis l’échec de la table ronde sur la chasse en 2010, il n’y a plus de dialogue multilatéral entre partenaires et la confiance est partiellement rompue. Pourtant, en cinq ans, les connaissances scientifiques se sont améliorées, la dynamique de l’espèce a changé, les comportements des chasseurs ont évolué, des décisions ministérielles ont été prises et certaines annulées, de nouvelles propositions ont été formulées.
C’est pourquoi, mes dernières propositions consistent à poursuivre le dialogue avec la Commission européenne sur le recours possible à une dérogation au titre de l’article 9 de la directive « Oiseaux », en présentant un système qui corresponde aux conditions imposées par la jurisprudence européenne et française.
Je propose également la reprise des négociations entre partenaires – pouvoirs publics, scientifiques, associations de chasseurs, associations de protection de l’environnement – avec pour objet exclusif le problème des oies cendrées, afin de renouer le dialogue et de trouver une solution de compromis. C’est ce que j’ai déjà proposé aux différents protagonistes. Les chasseurs l’ont accepté mais à ce jour la LPO s’y oppose. M. Allain Bougrain-Dubourg ne veut pas en entendre parler et je le regrette car on pourrait essayer de se mettre autour d’une table pour trouver une solution de compromis. Des avancées peuvent être faites de chaque côté qui permettraient de trouver des solutions de bon sens. Nous sommes là davantage dans des postures que dans une attitude constructive.
Enfin, je propose que la Commission européenne ouvre le chantier de la révision de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages compte tenu de l’évolution du climat et du comportement de l’espèce. Je demande que cette directive soit révisée car elle est obsolète. Il faut prendre son courage à deux mains et la remettre sur la table.
En conclusion, compte tenu du contexte économique et social de notre pays, et prenant en compte les pressions sur la biodiversité et la difficulté de reconquérir la biodiversité ordinaire, le débat sur la modification des dates d’ouverture et de fermeture d’un gibier d’eau, même s’il est complexe et récurrent, doit être remis à sa juste place.
Les démarches successives dans notre pays n’ont jamais été exemptes de controverses mais, pour que ce problème somme toute assez subalterne ne continue pas à perturber le climat social et à alimenter le rejet de l’Union européenne, il apparaît impératif de dégager une solution qui donne satisfaction à court comme à moyen terme, qui corresponde à l’état du droit et aux données scientifiques, et qui s’appuie enfin sur des arguments de raison et non de passion. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Jean-Jacques Cottel. Je tiens tout d’abord à remercier Philippe Plisson pour la qualité de son travail.
Ce rapport permet de comprendre le phénomène migratoire sur l’ensemble de la sphère géographique migratoire de cette espèce et de clarifier bien des questions sur les blocages plus techniques que politiques. Je pense, par exemple, à l’actuelle directive européenne « Oiseaux » et aux difficultés pour la France de rentrer dans le cadre d’une dérogation.
Il apporte des précisions sur l’état de la connaissance scientifique de cette espèce et sur ses évolutions récentes bien qu’il soit nécessaire de les approfondir pour mieux cerner les chiffres des prélèvements cynégétiques.
Il fait l’état de la situation dans les pays voisins, ce qui permet de voir à quel point le manque, non seulement d’harmonisation, mais aussi de coopération conduit à des situations paradoxales aux Pays-Bas, voire contradictoires.
Il rappelle la succession d’arrêtés ministériels qui ont été annulés par le Conseil d’État ces dernières années, ce qui a abouti régulièrement à des impasses.
Le rapport relativise la question d’un plus grand prélèvement en France au bénéfice d’une meilleure régulation de l’espèce dans les autres pays. Quand bien même les périodes de chasse seraient largement prolongées, le nombre d’oies chassées paraît d’ores et déjà insuffisant pour régler le problème compte tenu de l’expérience acquise lorsqu’elle était légale au-delà du 31 janvier.
Il est très intéressant de lire dans le rapport le chapitre consacré à la remise en cause de la notion de migration qui détermine l’objet de la problématique, à savoir les dates d’ouverture et de clôture de la chasse. En effet, la réalité est plus complexe car il y a confusion dans les déplacements hivernaux de ces oiseaux migrateurs du fait de l’évolution comportementale de l’espèce entre des migrations de retour depuis des zones d’hivernage et les déplacements plus ponctuels correspondant à la recherche de zones d’alimentation.
Notre collègue est catégorique quand il mentionne que le pic de migration a bien lieu durant la deuxième décade de février, ce qui montre l’inadéquation entre les limites imposées et la réalité constatée.
Parmi les solutions préconisées, il faut saluer la volonté du Gouvernement de sortir par le haut de cette affaire en ayant pris soin d’engager simultanément des démarches avec l’AEWA pour la mise en œuvre d’un plan de gestion à l’échelle internationale et le maintien du dialogue avec les instances européennes, à la fois pour parvenir à une dérogation de cette directive « Oiseaux » et lui proposer de la réviser compte tenu du changement climatique et de l’évolution comportementale de l’espèce, sans oublier la poursuite des négociations et du dialogue au niveau national entre les différents partenaires.
Comme la recherche de solutions prendra nécessairement du temps, qu’elles émanent de l’Europe ou de l’AEWA, quelles solutions préconiser pour 2016 et les années suivantes ? À mon sens, l’initiative prise par Mme la ministre pour 2015, qui avait répondu à un besoin suite à des problèmes sociaux sur notre territoire, ne constitue pas une solution pérenne.
Le rapport fait état d’un déplacement vers le nord du centre de gravité des migrations d’hivernage. Quelle est la situation de la France face à cette évolution ? Doit-on s’attendre à une montée en puissance du phénomène ? Ne peut-on pas envisager dès maintenant l’élargissement des conditions d’indemnisation si une telle question se posait ?
