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Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen, en deuxième lecture, sur le rapport de Mme Geneviève Gaillard, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 3442).
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, je vous indique qu’il nous reste à examiner 670 amendements.
Suite à un réexamen des amendements, et compte tenu des enjeux du titre IV portant sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages, j’ai décidé de mettre en discussion les amendements à l’article 18, qui avaient été précédemment écartés. Leurs auteurs ont été prévenus vendredi par message électronique.
Dans la suite du texte, n’ont pas pu être mis en discussion ni les amendements portant articles additionnels ni ceux proposant des dispositifs qui ne pouvaient pas être rattachés à un article restant en discussion.
Je rappelle qu’il est toujours possible de redéposer tous ces amendements pour la séance publique. La Commission aura l’occasion de donner son avis à leur propos lors de la réunion qu’elle tiendra, avant l’ouverture des débats, en application de l’article 88 du Règlement.
Je vous indique par ailleurs que doivent être déclarés irrecevables, au titre de l’article 40 de la Constitution, les amendements CD942 de M. Gérard Menuel, CD433 de M. Bernard Accoyer, et CD645 de M. Christophe Bouillon, tous les trois identiques à l’amendement CD313 de M. Dino Cinieri, déjà déclaré irrecevable.
Article 17 quater (article L. 213-8-1 du code de l’environnement) : Représentation des usagers non économiques dans les conseils d’administration des agences de l’eau
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD874 de M. Jean Launay, CD520 de Mme Laurence Abeille, et CD632 de Mme Delphine Batho.
Les amendements CD520 et CD632 sont identiques.
M. Jean Launay. Depuis que ce projet de loi a commencé son cheminement, les instances de bassin qui gèrent la politique de l’eau ont eu le temps de se renouveler en 2014. En première lecture, nous avions déjà évoqué la question de la représentation dans le collège des usagers où l’on retrouve les trois contributeurs aux redevances : les usagers domestiques et les deux usagers dits « professionnels », agriculteurs et industriels. De nombreux débats traversent ces instances ainsi que le Comité national de l’eau que j’ai l’honneur de présider à l’instigation de l’ancienne ministre de l’écologie, Mme Delphine Batho.
Ces débats portent sur la gouvernance et la représentation. Certains soutiennent que les usagers domestiques, qui supportent l’essentiel des redevances, que ce soit au titre du prélèvement sur la ressource ou de la pollution, n’ont pas le poids qui leur correspond dans le collège des usagers. Au moment où nous mettons en place l’Agence française de la biodiversité, alors que les redevances de l’eau seront très probablement appelées à payer pour la biodiversité – et pas seulement pour la diversité aquatique ou marine –, cette situation risque de créer un déséquilibre au sein des instances telles qu’elles existent actuellement et telles qu’elles seront amenées à évoluer.
Même si je comprends leur motivation, les amendements qui viseraient à porter la seule voix des usagers domestiques risqueraient de fragiliser le système des agences de l’eau alors qu’il est déjà difficile de faire accepter le principe de l’extension des interventions en faveur de la biodiversité au milieu marin. Je ne voudrais pas que la diminution du poids des acteurs économiques – que ce soit les agriculteurs, les industriels, ou les pêcheurs professionnels – remette en cause leur consentement à payer.
Mon amendement CD874 vise à garantir une représentation suffisante du sous-collège des usagers non professionnels au sein des conseils d’administration des agences de l’eau, tout en permettant une représentation des sous-collèges des usagers professionnels adaptée au territoire : c’est la raison pour laquelle nous avons prévu que l’équilibre entre les représentants des agriculteurs et assimilés et des industriels et assimilés pourra varier en fonction du caractère plus ou moins rural ou industriel du bassin. La désignation de personnalités qualifiées ou de représentants socioprofessionnels reste également possible.
Mme Laurence Abeille. J’entends qu’il est difficile de revenir dès aujourd’hui sur les évolutions qu’ont connues les agences de l’eau il y a relativement peu de temps. Cela étant, nous sommes réunis pour trouver un équilibre afin que les usagers puissent s’y sentir réellement représentés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Je comprends la complexité de la situation, mais je maintiens mon amendement CD520 tout en étant prête à accepter que la représentation des usagers n’évolue que lors du prochain renouvellement des conseils d’administration des agences. À la veille d’un nouveau bouleversement, nous donnerions aux acteurs un signe de notre volonté politique en précisant les choses dès aujourd’hui dans le texte de la loi.
Mme Delphine Batho. Monsieur le président, je vous présente mes excuses pour n’avoir pu assister à la fin des débats de la commission, mercredi dernier : je pensais naïvement que la séance serait levée à vingt heures… (Sourires)
Mon amendement CD632 est de cohérence avec les amendements CD630 et CD631 à l’article 17 ter qui ont été retirés mercredi.
Le rapport accablant de la Cour des comptes impose au législateur de prendre ses responsabilités.
Il n’est pas proposé de fixer une représentation proportionnelle à la redevance versée : la part des usagers économiques est donc pleinement respectée.
J’ajoute que, pour ma part, je refuse complètement la notion de « sous-collège » introduite au Sénat : les usagers non professionnels ne sont pas des sous-usagers. Il faut en revenir à des choses simples, c’est-à-dire à un principe d’égalité entre les professionnels et les autres.
Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La semaine dernière, nous avons décidé que, dans la mesure où des bouleversements ont déjà eu lieu en 2014 et où le nouveau système commence à fonctionner, les prochaines modifications ne seraient effectives que lors des prochains renouvellements des instances. Je suis donc plutôt favorable à l’amendement CD874 qui propose une solution d’attente dans la perspective de la réforme que nous appelons de nos vœux.
Les choses sont plus compliquées s’agissant des amendements CD520 et CD632, même si nous abondons dans le sens de Mme Batho : il n’y a pas de sous-usagers.
Je rappelle que le projet de loi élargit les missions des agences de l’eau. Je signale aussi que je soutiendrai en séance publique un amendement que M. Jean Launay n’a pas pu présenter la semaine dernière, et qui vise à alléger les redevances dues par les usagers. Ajoutons que le programme d’intervention des agences de l’eau se met en place pour 2018 : il me paraît en conséquence judicieux d’attendre que ces trois éléments trouvent une traduction dans la réalité pour avancer. Je suggère le retrait des amendements identiques.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Je suis favorable à l’amendement CD874 de M. Jean Launay, qui améliore le texte adopté au Sénat en autorisant une représentation des usagers professionnels adaptée aux caractéristiques du bassin.
Nous avons la volonté de ne pas déstabiliser dès aujourd’hui une réforme engagée il y a très peu de temps, en concertation avec les différents acteurs. Les conseils d’administration se mettent actuellement en place et les usagers ont obtenu une vice-présidence ; les acteurs commencent à peine à s’y retrouver dans une nouvelle organisation qui suscite plutôt des retours positifs.
Certaines attentes s’expriment cependant ; je les entends. Mais il faut aussi prendre garde à certains écueils. Le fameux rapport de la Cour des comptes, cité par Mme Delphine Batho, notait également la nécessité de renforcer la position de l’État dans les conseils d’administration, que les amendements CD520 et CD632 conduiraient pourtant à l’affaiblir – l’État ne détiendrait plus que 25 % des sièges contre 33 % actuellement –, en même temps qu’ils renforceraient la représentation des usagers économiques, qui passerait de moins de 20 % à 25 %.
Nous sommes parvenus à un compromis auquel il me semble que nous devons nous tenir. La réforme que les amendements de Mme Laurence Abeille et Mme Delphine Batho proposent sera envisagée, mais pour le prochain renouvellement, en 2020. En attendant qu’un autre amendement soit préparé en ce sens, je suggère leur retrait.
Mme Delphine Batho. Nous ne faisons que proposer de revenir à ce que l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture et que le Sénat a modifié. Les amendements que nous avions alors défendus ne touchaient pas à l’équilibre entre l’État et les collectivités territoriales, et cela était délibéré car, sur ce sujet, nous ne partageons pas le point de vue de la Cour des comptes. Nos amendements visaient l’égalité entre les usagers économiques et non économiques.
Je ne comprends pas bien la position qui consiste à accepter l’amendement de M. Jean Launay modifiant la composition du conseil d’administration des agences et entérinant de fait la notion de sous-collège, tout en refusant des amendements qui ne font que rétablir le texte adopté par l’Assemblée qui modifiait également la composition de ce conseil.
D’ici à la séance, je travaillerai, quoi qu’il en soit, à un ajustement pour le prochain renouvellement des conseils d’administration puisque la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », soulève un certain nombre de problèmes en matière de désignation des représentants des collectivités territoriales, en particulier pour ce qui concerne les communautés de communes. À mon sens, cela pose la question d’un renouvellement général des conseils d’administration des agences pour 2017 ou 2018.
Pour toutes ces raisons, je ne souhaite pas retirer mon amendement CD632.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. La situation me paraît un peu complexe… (Sourires) Je crois qu’un échange de vues s’impose et je propose une suspension de séance.
La réunion, suspendue à vingt heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je constate que les trois amendements en discussion commune sont maintenus. Je rappelle que notre rapporteure et le Gouvernement ont émis un avis favorable à l’amendement CD874.
La Commission adopte l’amendement CD874.
En conséquence, les amendements CD520 et CD632 tombent.
La Commission adopte ensuite l’article 17 quater ainsi modifié.
