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Mardi 8 décembre 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Examen de la proposition de loi de M. François de Rugy visant à l’automaticité du déclenchement de mesures d’urgence en cas de pics de pollution (n° 3287) (M. François de Rugy, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Gilles Savary et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen et apparentés, relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs (n° 3109) (M. Gilles Savary, rapporteur)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport de M. François de Rugy sur la proposition de loi visant à l’automaticité du déclenchement de mesures d’urgence en cas de pics de pollution (n° 3287).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de M. François de Rugy visant à l’automaticité du déclenchement de mesures d’urgence en cas de pics de pollution, que le groupe écologiste a inscrit dans la journée réservée du jeudi 14 janvier 2016.

Compte tenu de la suspension des travaux parlementaires du 18 décembre au 12 janvier, il m’a semblé préférable d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour des travaux de la Commission dès à présent.

À l’issue du délai de dépôt, le secrétariat de la Commission a reçu quinze amendements du rapporteur, dont aucun n’a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

M. François de Rugy, rapporteur. Nous travaillons sur cette proposition de loi depuis de nombreux mois. Nous l’avions déjà déposée sous une autre forme au seuil de l’été dernier ; pour des raisons de procédure, elle n’a été enregistrée qu’au mois de septembre. Elle fait suite à de nombreux débats publics relatifs aux processus de déclenchement de la circulation alternée lors des pics de pollution dans nos villes – dans nos régions, devrais-je dire, car ces phénomènes touchent des endroits très différents et non la seule région parisienne, même si c’est elle qui focalise souvent l’attention à cet égard.

Au demeurant, la lutte contre la pollution de l’air ne se résume pas à la seule circulation alternée ; il a toutefois été démontré qu’elle constituait une solution efficace pour répondre à des situations d’urgence.

La pollution de l’air constitue avant tout un problème de santé publique ; parmi les nombreuses études existantes, celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 7 millions le nombre mondial de décès prématurés, soit un habitant sur mille, dont 600 000 dans les cinquante-trois pays du continent européen.

Une étude de la Commission européenne, réalisée en 2006, évaluait à 42 000 le nombre de décès prématurés exclusivement imputables aux particules fines en France. En 2011, le projet Improving Knowledge and Communication for Decision Making on Air Pollution and Health in Europe (Aphekom) a estimé que 3 000 décès prématurés et 1 000 hospitalisations pourraient être évités dans neuf grandes villes françaises si l’on respectait les préconisations de l’OMS en matière de protection de l’air.

L’enjeu économique de la pollution de l’air est moins connu : une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a montré que le coût annuel de la pollution atmosphérique s’élève à 2 600 milliards d’euros pour les pays industrialisés. Selon l’OMS, ce coût est de 1 400 milliards d’euros de pertes pour les pays européens. Cet été, une commission d’enquête sénatoriale, dont le président était M. Jean-François Husson, du groupe Les Républicains, et la rapporteure Mme Leila Aïchi, sénatrice écologiste, a évalué à 101,3 milliards d’euros le coût de la pollution de l’air pour la France, tout en précisant que sur de nombreux points difficilement chiffrables, ils en étaient restés aux hypothèses basses.

Notre proposition de loi répond aussi à un objectif d’ordre juridique : notre pays a été régulièrement montré du doigt pour manquements aux directives européennes relatives à la qualité de l’air, ce qui, le 29 juin dernier, a valu à la France une mise en demeure de la Commission menaçant de la traduire devant la Cour de Justice si elle n’adoptait pas « des mesures ambitieuses, rapides et efficaces pour limiter l’exposition des Français aux particules fines. »

Notre texte propose un dispositif concis, touchant à un point très précis et aisément applicable : le déclenchement automatique de la circulation alternée en cas d’épisodes de pollution de l’air. Nous avons souhaité tirer les leçons des récents pics de pollution de l’air à Paris et en région parisienne, qui ont le plus retenu l’attention des médias. Une évaluation conduite l’année dernière par Airparif a démontré que la mise en œuvre de la circulation alternée lors du pic de pollution de mars 2014 avait permis une réduction de 18 % du trafic routier dans la capitale, 13 % dans la petite couronne et 9 % dans la grande couronne, diminuant ainsi de 6 % les émissions de particules fines et celles de dioxyde d’azote, de 10 %.

Nous disposons dans toutes les régions de nombreux organismes capables d’alerter dès que l’on dépasse un certain seuil de pollution ; malheureusement, force est de constater que les gouvernements successifs ont beaucoup hésité, c’est peu de le dire, à déclencher la circulation alternée. Au mois de mars 2015, la ministre s’était opposée à l’idée de rendre automatique la circulation alternée. En avril dernier, l’idée s’était fait jour de mandater deux experts du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) pour réfléchir à une réforme du mode de prise de décision en cas de pic de pollution. Au mois de septembre, dans le cadre du plan d’action pour la qualité de l’air, la ministre a indiqué que la circulation alternée pourrait être mise en œuvre dès que les organismes chargés de la mesure de la qualité de l’air détecteraient un pic de pollution, afin de réduire les délais d’action. Tout récemment, au mois de novembre, la ministre a conforté le rôle décisionnel des élus locaux en déclarant : « Maintenant, lorsque la mairie et la région demanderont solidairement le déclenchement de la circulation alternée, celle-ci sera décidée automatiquement. »

Notre proposition de loi s’inscrit dans la lignée de cette évolution que nous saluons, car nous l’attendions. Il s’agit d’intégrer dans la loi un certain nombre de dispositions d’ordre réglementaire déjà prévues par les plans de protection de l’atmosphère.

L’article 1er consacre le caractère législatif de la mise en œuvre automatique des mesures d’urgence en cas de pic de pollution. L’article 2 révise les normes de qualité de l’air, suivant ainsi les préconisations de la Commission européenne et de l’OMS, et en les inscrivant dans la loi alors qu’elles relevaient jusqu’à présent d’un arrêté. L’article 3 propose de mentionner dans la loi des sources de pollution qu’elle ignorait jusqu’alors. L’article 4 prévoit des mesures particulières afin de faciliter le télétravail et la flexibilité des horaires en cas de pic de pollution.

Tel est, rapidement exposé, le contenu de cette proposition de loi sur laquelle je proposerai tout à l’heure plusieurs amendements rédactionnels.

Mme Françoise Dubois. L’examen de la proposition de loi relative à l’automaticité du déclenchement des mesures d’urgence en cas de pic de pollution revêt une dimension emblématique au regard du calendrier, puisque nous sommes à quelques jours de la fin des travaux de la 21e Conférence des parties (COP 21).

Il est en effet impérieux de se donner les moyens de faire face à cette urgence lorsque l’on se remémore les épisodes des mois de mars 2014 et 2015 qui ont été traités beaucoup trop lentement, ce qui a suscité incompréhension et confusion dans l’esprit de nos concitoyens, qu’ils soient automobilistes ou non. Je tiens à remercier notre rapporteur et nos collègues du groupe Écologiste de s’être saisis de la question.

Ce texte comporte des propositions relevant du bon sens et qui, à terme, apportent des réponses concrètes, bien que techniques, à des millions de personnes. Ces modifications compléteront le dispositif global lié à la qualité de l’air existant, permettant ainsi de mieux préserver la santé des Français.

La qualité de l’air est un sujet complexe, traversé par de multiples enjeux, sanitaires, environnementaux ou économiques.

Sur le plan économique, la pollution de l’air en France coûte chaque année plus de 100 milliards d’euros, soit deux fois plus que le tabagisme. Par ailleurs, le scandale Volkswagen, qui, chez nous, concerne plus d’un million de véhicules, nous rappelle que la concurrence internationale demeure la préoccupation première des industriels – fût-ce au détriment de leur image de marque, de la confiance des consommateurs ou, plus simplement, au mépris du droit et des normes applicables.

Sur le plan sanitaire, le constat est sévère : dans les villes françaises, 60 % de la population respire un air pollué. En outre, chaque année, nous déplorons une augmentation de la prévalence de maladies respiratoires et cardiovasculaires dues notamment aux particules fines. À l’échelon européen, plusieurs centaines de milliers de décès prématurés sont constatées, dont 42 000 à 45 000 en France. La situation est aussi alarmante à l’échelon mondial : le déclenchement hier, à Pékin, du plus haut niveau d’alerte – alerte rouge – pour pollution grave, donne un aperçu du danger guettant les populations puisque toutes les écoles ont été fermées pour trois jours et que le confinement chez soi est recommandé.

La qualité de l’air s’inscrit désormais dans la préoccupation plus large d’un environnement mieux respecté par chacun d’entre nous, au bénéfice de tous et pour le bien des générations futures. Dans cette perspective, nous devons, en France, changer nos modes de transport ; nous devons, dans le long terme, marcher vers une mobilité plus durable et ne pas hésiter, en cas de besoin, à recourir à la circulation alternée. Nos habitudes de consommation, elles aussi, devront évoluer, qu’il s’agisse des feux de cheminée des particuliers ou des fumées industrielles.

Les initiatives politiques tendant à améliorer la qualité de l’air sont nombreuses en France et vont dans la bonne direction. Certaines sont issues des travaux de la Conférence environnementale qui tire les leçons d’expériences remarquables conduites à l’échelon national ou européen – ainsi le « certificat qualité de l’air » dont des villes comme Londres et Berlin se sont dotées. Des mesures structurantes résultent de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ou relèvent de l’action du Gouvernement : c’est le cas de l’instauration des zones à circulation restreinte pour les véhicules les plus polluants, qui ont succédé aux zones d’action prioritaire pour l’air.

L’ensemble de ces initiatives forme un édifice auquel cette proposition de loi apporte sa pierre : elle tend à améliorer le traitement des pics de pollution et la cohérence interne des quatre articles qui la composent mérite d’être soulignée.

La mesure phare, qui figure à l’article 1er, rend automatique, en cas de pic de pollution, le déclenchement de mesures d’urgence, et charge le représentant de l’État dans le département de cette responsabilité ; ces mesures relevant du domaine réglementaire, cet article modifie la prise de décision tout en définissant ce qu’est un pic de pollution.

Le groupe Socialiste, républicain et citoyen soutient cette proposition de loi, son esprit, son utilité et sa pertinence sous réserve d’une évaluation approfondie de chacune des mesures qu’elle comporte, et, le cas échéant, de dépôt d’amendements en séance.

M. Guillaume Chevrollier. Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi pavée de bonnes intentions, mais dont les conséquences ne sont pas mesurées : rendre automatique la circulation alternée lorsque le seuil d’alerte de pollution est atteint peut donner bonne conscience au rédacteur, mais avez-vous réellement mesuré les répercussions qui pourraient en résulter ?

Ce texte durcit de façon drastique la réglementation en vigueur à tous les niveaux : les conditions de déclenchement des mesures d’urgence sont largement modifiées, ces mesures interviendront plus tôt, au bout de vingt-quatre heures au lieu de quarante-huit, et pour une durée plus longue : quarante-huit heures au lieu de vingt-quatre actuellement. De plus, vous divisez par deux les seuils de dépassement, particulièrement pour le dioxyde d’azote, vous augmentez sérieusement le nombre de polluants susceptibles de déclencher des mesures d’urgence, vous imposez aux entreprises un plan de mobilité… Bref, votre texte est rempli de contraintes que vous ferez subir à plusieurs catégories de la population, même si les agriculteurs ont finalement été épargnés par votre proposition de loi.

La circulation alternée frappe tout particulièrement les familles nombreuses, pour qui la voiture est souvent le seul mode de transport possible. Vous souhaitez imposer les véhicules électriques, alors que vous savez qu’ils ne peuvent pas être utilisés par tous puisqu’ils sont inadaptés aux longs trajets, or peu de familles peuvent acquérir deux véhicules. Cette mesure est donc bien défavorable aux personnes les plus modestes : les détenteurs de plusieurs véhicules peuvent avoir des plaques paires et impaires.

Il semble que vous demeuriez sourd au ras-le-bol des entrepreneurs, soumis à toujours plus de contraintes et de rigidités, puisque vous leur en imposez une de plus. La loi relative à la transition énergétique a rendu obligatoire l’élaboration d’un plan de mobilité du personnel pour toute entreprise regroupant au moins cent employés sur un même site dans le périmètre d’un plan de déplacements urbains (PDU). Ces plans demandent de prévoir des mesures spécifiques d’organisation du travail en cas d’épisode de pollution : avez-vous mesuré les conséquences de ces dispositions sur les entreprises, quel est le mode d’organisation prévu ?

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains ne peut que se prononcer contre ce texte. Malgré ces considérations négatives, nous n’occultons pas pour autant la nécessité de lutter contre le fléau de la pollution : des solutions doivent être trouvées afin d’améliorer la qualité de l’air, mais elles doivent être concertées et mieux analysées. En l’occurrence, nous considérons que la réglementation actuelle est satisfaisante et qu’il n’y a pas lieu de la modifier par cette proposition de loi inutile. Enfin, le principe même d’une approche nationale des procédures de déclenchement de ces mesures nous paraît injustifié puisque les phénomènes de pollution sont variables d’un jour à l’autre et répondent à des caractéristiques naturelles et territoriales très localisées. Ce qui suppose la mise en œuvre de mesures adaptées au contexte local par les préfets, comme c’est le cas aujourd’hui.

M. Yannick Favennec. L’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est louable puisqu’il s’agit d’améliorer la gestion des situations d’urgence dues aux pics de pollution que nous connaissons régulièrement. Le groupe Union des démocrates et indépendants ne peut que partager le constat établi : la pollution atmosphérique est devenue un risque sanitaire majeur dont nous devons évidemment mesurer les conséquences. En effet, chaque année des millions de personnes dans le monde décèdent prématurément, victimes de cette pollution ; les chiffres sont malheureusement tout aussi éloquents en France : près de 50 000 personnes décèdent pour les mêmes raisons.

Ces risques sanitaires ont également un coût, estimé pour la France entre 1 et 2 milliards d’euros. Mon groupe a toujours défendu les idées concrètes et ambitieuses susceptibles de limiter les émissions polluantes : développement de flottes plus propres, préférence donnée au transport ferroviaire pour le fret, amplification du covoiturage par des incitations financières, accroissement de l’intermodalité et des transports en commun, etc.

Le texte présenté par nos collègues écologistes veut encadrer davantage les situations d’urgence, notamment en Île-de-France au sein de laquelle règne une certaine cacophonie à chaque épisode de pollution – et c’est peu dire.

Si l’objectif est donc louable, il mérite une réflexion plus approfondie : l’article 1er, par exemple, qui prévoit l’automaticité des mesures d’urgence, reste relativement vague au sujet des effets attendus. Ainsi, en septembre dernier, Mme Ségolène Royal a amorcé une réforme du processus de décision qui devrait répondre aux préoccupations exprimées dans cette proposition de loi, puisque la circulation alternée pourra être appliquée dès l’annonce d’un pic de pollution et non plus une fois celui-ci constaté, comme cela est malheureusement le cas aujourd’hui.