Enfin, le rapport ne détaille peut-être pas suffisamment la procédure du gazage des oies cendrées effectuée aux Pays-Bas, alors que celles-ci peuvent se retrouver dans la chaîne alimentaire. J’espère que des contrôles sont réalisés. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce sujet ?
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vive la traçabilité !
M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le rapporteur, je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre travail. Vous avez raison, si ce sujet peut paraître extrêmement anodin au regard des problèmes auxquels notre pays est confronté aujourd’hui, il rentre dans une réflexion globale sur ce que vivent les zones rurales. En effet ceux qui y habitent, ceux qui y travaillent, ont un sentiment d’abandon, voire de rejet de leur culture. Il est devenu extrêmement difficile d’être agriculteur, de résider dans une petite commune. Les décisions successives prises par des gens qui connaissent probablement mal la ruralité ne sont pas toujours bien comprises par ceux qui y habitent.
Les chasseurs font partie intégrante de la ruralité, comme on l’a vu lors de l’examen du texte sur la biodiversité. Malheureusement, nous avions assisté alors à un affrontement entre les « chasseurs agriculteurs ruraux » et ceux qui ne partagent pas ces valeurs.
C’est probablement un rapport de ce type qui peut permettre de jeter les bases d’une réflexion commune et d’arrêter d’opposer les uns aux autres dès lors que l’on s’appuie sur des données fiables validées par tout le monde.
La bonne nouvelle de ce matin, c’est que les oies cendrées sont de plus en plus nombreuses. On voit bien qu’entre une espèce protégée et une espèce nuisible la différence est plus ténue qu’il n’y paraît puisqu’elle peut être protégée sur un territoire et nuisible à un autre endroit et que cette notion peut évoluer dans le temps. J’en veux pour preuve que les sangliers ont fait l’objet des mêmes remarques il y a quelques décennies. Je suis riverain d’une grande forêt de feuillus, la forêt de Chaux, où le cerf a été introduit il y a une trentaine d’années avant de devenir aujourd’hui pratiquement nuisible, l’ONF estimant qu’il mange trop de jeunes pousses. Il faut donc s’appuyer en permanence sur des données extrêmement précises. C’est ce qu’a fait notre rapporteur, ce qui lui a permis de faire des propositions réalistes pour éviter d’utiliser cette somme hallucinante de 12 millions d’euros de crédits européens pour gazer des oies alors que l’agriculture est confrontée actuellement à une crise grave. La France aurait pu éviter cela grâce à la chasse.
Il y a quelques années, j’avais commis, avec Mme Geneviève Gaillard, un rapport sur la gouvernance et le financement des associations environnementales. Je souhaite que l’on puisse nous rappeler à l’occasion quelles sont les associations qui agissent dans de tels débats, quels sont leurs financements, leur gouvernance, parce qu’il y a d’un côté ces associations et, de l’autre des fédérations de chasse qui sont très contrôlées et très organisées. J’aimerais bien que ce soit le cas pour tout le monde.
Mme Catherine Quéré. Très bien !
M. Bertrand Pancher. Je tiens également à remercier Philippe Plisson pour la qualité de son travail et surtout de s’être engagé dans un dossier…
M. Philippe Plisson, rapporteur. Sur lequel on risque de prendre des coups !
M. Bertrand Pancher. …sujet à controverse et relativement complexe. Je m’aperçois qu’à la suite d’un tel travail, tout s’éclaircit et qu’il est possible de mettre en place des solutions naturellement sans en rajouter à la polémique.
Nous serons de plus en plus confrontés à des sujets de ce type dans le futur en raison du réchauffement climatique, Dans certains endroits, il augmente les distances de migration des oiseaux et les affaiblit. Ailleurs, il conduit certaines espèces migratoires à ne plus bouger, ce qui entraîne des nuisances. Cette étude montre également qu’il y a différentes catégories dans une espèce puisqu’il y a des oies sédentaires et celles qui continuent à migrer.
M. Jean-Pierre Dufau. C’est la même espèce, mais elles n’ont pas le même comportement !
M. Bertrand Pancher. Il ne faut pas confondre ces deux catégories.
Il est évident que la régulation des espèces est un sujet de société. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas hostiles à la chasse. Nous considérons que c’est une activité naturelle qui trouve son sens sur les paysages, à condition de remettre les choses en ordre.
Monsieur le rapporteur, vous dites qu’il faut améliorer les conditions d’hivernage des oies cendrées en France, en sous-entendant qu’on doit pouvoir davantage les tirer parce qu’elles seront de plus en plus nombreuses. Tuer un animal n’est pas un jeu, y compris pour un chasseur. Pour être d’une famille de chasseurs, je sais que ce n’est pas par jeu que les chasseurs tuent mais pour réguler les espèces. Si l’on fait croire que c’est un jeu, les chasseurs se mettront de plus en plus à dos l’opinion publique et ils ne s’en sortiront pas.
Dès lors que les connaissances scientifiques progressent, on peut s’engager dans une régulation un peu différente et modifier les périodes de chasse. Mais prenons garde à l’amalgame et à ne pas opposer bêtement les chasseurs et les associations de protection des animaux.
Au Royaume-Uni, il n’y a pas de frontière entre les chasseurs et les protecteurs des animaux.
Mme Catherine Quéré. Ce n’est pas vrai !
M. Bertrand Pancher. Là-bas, les associations de chasseurs sont considérées comme des associations environnementales, ce qui n’est pas le cas chez nous.