Article 17 quinquies (articles L. 213-8-3 et L. 213-8-4 [nouveau] du code de l’environnement) : Création d’une commission des aides au sein des agences de l’eau et d’un régime d’incompatibilités de fonctions pour les membres des conseils d’administration
La Commission est saisie de l’amendement CD633 de Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. L’Assemblée nationale avait adopté en première lecture un amendement identique, avec l’avis favorable du Gouvernement, afin de mettre en place un régime de prévention des conflits d’intérêts dans la gouvernance des agences de l’eau. Nous proposons de revenir à ce texte que le Sénat a modifié.
Mme la rapporteure. Je suis favorable à cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Il s’agit de prévoir des cas d’incompatibilité de la fonction de membre du conseil d’administration d’une agence de l’eau avec certaines fonctions définies par décret ainsi qu’une règle de fonctionnement visant à prévenir les conflits d’intérêts.
Il me paraît dommage de ne pas adopter la version du Sénat qui a amélioré la lisibilité du texte en supprimant les dispositions qui n’étaient pas de nature législative ou celles qui étaient inopérantes. Le Gouvernement avait de surcroît proposé par amendement de ne pas recourir à un décret, ce qui n’était pas indispensable. Aucune fonction ne paraît justifier une incompatibilité avec celle d’administrateur d’une agence de l’eau, à l’exception de celles qu’exercent les agents en exercice dans cette dernière, représentants du personnel exclus. Par ailleurs, à la demande de Mme Ségolène Royal, tous les conseils d’administration des agences ont adopté ou adoptent actuellement des chartes de déontologie homogènes et beaucoup plus complètes que ce que prévoit la loi, afin de prévenir tout conflit d’intérêts.
Toutefois, s’agissant de cet amendement, je m’en remets à la sagesse de votre commission.
Mme Delphine Batho. Le texte que nous avions adopté en première lecture était meilleur que le condensé qu’en a fait le Sénat : il prévoyait la mise en place d’une commission des aides dans chaque conseil d’administration, et il ne se contentait pas de poser des règles de déontologie : il mettait bel et bien en place un régime d’incompatibilités.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 17 quinquies est ainsi rédigé.
TITRE IV
ACCÈS AUX RESSOURCES GÉNÉTIQUES ET AUX CONNAISSANCES TRADITIONNELLES ASSOCIÉES ET PARTAGE JUSTE ET ÉQUITABLE DES AVANTAGES DÉCOULANT DE LEUR UTILISATION
Article 18 (articles L. 412-3 à L. 412-16 [nouveaux] du code de l’environnement) : Réglementation de l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées. Partage des avantages en découlant. Traçabilité et contrôle de l’utilisation
La Commission examine l’amendement CD775 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. La définition de l’utilisation des connaissances traditionnelles est particulièrement large, dans la mesure où les modalités d’études et de valorisation ne sont pas précisées. L’amendement CD775 tend à remédier à ce problème.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Cette précision restreint à mon sens le champ du texte. Il est de plus préférable de ne pas trop nous écarter du protocole de Nagoya sur lequel nous nous sommes appuyés.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. Les notions de patrimoine matériel et immatériel, mises en avant dans cet amendement, ne figurent pas dans le protocole de Nagoya alors que le projet de loi vise à mettre en œuvre ce protocole de la manière la plus fidèle possible.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CD776 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. La biodiversité ayant une assise territoriale, cet amendement vise à permettre aux régions et collectivités territoriales de bénéficier du partage des avantages, aux côtés de l’utilisateur et, selon le cas, de l’État ou des communautés d’habitants.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je rappelle que l’État est l’unique propriétaire des ressources : il n’est pas vraiment souhaitable de prévoir un partage avec les collectivités territoriales. Les retours se feront vers elles, mais le partage des avantages ne peut être prévu dans ces dispositions relatives aux grands principes qu’avec le propriétaire des ressources ou les communautés d’habitants, comme cela est prévu dans le projet de loi.
Mme la secrétaire d’État. Avis également défavorable. Je rappelle que le protocole de Nagoya impose que le partage des avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques se fasse exclusivement avec les communautés détentrice de ces connaissances.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD728 de la rapporteure.
M. le président Jean-Paul Chanteguet L’amendement CD729 de Mme la rapporteure est également rédactionnel.
Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, qu’un amendement soit rédactionnel ne signifie pas que l’on doive être automatiquement d’accord avec sa rédaction ! (Rires) Le français se cache derrière les détails…
Madame la rapporteure, vous allez très loin en invoquant des motifs rédactionnels pour supprimer certaines précisions adoptées par le Sénat. Ce dernier a indiqué que le partage des avantages permettait de contribuer à la création d’emplois « pour la population », faisant ainsi de la biodiversité une filière de développement locale. Pourquoi supprimer cette précision ? Elle ne me dérangeait pas…
Mme la rapporteure. La contribution à la création d’emplois se fait au niveau local : cela est déjà inscrit dans le texte. Pourquoi ajouter que ces emplois sont « pour la population » ? C’est une évidence ! À qui d’autres pourraient-ils être destinés ? De toute évidence, aux populations, pas aux oiseaux ni aux chiens ! (Sourires) Mon amendement est purement rédactionnel.
Mme Chantal Berthelot. Le Sénat a pris la peine d’apporter une précision ; je me disais que si elle avait un sens, il pouvait être utile de ne pas la supprimer.
Mme la rapporteure. Si vous ne voulez pas de cet amendement, je n’en ferai pas une affaire. Je trouvais que le texte était ainsi moins lourd, mieux rédigé en faisant disparaître ce que je considérais comme une évidence.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement de la rapporteure me semble typiquement d’ordre rédactionnel. J’y suis plutôt favorable parce que je n’aime pas les lois bavardes, mais je ne vois aucun problème si vous souhaitez conserver le texte en l’état. Je crois surtout que nous aurons à traiter des sujets plus importants. (Approbations diverses)
Mme Chantal Berthelot. Je ne me battrai pas davantage contre cet amendement… Nous serons plus bavards sur les suivants. (Murmures)
La Commission adopte l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement de précision CD730 de la rapporteure.
Mme Chantal Berthelot. Vous proposez un amendement de « précision » mais c’est justement le Sénat qui a précisé que les activités énumérées concernaient « le public et les professionnels locaux », ce que justement votre amendement tend à supprimer… Sans cette indication, introduite à l’initiative de sénateurs ultramarins, nous ne saurions pas quelle cible vise l’alinéa 18. Je veux bien qu’on collabore, mais avec qui et comment ?
Mme la rapporteure. Pour éviter que nous ne débattions trop longuement de ce sujet, je retire mon amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CD731 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’amendement CD731 vise à supprimer l’alinéa 19 tendant à inclure la restauration ou la fourniture de services écosystémiques en tant que mesures de partage des avantages, car un service écosystémique peut ne pas avoir d’impact positif sur la biodiversité. La mesure pourrait alors être contre-productive.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable. Dans la mesure où les modalités de partage des avantages au bénéfice des services écosystémiques sont déjà possibles, cet alinéa ne me paraît pas du tout indispensable.
Mme Chantal Berthelot. Cet alinéa, introduit au Sénat, ne se limite pas à la restauration et la fourniture des services écosystémiques : nous parlons de leur maintien, leur conservation, et leur gestion. Sa portée est donc beaucoup plus large que ce qui nous est dit. Il permet de revenir au protocole de Nagoya et au projet du Gouvernement qui s’était déclaré, crois-je savoir, favorable à cette disposition au Sénat.
M. Jean-Yves Caullet. Un service écosystémique sera nécessairement positif pour la biodiversité s’il est durable. L’inconvénient souligné par la rapporteure serait éliminé si nous apportions cette précision. Il y a des tas de choses dans un service écosystémique, qui parfois peuvent être exploitées de façon un peu « minière », sans souci de durabilité.
Mme la secrétaire d’État. Monsieur le député, un écosystème évolue toujours. Le service doit évoluer en conséquence… Je ne sais pas si le terme « durable » est vraiment adapté.
Mme la rapporteure. Je veux bien retirer mon amendement. Franchement, cela ne change pas grand-chose sur le fond !
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CD732 rectifié de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Je propose de supprimer l’alinéa 21 qui vise à donner la priorité aux actions autres que le versement de contributions financières, ce que ne prévoit notamment pas le protocole de Nagoya.
Mme la secrétaire d’État. Je suis plutôt favorable à cet amendement. Le dispositif de l’alinéa 21 n’est pas imposé par le protocole de Nagoya.
Mme Chantal Berthelot. Cet amendement touche au cœur du sujet. Les alinéas a à e du texte proposé pour l’article L. 412-3 du code de l’environnement proposent une série de définitions sur ce que peut être le partage des avantages. Les accords issus de la Conférence mondiale sur la biodiversité, tenue à Nagoya en 2010, ne comportent pas de dispositions particulières en cette matière.
Dans les territoires concernés par le champ de l’article 18, la biodiversité et l’accès aux ressources génétiques doivent à notre sens devenir des filières de développement économique. Autrement dit, il faut nous inscrire dans la durabilité. Il est de loin préférable de structurer des activités – par exemple en formant des jeunes à la cueillette – plutôt que de se contenter de donner un chèque. L’alinéa 21 montre en quoi la biodiversité constitue une ressource et une voie de développement dans les territoires, notamment ultramarins. Il est trop facile d’acheter, d’entrer dans une marchandisation des savoir-faire. C’est pour moi une forme de pillage. Nous avons des ressources génétiques et du savoir-faire ; il ne s’agit pas de les vendre, mais d’en faire de vraies filières de développement dans nos territoires. Il ne s’agit pas d’empêcher les financements, mais de faire une place à la connaissance dans le partage. Nous voulons faire en sorte que les ressources nationales perdurent sur le territoire national, avec les connaissances qui y sont liées.
