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Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen, en deuxième lecture, sur le rapport de Mme Geneviève Gaillard, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 3442).
Article 4 (article L. 110-3 du code de l’environnement) : Élaboration des stratégies nationale et régionales pour la biodiversité
La Commission examine l’amendement CD194 rectifié, de la rapporteure et de Mme Viviane Le Dissez.
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Nous proposons de revenir à la définition de la stratégie nationale pour la biodiversité adoptée par l’Assemblée nationale, qui renvoie à la convention de Nagoya, référence en la matière.
Cet amendement prévoit également de déplacer un alinéa, ce qui ne devrait pas transformer totalement le texte.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. La stratégie nationale pour la biodiversité constitue la mise en œuvre de l’engagement de la France au titre de la convention sur la diversité biologique.
Il peut être intéressant de faire référence à la convention internationale dans la loi, je m’interroge cependant sur le retour de la mention aux petites et moyennes entreprises au sein des acteurs économiques, ainsi que des associations de naturalistes au sein des organisations de protection de l’environnement.
En dépit de ces réserves, cet amendement me paraît très positif, j’émets donc un avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD892 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement propose une modification rédactionnelle qui est loin d’être cosmétique. La rédaction actuelle de l’alinéa 3 prévoit : « la stratégie nationale pour la biodiversité est élaborée par l’État en concertation avec des représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, de la communauté scientifique, d’acteurs socio-économiques et d’organisations de protection de l’environnement. »
Il me semble préférable de faire mention aux « membres de la communauté scientifique » plutôt qu’à la seule communauté scientifique, car celle-ci ne saurait être considérée comme un tout homogène. La liberté du scientifique est un principe fondamental : il ne saurait donc exprimer le point de vue de l’université de Bordeaux, du Centre national de la recherche scientifique, de l’Institut national de la recherche agronomique ou du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, il ne pourra donner que son avis d’expert.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Malheureusement, votre amendement est tombé, du fait de l’adoption de l’amendement précédent, qui a réécrit les alinéas 2 et 3.
Mme la rapporteure. Au demeurant, il est satisfait par la nouvelle rédaction, qui fait bien mention des « membres de la communauté scientifique ».
La Commission en vient à l’amendement CD195, présenté par la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 4, qui trouverait mieux sa place à l’article 9 du projet de loi.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD197 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement tend à mieux insérer cette disposition au sein de l’article L. 110-3 du code de l’environnement et à préciser que les stratégies nationale et régionales contribuent à l’intégration des objectifs de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité dans les politiques publiques.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable à cet amendement qui permettra une meilleure prise en compte de la biodiversité dans les politiques publiques.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CD198 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 7, ajouté par le Sénat, selon lequel la stratégie nationale pour la biodiversité devrait porter sur deux périodes de cinq ans. Or cette stratégie constitue un tout ; prévoir deux périodes de cinq ans nous paraît étonnant au regard des objectifs poursuivis.
Mme la secrétaire d’État. La stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 couvre bel et bien une période de dix ans. Même si une évaluation à mi-parcours est prévue cette année, il n’a jamais été prévu d’établir une nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité en 2015, car la stratégie actuelle est cohérente avec la stratégie de l’Union européenne et le plan stratégique mondial, qui tous deux couvrent la même période, de 2011 à 2020.
Je suis donc favorable à cet amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD184 rectifié de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de renforcer les plans d’action et de prévoir la prise en compte des données des organisations de protection de l’environnement pour leur élaboration. Cette disposition importante ne remet aucunement en cause les plans stratégiques.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement propose des ajustements de nature à renforcer le caractère opérationnel des plans nationaux d’action. Avis favorable.
M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement pourrait entraîner l’apparition de normes ou de contraintes supplémentaires. Des scientifiques sont chargés de nous faire des propositions ; vous proposez d’y ajouter des organisations de protection de l’environnement que nous ne connaissons pas toutes, qui ne sont pas listées, sachant que l’objectif de certaines d’entre elles est de contraindre sérieusement l’agriculture traditionnelle et conventionnelle.
Cette logique va aboutir à imposer de nouvelles contraintes très fortes sur l’agriculture.
M. Martial Saddier. Cet amendement pourrait presque tomber sous le coup de l’article 40, car il entraîne indéniablement une dépense supplémentaire. Il prévoit la réalisation de plans opérationnels, j’aimerais que la rapporteure ou la secrétaire d’État nous éclairent sur l’ampleur de ces plans : combien coûteraient-ils, qui va les payer ? S’agit-il, comme l’État a l’habitude de le faire, de plans nationaux dont la réalisation sera laissée à la charge des collectivités territoriales, notamment les régions qui ont reçu une nouvelle compétence environnementale ?
Cet amendement a une portée beaucoup plus lourde que la quiétude matinale de notre réunion ne peut le laisser croire. Je pense que nous en parlerons longtemps dans les territoires. Pourriez-vous nous éclairer sur la portée concrète de cet amendement ?
M. Jean-Pierre Vigier. Comme mes collègues, je pense que cet amendement va ajouter une couche au millefeuille administratif et compliquer encore le système. Nos agriculteurs n’ont vraiment pas besoin de cela en ce moment. Il faut être réalistes, efficaces, et prévoir des procédures simples. Je suis fortement opposé à cet amendement.
Mme Catherine Quéré. Je suis très réservée sur cet amendement, qui exprime presque une défiance vis-à-vis des scientifiques et risque de créer des contraintes inutiles. Il existe toute sorte d’organisations de protection de l’environnement ; la rédaction n’est pas assez précise.
Mme la rapporteure. Je pense que vous n’avez pas lu l’alinéa proposé par le Sénat que cet amendement a pour objet de remplacer. (Sourires) Nous proposons simplement de renforcer les plans d’action opérationnels.