Enfin, il est évident qu’il faut reprendre les négociations. L’idéal serait de parvenir à un minimum de consensus. Ce rapport devrait contribuer à ouvrir les esprits.
Je formule le vœu que votre rapport puisse être diffusé un peu partout. Pour ma part, je le distribuerai très largement dans mon département. On peut s’honorer du travail du Parlement lorsqu’on lit un document de ce type.
Mme Laurence Abeille. Monsieur le rapporteur, je tiens aussi à vous remercier pour votre travail.
Les zones rurales sont effectivement de plus en plus en déshérence. La vie sociale y est compliquée. Mais il ne faut pas se tromper. Ce n’est pas à cause de la chasse, c’est d’abord parce qu’il n’y a pas d’emplois, que les services publics ont malheureusement souvent déserté les bourgs et les villages, qu’il y a relativement peu d’activités culturelles.
Des habitants se mobilisent beaucoup pour sauver leur ville, leur village, leurs emplois, leurs bourgs, faire vivre des commerces de proximité. La chasse n’est pas un pilier indispensable à l’équilibre de la vie rurale. Le partage de la forêt, de la nature, de la connaissance des animaux, de l’environnement peut se faire sans fusil.
Monsieur le rapporteur, j’ai été surprise par la méthode que vous avez employée puisque vous n’avez associé à vos travaux que les membres du groupe d’études chasse et territoires de l’Assemblée nationale. Deux autres groupes d’études, le groupe préservation et reconquête de la biodiversité que je préside, et le groupe d’études protection des animaux que préside Mme Geneviève Gaillard, n’ont pas participé à vos travaux, ce qui révèle un parti pris dans la rédaction du rapport.
En fait, l’objectif de cette mission d’information était bien plus de trouver de nouvelles dates d’ouverture de la chasse aux oies cendrées avec la volonté du monde de la chasse de prolonger ces dates d’ouverture. Votre rapport aurait pu tout aussi bien s’intituler : « Mission d’information sur la chasse aux oies cendrées », car tel est bien l’objet de votre réflexion.
La fin de la chasse aux oies sauvages est fixée au 31 janvier de chaque année, pour se conformer à la directive « Oiseaux » selon laquelle les oiseaux migrateurs ne doivent pas être chassés durant la migration prénuptiale.
Au cours des travaux de votre mission d’information, vous avez effectué un déplacement aux Pays-Bas avec l’idée que le prolongement de la date d’ouverture de la chasse se justifierait eu égard aux dégâts qu’y provoquent les oies cendrées sur l’agriculture. Lors de cette visite, les associations environnementales néerlandaises vous ont expliqué que le prolongement de la chasse aux oies cendrées en France n’aurait pas d’impact sur la population d’oies aux Pays-Bas et donc sur les dégâts agricoles. La Ligue de protection des oiseaux a relayé ces arguments auprès des parlementaires. Si la population d’oies cendrées avait quasiment disparu aux Pays-Bas au début du siècle, elle a beaucoup augmenté, avec une estimation de 439 000 oies estivantes en 2012. Mais seule une partie de ces oies migre vers l’Espagne pour l’hiver. Des études ont montré que 95 % des oies cendrées observées en France viennent de Scandinavie et d’Europe centrale. Un prolongement de la date de chasse en France ne résoudrait donc en aucune façon les problèmes néerlandais.
Comme le rappelle la LPO, à cela s’ajoute que d’un point de vue technique le changement climatique rendant la migration des oies cendrées de plus en plus précoce, le prolongement de la saison de chasse n’a pas de justification puisque de plus en plus d’oies traversent la France avant la fin du mois de janvier, donc pendant la période de chasse.
Outre ces arguments techniques sur l’inutilité du prolongement de la chasse en France pour résoudre le problème de dégâts occasionnés par les oies aux Pays-Bas, s’ajoute l’argument juridique et plus formel. Le commissaire européen à l’environnement, M. Karmenu Vella, a en effet confirmé, au mois de mars dernier, que la dérogation offerte par la directive « Oiseaux » permettant de faire prolonger les dates de chasse ne peut pas s’appliquer à la situation qui nous préoccupe. En France, la jurisprudence est constante puisque les textes autorisant des dates de fermeture après le 31 janvier sont systématiquement jugés non-conformes par les tribunaux saisis par les associations. Aussi notre groupe s’oppose au prolongement des dates de chasse des oies cendrées. À l’instar des associations de préservation de la biodiversité comme la LPO, nous considérons que la décision de la ministre de l’environnement, l’hiver dernier, de ne pas sanctionner le braconnage des oies pendant dix jours après la fin de la période de chasse ne repose sur aucun fondement.
Enfin, je souhaite faire une petite remarque de vocabulaire. Vous employez la jolie formule de « prélèvements cynégétiques » pour parler de la mort d’animaux sauvages. Or il s’agit ici de tuer des animaux sauvages par plaisir, en tout cas dans le cadre d’un loisir puisque personne n’est obligé de le faire – en disant cela, je ne porte pas de jugement. Je pense que les mots doivent dire les choses et qu’il ne faut pas les masquer sous un vocabulaire un peu poétique.
Vous comprendrez donc que nous ne soutenons pas ce rapport qui n’a comme objectif final que de parvenir à la prolongation des dates de chasse aux oies cendrées.
M. Patrice Carvalho. Monsieur le rapporteur, j’ai bien cru que vous alliez prôner l’abstinence et nous demander de ne pas consommer d’oie pendant les fêtes de fin d’année ! (Rires) Mais me voilà rassuré puisque vous demandez de remettre tout le monde autour de la table et de rouvrir le dossier.
