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Mardi 1er décembre 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Audition de M. Philippe Duron, président de de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), de M. François Poupard, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, et de M. Christophe Saintillan, chef du service des infrastructures de transport et de la mer, sur le schéma des infrastructures routières et autoroutières en France

– Informations relatives à la commission 25

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu MM. Philippe Duron, président de l’AFITF, et François Poupard, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, sur le schéma des infrastructures routières et autoroutières en France.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Notre commission, compétente en matière de transports, a effectué plusieurs auditions sur le réseau ferré et sur les voies fluviales, mais n’a abordé la question des infrastructures routières qu’au travers du schéma national. Or l’actualité a montré que de nombreuses questions se posaient, notamment sur le plan de relance autoroutier, sur les grands chantiers prévus et sur les capacités de financement. C’est pourquoi il nous a paru particulièrement intéressant de vous auditionner, monsieur le président et monsieur le directeur général.

M. François Poupard, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer. Je vous remercie de me donner l’occasion d’évoquer devant vous une partie importante de la politique des transports : celle des routes. Elle est trop rarement mise en lumière, alors que la grande majorité des déplacements se fait sur ces infrastructures. J’évoquerai successivement le caractère structurant du réseau routier national, les investissements et les perspectives d’avenir.

Le réseau routier national, qu’il soit concédé ou non, est essentiel à l’économie de notre pays. L’État est responsable de 21 000 kilomètres de routes : 9 000 kilomètres d’autoroutes concédées par le biais de dix-neuf contrats de délégation de service public ou de concession, et 12 000 kilomètres d’autoroutes et de routes nationales gérées par onze directions interdépartementales des routes (DIR).

Ce réseau ne représente que 2 % du linéaire, mais supporte plus du tiers du trafic total, et bien plus encore dans certaines régions urbaines. En France, la part modale de la route dépasse 86 %, pour le transport tant de personnes que de marchandises. Ainsi, le réseau routier national supporte plus de deux fois et demie plus de trafic que l’ensemble du réseau ferroviaire. À lui seul, le réseau routier national non concédé directement géré par l’État supporte 40 % de trafic de plus que les 30 000 kilomètres de réseau ferré. Ces quelques chiffres vous donnent une idée de la signification du réseau routier et de ses usages pour l’économie du pays et la vie sociale de nos concitoyens.

Chaque jour en Île-de-France, entre 4 et 4,5 millions d’usagers empruntent principalement ce réseau pour aller travailler. La journée d’hier a constitué une exception : beaucoup de gens sont restés chez eux en raison des consignes. Les Franciliens sont des usagers disciplinés !

M. Laurent Furst. Voire soumis !

M. François Poupard. S’ils n’avaient pas été disciplinés, la situation aurait probablement été beaucoup plus difficile, compte tenu de la fermeture des autoroutes pour laisser passer les délégations étrangères.

La route est également le seul mode qui permet d’accomplir les derniers kilomètres pour la livraison des marchandises dans l’ensemble du pays, si l’on excepte quelques lieux embranchés tels que Rungis. D’une manière générale, on ne sait pas comment approvisionner un magasin Franprix autrement qu’avec un camion de livraison. Pour un certain nombre de territoires, la route est le seul mode disponible et le restera vraisemblablement définitivement. Il n’est pas opportun d’utiliser le chemin de fer, on le sait, lorsque le nombre de voyageurs est peu élevé, que le trafic est faible ou que l’urbanisation est peu dense. En outre, certains services essentiels, en particulier les secours, ne peuvent utiliser que la route. Le réseau routier de l’État joue donc un rôle stratégique dans le bon fonctionnement de notre économie et de notre société en général.

Cependant, le réseau routier national est dans un état préoccupant. La France est leader mondial dans la construction des routes, grâce à un certain nombre de grandes entreprises qui sont des fleurons de notre économie. Elle maîtrise les techniques les plus pointues et les moins coûteuses. Pourtant, bien que nous ayons poussé à leur maximum toutes les optimisations techniques et les innovations, nous ne disposons pas de suffisamment de crédits pour permettre une gestion « nominale ». En d’autres termes, les crédits mis en place pour l’entretien du réseau routier n’empêchent pas le patrimoine de se dégrader lentement. Cela tient en particulier à la décision de réduire ces crédits de 100 millions d’euros intervenue en 2010.

M. Laurent Furst. L’honneur est sauf !

M. François Poupard. Si l’on examine l’historique des crédits, on observe une marche vers le bas en 2010.

M. Laurent Furst. Et, bien sûr, les crédits ont été rétablis en 2012 !

M. François Poupard. Il n’a pas été possible de rattraper ce décrochage malgré la décision prise cette année de consacrer 80 millions d’euros à la régénération routière, grâce à l’accord avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

En 2015, l’État consacrera, hors frais de personnel, 693 millions d’euros à l’entretien et à la maintenance du réseau routier national, lequel représente un patrimoine de 143 milliards d’euros. Un rapide calcul montre que le délai de renouvellement du patrimoine est très long, bien supérieur à la durabilité de ce patrimoine. Ces 693 millions d’euros se décomposent comme suit : 315 millions pour l’entretien au sens strict, les dépenses immobilières et la maintenance des équipements dynamiques – cette somme est directement issue du programme 203 « Infrastructures et service de transport », voté en loi de finances ; 243 millions pour la régénération des chaussées, des ouvrages d’art et des équipements de la route ; 71 millions pour la mise en sécurité des tunnels – volet très important depuis l’accident du tunnel du Mont-Blanc ; 64 millions pour les opérations de sécurité, l’équipement en régulation dynamique et la création d’aires pour poids lourds.

En dépit des efforts d’économie drastiques réalisés au cours des dernières années, la note « image qualité du réseau », qui constitue le critère d’évaluation de la qualité du patrimoine, est malheureusement passée en quelques années du niveau « acceptable » au niveau « médiocre ». Si cette tendance se poursuit, la question de la pérennité du réseau routier national se posera. À l’instar d’autres grands pays occidentaux – nous ne sommes pas les seuls confrontés à cette situation –, la France risque de devoir à court terme, d’une part, prendre des mesures de limitation ou d’interdiction de la circulation des poids lourds sur certaines routes nationales et, parallèlement, investir des sommes très importantes pour la remise en état des réseaux. Car, notamment en cas d’hiver très rigoureux, les chaussées risquent d’être affectées par des désordres structurels.

Le réseau routier de l’État est le plus sollicité de France, en moyenne vingt-trois fois plus que celui des collectivités. Il est géré par les DIR, services spécialisés qui se consacrent uniquement à l’exploitation et à l’entretien du patrimoine routier, ainsi qu’à l’ingénierie pour les opérations nouvelles. Les DIR sont issues de la décentralisation : lorsqu’un certain nombre de routes nationales ont été transférées aux conseils généraux, les services routiers de l’État se sont reconfigurés en services interdépartementaux. Cette réforme a été une véritable réussite : depuis leur création il y a six ans, ces services se sont professionnalisés ; ils ont développé une culture très pointue dans le domaine industriel, ils se sont dotés de chaînes hiérarchiques courtes et fonctionnent vraiment à l’économie en termes de frais de structures – je le dis d’autant plus volontiers que je n’occupais pas ces fonctions à l’époque.

Les effectifs des DIR sont consacrés pour l’essentiel aux missions d’exploitation afin d’assurer en permanence la viabilité du réseau, y compris l’hiver. Les missions les plus fondamentales et les plus consommatrices de moyens sont, d’une part, les interventions sur accident ou incident et, d’autre part, les interventions au titre de la viabilité hivernale. Ce sont les deux critères qui déterminent le dimensionnement des services. Aujourd’hui, les services sont dimensionnés pour porter assistance aux usagers en difficulté et assurer la circulation lors des crises neigeuses. Les interventions sur incident sont extrêmement fréquentes : une toutes les demi-heures pour la DIR Ouest ; une tous les quarts d’heure en Île-de-France, de jour comme de nuit. Elles nécessitent la présence permanente de patrouilleurs sur le réseau. Compte tenu de l’importance et de l’intensité du trafic, la qualité du service est même supérieure à celle qui existe sur les autoroutes concédées. Pour assurer ce niveau de service vingt-quatre heures sur vingt-quatre tous les jours de l’année, nous disposons d’équipes d’astreinte en deux-huit, voire en trois-huit lorsque le trafic est important. De même, nous disposons d’équipes mobilisables en trois-huit lors des crises neigeuses.

Comme tous les services de l’État, les DIR doivent contribuer à la réduction des dépenses publiques. Compte tenu des contraintes budgétaires qui leur sont imposées, elles réduisent les effectifs opérationnels en deux-huit ou en trois-huit, ce qui nous amènera fatalement, un jour ou l’autre, à nous poser la question du niveau de service soutenable. Il y a encore probablement des marges d’optimisation de ces services. Nous nous sommes attelés à cette tâche, qui relève de la gageure. Mais, comme je le dis souvent, il est difficile de sortir la saleuse du garage sans conducteur de saleuse !

J’en viens au deuxième point sur lequel je souhaite appeler votre attention : au-delà de l’exploitation et de la viabilité du réseau routier, il est nécessaire de réaliser des investissements pour répondre aux besoins économiques et sociaux de mobilité. Les infrastructures, en particulier le réseau routier national concédé et non concédé, qui est très densément maillé, font partie des atouts compétitifs de la France. À tel point que nos voisins britanniques ont fixé pour objectif à leur nouvelle agence routière d’atteindre un niveau de performance équivalent au nôtre. Notre réseau routier reste donc un axe d’excellence dont nous pouvons nous réjouir. Cependant, il est récemment passé de la quatrième à la septième place mondiale dans les analyses de compétitivité. Cela reste très positif, mais il convient de surveiller cette évolution.

En tout cas, les besoins d’aménagement pour la sécurité, l’insertion environnementale des routes, la gestion de la congestion ou encore l’aménagement du territoire ne peuvent pas être satisfaits sans moyens d’investissement supplémentaires. Dans ce domaine, les attentes sont très importantes. Les projets relativement mûrs et attendus représentent au total plus de 7 milliards d’euros pour l’ensemble de la France. Cependant, il faut mettre ces projets en regard du réseau existant, qui est fortement sollicité et soumis à une forte pression budgétaire, et auquel il est nécessaire d’accorder la priorité. Il convient également de rappeler que les ressources annuelles effectivement disponibles sont, elles aussi, sous forte tension budgétaire pour ce qui concerne le budget de l’État – M. Philippe Duron évoquera ensuite celui de l’AFITF. Tous financeurs confondus, les moyens d’engagement pour l’ensemble de la France devraient être inférieurs à 400 millions d’euros, soit en moyenne 4 millions par an et par département.

Dans ce contexte, on peut se poser la question de financer ces projets en sollicitant les usagers, c’est-à-dire en augmentant les tarifs de péage. Cependant, cela soulève le problème de l’acceptabilité du péage, alors même que, depuis la Révolution française, la loi a posé le principe général de la gratuité, en permettant toutefois une exception pour les autoroutes, les tunnels et les viaducs. Même lorsque les dispositions législatives et réglementaires le permettent, nous avons les plus grandes difficultés à faire accepter par les usagers la mise en place de péages ou leur augmentation sur des routes existantes.