Il n’y a pas que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui pourrait fournir des informations, mais aussi des organisations de protection de l’environnement de toutes sortes.
Il y a un problème de compréhension de votre part : il n’est pas question d’ajouter quelque chose qui coûtera « la peau des fesses » (Sourires), mais simplement d’opérer une substitution pour renforcer la protection des espèces et les plans d’action opérationnels. Il ne faut pas considérer que seule l’UICN peut nous donner des informations : les associations de chasseurs et de pêcheurs, par exemple, peuvent également fournir des données utiles. Vous ne mesurez pas combien cet amendement permet d’ouvrir la procédure d’élaboration de ces plans d’action.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Et l’article 40 ne fait pas référence à la « peau des fesses », me semble-t-il… (Sourires)
Mme la secrétaire d’État. Rappelons que les plans d’action nationaux consistent avant tout à prévoir des actions de la part de toutes les parties dont l’activité a un impact sur l’espèce ou les espèces concernées. Ils ne constituent pas du tout un surcroît de dépenses publiques, ce sont des plans volontaires, et qui font l’objet d’un consensus.
M. Gérard Menuel. L’amendement prévoit bien d’insérer les mots « organisation de protection de l’environnement ». Qu’entend-on exactement par ces termes, quelles associations sont concernées ? Il y a beaucoup trop d’incertitudes à ce niveau, et cet amendement exprime aussi une défiance à l’égard des scientifiques, dont les travaux doivent rester à la base de nos réflexions.
Mme Martine Lignières-Cassou. Peut-être le trouble de mes collègues tient-il au fait que nous n’avons pas sous les yeux le texte de l’article L. 414-9 du code de l’environnement que cet amendement tend à modifier… Il suffit de le relire pour comprendre que cet amendement n’ajoute aucune contrainte supplémentaire.
M. le président. Je vous rappelle les termes de l’article L. 414-9 du code de l’environnement :
« Des plans nationaux d’action pour la conservation ou le rétablissement des espèces visées aux articles L. 411-1 et L. 411-2 ainsi que des espèces d’insectes pollinisateurs sont élaborés et, après consultation du public, mis en œuvre sur la base des données des instituts scientifiques compétents lorsque la situation biologique de ces espèces le justifie.
« Ces plans tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles ainsi que des impératifs de la défense nationale.
« Les informations relatives aux actions prévues par les plans sont diffusées aux publics intéressés ; les informations prescrites leur sont également accessibles pendant toute la durée des plans, dans les secteurs géographiques pertinents.
« Un décret précise, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article. »
Mme la rapporteure. L’amendement CD184 rectifié prévoit de préciser que les plans d’action sont « opérationnels »…
M. Gérard Menuel. C’est précisément cela, le problème…
Mme la rapporteure. S’ils ne sont pas opérationnels, ce n’est pas la peine d’en faire… Il faut savoir ce que l’on veut !
De plus, nous ajoutons que ces plans d’action sont mis en œuvre sur la base des données des instituts scientifiques compétents « et des organisations de protection de l’environnement. » Ces dernières sont effectivement nombreuses, il n’y a pas que l’UICN ; il ne faut pas nier le travail que font de nombreuses associations, ainsi, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) pourrait y contribuer.
M. Jean-Marie Sermier. Hier vous étiez contre !
Mme la rapporteure. Ne mélangez pas tout ! Nous n’avons jamais dit que l’ONCFS ne s’intéressait pas à la biodiversité terrestre, la preuve en est que nous voulions l’inclure dans l’agence de la biodiversité : j’ai moi-même dit hier qu’il était dommage qu’il n’en fasse pas partie.
M. le président. On peut imaginer que les associations concernées sont les associations de protection de l’environnement agréées.
Mme la rapporteure. Je suis tout à fait prête à ajouter ce mot si cela peut contribuer à rassurer mes collègues.
M. Jean-Marie Sermier. L’article L. 414-9 du code de l’environnement est clair : Il s’appuie sur des instituts scientifiques pour élaborer les plans. Si l’on y ajoute les organisations de protection de l’environnement – agréées ou pas, nous n’en savons rien – il faut en faire de même avec tout un pan d’autres activités professionnelles : chambres consulaires, chambres d’agriculture, et j’en passe. On me dit que l’ONCFS pourrait en faire partie, mais ce n’est pas le cas, pas plus que l’Office national des forêts. Si l’on commence à faire une liste à la Prévert, il ne faudra rien oublier.
M. le président. Je vous invite à relire l’alinéa 8 du projet de loi. Cet amendement propose de le remplacer par quelques modifications à l’article L. 414-9, dont je viens de vous donner lecture.
Effectivement, l’amendement propose de spécifier que plans d’action sont « opérationnels » – ce qui peut choquer, mais trouve pour ma part cette précision tout à fait utile. Et en ce qui concerne les organisations de protection de la nature, si nous indiquons qu’il s’agit d’organisations de protection de l’environnement « agréées », il n’y aura plus de problème.
Si vous préférez l’alinéa 8 dans sa version actuelle, je vous invite à le relire avec attention.
Mme Laurence Abeille. Cette proposition d’ajouter le mot « agréées » me paraît restrictive. Je trouve que la rédaction de la rapporteure est plus intéressante, et je ne pense pas que nous devions la modifier, cela nous priverait de nombreuses expertises intéressantes sur le sujet.
M. Guy Bailliart. Si le mot « agréées » n’est pas ajouté au texte de l’amendement, je ne le voterai pas.
M. le président. Nous aurons l’occasion d’en discuter à nouveau en séance, ou lors de la réunion de notre commission en application de l’article 88 du règlement. Je vous propose de passer au vote.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 4 ainsi modifié.