Je sais que vous avez l’habitude de prendre des coups. Nous en avons ici l’exemple concret. (Sourires)
Comme Mme Laurence Abeille, je trouve qu’il est dommage de ne pas avoir associé les autres groupes d’études, afin d’avoir un vrai débat sur le fond.
Pour ma part, j’ai défendu la chasse dans d’autres mandats parce que c’est une tradition. Madame Laurence Abeille, si la chasse n’avait pas existé, nous ne serions pas là puisque nos ancêtres seraient morts de faim. (Rires)
Mme Laurence Abeille. Mais cela fait un certain temps !
M. Patrice Carvalho. La chasse existe naturellement. J’en veux pour preuve que les corbeaux, les pies, les rapaces déciment des nichées complètes de passereaux.
M. Jean-Pierre Dufau. Et les lions chassent les gazelles ! (Sourires)
M. Patrice Carvalho. Je suis triste quand je vois un nid de mésanges disparaître en quelques secondes. Mais c’est l’équilibre naturel de la nature.
Le sujet est délicat, en raison de l’antagonisme, pour ne pas dire de l’obscurantisme des uns et des autres. Dès que l’on modifie les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse, c’est le tollé des deux côtés. Vous l’avez dit, il est difficile d’asseoir tout le monde autour de la table. Pourtant, il va bien falloir discuter d’une modification éventuelle de la date de fermeture de la chasse à l’oie cendrée en raison de son changement de comportement, lors de sa migration. Avant, on pouvait voir les pigeons ramiers, que l’on appelle ailleurs les palombes, en forêt de Compiègne ou en forêt de Laigue. C’était un pigeon très sauvage. Maintenant, ils sont chez moi, dans les sapins de mon jardin où ils se reproduisent. Ils ne migrent plus autant qu’avant.
C’est la faune et la flore en général qui sont touchées. La semaine dernière, par exemple, j’ai vu une fleur s’épanouir, alors qu’habituellement elle fleurit au printemps.
M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est à cause du changement climatique ! (Sourires)
M. Patrice Carvalho. Et du développement de l’urbanisation, des cultures intensives. Et je vous rappelle que la guerre en Yougoslavie a entraîné une invasion de volatiles à grande échelle. (Murmures)
Par ailleurs, on ne sait pas l’incidence que peut avoir l’utilisation de nouvelles technologies, par exemple, de nos téléphones portables, sur la migration de certaines espèces. Bref, il va falloir analyser toutes ces modifications. Vous avez parlé des balises GPS qui ont été posées sur seize oies cendrées. Il faudrait procéder à une analyse plus complète et à plus grande échelle, ce qui nous permettrait de mieux comprendre, donc de mieux agir.
Mme Catherine Beaubatie. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour cet examen exhaustif de la situation de la chasse des oies cendrées en France et en Europe. On voit bien ce matin que ce sujet fait débat.
À vous lire, on peut être naïvement surpris de la rigidité de la Commission européenne sur de possibles dérogations de la directive « Oiseaux ». En effet, la création de quotas ne permettrait-elle pas de résoudre une partie du problème, en instaurant à la fois de la souplesse et un plafond régulateur pour préserver la biodiversité ?
Votre rapport préconise une solution très intéressante : la possibilité de créer des zones de tranquillité et de gagnage aux alentours des foyers naturels des oies cendrées. Cette solution aurait le mérite de réunir à la fois des agriculteurs, des associations environnementales, des chasseurs, vers une démarche écologique et d’accroître ainsi le verdissement de notre agriculture.
Avez-vous échangé avec Bercy ou le ministère de l’agriculture sur l’opportunité de créer des incitations financières allant dans ce sens ?
Mme Sophie Rohfritsch. À mon tour, je tiens à féliciter le rapporteur car son rapport est très complet. Il prend en compte toutes les dimensions du sujet. Je souhaiterais que la question soit élargie à l’ensemble des positions qui sont prises par l’Union européenne au sujet des espèces protégées. Vous le savez, le grand hamster d’Alsace est une espèce protégée. Les moyens financiers très importants qui ont été engagés pour le protéger s’avèrent aujourd’hui efficaces. La solution qui consiste à territorialiser ce type de procédure avec un contrôle plus souple et moins contraignant de l’Union européenne est une bonne idée concernant aussi le hamster d’Alsace.
M. Yannick Favennec. Je suis élu un département rural, la Mayenne, où la chasse est une activité de loisir et sportive très pratiquée. Je veux dire à Mme Abeille que les chasseurs sont des acteurs incontournables de la ruralité. Ils contribuent à son attractivité, au lien social dans nos territoires. Ce sont des régulateurs intelligents de la biodiversité.
La mission d’information devait permettre de répondre à l’épineuse question de la chasse aux oies cendrées au-delà du 31 janvier. Les chasseurs veulent en effet pouvoir pratiquer cette chasse dix jours supplémentaires alors que la directive européenne « Oiseaux » le leur interdit.
Monsieur le rapporteur, vous avez entendu tous les protagonistes de ce dossier, les pro et les anti chasse. Malheureusement, les points de vue des différentes parties semblent toujours aussi éloignés. Je constate d’ailleurs que vos préconisations reposent largement sur une reprise des négociations. Or le dialogue est rompu depuis cinq ans. Vous avez dit tout à l’heure qui n’y a plus de confiance. Les divergences sont telles entre les protagonistes qu’il paraît très difficile d’imaginer qu’un accord pourrait être trouvé. La situation semble inextricable. Faute d’accord, que se passera-t-il après le 31 janvier 2016 ?
Mme Suzanne Tallard. Monsieur le rapporteur, je vous félicite de vous être attaqué à un sujet complexe et conflictuel depuis de nombreuses années.