L’article 2 qui prévoit des seuils de qualité de l’air ne nous paraît pas totalement pertinent dans la mesure où les normes en la matière sont régulièrement réévaluées en tenant compte des résultats des études médicales et épidémiologiques. Si ces normes sont susceptibles d’évolution, les figer dans le code de l’environnement ne fait pas vraiment sens. En outre, elles sont définies en conformité avec celles de l’Union européenne ou de l’OMS.

Quant à l’article 4, même si la proposition peut sembler intéressante, il paraît difficilement applicable, en particulier dans les entreprises.

Dans sa version actuelle, le texte pose plusieurs questions et nous ne comprenons pas vraiment son utilité ; c’est pourquoi le groupe Union des démocrates et indépendants attend son examen afin de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause.

Mme Laurence Abeille. Cette proposition de loi, présentée dans le cadre de la niche du groupe Écologiste, vient fort heureusement soumettre au débat un sujet qui n’a fait l’objet d’aucune réforme depuis des années.

Et pourtant, la pollution de l’air est l’une des premières causes de maladie environnementale, causant plusieurs dizaines de milliers de morts prématurées par an dans la seule France. Cet impact de la pollution de l’air sur notre santé est reconnu par toutes les agences sanitaires. Il est catastrophique, il n’y a plus de controverse à ce sujet, et pourtant, nous n’agissons pas, ou lorsque nous le faisons, c’est au coup par coup, parfois dans la fébrilité.

Certes, grâce à l’impulsion des écologistes, nous nous dirigeons vers un alignement des prix de l’essence et du diesel ; s’il est indispensable, son effet ne sera visible qu’à long terme et cette mesure est loin d’être suffisante pour résoudre l’ensemble du problème. Il aura fallu, par ailleurs, beaucoup trop de temps pour l’obtenir, alors que nous savons depuis des années que les particules émises par le diesel sont cancérigènes ; de plus, les constructeurs ont menti sur le niveau d’émission, asphyxiant impunément des millions de personnes.

Une action d’ampleur doit être décidée, et nous ne pouvons pas nous contenter, comme le propose le ministère de l’écologie, d’appels à projets qui n’impliquent que quelques collectivités, laissant la majeure partie du territoire de côté.

Agir contre la pollution de l’air implique la révision des seuils, l’imposition de restrictions – particulièrement en cas de pics de pollution –, l’évolution des flottes de véhicules, la limitation des émissions de rejets industriels et agricoles, mais aussi de favoriser les transports propres, de limiter le recours à la voiture en ville, d’y favoriser le vélo, etc.

À ce sujet, je déplore le recul du Gouvernement sur l’indemnité kilométrique « vélo », pourtant votée dans la loi de transition énergétique : le Gouvernement annonce une indemnité de 25 centimes le kilomètre, ce qui est très bien… pour annoncer ensuite que cette indemnité est facultative et plafonnée à 200 euros par an ! Du coup, si l’on réside à plus d’un kilomètre et demi de son lieu de travail, on atteint le plafond de l’indemnité… Et qui plus est, le Gouvernement se défend en expliquant qu’il fallait aligner cette indemnité sur les frais professionnels de ceux qui utilisent la voiture ! Avec ce genre de reculades, le Gouvernement prouve qu’il n’a absolument pas compris la nécessité de sortir du « tout-voiture » et qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que l’air de nos villes devienne respirable.

Cette proposition de loi, si elle ne règle pas tout, loin de là, vient pallier le manque de réactivité lors d’épisodes de pic de pollution. Ces épisodes de pollution intense sont désormais réguliers, particulièrement au début du printemps. À chaque fois, les réactions sont trop lentes, fébriles, tardives. À chaque fois, nos concitoyens doivent respirer durant plusieurs jours un air toxique sans que cela semble émouvoir les pouvoirs publics.

L’automaticité du déclenchement de mesures contraignantes en cas de pic de pollution est donc indispensable. Décider de la mise en place de la circulation alternée ne doit plus dépendre du bon vouloir d’un ministre tiraillé entre des considérations contradictoires.

Depuis des années, rien n’a été fait pour lutter contre cette pollution de l’air, le Gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires et je remercie vivement mon collègue de rappeler qu’il y a urgence à agir avec fermeté.

M. Jean-Pierre Vigier. Cette proposition de loi a pour objet de renforcer et de rendre automatique la réglementation actuelle relative aux procédures d’urgence en cas de pics de pollution. Elle prévoit notamment des contraintes réglementaires plus importantes : raccourcissement des délais, abaissement des seuils de déclenchement et allongement de la liste des polluants susceptibles de déclencher les mesures d’urgence.

L’article 1er, plus particulièrement, prévoit que le représentant de l’État dans le département, pour le lendemain, déclenche la procédure d’alerte à la pollution, après consultation des présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), et des présidents des autorités organisatrices de transports des zones concernées par les dépassements de seuils. Quelle est la portée de cette consultation ? L’avis des présidents d’EPCI et des présidents des autorités organisatrices de transports sera-t-il consultatif ou aura-t-il une portée contraignante pour le représentant de l’État ?

M. Lionel Tardy. En tant que membre de la commission des affaires économiques, une question me vient à l’esprit : les textes réglementaires en vigueur ne prévoient-ils pas déjà toutes les mesures nécessaires en cas de pollution ? Il me semble que la réponse est oui, car vous ne proposez pas de nouvelles dispositions, mais seulement de modifier la façon dont les mesures actuelles sont prises. Dès lors, une loi n’est peut-être pas nécessaire et une circulaire adressée aux préfets devrait suffire.

Je suis prêt à soutenir toute mesure de lutte contre la pollution atmosphérique, mais à condition de ne pas sombrer dans l’affichage politique et le bavardage législatif. En l’occurrence, sommes-nous sûrs que la loi relative à la transition énergétique et les modifications réglementaires qui en découlent ne répondent pas déjà à cette demande ?

Par ailleurs, inscrire des seuils de pollution dans la loi, comme l’a dit notre collègue Yannick Favennec, ne paraît pas une bonne idée dans la mesure où cela contraindra à repasser par la loi pour les modifier ; or ces seuils sont susceptibles d’évoluer en fonction des connaissances scientifiques. Enfin, comme j’ai pu le dire à l’occasion de l’examen de la loi relative à la transition énergétique, ces seuils doivent pouvoir être adaptés à certaines réalités locales – dans les zones de montagne notamment – et aux contraintes saisonnières, particulièrement en hiver. Je suis donc particulièrement opposé à l’article 2, tout en sachant que c’est sur lui que repose toute la proposition de loi.

Mme Valérie Lacroute. S’agissant de l’Île-de-France, le constat est partagé par tous ; la qualité de l’air constitue une priorité absolue pour ses habitants : les récents pics de pollution ont rappelé que cette piètre qualité réduit malheureusement l’espérance de vie des Franciliens. D’après les sondages réalisés par Airparif, la pollution de l’air est leur première préoccupation écologique, avant le réchauffement climatique. Plus de 2 millions d’habitants en Île-de-France subissent un niveau de pollution supérieur aux normes actuellement en vigueur.

Cela étant, l’automaticité proposée par cette loi ne suffira pas ; il faut surtout une décentralisation accrue des pouvoirs sur la question et notamment que les régions – le sujet est d’actualité – puissent prendre des mesures de lutte contre la pollution atmosphérique. Il faut confier au président de région le pouvoir de prendre l’ensemble des mesures appropriées, particulièrement en Île-de-France – gratuité des transports en commun, lutte contre les embouteillages – afin de pouvoir déclencher automatiquement la circulation alternée sitôt qu’un pic de pollution survient. Notre tête de liste Valérie Pécresse a d’ailleurs fait des propositions dans ce sens, notamment en proposant la construction de nouvelles routes afin d’y faire circuler des transports en commun, particulièrement en milieu rural, de désengorger certains axes, de fluidifier le trafic et d’en finir ainsi avec les embouteillages.

En ce qui concerne la sortie du diesel prônée par le Gouvernement, il serait peut-être nécessaire de définir un plan de partenariat avec les collectivités afin de les aider à transformer leurs flottes en les équipant de véhicules électriques.

M. Christophe Priou. La proposition de loi est certes fondée, mais ne faudrait-il pas faire le point sur ce qui a déjà été décidé et demandé récemment ? Ainsi, au mois d’avril dernier, les ministres de l’écologie, de l’intérieur et des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ont demandé conjointement de formuler des recommandations sur l’amélioration de l’anticipation, la répartition des rôles entre l’État et les collectivités territoriales en cas de pic de pollution, et les modalités de gestion des épisodes de pollution à l’échelon suprarégional. Quelles propositions ont-elles été formulées depuis ?

Le rapport de la mission d’inspection relatif à la gestion des pics de pollution en France a été publié en septembre dernier ; il a dégagé des pistes d’amélioration – lesquelles ? Le plan ministériel présenté au mois de septembre dernier présentait, lui aussi, plusieurs mesures très attendues, dont une modification de la mise en place de la circulation alternée en cas d’épisode de pollution. La ministre doit engager d’ici la fin de l’année la modification de l’arrêté définissant le cadre actuel. Autrement dit, un certain nombre de travaux ont été d’ores et déjà été conduits et des propositions formulées ; il serait bon de s’en inspirer et de les mettre en application.

M. le rapporteur. Je remercie tous nos collègues de leurs remarques et questions, à commencer par Mme Françoise Dubois qui, au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, a apporté son soutien à cette proposition de loi. Je suis naturellement ouvert aux amendements que son groupe pourrait déposer en séance publique.

M. Guillaume Chevrollier, du groupe Les Républicains, s’est plutôt livré, lui, à un réquisitoire contre notre texte ; mais malheureusement, certaines de ses affirmations sont inexactes. Il n’est pas question dans notre proposition de loi d’imposer des plans de mobilité aux entreprises. D’une part, parce que ces plans ne sont pas l’objet de cette proposition : ils existent déjà depuis la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie qui aura vingt ans l’année prochaine. Il est peut-être temps, au bout de vingt ans, de prendre quelques mesures supplémentaires. Mais en l’occurrence, ces plans sont, pour la plupart, facultatifs. La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, qui a été définitivement adoptée l’été dernier, crée, elle, une obligation pour les entreprises d’une certaine taille. Nous nous appuyons donc simplement sur cette disposition sans la modifier : nous proposons que les questions de télétravail soient abordées dans ces plans de mobilité car cela nous paraît être une mesure concrète et pragmatique de souplesse tant pour les employeurs que pour les salariés, permettant d’anticiper. Soyons clairs : nous ne souhaitons pas qu’il y ait tellement de pics de pollution qu’il soit souvent nécessaire de déclencher une mesure de circulation alternée. Mais si cela arrive, autant avoir anticipé la question – lorsque c’est possible : tout le monde sait bien que la faculté de recourir au télétravail dépend de l’activité des entreprises ou de celle du salarié dans l’entreprise concernée.

Je n’ai pas bien compris le rapport entre familles nombreuses et mode de transport… Mais peut-être est-ce un thème récurrent dans les propos de certains. Je connais beaucoup de familles nombreuses dont les enfants prennent les transports en commun : elles sont justement habituées à jongler avec différents modes de transport plutôt qu’à n’en utiliser qu’un seul. Il suffit d’ailleurs de connaître le nombre moyen de passagers par véhicule en circulation – il doit péniblement atteindre les 1,1 – pour se rendre compte que le vrai problème est plutôt celui des « auto-solistes », c’est-à-dire des conducteurs seuls dans leur voiture.

Contrairement à ce que vous dites, cette proposition de loi n’a pas pour objet d’obliger nos compatriotes à avoir deux voitures, l’une électrique, l’autre thermique. Je ne suis pas de ceux qui voient dans la voiture électrique la solution miracle à tous nos problèmes de qualité de l’air, d’émissions de CO2 et d’énergie. Mais ce peut être une solution pour les personnes dont le véhicule ne servirait que pour des trajets moyens tels que les déplacements quotidiens domicile-travail. Nous sommes plutôt partisans de réduire l’utilisation des véhicules particuliers.

La question des plaques paires et impaires n’est plus tellement d’actualité puisque nous avons retenu comme mode de régulation la « pastille verte » qui renseigne sur le degré d’émissions de polluants d’un véhicule en fonction de son âge et de sa motorisation. Cette pastille peut avoir différents niveaux. Et en fonction de l’épisode de pollution concerné, tel ou tel véhicule sera autorisé à circuler ou pas. Ce ne sera plus une affaire de plaque d’immatriculation.

Quant à dire qu’une mesure nationale s’appliquera sur tout le territoire, ce n’est justement pas le cas : l’alinéa 6 de l’article 1er dispose que c’est le représentant de l’État dans le département qui déclenchera la procédure d’alerte – ce afin de faire face aux problèmes au plus proche des réalités de terrain.

Mme Valérie Lacroute a, si j’ai bien compris, évoqué la possibilité de transférer cette prérogative – un véritable pouvoir de police, permettant de retirer à certains véhicules l’autorisation de circuler – du préfet au président de région. Voilà qui n’est pas du tout dans la tradition française ni dans notre édifice institutionnel. Certes, tout peut évoluer et si vous proposiez un amendement en ce sens, je l’examinerais avec intérêt, compte tenu de mon penchant décentralisateur… Mais je ne suis pas sûr que cette option soit adaptée au problème qui nous occupe. De même, nous n’avons pas retenu l’échelle communale : dans une vaste agglomération – ou une région comme l’Île-de-France qui est une grande conurbation à cheval sur plusieurs départements, communes et établissements intercommunaux –, la pollution de l’air touche un bassin débordant évidemment le découpage communal. C’est pourquoi la préfecture de département nous est apparue comme l’échelon de décision le plus pertinent à ce stade.

Je confirme à M. Jean-Pierre Vigier que les avis sollicités auront une portée strictement consultative car nous ne souhaitons pas retomber dans l’excès inverse. Notre objectif est d’éviter un ping-pong où les uns et les autres se renvoient mutuellement la responsabilité, ce qui conduit à l’inaction. Ma collègue Laurence Abeille a d’ailleurs bien fait de rappeler qu’on peut compter sur les doigts d’une main les décisions de circulation alternée prises depuis vingt ans. Pourtant, il était parfaitement possible d’en prendre et on compte bien plus de cinq épisodes de pic de pollution depuis vingt ans, et même plus de cinq par an.

Et encore une fois, ce phénomène ne touche pas que la région parisienne. Les chiffres fournis par les réseaux agréés de mesure de la qualité de l’air montrent ainsi que l’agglomération d’Aix-Marseille est plus souvent touchée par le problème que l’agglomération parisienne. Et pour répondre à M. Lionel Tardy, certaines vallées alpines sont également très affectées : les gens qui croient pouvoir y respirer un bon air pur se trompent, malheureusement : ils y trouvent parfois un air plus pollué que dans la région parisienne… Cela tient aussi aux situations géographiques.