Article 4 bis (article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle) : Non-brevetabilité des produits obtenus par procédés essentiellement biologiques
La Commission examine en présentation commune l’amendement de suppression CD903 de Mme Anne-Yvonne Le Dain, l’amendement CD692 de la rapporteure ainsi que les amendements identiques CD253 de M. Martial Saddier et CD650 de M. Jean-Yves Caullet.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je propose de supprimer purement et simplement cet article ajouté par le Sénat. J’ai bien lu l’amendement proposé par Mme Geneviève Gaillard, et je comprends l’inquiétude sur l’utilisation des gènes et de leurs produits, mais les différentes rédactions proposées interdisent toute extraction naturelle ou par voie chimique ou physique de principes actifs à partir de la nature, ce qui constitue pourtant la base de toute la pharmacopée, de la cosmétique et de nombreux procédés industriels.
La rédaction actuelle de l’article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle est conforme au droit européen, qui s’applique à tous les pays d’Europe. Avant de le modifier, il faut être d’une prudence de chat : en adoptant la rédaction proposée, nous risquons de nous interdire toute utilisation de ce qui n’a pas été découvert. Or la nature est immensément vaste et inexplorée.
Cette angoisse risque d’aboutir à un blocage complet de l’exploration, et donc de réduire les possibilités d’exploiter la biodiversité qui existent en métropole et dans les DOM, pourtant à la base de bien de ce dont nous vivons aujourd’hui.
Mme la rapporteure. Cet article ajouté par le Sénat introduit des éléments extrêmement importants sur la brevetabilité, permettant de protéger les agriculteurs du risque que des brevets soient déposés sur les découvertes qu’ils ont réalisées. Parfois, des entreprises déposent des brevets sur des éléments issus du vivant contenant des informations génétiques, interdisant aux agriculteurs de les reproduire pour continuer leur culture.
C’est une demande de longue date des agriculteurs, qui souhaitent pouvoir cultiver des espèces qu’ils ont eux-mêmes découvertes par leur travail. Nous vous proposons donc une réécriture de l’article 4 bis afin d’en préciser les termes conformément au droit existant.
Nous devrions trouver un consensus sur ce point et améliorer la rédaction du Sénat, car cette disposition est tout à fait pertinente en ce qu’elle permettra aux agriculteurs et aux éleveurs de continuer à travailler avec des espèces qu’ils ont eux-mêmes obtenues par mutagenèse spontanée. Je vous propose donc de repousser l’amendement de suppression de Mme Le Dain et d’adopter l’amendement CD692 que je vous soumets.
M. Martial Saddier. Mon amendement CD253 est dans le même esprit.
M. Jean-Yves Caullet. Mon amendement CD650 est identique à celui de M. Martial Saddier : il tend à préciser la disposition introduite à juste titre par le Sénat, de telle sorte que l’on ne puisse pas interdire à un agriculteur, par un brevet qu’il ne peut pas déposer lui-même, d’utiliser le résultat de son travail.
Mme la secrétaire d’État. Je me rends complètement aux arguments de notre rapporteure, qui a été assez claire. Je suggère donc à Mme Le Dain et à MM. Saddier et Caullet de retirer leurs amendements au profit de celui de la rapporteure.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je ne partage pas les analyses qui viennent d’être développées. Je vais travailler mon amendement en vue de la séance publique.
Il est une chose dont personne n’a parlé : le catalogue officiel français des espèces et variétés, institution française extrêmement puissante qui s’impose progressivement dans le reste du monde et qui permet de qualifier les semences, tout en offrant de grandes libertés d’interprétation. L’année dernière, le Gouvernement a ouvert le catalogue aux semences paysannes ; autrement dit, il y a eu des évolutions importantes. Or nous risquons d’aboutir ni plus ni moins à la suppression du catalogue, et donc des autorisations de cultures. Cela risque d’inhiber fortement l’agriculture française.
Je retire pour l’instant mon amendement, mais j’y reviendrai en séance.
Les amendements CD903, CD253 et CD650 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CD692.
En conséquence, l’article 4 bis est ainsi rédigé et les amendements CD121, CD528 et CD931 tombent.
Mme la rapporteure. Au nom des agriculteurs, je tiens à vous remercier car nous réalisons une grande avancée pour les protéger. Cette mesure était très attendue, notre commission peut être fière d’avoir voté cet amendement.
Article 4 ter (article L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle) : Limitation de la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique
La Commission examine l’amendement CD693 rectifié de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’article 4 ter introduit par le Sénat et qui modifie les articles L. 613-2-2 et L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle, afin de protéger les personnes qui ont obtenu, par leur propre sélection, des espèces aux mêmes propriétés que celles protégées par un brevet.
La modification de l’article L. 613-2-2 permet de restreindre la portée des protections accordées par un brevet portant sur un produit contenant une information génétique. Une matière obtenue par procédé biologique qui contient les mêmes informations génétiques ne sera pas soumise au brevet. Les termes employés sont repris du droit européen applicable et de sa transposition en droit français.
Le même raisonnement est appliqué aux brevets protégeant une matière biologique dotée de certaines propriétés du fait d’une intervention. La protection ne s’étend pas aux matières obtenues par des procédés biologiques.
Cet amendement amplifie la portée de ceux que nous avons déjà votés, et permettra de protéger les agriculteurs qui ont, dans le cadre de leur activité, obtenu des produits aux qualités identiques à des produits protégés par un brevet. Ils n’auront pas à payer un brevet ou à acheter les droits pour les utiliser.
Mme la secrétaire d’État. Je partage l’objectif de limitation du champ de brevetabilité du vivant, mais je trouve que les amendements identiques CD122 et CD529 ont une rédaction plus précise, ils ont donc ma préférence.