Votre rapport fait état de connaissances scientifiques intéressantes. On ne peut que partager votre préconisation d’améliorer ces connaissances et de les faire partager. Ce n’est pas le plus facile puisque le dialogue est totalement rompu.
Je suis élue d’une circonscription qui a la chance d’avoir le siège de la LPO. Cela veut dire que je vois les esprits s’échauffer dès la rentrée de septembre pour savoir jusqu’à quand les chasseurs vont pouvoir chasser les oies cendrées. Votre préconisation de reprendre le dialogue sur la base de connaissances scientifiques partagées me semble être une méthode incontournable, mais qui ne donnera pas des résultats dans l’immédiat. Voilà pourquoi, comme M. Yannick Favennec, je vous demande ce qui se passera le 31 janvier 2016, c’est-à-dire lorsque les chasseurs mettront physiquement la pression physiquement sur la LPO.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le rapporteur, vous nous présentez un rapport de quatre-vingt-douze pages instructif. Il fait référence à un autre rapport de l’ONCFS de 2014 : il ressort de ce rapport que la population d’oies cendrées progresse de manière importante depuis une quarantaine d’années et que les migrations sont de plus en plus précoces. Il s’agit de trouver un équilibre entre la gestion cynégétique et la protection des espèces. J’en profite pour dire que les chasseurs sont des protecteurs de la biodiversité. La question de la clôture de la chasse au 31 janvier reste posée. Vous avez évoqué la directive de 1979 qui doit s’adapter aux réalités d’aujourd’hui. Quelle est la place du principe de subsidiarité pour la gestion des oies cendrées ?
Mme Catherine Quéré. Je remercie M. Philippe Plisson pour son implication dans ce dossier qui a pu faire sourire certains de nos collègues. Mais pour être élue du même département que Mme Suzanne Tallard et voisine de celle du rapporteur, je confirme que chaque année, à partir du mois de septembre, et surtout au mois de janvier, les esprits s’échauffent. Comme l’a dit M. Philippe Plisson, il y a des positions de passion plutôt que de raison. Je pense que la passion existe de tous les côtés.
J’ai eu le plaisir d’accompagner le rapporteur aux Pays-Bas. Je n’ai pas très bien compris la position des représentants de BirdLife qui a été reprise par Mme Laurence Abeille, qui n’est plus là : ils ne sont pas choqués lorsque l’on rassemble les oies dans des enclos, qu’on les affole et qu’on les gaze, que l’on détruit les œufs en les perçant et en les secouant, mais ils estiment que les chasseurs tuent par plaisir. Le plaisir de la chasse, ce n’est pas seulement la passion de tuer, c’est aussi tout l’environnement qu’il y a autour. Je considère que le plaisir n’est pas un péché, bien au contraire. (Rires)
Est-il possible de remettre en cause l’enquête de l’ONCFS ? J’ai été très étonnée que l’on tire des conclusions alors que l’expérimentation a été faite sur seize oies seulement. Cette enquête scientifique a fait beaucoup de tort.
Je partage totalement la position des différents ministres de l’environnement qui se sont tournés vers l’AEWA. Mais je me demande dans combien d’années on parviendra à un résultat.
Je pense qu’il faut totalement contester cette directive de 1979 qui est obsolète. En effet, elle précise qu’il faut protéger des oiseaux en phase de disparition. Or les oies cendrées sont devenues invasives. Il y a donc là une contradiction que l’on devrait pouvoir dénoncer. La position de l’AEWA prévaudra-t-elle sur celle de la directive ?
Enfin, vous estimez qu’il faudrait permettre aux oies cendrées de stationner un peu dans notre pays. Or on a vu quels dégâts occasionne leur sédentarisation aux Pays-Bas. Ne serait-ce pas de la folie d’organiser dans notre pays la sédentarisation, alors que la Hollande ne sait plus comment s’en dépêtrer ?
M. Charles-Ange Ginesy. À mon tour, je veux féliciter le rapporteur pour la qualité de son rapport sur un sujet qui peut sembler léger mais qui a des conséquences financières très importantes, tant sur les plans national qu’européen.
Je suis élu d’une zone rurale où des espèces gênent l’activité agropastorale. J’ai interrogé Mme la ministre sur le problème du loup en souhaitant que le plan loup soit exécuté au pied de la lettre et que l’État ne mette pas un coup d’épée dans l’eau alors que, là aussi, les enjeux financiers sont importants.
Ce rapport a le mérite d’ouvrir une brèche sur les difficultés qui sont les nôtres eu égard aux relations entre les États membres et la directive « Oiseaux » qui date de 1979 même si elle a été révisée depuis. Elle n’a eu de nouveaux fondements qu’à partir de 2009. Mais en 2015, nous nous posons à nouveau la question, tant pour le grand hamster d’Alsace, que le loup ou les oies cendrées.
Ce rapport doit permettre d’imposer à l’Europe une révision régulière en la matière. Que pensez-vous de cette piste, puisque nous n’arrivons pas à obtenir des dérogations, ou l’application de certains textes de la convention de Berne en particulier ? En même temps que nous demandons la révision de cette directive, ce serait peut-être le bon moment pour que la France intervienne pour demander des révisions régulières.
On le voit, le réchauffement climatique fait bouger les lignes. Les espèces sont en mutation permanente. Je demande que l’on revoie régulièrement la condition des espèces protégées.
M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, je vous remercie de m’avoir invité à participer aux réunions de la commission du développement durable dont je ne fais pas partie puisque je suis membre de la commission des affaires étrangères. Cela dit, je suis membre du groupe d’études chasse et territoires, et je me suis rendu en Hollande.