Si l’on prévoit que le préfet ne peut déclencher la procédure d’alerte qu’avec l’accord du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou des maires, il suffira qu’une personne s’y oppose pour empêcher la mise en œuvre du dispositif. En revanche, nous avons souhaité que l’information et la consultation soient systématiques dans la mesure où les collectivités concernées devront ensuite prendre les mesures qui s’imposent – je rappelle à ce propos que la gratuité des transports en commun, à la charge de l’État, est déjà prévue par la loi lorsque la circulation alternée est imposée ; c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas eu à le préciser dans notre texte. Vous me direz qu’il n’est pas normal que l’État se contente d’informer les collectivités locales. Mais il en va déjà ainsi en cas d’alerte météorologique, lorsque les préfets prennent des mesures contraignantes ; à charge ensuite aux collectivités d’assumer leurs compétences en la matière.

M. Lionel Tardy soutient que tout est déjà prévu dans la loi. Mais le problème, c’est qu’il ne se passe rien… Il faut donc bien aller plus loin. Je n’ai d’ailleurs pas compris sa remarque concernant les zones de montagne : s’il veut dire qu’il ne faut rien faire en période hivernale, on risque de ne pas faire grand-chose du tout puisque précisément à ce moment-là que surviennent le plus souvent les épisodes de pollution de l’air…

Mme Valérie Lacroute a quant à elle proposé la construction de nouvelles routes pour faire face aux problèmes de pollution de l’air – ce qui a fait sourire certains de nos collègues. Vous comprendrez que j’aie du mal à suivre cette logique : plus on fait de routes, plus il y a de circulation. Dans un premier temps, bien sûr, cela peut réduire les embouteillages à tel ou tel point des axes routiers. Mais plus on circule facilement, plus les gens ont envie de se déplacer en voiture et plus se recréent des phénomènes d’embouteillage. Et de manière générale, plus on circule en voiture, plus l’air est pollué.

M. Yannick Favennec se disait en position d’attente : je ne désespère pas de le convaincre, ainsi que son groupe, d’ici à la séance du 14 janvier prochain. Bien évidemment, comme je l’ai dit en introduction, il est nécessaire de mener des actions de fond. Et en la matière, je ne fais pas partie de ceux qui affirment qu’il ne se fait jamais rien et que rien ne fonctionne dans notre pays. Les collectivités locales chargées de l’organisation des transports et des déplacements ou de l’aménagement urbain ont déjà pris beaucoup de mesures – le développement des transports en commun et l’aménagement urbain favorisant les aires piétonnes et la circulation à vélo – qui ont porté leurs fruits ; il faut à ce propos regretter, comme l’a fait Mme Laurence Abeille, que des signaux contradictoires aient été envoyés concernant l’indemnité kilométrique. Reste que des mesures sont prises, mais cela ne suffit pas. Nous restons aujourd’hui confrontés à la pollution de l’air. L’amélioration des motorisations des véhicules contribue bien évidemment aussi à réduire cette pollution. Mais en attendant que cela produise ses effets – le renouvellement d’un parc automobile prend huit à dix ans et encore faudrait-il que l’on soit plus strict en la matière, compte tenu du scandale Volkswagen et du problème du diesel –, il faut prendre des mesures d’urgence lorsque c’est nécessaire.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (art. L. 223-3 [nouveau] du code de l’environnement) : Définition de l’épisode de pollution persistant et automaticité du déclenchement de la procédure d’alerte

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD1, CD2, CD3 et CD4 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 1er ainsi modifié.

Article 2 (art. L.223-1 du code de l’environnement) : Définition des seuils et normes de qualité de l’air et possibilité explicite de restreindre l’usage des foyers ouverts en cas d’épisode de pollution

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD5 et CD6 du rapporteur.

Elle examine l’amendement CD7 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement prévoit que les valeurs limites actuellement en vigueur au niveau réglementaire resteront applicables jusqu’à la promulgation de la loi qui fixe les seuils applicables pour l’avenir.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CD8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à faire référence à la directive 2008-1950/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD12 et CD13 du rapporteur.

La Commission aborde l’amendement de précision CD9 du même auteur.

M. le rapporteur. La proposition de loi fait référence à une notion, exprimée en langue anglaise et dont le sens n’a pas été traduit. Cette notion étant définie à l’annexe VII de la directive européenne du 21 mai 2008 précitée, cet amendement propose de viser explicitement ce texte.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement rédactionnel CD14 du rapporteur.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cet amendement doit être rectifié : il s’agit de milligrammes, et non de microgrammes, par mètre cube.

La Commission adopte l’amendement CD14 rectifié.

Elle aborde l’amendement CD15 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a le même objet que l’amendement CD7 que nous avons adopté.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. L. 222-6 du code de l’environnement) : Mesures préventives : possibilité explicite de restreindre l’usage des foyers ouverts

La Commission adopte l’amendement CD10 du rapporteur, de correction d’une erreur matérielle.

En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé.

Article 4 (art. L. 1214-8-2 du code des transports) : Plans de mobilité : mesures d’organisation du travail en cas de pic de pollution

La Commission examine l’amendement CD11 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je rappelle que l’élaboration des plans de mobilité d’entreprise est facultative pour les entreprises et les collectivités publiques en application de l’article L. 1214-2 du code des transports. Cet article prévoit que les plans de déplacements urbains visent à assurer l’amélioration du transport des personnels des entreprises et des collectivités publiques en incitant ces dernières à prévoir un plan de mobilité.

Le contenu de ces plans de mobilité est défini à l’article L. 1214-8-2 du code précité, créé par la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique. Il est proposé d’ajouter à leur définition la prise en compte par ceux-ci des cas de déclenchement de mesures d’urgence pour cause de pic de pollution : là où des plans de mobilité existent, ils devront prévoir des mesures spécifiques d’organisation du travail en cas d’épisode de pollution.

D’autre part, la loi sur la transition énergétique a rendu obligatoire l’élaboration d’un plan de mobilité du personnel par toute entreprise employant au moins cent travailleurs sur un même site situé dans le périmètre d’un plan de déplacements urbains. Il est donc proposé d’ajouter la même disposition au paragraphe de l’article L. 1214-8-2 qui définit cette obligation. Nous avons prévu de la faire entrer en vigueur le 1er janvier 2018, considérant que la loi devrait être définitivement adoptée à cette date, et même bien avant…

Mme Sophie Errante. Vous dites que l’élaboration de ces plans est facultative. Mais elle devient obligatoire lorsque les entreprises dépassent le seuil de cent salariés.

M. le rapporteur. C’est ce qu’a prévu la loi de transition énergétique.

Mme Sophie Errante. Autrement dit, ces entreprises auront l’obligation de prévoir des mesures spécifiques d’organisation du travail en cas d’épisode de pollution.

M. le rapporteur. Nous introduisons en effet une obligation d’intégrer des mesures en faveur du télétravail lorsque c’est possible. Je rappelle que beaucoup de plans de mobilité d’entreprise en prévoient déjà. Beaucoup de ces plans ont été élaborés dans le cadre facultatif. Mais à un moment donné, les entreprises qui ont du recul et de l’expérience peuvent passer à la vitesse supérieure. C’est ce qu’a fait la loi de transition énergétique, et nous nous appuyons sur ce texte pour introduire la notion de télétravail.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé.

M. Jean-Marie Sermier. Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi.

Enfin, la Commission adopte la proposition de loi ainsi modifiée.

*

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Gilles Savary relatif à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs (n° 3109).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous examinons à présent la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Gilles Savary et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), relative à la prévention et à la lutte contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs, pour laquelle nous avons nommé Gilles Savary, rapporteur.

Je vous rappelle que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi le 19 octobre 2015. En outre, la Commission des lois s’étant saisie pour avis, elle a examiné le texte ce matin. J’ai donc le plaisir d’accueillir à cette réunion son rapporteur pour avis, M. Sébastien Pietrasanta. L’examen de cette proposition de loi en séance publique est prévu le mercredi 16 décembre au soir et peut-être le jeudi 17 décembre au matin.

À l’issue du délai de dépôt, le secrétariat de la commission a enregistré 117 amendements. Huit d’entre eux ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution : d’une part, les amendements CD30, CD45, CD77 et CD78 de M. Gérald Darmanin qui créent une nouvelle charge publique, soit pour les régions, soit pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; d’autre part, les amendements CD31, CD36, CD79 et CD80 du même auteur, qui prévoient le transfert d’une charge publique entre collectivités publiques. Restent donc en discussion quatre-vingt-dix-neuf amendements.

M. Gilles Savary, rapporteur. Cette proposition de loi a connu un parcours un peu chaotique. Elle a commencé à être élaborée à la demande de la SNCF et de la RATP sur le thème de la lutte contre la fraude, qui atteint 300 millions d’euros à la SNCF, 180 millions à la RATP, et prend un tour chronique, c’est-à-dire comportemental : elle ne touche pas uniquement les nécessiteux et les gens en difficulté qui eux, sont couverts, par plus de 500 millions d’euros de compensations de service public. Cette fraude prend aussi un tour très organisé puisque des réseaux de fraudeurs s’organisent désormais systématiquement pour ne plus payer les transports publics. Or, même si ces services publics n’ont pas de prix dans l’esprit de nos concitoyens, ils ont un coût particulièrement élevé : les transports publics s’apparentent à cet égard à de l’industrie lourde… On assiste de plus en plus à un découplage entre le coût et les recettes d’exploitation, quel qu’en soit d’ailleurs le succès. Et cet écart en vient à menacer l’équilibre de nos systèmes de transports – que ce soit en termes de réinvestissement, d’entretien ou de maintenance.

Notre travail sur ce sujet a commencé en avril, avant d’être percuté de plein fouet par les événements du 21 août dernier : l’attentat miraculeusement manqué – si je puis dire – du Thalys, qui m’a amené à retarder le dépôt de cette proposition de loi que j’avais travaillée tranquillement mais de façon très approfondie, à grand renfort de visites de terrain et d’auditions. Nous avons alors réorienté la proposition de loi vers la lutte contre les actes terroristes et le renforcement des mesures de sûreté.

Il en découle un texte organisé en deux titres dont le premier, essentiellement relatif aux mesures de sûreté, a finalement pris la plus grande place. Nous avons hésité à y associer la fraude : il pouvait paraître inconvenant de donner l’impression de profiter des drames que nous avons vécus pour nous faire les poches… J’ai finalement proposé de conserver ces dispositions de lutte contre la fraude, pour plusieurs raisons.

D’abord, on s’aperçoit que la systématisation de la fraude crée des incivilités et génère très souvent de violents dérapages conduisant de plus en plus de contrôleurs à exercer leur droit de retrait. La frontière était donc ténue entre la fraude systématique et la menace contre l’ordre public – sans aller jusqu’au terrorisme.

Ensuite, la lutte contre la fraude vise aussi à trouver des moyens pour financer la sûreté. Il serait extrêmement choquant que le financement de la sûreté – qui n’est pas l’objet de ce texte mais qui devient un sujet obsédant pour les compagnies de transport et qui représente un coût considérable en vidéosurveillance, en réorganisation de flux dans les gares, en portiques, en recrutements nouveaux, en formation et en équipements des personnels – ne soit assuré que par ceux qui consentent à payer.

Malgré les objections de certains collègues, la lutte contre la fraude et le renforcement de la sûreté ainsi que la prévention des actes terroristes me semblent des sujets complémentaires, sans être tout à fait identiques.

Le titre premier, qui est peut-être le plus important, prévoit une série de dispositions juridiques nouvelles permettant d’améliorer les capacités d’action des services de sûreté. Au tout début, d’ailleurs, ce texte était très axé sur la région parisienne. Mais je pense qu’il n’est pas possible de considérer que des Lyonnais en danger sur leur réseau ne doivent pas être traités de la même manière par la loi que des Parisiens en danger sur le leur. La réflexion doit porter sur l’ensemble des réseaux de transports. J’espère d’ailleurs que la sûreté sera une compétence supplémentaire pour les collectivités locales et je regrette que, pour des raisons que je ne comprends guère, plusieurs amendements de M. Gérald Darmanin aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

Je voudrais aussi préciser les lignes directrices qui ont présidé à cette proposition de loi.

Première ligne directrice, on ne part pas de rien, il faut le dire et le répéter. D’énormes moyens sont déployés pour assurer la sûreté des voyageurs. D’abord les 2 000 gendarmes et policiers spécialisés de la police ferroviaire nationale, avec un savoir-faire spécifique, qui peuvent faire appel au besoin à la gendarmerie classique et à des unités mobiles pour des missions ponctuelles. Ce à quoi il faut ajouter 1 200 agents au sein d’une sous-direction de la préfecture de police de Paris, pour l’Île-de-France, et 2 800 agents de la Sûreté générale (SUGE) c’est-à-dire du service de sûreté de la SNCF. Viennent enfin les 1 250 agents du Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR), que vous voyez en tenue dans les couloirs du métro, sans parler des douanes et de la police de l’air et des frontières qui elles peuvent intervenir. Telles sont les forces de l’ordre dédiées à la sécurité de nos transports collectifs – essentiellement les réseaux ferrés, mais également les bus et les tramways. Je ne compte évidemment pas les agences de sécurité privées auxquelles peuvent aujourd’hui recourir les réseaux de province, agences contrôlées par le ministère de l’intérieur via le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).

Enfin, il y a l’aspect matériel des choses : on compte, par exemple, 510 caméras dans la seule gare du Nord. Des caméras ont été installées dans la plupart des gares fréquentées par plus de 30 000 personnes – seules les toutes petites gares de province ne sont pas équipées. Paris dispose d’un centre opérationnel absolument remarquable, que je vous invite à aller visiter à la RATP, dans lequel sont réunis les services de sûreté de la RATP, les services de sûreté de la SNCF et la police ferroviaire, ce qui leur permet d’intervenir très rapidement. Ayant eu l’occasion d’assister « en direct » à des agressions sur un quai de banlieue, j’ai pu noter la rapidité d’intervention et de mobilisation des services présents sur place.

Autrement dit, ce n’est pas rien. Mais on peut faire mieux. Au-delà des moyens précités, améliorer la sûreté suppose de recourir à la loi pour accroître les possibilités juridiques des différents acteurs de terrain, mais aussi par des moyens supplémentaires, ce qui ne relève pas directement de la loi. On m’a notamment demandé si nous allions autoriser les portiques dans la loi. Il est toujours possible d’en installer où et quand on veut : ce n’est pas une question de loi mais de moyens, de politique ferroviaire et de politique de sûreté.