Mme la rapporteure. N’étant pas de Guyane, je n’ai pas tout saisi des implications de votre propos, madame Berthelot. (Rires)
Constatant que certains refusaient de contribuer financièrement, j’ai déposé cet amendement afin de ne pas donner la priorité aux autres actions. On ne doit pas considérer le transfert financier comme la dernière option.
Je sais par ailleurs que certains souhaiteraient voir cet argent aller à l’Agence française pour la biodiversité (AFB). J’ai conscience que c’est une affaire assez compliquée, notamment chez nos compatriotes ultramarins. Cela pourrait aller totalement à l’inverse de ce qu’était l’intention des auteurs de ces amendements, comme l’esprit du protocole de Nagoya… Et l’on ne s’en aperçoit qu’après. Je sais que bon nombre d’entreprises n’ont absolument aucune envie de verser de l’argent.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mme Chantal Berthelot souhaite que l’on privilégie les autres actions que la contribution financière dans le partage des avantages.
Mme la rapporteure. C’est ce que j’ai dit.
M. Michel Heinrich. Non, vous avez dit le contraire !
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Effectivement. L’alinéa 21 indique que les actions mentionnées aux a à d sont examinées en priorité, autrement dit, qu’on les privilégie par rapport au versement d’une contribution financière.
Mme la rapporteure. Cela ne veut pas dire, à mon sens, que l’idée d’une contribution financière doive être examinée en dernier. Cela étant, je ne vis pas dans le territoire que représente Mme Berthelot ; je veux bien retirer mon amendement, si cela peut lui faire plaisir.
Mme Chantal Berthelot. Gardons notre sérénité… (Rires)
Au-delà du fait que je suis élue de Guyane et que cet alinéa résulte d’un amendement présenté par des sénateurs ultramarins, ce n’est pas une question de connaissance des territoires. Le savoir-faire des peuples autochtones de Guyane, comme celui de tous les peuples d’Amérique du Sud, repose qu’on le veuille ou non sur un lien spirituel, chamanique, à la terre. Nous souhaitons que les ressources génétiques et le savoir-faire des populations autochtones et locales permettent de développer de vraies industries dans nos territoires. D’autres pays ont été pillés après avoir reçu un chèque donnant à des acteurs extérieurs l’autorisation d’utiliser des ressources pour développer une activité qui n’a eu aucune retombée sur le territoire concerné. Nous ne souhaitons pas empêcher le versement de contributions financières ; nous disons seulement que les discussions avec les demandeurs doivent donner la priorité au développement local de filières économiques.
C’est dans cette logique que se sont inscrits tous les autres pays, Canada et autres. On ne peut pas se référer aux accords de Nagoya quand cela nous arrange et les mettre de côté quand on le désire.
Mme la rapporteure. Je retire mon amendement.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il conviendra de déposer un autre amendement en séance publique pour rendre cohérente la rédaction de cet alinéa et la mention du d) bis.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CD778 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. La référence à la communauté d’habitants tend à évincer le principe fondamental selon lequel les droits des autochtones résultent de leur lien à leur terre.
Depuis l’accord de Nouméa de 1998, le peuple kanak est reconnu en Nouvelle-Calédonie. Cela s’accompagne d’un statut civil coutumier régissant les rapports de nature civile entre les Kanaks, mais aussi les terres coutumières. Par ailleurs, dans des arrêts récents, les juridictions ont reconnu aux structures coutumières traditionnelles la personnalité juridique.
Cet amendement vise à insérer une référence aux communautés autochtones et locales à l’alinéa 22 de l’article 18 après la seconde occurrence du terme « habitants ».
Mme la rapporteure. Monsieur Olivier Falorni, nous avons longuement discuté de ce sujet lors de l’examen du texte en première lecture. Pour des motifs de conformité à la Constitution, je ne peux pas donner un avis favorable à l’adoption de cet amendement, je vous demande donc de le retirer.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement a choisi l’expression de « communautés d’habitants » pour transcrire en droit français la notion onusienne de « communautés autochtones et locales » et il ne souhaite pas l’abandonner. Le Conseil constitutionnel interdit de mentionner les populations autochtones. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie l’amendement CD388 de Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Les accords de Nagoya utilisent l’expression de « communautés autochtones et locales », vis-à-vis de laquelle le droit français se montre réfractaire. Au-delà du droit, prenons en compte, mes chers collègues, l’Histoire de la Guyane ! Les Amérindiens furent les premiers à habiter cette terre et ils forment bien un peuple autochtone.
Depuis la première lecture de ce texte, le Gouvernement a confié à une sénatrice, Mme Aline Archimbaud, et à une députée, Mme Marie-Anne Chapdelaine, la mission d’étudier les raisons expliquant que le taux de suicide chez les Amérindiens de Guyane soit dix fois supérieur au niveau de la métropole. Lorsque l’on déclare sa fierté de posséder en France le premier parc national en Europe, on oublie de rappeler que les Amérindiens vivent dans ce parc et l’entretiennent depuis des siècles grâce à leurs savoir-faire. Ces personnes demandent aujourd’hui une reconnaissance de leur travail et de leur culture. Le rapport de nos collègues montre très clairement que nous n’avons pas reconnu les droits de ces populations.
Nous, parlementaires, pourrions utiliser ce texte de loi, pour reconnaître, grâce aux accords de Nagoya, ces peuples autochtones. Les Français sont fiers de la biodiversité de leur parc naturel, mais ceux qui y vivent ne peuvent pas l’être, car on les a catalogués comme sauvages : c’est toute l’histoire de la colonisation. Or, aujourd’hui, on se tourne vers eux car leurs savoir-faire pourraient s’avérer très utiles. M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, part demain en Guyane où il rencontrera notamment les peuples autochtones et les chercheurs de l’institut recherche développement (IRD) pour régler le différend qui les oppose sur le couachi.
La France est diverse et un peuple premier, les Amérindiens de Guyane, vit en son sein. Il est nécessaire de le reconnaître.
M. Michel Heinrich. Très beau plaidoyer !
Mme la rapporteure. Madame Berthelot, il n’est pas question de nier l’importance des populations autochtones, mais nous nous sommes mis d’accord lors de l’examen du texte en première lecture, après en avoir débattu fort longtemps, pour ne pas retenir l’expression de « communautés autochtones », afin de ne risquer la censure du Conseil constitutionnel. Cela ne nous empêche pas de considérer ces populations avec respect et de prendre en compte leur apport dans le maintien de la biodiversité de notre territoire. Je vous demande de retirer votre amendement, car une décision négative du Conseil constitutionnel aurait des conséquences particulièrement dommageables pour le texte.
Mme la secrétaire d’État. Madame Chantal Berthelot, vous avez dit, avec vos tripes, des choses justes et touchantes. Les Amérindiens ont toujours joué un rôle dans la préservation de la biodiversité de ces territoires et dans le développement d’une connaissance et d’une culture dont la richesse est attestée au point que certains cherchent à se les approprier – en omettant d’ailleurs de rendre hommage à ces populations. Le texte reconnaît leur apport et cherche à leur conférer des droits. J’entends ce que vous dites, mais je refuse de prendre le risque d’une inconstitutionnalité qui les empêchera de bénéficier de ces avantages. Vous pourriez, en revanche, défendre plus tard une modification de la Constitution pour que l’inscription de tels termes dans la loi ne soit plus contraire à la norme suprême. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
Mme Danielle Auroi. Je suis un peu étonnée par ce que j’entends : le protocole de Nagoya, norme de droit international reconnue par l’Union européenne (UE), évoque les peuples autochtones, et la loi française refuserait d’employer ces termes ? Il serait intéressant de connaître l’avis du Conseil constitutionnel avant de proclamer qu’une telle disposition est contraire à la Constitution. Afin de ne pas maintenir un néocolonialisme culturel, encore plus indécent lorsque l’on travaille contre la biopiraterie et que l’on souhaite valoriser l’apport et les connaissances des populations amérindiennes, il importe de reconnaître ces dernières comme des peuples autochtones et non pas simplement comme des communautés d’habitants.
Mme Chantal Berthelot. L’art de la répétition est une bonne chose, y compris dans cette maison… (Sourires)
Il n’est heureusement pas besoin d’être un constitutionnaliste ou un juriste distingué pour être un bon législateur, et c’est heureux. Lors de la création du parc amazonien de Guyane, le Gouvernement était conscient de la nécessité de prendre en compte la biodiversité. La loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux comporte une partie spécifique dédiée au parc amazonien de Guyane. Le Conseil d’État, dans une décision du 28 novembre 2013, n’a pas contesté l’emploi de l’expression « communautés autochtones et locales » dans la charte du parc amazonien de Guyane, où il est écrit « […] la mission de protection des patrimoines culturels revêt ici une dimension bien particulière. En effet, le patrimoine culturel, loin d’être réduit à un ensemble de patrimoines matériels à conserver, est constitué de cultures vivantes, de représentations de l’environnement et de modes de vie et de gouvernance que les communautés autochtones et locales ont développés en interaction avec leur environnement ». Autrement dit, lorsqu’il s’agit pour le Gouvernement, ou pour l’État français, de trouver des artifices pour mettre au point un statut particulier du parc de Guyane et un dispositif expérimental pour intégrer l’APA dans la charte, la notion de communauté autochtone n’a rien d’inconstitutionnel !