Vous vous souvenez de la polémique, l’année derrière, sur les concessions et sur les tarifs de péage sur les autoroutes concédées. Il est vrai que la santé financière du système autoroutier concédé est apparue comme « anormale », ce qui a été relevé par plusieurs autorités indépendantes, en particulier l’Autorité de la concurrence. Le Gouvernement a alors mis en place un important groupe de travail, auquel ont participé quinze députés et sénateurs.

Ce processus a abouti à la signature d’un protocole entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes portant sur plusieurs points : le rééquilibrage des contrats avec l’insertion de clauses de partage des profits – au-delà d’un certain niveau, ceux-ci sont rétrocédés à l’usager sous forme soit de gel de tarifs, soit de réduction de la durée de concession ; la mise en œuvre d’un plan de relance autoroutier permettant, sans hausse des péages ni dette nouvelle, la réalisation de travaux d’amélioration du réseau autoroutier concédé à hauteur de 3,27 milliards d’euros – ces travaux sont nécessaires pour soutenir tant l’économie des territoires que le secteur des travaux publics ; la mobilisation du secteur autoroutier pour financer les infrastructures à hauteur de 1 milliard d’euros – à ce titre, l’AFITF recevra 100 millions d’euros par an dans les trois années qui viennent, et un fonds d’investissement de 200 millions d’euros destiné aux infrastructures de transport sera constitué, les discussions étant en cours à ce sujet entre les sociétés concessionnaires et la Caisse des dépôts et consignations ; le développement de mesures commerciales en faveur des jeunes, du covoiturage et des nouvelles formes de mobilité ; la fin des contentieux engagés par les sociétés concessionnaires au printemps dernier lors des débats sur le gel des tarifs et sur les concessions autoroutières.

Ce protocole a été mis en œuvre par des avenants aux contrats, approuvés par décret. Ceux-ci ont inséré les clauses que j’ai décrites, qui ne l’avaient pas été au moment de la privatisation des sociétés concessionnaires. Les concessions historiques ont ainsi été transformées en concessions modernes, ce qui constitue le résultat le plus significatif de la négociation.

Actuellement, six projets de concession sont envisagés : l’A45 entre Saint-Étienne et Lyon, à propos de laquelle des discussions sont en cours entre l’État et les collectivités concernées ; le grand contournement ouest de Strasbourg, pour lequel la procédure d’attribution du contrat arrivera prochainement à terme ; la liaison entre Toulouse et Castres ; l’achèvement de l’A154 entre Nonancourt-Dreux, Chartres et Orléans ; le contournement est de Rouen ; l’achèvement de la mise à deux fois deux voies de la route Centre-Europe Atlantique (RCEA) dans l’Allier. Les quatre derniers de ces projets ont fait l’objet d’un débat public. L’objectif est de les soumettre à enquête publique dans les prochains mois.

Les autres projets d’aménagement figurent dans les volets routiers des contrats de plan État-région (CPER). Ils ont fait l’objet de discussions entre l’État et les collectivités territoriales concernées. Il s’agit d’aménagements locaux de tout type qui répondent aux objectifs fixés par la commission « Mobilité 21 ». Ils représentent un investissement total de 3,6 milliards d’euros. Toutefois, leur mise en œuvre dépendra des capacités financières de l’AFITF. Pour mémoire, les programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) n’ont été exécutés que partiellement, et ce dispositif a finalement été réincorporé dans les CPER. Du fait d’un certain « surbooking », les CPER précédents et les PDMI n’ont pas tous été réalisés intégralement. Il y a un « taux de chute » : certains projets sont abandonnés en cours de route, font l’objet de contentieux ou connaissent diverses avanies.

Les investissements ne se limitent pas à ces opérations « classiques ». D’une part, à la suite du drame du tunnel du Mont-Blanc, il a été nécessaire de lancer un grand programme national de mise à niveau et de rénovation des tunnels routiers. Il s’agit de mettre en place des dispositifs de surveillance – fixes ou dynamiques –, de protection au feu et d’évacuation des usagers. Plus de 2 milliards d’euros auront été nécessaires, dont l’essentiel a été concentré sur le réseau non concédé d’Île-de-France, qui compte, vous le savez, de nombreux tunnels routiers où le trafic de poids lourds est très dense. Ce programme devrait être pratiquement achevé en 2018.

D’autre part, dans une logique d’optimisation du réseau existant, des programmes de gestion du trafic et de recours aux nouveaux usages de la route ont été et sont développés. Par exemple, en Île-de-France, le travail mené conjointement par la région, le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) et l’État a permis d’aboutir à un programme de réalisation de voies réservées aux bus et aux taxis, notamment sur des sections où l’utilisation de la bande d’arrêt d’urgence soit ne pose pas de problème de sécurité, soit soulève des difficultés qui peuvent être résolues par des dispositifs spécifiques. Cela permet de créer des capacités routières sans investissements trop importants. Un doublement du tronc commun A4-A86 ou un élargissement de l’A6 seraient des projets extrêmement coûteux et difficiles à mener en raison des riverains, tandis que ces projets d’optimisation des infrastructures existantes, qui nécessitent certes une excellente maîtrise de l’ingénierie de gestion du trafic, sont réversibles et permettent de réaliser en peu de temps un saut quantitatif et qualitatif dans l’offre de service aux usagers.

La route est à un tournant de son histoire. Elle a vocation à contribuer pleinement à un système de transport durable. Si, par le passé, on a opposé la route et les transports collectifs, avec l’avènement des nouvelles formes de mobilité et des nouvelles motorisations, le moment est venu, selon moi, de considérer la route avec un autre œil. Le secteur routier offre de nombreuses potentialités. Les trois majors françaises des travaux publics occupent la première, la deuxième et la quatrième places mondiales dans l’industrie routière. Elles excellent en matière d’innovation et affrontent, bien souvent avec succès, la concurrence internationale. L’exemple de la « route solaire » développée par Colas nous montre que les routes et les rues pourraient se transformer en source de production d’électricité, sans consommer d’espace. Cette première mondiale illustre la capacité de notre industrie à s’adapter et à proposer des innovations de rupture.

Par ailleurs, nous assistons à un bouillonnement des mobilités utilisant le mode routier, avec des innovations sans précédent. Nous sommes vraisemblablement à l’aube d’une révolution. De nouveaux acteurs émergent ou investissent le secteur : Google, Apple, Orange, Uber, Blablacar et, même, la SNCF. La frontière entre véhicules légers individuels et transports collectifs s’estompe.

De plus, les progrès spectaculaires des véhicules vont nous amener à revoir la manière dont on utilise la route. Ainsi, le développement de nouvelles motorisations et l’avènement, dans un premier temps, de la conduite autonome, puis du véhicule autonome, constituent très vraisemblablement une source importante non seulement de réduction de l’accidentalité et de l’insécurité routières, mais aussi de gain pour la puissance publique, dans la mesure où ils permettront une gestion plus dynamique, plus fine et moins coûteuse des trafics, grâce à une connaissance plus précise des flux et à la possibilité d’adapter les vitesses au contexte. Nous inventerons peut-être, in fine, la « route intelligente ».

Enfin, de nouveaux usages de la route, qui concilient économie et respect de l’environnement, se développent : voies réservées aux transports collectifs, autopartage, gestion dynamique, etc.

Toutes ces évolutions vont redessiner le paysage routier, ainsi que les réponses aux besoins de mobilité. Ces éléments militent fortement pour que la France poursuive résolument ses efforts de soutien à l’innovation et à la recherche, afin qu’elle continue à disposer de l’un des réseaux les plus performants et les moins coûteux au monde.

Il faudra que ces développements concernent non seulement les infrastructures, mais aussi les véhicules. C’est l’un des enjeux majeurs. L’industrie automobile est le deuxième secteur pourvoyeur d’emplois en France, mais son développement a nécessité des alliances avec des groupes asiatiques. Le maintien d’un contrôle français sur ce secteur suppose une maîtrise technologique qu’il faudra soutenir dans tous ses aspects, pour l’avènement de la route de cinquième génération.

M. Philippe Duron, président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. La France dispose d’un réseau routier exceptionnel de 1,06 million de kilomètres, qui structure et dessert le territoire, et irrigue nos villes. Il permet d’assurer l’essentiel des déplacements et du transport de marchandises. La route constitue une richesse patrimoniale tout aussi exceptionnelle, estimée à 2 000 milliards d’euros. Il convient de l’entretenir pour assurer l’efficacité et la sécurité des transports, et éviter une coûteuse dégradation.

Depuis quelques années, il était devenu politiquement incorrect de parler de la route. En effet, dans une perspective de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement, nous avions tous le souci du transfert modal, du développement de modes alternatifs à la route. Mais force est de constater que celui-ci est beaucoup plus difficile à réaliser qu’à envisager. Compte tenu des difficultés du fret ferroviaire et de la modestie du fret fluvial, lequel a pourtant connu une augmentation très sensible au cours des années 2000 et 2010, la route reste un moyen de transport structurant et fort.

Le transport routier de personnes comme de marchandises est, de très loin, le mode de transport le plus important dans l’Hexagone, sa part dépassant 85 % du total des flux. De fait, il reste irremplaçable à bien des égards, que ce soit pour l’acheminement des marchandises sur le dernier kilomètre, ainsi que l’a rappelé M. François Poupard, ou l’accès à des localités éloignées des grands centres urbains et faiblement peuplées.

Aussi, la volonté de développer des projets d’infrastructures alternatives ou, plutôt, complémentaires aux routes, entérinée par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, confirmée et accentuée par la loi de programmation du Grenelle de l’environnement en 2009, n’exclut en rien les nécessaires investissements pour préserver et améliorer le réseau routier, voire le développer sur certains tronçons. Indispensables à l’activité économique et à la cohésion du territoire, les routes constituent aussi, rappelons-le, le premier patrimoine national.

L’AFITF a été créée à la fin de l’année 2004 pour apporter la part de l’État dans les dépenses d’investissement principalement pour des infrastructures de transport d’intérêt national, à partir de recettes affectées provenant exclusivement de l’exploitation des routes et des autoroutes – c’est un point très important. Elle s’inscrit dans le schéma suivant : développer des projets alternatifs aux routes dans une perspective de développement durable et respectueuse de l’environnement, tout en améliorant le réseau routier existant, voire en développant certains segments.

Après bientôt onze années d’activité, l’AFITF présente un bilan conforme à cet engagement initial : depuis 2005, ses dépenses d’investissement cumulées dans le domaine des routes s’élèvent à 11 milliards d’euros, soit plus d’un tiers de ses engagements, et ses paiements dans ce domaine s’établissent à 8,78 milliards, soit près de 42 % du total de ses paiements. Les routes tiennent donc une place importante dans les financements apportés par l’AFITF depuis sa création.