On va tenter d’installer des portiques dans le Thalys. Rappelons à ce propos, même si c’est trivial, qu’un train n’est pas un avion et qu’une gare n’est pas un aéroport. La gare du Nord accueille 201 millions de personnes par an et la gare Saint-Lazare, 102 millions. Le total des voyageurs en avion par an en France s’élève à 140 millions, tous aéroports confondus ; pour les voyages en train, c’est 2,5 milliards… Les proportions sont donc radicalement différentes. Quand on prend l’avion, on part loin si bien que l’on accepte de passer par une salle d’embarquement après un filtrage qui suppose des files d’attente. Les 7 millions de personnes, dont 5,5 à 6 millions en Île-de-France, qui voyagent dans les trains du quotidien, ont besoin de pouvoir sauter d’un train à l’autre. On se lève déjà très tôt pour aller au travail ; on n’a pas le temps de passer par trois salles d’attente parce qu’on a trois correspondances… L’essentiel réside donc dans les moyens humains et la vidéosurveillance. Jamais on ne pourra faire de nos gares des aéroports, sinon les trains du quotidien deviendront un enfer : il faudra se lever à deux heures du matin pour arriver à huit heures à son travail et rentrer chez soi à vingt-trois heures ! C’est déjà compliqué pour les Parisiens ; comment pourront-ils faire autrement ? Il faut donc savoir raison garder.

N’oublions pas non plus un autre principe : pour une masse de gens, le transport, c’est la vie quotidienne. Le risque zéro n’existera jamais, à moins de renoncer à vivre. J’ai entendu beaucoup de surenchères : certains en veulent toujours plus comme si l’on pouvait faire croire que demain, grâce à la loi, il n’y aura plus aucun risque, même en état de guerre. C’est comme si on expliquait qu’il est possible d’intervenir en Irak ou en Syrie avec zéro bombardement… On sera toujours exposé mais ce texte vise – comme les expérimentations menées sur le Thalys et les recrutements supplémentaires en cours à la RATP et à la SNCF – à faire en sorte de resserrer les mailles de notre filet de sûreté et de prévention, de créer de l’insécurité pour ceux qui voudraient nous mettre en insécurité en multipliant les dispositifs aléatoires et les possibilités d’intervention sur renseignement, pour les services de sûreté mais aussi pour les forces de maintien de l’ordre.

Deuxième ligne directrice : nous ne cédons pas à la tentation de transformer d’un coup de baguette magique tous les agents de sûreté du pays en policiers et en gendarmes. Il y a dans une démocratie une ligne rouge entre les forces de l’ordre, qui ont une formation, une éthique et des modalités d’intervention particulières, sous le contrôle du juge, et les forces de sûreté. Nous maintenons donc nos forces de l’ordre dans le champ du maintien de l’ordre et nos forces de sûreté dans celui de la sûreté, même si nous conférons à ces dernières des prérogatives plus importantes qu’actuellement.

Voilà les quelques principes qui ont présidé à l’élaboration de ce texte important qui devrait pouvoir être appliqué rapidement, raison pour laquelle la procédure accélérée a été choisie.

Ce texte comporte neuf articles.

L’article 1er autorise les agents de sûreté de nos réseaux de transports publics – et par extension, je l’espère, les agents de sûreté des réseaux de transports locaux – à procéder à des palpations de sécurité, des fouilles de bagages et des inspections visuelles de façon aléatoire et générale, autrement dit en dehors d’opérations ponctuelles. Ils pourront le faire partout où ils se trouveront, y compris sur signalement évidemment, comme le font la douane auprès des voyageurs débarquant en gare du Nord du Thalys ou encore le GPSR de la RATP derrière les portiques. Ces agents pourront intervenir à tout moment. C’est là une extension de compétences extrêmement importante.

L’article 2 renforce en contrepartie le contrôle exercé sur ces agents, que nous plaçons sous l’autorité de la police et de la gendarmerie, autrement dit du ministère de l’intérieur, qu’il s’agisse de leur formation ou du suivi de leur entraînement. C’est une nouveauté car jusqu’à présent, ces services étaient autonomes. Sébastien Pietrasanta, rapporteur pour avis de la Commission des lois, rappelait ce matin que les services de sûreté des chemins de fer ont précédé la création de la SNCF : ils existaient dès la fin du XIXsiècle alors que la SNCF n’a été créée qu’après 1937. Il s’agit donc de services maison très anciens ayant une formation très étendue, généralement encadrée par des policiers ou anciens policiers – souvent des commissaires de police : il ne faut pas croire que ces services soient totalement hors sol. Mais nous pensons qu’il est important d’introduire de la rigueur dans leur tutelle. C’est pourquoi ils dépendront du ministère de l’intérieur.

L’article 3 permet aux agents d’exercer leur mission en dispense du port de la tenue réglementaire. Il s’agit là de reprendre une disposition supprimée en 2005, car les agents peuvent être très efficaces en civil avec port d’arme, en particulier sur des lignes « turbulentes » qui connaissent un grand nombre d’agressions. Dans ce cadre, sur proposition de collègues ici présents, nous allons vous proposer plusieurs amendements visant à lutter contre le harcèlement, en particulier sexuel, dont sont victimes les femmes dans les transports. Quinze jours ou trois semaines d’intervention en civil peuvent considérablement assainir la situation sur des lignes où sont constatées des tensions particulières. Cela peut concerner des lignées ciblées, mais aussi les emprises des gares.

L’article 4 élargit aux agents de police judiciaire – gendarmes, douaniers et policiers – la possibilité de constater par procès-verbaux les infractions à la police des transports. Ainsi, s’ils constatent occasionnellement une infraction susceptible de porter atteinte à la sécurité des biens et des personnes, ces agents pourront désormais intervenir même si la police des transports ne fait pas partie de leurs champs de compétences.

L’article 5 introduit une simplification des règles de compétence territoriale des procureurs en matière de contrôles, de vérifications et de relevés d’identité, grâce à la désignation d’un procureur unique pour un trajet traversant plusieurs juridictions. À l’heure actuelle, le procureur compétent est celui du département où se produit la voie de fait, ce qui complique les choses lorsqu’il s’agit de trains à grande vitesse. Le procureur compétent sera désormais celui du ressort dans lequel se situe la gare de départ ; si la gare de départ se situe hors du territoire national, c’est le procureur de la gare d’arrivée qui sera compétent.

L’article 6 permet à la police judiciaire de procéder, en vue de prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, à l’inspection visuelle des bagages à main et à leur fouille, avec l’accord du possesseur ou à défaut sur instruction du procureur de la République. Les services de sûreté peuvent procéder à des fouilles, mais ne peuvent l’imposer à un passager sans son consentement : c’est toute la frontière entre les forces de l’ordre et les services de sûreté, qu’il ne faut surtout pas franchir si nous ne voulons pas que notre État de droit se transforme un État de cow-boys… Mais nous avons introduit par amendement une disposition prévoyant qu’à défaut de consentement, l’exploitant peut interdire l’accès au train. Ainsi, cet article permettra d’interdire l’embarquement d’un passager refusant des palpations, fouilles ou inspections visuelles, comme cela existe dans le transport aérien. Reste à savoir comment réagira le Conseil constitutionnel… Interdire l’accès au train, c’est beaucoup plus lourd au regard des libertés que d’interdire l’accès à un avion.

Les trois articles du titre II concernent la fraude. L’article 7 permet aux agents de sûreté de la SNCF et de la RATP de constater par procès-verbaux le délit de vente à la sauvette lorsque celui-ci est commis dans les gares et les dépendances du domaine public ferroviaire. La vente à la sauvette concerne le trafic de billets, y compris de faux billets.

L’article 8 propose d’abaisser de dix à cinq le nombre d’infractions sur une période inférieure ou égale à douze mois caractérisant le délit d’habitude, sévèrement réprimé.

L’article 9 instaure un droit de communication entre les exploitants de transports publics et les administrations publiques, afin de faciliter la recherche des adresses communiquées par les contrevenants et d’améliorer le recouvrement des amendes. Actuellement, ce taux de recouvrement est de 14 %. Autrement dit, les contrôleurs pédalent à vide… Ils travaillent beaucoup, en tout cas ceux qui l’acceptent, pour peu de rendements. Ce qui explique, en plus des petites violences dont ils sont quotidiennement victimes, leur faible motivation. La communication des données personnelles se fera sous l’autorité de l’État et dans le respect des prescriptions de la CNIL. Les entreprises de transport n’auront pas un accès direct aux données personnelles, c’est une structure intermédiaire placée sous le contrôle du ministère de l’intérieur qui, à la demande de ces entreprises, s’emploiera à identifier l’adresse en vue du recouvrement.

Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions de cette proposition de loi, que vos nombreux amendements permettront d’améliorer substantiellement, ce qui en fera un texte de très bonne tenue.

M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur pour avis de la commission des lois. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous remercie de m’accueillir au sein de la commission du développement durable pour présenter le rapport établi sur cette proposition de loi par la commission des lois. Je serai très bref dans la mesure où le rapporteur Gilles Savary a déjà largement exposé les enjeux du texte et où, au cours des dernières semaines, nous avons tous deux travaillé en parfaite intelligence.

La commission des lois s’est réunie ce matin pour examiner ce texte auquel, sans surprise, elle a délivré un avis favorable. La sécurisation de nos moyens de transport collectifs doit constituer une priorité qu’ont renforcée les événements tragiques des dernières semaines. Pour autant, nous nous sommes attachés à ce que la légitime demande de sécurité ne vienne pas empiéter sur les droits fondamentaux et sur les libertés des personnes. Je pense pouvoir dire, parce que c’est un objectif partagé par tous, que nous y parviendrons.

Des trente-sept amendements qu’elle a examinés, la commission des lois a adopté douze propositions d’amélioration sur la proposition tantôt de son rapporteur, tantôt de son président, tantôt des deux à la fois. Je veux en profiter pour saluer l’attitude constructive de l’opposition qui a contribué à l’élaboration du texte et dont les préoccupations ont été plus souvent satisfaites que le contraire. J’aurai l’occasion de les présenter en profondeur au cours des débats, mais je vais tout de même en mentionner dès maintenant les thèmes principaux.

Pour éviter les questions de constitutionnalité que ne manqueraient pas de soulever des fouilles et des palpations sans consentement de l’intéressé ni aval de l’autorité judiciaire, nous proposons d’ouvrir aux agents de sûreté la possibilité de refuser l’accès au train ou à la gare aux personnes qui refusent de se prêter à un contrôle, de la même façon que celui qui refuse d’ouvrir son sac ne peut pénétrer dans un stade ou dans un grand magasin.

Nous proposons de renforcer la qualité des formations délivrées aux agents de la SUGE et du GPSR en confiant au Conseil national des activités privées de sécurité une supervision sur leur contenu. C’est une mission que le CNAPS exerce déjà pour toutes les autres formations aux métiers de la sécurité depuis la loi Rebsamen de 2015.

Nous demandons que les forces de police et de gendarmerie fassent annuellement état des contrôles et des actes de supervision des services de sécurité de transports qu’elles auront diligentés. Nous souhaitons en effet que ce contrôle soit réel et non simplement théorique.

Nous souhaitons conditionner l’activité des agents opérant en civil à un arrêté préalable du préfet, qui détermine les modalités de temps et de lieu de cette autorisation. Pour l’heure, le texte initial nous semble aboutir à une forme d’autorisation permanente dans toutes les gares et dans toutes les voitures, ce qui n’est guère satisfaisant.

Nous proposons de mettre un terme aux « mutuelles de fraudeurs » en faisant de leur activité un délit sur le modèle de ce que prévoit la loi sur la liberté de la presse. Comme vous le savez, certains construisent des systèmes d’assurance et jouent sur les probabilités de contrôle pour voyager gratis ou presque. En sanctionnant l’hébergeur du service en question, nous dissuaderons les vocations.

Nous prévoyons un mécanisme de criblage pour que la SNCF et la RATP puissent solliciter des enquêtes administratives, dans le cadre déjà prévu à l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, afin de mieux contrôler certains personnels recrutés ou affectés sur des fonctions sensibles. Les événements récents ont souligné la nécessité de ce mécanisme, qui devrait d’ailleurs excéder le champ des seuls transports de voyageurs.

Un autre amendement, à mon initiative, précise que le manquement à l’obligation de demeurer à la disposition du contrôleur pendant qu’il rend compte à un officier de police judiciaire constitue désormais un délit. Les contrôleurs se plaignent amèrement de ne pas disposer des moyens de retenir un contrevenant le temps d’exposer la situation à un OPJ, seul à même de décider un contrôle d’identité. Ce dispositif permet de ne pas créer une forme de rétention administrative, que le juge constitutionnel censurerait très probablement, mais de parvenir à un résultat très similaire : une fuite serait alors un flagrant délit, permettant de mettre en œuvre des mesures coercitives à l’encontre de l’auteur de l’infraction.

Enfin, sur l’article 9, le président de la commission des lois a tenu à préciser explicitement l’application des dispositions de la loi « Informatique et libertés ». Je sais que cette préoccupation est partagée sur plusieurs bancs. Le renvoi opéré garantit la consultation de la CNIL sur les décrets d’application, le pouvoir de contrôle et de sanction de cette même CNIL, et l’application des règles classiques en termes de protection des données personnelles.

Mes chers collègues, telles sont les recommandations de la commission des lois. Je ne doute pas qu’elles seront entendues avec intérêt pour améliorer cette proposition de loi qui était bienvenue il y a deux mois et qui nous semble, à tous, nécessaire désormais.

Mme Marie Le Vern. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, chers collègues, la France a été touchée au cœur par les terribles attentats qui ont frappé Paris.

Aucun d’entre nous n’aurait imaginé que nous examinerions cette proposition de loi dans de telles circonstances, à la lueur d’une si terrible actualité. Ici, dans ces murs, la représentation nationale a le devoir de légiférer dans l’apaisement. Ne tombons pas dans le piège que nous tendent les terroristes qui espèrent que la colère et l’indignation légitime qui emportent la nation trouveront chez certains, y compris dans nos rangs, leur expression dans des amalgames injustes et des passions fratricides. L’unité nationale est la seule réponse, les pouvoirs publics sont mobilisés et nous prenons nos responsabilités.

Cette proposition de loi traite de manière transversale de la sécurité dans les transports. Les atteintes à la sécurité prennent des visages différents, elles appellent donc des dispositifs variés, mais aussi une réponse politique homogène. C’est cet impératif que nous entendons satisfaire.

Le texte dont nous débattons aujourd’hui a été élaboré durant plusieurs mois par notre rapporteur, pour répondre aux conclusions du Conseil national de la sécurité dans les transports en commun d’octobre dernier. Cette PPL n’a donc pas été rédigée sous le coup de l’émotion.

Elle renvoie à plusieurs enjeux : la prévention des actes terroristes, la lutte contre les actes de fraude et, plus largement, les actes d’incivilité dans les transports publics.

Nous devons impérativement, et sans plus tarder, nous doter des outils juridiques permettant une véritable action de protection contre les attaques terroristes – la tentative avortée du Thalys cet été a illustré cette impérieuse nécessité.