Au regard de la Constitution, le problème réside dans le mot « peuple » et non dans le terme « autochtone » ; mon amendement propose donc d’insérer l’expression de « communautés autochtones et locales » et non de « peuples autochtones et locaux ». Les Amérindiens revendiquent le statut de « peuple autochtone » : le peuple français est un, mais on peut reconnaître sa diversité et sa richesse liées à l’existence de plusieurs peuples et de plusieurs communautés.
Mme la rapporteure. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. La séance est suspendue pour cinq minutes.
La séance, suspendue à vingt et une heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.
La Commission adopte alors l’amendement CD388.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’indique qu’il y a eu neuf voix pour cet amendement et trois contre.
Puis elle en vient à l’amendement CD389 de Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Je retire cet amendement, monsieur le président.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CD779 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Le texte définit les connaissances par le fait qu’elles sont détenues « de manière ancienne et continue », ce qui ne s’avère pas satisfaisant car l’origine de leur émergence et leurs modes de transmission importent davantage que leur ancienneté. Cet amendement vise à remplacer ces termes par celui de « traditionnel », qui permet de renvoyer aux modes de constitution et de transmission des savoirs intergénérationnels.
Mme la rapporteure. Le terme de « traditionnel » renvoie au caractère ancien et continu des connaissances, si bien que cette substitution n’apporte rien, d’autant plus que votre amendement, monsieur Falorni, ne définit pas le mot « traditionnel ». Autrement dit, on ne fait que répéter la même chose… Il me paraît plus judicieux de dire qu’une connaissance traditionnelle est une connaissance détenue de manière « ancienne et continue ». J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de votre amendement.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement n’améliore pas la définition prévue par le texte, simple et facile à comprendre. J’émets un avis défavorable à son adoption.
L’amendement est retiré.
La Commission aborde l’amendement CD780 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Cet amendement vise à définir la notion d’« espèces sauvages », qui ne figure dans aucun texte juridique alors que l’alinéa 23 caractérise celle d’« espèces sauvages apparentées ». Cela est très important dans les outre-mer, où plusieurs espèces sauvages sont utilisées et valorisées dans l’agriculture.
Mme la rapporteure. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CD781 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Cet amendement propose de supprimer l’alinéa 41 de l’article 18 pour ne pas exclure du régime d’accès et de partage des avantages (APA) les connaissances traditionnelles que l’on ne peut attribuer à une ou plusieurs communautés d’habitants.
Mme la rapporteure. Il serait dommage de supprimer l’alinéa 41 ; en effet, il arrive de ne pas connaître l’identité des communautés ayant fait émerger certaines connaissances, ce qui complexifie les négociations et le partage de ces savoirs. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Le protocole de Nagoya n’impose aux États parties la création d’un dispositif sur ce sujet car sa mise en œuvre serait très ardue. Cette question de la prise en compte des connaissances traditionnelles qui ne peuvent être attribuées et de la redistribution des avantages retirés des exploitations en matière de recherche et de développement s’avère intéressante ; la France pourra la porter dans le cadre des travaux des parties au protocole de Nagoya portant sur l’article 10, qui traite du mécanisme multilatéral mondial de partage des avantages. Je suis donc défavorable à l’adoption de cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle étudie l’amendement CD782 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. L’alinéa 42 met fin à des revendications pourtant légitimes sur les connaissances, qui ont été partagées par les communautés et qui ont été versées dans le domaine public sans de justes compensations. Il valide ainsi le rapport de force et les abus qui ont permis aux chercheurs d’utiliser de longue date et de façon répétée ces connaissances en dehors des communautés. Nous proposons de le supprimer.
Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable à l’adoption de cet amendement, car il n’aura aucun impact, les connaissances qu’il vise étant exclues du protocole de Nagoya.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement vise à conserver dans le champ d’application du dispositif les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques dont les propriétés sont bien connues et qui ont été utilisées de longue date et de façon répétée en dehors des communautés d’habitants qui les partagent. Parmi les usages de ces connaissances figure la tisanerie de nombreuses plantes comme le tilleul ou la verveine. Votre amendement représente plutôt une source d’insécurité juridique, et j’émets un avis défavorable à son adoption.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CD391 de Mme Chantal Berthelot et CD783 de M. Ary Chalus.
Mme Chantal Berthelot. L’amendement CD391 est défendu.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD783 également.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle en vient aux amendements identiques CD316 de M. Dino Cinieri, CD687 de M. Jacques Krabal et CD733 de la rapporteure.
M. Dino Cinieri. Amendement de cohérence rédactionnelle avec l’alinéa 24 de l’article 18.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD687 est défendu.
Mme la rapporteure. L’amendement CD733 également.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle est saisie de l’amendement CD287 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 49 qui prévoit deux dispositions engendrant une application rétroactive des règles relatives au partage des avantages des ressources génétiques. Outre l’insécurité juridique qu’elles induisent, ces mesures mettent en péril la compétitivité des organismes de recherche français qui se voient imposer une réglementation plus contraignante que leurs concurrents européens.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle aborde l’amendement CD530 de Mme Danielle Auroi.
Mme Danielle Auroi. Cet amendement propose de revenir à la rédaction initiale du texte en substituant au critère de changement d’activité celui de changement d’objectifs et de contenu. M. Jérôme Bignon, rapporteur du texte au Sénat, a souligné à juste titre combien cette modification introduite par ses collègues de droite allait vider ce dispositif de toute portée.
Supposons que, après avoir mené une étude reposant sur la pharmacopée des populations locales d’un territoire d’outre-mer, un institut de recherche dépose avant la date d’entrée en vigueur de cette loi un premier brevet sur l’utilisation d’une molécule active d’une plante connue pour ses vertus médicinales – anticancéreuses, par exemple. L’institut de recherche déciderait par la suite d’exploiter cette molécule pour la commercialisation d’un autre médicament. Il s’agirait bien du même domaine d’activité, celui de la recherche médicale, de la même ressource génétique et de la même étude de savoirs traditionnels des populations locales, mais l’utilisation différerait et ne serait plus soumise au dispositif d’APA. En outre, la procédure est simplement déclarative, la demande d’autorisation ne s’avérant nécessaire que pour la poursuite d’un objectif de développement commercial. La première rédaction est nettement plus claire et nous devrions la rétablir.
Mme la rapporteure. Je suis favorable au retour au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture et donc à l’adoption de cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Je ne souhaite pas revenir sur un amendement voté par le Sénat pour lequel le Gouvernement avait émis un avis favorable. La rédaction du Sénat s’avère plus simple et moins sujette à interprétation, si bien que je suis opposée à l’adoption de cet amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CD288 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. Le dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages repose sur un système dual de déclaration-autorisation.
Le fait générateur de l’application du régime d’autorisation est l’accès aux ressources génétiques en vue de leur utilisation à des fins de connaissance sur la biodiversité, de conservation en collection ou de valorisation avec objectif direct de développement commercial. Cette notion d’objectif direct de développement commercial nécessite d’être définie par un décret en conseil d’État afin de garantir une sécurité juridique aux utilisateurs.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : je ne suis pas sûre qu’il faille renvoyer systématiquement à un décret spécifique.
Mme la secrétaire d’État. J’y suis défavorable également.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD1046 du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. À la suite de l’amendement adopté en première lecture au Sénat, le présent amendement vise à préciser la procédure d’information des communautés d’habitants sur les déclarations d’accès aux ressources génétiques. Afin de garantir à cette disposition toute son efficacité, il est proposé de communiquer cette information aux populations concernées par le biais de la personne morale de droit public prévue dans le dispositif d’accès aux connaissances traditionnelles. Je proposerai, par ailleurs, un amendement CD1047 portant sur l’alinéa suivant. Ces deux amendements garantissent la constitutionnalité de l’alinéa 61 et du suivant, la rédaction sénatoriale comportant, en effet, un risque en la matière.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas défavorable à cet amendement, d’autant que j’aborde moi-même le sujet dans l’amendement CD734 rectifié, que nous allons examiner dans un instant et qui vise à modifier la nouvelle obligation, instituée par le Sénat, de restitution aux communautés d’habitants des informations et connaissances acquises à partir des ressources génétiques prélevées.
Il apparaît que cette nouvelle obligation n’est pas stabilisée en l’état. Il sera donc proposé de supprimer les mots « à l’issue des travaux de recherche » qui rendent le terme de cette disposition incertain et de prévoir que la restitution se fait auprès de la personne morale de droit public compétente, ce qui est une meilleure solution.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CD734 rectifié de la rapporteure et CD1047 du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. Je retire l’amendement du Gouvernement au profit de celui que la rapporteure vient de défendre.
L’amendement CD1047 est retiré.
Puis la commission adopte l’amendement CD734 rectifié.
Elle en vient aux amendements identiques CD392 rectifié de Mme Chantal Berthelot et CD531 rectifié de Mme Danielle Auroi.
Mme Chantal Berthelot. Nous souhaitons que soit respecté le parallélisme des formes : l’obligation préalable étant déjà prévue à l’alinéa 68 pour les déclarations relatives à l’accès aux ressources génétiques à des fins non commerciales, il s’agit ici de l’étendre aux autorisations relatives à l’accès aux ressources génétiques à des fins commerciales.
Mme Danielle Auroi. Au cours de la discussion du texte au Sénat, il a été montré que certaines communautés ne vivaient pas forcément dans des parcs ; c’est le cas à Mayotte, à Wallis-et-Futuna ou dans certains endroits de Guyane, à l’extérieur du parc national. C’est pourquoi le présent amendement vise à faire en sorte que la personne morale de droit public mentionnée à l’article L. 412-8 organise l’information de toutes les communautés d’habitants concernées, y compris quand la déclaration concerne l’exploitation commerciale des ressources génétiques.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte ces amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD393, deuxième rectification, de Mme Chantal Berthelot et CD532 rectifié de Mme Danielle Auroi.