M. Guy Bailliart. L’amendement mentionne des procédés « essentiellement biologiques » ; je voudrais savoir quel est le sens donné en droit à cette expression.
M. Jean-Marie Sermier. J’aimerais savoir si l’amendement proposé s’applique également aux ferments, ces micro-organismes utilisés notamment dans la production fromagère. Un certain nombre de fromagers ont isolé et élevé ces ferments depuis plusieurs décennies, il ne faudrait pas qu’ils soient ensuite contraints de déposer un brevet. Il serait donc positif pour eux que cet amendement couvre ce cas de figure.
Mme la rapporteure. Cet amendement concerne exactement ce type de situations.
En réponse à M. Guy Bailliart, le code de la propriété intellectuelle n’emploie pas les termes : « de manière naturelle ». L’expression reconnue est celle de procédés biologiques. C’est donc pour rester cohérents avec la terminologie du code de la propriété intellectuelle que nous utilisons cette expression. Nous y avons veillé pour être sûrs d’être « dans les clous », car c’est un sujet difficile : si nous utilisons des termes qui ne sont pas reconnus, nous risquons d’obtenir l’effet contraire à celui qui était recherché.
Je maintiens donc ma préférence à l’amendement que j’ai présenté plutôt qu’aux amendements suivants.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Si cet amendement était voté, l’amendement CD904 que je dois présenter ensuite tomberait. Je souhaite pouvoir le défendre.
De nouveau, nous allons vers une spécification compliquée. J’aurais souhaité que la protection conférée par un brevet ne s’applique pas aux autres matières biologiques qui acquerraient ces propriétés par d’autres voies, ni à leurs descendances ou aux produits qui en sont issus par reproduction ou multiplication.
Ce n’est pas qu’une question de brevet. Nous constatons une tendance en France à ne délivrer que des licences d’exploitation, au cas par cas, ce qui limite profondément l’utilisation des avancées scientifiques dans ces domaines.
Je suis inquiète des bouleversements que nous sommes en train d’introduire, et je compte donc retravailler cet amendement en vue de la séance publique.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 4 ter est ainsi rédigé et les amendements CD904, CD122, CD529 et CD933 tombent.
Article 4 quater (article L. 623-2 du code de la propriété intellectuelle) : Condition complémentaire à la définition de l’obtention végétale, relative au caractère reproductible de la semence
La Commission examine les amendements de suppression CD255 de M. Martial Saddier, CD651 de M. Jean-Yves Caullet, CD694 de Mme Geneviève Gaillard et CD924 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
M. Martial Saddier. Tel qu’il est rédigé, l’article 4 quater semble aller à l’encontre des normes actuellement en vigueur, qui satisfont tout le monde et ont été établies en conformité avec les règles de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales, dont la France est un membre fondateur. Mon amendement CD255 a donc pour objet de le supprimer.
M. Jean-Yves Caullet. Il s’agit d’un problème qui tient notamment aux semences dites « hybrides F1 », reproductibles en milieu naturel mais qui tomberaient sous le coup de cet article s’il était maintenu.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je suis ravie de constater que tout le monde envisage la suppression de cet article, qui risque de mettre en péril une grande partie de l’agriculture française, notamment les cultures de colza, de tournesol et éventuellement de maïs. Il faut être d’une prudence de chat dans ce domaine, d’autant que les semences dont nous discutons ont une capacité à se reproduire en milieu naturel extrêmement faible, voire nulle.
Mme la rapporteure. Je suis entièrement d’accord avec les orateurs précédents, puisque je propose également de supprimer cet article, qui me semble rater sa cible. Il peut viser non seulement les semences dites « terminator » – mais cela n’a pas de sens – et ensuite les hybrides, qui sont reproductibles. Si cet article était adopté, 90 % de la production française serait mise à mal. Je crois donc que nous avons intérêt à supprimer cet article qui n’est pas de nature à améliorer les choses.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression.
La Commission adopte ces amendements.
En conséquence, l’article 4 quater est supprimé.
Article 4 quinquies (article L. 315-5 du code rural et de la pêche maritime) : Extension des possibilités d’entraide entre les agriculteurs
La Commission examine les amendements de suppression CD256 de M. Martial Saddier, CD652 de M. Jean-Yves Caullet et CD928 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
M. Martial Saddier. La loi d’avenir pour l’agriculture a autorisé l’échange de produits au sein des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Il semble que cet article élargisse considérablement le périmètre de l’échange dit « entre voisins », au point de le faire exploser. Je souhaite revenir à l’esprit de la loi d’avenir pour l’agriculture ; c’est pourquoi je propose la suppression de cet article.
M. Jean-Yves Caullet. Mes arguments sont les mêmes. Il est pertinent, dans le cadre d’un groupement qui se reconnaît un intérêt mutuel et qui fonctionne sur une relation de confiance, de permettre ces échanges pour que tout ne soit pas du domaine marchand. Mais sortir de ce cadre ferait courir un risque sur la sincérité des échanges.
Je pense donc qu’il convient de s’en tenir au champ de l’échange « entre voisins » dans le cadre des GIEE.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas favorable à ces amendements de suppression. Hormis pour les semenciers qui les ont soutenus, je ne vois pas quel problème il y aurait à autoriser les agriculteurs à se transmettre des semences en dehors des GIEE. Je pense que vous voulez trop restreindre le champ de l’échange.
Au contraire, il faut permettre aux agriculteurs d’échanger des semences. Il est vrai que cela échappe pour partie aux semenciers, mais rassurez-vous : ceux-ci feront quand même des affaires ! (Murmures) Et les agriculteurs ne se porteront que mieux s’ils peuvent échanger un certain nombre de semences, même en dehors des groupements.