Beaucoup de choses intéressantes ont déjà été dites. Ce qui différencie la France des autres pays européens, c’est que le droit de chasse a fait partie des revendications de la Révolution française. Ce fut l’une des doléances le plus souvent exprimées. Aujourd’hui, les choses ont évolué. Mais il n’empêche que certains pensent qu’on leur retire des droits.
L’oie cendrée est une espèce dite migratrice. Or on nous explique que nombre d’entre elles sont devenues sédentaires. Cela veut dire que la situation a changé depuis la directive de 1979. Cette espèce n’est pas en voie de disparition. Au contraire elle prolifère, à tel point qu’en Hollande on est obligé de la gazer et de secouer les œufs après la reproduction.
M. Jean-Claude Buisine. Eh oui ! C’est la réalité !
M. Jean-Pierre Dufau. La directive précise qu’il ne faut pas porter atteinte à la période prénuptiale, mais ensuite rien n’empêche de détruire les œufs. Il faut donc revoir les choses. On nous a même expliqué que les oies gazées étaient données en priorité aux associations caritatives et certains prétendent qu’un commerce illicite a été organisé.
Voilà ce que je souhaitais dire, pour que les défenseurs de la nature et les chasseurs soient informés de la réalité.
Effectivement, la notion d’espèce protégée ne tient plus. Et la période de reproduction est extrêmement controversée. On nous explique que la quasi-totalité des oies sont passées avant le 31 janvier. C’est pourquoi je ne vois pas en quoi une dérogation de dix jours porterait atteinte à l’espèce. D’autres prétendent, et je suis plutôt de cet avis, que c’est dans la deuxième décade, voire la troisième décade du mois de février que la majorité des oies passent. D’où la solution de compromis de fixer la fermeture de la chasse au 10 février qui constitue un équilibre. Il s’agit de dix jours. Qui y a-t-il d’extraordinaire là-dedans ?
L’ensemble des propositions qui sont faites ici permettraient de traiter le problème à long terme. La dérogation à l’article 9 de la directive permettrait de régler la question à court terme et constituer le premier élément d’une pacification. Puis, tout le monde pourrait s’asseoir autour d’une même table pour régler l’ensemble des problèmes que pose la directive et le cas d’autres espèces que l’oie cendrée qui n’est pas en péril.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je précise que j’ai donné un droit de tirage spécial à M. Jean-Pierre Dufau qui intervenait pour la première fois dans cette commission.
M. Jean-Claude Buisine. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour de la commission du développement durable. Je tiens à féliciter le rapporteur pour son excellente analyse. Ce rapport sera très utile dans les semaines et les années à venir.
Il ne faut pas opposer les écologistes et les chasseurs. Les chasseurs sont les premiers écologistes, en particulier sur le littoral français. Ils entretiennent les espaces ruraux, les zones humides. Je tiens à souligner le travail qu’ils réalisent tout au long de l’année sur le territoire, en liaison avec le Conservatoire du littoral.
Des chasses protégées, raisonnées sont mises en place sur le littoral du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie. Les chasseurs installent des huttes pédagogiques. Il n’est pas question de chasser pour le plaisir, mais pour réguler une population d’oies. Les chasseurs ne méritent pas les quolibets que l’on entend quelquefois. Ce sont des gens responsables qui entretiennent le territoire et protègent la nature. Ils méritent d’être respectés.
Le rapport qui nous est présenté est très exhaustif. Je souhaite que le dialogue se poursuive et que les négociations reprennent avec tous les partenaires.
La directive « Oiseaux » a fait son temps. Elle mérite aujourd’hui d’être révisée. Toutefois, les arcanes administratifs européens mettent beaucoup de temps à se mettre en mouvement. Je le regrette très sincèrement, car c’est surtout l’annexe 2 de cette directive qui pose problème aujourd’hui. Il faudrait pouvoir la modifier dans des délais raisonnables pour répondre aux demandes légitimes des chasseurs.
Dans son introduction, M. Plisson note que ce débat perturbe le climat social. Je dirais même qu’il pourrit la situation et c’est dommage. Cela fait dix ans que cela dure. Je souhaite que le climat s’apaise dans les semaines et les mois à venir et qu’une solution soit trouvée le plus rapidement possible.
M. Guy Bailliart. En arrivant ce matin en commission, j’étais plutôt sceptique. Je ne pensais pas que ce sujet m’intéresserait beaucoup. Mais ce rapport est très intéressant car il est significatif de la façon dont nous gérons l’espace naturel.
Toutes les propositions de ce rapport sont excellentes. Elles pourraient même s’appliquer à toutes les autres espèces. En réalité, il s’agit de gérer la ressource animale. Les réactions passionnelles en la matière proviennent du fait que chacun pense être dépositaire de la vie de la nature. Les chasseurs comme les défenseurs des oiseaux disent défendre la nature. Or, en Europe, la nature n’existe plus. Cela fait très longtemps que tout a été géré par l’homme. Les propositions du rapporteur ressemblent beaucoup aux préconisations faites en ce qui concerne la gestion des parcs naturels régionaux selon lesquelles il faut gérer l’espace. On croit qu’il suffit d’analyser les choses tous les quinze ou vingt ans pour prendre des décisions. Mais ce n’est pas du tout ainsi que cela se passe.
En Grande-Bretagne, la chasse est gérée de façon privée. De ce fait, les Britanniques n’ont pas besoin de s’embarrasser de toutes ces préconisations. En effet, lorsqu’ils ont l’impression que l’espèce diminue, ils la chassent moins. Au contraire, quand elle augmente ils la chassent davantage. C’est une activité touristico-économique qui est gérée comme telle.