Il nous faut aussi réduire la fraude, premier facteur d’insécurité au quotidien dans les transports. Je rappelle que, chaque jour, 10 millions de Français sont usagers des transports publics de voyageurs. Un exemple édifiant : la moitié des agressions dont sont victimes les contrôleurs sont le fait de fraudeurs. Oui, la fraude génère un sentiment d’impunité qui se traduit également en termes d’incivilités et d’actes de dégradation ou de vandalisme dont pâtissent les usagers. Elle représente aussi un manque à gagner pour les sociétés de transport et les AOT, que l’on ne peut plus ignorer dès lors que l’on ambitionne sérieusement l’ensemble des investissements nécessaires à la mise en sécurité des lieux et véhicules de transports publics, tel que les portiques de sécurité, et à la formation du personnel.

Faire des transports publics de voyageurs un lieu plus sûr, quelle que soit la menace, pour nos concitoyens, usagers quotidiens ou occasionnels, pour le personnel, mais aussi pour ceux qui visitent notre pays, voilà l’objectif simple et impérieux de cette PPL.

Ainsi, les prérogatives des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, les seuls dont les pouvoirs sont spécifiquement codifiés et dont l’expérience est depuis plusieurs décennies reconnue de tous, vont être étendues à la fouille, à l’inspection visuelle de bagages, aux palpations de sécurité, aux patrouilles en civil. Ces mesures, prévues pour des situations exceptionnelles et encadrées, devront conditionner l’accès aux véhicules de transport le cas échéant.

Concernant la lutte contre la fraude, qui a aujourd’hui pris des dimensions insupportables, non seulement économiquement pour les transporteurs, mais surtout pour les passagers et les personnels, la PPL instaure des dispositifs permettant d’améliorer significativement le taux de recouvrement des amendes, qui aujourd’hui ne dépasse pas les 10 % à la SNCF et 14 % à la RATP. L’article 9 sur le droit de communication permettra d’accéder aux coordonnées certifiées des fraudeurs. L’article 8 modifie les caractéristiques du délit d’habitude.

Bien entendu, les articles de cette PPL appellent plusieurs enrichissements. Le groupe socialiste, républicain et citoyen en portera, notamment pour étendre certaines prérogatives inscrites à l’article 1er aux contrôleurs de tous les transports publics de voyageurs sur le territoire. La sécurité ne concerne pas que l’Ile-de-France ; l’ensemble des réseaux qui maille le pays sont des cibles potentielles. Pour les petits transporteurs, les petites AOT, le premier relais de sécurité dans les véhicules, ce sont les contrôleurs, auxquels nous proposerons d’étendre la possibilité d’effectuer des inspections visuelles de bagages.

Enfin, le groupe SRC portera une série d’amendements permettant d’enrichir la PPL d’un titre supplémentaire relatif à la lutte contre les violences et les harcèlements sexistes dont sont victimes les femmes dans les transports. La statistique « 100 % de femmes ont été victimes de harcèlement dans les transports » a été avancée par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes. Même s’il est difficile de vérifier scientifiquement ce chiffre, il a le mérite d’attester l’importance du phénomène et l’absence de prise de conscience collective. Nous entendons y mettre un terme.

Lundi 9 novembre, Mme Pascale Boistard et M. Alain Vidalies ont lancé une campagne nationale de sensibilisation. Elle doit permettre d’alerter chacun sur cette réalité qui touche la moitié des usagers des transports. Nous avons souhaité l’accompagner sur le plan législatif. Je vous proposerai que la formation des agents de sécurité interne de la SNCF et de la RATP intègre ces violences spécifiques qui appellent des réponses particulières. Je proposerai également, au nom de mon groupe, que soit précisée la responsabilité des AOT dans la lutte contre ces actes, pour qu’ils rendent compte annuellement de leurs actions en la matière.

Lutte contre le terrorisme, lutte contre la fraude, lutte contre les violences sexistes : les atteintes à la sécurité des voyageurs sont multiples. Nous y répondons sereinement et efficacement avec cette proposition de loi.

M. Gérald Darmanin. Après les événements tragiques que nous avons connus, cette proposition de loi est bienvenue. Le renforcement de la lutte pour la sécurité ne concerne pas que l’Ile-de-France, la RATP et la SNCF, elle concerne bien évidemment toutes les AOT. Il n’y a pas de « petites AOT », de même qu’il n’y a pas de « petits maires »…

En tant que vice-président de la communauté urbaine de Lille, je m’étonne que mes amendements soient tombés sous le coup de l’article 40. J’espère que le rapporteur fera un effort en séance publique, car ce sont des amendements de bon sens.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. En application du règlement, et suite à ma consultation, c’est M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, qui a rendu cet avis.

M. Gérald Darmanin. On n’est jamais trahi que par les siens ! (Sourires)

M. le président Jean-Paul Chanteguet. C’est vous qui le dites ! (Sourires)

M. Gérald Darmanin. Sur le terrorisme, nous vous soutenons totalement, monsieur le rapporteur. J’espère que vous réserverez un sort favorable à l’amendement de notre collègue Valérie Pécresse, et dont je suis signataire, qui prévoit que les autorités de transport, la RATP et la SNCF, puissent avoir communication par le représentant de l’État des employés fichés « S ».

Sur la sécurité et la fraude, j’entends le questionnement de nos collègues. S’il n’existe pas de lien direct entre la sécurité et la fraude, il y a néanmoins un lien entre fraude et délinquance. Certes, tous les fraudeurs ne sont pas des délinquants – beaucoup sont des cols blancs –, mais les agresseurs n’ont souvent pas de titre de transport : le cas de l’homo economicus, qui calcule qu’il n’a qu’une chance sur dix de se faire attraper, est malheureusement assez répandu dans toutes les catégories de population. Mais il est rare que celui qui met le bazar dans un train ou qui agresse soit en possession d’un billet dûment payé… Les autorités organisatrices de transport ont essayé bon an mal an d’améliorer la sécurité et la lutte contre la fraude, avec des moyens limités en Ile-de-France et totalement insuffisants en province.

Sur la question du recouvrement des amendes, il est vrai que le métier de contrôleur n’est pas très attrayant. Il est vrai également que les organismes de transport, en province comme en Ile-de-France, refusent d’affecter des contrôleurs dans les réseaux de transport après vingt et une heures ou vingt-deux heures en l’absence des forces de l’ordre. Jusqu’en 2014, lorsque la police nationale ou municipale n’était pas présente, aucun contrôle n’était été effectué après vingt heures dans la métropole lilloise, hormis dans la station principale, la gare Lille Flandres, car les contrôleurs eux-mêmes avaient peur pour leur sécurité. Et ce ne sont pas des agents de sécurité, ni même des agents de sûreté : leur métier se borne à contrôler le titre de transport.

Le taux moyen de contrôle se situe entre 3 % et 5 %, pour un recouvrement des amendes de 14 %. Le problème est qu’un usager n’est pas tenu de présenter une pièce d’identité au contrôleur, ce qui est logique puisqu’il n’est pas un agent de sûreté. C’est un vrai sujet, car tant qu’on ne cherche pas le conflit, il n’y a pas de délit ; M. Sébastien Pietrasanta a raison, mais il faudrait aller beaucoup plus loin. Lorsque le contrôlé refuse de présenter une pièce d’identité ou ment effrontément sur son identité, le contrôleur ne peut que le laisser partir… Du coup, on pourrait même dire que les 14 % qui paient leurs amendes sont des fraudeurs qui n’osent pas être de vrais délinquants, puisqu’ils présentent leur pièce d’identité alors que s’ils ne la présentent pas, ils ne seront jamais verbalisés ! Les seules personnes compétentes pour demander une pièce d’identité sont les policiers nationaux et les policiers municipaux, qui peuvent emmener le contrevenant au commissariat ou au poste pour vérifier son identité. Cela fait beaucoup de gens pour contrôler un voyageur sans ticket…

À noter que lutter pour la sécurité et contre la fraude, c’est aussi lutter pour l’environnement, puisque beaucoup de nos concitoyens ne prennent plus les transports en commun à partir d’une certaine heure, préférant leur voiture, notamment les femmes qui ne se sentent pas en sécurité dans les transports en commun. Dans la métropole lilloise, 90 % des femmes se sentent au moins une fois par an en insécurité dans les réseaux de transport.

Un autre amendement de Valérie Pécresse introduit l’obligation pour les usagers d’avoir une pièce d’identité lorsqu’ils empruntent les transports en commun, hormis pour les mineurs, ce qui permettrait aux contrôleurs de la demander et faciliterait la tâche des policiers. Cela permettrait ainsi de lutter contre le terrorisme, mais aussi contre la fraude et de ne plus en rester à ce taux de recouvrement de 14 %.

Le faible taux de recouvrement renvoie à la question du travail du Trésor Public. Que deviennent toutes ces amendes ? Il renvoie, en outre, à la question du coût : plus on met de contrôleurs, plus cela coûte, moins cela encourage les AOT à recruter des contrôleurs… C’est un théorème à la Shadock auquel cette proposition de loi doit mettre au plus vite un terme.

Lutter pour la sécurité et contre la fraude, c’est également lutter pour l’emploi. Je reçois dans ma permanence des gens qui refusent un travail dans d’autres communes de ma circonscription car ils ne possèdent pas de voiture et refusent d’emprunter les transports en commun tard le soir par peur des agressions, notamment sexuelles. Cela vaut pour nombre de personnes, en particulier les femmes, mais également pour tous qui travaillent, en médiation ou « en plein », pour le compte des organismes de transport. Ainsi, le renforcement de la sécurité dans les transports, surtout en province, favoriserait le retour à l’emploi pour un certain nombre de nos concitoyens.

Il y a les portiques, qui détectent les objets métalliques potentiellement meurtriers, mais il y a aussi le contrôle d’accès, qui empêche les gens de frauder. La ville de Lyon, sous autorité socialiste, me semble-t-il, a renforcé le contrôle d’accès dans les transports en commun, ce qui a permis de faire passer le taux de fraude de 17 % à 6 % dans le métro. M. Gérard Collomb réfléchit à présent au contrôle d’accès pour les trams. Un grand nombre d’AOT n’ont pas ce contrôle d’accès, notamment dans la métropole lilloise où la fraude devient explosive : elle atteint 18 %, et un point de fraude coûte chaque année 800 000 euros au contribuable… La démonstration du rapporteur est évidente.

Enfin, il faut se poser la question de l’inégalité entre les territoires en termes de forces de police nationale. Il y a quelques années, ont été créés les services de transport en commun de la police nationale. Dans le Nord, ce sont 120 agents de la police nationale pour 60 stations de métro, 420 bus quotidiens, deux gares parmi les plus importantes de France, et tous les TER en partance de Lille. Grosso modo, compte tenu des malades, des gens en formation, des décharges syndicales, cela fait une vingtaine de policiers nationaux en permanence sur le réseau. Il serait illusoire de demander plus de policiers nationaux. J’ai donc proposé que les organismes de transport extérieurs à Paris aient la possibilité d’avoir des agents de sûreté, comme la RATP et la SNCF, ce qui nous est pour l’heure interdit. J’espère que notre proposition sera retenue.

Les polices municipales elles-mêmes pourraient faire ce travail d’aide au contrôle et de sécurisation. Dans ma commune de Tourcoing, je mets à disposition des policiers municipaux, ce qui a permis de faire baisser la fraude de 50 %. J’avais donc déposé un amendement, et je suis choqué qu’il ait été rejeté au titre de l’article 40, qui prévoit qu’une ville qui met à disposition des policiers municipaux soit rémunérée par l’opérateur privé de transport public de voyageurs. Dans le domaine du sport, quand le PSG organise un match, il demande des renforts de CRS et le club dédommage l’État : c’est prévu dans le code du sport. Je ne vois donc pas pourquoi les communes qui jouent le jeu de la sécurité et la lutte contre la fraude en mettant à disposition des policiers ne seraient pas dédommagées, d’autant qu’un taux de recouvrement d’amende relevé à 45 % rapporterait à la collectivité, mais également à l’organisme de transport.

M. Bertrand Pancher. Cette proposition de loi répond aux attentes de nos concitoyens. Il est urgent de mobiliser l’ensemble des moyens à notre disposition pour lutter contre la fraude et l’insécurité. Pour autant, les avancées que comporte ce texte sont-elles suffisantes ? Je ne le crois pas. Sont-elles importantes ? Ayons l’honnêteté de dire que certaines sont homéopathiques.

Cela m’amène à m’interroger sur le bien-fondé de l’examen aujourd’hui d’un tel texte, alors que l’état d’urgence est toujours en vigueur et que notre pays sera amené dans les prochains mois à s’adapter en matière de sécurité.

En outre, vouloir s’attaquer à tous les visages de l’insécurité par un seul et même texte semble ambitieux, même si l’insécurité dans les transports est une réalité aux multiples facettes. La rédaction de textes distincts nous aurait semblé plus opportune, en permettant de différencier les débats et de les replacer à leur juste niveau.

Certaines mesures figurant dans cette PPL relèvent du bon sens. Elles permettent aux agents de la SNCF et de la RATP de procéder à l’inspection des bagages ou à des palpations de sécurité, ce qui est devenu une nécessité en cas de circonstance grave. La création d’un droit de communication entre les exploitants de transport et les administrations publiques pour vérifier les nouvelles adresses des contrevenants est une bonne chose, de même que le renforcement des sanctions réprimant le délit d’habitude. Enfin, il est important de renforcer les contrôles en civil, et nous approuvons la possibilité pour les agents d’être dispensés du port de la tenue dans des cas particuliers.

Un certain nombre de questions demeure en suspens. Quid de la pertinence d’autoriser une inspection visuelle des bagages, leur fouille et une palpation de sécurité si cela ne peut s’effectuer qu’avec le consentement du propriétaire ?

Par ailleurs, si nous comprenons qu’il n’est pas possible logistiquement de procéder dans les trains aux mêmes contrôles que dans les avions, il semble primordial de trouver des pistes pour améliorer le contrôle d’identité et des bagages avant de monter dans un train et, à terme, dans certains bus. L’Espagne a réussi à instaurer ces contrôles pour les trains de longue distance. Quelles solutions pouvons-nous trouver de notre côté ? Nous savons que des expérimentations sont menées par la SNCF et nous attendons des préconisations, notamment dans ce domaine.

Pour ce qui est de la fraude, nous ne pouvons que souscrire à la mise en place de sanctions plus fermes pour les contrevenants, mais cela ne nous semble pas suffisant. Si l’instauration d’un droit de communication est une bonne chose, comment cela va-t-il se concrétiser ? L’agent aura-t-il vraiment l’information directe sur l’état civil et l’adresse des fraudeurs ? Nous en doutons. Rien n’est proposé contre les associations de fraudeurs, qui fournissent des outils aux resquilleurs. Il est important de montrer l’exemple en sanctionnant ce genre d’organisation.

Il aurait aussi été souhaitable que le texte fasse référence à la formation du personnel à bord. Les actes commis à bord du Thalys ont montré la vulnérabilité des agents face à des situations extrêmes. Il serait donc plus que pertinent de les former dans l’intérêt général des usagers, mais aussi pour leur propre sécurité.