Ainsi, l’AFITF a à la fois financé les routes et joué son rôle d’instrument financier de l’État au service du report modal, à partir de recettes affectées provenant exclusivement des routes – les amendes issues des contrôles radar et, depuis 2015, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) – et des autoroutes – la redevance domaniale et la taxe d’aménagement du territoire perçues auprès des sociétés concessionnaires d’autoroutes, auxquelles s’ajoute la contribution volontaire exceptionnelle de 1 ou 1,2 milliard d’euros – je vous laisserai éclaircir ce point, monsieur le directeur général – qu’elles se sont engagées à verser jusqu’à l’expiration des concessions.

La différence de neuf points entre la part des routes dans le total des engagements
– 33 % – et la part des routes dans le total des paiements – 42 % – tient principalement à trois raisons.

Premièrement, dans le cadre de l’accélération du volet routier des CPER 2000-2006, des paiements massifs sont intervenus entre 2006 et 2009 : plus de 3,8 milliards d’euros au total, soit plus de 950 millions en moyenne annuelle. Il s’est agi d’un rattrapage.

Deuxièmement, la majorité des contrats de partenariat public-privé (CPP) financés par l’AFITF, qui impliquent des engagements immédiats mais dont le paiement ne commence qu’à la mise en service des ouvrages, portent sur le domaine ferroviaire, ce qui entraîne pour l’instant un taux de paiement moins élevé pour les modes alternatifs aux routes. Cependant, cette situation devrait commencer à changer avec le versement des premiers loyers de deux CPP – la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire et la deuxième phase de la ligne à grande vitesse Est – à partir de la fin du premier semestre ou du début du second semestre 2017.

Troisièmement, la très grande majorité des interventions de l’AFITF dans le domaine des routes se fait par la voie de fonds de concours selon des échéanciers administrés, qui peuvent, certes, être revus par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) par rapport à la prévision initiale inscrite dans les conventions, mais qui, dans l’ensemble, conduisent à des taux de consommation des dotations budgétaires plus élevés qu’en cas de paiements directs. En d’autres termes, les paiements sont bien plus rapides et complets dans le cadre des fonds de concours apportés à des projets sous maîtrise publique de l’État que dans le cadre d’une contractualisation, qu’il s’agisse des CPER ou des PDMI pour la période de 2007 à 2013.

Les 11 milliards de dépenses d’intervention de l’AFITF dans le domaine des routes se décomposent comme suit : 6 milliards d’euros, soit plus de 54 %, pour les opérations contractualisées avec les régions dans le cadre des CPER et des PDMI ; 2,25 milliards, soit 23 %, pour des interventions sur le réseau routier national existant, en particulier des travaux de régénération et de mise en sécurité des tunnels routiers, que M. François Poupard a mentionnés ; 490 millions, soit 4,4 % du total, pour des opérations particulières sur ce même réseau, par exemple la RCEA, route transversale pour laquelle des choix de financement différents ont été faits selon les départements traversés – l’Allier a opté pour la concession, tandis que la Saône-et-Loire a souhaité une maîtrise d’ouvrage publique de l’État ; enfin, plus de 2 milliards, soit 18,1 %, pour des infrastructures nouvelles telles que le pont sur l’Oyapock en Guyane, la rocade L2 à Marseille et la nouvelle route littorale à La Réunion, qui sont des projets lourds et coûteux, mais essentiels pour ces territoires.

Le taux d’exécution moyen des opérations routières est supérieur à celui de l’ensemble des opérations financées par l’AFITF. Ainsi, à ce jour, les restes à payer s’élèvent à 20,3 % pour les opérations routières contre 37 % pour les opérations sur les modes de transport alternatifs à la route. L’AFITF a donc soldé 79,7 % de ses engagements dans le domaine des routes.

Citons quelques exemples. Plusieurs opérations de grande envergure sur les infrastructures anciennes, notamment les travaux sur l’A75 et sur la RN7, sont aujourd’hui achevées. Les opérations relevant des CPER et assimilés, qui représentent, je l’ai dit, près de 6 milliards d’euros, sont payées à hauteur de 86 % – je ne parle pas, bien évidemment, des nouveaux CPER pour la période de 2015 à 2020. Les opérations sur les tunnels routiers sont payées à plus de 87 %. Les dépenses de régénération du réseau routier national sont payées à 93 %.

Seules quatre opérations ont été payées à moins de 80 % : la RCEA, pour laquelle 78,6 % des 257 millions d’euros engagés ont été payés à ce jour ; les équipements d’exploitation dynamiques, qui ont été payés à 62 % ; la route littorale de La Réunion, qui a été payée à environ 15 % ; la rocade L2 à Marseille, pour laquelle l’AFITF a engagé 812 millions d’euros qu’elle ne commencera cependant à payer qu’au moment de sa mise en service vers 2017 ou 2018, dans la mesure où il s’agit d’un contrat de partenariat.

En règle générale, ces interventions dans le domaine des routes prennent la forme de fonds de concours que l’AFITF apporte à l’État et qui sont ensuite rattachés au programme 203 « Infrastructures et services de transport ». Cela correspond à trois cas : soit les opérations dont l’État assure directement la maîtrise d’ouvrage, telles que les travaux de régénération sur le réseau routier national ; soit les opérations contractualisées par l’État avec les régions ; soit les contrats de partenariat directement signés par l’État.

En dehors de ces cas, où l’AFITF a versé directement une subvention au maître d’ouvrage concessionnaire, il n’existe que le cas de la nouvelle route littorale de La Réunion, dont la région est le maître d’ouvrage. En tant que telle, celle-ci a été l’attributaire de la subvention apportée par l’AFITF au titre de la première tranche de l’aide décidée dans le cadre du protocole de Matignon de 2010. Il reste 203,9 millions d’euros à payer en application de la convention du 29 mars 2012 relative au financement des études et des travaux de ladite route littorale. Cette convention devrait être suivie d’une deuxième convention pour engager la deuxième phase.

Ce mode de financement par fonds de concours ne nuit pas à la visibilité globale des financements de l’État dans le domaine des routes et prend tout son sens dès lors que le budget de l’AFITF repose exclusivement sur des recettes affectées.

Pour appréhender l’ensemble des actions financées sur fonds publics dans le domaine des routes, il convient de totaliser les actions financées directement par l’État sur les crédits du programme 203 sans concours de l’AFITF – c’est le cas des dépenses d’entretien –, les actions cofinancées à partir du programme 203 par des crédits budgétaires de l’État et par des fonds de concours de l’AFITF – cas des dépenses de régénération –, les actions financées sur le programme 203 exclusivement par des fonds de concours de l’AFITF et de collectivités territoriales – cas des dépenses de développement, c’est-à-dire des routes nouvelles – et les dépenses financées directement auprès des maîtres d’ouvrage par l’AFITF en dehors du programme 203 – cas de l’aide apportée à la région de La Réunion pour la construction de la nouvelle route littorale.

Cette consolidation des financements de l’État et de l’AFITF dans le domaine des infrastructures de transport est possible du point de vue budgétaire et comptable. Elle se justifie par le fait que l’AFITF dispose, en vertu des lois de finances, de ressources affectées provenant des routes et des autoroutes, qui sont destinées à financer des infrastructures de transport – c’est sa raison d’être. Sans parler de « sanctuarisation », il n’est pas du tout certain que ces recettes serviraient aux mêmes fins si elles devaient être réintégrées dans le budget général de l’État.

En outre, dès lors que l’AFITF ne perçoit plus de subvention d’équilibre de l’État et que l’ensemble de son budget est couvert par des ressources affectées financées non pas par les contribuables, mais par les usagers, soit directement – cas des amendes issues des contrôles radar et de la TICPE – soit indirectement via les péages – sur lesquels sont répercutées la redevance domaniale et la taxe d’aménagement du territoire –, il est pleinement cohérent, d’une part, de recourir à des fonds de concours pour les financements que l’AFITF apporte au programme 203 et, d’autre part, de prendre en compte les concours qu’elle apporte au financement des infrastructures de transport pour avoir une vision complète des concours publics.

Enfin, la mise en place de péages routiers ou de surpéages autoroutiers sur certaines parties du réseau, telle que la suggèrent nos collègues Michel Bouvard et Michel Destot pour le financement de la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin ou telle qu’elle pourrait être envisagée pour contribuer au financement du canal Seine-Nord Europe, irait dans le même sens : l’attribution à un opérateur de recettes affectées collectées spécifiquement pour financer un projet précis, à savoir de recettes fléchées, en quelque sorte.

M. François Poupard. La contribution exceptionnelle des sociétés concessionnaires d’autoroutes se décomposera en vingt tranches de 60 millions d’euros, soit 1,2 milliard, qu’il convient d’actualiser. Si l’on retient un taux d’actualisation de 4 %, cela donne une valeur actuelle nette de 960 millions d’euros. À cela s’ajoutent 200 millions d’euros que les sociétés d’autoroute verseront sur un fonds d’investissement qui sera mis en place auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

M. Philippe Duron. J’y vois désormais un peu plus clair.

M. Rémi Pauvros. Monsieur le directeur général, vous avez fait une présentation très claire de l’état de nos routes et évoqué l’importance du secteur routier pour l’avenir, y compris du point de vue économique. Il y a une très grande marge entre l’idéal et le réel. La réalité, c’est que l’état des routes est préoccupant. J’ai bien compris que la diminution des crédits remontait non pas à 2012, mais à 2009. Nous pouvons donc déterminer quelles sont les responsabilités.

M. Laurent Furst. Les crédits ont été rétablis en 2012, bien sûr…

M. Rémi Pauvros. Environ 40 % des ressources de l’AFITF sont affectées au secteur routier. En 2016, ainsi que nous l’avons vu dans le cadre de notre avis budgétaire, nous serons en mesure de maîtriser l’ensemble des projets, mais nous nous interrogeons tous sur ce qu’il en sera pour 2017 et 2018. Avez-vous, monsieur le président, des informations nouvelles à nous apporter sur la programmation ?

En ce qui concerne la route, les CPER ont-ils tous été signés ? En sont-ils au stade de l’exécution ? Qu’en est-il, en particulier, des engagements budgétaires 2015 ?

Je reviens sur la qualité et l’entretien des infrastructures, ainsi que sur la problématique de l’investissement et de la planification. Les collectivités territoriales ont déjà eu à gérer des situations extrêmement tendues en matière d’entretien du réseau routier. L’important, c’est de maîtriser l’évolution de ces routes et d’intervenir lorsqu’elles sont dégradées ou deviennent potentiellement dangereuses. Disposez-vous d’un observatoire en la matière, monsieur le directeur général ? Cet observatoire assure-t-il une veille suffisante de l’ensemble du réseau ? Ce dispositif nous permet-il de programmer les travaux urgents ?

Le transport de voyageurs par autocar connaît une évolution, qui a été voulue par la loi du 6 août 2015. La DGITM ou l’AFITF ont-elles engagé une réflexion sur les effets de l’utilisation de ces autocars sur le réseau routier et autoroutier non concédé ? Qu’en est-il, en particulier, en matière de sécurisation de ce mode de transport ? Nous avons tous en mémoire l’accident dramatique qui s’est produit récemment. Existe-t-il des projets d’aménagement de voies concédées pour faciliter l’utilisation des autocars ?