Je préfère donc laisser en l’état cette rédaction introduite, rappelons-le, par le Sénat et je suis défavorable à ces amendements.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je maintiens mon amendement de suppression. Nous allons mettre en péril le certificat d’obtention végétale (COV) qui représente un acquis immense et ancien pour notre pays. La filière semencière est exportatrice nette et représente l’un des secteurs économiques les plus puissants ; ses acteurs paient des impôts et attirent des capitaux pour notre pays. Le COV est un outil formidable pour lutter contre la brevetabilité du vivant, puisqu’il qualifie une réalité concrète et non un potentiel.
Le catalogue, instrument puissant mais trop longtemps verrouillé à cause d’une complicité entre le ministère de l’agriculture et le monde des semenciers, s’est développé grâce à des dispositifs scientifiques et juridiques. Je suis très circonspecte à la lecture de cet article rédigé par le Sénat, car la loi doit permettre de valoriser l’expertise et la puissance économique françaises : dans le domaine des semences, nous sommes non seulement vaillants, mais puissants et reconnus dans le monde entier. Les agriculteurs n’utilisent pas des semences génériques, mais systématiquement des variétés adaptées au milieu, à la culture et aux habitudes alimentaires. Le système actuel fonctionne parfaitement ; autoriser une ouverture totale des échanges en dehors d’un cercle restreint de proximité – qui bénéficie du reste d’une grande tolérance de la part de l’administration : on peut s’envoyer des semences par colis postal à cinq cents kilomètres… – mettrait en péril une filière majeure de l’économie française.
M. Gérard Menuel. Madame la rapporteure, les mesures législatives adoptées depuis vingt-cinq ans étaient nécessaires et la loi relative à l’avenir de l’agriculture, vieille de seulement quelques mois, était parvenue à un équilibre en matière d’échange de produits. Pourquoi revenir sur ce texte aujourd’hui ?
M. Jean-Marie Sermier. Les semences échangées entre voisins ne font l’objet d’aucun contrôle sanitaire ou génétique ; ainsi, il est parfaitement possible d’échanger des semences contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM). Maintenons l’échange entre voisins, mais restons très vigilants sur le reste.
M. Jean-Yves Caullet. Il ne s’agit pas de protéger les semenciers, mais la qualité et la sincérité de l’échange ; or celle-ci suppose une relation de confiance entre les deux parties de l’échange. Si la confiance se distend, les risques de dérives dans la production augmentent. Il convient donc de maintenir la proximité entre les acteurs ou tout du moins un accord fondamental sur les objectifs, ce que traduit bien le groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Sans cela, ce type d’échanges et de semences en pâtira et pourrait être interdit à la suite de scandales ou d’escroqueries. Le mieux est l’ennemi du bien : tenons-nous en au système actuel, qui a fait la preuve de sa vertu.
M. Martial Saddier. Madame la rapporteure, vous avez salué hier M. Lionel Tardy qui s’attachait à ce que l’on n’écrive pas dans la loi le contraire de ce que l’on avait adopté six mois auparavant. Les Français ne supportent plus de voir qu’un dispositif n’a pas fini d’être mis en route qu’il est modifié par une nouvelle loi. Le ministre actuel de l’agriculture a porté une loi, datant du 13 octobre 2014, qui a donné lieu à de nombreux débats sur la notion d’échange. Celle-ci a été grandement élargie au sein des GIEE, et nous évaluerons cette évolution dans quelques années. N’allons pas bouleverser dès maintenant un dispositif qui vient tout juste d’être déployé !
Enfin, madame la rapporteure, je connais votre engagement, mais comprenez qu’il est assez désagréable d’entendre que chacun de nos amendements a été préparé par un lobby. (Murmures divers) Les députés sont capables d’avoir des idées personnelles et de conduire leur propre expertise.
M. Jean-Pierre Vigier. Comment sont effectués les contrôles des échanges ? Quelle est la place de la recherche dans ce contexte ?
M. Bertrand Pancher. La brevetabilité de la nature est un débat très intéressant qui renvoie à la nécessité de concilier le refus de laisser le monde uniquement dans les mains des intérêts économiques avec le développement de la recherche. Le texte initial était équilibré ; prenons garde à ne pas adopter de position jusqu’au-boutiste qui paralyserait toute perspective de développement.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. M. Jean-Yves Caullet a raison : à laisser tout un chacun faire ce qu’il veut chez lui et échanger librement avec ses voisins et ses amis plus lointains, nous nous exposons à un risque tout simple, et inévitable : celui d’une dérive génétique. Voilà pourquoi le contrôle et la certification importent tant : c’est tout le principe de l’agronomie et la sélection variétale, depuis l’aube de l’humanité.
Mme la rapporteure. De quoi parlons-nous ? Je vous relis les termes de l’article L. 315-5 du code rural : « Les actions menées dans le cadre de leur projet pluriannuel par les agriculteurs membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental au bénéfice d’autres agriculteurs membres sont présumées relever de l’entraide au sens de l’article L.325-1. Il en est de même sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable des échanges entre agriculteurs membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication de semences ou de plants destinés à être commercialisés ».
On restreint considérablement le champ, puisque l’on en exclut les produits destinés à l’alimentation et les COV. Vos arguments n’ont pas de raison d’être, puisque nous parlons ici de variétés qui ne sont pas protégées. Cet article ne présente aucun danger et je ne comprends pas les amendements proposant sa suppression. Les dérives que vous dénoncez peuvent tout aussi bien se produire dans le cadre d’un GIEE. Les agriculteurs sont tout de même des gens responsables…
Mme Catherine Quéré. Pas tous !