Nous nous interrogeons aussi sur l’importance des sanctions et des pénalités. Moins les contrôles sont nombreux, plus il est important de relever le niveau des contraventions. Il faut taper fort dans ce domaine.

Cette proposition de loi n’évoque que très peu la question, terrible, des incivilités ou des troubles du comportement dans le métro et le RER. Si l’on compare ce qu’il se passe dans notre système de transports à ceux des pays voisins, on a l’impression qu’il concentre tous les déséquilibrés de la terre ! Si ce problème ne relève pas de la SNCF ou de la RATP, est-ce le rôle de la Mairie de Paris ou des services de santé ? Il suffit de voir l’effarement des touristes étrangers devant le spectacle de ces déséquilibrés qui empruntent le métro, par exemple. Le texte ne traite pas ce problème.

Nous verrons enfin ce qu’apportera cette nouvelle structure qui vise à augmenter le taux de règlement des infractions. C’est en tout cas un premier pas ; si l’on intéressait le secteur privé au recouvrement de ce type d’infraction, il y aurait sans doute de meilleurs résultats. Cela étant, monsieur le rapporteur, nous reconnaissons que ce texte comporte des avancées.

Mme Laurence Abeille. Nous examinons cette proposition de loi dans un contexte très lourd, marqué par les attentats dramatiques du 13 novembre dernier. Il est impossible de ne pas y penser. Toutefois, nous savons que l’on ne fait pas de bonnes lois dans la peur et je nous sais toutes et tous, ici, attachés à garantir nos principes démocratiques et nos libertés publiques.

Cette proposition de loi contient plusieurs dispositions ayant trait à la lutte contre le terrorisme et la fraude. Elle prévoit notamment d’autoriser les agents des services de sécurité de la RATP et de la SNCF, c’est-à-dire le GPSR et la SUGE, à procéder à des fouilles et à des palpations. Les amendements du rapporteur leur permettraient même de contrôler les papiers d’identité et de retenir les fraudeurs pendant une heure. Ce sont des changements importants dans nos principes.

J’ai lu avec attention les remarques du Défenseur des droits sur ce texte, qui sont à l’origine de plusieurs de nos amendements. Le Défenseur des droits a également posé la question de la traçabilité des contrôles afin d’éviter les contrôles au faciès. Nous y reviendrons en séance.

Concernant la sécurité dans les transports, je voudrais dire un mot sur l’importance de la présence humaine, qui a souvent été abandonnée au profit des techniques très coûteuses de vidéosurveillance. En tant qu’usagère des transports en commun de l’Île-de-France depuis de nombreuses années, je n’ai jamais été rassurée par la présence d’une caméra : si j’étais agressée, les auteurs de l’agression seraient peut-être arrêtés, mais le délit n’aurait pas été empêché pour autant !

La question des incivilités et des troubles du comportement est liée à celle du confort des voyageurs. Pendant quasiment quarante ans, aucune infrastructure significative de transports en commun en Ile-de-France n’a été créée. La région continue à lancer de grands travaux pour créer de nouvelles lignes qui, je l’espère amélioreront le confort des voyageurs. Ces conditions de transport ne sont pas sans rapport avec l’accroissement de la fraude et des incivilités.

Par ailleurs, nous allons porter des amendements visant à lutter contre le harcèlement sexiste. C’est un véritable fléau qui concerne 100 % des femmes usagères des transports publics. Après des années de déni, nous saluons le volontarisme du Gouvernement, qui a présenté un plan sur ce sujet. Nous proposons d’aller plus loin, notamment pour imposer aux opérateurs des plateformes de signalement et des arrêts à la demande dans les bus de nuit.

Mme Valérie Lacroute. Le coût de la fraude dans les transports publics en France est estimé à 500 millions d’euros par an. Sans focaliser sur l’Ile-de-France, je rappelle que ce montant représente pratiquement la moitié des investissements réalisés par le Syndicat des transports d’Ile-de-France… C’est dire l’enjeu de lutter contre la fraude. C’est un impératif économique, car c’est la possibilité de se donner les moyens de financer les investissements nécessaires pour remettre à niveau nos infrastructures et offrir des transports de qualité à nos concitoyens. Quand on prend le train dans ma circonscription de Seine-et-Marne, c’est, au choix, la lumière ou le chauffage dans les trains… Revenir à des transports de qualité en luttant contre la fraude est un véritable enjeu.

C’est également un impératif démocratique et social. Nous ne pouvons plus accepter de voir autant de gens s’exonérer de participer au financement de ce service public. C’est le symbole même de l’injustice, car ce sont les usagers et les contribuables qui paient pour les fraudeurs.

Il est indispensable que cette loi aille plus loin. Il faut lutter contre la fraude en permettant de recouvrer les amendes. Il faut aussi lutter contre les fausses identités données par les fraudeurs en instaurant l’obligation de porter sur soi une carte nationale d’identité. Il m’est arrivé de recevoir un PV d’infraction : un fraudeur avait donné mon adresse… (Sourires) Ce procédé est devenu monnaie courante.

M. Jean-Louis Bricout. Vous n’êtes pas la seule dans ce cas !

Mme Valérie Lacroute. Il est également nécessaire que l’on puisse simplifier et faciliter le travail de la police, notamment au travers de la comparution via le smartphone.

Je ne suis pas sûre que cette PPL résolve le problème des fraudeurs récidivistes. Mais vous avez prévu de proposer des amendements qui, je l’espère, permettront d’avancer sur ce point.

Lutter contre la fraude, c’est lutter efficacement contre l’insécurité dans les transports. C’est aussi lutter contre le terrorisme. Certes, cette PPL autorise les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à procéder à des palpations. Mais il faut le consentement des intéressés. Il faudrait autoriser la fouille des sacs et refuser l’accès au réseau à ceux qui ne veulent pas s’y soumettre. Il conviendrait aussi de permettre aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de patrouiller et de verbaliser en civil.

Enfin, il est urgent que les employeurs publics et ceux des secteurs dits « sensibles » puissent avoir accès à la liste de ceux de leurs salariés qui font l’objet d’un signalement en fiche S.

M. Guillaume Chevrollier. Les événements que nous vivons rendent particulièrement d’actualité l’examen de ce texte. Renforcer la sécurité est une nécessité. Cependant, comme l’indique l’exposé des motifs, le risque zéro n’existe pas, car il est impossible de surveiller et de contrôler chaque passager dans les transports en commun.

Votre texte aborde deux volets distincts : les actes terroristes et la fraude. Les Français attendent en la matière plus que des effets d’annonce ; ils veulent du concret. Je ne peux qu’approuver toutes les mesures qui vont dans le sens d’une plus grande sécurité. Il est évident qu’il est nécessaire de renforcer le pouvoir des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP, notamment pour la fouille des bagages. C’est une mesure très attendue.

Il faut aussi décloisonner les structures pour être plus efficace et plus réactif.

En ce qui concerne la fraude, qui était l’objet initial de ce texte, il reste beaucoup à faire. Les mesures proposées sont encore timides. La question de la présentation d’une pièce d’identité reste à débattre.

Le taux de recouvrement des amendes est anormalement bas dans notre pays. Il faut y remédier, car c’est inacceptable pour les honnêtes citoyens. Le sentiment d’impunité est beaucoup trop répandu dans le métro : il est choquant de voir des gens enjamber les dispositifs d’accès au vu et au su de tous, en particulier sous les yeux des guichetiers. Cela crée un sentiment d’insécurité préjudiciable et nuit à l’image de notre pays, qui est une destination touristique importante. Si votre texte va dans le bon sens, il ne va pas assez loin. J’espère que son examen permettra de l’améliorer et de suivre l’exemple de ce que font d’autres pays européens qui ont pris des mesures plus drastiques, dans une période où nous avons besoin de plus d’autorité pour améliorer la sécurité.

M. Yannick Favennec. J’approuve votre texte dans sa globalité, mais je m’étonne qu’à aucun moment, il ne mentionne la généralisation de la vidéosurveillance. C’est pourtant devenu un outil indispensable pour les forces de l’ordre et pour dissuader les contrevenants. On pourrait imaginer que cette vidéosurveillance soit installée dans les rames de métro. Qu’en pensez-vous, monsieur le rapporteur ?

M. Jacques Alain Bénisti. Avec certains de mes collègues, nous avions déjà présenté ces propositions en 2012. Mais que n’avons-nous entendu !

Certes, concernant l’ouverture des sacs, notre proposition n’incluait pas l’accord du propriétaire. Les attentats qui ont endeuillé notre pays, le 13 novembre dernier, ont montré qu’il était urgent de voter une telle mesure, mais le fait de demander à un terroriste qui a une bombe dans son sac s’il veut bien l’ouvrir ou d’attendre l’autorisation du procureur de la République me paraît pour le moins compliqué… (Murmures divers)

En 2012, j’avais fait une proposition à Manuel Valls, qui avait alors validé les dispositions qui figurent aujourd’hui dans ce texte, mais la question de l’accord du possesseur du sac restait à débattre. Compte tenu de la situation d’urgence approuvée lors du Congrès, nous pourrions faire en sorte que l’accord du possesseur ne soit pas requis.

En ce qui concerne l’obstacle de l’article 40, y a un moyen très simple de le faire sauter : il suffit que le Gouvernement propose les amendements qui conviennent au rapporteur (Sourires). S’il y a un consensus au sein de la Commission des lois et de la Commission du développement durable, il nous suffit de suggérer des amendements au Gouvernement pour qu’ils ne tombent plus sous le coup de l’article 40.

Par ailleurs, votre texte ne mentionne pas la question de la vidéosurveillance. Madame Laurence Abeille, lorsque la vidéosurveillance fonctionne, un service de la RATP observe ce qu’il se passe et peut faire intervenir immédiatement les agents de la SUGE pour intercepter l’agresseur. La vidéosurveillance permet de savoir instantanément que l’agression se passe dans telle rame à tel moment. Je vous invite à visiter le centre de sécurité de la RATP dans le métro. Nous nous sommes aperçus, lors d’une visite, de l’efficacité du système et de l’immédiateté de l’intervention suite à des agressions.

Sur les fichiers de police enfin, j’avais commis un excellent rapport avec Delphine Batho. Nous avions réussi à relier les fichiers de la police nationale et de la gendarmerie. Nous avions déposé des amendements, qui avaient été rejetés à l’époque, visant à permettre, avec l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), d’échanger ces fichiers avec les services publics, s’agissant notamment de la RATP et de la SNCF. Certes, ce sont des domaines extrêmement sensibles s’agissant des libertés publiques, mais peut-on aujourd’hui encore se poser la question ?

M. le rapporteur. Il y a des sujets emblématiques qui, dans l’émotion, ont un lustre particulier. Mais vous le verrez, dans cette proposition de loi, nous en venons à flirter avec les principes fondamentaux du droit et les principes constitutionnels… Je ne suis même pas sûr que toutes nos propositions, une fois votées, passent la rampe. Je ne peux pas aller plus loin dans plusieurs domaines, notamment en ce qui concerne la question du contrôle d’identité. Nous avons déjà amélioré substantiellement la situation.

L’obligation du port de la carte d’identité ne peut pas être imposée seulement dans les transports : elle devrait être générale. Si nous l’écrivions dans ce texte, ce serait faire de l’affichage cosmétique. Le port de la carte d’identité n’est pas lié directement au niveau de sécurité. Les Anglais, qui ont été parmi les premiers à être victimes d’attentats dans les transports, n’ont pas cette obligation puisqu’ils n’ont pas de carte d’identité.

En outre, je rappelle qu’en France, nous sommes dans l’obligation de justifier de notre identité par tous les moyens possibles. Enfin, le contrôle d’identité ne caractérise pas la fraude ; la fraude, c’est l’absence de billet. Et les billets ne sont pas nominatifs, sauf éventuellement – nous allons vous proposer un amendement en ce sens – dans les TGV quand l’informatique de la SNCF se sera adaptée. On peut commencer par le Thalys, qui fait l’objet d’un intense marché noir des billets à Bruxelles où des billets de Thalys de 20 euros se vendent tous les jours sur internet. Nous avons des progrès considérables à faire, sans que les principes généraux du droit français soient bousculés.

L’important, ce n’est pas d’avoir une carte d’identité sur soi. La vraie question, c’est le contrôle d’identité.

*

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons à l’examen des articles.

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION ET À LA LUTTE CONTRE LES ATTEINTES GRAVES À LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LE TERRORISME DANS LES TRANSPORTS PUBLICS DE VOYAGEURS

Avant l’article 1er

La Commission examine l’amendement CD75 de Mme Valérie Pécresse.

M. Jacques Alain Bénisti. Cet amendement vise à introduire dans le texte le partage d’informations entre l’ensemble des services de sécurité de notre pays afin de communiquer à tous les services publics et aux entreprises des secteurs dits « sensibles » – notamment les entreprises de transports de personnes – la liste de leurs employés fichés S afin d’empêcher leur recrutement ou de permettre de les licencier.

Cela devrait être possible pour le secteur public, mais aussi pour des entreprises privées comme Aéroports de Paris (ADP) dans le transport aérien. C’est un élément qui me paraît aujourd’hui indispensable et légitime.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le fait de rendre publiques les fiches S ou l’obligation systématique d’informer tout un chacun que tel individu fait l’objet d’une fiche S aboutirait à affaiblir considérablement notre sécurité. Certains en viendraient presque, en ce moment, à demander de publier toutes les semaines les fiches S dans le journal ! Il faut laisser aux services de renseignement le soin de gérer ces fiches. S’ils ne travaillent pas au grand jour, c’est qu’ils ont besoin, parfois, de suivre des gens qui leur font remonter des filatures qui les amènent à des individus encore plus dangereux et à démanteler des organisations entières.

Si nous commençons à « mettre le nez » dans les travaux des services de renseignement et à leur demander de vivre au grand jour, il n’y a plus de services de renseignement. Notre pays sera terriblement affaibli. (Approbations)

Il y a plusieurs amendements portant sur le criblage des personnels. D’ailleurs, la SNCF et la RATP ont pris peur, mais ce n’est pas réglé. Le ministère de l’Intérieur nous a demandé de les retirer et nous a assuré qu’il les redéposerait en séance publique puisque la SNCF et la RATP demandent pratiquement que leur gestion des ressources humaines (GRH) soit faite par le ministère de l’intérieur. Il s’agirait de cribler tout le monde, soit 60 000 personnes rien que pour la RATP !

Les services de renseignement n’ont pas attendu pour donner des informations sur les gens dangereux dans les organisations, qu’il s’agisse de la RATP, de la SNCF ou d’autres structures. Cela n’est pas rendu public, mais ils le font tous les jours. Il serait extrêmement dangereux que cela soit systématisé.

Avec notre texte, les recrutements et les affectations de personnel seront régulièrement criblés, ainsi que les personnels en place. Ce que nous ne savons pas faire, c’est à quel niveau arrêter tout cela, non seulement pour les points dits sensibles, désignés comme tels par les préfets, mais au-delà. De nombreuses fonctions potentiellement dangereuses peuvent être exercées par des personnes déséquilibrées, au-delà des terroristes, qui peuvent faire l’objet d’une fiche S et à propos desquelles il faut prévenir les services publics. C’est vrai dans les entreprises de transports, mais cela peut l’être aussi dans nombre d’autres domaines.