De nombreux chantiers d’autoroutes concédées sont en cours. Le plan de relance autoroutier signé à l’été 2015 confie aux sociétés autoroutières historiques la réalisation de nouveaux équipements à hauteur de 3,2 milliards d’euros. En contrepartie d’un allongement de la durée de leur concession compris entre deux et quatre ans, ces sociétés vont apporter un investissement supplémentaire de 1,2 milliard – c’est le chiffre que j’avais, moi aussi, retenu. Pouvez-vous nous indiquer le mode de calcul qui a prévalu pour l’augmentation des péages en 2016 lors de l’accord manifestement passé à ce sujet entre l’État et les sociétés concessionnaires ? D’après un article paru ce matin dans Les Échos, vous avez présenté une augmentation potentielle des péages l’année prochaine devant le Comité des usagers du réseau routier national. Confirmez-vous cette augmentation ? Dans quel cadre et dans quelles limites la négociation avec les sociétés concessionnaires a-t-elle été menée sur ce point ?

S’agissant de l’avenir, est-il nécessaire de construire encore de nouvelles routes et autoroutes dans notre pays ? Quelle est la planification en la matière ? Le concept de « route durable » – c’est-à-dire de route s’intégrant dans l’environnement et utilisant les nouvelles technologies que vous avez évoquées – pourra-t-il être retenu à l’avenir comme le critère absolu pour la réalisation des nouvelles autoroutes ?

Mme Valérie Lacroute. Ce matin, lors de la réunion du conseil d’administration de l’AFITF auquel je participais, vous nous avez présenté le projet de budget pour 2016. J’ai voté contre, notamment parce que le montant de TICPE affecté à l’AFITF était insuffisant – et je ne reviens pas sur la gestion maladroite du dossier de l’écotaxe. Il en résulte un budget relativement contraint, qui manque d’ambition en matière de régénération du réseau routier. Vous avez évoqué un certain nombre de projets qui sont déjà dans les tuyaux. Certes, le volet ferroviaire est important, mais le volet routier l’est aussi, notamment pour les territoires ruraux. Nous disposons, on l’a dit, d’un bon réseau routier. C’est une infrastructure sécurisée, sur laquelle on peut faire circuler des transports en commun fiables, complémentaires du réseau ferroviaire, qui ne permet pas forcément de desservir les territoires ruraux.

S’agissant du plan de relance autoroutier, vous avez évoqué les négociations qui ont eu lieu avec les sociétés d’autoroutes sur les contrats de concession. Au cours de ces négociations, le Gouvernement a annoncé que 55 % des travaux seraient réalisés par des PME-PMI non liées aux groupes autoroutiers et qu’ils s’accompagneraient de la création d’environ 10 000 emplois. Avons-nous les moyens de vérifier que les sociétés d’autoroutes vont bien mener ces travaux et que les emplois seront créés ?

Dans ces négociations, l’État doit aussi insister sur le volet de l’innovation, qui constitue un levier important. Il s’agit d’imaginer de nouveaux services, des aires inventives et des offres attractives pour les usagers, telles que le paiement sans contact via un smartphone. Je pense aussi au concept d’autoroute « intelligente », système d’équipements connectés destiné à collecter et diffuser en temps réel une information fiable. On peut également citer le télépéage sans arrêt – free flow –, la recharge des véhicules électriques en roulant ou encore les véhicules connectés capables de communiquer avec les infrastructures. La route, vous l’avez dit, est à un tournant de son histoire. Quel rôle l’État pourrait-il jouer pour accompagner ces mutations technologiques ?

Enfin, à la suite des terribles attentats qui ont frappé Paris, il faut élargir notre réflexion aux questions de sécurité. Rappelons que le parcours des terroristes sur l’axe Paris-Bruxelles a pu être identifié parce que le véhicule est passé au péage dans un couloir équipé d’un dispositif de lecture des plaques minéralogiques.

M. Jean-Paul Chanteguet. Les portiques de l’écotaxe auraient également permis de le faire…

M. Bertrand Pancher. En effet, s’ils n’avaient pas été démontés, les portiques auraient permis d’accroître le niveau de sécurité sur nos réseaux routiers. Le système est encore opérationnel et pourrait être utilisé. Je ne doute pas que le Gouvernement y réfléchisse !

Monsieur le directeur général, vous avez dit que les contentieux entre les sociétés d’autoroutes et l’État étaient achevés. Pourtant, si l’on en croit ce que la presse a rapporté ce matin des réactions de Mme Ségolène Royal, ils ne sont pas réglés. Nous avions bien saisi qu’il fallait sortir du débat sur le gel des tarifs autoroutiers et sur la compensation de l’augmentation des redevances domaniales, tous ces points figurant dans les contrats qui lient les sociétés d’autoroute et l’État. À la lecture du quotidien Les Échos ce matin, nous avons compris que les sociétés d’autoroutes avaient finalement topé avec l’administration sur une augmentation des tarifs un peu supérieure à la normale à partir du 1er février prochain. Et, patatras ! Votre ministre dit en substance : « Ce n’est pas ça ! Vous allez voir ce que vous allez voir ! » Qu’allons-nous donc voir, monsieur le directeur général, puisque l’accord s’appliquera ? La ministre n’aurait pas été informée par son administration ? Je ne le pense pas. A-t-elle menti ? Je n’en sais rien. (Murmures.) Vous dites que c’est inimaginable, monsieur Philippe Duron… Où en sommes-nous donc des contentieux sur les péages ?

En outre, vous le savez, il y a un contentieux fiscal entre les sociétés d’autoroutes et le ministère du budget. En principe, les financements apportés par l’AFITF devaient être déduits du bénéfice imposable. Or, selon les sociétés d’autoroutes, la réalité n’est conforme ni à ce qui avait été dit ni à ce qu’elles avaient compris.

Enfin, il y a eu une bataille feutrée à propos des décrets d’application relatifs à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). Il semble que le problème soit réglé, mais pouvez-vous donner quelques informations à ce sujet ? L’administration est entrée dans un luxe de détails concernant le contrôle exercé par l’ARAFER sur les opérations des sociétés d’autoroutes. Pourquoi pas ? Mais, parallèlement, la DGITM veut garder, elle aussi, des moyens de contrôle. Du coup, nous nous retrouverons peut-être avec deux organismes de contrôle : l’ARAFER et la DGITM. N’y en a-t-il pas un de trop ?

Pour le reste, ainsi que nous l’avons constaté lors des débats budgétaires, il manque 200 millions d’euros par an au ministère chargé des transports pour entretenir normalement le réseau routier. Celui-ci se dégrade considérablement et va coûter de plus en plus cher. Le secrétaire d’État ne l’a d’ailleurs pas démenti.

Quant à l’AFITF, avec un budget de 1,9 milliard d’euros, elle peut encore payer, mais il aurait été bon de faire des réserves pour 2017, moment où il va falloir commencer à payer toutes les redevances supplémentaires. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi on n’a pas doté l’AFITF de moyens supplémentaires, ne serait-ce que pour pallier la diminution, peut-être normale, du budget du ministère des transports. Compte tenu des efforts que celui-ci doit consentir, l’AFITF aurait pu prendre en charge des opérations à la marge, ainsi qu’elle l’a déjà fait dans le passé. Pour cela, il aurait suffi d’augmenter de 1 ou 2 centimes le prix des carburants, qui diminue actuellement. Or on ne l’a pas fait, et l’on se retrouve dans une situation abracadabrante : pas de moyens pour le ministère des transports et des moyens insuffisants pour l’AFITF.

Et je ne parle pas des autres modes de transport : il manque 1 milliard d’euros pour le ferroviaire et 30 millions d’euros pour les canaux. Ceux-ci ne sont plus entretenus : ils commencent à fuir de toute part et les digues vont finir par céder. On se dit que ça arrivera quand ça arrivera et que, peut-être, les collectivités paieront. Tel est l’état des infrastructures dans notre pays !

M. Jacques Krabal. Je vous remercie, monsieur le président, pour vos explications sur le rôle de l’AFITF en matière d’aménagements routiers. Je souhaiterais que nous organisions une réunion analogue sur les infrastructures ferroviaires.

En tout cas, merci d’avoir réhabilité la route au sein de cette commission et d’avoir insisté sur son importance pour le développement de nos territoires. Cette nécessaire réhabilitation dans nos propos devrait s’accompagner d’un rétablissement des moyens à mettre en œuvre.

La Cour des comptes a jugé la soutenabilité financière de l’AFITF « problématique ». D’autant que, vous l’avez rappelé, monsieur le président, la subvention d’équilibre qui venait abonder les ressources propres de l’AFITF – 334 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2014 – a été supprimée à partir de 2015. Quelles réponses allez-vous apporter à l’analyse et aux commentaires de la Cour ? Quelles solutions envisagez-vous ? En outre, vous avez estimé qu’il fallait faire payer l’usager plutôt que le contribuable. De quelle façon ?

Monsieur le directeur général, vous avez indiqué que les moyens financiers, tous financeurs confondus, s’élevaient à environ 4 millions d’euros par an et par département. D’autre part, vous avez fait la liste des investissements envisagés. Il y a un écart considérable, on le sait, entre les besoins et la réalité, à plus forte raison dans le contexte économique et financier actuel. Des travaux d’aménagement sont nécessaires sur la route Paris-Bruxelles, qui est l’axe structurant du département de l’Aisne, sa colonne vertébrale. Au rythme de 4 millions d’euros par an, il nous faudra plus d’un siècle pour la remettre en état ! De quels moyens disposons-nous pour répondre à la volonté politique de réhabiliter la route, instrument évident de la mobilité dans nos territoires ruraux ?

J’aimerais savoir, à mon tour, où en est la signature des CPER. Des changements risquent de se produire avec les élections régionales qui se tiennent dans quelques jours. Quelle est la valeur des engagements pris dans le cadre des CPER ? Que se passera-t-il si les nouveaux exécutifs régionaux souhaitent changer la donne ?

Je souscris entièrement à vos propos, monsieur le directeur général, concernant la qualité du service fourni par les DIR et le professionnalisme de leurs agents. Ces hommes et ces femmes ont une grande connaissance du terrain, qui leur permet de faire face aux situations les plus difficiles.

Dans le cadre des contrats de concession, il était prévu, en principe, que l’augmentation des tarifs autoroutiers ne dépasse pas 70 % de l’inflation. Celle-ci s’établissant à 0,6 %, la hausse devrait être très minime. Qu’en pensez-vous ? Quelles sont vos remarques sur ce point ?

M. Yannick Favennec. Lors de l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », le secrétaire d’État chargé des transports, M. Alain Vidalies, a indiqué que les engagements de l’État devraient permettre de financer les dépenses pour 2016, notamment grâce à la contribution exceptionnelle des concessionnaires autoroutiers dans le cadre de l’accord qu’ils ont passé avec l’État le 9 avril dernier. En revanche, l’AFITF aura besoin de recettes supplémentaires pour les années suivantes. Quelles seront ses ressources à compter de 2017 ?