Mme la rapporteure. Je maintiens : des gens responsables, qui savent ce qu’ils veulent et ce qu’ils font, et j’ai confiance en eux. Arrêtons de répandre des choses inexactes, sinon des mensonges : nous parlons de variétés non protégées.
Mme la ministre. L’article 4 quinquies vise effectivement à garantir le droit d’échange des semences qui n’appartiennent pas à une variété protégée par un COV et qui sont produites sur une exploitation n’ayant pas signé de contrat de multiplication. Le projet de loi souhaite étendre ce droit d’échange à tous les agriculteurs, y compris à ceux qui ne sont pas regroupés dans un GIEE, au demeurant peu nombreux. Cette disposition constitue une avancée, notamment pour des variétés anciennes, typiques ou locales. Le Gouvernement s’oppose donc à ces amendements de suppression.
M. Jean-Yves Caullet. L’argumentation de Mme la rapporteure et de Mme la ministre confirme mes propos : nos amendements ne représentent pas une garantie pour les obtenteurs officiels et ne sont pas destinés à protéger les semenciers puisque les champs des dispositifs diffèrent.
Les GIEE ont été créés pour favoriser le développement d’une agriculture plus collaborative, et tout ce qui contribuera à l’augmentation de leur nombre s’avérera vertueux. Le problème tient au fait que, dans la mesure où nous sommes hors du champ des COV, il n’existe aucune garantie de la sincérité de l’échange ; nous ne devons pas accepter une évolution qui semble opportune, mais qui, au premier incident sanitaire, viendra miner toute idée d’échange de semences paysannes et ira à l’encontre de notre objectif. Il ne s’agit pas de protéger les semenciers, mais bien les échanges paysans. (Approbations diverses)
M. Philippe Plisson. Dans le contexte de crise agricole, deux agricultures s’affrontent : l’agriculture industrielle et intensive et l’agriculture paysanne. L’échange de grains fait partie de l’agriculture de proximité. Je suis donc favorable à ces amendements.
M. le président. Nous en venons au vote.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence l’article 4 quinquies est supprimé.
TITRE II
GOUVERNANCE DE LA BIODIVERSITE
Article 5 A (article L. 421-1 A [nouveau] du code de l’environnement) : Définition dans la loi des fonctions du CNCFS
La Commission examine les amendements identiques CD482 de Mme Laurence Abeille, CD695 de la rapporteure et CD829 de M. Lionel Tardy.
Mme la rapporteure. L’article 5 A transfère les dispositions relatives au rôle du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS) de la partie réglementaire à la partie législative du code de l’environnement. Il ne poursuit pas la même logique d’association du CNCFS que le reste du projet de loi puisque ce dernier prévoit que le Conseil national constitue une commission permanente sur la chasse du Conseil national de la biodiversité. Le Conseil national se prononcerait sur l’ensemble des textes relatifs à la chasse et à la protection de la nature lorsque ceux-ci ont une incidence directe ou indirecte sur l’exercice de la chasse. Ces missions apparaissent trop étendues, car sa fonction consultative s’exercerait auprès des ministres chargés de la chasse et de l’agriculture, alors que l’article 7 ter du projet de loi place l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) sous la tutelle des ministres chargés de l’écologie et de l’agriculture. Cet article est inutile, ses dispositions étant de nature réglementaire. C’est pourquoi je propose de le supprimer.
Mme Laurence Abeille. Il ne semble effectivement pas opportun d’intégrer dans la loi la disposition réglementaire prévoyant la consultation obligatoire du CNCFS, afin de garantir la simplification et la qualité de la législation. D’où mon amendement de suppression CD482.
M. Lionel Tardy. Le CNCFS conduit une activité réelle, attestée par le « jaune » pour 2016 ; il se réunit régulièrement et son coût de fonctionnement s’avère limité. Son maintien se justifie, mais les dispositions régissant un tel comité sont toujours d’ordre réglementaire, comme le dispose le décret de juin 2006 relatif au fonctionnement des commissions administratives. Il n’y a aucune raison d’inscrire dans la loi l’existence du CNCFS, pas plus que celle de l’ensemble des autres comités. Je propose également de supprimer cet article.
M. Philippe Plisson. Soit le CNCFS a un rôle reconnu, soit il ne sert à rien. La consultation du CNCFS comme celle du Conseil national de la biodiversité est nécessaire, ces deux instances accueillant des scientifiques reconnus ; je soutiens donc le maintien de cet article rédigé par le Sénat.
M. Martial Saddier. J’approuve les propos de mon collègue Philippe Plisson. Madame la rapporteure, nous avons réaffimé hier, jusque tard dans la nuit, la nécessité de mentionner les pollutions diurnes et nocturnes dans la loi ; vous avez tranché. De même, vous avez insisté pour que les associations environnementales agréées soient associées. Et maintenant, vous refusez cette reconnaissance aux associations de pêcheurs et de chasseurs ! La loi doit explicitement définir le rôle des millions de chasseurs et de pêcheurs à qui on reconnaît la fonction de protection de l’environnement.
Madame le ministre, monsieur le président, quelle est la cohérence entre ces amendements de suppression et le CD1042 déposé par le Gouvernement expliquant dans son exposé sommaire qu’« il est nécessaire de préciser dans la loi quels sont les textes devant faire l’objet d’une consultation du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage » ? Cela prouve en tout cas que certains interlocuteurs sont incontournables ; le monde de la chasse et de la pêche entre dans cette catégorie et doit donc trouver sa place dans la loi.
M. Bertrand Pancher. Ce projet de loi se débat dans de nombreuses contradictions. Il instaure une agence de la biodiversité à côté du CNCFS ; il aurait été complexe de regrouper ces deux instances, mais on aurait dû prévoir un rôle accru pour le CNCFS, ne serait-ce que pour la police de la chasse – ce n’est pas rien. Nos amis chasseurs souhaitent être davantage associés à la mise en œuvre de la réglementation dans le domaine de la biodiversité et soutiennent le maintien de cet article. Il ne me paraît pas illogique d’accepter leur demande.