Mme Chantal Berthelot. L’amendement CD393, deuxième rectification, tend à créer une obligation de restitution aux communautés d’habitants des informations acquises à partir des ressources génétiques prélevées.
Mme Danielle Auroi. Puisque les communautés concernées participent à la préservation des ressources génétiques, elles ont le droit de recevoir les informations scientifiques qui en sont issues et le droit de savoir à quelles fins commerciales seront utilisées les molécules. Mon amendement CD532 rectifié est d’une grande cohérence.
Mme la rapporteure. Je souhaite m’assurer que ces amendements visent bien l’utilisation commerciale des ressources génétiques. Car j’ai du mal à imaginer qu’une entreprise produisant des cosmétiques vienne avec sa bouteille de shampoing pour montrer aux habitants ce qui a été fabriqué à l’aide des ressources. Je vois mal comment vos amendements pourraient se traduire dans les faits. Vous rendez-vous compte de ce qu’ils impliquent ? Une fois que l’entreprise en question aura effectué ses recherches, conçu des produits cosmétiques et autres, que viendrait-elle donc restituer aux populations ?
Mme Danielle Auroi. Il est prévu que la restitution soit faite auprès de la personne morale.
Mme la rapporteure. Certes, mais, quinze ans après les recherches engagées et la création d’un produit – admettons que ce soit une crème de jour – (Sourires), je vois très mal la manière dont cela peut se passer. Après, si vous pensez qu’il s’agit d’une disposition importante, je n’y vois pas d’inconvénient, mais, je le répète, je pense qu’il sera très compliqué d’appliquer ce que vous demandez.
Mme la secrétaire d’État. Vous souhaitez imposer aux chercheurs qu’ils restituent aux communautés d’habitants les résultats de leur travail quand ils ont une visée commerciale. Je partage votre préoccupation mais je m’interroge sur l’opportunité de l’inscrire dans la loi. Il me semble en effet que, dans le cas de recherches donnant lieu à la commercialisation d’un produit, la restitution des résultats de la recherche a plutôt vocation à faire partie des modalités de partage des avantages non monétaires qui pourraient être traitées dans les textes d’application à venir. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
Mme Viviane Le Dissez. Je vois difficilement, moi aussi, comment une telle disposition pourra s’appliquer et, au-delà, comment une entreprise pourra communiquer son savoir-faire tout en respectant les critères de confidentialité liés à la fabrication de son produit, comment, donc, elle conciliera l’obligation prévue avec le secret professionnel.
Mme Danielle Auroi. Certes, chère collègue, mais le savoir-faire en question est celui, précisément, des populations traditionnelles. Par exemple, le Brésil, estimant que les populations concernées étaient pillées, a bloqué toute recherche menée sur les ressources d’Amazonie par les grands laboratoires de cosmétique – je pense plus précisément à la plus grande entreprise du monde dans ce secteur. Par conséquent, il est plus intelligent, me semble-t-il, dans le cadre du protocole de Nagoya qui vise tout de même, il ne faut pas l’oublier, à lutter contre la biopiraterie, de faire confiance à la personne morale qui servira d’interface, et de reconnaître et les savoir-faire et leurs utilisations.
Du reste, plusieurs laboratoires mettent déjà en pratique ce que nous préconisons : c’est le cas d’au moins deux en Guyane et de deux autres au Pérou. Le dispositif dont nous souhaitons la mise en place fonctionne donc pour peu que la volonté politique ne fasse pas défaut.
Mme Chantal Berthelot. La restitution est déjà prévue quand l’accès aux ressources génétiques est réalisé à des fins non commerciales. Pourquoi ne serait-ce pas le cas si ces fins sont commerciales ? Nos amendements visent donc à équilibrer le texte, à établir un rapport de confiance.
Mme la rapporteure. Je reste très réservée.
La commission adopte l’amendement CD393, deuxième rectification.
En conséquence, l’amendement CD532 rectifié tombe.
La commission examine l’amendement CD814 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Parallèlement à l’article 412-10-II, la précision relative à l’interdiction d’utiliser des ressources génétiques à d’autres fins que celles mentionnées dans l’autorisation figure au paragraphe 4 concernant la décision portant sur les connaissances traditionnelles. Il n’y a aucune raison pour qu’elle ne soit pas aussi mentionnée concernant la décision relative à l’accès aux ressources génétiques.
Mme la rapporteure. Cet amendement me paraît inutile puisqu’il est déjà prévu que l’autorisation fixe les conditions d’utilisation des ressources génétiques.
Mme la secrétaire d’État. L’idée énoncée par l’amendement est inhérente à tout acte administratif autorisant une activité ; et si cette mention a en effet été intégrée dans la procédure relative aux connaissances traditionnelles associées, c’était uniquement pour des raisons pédagogiques Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CD735 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il est proposé d’en revenir à la rédaction de l’Assemblée qui ne définissait pas strictement les moyens par lesquels la biodiversité est significativement affectée, alors que le Sénat propose de les définir : la biodiversité serait significativement affectée « en restreignant l’utilisation durable de la ressource génétique pour laquelle un accès est demandé ou en l’épuisant ». Ces dispositions constituent un des motifs pour lesquels une demande d’accès à une ressource génétique peut être refusée.
Mme la secrétaire d’État. La modification introduite par le Sénat risque de nous conduire à des situations où la France accorderait l’accès à ces ressources génétiques pour des activités qui nuiraient à la biodiversité. Je suis donc favorable au présent amendement.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD314 de M. Dino Cinieri et CD815 de M. Ary Chalus.
M. Dino Cinieri. La prise en compte du chiffre d’affaires revient à ne pas tenir compte de tous les frais de recherche et développement et de production qui ont précédé la commercialisation des produits et qui imputent en grande partie le bénéfice généré par le produit. Mon amendement CD314 propose donc, à l’alinéa 75, de remplacer les mots : « chiffre d’affaires » par les mots : « bénéfice net ».
M. Olivier Falorni. Dans la mesure où le fait de calculer les contributions financières susceptibles d’être versées par les utilisateurs sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires annuel mondial se révélerait particulièrement préjudiciable aux petites et moyennes entreprises, notamment locales, – ce qui va à l’encontre de l’économie du projet de loi –, il est proposé dans l’amendement CD815 de prendre le bénéfice pour base de calcul.
Mme la rapporteure. Je ne vois pas comment une entreprise, sur un produit particulier, peut calculer le bénéfice net. Adopter l’un de ces deux amendements reviendrait à créer une usine à gaz épouvantable. C’est pourquoi il me paraît plus raisonnable de garder le chiffre d’affaires comme base de calcul.
Mme la secrétaire d’État. Le protocole de Nagoya impose un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées ; il ne précise pas si le terme « avantages » correspond au chiffre d’affaires ou au bénéfice. Par souci de simplicité, et je rejoins la rapporteure, et pour faciliter l’instruction des dossiers, le Gouvernement estime préférable d’asseoir le calcul sur le chiffre d’affaires du ou des produits développés à partir de la ressource génétique ou de connaissances traditionnelles associées, élément facilement identifiable dans les comptes de l’utilisateur. Par contre, il serait beaucoup plus délicat d’isoler du bénéfice net la part relevant d’un produit ou d’un procédé découlant de l’usage de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles. J’ajoute que je donnerai des instructions de manière à favoriser un partage des avantages sous une forme non monétaire. Je suis donc défavorable aux deux amendements.
M. Gérard Menuel. Le système prévu par votre texte est sans doute simple, mais il est particulièrement injuste et très préjudiciable en matière de recherche et très préjudiciable aux PME et aux TPE du secteur. La comptabilité analytique existe, par ailleurs…
M. Dino Cinieri. Chiffre d’affaires et bénéfice net sont deux éléments totalement différents. Quand on investit à l’extérieur, notamment dans la recherche, dans l’immobilier, dans le personnel, et quand on a un produit commercial à développer, encore faut-il que l’on puisse disposer d’une marge pour pouvoir réinvestir.
M. Michel Heinrich. Le bénéfice net sert en général de base de calcul dans les autres pays : ainsi, le Brésil taxe le bénéfice à hauteur de 1 %. Votre dispositif défavoriserait les entreprises françaises.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle en vient à l’amendement CD315 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. La disposition qui fixe un plafond maximum de 5 % du chiffre d’affaires annuel mondial hors taxes réalisé est disproportionnée au regard des montants d’avantages pratiqués aujourd’hui par les utilisateurs de ressources génétiques. De surcroît, le calcul de ce pourcentage ne permet pas de prendre en compte les sommes considérables investies en recherche et développement. Enfin, cette disposition, sans équivalent dans d’autres pays européens, aurait comme effet pervers de détourner les acteurs de la recherche des ressources présents sur le territoire national et particulièrement dans les territoires d’outre-mer.
Mme la rapporteure. Vous proposez que le chiffre d’affaires en fonction duquel la contribution sera calculée ne soit pas le chiffre d’affaires mondial mais celui réalisé en France. Je ne vois pas pourquoi…
Mme la secrétaire l’État. Avis défavorable : cet amendement n’est pas dans l’esprit du protocole de Nagoya.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les deux amendements identiques CD533 de Mme Danielle Auroi et CD736 de la rapporteure.