J’émets un avis défavorable à cet amendement, non pas parce que je ne souhaite pas que l’on renforce la sécurité et que l’on informe les entreprises de service public, mais parce que si nous commençons à ouvrir le débat sur les fiches S, il sera question d’atteinte à la vie privée puisqu’il s’agit de gens qui ne sont pas encore coupables de quoi que ce soit. Il peut y avoir des erreurs dans les fiches. En outre, le travail des services de renseignement exige une certaine discrétion et l’obligation d’agir et d’en référer à leur tutelle, mais pas forcément d’en référer à des tiers.

M. Gérald Darmanin. Nous allons maintenir notre amendement.

D’abord, nous ne parlons pas de n’importe qui, mais du représentant de l’État, en l’occurrence le préfet. Les services de renseignement, ce n’est pas forcément la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Cela peut être les renseignements territoriaux, qui ont un contact régulier avec des responsables, comme les maires, pour leur donner des informations. En l’occurrence, nous ne parlons pas de n’importe qui, mais de présidents d’organismes tels que la SNCF ou la RATP, qui sont en général nommés par l’État.

Par ailleurs, les révélations qui ont été faites aux Français à propos de la présence de centaines de personnes fichées S parmi les personnels de la RATP et de la SNCF sont très inquiétantes, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de conducteurs de TGV ou de RER.

Le système que nous proposons existe dans certains domaines. Dans les centrales nucléaires, par exemple, on n’embauche personne sans avoir pris l’avis du représentant de l’État.

M. le rapporteur. Cela s’appelle une habilitation. C’est autre chose.

M. Gérald Darmanin. On peut jouer sur les mots, monsieur le rapporteur, mais celui qui conduit un TGV a la responsabilité de centaines personnes. Or l’actualité a montré récemment qu’un excès de vitesse de 50 kilomètres heure sur une ligne à très grande vitesse était malheureusement plus efficace qu’une kalachnikov qui s’enraye dans les toilettes d’un Thalys ! (Murmures divers)

Nous faisons entièrement confiance aux services de renseignement, mais les parlementaires ont tout de même le droit de réfléchir à la sécurité de leurs concitoyens.

De toute façon, nous le verrons dans quelques mois ou dans quelques années, vous n’aurez pas le choix. Pensez-vous qu’aller à Roissy un matin avec la Police nationale retirer d’un seul coup leur carte professionnelle à des centaines de personnes soit plus respectueux de la vie privée des salariés ? Le secrétaire général de la CGT lui-même, qui n’a rien d’un représentant d’un parti de droite, a expliqué sur une radio publique que des centaines de ses syndiqués avaient dû être virés parce que l’on avait constaté des dérives radicales. Nous devons donc nous poser la question.

Nous maintenons cet amendement, qui sera probablement rejeté. Nous aurons à nouveau cette discussion en séance publique et nous attendons avec beaucoup d’intérêt les propositions du Gouvernement sur cette question extrêmement importante, qui mériterait, monsieur le président Chanteguet, que le président de la SNCF et la présidente de la RATP viennent nous expliquer ce qu’ils font pour la sécurité de nos concitoyens. C’est un sujet d’actualité qui demanderait à être débattu, en dehors de l’examen d’un texte de loi.

M. Sébastien Pietrasanta. Je peux partager l’idée de transmettre des informations à la direction de la SNCF ou de la RATP sur un certain nombre d’individus occupant des postes clés. Mais je suis en désaccord, pour plusieurs raisons, avec cet amendement tel qu’il est proposé.

D’abord, il y a une méconnaissance de ce qu’est la fiche S. Tous ceux qui sont fichés ne savent pas qu’ils sont surveillés : c’est un outil qui a pour objectif de donner du renseignement lors de contrôles d’identité. Il n’y a pas de numérotation, de critères sur la dangerosité des individus. La numérotation dans les fiches S concerne ce qui est demandé lors des contrôles d’identité, non la dangerosité des individus. Les services de renseignement sont totalement hostiles à la transmission d’informations sur les individus qu’ils surveillent, que ce soit à des entreprises publiques ou à des collectivités territoriales.

Ensuite, votre amendement est un cavalier puisque vous parlez d’employeurs publics ainsi que d’employeurs de secteurs dits « sensibles », sans faire aucunement référence au secteur des transports publics. C’est une difficulté en la matière puisque n’importe quel employeur public, et ils sont nombreux, pourrait être concerné, même si vous renvoyez cela à un décret en Conseil d’État. Le champ est trop large. Car, même si cela ne concernait que la SNCF et la RATP, le groupe SNCF compte 250 000 personnes. La SNCF à elle seule compte 150 000 agents et la RATP 60 000. Ce sont donc plus de 200 000 personnes qu’il faudrait habiliter… Cela n’est pas envisageable : on imagine la charge de travail qui pourrait revenir au ministère de l’intérieur. Et surtout, on ne peut pas traiter de la même manière un guichetier qui vend des billets de train ou de métro et un conducteur de TGV.

Cela étant, monsieur Gérald Darmanin, je partage votre point de vue. Un amendement de la commission des lois prévoit le criblage d’un certain nombre d’individus sur des postes sensibles. Vous avez raison pour ce qui est d’un conducteur de TGV ou d’un aiguilleur, mais il ne faut pas ratisser trop large. Il est impossible de donner une habilitation à 300 000 personnes. Il est nécessaire d’effectuer un criblage. Le rapporteur l’a évoqué, un travail commun est fait en la matière avec le ministère de l’Intérieur pour trouver la bonne formulation et le bon filet d’ici à la séance publique.

Si nous ratissons trop large, demain, il faudra demander l’habilitation des personnes qui remplissent les pots de confitures dans l’agroalimentaire, dans la mesure où l’on peut y introduire des substances toxiques… (Murmures)

Il faut opérer un ciblage, comme le prévoit un amendement que je défendrai tout à l’heure.

M. Jacques Alain Bénisti. Comme vient de le dire Gérald Darmanin, c’est le représentant de l’État dans le département qui piloterait l’information auprès des entreprises de transports publics.

Par ailleurs, la procédure serait particulièrement encadrée puisque la liste serait définie par décret en Conseil d’État.

Enfin, le président de la SNCF lui-même a déclaré aux médias, à une heure de grande écoute, qu’il avait absolument besoin d’avoir les renseignements des services de l’État pour savoir si les personnes qu’il emploie pour diriger un aiguillage ou pour piloter un TGV ne sont pas fichées S. C’est dire si le besoin est réel. On pourrait aussi prendre le problème à rebours, en faisant en sorte que le président de la SNCF ou de la RATP puisse demander aux renseignements si l’individu est fiché S.

M. Gérald Darmanin. Nous allons examiner avec attention les amendements de la commission des lois.

Monsieur Sébastien Pietrasanta, la comparaison que vous venez de faire avec la confiture est étonnante. Peut-être est-ce parce que vous avez entendu hier, à la télévision, M. Nicolas Sarkozy parler de rhubarbe… (Murmures) Il y a une grande différence entre ceux dont le métier est de mettre des fruits dans un pot de confiture et ceux qui conduisent un TGV à 350 kilomètres-heure. Prenez garde à ne pas dire aujourd’hui le contraire de ce que vous nous proposerez dans quelques mois ou quelques années.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement car il oblige les services de renseignement à faire ce qu’ils ne peuvent et ne doivent pas faire pour des raisons professionnelles et de sécurité de nos concitoyens. Mais sur le fond, vous avez raison, des entreprises privées peuvent être dangereuses. Je pense, par exemple, aux raffineries ou aux usines classées Seveso dont les dirigeants doivent être informés de l’éventuelle dangerosité de leurs agents. Le problème est que, tant qu’il n’y a pas passage à l’acte, on ne dispose pas, à l’heure actuelle, et c’est heureux, des moyens pour procéder à des perquisitions administratives, sauf quand on est en état d’urgence.

Ce n’est pas au préfet d’informer les entreprises. Les quatre-vingt-dix préfets de ce pays ne sont pas tous dépositaires de la sécurité publique et ne savent pas tous comment manier les informations sensibles de nos services de sécurité… Cela vaut mieux, car nos services de sécurité deviendraient de véritables passoires !

Cela dit, ce que vous dites doit être clairement entendu par le Gouvernement qui apportera des réponses – nous en avons discuté avec le ministère de l’Intérieur – en mettant en place des dispositifs de criblage, comme le prévoient des amendements.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je ne crois pas que la fiche S définisse le degré de dangerosité, ce qui est un vrai problème.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CD38 de Mme Valérie Pécresse.

M. Gérald Darmanin. M. Sébastien Pietrasanta estimait que notre amendement CD75 était un cavalier législatif parce que trop général ; maintenant, c’est le rapporteur qui reproche à notre amendement CD38 d’être trop précis, tout en considérant que la question de l’identité se pose de manière générale.

Je ne pense pas que la pièce d’identité soit une possibilité de lutter contre l’insécurité. Elle permet surtout de lutter efficacement contre la fraude. Lorsque la personne contrôlée n’a pas de pièce d’identité, c’est là que les ennuis commencent pour tout le monde, sauf pour le contrevenant. Soit le contrôleur est obligé de faire monter la pression en appelant un officier de police judiciaire, soit il le laisse partir mais en ayant constaté qu’il fraude et donc qu’elle « enquiquine » la société. Pour vérifier l’identité de la personne, il faudra l’emmener au commissariat car les policiers nationaux n’ont pas les moyens de le faire sur le quai du métro. Mais pour ce faire, il faudra mobiliser trois policiers. Ne pensez-vous pas qu’ils ont autre chose à faire que de vérifier l’identité d’une personne qui fraude, parfois pour moins de deux euros, et alors que l’on cherche à accroître les effectifs de la police ?

Le port d’un titre d’identité dans les transports n’est pas une question idéologique. Il permet de justifier de son identité aux contrôleurs ainsi qu’aux policiers de gagner du temps et de verbaliser sur des bases qui éviteraient que l’on joue ce mauvais tour à Mme Valérie Lacroute alors qu’elle pensait recevoir une lettre d’un admirateur éperdu… (Sourires)

Le fait que cet amendement ne concerne que les transports publics n’empêche pas qu’il soit généralisé à d’autres sujets, si le Gouvernement le souhaite. Il permettra à nos services de police de lutter totalement contre la fraude.

M. le rapporteur. Je maintiens que rendre obligatoire le port d’un titre d’identité dans le pays dépasse très largement le domaine des transports. Le Conseil constitutionnel risque de censurer cette mesure.

M. Gérald Darmanin. On verra bien !

M. le rapporteur. Cela ne sert à rien de voter une loi dont tous les articles seraient censurés par le Conseil constitutionnel ! Il faut être le plus rigoureux possible et ne pas vendre notre âme au diable…

M. Gérald Darmanin. Cela n’a rien à voir !

M. le rapporteur. Nous sommes dans un pays démocratique qui a des valeurs. La France est un État de droit et elle entend le rester. Il faut prendre garde à ne pas trop céder à la panique ou à la facilité optique. Si le port de la carte d’identité doit être rendu obligatoire, cela doit passer par un texte porté par le ministère de l’intérieur ou le ministère de la justice.

Je précise qu’on ne fraude pas lorsque l’on n’a pas sur soi sa carte d’identité, mais lorsque l’on n’a pas de titre de transport. En l’absence de titre de transport, le contrôleur peut effectuer une vérification d’identité, c’est-à-dire qu’il demande à la personne son identité. Le contrevenant peut fournir une fausse carte ou une carte avec une mauvaise adresse, ou refuser de donner son identité. Dans ce dernier cas, le contrôleur a la faculté de prévenir un officier de police judiciaire ou la SUGE qui emmènera l’individu au poste de police. Pour votre part, vous voudriez franchir la ligne rouge en transformant les contrôleurs en force de l’ordre capable de faire du contrôle d’identité ou de la vérification d’identité. Vous souhaitez qu’à l’avenir un contrôleur qui vérifie un billet puisse imposer à celui qui est en face de lui qu’il donne son identité, alors qu’actuellement seuls les agents de police ou de gendarmerie peuvent le retenir. Or une vérification d’identité, c’est quatre heures de retenue, la prise d’empreintes, de photographies, d’éléments biométriques et la remontée de tous les fichiers. Franchement, vous voyez un contrôleur de train faire cela ?

M. Gérald Darmanin. Mais non !

M. Jacques Alain Bénisti. Le problème posé en l’espèce n’est pas celui de la sécurité, mais celui de la fraude, qui représente un coût énorme pour la SNCF et la RATP. Pour le compenser, elles doivent augmenter leurs tarifs. Ce sont donc les usagers qui subissent la fraude. Cela n’a rien à voir avec la sécurité.

Si l’on rend obligatoire le port d’une carte d’identité dans les transports en commun, toute personne qui est contrôlée et qui n’a pas de billet sera dans l’obligation de donner sa carte d’identité – je rappelle qu’actuellement neuf personnes sur dix qui sont contrôlées ne paient pas leur amende car elles disent ne pas avoir sur elles de carte d’identité ou qu’elles donnent une mauvaise adresse. Si une personne ne la présente pas, les forces de l’ordre seront appelées et elles l’emmèneront au poste de police où il sera procédé à la vérification de son identité. Si à chaque fois qu’ils fraudent, les intéressés savent qu’ils devront à chaque fois passer quatre heures au poste de police, je peux vous garantir qu’il n’y aura quasiment plus de fraudes !

M. le rapporteur. L’amendement CD81 rectifié de Mme Marie Le Vern introduit l’obligation de présenter un document attestant de son identité dès lors que l’on ne dispose pas d’un titre de transport valable. Nous verrons bien si le Conseil constitutionnel le censure ou non.

Le problème n’est pas simple. Actuellement, les agents de sûreté ne peuvent pas retenir un instant quelqu’un qui refuse de donner sa carte d’identité alors qu’elle est dans son veston. Ce problème a été réglé ce matin par l’adoption, en commission des lois, d’un amendement de M. Pietrasanta qui introduit un délit de tentative de soustraction à un relevé d’identité. C’est un peu un artifice, car on ne veut pas transformer nos agents de sûreté en agents de police judiciaire. Concrètement, cela veut dire que, si l’agent de sûreté demande à quelqu’un qui refuse de donner son identité de rester à disposition avant l’arrivée d’un officier de police judiciaire, mais que si la personne s’enfuit, alors il y a flagrant délit de fuite et de soustraction. À ce moment-là, l’agent de sûreté peut retenir la personne le temps d’aller chercher un officier de police judiciaire. Mais à aucun moment il n’est possible de s’affranchir d’un OPJ. Comprenez enfin que le fait de retenir quelqu’un, pour vérifier son identité, à la vue de tout le monde, à la gare du Nord, à l’heure de pointe, peut rapidement dégénérer.