Le plus important, c’est de reprendre les négociations. Comment faire pour que les gens comprennent que nous gérons l’espace ? Pour ma part, je vis en zone rurale et je ne suis pas chasseur. Je constate que les chasseurs se débrouillent très bien pour gérer leur chasse. Ils prennent garde à ne pas tuer ce qu’il ne faut pas.
Je pense que c’est dans une cogestion que l’on peut parvenir à quelque chose. Sinon, les problèmes se reposeront chaque année. On pourra changer les dates d’une semaine ou deux, rien n’y fera car il y a toujours une frontière quelque part. Les chasseurs comme les défenseurs des oiseaux savent très bien que s’il n’y a pas d’oiseaux il n’y a rien à chasser ni rien à défendre.
M. Philippe Plisson, rapporteur. Je remercie mes collègues pour leurs félicitations unanimes et tous ceux qui ont participé à ces auditions. Je souligne que tous les députés de cette commission ont été convoqués à toutes les auditions et invités à participer. Par exemple, Mme Geneviève Gaillard a participé aux auditions. Elle devait se rendre avec moi aux Pays-Bas ; malheureusement, elle n’a pas pu venir pour des raisons personnelles. Cela dit, elle a été partie prenante de la démarche. Il n’y a eu aucun ostracisme.
M. Jean-Jacques Cottel demande quelles solutions proposer pour 2016. Comme je ne suis pas ministre en charge de l’environnement, je ne signe pas les arrêtés. J’ai déjà interrogé la ministre qui s’engage à trouver une solution qui pourrait ressembler à celle de l’année dernière – même si cette décision a été controversée – en attendant les solutions juridiques.
M. Jean-Pierre Dufau. C’est une solution d’attente.
M. Philippe Plisson, rapporteur. En Hollande, nous avons rencontré toutes les parties prenantes avec lesquelles nous avons eu un dialogue constant. Le représentant de la LPO néerlandaise nous a dit qu’il ne savait pas pourquoi il était là et que de toute façon il ne serait pas d’accord avec nous. Cela dit, nous avons discuté ensemble pendant une heure. Nous lui avons demandé comment il soutenait ces destructions massives qui se font dans des conditions plutôt difficiles – c’est le dioxyde de carbone qui permet de gazer les oies cendrées. Nous avons vu un film qui montre des petits oiseaux parqués dans les cercles où ils sont nés, derrière des grillages avec l’impossibilité de les franchir pour ne pas aller dans les cultures. Bref, ils crèvent de faim derrière les grillages. On est loin du bien-être animal. Comme l’a dit Mme Laurence Abeille, la chasse c’est le plaisir de tuer alors que les Hollandais tuent par nécessité.
Je partage l’analyse de M. Jean-Marie Sermier quant aux oiseaux nuisibles. Je précise que les 12 millions d’euros qui servent à éradiquer les oies cendrées aux Pays-Bas ne sont pas des fonds européens mais néerlandais. En revanche, le FEADER paie pour la mise en culture puisque les provinces mettent en place des cultures spécifiques pour favoriser la présence des oies. Une solution pourrait être de lancer sur notre territoire les mêmes programmes d’accueil des oies.
Bertrand Pancher a parlé de l’évolution climatique que nous constatons tous et de la nécessité de réguler les espèces. Il se demande s’il faut des aires de gagnage en France pour accueillir les oies pour les tuer, ce qui lui semble un peu compliqué. En réalité, nous proposons simplement de partager la tâche à la fois d’accueil et de régulation des oies. Si la France prend sa part pour l’accueil des oies, elle prendra sa part pour leur régulation. Et tout le monde y trouvera son compte. On serait alors dans une démarche gagnant-gagnant.
Il propose la collaboration entre chasseurs et associations de défense de l’environnement qui existe déjà sur le terrain et qui pourrait peut-être être mise en œuvre au niveau national. Des discussions ont déjà eu lieu en 2009, mais elles ont viré à l’aigre. Aujourd’hui, un certain nombre de protagonistes sont les mêmes et ils campent toujours sur leurs postures. Tous les efforts que j’ai effectués depuis plusieurs années pour rassembler les gens autour d’une même table se sont toujours soldés par un refus systématique de la LPO. Les autres sont d’accord. En disant cela, je ne porte pas de jugement de valeur. J’ai de bons rapports avec Allain Bougrain-Dubourg mais il ne veut rien savoir en la matière. Il est bloqué sur sa position qu’il ne discutera pas. J’espère qu’il évoluera parce que c’est nécessaire.
Mme Laurence Abeille a évoqué la manière dont les chasseurs appréhendent la problématique. On voit bien que notre collègue est urbaine parce que, pour les chasseurs, la chasse est un marqueur de leur comportement et de leur vie. Ce loisir qui date de la Révolution, comme l’a rappelé M. Jean-Pierre Dufau, est très ancré. Certains ont des compétences avérées sur la chasse qui leur permettent d’être reconnus dans un territoire et dans une société ; ils passent des jours et des nuits à travailler à leurs tonnes. Il ne faut donc pas prendre cette activité à la légère et la balayer d’un revers de main.
M. Jean-Claude Buisine. Très bien !
M. Philippe Plisson, rapporteur. Dans mon territoire, une grande partie des 33 % d’électeurs qui votent Front national sont des chasseurs car ils ne comprennent pas les décisions qui sont prises au niveau de l’Europe, ce qui entraîne un rejet de la politique. Même si on aime beaucoup les oies et des animaux, ne pourrait-on pas trouver des solutions de compromis qui nous permettent de ne plus rencontrer de telles attitudes extrêmement nuisibles à la démocratie et à l’Europe ?
M. Patrice Carvalho a raison : les palombes migrent moins. Les oies ne sont pas les seules à avoir changé de comportement en raison notamment du changement climatique. Il faudrait revoir les dates de la chasse à la palombe.