Mme Danielle Auroi. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale du Gouvernement, qui prévoyait que les contributions financières susceptibles d’être versées par les utilisateurs ne pouvaient dépasser un plafond à 5 % du chiffre d’affaires annuel mondial hors taxes réalisé et des autres revenus. Les sénateurs l’ont ramené à 1 %. En outre, le taux de 5 % auquel nous souhaitons revenir est modulable puisque le pourcentage retenu peut être inférieur.
Mme la secrétaire d’État. Je suis favorable à ces amendements.
M. Michel Heinrich. La position de la secrétaire d’État est étonnante puisque contraire à celle de Ségolène Royal au Sénat, qui estimait le taux de 1 % raisonnable, ajoutant : « Le Gouvernement tient compte du débat démocratique et prend en considération les bonnes idées qui émergent. Nous faisons un travail de coconstruction législative, notre objectif commun étant l’amélioration du texte. » Pour le reste, le taux initial de 5 % est vraiment prohibitif, d’autant que vous décidez de taxer le chiffre d’affaires et non le bénéfice net.
M. Gérard Menuel. On s’écarte complètement de la real économy : un taux de 5 %, vous ne vous rendez pas compte !
Mme la rapporteure. Il s’agit d’un plafond.
M. Gérard Menuel. Peut-être, mais il n’empêche que même 1 % du chiffre d’affaires, c’est déjà énorme pour des entreprises qui vont faire 0,5 % ou 1 % voire 2 % de résultat – citez-moi des entreprises qui réalisent 5 à 10 % de résultat au niveau mondial !
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement avait en effet entendu un certain nombre d’arguments au Sénat. Mais nous entendons également ceux de votre rapporteure : elle ne propose rien d’autre que d’en revenir à une proposition initiale du Gouvernement qui, très « realpolitiquement » parlant, s’alignait sur la pratique de l’Australie, pays comparable à la France en matière de biodiversité et de développement économique.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte ces amendements.
Elle en vient à l’amendement CD816 de M. Ary Chalus.
M. Olivier Falorni. Comme le soulignait le texte initial, « la biodiversité est […] une force économique pour la France. […] Elle assure des services qui contribuent aux activités humaines [et au bien-être des populations], dits services écosystémiques ».
La prise en compte par l’utilisateur de ces services doit donc pouvoir apparaître comme une alternative au versement d’une contribution financière, et ce d’autant plus que la promotion des services écosystémiques figure au deuxième rang des missions imparties à l’Agence française pour la biodiversité. À l’alinéa 77, après la référence : « L. 412-17 », il est donc proposé d’insérer les mots : « ou lorsque l’activité ou ses implications participe au maintien, à la conservation, à la gestion, à la fourniture ou à la restauration des services écosystémiques, ».
Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable, car je comprends qu’il s’agirait de supprimer la possibilité d’une contribution financière si l’activité participe à la conservation des services écosystémiques. Cela me paraît malvenu…
Mme la secrétaire d’État. Je rappelle que le versement d’une contribution financière pour le partage des avantages n’est pas systématique. Le texte prévoit de nombreuses autres modalités de partage qui pourront s’avérer pertinentes pour ce type d’utilisateur. Par ailleurs, l’amendement fait référence aux services écosystémiques. Le lien entre l’état de la biodiversité et la fourniture de services écosystémiques n’est pas établi scientifiquement. Par exemple, un milieu dégradé par des espèces exotiques envahissantes peut produire de nombreux services écosystémiques : stockage de carbone, production de biomasse, aménité paysagère… Cet amendement ne serait pas du tout opérationnel et de surcroît contraire à l’esprit du protocole de Nagoya.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CD737 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. À l’alinéa 79, je propose de supprimer les mots : « , de manière proportionnelle, ». En effet, comment calculer la part importante de la biodiversité des outre-mer dans la biodiversité nationale lors de la redistribution des avantages financiers ? Disposons-nous de données suffisamment exactes ?
Mme la secrétaire d’État. Même si Je suis attachée à ce que l’AFB tienne compte de la part importante de la biodiversité des outre-mer, je suis d’accord avec la rapporteure, et donc favorable à son amendement : il est impossible d’en mesurer la proportion exacte.
Mme Chantal Berthelot. Je suis surprise de l’avis exprimé par la secrétaire d’État : je pensais qu’elle serait favorable à la prise en compte de façon proportionnelle de la biodiversité des outre-mer. Si le mot « proportionnelle » ne convient pas, on aurait pu rédiger un amendement gardant l’idée d’une prise en compte plus précise.
Mme la rapporteure. Nous le savons tous pour l’avoir dit et répété cent fois : les outre-mer participent pour une grande part à la biodiversité française et il ne saurait donc être question, en votant cet amendement, de ne plus le reconnaître.
Mme Chantal Berthelot. Votre force de conviction me trouble, madame la rapporteure, si bien que je me range à vos arguments. (Sourires)
La commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD396 rectifié de Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. En 2006, le Gouvernement a compris qu’il fallait prendre en compte la réalité des Amérindiens et des Bushinengue et, par un décret du 17 juin 2008, a créé le Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge de Guyane (CCPAB).
Le présent texte prévoit qu’une personne morale organise la consultation des populations autochtones. Je vous propose, dans ce cadre, de faire sinon un grand pas, du moins de faire un pas en donnant toute sa place au CCPAB dans le recueil du consentement de ces populations.
Mme la rapporteure. Bien entendu, nous pouvons être favorables à cet amendement. J’appelle cependant votre attention, chère collègue, sur le fait que le CCPAB n’est pas une personne morale de droit public. Dès lors, si nous adoptons votre amendement, ce à quoi je ne vois aucun inconvénient, il faudra impérativement que le CCPAB change de statut car il ne pourrait, en l’état actuel, remplir la mission que vous entendez lui donner.
Mme la secrétaire d’État. En effet, votre amendement entend renforcer le rôle du CCPAB ; mais, comme l’a très bien rappelé Geneviève Gaillard, ce conseil étant une commission administrative de nature consultative dépourvue de la personnalité morale, il ne peut pas, par définition, remplir le rôle ici prévu de la personne morale de droit public : pour mémoire, il est important, pour cette dernière, d’avoir la capacité d’ester en justice afin de défendre les droits des communautés d’habitants qui auraient été lésés.
Pour que votre proposition soit opérationnelle, il vous faudra donc prendre les dispositions nécessaires pour doter le CCPAB de la personnalité morale ; mais je crois que c’est votre intention et c’est pourquoi je suis favorable à votre amendement.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD289 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. Le texte ne prévoit pas d’associer les communautés d’habitants à la négociation et à la signature du contrat de partage des avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques. Leurs représentants doivent être partie au contrat.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : c’est l’État qui est propriétaire des ressources génétiques. On ne peut, pour des motifs constitutionnels, donner une forme de souveraineté à certaines communautés sur certaines ressources. C’est donc bien la personne morale de droit public qui organise la bonne tenue des négociations et c’est elle, donc l’État, qui signe le contrat.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CD390 de Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Cet amendement de précision vise, à l’alinéa 89, à insérer, après le mot « pertinentes », les mots : « , coutumières ou traditionnelles, ».
Mme la rapporteure. J’ai l’impression que l’ajout de ces deux adjectifs ferme un peu l’horizon du texte. Si vous pensez le contraire et comme je ne souhaite pas qu’on discute de cet amendement pendant trois heures, j’y serai favorable, mais faites attention : à croire croit bien faire, il arrive parfois qu’on se trompe… (Sourires)
Mme la secrétaire d’État. En effet, êtes-vous certaine, madame Chantal Berthelot, que les représentations pertinentes des communautés d’habitants se réduisent toutes, selon les contextes, aux seules structures coutumières ou traditionnelles ? C’est pourquoi je ne vois pas bien l’intérêt de cette précision.
Mme Chantal Berthelot. Je ne peux pas retirer mon amendement puisque j’y précise ma pensée. Nous ne supprimons pas le mot « pertinentes », mais nous lui ajoutons les mots « , coutumières ou traditionnelles, ».
Mme la rapporteure. On a compris ! (Murmures et rires)
Mme Chantal Berthelot. En effet, il y a des revendications coutumières et traditionnelles en Guyane. Il s’agit donc de donner la possibilité aux communautés d’habitants en question d’être représentées. Or, dans ce contexte, le mot « pertinentes », justement, est bien large. N’est-ce pas ?
Mme la rapporteure. Je ne suis pas sûre de partager votre point de vue. (Rires)
Mme la secrétaire d’État. L’interprétation peut être sujette à caution, je vous parle d’expérience. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme la rapporteure. Je reste, quant à moi, très réservée.
La commission rejette l’amendement.
La Commission en vient à l’amendement CD534 de Mme Danielle Auroi.
Mme Danielle Auroi. Cet amendement a pour objet de définir les modalités de participation des communautés autochtones.
J’avais proposé en première lecture un amendement permettant d’assurer que les modes de consultation seront bien adaptés aux modes de vie des communautés. La rapporteure avait alors répondu que cette préoccupation était satisfaite par l’alinéa 90, qui prévoit que la personne morale de droit public détermine des modalités d’information adaptées aux communautés d’habitants concernées.
Or cet alinéa 90 prévoit que la personne morale de droit public détermine des modalités d’information des communautés d’habitants concernés, mais pas les modalités de leur participation, alors même que la personne morale de droit public doit s’en assurer. Organiser une telle participation effective à la démarche consultative peut présenter de nombreuses difficultés : pratiques coutumières différentes, barrières culturelles et linguistiques, méthodes de communication, les obstacles sont nombreux.