Plusieurs projets routiers inscrits dans le CPER pour la période de 2015 à 2020 concernent mon département de la Mayenne. Il s’agit, en particulier, de projets de contournement de Mayenne, Ernée, Cossé-le-Vivien ou encore Château-Gontier. Ils sont essentiels pour le désenclavement, le développement économique et l’attractivité de notre territoire. Ils ont d’ailleurs été déclarés d’utilité publique.

Dans les secteurs ruraux, les hommes et les marchandises n’ont que les routes pour circuler dans de bonnes conditions. La modernisation et la sécurisation du réseau routier constituent donc un volet indispensable de toute politique volontariste d’aménagement du territoire. Dans la Mayenne, cela vaut pour la RN12 et la RN162. Pouvez-vous m’assurer que les projets que je viens d’évoquer seront bien financés dans le cadre des nouveaux CPER ?

M. Laurent Furst. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir choisi ce thème pour notre réunion d’aujourd’hui.

J’ai été quelque peu choqué par une information que j’ai lue dans la presse au printemps : on a rallongé les crédits budgétaires pour améliorer la propreté des autoroutes d’Île-de-France cet automne, de toute évidence pour offrir un beau visage au moment de la COP21, sur le parcours des convois officiels. J’avais interpellé le Gouvernement sur l’état de malpropreté absolument incroyable aux abords des sorties d’autoroute autour de Strasbourg, notamment près de Dorlisheim et de Molsheim, ville dont je suis le maire. Où est l’équité entre l’Île-de-France, qui doit être l’image officielle de la France au moment de la COP21, et les territoires de province ? Tous les élus de province peuvent se retrouver derrière ma question, qui n’est pas partisane. C’est une vraie question qui appelle une vraie réponse.

Vous avez évoqué le thème très important du niveau de service, monsieur le directeur général. Sa dégradation poserait un véritable problème, car c’est la sécurité de nos concitoyens qui est directement en jeu. Avez-vous une inquiétude quant à l’évolution du niveau de service sur le réseau routier de l’État non concédé ?

Ce réseau, vous l’avez dit, accueille une partie considérable du trafic national. Or, compte tenu de la baisse des crédits – qui n’ont pas été rétablis –, 243 millions d’euros seulement sont consacrés à l’entretien de ces 12 000 kilomètres de chaussées. Quelles que soient les responsabilités respectives de la droite et de la gauche à cet égard – je ne veux pas politiser la question –, il y a une situation objective : à la longue – dix, quinze ou vingt ans –, à l’instar du réseau ferroviaire, le réseau routier vieillit et s’abîme, à l’exception du réseau concédé. La baisse des dotations aux collectivités territoriales joue d’ailleurs dans le même sens. De même, l’état de nos canaux est de plus en plus problématique, cela a été dit, et le réseau ferré n’est pas non plus dans un état irréprochable. Au rythme d’investissement actuel, il faudra 130 ans pour renouveler le réseau d’eau et d’assainissement. Qui peut penser qu’un réseau d’eau et d’assainissement peut tenir aussi longtemps ? Bref, nous avons un problème structurel d’investissement dans les infrastructures de notre pays. Je ne suis pas sûr d’avoir toutes les solutions, mais il est important de le souligner et d’en prendre collectivement conscience. Car cette dégradation lente et invisible posera un jour un problème économique majeur à la Nation.

À terme, avec le développement des voitures électriques, les recettes de l’État issues des taxes sur les carburants se réduiront mécaniquement. Le péage tel qu’il est conçu aujourd’hui sera-t-il encore pertinent demain ? L’avenir n’est-il pas plutôt à une taxe au kilomètre sur l’ensemble des réseaux, pour compenser la baisse du produit des taxes sur les carburants ? Les services de l’État mènent-ils une réflexion prospective à ce sujet ?

Mme Marie Le Vern. Mes questions portent sur les nouvelles formes de mobilité et les nouveaux comportements des usagers des réseaux routier et autoroutier.

Il nous faut évidemment encourager le développement du véhicule électrique, qui est l’une de ces nouvelles formes. Cela passe principalement par le développement de bornes de recharge rapide des batteries. Le projet « Corridor » lancé en juin dernier et conduit par EDF est, semble-t-il, une réponse efficace : on nous annonce 200 bornes sur l’ensemble du réseau autoroutier d’ici à la fin de l’année. Avez-vous connaissance de l’état d’avancement de ce projet ? Son modèle économique est-il bon ? Faut-il envisager son extension au réseau routier ? Faut-il désormais privilégier la recharge en roulant ?

L’un des enjeux directement liés à ce déploiement est l’interopérabilité entre pays européens. C’est tout l’objet du projet de « corridor vert » entre la France, l’Espagne et le Portugal. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Le covoiturage, autre forme de mobilité durable, connaît un boom considérable depuis quelques années. Il convient de l’inciter davantage, par exemple au moyen de voies réservées. Le débat sur la loi relative à la transition énergétique a été l’occasion d’en discuter, et le Gouvernement doit étudier la faisabilité de cette mesure. Comment envisagez-vous cette évolution ? Quels sont les aménagements et investissements nécessaires pour rendre le covoiturage effectif et efficace ?

Au-delà de ces deux exemples, quelles sont, à vos yeux, les nouvelles formes de mobilité durable qu’il faudra accompagner ces prochaines années ?

M. Yves Nicolin. Un programme d’accélération de la modernisation et de la mise à deux fois deux voies de la RN7, axe majeur, a été lancé en… 1989. Pour le passé, nous savons où nous en sommes… Mais quel en est l’échéancier pour les années à venir ?

M. Gilles Savary. Merci d’avoir rouvert ce dossier de la route, qui a été quelque peu tabou durant de nombreuses années, au cours desquelles les moyens publics ont été affectés au train, mais le « split modal » n’est pas devenu réalité. Il faudra éviter d’être aussi distrait sur le réseau routier que nous l’avons été sur le réseau ferroviaire.

Les DIR sont souvent organisées selon un découpage régional qui ne recoupe pas forcément les nouvelles grandes régions. En particulier, la DIR compétente dans l’actuelle Aquitaine est installée à Toulouse, alors que l’Aquitaine va fusionner avec le Limousin et le Poitou-Charentes. Prévoyez-vous un redéploiement de ces directions en fonction de la nouvelle carte régionale ou bien comptez-vous maintenir l’actuelle localisation ?

La France possède des infrastructures et un réseau routiers remarquables. Presque chaque chemin rural a été bitumé. Au moment où notre pays achève le cycle de son équipement et entre dans un cycle de maintenance, avons-nous les moyens d’entretenir ce réseau ? Vous avez déjà répondu sur le réseau routier national, mais avez-vous également une vue d’ensemble du réseau départemental ? J’ai toujours jugé très inopportun que l’État se déleste sur les départements de routes structurantes, car cela les balkanise. Certains départements les entretiennent, d’autres non. Certains départements saupoudrent systématiquement, pour satisfaire les maires ruraux, ou se lancent dans à une débauche de constructions de ronds-points alors que les linéaires se fatiguent énormément ; je ne suis pas sûr que ce soit de l’investissement public pertinent. Avez-vous une vision d’ensemble de ces réseaux ou bien l’État a-t-il décidé une fois pour toutes de faire la politique de l’autruche, c’est-à-dire de n’y plus regarder, après s’être délesté de ces routes ?

Enfin, nous allons vers la voiture intelligente et la route intelligente, et des investissements seront probablement nécessaires sur le réseau. Les avez-vous évalués ?

Mme Catherine Beaubatie. Si un groupe de réflexion doit être créé sur les portiques liés à l’écotaxe, il faudra y faire participer M. Marc Le Fur, car c’est aussi grâce à lui que nous sommes dans la situation que nous connaissons.

J’ai entendu certains de nos collègues de l’opposition évoquer un bilan catastrophique de l’état de nos routes. Or, de 2002 à 2012, c’est la droite qui était aux affaires, et les routes n’ont pas été construites depuis mai 2012…

M. Laurent Furst. C’est ce que j’ai moi-même dit… Cela sent les élections régionales !

Mme Catherine Beaubatie. Je ne suis pas candidate : je m’applique la règle du non-cumul des mandats…

Nous avons depuis quelques mois le sentiment qu’une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la tête du président de l’AFITF. Si les financements sont assurés en 2016, il existe des interrogations pour 2017 et 2018. Quelles sont les perspectives envisagées ? Une augmentation de la TICPE reçoit-elle un écho favorable ? Nous sommes plusieurs députés, toutes tendances confondues, à penser que la part de la TICPE affectée à l’AFITF doit monter en charge.

Mme Valérie Lacroute. Tout à fait.

Mme Catherine Beaubatie. Une question enfin qui concerne plus particulièrement la circonscription dont je suis l’élue : nous avons inscrit dans le CPER 2015-2020 des crédits importants pour la mise à deux fois deux voies de la route Limoges-Poitiers via Bellac et Bussière-Poitevine. Je souhaiterais que vous m’assuriez que ces financements sont pérennes.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. C’est une très bonne question !

M. Gérard Menuel. M. Laurent Furst m’incite à prolonger sa question sur le manque de dynamisme des ressources de l’AFITF. Les dividendes des sociétés d’autoroute ont disparu avec la privatisation, et l’écotaxe n’a pas vu le jour. Aujourd’hui, l’AFITF risque de se retrouver dans un corner ; c’est d’autant plus regrettable compte tenu des besoins importants auxquels nous aurons à faire face pour l’entretien de notre réseau routier. On voit ce qu’il en est aux États-Unis, où des ponts sont aujourd’hui limités à des véhicules de dix ou quinze tonnes alors qu’ils étaient prévus pour des véhicules de quarante ou cinquante tonnes. La dégradation peut aller très vite.

Je souhaite également vous interroger sur vos futures relations avec les grandes régions. Les régions riches conduiront des programmes d’investissement en matière routière, les autres non. Les politiques en la matière ne risquent-elles pas de se décentraliser, notamment concernant les maîtrises d’ouvrage ?

Enfin, la politique de Bruxelles en matière d’autoroutes concédées ne risque-t-elle pas de perturber le développement des autoroutes dans notre pays ?

M. Guy Bailliart. Vous avez brièvement fait allusion aux problèmes que posait la circulation des poids lourds. Il y a quelques années, la tolérance a été augmentée en matière de poids, de longueur, de largeur des convois agricoles. Ajouté au fait que les liants n’ont plus les mêmes performances qu’autrefois, cela crée des problèmes, en particulier dans les ronds-points et les virages. Avant de se demander comment entretenir les routes, ne faudrait-il pas se poser la question de savoir comment ne pas avoir à dépenser trop pour leur entretien, c’est-à-dire la question des gabarits ? Certains véhicules ne sont pas compatibles avec certains revêtements ni avec certaines largeurs. Les budgets des collectivités font face à des problèmes extrêmement sérieux de ce fait.