Mme Viviane Le Dissez. Le CNFS est déjà présent au sein du Conseil national de la biodiversité à travers une commission permanente : il n’y a donc aucune raison de détailler son rôle comme le propose l’article 5 A, alors que c’est plutôt de nature réglementaire. Je soutiens donc la suppression de cet article.
M. Jean-Marie Sermier. Certains symboles méritent d’être défendues, et le rôle des chasseurs reconnus dans la préservation de la biodiversité : ils ont besoin d’être rassurés, notamment pour tout ce qui touche à la formation des jeunes à la biodiversité.
Mme la ministre. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
Mme la rapporteure. Vous semblez sous-entendre que nous ne souhaitons pas donner de rôle au CNCFS, ce qui est faux. Il sera consulté et fera partie du Conseil national de la biodiversité. Quel est l’intérêt de l’insérer à cet endroit de la loi, comme un OVNI qui superviserait toute action en matière de biodiversité ?
Lors de l’examen du texte en première lecture, nous avons tous reconnu l’importance du rôle des chasseurs en matière de biodiversité. Ils ne souhaitent pas entrer dans l’Agence française pour la biodiversité, mais ils veulent bénéficier d’une place prééminente. Je ne m’explique pas cette contradiction. Le règlement prévoit que les associations de chasseurs et le CNCFS sont agréés en tant qu’associations de protection de l’environnement, soyons raisonnables : il n’y a pas besoin d’inscrire de telles dispositions dans la loi.
M. Lionel Tardy. Dès que l’on peut éviter d’inscrire l’existence et le rôle d’un comité dans la loi, il faut le faire. Cela vaut pour le CNCFS, qui a une activité très fournie, mais qui n’entre pas dans le domaine de la loi.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis en plein accord avec les propos de Mme la rapporteure et de M. Lionel Tardy. Nous sommes en train de faire une loi bavarde ; cette disposition n’a rien à faire dans ce texte, d’autant qu’il ne traite pas de la chasse mais de la biodiversité. Il ne s’agit pas d’une loi relative à la chasse ! M. Jérôme Bignon a déposé une proposition qui est devenue loi le 7 mars 2012 avec le soutien du groupe socialiste alors dans l’opposition ; il s’agit de la dernière loi portant sur la chasse.
Le nombre de chasseurs s’élève à 1,2 million et diminue tous les ans. Croyez-vous que l’insertion d’une telle disposition dans la loi permettra d’endiguer cette baisse ? Bien sûr que non ! Il convient de s’interroger sur cet effritement régulier, qui est appelé à continuer. Les chasseurs seront bientôt moins d’un million en France. C’est un réel problème, mais qui se pose au monde rural et à celui de la chasse.
La Commission rejette les amendements.
L’amendement CD1042 du Gouvernement est retiré.
La Commission adopte l’article 5A sans modification.
Article 5 (articles L. 134-1 et L. 134-2 [nouveaux] du code de l’environnement) : Instances de gouvernance de la biodiversité
La Commission est saisie de l’amendement CD830 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je m’étais étonné, lors de l’examen du texte en première lecture, de la création du Comité national de la biodiversité et du Conseil national de la protection de la nature. Mme Ségolène Royal m’avait expliqué que ces deux comités remplaçaient plusieurs structures. Je salue cet effort de rationalisation, mais, là encore, je maintiens que les dispositions prévoyant l’existence, les missions et la composition de ces comités relèvent du domaine réglementaire.
Mme la rapporteure. Monsieur Lionel Tardy, je comprends votre logique, mais le Comité national de la biodiversité n’existe pas encore : il est nécessaire que la loi qui le crée définisse son rôle. Je ne suis donc pas favorable à l’adoption de votre amendement.
Mme la ministre. Le titre II du projet de loi, dont relève l’article 5, traduit la feuille de route adoptée par le Gouvernement lors de la conférence environnementale de 2012, qui se fixait comme objectif de mettre en œuvre une nouvelle gouvernance de la biodiversité. Cette réforme vise à simplifier les instances administratives nationales pour les rendre plus lisibles et plus efficientes, en distinguant les structures d’expertise scientifique et technique des lieux de débat et de discussion. La création du chapitre IV portant sur les institutions relatives à la biodiversité constitue une innovation majeure et nécessaire, incarnée par l’instauration de deux grandes institutions chargées des questions liées à la biodiversité. Le Comité national de la biodiversité intégrera plus d’une dizaine de comités existants, dont le comité national trames verte et bleue actuellement régi par l’article L. 371-2 du code de l’environnement ; pour ce comité en particulier, une reprise simplement réglementaire ne serait pas acceptable juridiquement. La loi a institué le Conseil national de protection de la nature en 1946, même si les dispositions qui l’ont fait évoluer figurent dans le code de l’environnement.
En outre, le code des relations entre le public et l’administration prévoit en outre que les commissions administratives consultatives non prévues par la loi sont créées pour une durée limitée, mais renouvelable. C’est donc à la loi de prévoir la naissance du Comité national de la biodiversité. C’est la raison pour laquelle, monsieur Tardy, je vous demande de retirer votre amendement.
M. Lionel Tardy. Je le maintiens.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements CD696 rectifié de la rapporteure, CD385 et CD386 de Mme Chantal Berthelot.
Mme la rapporteure. Le projet de loi modifie plusieurs aspects de la gouvernance de la biodiversité. Cet amendement propose de corriger certaines locutions employées dans les alinéas 5 à 8 de l’article 5.