Mme Catherine Beaubatie nous a parlé de la rigidité de la Commission. Elle applique tout simplement les textes. Le directeur chargé des directives « Oiseaux » et « Habitas » au sein de la Commission européenne et le responsable des migrations que nous avons rencontrés sont arrivés avec le rapport de l’ONCFS sous le bras : c’est un rapport scientifique reconnu ; mais c’est la conclusion du rapporteur qui a abouti aux conséquences que l’on connait. Le directeur nous a dit que, comme le rapport stipule que les oies commencent à migrer dès le 20 janvier et que la Cour européenne de justice a sacralisé cette parole, il devrait fermer la chasse à partir du 20 janvier s’il appliquait strictement cette conclusion. Nous lui avons répondu qu’il fallait surtout éviter cela sinon le remède serait pire que le mal. Tant que nous en restons à l’application rigide de cette directive au premier oiseau qui migre, on ne peut pas bouger. En fait, si on n’aboutit pas un accord local, la seule solution consiste à modifier la directive en l’adaptant au bon sens et à la situation des espèces.
Mme Sophie Rohfritsch a fait un parallèle avec le hamster d’Alsace et souhaite une décentralisation de la directive. Le rapport propose plutôt la décentralisation de l’application de la directive. Certes, c’est difficile car on ouvrirait la boîte de Pandore. Mais dans certains territoires, compte tenu de la présence des espèces, la date de fermeture de la chasse pourrait être différente selon le territoire, comme cela s’est déjà fait pour la date d’ouverture, même si je sais que ceux qui n’auraient pas obtenu la bonne date monteraient au créneau. En tout cas, ça peut être une solution.
M. Yannick Favennec souhaite la reprise des négociations. Nous ne demandons pas mieux, en particulier au niveau local. Mais encore faut-il y avoir des interlocuteurs. Or, comme je vous l’ai déjà dit, tous les interlocuteurs ne sont pas disponibles. Même si elle n’est pas très enthousiaste, la Fédération des chasseurs serait d’accord pour s’asseoir autour de la table, ainsi que l’ONCFS. Je dois dire que l’association Humanité et biodiversité n’y est pas opposée. Le blocage provient uniquement de la LPO qui, à ce jour, m’a opposé un non ferme et définitif.
Monsieur Guillaume Chevrollier, nous sommes ouverts à la discussion. Encore faut-il pouvoir le faire.
Madame Catherine Quéré, on ne peut pas remettre en cause l’étude scientifique de l’ONCFS car elle a été reconnue par tous. C’est la conclusion du rapporteur qui prête à discussion ; mais, en tout état de cause, elle lui appartient. Nous avons proposé de réviser la directive 79/409.
Non, le rapport de l’AEWA ne peut faire évoluer la directive. Il indique seulement l’état de l’espèce et la manière dont on peut la gérer. Le directeur chargé de ce dossier au sein de la Commission européenne m’a répondu que cela ne changeait rien à la situation et que les règles actuelles continueraient à s’appliquer. Seule la remise à plat de la directive permettrait de modifier les choses. Si le premier oiseau migre le 20 janvier tandis que tous les autres le font le 10 février, comme c’est souvent le cas, on pourrait fixer la date de fin de chasse au pic de migration. En tout cas c’est une des solutions que nous proposerions si la directive était rediscutée.
Monsieur Charles-Ange Ginesy, on peut effectivement faire un parallèle entre la situation de l’oie cendrée et celle du loup puisque maintenant il est invasif. Même si c’est une espèce protégée, il faut se poser la question de sa prolifération et des méthodes pour la réguler.
M. Jean-Pierre Dufau, qui est un ardent défenseur des chasseurs, a appelé au dialogue. Effectivement, il faut essayer de rétablir le dialogue mais il faudrait que chacun y mette du sien et éviter de continuer à se regarder en chien de faïence. Cela se fait déjà sur le terrain puisque les chasseurs travaillent avec les écologistes pour protéger les espèces et les habitats. Il n’y a donc aucune raison qu’on ne puisse pas le faire au niveau national si chacun sort de ses postures.
M. Jean-Claude Buisine, qui a participé activement à toutes les auditions et à nos déplacements, souhaite la révision de la directive. Je ne peux qu’y souscrire. Je le répète, c’est l’une de nos préconisations.
Enfin, M. Guy Bailliart nous a parlé de réactions passionnelles. Comme je l’ai dit, c’est toujours la passion qui l’emporte sur la raison. Il faudrait que chacun fasse preuve d’un peu de raison pour que l’on puisse reprendre les négociations. Oui, à la cogestion et non aux postures et à la défense de fonds de commerce qui sont nuisibles à l’évolution des espèces et surtout au dialogue social qui malheureusement est bloqué aujourd’hui sur ce sujet.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je tiens à remercier M. Philippe Plisson pour l’excellent travail qu’il a réalisé, mais aussi notre directeur-adjoint, Thierry Vanel, ingénieur agronome de formation, qui a travaillé sur ce dossier. Il nous revient d’autoriser la publication du rapport.
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La Commission autorise la publication du rapport d’information.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 28 octobre 2015 à 9 h 30
Présents. – Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Guy Bailliart, Mme Catherine Beaubatie, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Jean-Christophe Fromantin, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, M. François-Michel Lambert, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. - M. Julien Aubert, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Alain Chrétien, M. David Douillet, Mme Sophie Errante, M. Laurent Furst, M. Alain Gest, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Claude Buisine, M. Jean-Pierre Dufau, M. Philippe Le Ray, M. Philippe Noguès, M. François Vannson