M. Alain Gest. Chère collègue Catherine Beaubatie, M. Marc Le Fur a pris une position, que je ne partage pas, mais il n’avait pas le pouvoir de remettre en cause ce qu’il avait peut-être contribué à faire adopter lors de la précédente législature…

On reparle à nouveau des routes, et c’est une bonne chose, mais quels moyens y sont consacrés ? Un de mes collègues picards a évoqué la liaison Paris-Bruxelles. La liaison Paris-Lille nous préoccupe aussi beaucoup. Il ne reste plus que vingt-cinq kilomètres de routes nationales dans le département de la Somme, et les améliorations prévues sur la RN25 pour la sécuriser prendront des années. En même temps, on crée une grande région, où l’on constate d’ores et déjà une véritable thrombose sur la voie reliant Paris et Lille. N’y a-t-il pas lieu dès lors d’imaginer une alternative, et notamment de revenir au projet ancien d’autoroute entre Paris, Amiens – le tronçon existe déjà –, Arras et Lille ?

Mme Françoise Dubois. Le plan de relance autoroutier prévoit la réalisation par les principales sociétés concessionnaires d’une vingtaine d’opérations à leur charge exclusive, pour près de 3,3 milliards d’euros, l’État s’engageant en contrepartie à allonger la durée de leur concession. Selon quels critères les opérations à venir ont-elles été décidées ? Quelles sont par ailleurs les garanties apportées par les concessionnaires en matière d’emploi et de mobilité durable ?

M. François Poupard. Monsieur Rémi Pauvros, l’AFITF a un besoin de crédits de paiement important à partir de 2017 et surtout 2018. Le budget de l’année prochaine est relativement satisfaisant car il suffit à couvrir les besoins anciens, ainsi que les nouveaux besoins des CPER, et permet même de résorber en partie l’arriéré de paiement SNCF Réseau. Si les budgets 2017 et 2018 tablaient sur les mêmes montants de dépenses, nous aurions alors un problème, car nous engagerons à partir de ces années le paiement des annuités des partenariats public-privé (PPP) et des très importantes opérations qui entreront en phase de travaux, tels que le tunnel euralpin Lyon-Turin (TELT) et le canal Seine-Nord.

Tous les CPER de métropole sont aujourd’hui signés ; il reste à les signer en Guyane et à Mayotte. Les négociations officielles sont partout terminées.

Les augmentations de tarifs des sociétés concessionnaires d’autoroutes ont été décidées à la suite du protocole du 9 avril entre l’État et les concessionnaires. Ces augmentations sont composées de plusieurs couches. La première couche est inférieure à l’inflation : elle représente 70 % de l’inflation ; c’est la couche tendancielle sur le long terme et jusqu’à la fin des concessions. Sur les prochaines années, nous avons deux périodes pendant lesquelles seront appliquées, en plus de ce montant de 0,7 fois l’inflation, différentes augmentations destinées à financer, pour les trois premières années, la compensation de l’augmentation de la redevance domaniale ainsi que les contrats de plan, qui sont des dispositifs d’investissement des concessionnaires pour le bénéfice des usagers ; et pour les années 2019 à 2023, le rattrapage du gel de 2015.

Un comité des usagers s’est réuni la semaine dernière. Ce comité est une instance qui permet de présenter aux usagers – fédérations de transporteurs, Automobile Club de France, etc. – les augmentations prévues par les contrats et demandées par les concessionnaires. Quand les concessionnaires demandent des augmentations, l’État vérifie qu’elles sont conformes aux contrats et prend les décisions par décret. Nous sommes entrés dans ce processus mais aucune décision n’a été prise à ce jour. En tout état de cause, les augmentations sont très encadrées par les contrats, de la manière dont je l’ai décrite. La ministre visait ce matin l’augmentation tendancielle jusqu’à la fin des contrats : 70 % de l’inflation.

Les investissements sont déterminés dans les contrats de plan, et les critères ont fait l’objet de négociations entre l’État et les régions. Une revoyure des contrats pourrait être envisagée dans le courant de 2016 ou après les élections présidentielles de 2017. Cela pourrait donner lieu à des négociations, en fonction des changements d’exécutifs mais aussi des changements de géographie puisque nous aurons alors modifié les contours des régions.

Le projet de la RN2 dans le Nord a fait l’objet d’une expertise du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) en 2011, et priorité a été donnée à la déviation d’Avesnes-sur-Helpe. Cette déviation a été inscrite au CPER 2015-2020, pour une première tranche de travaux à hauteur de 64,9 millions d’euros, dont 33,9 millions apportés par l’État, pour un coût total estimé à 85,2 millions. La déclaration d’utilité publique a été prorogée en Conseil d’État jusqu’en 2020 et les études de projet se poursuivent, avec l’objectif de démarrer les travaux à la fin de l’année 2017. L’opération de contournement de Maubeuge est quant à elle inscrite au CPER 2015-2020 pour un montant de 30 millions, dont 10 millions pour l’État. Elle sera réalisée sous maîtrise d’ouvrage du département du Nord, ce qui est un dispositif un peu particulier car c’est d’habitude l’État qui réalise les maîtrises d’ouvrage. Les services du conseil départemental ont réalisé une étude de scénarios différents et prévoient de la soumettre à la concertation l’année prochaine, sous réserve d’une décision politique.

Madame Valérie Lacroute, l’attribution des marchés dans le cadre du plan de relance autoroutier a été réécrite dans la loi Macron avec, d’une part, la mise en place d’une obligation de mise en concurrence pour les marchés inférieurs à 500 000 euros et, d’autre part, un objectif global de 55 % d’entreprises non liées aux groupes des concessions. Ce dispositif ne sera pas contrôlé par l’État mais par l’ARAFER. Autrement dit, Vinci ne pourra pas passer systématiquement des marchés avec Eiffage…

M. Christophe Saintillan, directeur des infrastructures de transport. L’État a récemment relancé le comité d’innovation routes et rues, dont les travaux, rendus publics cette année, visent à permettre le développement de nouvelles techniques. Neuf catégories de besoins ont été définies, sur lesquelles il a été demandé aux entreprises de fournir des réponses. Parmi les lauréats de cet exercice, on trouve par exemple un dispositif de guidage optique de bus sur la signalisation horizontale, un dispositif de traitement par encapsulation des chaussées polluées, des techniques d’entretien des ouvrages d’art et de détection du taux d’occupation des voitures afin de mieux développer le covoiturage.

M. François Poupard. Il y a également des innovations sur le réseau routier national non concédé. Les DIR ont développé de nombreuses innovations et participent d’ailleurs au projet européen SCOOP, contribuant au développement de voies réservées et à la dématérialisation du réseau d’acquisition de données – pour rendre la route intelligente sans fibre optique ni boucle électromagnétique. Le Gouvernement a en outre décidé récemment d’inscrire au Programme d’investissements d’avenir (PIA) le sujet des infrastructures. De nombreuses innovations ont été mises au point au cours des années précédentes, qui se traduisent dans des programmes d’investissement. En Île-de-France, par exemple, un programme de voies réservées sur l’ensemble de la région a été convenu entre l’État, le STIF et la région, de façon que puissent se développer des usages nouveaux des infrastructures, pour améliorer leur « rendement ».

Monsieur Jacques Krabal, les signatures des précédents exécutifs pour les CPER obligeront les nouveaux exécutifs jusqu’à ce qu’ils en décident autrement, mais cela ne peut se faire que via une négociation avec l’État, dans le cadre de la revoyure que j’ai évoquée.

Monsieur Bertrand Pancher, les portiques Écomouv’sont effectivement équipés de dispositifs de lecture automatique des plaques d’immatriculation. Nous travaillons avec la douane et la police sur un projet de reconversion de ces infrastructures, non pour du péage kilométrique, mais pour du contrôle de contrevenants, de délinquants, de terroristes, afin de rentabiliser au mieux ces investissements. Les portiques ne sont pas démontés ; tous les équipements sont encore en place, en attendant de pouvoir être réutilisés au mieux.

Un mot au sujet du rescrit fiscal sur le protocole du 9 avril. Les sociétés concessionnaires ont en effet demandé que le milliard soit exonéré d’impôt sur les sociétés. Les discussions, conduites au ministère des finances, ont abouti à un dispositif ; il reste en discussion d’éventuelles clauses de paysage fiscal. En bref, cette demande des concessionnaires a été reçue favorablement.

S’agissant de l’ARAFER et du contrôle sur les sociétés concessionnaires, les contrôles ne s’additionnent pas. La DGITM exerce le contrôle du concédant : nous vérifions que les contrats sont respectés et nous assurons tous les ans un contrôle des tarifs sur tous les péages. L’ARAFER disposera de compétences différentes. Elle contrôlera les marchés passés par les sociétés concessionnaires, et d’éventuels avenants quant à la trajectoire de péage et la trajectoire de rentabilité issues de ces avenants. Ce ne sont pas là des contrôles qu’assure aujourd’hui l’administration, mais des nouveaux contrôles voulus par le législateur dans le cadre de la loi Macron.

Depuis 2009 ou 2010, les moyens d’entretien des réseaux nationaux sont faibles. Au bout de plusieurs années, cela devient difficile. La qualité des réseaux, comme je l’ai indiqué, se dégrade, et il ne faudrait pas que cela dure encore longtemps car nous verrions alors se produire des dégradations brutales, à l’occasion, par exemple, d’hivers rigoureux.

Monsieur Yannick Favennec, sur l’itinéraire entre Alençon et Fougères de la RN12, le parti d’aménagement de l’axe a été défini en concertation avec les partenaires et les élus locaux. Il retient la requalification environnementale de l’axe, la réalisation d’aménagements sur place et l’étude de la déviation de différentes agglomérations dont, en première priorité, celles d’Ernée et de Beaucé. Les travaux comprennent notamment des aménagements de carrefour, des traverses d’agglomération et des créneaux de dépassement à deux fois deux voies sur certains tronçons. Ces caractéristiques n’excluent pas la possibilité d’une mise à deux fois deux voies ultérieures. La déviation d’Ernée est apparue, lors de la phase de consultation, comme étant la plus attendue. Plus à l’est, la déviation de Saint-Denis-sur-Sarthon fait également l’objet d’études en vue d’une concertation publique, qui se tiendra avant l’été 2016 ; cette opération comporte des enjeux environnementaux, vous le savez, très importants.

M. Philippe Duron. On l’attend depuis quarante ans…

M. Yannick Favennec. Je confirme !

M. François Poupard. En matière de financement d’infrastructures nouvelles ou d’aménagements importants, nous avons deux choix, illustrés par la RCEA. Le premier consiste à mobiliser des crédits publics État-région. Il faut alors définir des priorités, tronçon par tronçon, traiter d’abord les points noirs ; on est sur des temps longs. L’autre façon de procéder, c’est celle choisie par l’Allier, dont a parlé M. Philippe Duron : passer en concession. Les procédures préalables sont plus longues, mais une fois le top départ donné, tout va beaucoup plus vite, car les travaux sont réalisés sous maîtrise d’ouvrage privée, avec des moyens bancaires, et rétribués ensuite par le péage. Il revient aux élus locaux et à tous les partenaires de décider s’ils veulent aller au rythme des crédits publics ou bien beaucoup plus vite, en concession privée.