La saisine pour avis du Comité national de la biodiversité par les commissions du développement durable de l’Assemblée et du Sénat sur tout projet de texte législatif ou réglementaire relatif à la biodiversité n’apparaît pas indispensable, contrairement à ce que souhaite le Sénat. Cette consultation doit être une faculté et non une obligation.
Il importe, en revanche, de prévoir que le Comité donne son avis sur les orientations stratégiques de l’Agence française pour la biodiversité. Il doit exister un lien entre ces deux instances.
Enfin, nous ne modifions pas la composition du Comité national de la biodiversité.
Mme la ministre. J’émets un avis favorable à l’adoption de cet amendement.
Mme Chantal Berthelot. Si l’on rétablit la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, la Commission peut adopter mon amendement CD385 qui s’inscrit dans sa logique en prévoyant que la composition du Comité national de la biodiversité prend en compte la richesse de la biodiversité du patrimoine naturel des collectivités d’outre-mer.
Mme la rapporteure. Madame Berthelot, votre proposition devrait amender un autre alinéa de cet article.
Mme Chantal Berthelot. Dans la version adoptée par l’Assemblée, cet amendement trouve bien sa place dans l’alinéa 8 de l’article 5.
Mme la rapporteure. J’ai déposé un amendement CD697, qui dispose que la composition du Comité national de la biodiversité assure la représentation de chaque département d’outre-mer en tenant compte notamment de la richesse de leur biodiversité. L’objet de nos amendements est identique, mais on ne place pas cette disposition au même alinéa de l’article.
Mme Chantal Berthelot. Je retire mes amendements.
M. Bertrand Pancher. Madame la rapporteure, je regrette que M. Jacques Krabal ne soit pas là pour défendre son amendement car je le trouve astucieux. Il suggérait de rétablir la possibilité pour les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat de saisir pour avis le Comité national de la biodiversité. Cela aurait permis de renforcer le rôle du Parlement et de notre Commission, notamment dans leur fonction d’initiative et d’évaluation législatives. Madame la rapporteure, pourquoi n’avez-vous pas retenu cette proposition ?
Mme la rapporteure. Je ne l’ai pas retenue, car nous ne rencontrons jamais de difficulté pour auditionner une personne de notre choix : il suffit de le demander aux intéressés. Cette mesure me semble donc inutile.
M. Bertrand Pancher. Nos invitations reçoivent toujours en effet des réponses positives, mais entre venir répondre à des questions et venir travailler sur un sujet, il y a une marge… Dans les pays voisins, les organismes d’expertise travaillent pour les parlements, ce qui n’est pas le cas en France. Cet amendement renforcerait les moyens d’investigation de notre Commission, même si le Comité national de la biodiversité ne dispose peut-être pas des moyens pour accomplir cette mission.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. L’adoption de l’amendement déposé par MM. Jacques Krabal et Olivier Falorni ne compenserait malheureusement pas l’absence de pouvoirs de l’Assemblée nationale… Nous ne pouvons que le regretter.
Les amendements CD385 et CD386 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CD696 rectifié.
Puis elle aborde, en discussion commune, les amendements CD697 de la rapporteure et CD625 de Mme Viviane Le Dissez.
Mme Viviane Le Dissez. Nous souhaitons que la composition du Comité national de la biodiversité respecte le principe de la parité, comme toutes les organisations.
Mme la rapporteure. Mon amendement CD697 vise à rétablir les règles relatives à la parité et à la représentation de chaque département d’outre-mer.
Mme Chantal Berthelot. Madame la rapporteure, il faudrait, dans votre amendement, ajouter le terme « collectivité » après celui de « département » et avant « outre-mer », afin d’assurer la représentation de chaque territoire.
Mme la rapporteure. Je me propose de rectifier mon amendement en ce sens.
Mme Viviane Le Dissez. Je retire mon amendement.
Mme la ministre. Avis favorable.
L’amendement CD625 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CD697 tel qu’il vient d’être rectifié.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD698 rectifié de la rapporteure et CD626 de Mme Viviane Le Dissez.
Mme Viviane Le Dissez. Mon amendement CD626 vise à assurer la parité entre les femmes et les hommes au Conseil national de protection de la nature.
Mme la rapporteure. Mon amendement CD698 rectifié propose de renforcer les obligations en matière de représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein du Conseil national de protection de la nature et de procéder à des modifications rédactionnelles.
Mme la ministre. On ne peut pas renforcer l’obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein du Conseil national de protection de la nature dans la mesure où il s’agit d’une instance d’expertise. La création d’une telle structure constitue l’une des rares exceptions à l’obligation d’un strict respect de la parité. Madame la rapporteure, si vous acceptez de ne pas remplacer le terme « concourt » par le mot « assure », je soutiendrais l’adoption de votre amendement.
Mme la rapporteure. J’accepte votre requête, madame la ministre, et je me propose de supprimer le troisième alinéa de mon amendement.
Mme Florence Delaunay. Je maintins qu’il est dommage que la parité ne s’applique pas obligatoirement aux structures d’expertise. Cela me paraît quelque peu méprisant…
Mme Viviane Le Dissez. Je retire mon amendement.
L’amendement CD626 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CD698 2ème rectification.
Puis elle adopte l’article 5 ainsi modifié.
Article 6 (articles L. 371-2 et L. 134-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Intégration des missions du comité national « trames verte et bleue »
La Commission adopte l’article 6 sans modification.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 2 mars 2016 à 9 h 30
Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Guy Bailliart, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Sylvain Berrios, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Jacques Alain Bénisti, M. David Douillet, M. Laurent Furst, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, M. Rémi Pauvros, M. Napole Polutélé, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville
Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Batho, M. Dino Cinieri, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Serge Letchimy, M. Yannick Moreau, M. Lionel Tardy