Il faut donc faire preuve de cohérence, en précisant clairement les différentes étapes du processus. Certes, il faut faire confiance aux acteurs de terrain pour mettre en place des procédures adaptées, mais il est important de spécifier qu’il appartient in fine à la personne morale de droit public de déterminer, au même titre que les modalités d’information, les modalités de participation qu’elle estime les mieux adaptées à chaque territoire en tenant compte des spécificités locales.
Mme la rapporteure. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Nous considérons toujours cet amendement comme satisfait, et nous suggérons son retrait.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CD535 de Mme Danielle Auroi et CD817 de M. Ary Chalus, ainsi que l’amendement CD394 de Mme Chantal Berthelot.
Mme Danielle Auroi. L’amendement CD535 vise à renforcer l’obligation de recueillir un consentement préalable des communautés d’habitants, donné en connaissance de cause, pour toute utilisation de leurs connaissances traditionnelles, conformément à l’article 7 du Protocole de Nagoya.
La terminologie « au vu », que cet amendement propose de remplacer, est imprécise et n’implique pas la conformité, mais un simple visa. Or la décision de l’autorité administrative doit tenir compte de l’ensemble des étapes du processus de consultation notifiées dans le procès-verbal, et en particulier du recueil du consentement préalable en connaissance de cause.
Pour que le consentement préalable et les conditions d’utilisation posées par les communautés d’habitants soient dûment respectés, le contrat doit être conforme au contenu du procès-verbal, et non pas simplement y faire référence. Cette nouvelle terminologie permet de combler cette lacune.
M. Olivier Falorni. L’amendement CD817 a exactement le même objet. « Au vu » est une terminologie imprécise qui n’implique pas la conformité mais un simple visa. Pour que le consentement préalable et les conditions d’utilisation posées par les communautés d’habitants à l’utilisation de leurs connaissances traditionnelles soient respectés, le contrat doit être conforme au contenu du procès-verbal, et non pas simplement y faire référence. L’article 7 du protocole de Nagoya prévoit bien que : « l’accès aux connaissances traditionnelles […] soit soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause ou à l’accord et à la participation de ces communautés autochtones et locales […] ».
Il est important que les conditions d’utilisation demandées par les communautés soient bien reprises dans l’autorisation, car c’est elle qui déterminera les conditions dans lesquelles pourront être utilisées les connaissances traditionnelles.
Mme Chantal Berthelot. Mon amendement CD394 est défendu.
Mme la rapporteure. Ce n’est pas un sujet facile, il faut faire extrêmement attention. Il s’agit de ressources génétiques qui appartiennent à l’État.
Il m’apparaît donc que l’autorité administrative, qui est propriétaire, peut accorder ou refuser l’utilisation de ces ressources au vu du procès-verbal, mais elle n’est pas obligée de faire exactement ce que veulent les communautés.
Il faut laisser une certaine autonomie aux collectivités et à l’autorité publique, conformément au fonctionnement normal de notre démocratie. Il est des moments où il faut faire des choix. Nous laissons donc à l’autorité administrative le soin de prendre sa décision, après avoir pris connaissance d’un certain nombre d’éléments. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces amendements.
Mme la secrétaire d’État. Ces amendements tendent à contraindre l’autorité administrative à se conformer aux résultats et aux conditions consignées dans le procès-verbal établi par la personne morale de droit public suite à la consultation des communautés d’habitants.
Je comprends cette préoccupation, mais le texte donne déjà beaucoup de garanties en ce sens et je ne souhaite pas en alourdir davantage la rédaction. Je partage les réflexions de la rapporteure et je suggère donc le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.
Mme Danielle Auroi. Je suis étonnée : Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, avait indiqué en séance au Sénat que remplacer l’expression « au vu » par les termes « conformément au consentement » – comme il est proposé par ces amendements – est d’autant plus acceptable que l’article 7 du protocole de Nagoya dispose bien que l’accès aux connaissances traditionnelles est soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause.
Mme Chantal Berthelot. Permettez-moi un instant de sérieux. (Rires) Il faut être attentif aux réponses que l’on donne.
Madame la rapporteure, je suis désolée de reprendre vos propos. Vous avez dit que l’État est propriétaire du sol et du sous-sol, ce qui est vrai. Mais l’alinéa 98 de cet article 18 porte sur les « connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques ». Je ne vois pas en quoi l’État est propriétaire de ces connaissances.
Cet article 18 concerne de vastes populations dans de nombreux territoires d’outre-mer, faisons bien attention à ce que nous disons.
Mme la rapporteure. Vous relirez mes propos, madame, je n’ai jamais dit que l’État était propriétaire des connaissances traditionnelles. J’ai fait mention des seules ressources génétiques. Je sais bien qu’il n’est pas propriétaire du reste !
La Commission rejette les amendements identiques CD535 et CD817.
Puis elle adopte l’amendement CD394.
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.
La Commission en vient à l’examen de l’amendement CD290 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. Il s’agit de renforcer l’obligation du consentement préalable des communautés d’habitants à l’utilisation de leurs connaissances traditionnelles.
Actuellement, le texte du projet de loi n’affirme pas expressément cette obligation, car il permet différentes interprétations et laisse à l’autorité administrative le pouvoir de décider seule d’accorder ou refuser, en partie ou en totalité, l’utilisation des connaissances traditionnelles, au vu du procès-verbal dressé par la personne morale de droit public chargée de recueillir le consentement des communautés d’habitants.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Dans les cas où il y a consentement, cet ajout est redondant avec les dispositions prévues au 6° de l’article L. 412-9.
En revanche, faute d’accord, il n’est pas possible de lier les mains de l’État à l’avis des communautés d’habitants, auxquelles on ne peut donner de droit de propriété sur des ressources.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement a déjà été présenté, et rejeté, lors de la première lecture à l’Assemblée nationale. Il tend à préciser que le procès-verbal établi par la personne morale de droit public à l’issue de la consultation des communautés d’habitants exprime bien le consentement de ces dernières. Cette précision n’est pas utile au texte.
Par ailleurs, cet amendement pourrait soulever un problème de constitutionnalité. Je vous propose donc de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD536 de Mme Danielle Auroi.
Mme Danielle Auroi. Cet amendement tend à rendre obligatoire la divulgation de l’origine de la ressource génétique ou du savoir traditionnel associé lors du dépôt d’un brevet, et à conditionner la recevabilité de la demande de brevet à cette obligation.
Permettez-moi de donner un exemple. France Libertés a demandé le rejet d’une demande de brevet de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) devant l’Office européen des brevets en octobre dernier. Le brevet en question, également déposé devant l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), porte sur une molécule antipaludique contenue dans l’acacia amara, plante largement utilisée dans les remèdes traditionnels guyanais.
L’étude des chercheurs se fonde clairement sur la pharmacopée des populations locales. Quarante-sept recettes traditionnelles ont été observées, puis reproduites par les chercheurs, pour déterminer leur potentiel antipaludique. L’acacia amara a été identifié comme la plante la plus prometteuse. Les populations locales, interrogées sur leurs connaissances traditionnelles, n’ont pas été informées et n’ont pas consenti au dépôt du brevet. Leur apport en termes de recherche et développement n’est donc clairement pas reconnu dans le brevet, alors que les chercheurs de l’IRD ont publié des articles scientifiques y faisant référence. Or la brevetabilité repose sur trois critères : la nouveauté, l’inventivité et l’application industrielle. L’INPI doit pouvoir octroyer ou non les brevets en toute connaissance de cause. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de systématiquement fournir à l’INPI toutes les informations nécessaires à la prise de décision, et pas seulement à l’initiative du déclarant.
Mme la rapporteure. Dans la logique du texte, le devoir d’information pèse sur l’utilisateur. Il ne faut pas transférer cette charge à l’autorité administrative, mais maintenir la même logique que dans le règlement européen. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Votre amendement tend à imposer à l’autorité compétente pour la procédure d’accès aux connaissances traditionnelles associées de transmettre les informations du dossier du demandeur à l’INPI.
Vous citez un article du règlement n° 511/2014 du Parlement européen et du Conseil, relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya. Toutefois, rien dans ce règlement n’impose une telle obligation, et cette obligation qui pèserait sur l’autorité administrative – et non sur l’utilisateur – serait même contraire à ce règlement.
Pour cette raison, je vous propose de retirer votre amendement, à défaut, avis défavorable.
Mme Danielle Auroi. Je ne retire pas mon amendement. C’est la moindre des choses, alors que le protocole de Nagoya reconnaît les connaissances traditionnelles, que ceux qui en sont les porteurs puissent savoir si elles sont brevetées !
Je ne comprends pas l’argumentaire en vertu duquel des gens pourraient profiter des connaissances des populations autochtones sans que ces dernières n’aient le droit d’être au courant, ni avoir leur mot à dire sur le sujet. C’est une ignorance des connaissances des populations autochtones, et un mépris qui m’étonne beaucoup. (Murmures)
Mme la rapporteure. Je ne pense pas qu’il y ait de mépris, puisque les populations seront informées de toute façon. Simplement, les obligations au moment du dépôt du brevet ne doivent pas peser sur l’autorité publique, mais sur l’utilisateur. Tout peut faire l’objet d’interprétations, mais je reste défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CD395 de Mme Chantal Berthelot, CD537 de Mme Danielle Auroi et CD818 de M. Ary Chalus.
Mme Chantal Berthelot. L’amendement CD395 est défendu.