Monsieur Laurent Furst, je ne vous cache pas que la COP21 a joué un rôle d’accélérateur pour la propreté du réseau francilien. Je rappelle toutefois que ce réseau est extrêmement sollicité, pas forcément par les usagers, d’ailleurs ; des entreprises du BTP n’hésitent pas à vider leurs camions sur les bas-côtés ou les terre-pleins… Il a été ramassé, lors de cette opération, plus de 25 000 tonnes de déchets, soit une tonne par mètre ! Ce n’est un problème de propreté, mais bien un problème d’incivilité, devenu massif. Cette opération, je vous rassure, a été financée non seulement par des crédits nationaux mais aussi par des crédits d’Île-de-France. Il est vrai que nous mettons habituellement la priorité sur les enjeux de sécurité, et que la propreté vient après ; mais quand on en arrive à de tels quantités d’immondices sur le bord des autoroutes, des opérations coups de poing deviennent nécessaires. La diminution des crédits et surtout des personnels va nous conduire à réfléchir très sérieusement sur les niveaux de service, mais nous maintiendrons évidemment la sécurité comme toute première priorité.

Nous conduisons de nombreuses réflexions de prospective sur les différents types de motorisation et d’usage de la voirie. Nous travaillons beaucoup en termes de recherche, d’études, de projets européens, d’expérimentations en grandeur nature, qui sont conduites dans pratiquement toutes les DIR, en vue d’optimiser l’usage des infrastructures par l’ensemble des usagers et pas seulement pour les véhicules individuels.

Quand la voiture électrique sera massivement répandue, la question de la base fiscale de la TICPE se posera, mais nous n’en sommes pas encore là : la France ne compte pour l’heure qu’un petit millier de véhicules électriques en usage. Je ne doute pas que, le moment venu, le législateur se posera la question. Le plus préoccupant n’est peut-être pas tant la baisse de l’usage de l’essence que les phénomènes simultanés d’économie d’énergie des véhicules et de baisse du prix du pétrole. Je vous suggère de poser cette question à mes petits camarades du ministère des finances…

M. Christophe Saintillan. La France fait partie de l’Association mondiale de la route, ce qui lui donne une idée de ce qui se passe dans le monde. Il existe trois schémas de financement : le schéma classique est le financement sur crédits budgétaires. Le second, également très répandu, est celui des taxes affectées sur les carburants. La troisième voie est la mise à contribution des usagers par des systèmes soit de concession soit de taxe kilométrique. Ce système est encore très peu répandu dans le monde – l’Europe est en avance à cet égard – mais on sent, et cela s’est exprimé lors du dernier Congrès mondial de la route à Séoul, le mois dernier, que cette mise à contribution des usagers est de plus en plus demandée, tout comme les financements innovants, PPP et autres.

M. François Poupard. Madame Marie Le Vern, nous conduisons de nombreuses réflexions sur les nouvelles mobilités, mais vous posez des questions qui sont un peu au-delà de mes compétences sur les motorisations : mon collègue de la direction générale de l’énergie et du climat pourrait mieux vous répondre, en particulier sur le développement du réseau de points de recharge. Ce que je peux vous dire, c’est que ce développement est pris en compte par les sociétés concessionnaires d’autoroute, avec des investissements très importants en cours pour réaliser une maille de points de recharge rapide tous les 80 kilomètres, me semble-t-il.

Nous incitons à l’usage des voies réservées ; pas plus tard que ce soir, j’ai rendez-vous avec mon collègue de la direction de la sécurité routière pour voir comment ouvrir l’usage des bandes d’arrêt d’urgence à la circulation générale sans préjudice de la sécurité des autres usagers. À certains endroits c’est possible, à d’autres non, à d’autres encore il conviendra de prévoir des aménagements spécifiques.

Monsieur Yves Nicolin, les travaux à réaliser sur la RN7 et la RN82 ont fait l’objet d’inscriptions dans les CPER 2015-2020 à hauteur de 209 millions d’euros, dont 166 millions de la part de l’État, ce qui permettra de traiter un linéaire de plus de trente-six kilomètres sur les soixante restant à aménager sur ces axes.

Monsieur Gilles Savary, la question de la géographie des DIR nous a occupés au moment de la réforme des services de l’État. Il a été convenu de repousser la réforme de cette géographie après que nous aurions traité celle des services classiques : préfectures de région, directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)… Les DIR sont collées aux réseaux ; or certaines des futures régions n’ont quasiment pas de réseau national et on voit donc mal comment y implanter des DIR. Il faudra faire coïncider votre souhait de mettre en relation la géographie des DIR et la géographie administrative et politique avec le bon sens. En tout état de cause, ce ne sera pas possible partout.

S’agissant des routes départementales, la loi NOTRe comporte une disposition permettant une contractualisation entre les régions et les départements pour mettre en place des politiques cohérentes sur des itinéraires aujourd’hui départementaux qui peuvent connaître, au franchissement des frontières départementales, des ruptures brutales de qualité de service. Il va falloir inventer ces contrats et les faire vivre. On pourrait d’ailleurs imaginer des contrats région-État-département dans de grandes régions urbaines, pour une plus grande cohérence, au niveau moins des investissements – c’est l’objet des CPER – que de la qualité de service et d’entretien des réseaux.

M. Christophe Saintillan. Historiquement, la puissance publique intervient sur la route et les constructeurs automobiles, sur les véhicules. Il existe aujourd’hui de nouveaux acteurs, les sociétés de la nouvelle économie, et en particulier les très grosses sociétés américaines, Google et Apple pour ne pas les nommer, qui souhaitent récupérer des informations dans les voitures. Dans cette chaîne de valeur, une grande bataille industrielle va se livrer. La route en France est le deuxième secteur le plus important pour l’emploi. Avec le développement des véhicules autonomes, qui arrivent déjà sur le marché – les Allemands en commercialisent d’ores et déjà –, il faut voir comment notre industrie peut rester dans la course. Les infrastructures peuvent aider au développement de ces véhicules. Nous réfléchissons à des manières peu coûteuses de le faire, plus simples et plus frustres. L’idée des véhicules connectés est une manière de porter une information à l’intérieur de la voiture directement depuis le gestionnaire d’infrastructures. C’est ce que nous tentons de développer avec l’industrie automobile française. Il ne faut pas non plus se cacher qu’il y a derrière tout cela des questions de normalisation : celui qui parviendra à imposer sa norme aura un avantage concurrentiel considérable.

M. François Poupard. J’ajoute que quelques dizaines de millions d’euros suffiraient à mettre en place des dispositifs de peinture au sol ou d’envois de signaux ; cela représente des coûts minimes par rapport aux chiffres d’affaires de l’industrie automobile. Il n’y a pas de raison que le gestionnaire d’infrastructure soit le seul à payer pour ce qui rendra possible la voiture autonome. Nous recherchons des systèmes technologiques permettant de partager la valeur et de faire en sorte que le bénéfice n’aille pas toujours aux mêmes.

Madame Catherine Beaubatie, sur la RN147 entre Poitiers et Limoges, le parti a été validé en 2002. Dans la Vienne, après la mise en service de la déviation de Fleuré, la priorité pour l’État est aujourd’hui l’aménagement à deux fois deux voies de la déviation de Lussac-les-Châteaux, estimée à 127 millions d’euros, pour lesquels 94 millions sont inscrits au contrat de plan 2015-2020 entre l’État et la région Poitou-Charentes, dont 33 millions apportés par l’État. La contractualisation 2015-2020 devrait également permettre de poursuivre les études pour l’amélioration des accès sud de Poitiers. Dans la Haute-Vienne, le contrat de plan entre l’État et le Limousin prévoit l’engagement de plus des deux tiers des crédits routiers sur cet axe. Cela doit permettre d’aménager à deux fois deux voies la RN147 au nord de Limoges et de réaliser un créneau de dépassement au-delà. Ce sont 167 millions qui sont ainsi prévus pour l’aménagement de cet axe dans les deux CPER, dont plus de 80 millions apportés par l’État. Les besoins financiers nécessaires à l’aménagement du reste de l’itinéraire sont considérables et devront être pris en compte dans un contrat ultérieur, avec une étude de parti d’aménagement de l’axe Poitiers-Limoges afin de définir un parti global de l’opération. Plutôt que d’attendre cinquante ou soixante-dix ans pour avoir la route parfaite dont tout le monde rêve, mieux vaut commencer par traiter les priorités au mieux des besoins.

Monsieur Gérard Menuel, les grandes régions n’ont pas le rôle de maître d’ouvrage ni de gestionnaire de patrimoine routier, mais, encore une fois, la loi NOTRe dispose qu’elles peuvent signer des contrats. Tous ces dispositifs restent à inventer ; je ne peux pas vous dire s’ils se déploieront de manière identique dans chaque région. Je crois en réalité que chaque région prendra ces choses en charge de manière différente. C’est en effet une décentralisation.

Je ne parlerais pas de perturbation des opérations avec la fin de l’adossement ; on a simplement changé de méthode. Certaines opérations d’investissement peuvent être adossées au système autoroutier existant, et c’est le cas du plan de relance autoroutier, soumis à un contrôle très sourcilleux de la Commission européenne. Les opérations qui ne peuvent se faire dans ce cadre se font soit en crédits publics, dans le cadre des contrats de plan, soit dans le cadre d’opérations spécifiques de concession, comme l’A63, l’A65, l’A88, le grand contournement ouest de Strasbourg, etc.

Monsieur Guy Bailliart, il existe des dispositifs de gestion des convois exceptionnels, en poids et en taille, qui font l’objet d’une consultation des gestionnaires. Ces dispositifs, gérés par la direction de la sécurité et de la circulation routières (DSCR) du ministère de l’intérieur, font aujourd’hui l’objet de réflexions en vue de leur modernisation, avec même un site internet réunissant sur une même plateforme l’ensemble des contraintes des différents itinéraires, quel que soit le gestionnaire. Certains convois particulièrement lourds, agricoles par exemple, peuvent provoquer des dégradations d’infrastructures ; il appartient alors au gestionnaire de se retourner vers l’usager. Quand les chars Leclerc défoncent les Champs-Élysées, la ville de Paris refait les Champs-Élysées ; le gestionnaire, dans ce cas, convient que c’est à lui de financer. À l’inverse, quand c’est un bateau qui défonce un potelet à l’occasion du Salon nautique, la ville se retourne vers ceux qui ont causé les dégâts. C’est du règlement classique de contentieux de voirie.

Monsieur Alain Gest, vous évoquez la RN25 et l’hypothèse d’un nouveau projet d’autoroute parallèle à l’A1. Je me tourne vers le président Philippe Duron en tant que responsable du rapport « Mobilité 21 », qui, je le crains, n’a pas placé cet investissement au premier rang des priorités ; je le laisserai compléter mon propos.

Enfin, madame Françoise Dubois, les critères du plan de relance autoroutier sont multiples. Il s’agit d’abord de critères d’utilité des différents projets, qui ont fait l’objet d’une consultation entre les représentants locaux de l’État, les sociétés concessionnaires et les territoires. Ces opérations ont également fait l’objet d’un examen de leur rentabilité socio-économique, afin de savoir si elles satisfaisaient beaucoup ou peu d’usagers compte tenu du coût de l’opération. Il a été en outre vérifié qu’elles étaient compatibles avec l’adossement. Enfin, critère intégré dans la loi Macron, les opérations doivent avoir une répercussion sur les milieux économiques locaux, avec des marchés qui ne soient pas seulement passés avec des entreprises de travaux publics liées aux groupes concessionnaires. C’est une façon de vous répondre aussi au sujet des garanties sur l’emploi. L’ARAFER exercera un contrôle indépendant de l’administration.