M. Gérald Darmanin. On est chez Ubu… Pourquoi faire simple quand on pourrait faire compliqué ? D’un côté, vous dites que la pièce d’identité n’est pas obligatoire, et de l’autre qu’une personne pourra avoir une amende si elle ne la présente pas ! Voilà une mesure qui me paraît encore moins constitutionnelle…

L’idée n’est absolument pas, bien évidemment, de demander au contrôleur d’emmener la personne au poste, puisque c’est au policier municipal ou national de le faire.

Lorsque vous allez au supermarché et que vous payez par chèque, la caissière vous demande une pièce d’identité. Si vous ne la lui donnez pas, elle ne prend pas votre chèque, et c’est tout à fait légal. Autrement dit, une caissière a le droit de vous demander votre pièce d’identité alors qu’elle n’est pas officier de police judiciaire, mais pas le contrôleur ! Je vous demande de réfléchir quelques instants là-dessus.

Vous ne réglerez pas le problème de la fraude car l’argument que vous avez utilisé à la fin de votre intervention est tout à fait « massue ». Il est facile de théoriser lorsque peu de personnes sortent de la rame ou du train. Mais en période de pointe, gare du Nord ou ailleurs, c’est effectivement très compliqué. Les contrôleurs ont le choix entre l’efficacité du contrôle ou de s’arrêter aux quelques personnes qui défient manifestement leur autorité. C’est pour cela qu’il faudra bien un jour qu’un officier de police nationale ou municipale les accompagne. Ce qui est très important, c’est d’obliger quelqu’un à présenter sa pièce d’identité pour qu’il ne puisse plus donner d’excuse bidon. Il y a plein de gens qui sont des fraudeurs occasionnels pour diverses raisons, qui savent pertinemment qu’ils ne sont pas obligés de donner une pièce d’identité et qu’il ne leur arrive rien parce que le policier n’est pas sur le quai de la gare et que le contrôleur ne peut pas les retenir.

Vous devriez accepter notre amendement qui n’a rien d’idéologique et qui simplifierait beaucoup la vie des contrôleurs et de nos concitoyens.

M. le rapporteur. C’est un dialogue de sourds… Je répète que, en l’état actuel du droit, on doit justifier de son identité par tout moyen, y compris une facture, mais si l’on refuse de le faire, l’agent de sûreté est impuissant. Sans oublier le fait qu’une carte d’identité ne mentionne pas toujours la bonne adresse : on peut avoir déménagé entre-temps. C’est le chaînon faible du dispositif. L’agent de sûreté n’a qu’un seul recours : téléphoner à un officier de police judiciaire qui lui ordonnera de retenir la personne le temps qu’il pratique le contrôle. La question n’est pas tant celle de la carte d’identité que celle du contrôle. Si la personne décline son identité, déclare par exemple s’appeler « Mickey d’Eurodisney », et donne une fausse adresse…

M. Gérald Darmanin. C’est un délit supplémentaire !

M. le rapporteur. Non, une personne peut se soustraire à un agent de sûreté qui lui demande son identité. Aucune voie de droit ne permet à un agent de sûreté de retenir quelqu’un au motif qu’il refuse de justifier de son identité. La question, c’est bien de savoir comment permettre à cet agent de sûreté de retenir une personne le temps nécessaire de la confier à quelqu’un d’habilité pour contrôler l’identité, ou la vérifier, ce qui prend quatre heures. Tel est l’objet de l’amendement de Mme Marie Le Vern.

Pour ma part, je vous proposerai un amendement qui prévoit que les agents de sûreté peuvent retenir légalement une personne pendant une heure, c’est-à-dire la bloquer pour avoir le temps nécessaire de la confier à un officier de police judiciaire afin qu’il s’assure de son identité. Mais je ne suis pas sûr du tout de ce qu’il deviendra.

Une autre solution consiste à mettre en place le billet nominatif, mais c’est très compliqué, ce qui permettrait de recouper le port du billet et l’identité de la personne. C’est une approche contractuelle qui existe déjà, par exemple dans l’aviation, ou encore dans les supermarchés. On pourrait très bien décider qu’avec un billet nominatif on ne pourra monter dans le Thalys que si l’on peut vérifier que celui qui a le billet est bien le propriétaire du billet, ce que l’on ne peut pas faire aujourd’hui.

M. Jacques Alain Bénisti. La proposition que nous vous faisons a été validée par trois membres du Conseil d’État. Elle s’articule autour de l’article 78-1 du code de procédure pénale.

Je suis élu d’une circonscription qui compte une gare SNCF, une gare RATP et deux gares routières pour douze contrôleurs. L’article 78-1 du code de procédure pénale permet de garder une personne en attendant qu’un officier de police judiciaire puisse venir. Je vous assure que notre amendement est dans les règles.

M. le rapporteur. Je n’en doute pas. Vous proposez que le port d’un titre d’identité soit obligatoire pour tous les voyageurs, à l’exception des mineurs accompagnés de leurs parents, dans les transports publics de personnes. Il s’agit de savoir devant qui ils sont obligés de justifier le port de la carte… Toute la question est là.

M. Jacques Alain Bénisti. Devant les agents de la sûreté ferroviaire qui sont assermentés par le préfet.

M. le rapporteur. La SUGE ne procède à des contrôles que dans le cas où les contrôleurs sont en difficulté. Elle fait aussi des contrôles aléatoires sur les quais.

M. Jacques Alain Bénisti. Les contrôleurs attentent impatiemment ce texte !

M. le rapporteur. Je ne suis pas hostile, par principe, à votre amendement, mais il faudrait que vos conseillers d’État viennent m’expliquer comment on peut rendre obligatoire le port d’un titre d’identité particulier dans les transports et pas ailleurs.

M. Gérald Darmanin. Monsieur le rapporteur, je ne peux vous donner tort, et je veux croire à vos bonnes intentions.

Une faible proportion de fraudeurs à qui l’on demande de montrer une pièce d’identité refuse de le faire. La plupart présente spontanément une pièce d’identité. Lorsqu’une personne a une pièce d’identité, cela évite aux policiers municipaux et nationaux de le conduire au commissariat. Le policier national ou municipal n’a plus qu’à la lui demander, et sous la contrainte de la force légitime dans notre État démocratique, il lui donne. Il n’a pas besoin de conduire la personne au commissariat, ce qui évite de mobiliser trois équivalents temps plein pour des vérifications d’identité qui n’ont plus lieu d’être.

Monsieur le rapporteur, vous avez raison : la personne qui est contrôlée n’est pas obligée de donner sa pièce d’identité au contrôleur, mais une petite partie la donnera. Admettons que cela représente un quart des cas.

Ensuite, elle n’est pas obligée de la présenter à la police sur le quai de la gare. Mais, là encore, une grande partie la donnera car cela lui évitera de perdre quatre heures.

Ce n’est pas parce que certaines personnes n’ont pas la bonne adresse sur leur carte d’identité que l’on doit en faire une règle générale. Vous avez raison, la pièce d’identité ne garantit pas le recouvrement de l’amende ; mais c’est une condition nécessaire au recouvrement de l’amende.

Cet amendement n’est ni idéologique, ni contraire à votre raisonnement, même si, j’en conviens, il ne règle pas tous les cas de figure.

Nos collègues belges ont une pièce d’identité qui comporte une puce. Quand vous prenez le Thalys en Belgique, vous introduisez votre carte d’identité belge dans le combiné électronique du contrôleur qui a le droit de regarder votre identité où apparaît immédiatement le changement d’adresse. Mais quand vous montez dans le Thalys en France, vous n’êtes pas obligé de montrer une pièce d’identité.

M. le rapporteur. Ce dispositif n’a pas prouvé son efficacité lors de l’attentat du 21 août dernier…

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD32 de M. Gérald Darmanin et CD64 de Mme Valérie Lacroute.

M. Gérald Darmanin. La province n’a pas les mêmes droits que Paris. Cette inégalité a de quoi choquer un certain nombre de nos collègues.

Il se trouve que la SNCF et la RATP ont des moyens particuliers, des services internes de sécurité. Mais nos amis de Lille, de Lyon, de Toulouse, bref tous ceux qui ont une autorité organisatrice de transports (AOT) n’ont pas les moyens de ces services.

Le présent amendement tend à offrir à l’ensemble des exploitants de transport public la possibilité de créer des unités de surveillance, sur le modèle de la RATP et de la SNCF, sur l’ensemble du territoire national.

M. le rapporteur. Je regrette que le ministère de l’Intérieur, qui nous a fait part de ses réserves, ne soit pas présent. Nous ne profitons pas de la période actuelle pour affirmer le fait que la sûreté doit être d’un égal accès pour les provinciaux et pour les parisiens.

Je tiens beaucoup à l’esprit de votre amendement, et je pense qu’il est tout à fait légitime – d’ailleurs, j’en ai déposé un moi-même. Le ministère de l’intérieur considère qu’il est difficile d’aligner les exploitants de transport public sur le statut du GPSR ou de la SUGE, qui sont des services de sûreté armés très particuliers et très anciens et qui font l’objet de formations très lourdes. Il existe des possibilités intermédiaires : par exemple, qualifier les polices municipales pour contrôler les transports, y compris par convention entre communes, permettant de faire en sorte qu’elles puissent se déterritorialiser dans les réseaux. Elles peuvent mettre en place leur propre service de sûreté, mais pas sur le modèle du GPSR ou de la SUGE qui sont d’ailleurs régis par deux statuts différents : faudra-t-il en créer un troisième pour Lyon, un quatrième pour Marseille ?

Nous vous proposerons des amendements qui prévoient que les réseaux de province pourront se doter de services de sûreté propres. Les polices municipales pourraient y satisfaire si on leur confie des missions leur permettant de dresser des procès-verbaux et de relever des contraventions à la police des transports. Les réseaux pourraient également recourir à des sociétés privées qui sont agréées et sous contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).

Mme Valérie Lacroute. Monsieur le rapporteur, j’entends bien ce que vous dites, mais le dispositif fonctionne bien en Île-de-France – je regrette même qu’il ne vienne pas jusqu’au fin fond de l’Île-de-France. Il est donc dommage d’imaginer un autre système alors que ce système pourrait être démultiplié dans des réseaux de province. Comment compliquer alors qu’on pourrait faire simple…

M. Gérald Darmanin. Je regrette que le ministère de l’intérieur s’exprime à travers le rapporteur, qui relève du pouvoir législatif… (Murmures).

Il y a manifestement une sorte de parisianisme de la part de ceux qui ont écrit les rapports du ministère de l’Intérieur. Pourquoi la province ne pourrait-elle pas faire aussi bien que Paris ? C’est insultant pour la province. Cet argument n’est à l’évidence pas recevable.

Comme vient de le dire Valérie Lacroute, nous avons là un système qui fonctionne bien. Dès lors, pourquoi ne pas le dupliquer ? S’il doit y avoir un droit d’exception pour la province, rendez son indépendance au Nord-Pas-de-Calais-Picardie pour qu’il puisse s’autoréguler !

S’il est légitime que le CNAPS contrôle ce que feront les agents de sûreté, ce ne sont pas eux qui doivent avoir la contrainte légitime. La contrainte légitime doit passer par une délégation de service public que l’autorité doit négocier avec une société privée et des engagements précis ou des polices municipales ou nationales. Mais on ne peut pas à la fois dire que les polices municipales doivent faire ce travail et en même temps refuser les amendements que nous proposons au motif qu’elles ne font pas cela gratuitement. Elles interviennent souvent par conventions dans la sécurité. Or ce sont souvent les intercommunalités et non les villes qui gèrent les transports en commun, et que le maire est le chef de la police municipale, si j’ose dire, dans sa commune. Mais comment fait-on lorsqu’il y a des polices municipales très complexes ? Par exemple, la police municipale de Roubaix n’est pas armée tandis que la mienne l’est. Et celle de Lille n’est pas armée et la ville ne possède pas de caméra de vidéoprotection. Aussi la maire de Lille me dit-elle qu’elle ne peut pas intervenir de la même façon que moi. Nos collègues d’Orléans ont mis en place une police intercommunale des transports, mais c’est sans doute plus facile quand on a une ville centre, le tram et quelques communes autour qu’avec la métropole lilloise qui compte 1,5 million d’habitants, 85 communes, des petites et des grandes, qui sont traversées par un métro, des lignes de trams et de bus très longues.

Copier ce que fait la RATP et la SNCF ne paraît pas tout à fait hors de portée des « ploucs provinciaux » que nous sommes sans doute aux yeux du ministère de l’Intérieur. Mais peut-être celui-ci peut-il nous donner les effectifs de police qu’il nous doit depuis fort longtemps.

M. le rapporteur. C’est un « plouc de province » qui va vous répondre : si vous adoptez le statut du GPSR, il ne faudra pas ensuite venir réclamer des subventions à l’État puisqu’il assure totalement la formation et le suivi de ses personnels.

En fait, vous proposez de dupliquer, sur tous les réseaux de province, la formation, l’agrément, l’habilitation, ce qui suppose des coûts de gestion considérables. Vous voulez vos propres agents armés et vous refusez de les mettre sous la responsabilité d’un centre, le CNAPS, dont le cahier des charges est homogène sur toute la France et qui est totalement rompu à cet exercice. Cela permettrait pourtant aux collectivités locales et aux intercommunalités de réaliser des économies de structure considérables.

Avec ce que vous proposez, on aurait un cahier des charges marseillais, un cahier des charges lyonnais, un cahier des charges lillois, avec une structure de formation marseillaise, une structure de formation lyonnaise et une structure de formation lilloise.

J’ai la faiblesse de penser, parce que je suis un « plouc de province » et que je sais combien les collectivités locales font attention à limiter la dépense publique ou à la reporter au besoin sur l’État, qu’il vaut mieux utiliser les structures qui existent, qui sont parfaitement qualifiées pour ce faire, qui sont sous tutelle du ministère de l’intérieur, comme c’est le cas du CNAPS, et qui offrent des prestations qui ne vous obligent pas à les dupliquer vous-mêmes, réseau par réseau, la formation, l’agrément et l’habilitation de ces personnels dans tous les réseaux de province.

La Commission rejette successivement les amendements.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suspens la séance. Nous reprendrons l’examen des articles à 21 heures.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 8 décembre 2015 à 17 heures

Présents. – M. Guy Bailliart, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, M. Florent Boudié, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Gérald Darmanin, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Michel Heinrich, Mme Valérie Lacroute, M. Arnaud Leroy, Mme Marie Le Vern, M. Bertrand Pancher, M. Christophe Priou, M. Jean-Louis Roumégas, M. François de Rugy, M. Gilles Savary, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – Mme Sylviane Alaux, Mme Chantal Berthelot, Mme Florence Delaunay, M. Laurent Furst, M. Christian Jacob, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. – Mme Laurence Abeille, M. Sébastien Pietrasanta, M. Lionel Tardy