M. Philippe Duron. Je répondrai à vos questions en résumant mon propos en sept points.

Le premier sera un plaidoyer pour les recettes affectées. Si nous voulons financer les infrastructures, leur entretien, leur modernisation, dans la durée, nous avons besoin de recettes affectées. C’est ainsi qu’ont fait les pays qui se sont les premiers préoccupés de besoins de financement importants, notamment pour assurer un transfert modal : la Suisse, l’Allemagne, et quelques autres. Au moment où la Cour des comptes met une fois de plus en cause ce modèle, j’appelle votre attention sur la nécessité de protéger les recettes affectées, pour assurer la sécurité et la régularité des financements. Sans financements réguliers, les opérations – on le voit avec la RCEA ou encore la RN12 – traînent pendant des années, voire des décennies, ce qui provoque l’exaspération des populations mais aussi accentue les risques.

Les infrastructures génèrent des besoins de financements pluriannuels, soit que les projets soient lourds et importants, soient qu’ils soient financés par des concessions ou des contrats de partenariat. Sur les quatre LGV en construction, deux sont en concession, deux en PPP. Nous avons beaucoup de mal à financer les infrastructures concédées et nous connaissons des retards de paiement, de l’ordre de 630 à 650 millions d’euros, vis-à-vis de SNCF Réseau. En outre, dans un an et demi, vont tomber les premiers loyers pour les deux autres infrastructures importantes, de l’ordre de 120 à 150 millions d’euros par an pendant plus de vingt ou vingt-cinq ans. Nous avons besoin de financements prévisibles : c’est nécessaire pour nos partenaires, les collectivités territoriales qui contractent avec l’État, comme pour les entreprises de travaux publics.

Deuxième élément : l’AFITF a permis de faire progresser le financement des infrastructures. Dans les années quatre-vingt-dix, le sentiment qui prévalait au sein de ce qui s’appelait alors la commission de la production et des échanges de notre Assemblée était que la France arrivait au bout de l’effort en la matière. On se rend compte qu’il n’en est rien. Nous avons eu en 2005 la révélation de la dégradation du réseau ferroviaire, qui nous conduit à redoubler d’efforts pour le remettre à niveau. L’AFITF a permis d’engager 33 milliards d’euros d’investissement en onze ans, et d’en payer d’ores et déjà 21 milliards. Il reste 12 milliards à financer, ce qui correspond, pour une partie majoritaire, aux loyers des futurs PPP qui courront sur la très longue durée, qu’il s’agisse du ferroviaire ou du routier, à l’instar de la L2 à Marseille, dont le paiement s’achèvera en 2043.

Troisième remarque : l’AFITF a été fragilisée par l’instabilité de ses ressources, avec la fâcheuse privatisation des sociétés d’autoroute – qui a remis en cause le versement de dividendes, qui devaient aller croissant dans la mesure où les sociétés concessionnaires allaient dégager plus de profits avec l’achèvement de leurs amortissements –, l’abandon de l’écotaxe poids lourds ou encore, cette année, l’écrêtement de la recette de TICPE décidée l’an dernier.

Ma quatrième remarque porte sur les trois budgets 2016, 2017 et 2018. Pour 2016, M. François Poupard n’a pas tort de dire que le budget peut être traité à peu près convenablement. Nous aurions facilement absorbé la recette de TICPE à son niveau de 2015, ce qui aurait accéléré le désendettement, qui va être opéré en 2016, vis-à-vis de France Trésor. Nous pourrons au moins achever de rembourser à l’Agence France Trésor ce que l’AFITF lui doit, et éviter de nous endetter plus qu’aujourd’hui vis-à-vis de SNCF Réseau. On peut s’estimer – en partie – satisfait qu’il n’y ait pas cette année de coup de rabot supplémentaire sur le budget pluriannuel imaginé il y a deux ans.

Le ministre, en commission élargie il y a trois semaines, a laissé entendre qu’il faudrait augmenter la recette l’an prochain pour faire face au début de la montée en charge des financements sur Lyon-Turin et à l’arrivée des deux premiers loyers de PPP ferroviaires. Il serait raisonnable de laisser à l’AFITF les 2 centimes d’augmentation de la TICPE. Alors que nous sommes écrêtés cette année à 715 millions d’euros, il serait bon que nous recevions l’intégralité du montant de 1,3 milliard l’an prochain. Notre budget, pour faire face à tous les engagements, devrait s’élever à 2,3 ou 2,4 milliards en 2017, et c’est 2,8 milliards qui seront nécessaires en 2018. Si ce n’est pas prévu, nous donnerons raison à la Cour des comptes qui parle d’un mur de dette en train de se construire. Je crois que nous avons la possibilité de faire face. Pourquoi ne le faisons-nous pas cette année ? Parce que le Président de la République a pris des engagements sur la non-augmentation des prélèvements obligatoires et parce qu’il faut essayer de « déflater » la part des dépenses publiques dans le PIB.

Cinquième remarque : en examinant la question du niveau de financement des routes à l’occasion du rapport « Mobilité 21 », nous avons convenu que l’idéal, si la France était un pays riche et disposait d’une rente budgétaire importante, serait de disposer d’un budget de 1 milliard d’euros pour les routes. Ce serait très confortable. J’estime toutefois qu’un budget entre 500 et 600 millions éviterait la dégradation des infrastructures. Nous n’en sommes pas tout à fait là, mais j’observe que nous inscrivons davantage cette année sur l’entretien des routes nationales que la moyenne des dix dernières années : 300 millions contre 250 millions. C’est mieux, mais ce n’est pas encore suffisant.

Sixième point : l’engagement sur les CPER. Toutes les dépenses de mobilité ont été réintégrées dans les contrats de plan. La somme de tous les budgets votés dans ces contrats pour la mobilité est de 7,8 milliards d’euros, en augmentation par rapport à l’ancienne génération de CPER et aux PDMI. Des dépenses ont commencé à être inscrites dès cette année, en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) : pour le routier, 366 millions en AE et 277 millions en CP, pour le ferroviaire 190 millions en AE et 128 millions en CP, pour les ports 40 millions en AE et 28 millions en CP, pour les transports collectifs en site propre (TCSP) 160 millions en AE et 174 millions en CP, sur le fluvial 1 million en AE et en CP. Les CPER sont ainsi pris en compte dès le budget 2016, même si les projets sont d’ordinaire peu nombreux au début et que la montée en puissance n’intervient que progressivement au cours des deux ou trois années qui suivent. Du coup, il faut achever le financement des infrastructures prévues dans les précédents contrats dans la génération de contrats suivante… L’AFITF s’est ainsi retrouvée, au début de son existence, à mobiliser des crédits routiers très importants pour solder les contrats de plan 2000-2006.

S’agissant des ressources qui pourraient être apportées à l’AFITF, nous avons vu l’an dernier l’efficacité et le caractère relativement indolore de la TICPE dans un contexte de baisse des carburants. Cela permet en outre de rapprocher les prix du diesel et de l’essence. Ce n’est pas le choix qui a été fait cette année et, comme bon nombre d’entre vous, je le regrette. Il faudra peut-être y revenir. Il y a d’autre part la possibilité de la taxe carbone ou encore la tarification de la route. Cette dernière démarche avait été engagée avec l’écotaxe poids lourds ; il sera peut-être difficile d’y revenir rapidement, mais l’Union européenne est en tout cas plus favorable à une tarification qu’à une recette fiscale.

Enfin, s’agissant de l’équipement des routes en points de recharge pour les voitures électriques, l’État peut engager des travaux, et cela peut être prévu dans les contrats de plan, mais certains syndicats départementaux d’électrification ont eux aussi décidé d’engager des programmes. Dans mon département, le Calvados, le syndicat d’électrification a l’intention de mettre en place 200 bornes dans des délais très rapides, et les premières sont déjà installées. Tout cela est réalisé en partenariat entre le syndicat – c’est-à-dire le département, essentiellement – et les collectivités territoriales qui ont décidé de s’équiper.

M. Jean-Louis Bricout. Le tronçon de la RN2 en Thiérache est largement oublié, depuis longtemps, et c’est encore le cas dans le dernier CPER. Quelques annonces ont été faites au sujet de sa maintenance. Le ministre a également annoncé un autre programme, avec la traversée d’Étréaupont. Les programmes de gros travaux de maintenance ont-ils été confirmés et sont-ils bien prévus dans les budgets ?

M. Christophe Saintillan. Le ministre a visité le chantier de La Capelle et a réaffirmé que figurerait au programme 2016 un engagement similaire sur Étréaupont, qui a été identifié comme l’autre priorité en termes d’entretien et de rattrapage. Comme l’a indiqué le président Philippe Duron, l’AFITF dispose de moyens spécifiques pour ce faire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci à tous, et en particulier à notre collègue Laurent Furst, qui a eu l’idée de cette réunion.

——fpfp——

Informations relatives à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission du développement durable est saisie de deux propositions de loi que le groupe écologiste a indiqué inscrire à l’ordre du jour de la journée réservée du jeudi 14 janvier prochain. Je vous propose de désigner nos rapporteurs.

Sur la proposition de loi de M. François de Rugy visant à l’automaticité du déclenchement de mesures d’urgence en cas de pics de pollution, j’ai été saisi de la candidature de M. François de Rugy, qui a rejoint la commission. En fait, le groupe écologiste a déposé un premier texte qui porte le numéro 3073, puis un second qui doit se substituer au premier mais qui n’a pas encore passé l’obstacle de l’examen de recevabilité par la délégation du Bureau. C’est bien ce second texte qui sera disponible dans la base d’amendements ELOI et que nous examinerons mardi prochain 8 décembre à 17 h.

Sur la proposition de loi visant à intégrer le principe de substitution dans le cadre réglementaire national applicable aux produits chimiques (n° 3277), je suis saisi de la candidature de de M. Jean-Louis Roumégas. Nous examinerons ce texte mercredi 16 décembre prochain au matin.

La Commission a nommé :

– M. François de Rugy, rapporteur sur la proposition de loi de visant à l’automaticité du déclenchement de mesures d’urgence en cas de pics de pollution (n° 3287) ;

–  M. Jean-Louis Roumégas, rapporteur sur la proposition de loi de visant à intégrer le principe de substitution dans le cadre réglementaire national applicable aux produits chimiques (n° 3277).

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 1er décembre 2015 à 17 heures

Présents. – M. Yves Albarello, M. Guy Bailliart, Mme Catherine Beaubatie, M. Sylvain Berrios, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, M. Alain Gest, Mme Valérie Lacroute, Mme Marie Le Vern, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Jean-Louis Roumégas, M. François de Rugy, M. Gilles Savary

Excusés. – Mme Chantal Berthelot, M. Guillaume Chevrollier, Mme Florence Delaunay, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Plisson, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistait également à la réunion. – M. Jacques Krabal