Mme Danielle Auroi. L’amendement CD537 également.
M. Olivier Falorni. Ainsi que l’amendement CD818.
Mme la rapporteure. Nous avons débattu de cette question dans des termes presque identiques il y a quelques minutes. Je maintiens l’avis défavorable que j’avais alors donné.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient aux amendements identiques CD738 de Mme la rapporteure et CD983 de M. Serge Letchimy.
Mme la rapporteure. Il me semblait un peu excessif d’obliger les collectivités d’outre-mer à créer des comités. Toute liberté est laissée aux territoires et départements d’outre-mer ; il ne paraît pas opportun d’imposer la création de ces comités. Je propose donc leur suppression.
Mme Chantal Berthelot. L’amendement CD983 est défendu.
Mme la secrétaire d’État. J’estime également qu’il ne faut pas imposer un format figé de consultation des parties prenantes, mais plutôt laisser le soin aux collectivités ultramarines d’identifier la formule la plus adaptée. Avis favorable aux amendements.
Les amendements sont adoptés.
La Commission examine ensuite l’amendement CD739 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il est proposé de supprimer la quatrième sous-section intitulée « dispositions diverses », afin d’inclure les articles L. 412-7 et L. 412-18 au sein de la sous-section 3.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 18 ainsi modifié.
Article 25 (article L. 331-15-6 du code de l’environnement) : Abrogation du dispositif d’accès et de partage existant pour le territoire du Parc amazonien de Guyane
La Commission adopte l’article 25 sans modification.
La Commission maintient la suppression de cet article.
Article 26 ter : Ratification du protocole de Nagoya
La Commission adopte l’article 26 ter sans modification.
TITRE V
ESPACES NATURELS ET PROTECTION DES ESPÈCES
Article 27 A (Section X du chapitre III du titre III de la première partie du Livre premier et article 564 quater B [nouveaux] du code général des impôts) : Taxe additionnelle sur l’huile de palme
La Commission examine deux amendements de suppression, CD872 de M. Christophe Bouillon et CD881 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
M. Christophe Bouillon. L’amendement CD872 vise à supprimer cet article, introduit par le Sénat, qui relève de la fiscalité. Si une réflexion peut être utilement menée sur la taxation des huiles, elle devrait aboutir dans le projet de loi de finances. Je signale par ailleurs que notre collègue Razzy Hammadi mène actuellement un travail sur la taxation des produits alimentaires ; nous serions bien avisés d’attendre ses conclusions avant de légiférer en la matière.
Nous percevons tous les motifs de cette taxation punitive : personne n’ignore la question de la déforestation, mais j’ai le sentiment que cette disposition est disproportionnée. Elle n’encourage pas, en tout cas, celles et ceux qui souhaitent la production d’huile de palme durable.
La France a signé la déclaration de New York sur les forêts en septembre 2014, puis la déclaration d’Amsterdam du 7 décembre 2015, en marge de la COP 21, afin de soutenir l’engagement du secteur privé à s’approvisionner à 100 % en huile de palme durable en Europe d’ici à 2020. Ces engagements traduisent une démarche incitative qui doit amener l’ensemble du secteur privé à être exemplaire en la matière.
La déclaration d’Amsterdam va permettre d’accélérer significativement la transformation de la filière de l’huile de palme et faire basculer l’ensemble de la production vers une huile de palme durable. Le développement de cette huile durable est un élément clé pour lutter contre la déforestation et le réchauffement climatique.
Une augmentation de la fiscalité mettrait en danger la compétitivité des entreprises de la filière alimentaire qui utilisent l’huile de palme durable, puisqu’aucune différence n’est faite, et pénaliserait les industries qui se sont engagées, avec la France, au respect de la déclaration d’Amsterdam pour l’utilisation d’une huile de palme durable.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’huile de palme est une production qui a été massivement introduite en Indonésie et en Malaisie par les pays coloniaux, notamment européens, et nous en avons tiré un immense bénéfice pendant très longtemps. Aujourd’hui, la Malaisie et l’Indonésie tirent une grande partie de leurs ressources de l’exportation de cette huile de palme. La production d’huile de palme a effectivement entraîné la destruction de forêts et de jungles il y a plus d’un siècle, voire il y a plus longtemps encore. Mettre ces économies en péril est donc une décision difficile.
Les arbres utilisés pour produire l’huile de palme – par cette expression, nous entendons les huiles de palme, de palmiste et de coprah – ont de grandes qualités de productivité. Les palmiers sont cultivés en vergers et produisent chaque mois. En Afrique, après le drame survenu en Sierra Léone, une partie des terres qui avaient été incendiées et détruites a été replantée avec des palmiers à huile.
Aujourd’hui, la croissance de la production mondiale d’huile de palme est importante et permet d’apporter une partie des graisses alimentaires consommées par la population mondiale. Et elle ne cause pas plus d’obésité que les huiles de colza, d’arachide ou de tournesol.
Il ne serait donc pas pertinent de mettre en péril des filières économiques qui ne sont pas présentes sur le territoire national – il n’y a pas de palmiers à huile sur le territoire national – au motif que cette huile serait entachée des souffrances nées du colonialisme (Murmures divers), de guerres, ou qu’elle porterait atteinte à la biodiversité. Il y a plus d’un siècle que la biodiversité de la Malaisie ou des Philippines est en grande partie perdue, alors qu’une telle décision mettrait en péril des partenaires économiques importants et en pleine croissance.
En France, l’exploitation des huiles de palme, de palmiste et de coprah emploie à peu près 1 200 personnes dans les entreprises françaises qui, au total, emploient 3 300 personnes dans le monde.
Par ailleurs, cette mesure crée une taxe alors que le Gouvernement a décidé qu’il n’y en aurait plus d’autres. La création de taxes doit intervenir dans une loi de finances, et il serait pertinent d’équilibrer le niveau de taxation des différentes huiles comme l’huile de colza, l’huile d’olive, l’huile de tournesol, l’huile d’arachide et d’autres encore qui sont aujourd’hui taxées à des niveaux très différents, sans que l’on ne comprenne bien pourquoi.
Je rejoins notre collègue Christophe Bouillon dans son souhait que le ministère des finances réalise un travail de fond sur cette question. Je m’inquiète de voir arriver au Sénat le projet de cette taxe, qui me semble liée à la polémique autour du Nutella, et qui met en péril beaucoup de monde. Alors que personne ne cherche à stigmatiser l’arachide, par exemple, qui contribue pourtant beaucoup à l’obésité en France et dans le monde.
Cet amendement de suppression est donc extrêmement réfléchi, d’autant que la France et les industriels se sont engagés vers la production d’huile de palme durable et responsable, notamment dans le cadre de la COP 21.
Mme la rapporteure. Le Sénat a introduit cet article pour créer une taxe additionnelle sur l’huile de palme, de coprah et de palmiste, actuellement soumise une taxation de 10,371 euros pour cent kilogrammes alors que l’huile d’olive, par exemple, est taxée à 18,896 euros. Il est donc apparu intéressant au Sénat de taxer l’huile de palme, parce que l’on connaît les effets négatifs de sa culture sur les forêts, et les avis très controversés quant à ses effets sur la santé publique.
Aujourd’hui, des efforts de certification sont réalisés dans les pays producteurs – Indonésie et Malaisie en particulier – mais ces certifications n’ont strictement rien d’officiel. C’est uniquement un moyen d’aider les petits agriculteurs, parce que les grosses entreprises s’en sortiront toujours. Il n’est donc pas question pour moi de mettre un terme à ces efforts de certification, je crois d’ailleurs qu’une mission est en cours sur ce point.
J’ai préparé un amendement CD130 pour réduire le niveau de taxation proposé par le Sénat, parce qu’il apparaît beaucoup trop élevé et signifierait un arrêt pur et simple de cette importation. Je vous proposerai donc de limiter la taxe additionnelle au taux de l’huile d’olive. J’en ai discuté avec l’ambassadeur d’Indonésie et des représentants de Malaisie, ainsi qu’avec les associations qui sont au côté des petits agriculteurs dans ces pays, et ils ne considèrent pas que ce soit irréalisable. Je pense donc que nous pouvons taxer l’huile de palme au niveau de l’huile d’olive.
Par ailleurs, en étudiant le tableau de taxation des huiles, j’ai été choquée de découvrir que nous cautionnions toujours l’utilisation d’huile d’animaux marins dont le commerce et l’utilisation sont soumis aux règles internationales ou nationales relatives aux espèces protégées. J’ai cherché des informations, j’ai demandé ce que devenaient ces huiles, sans réponse. Ces huiles sont aujourd’hui taxées au niveau de l’huile d’olive, je vous proposerai, par un amendement CD1072, de les taxer plus lourdement car je ne peux pas imaginer que l’on encourage l’utilisation de ces huiles, alors que notre pays se veut exemplaire dans la protection des espèces menacées.
Je vous demande donc de repousser les amendements de suppression présentés par nos collègues, ce qui permettra d’adopter l’amendement CD130 que je vous ai présenté ainsi que l’amendement CD1072 sur les huiles provenant d’animaux marins protégés.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement, comme beaucoup d’entre vous, est très mobilisé sur ce sujet. Cette question a des conséquences sur la biodiversité de notre planète, sur notre climat, et comme l’a bien montré la COP 21, sur la déforestation.
La production mondiale de ces huiles, actuellement de 50 millions de tonnes par an, est en forte croissance. Les prévisions font état d’un doublement de la production d’ici à 2030. La France en consomme 150 000 tonnes par an à des fins alimentaires.
Par rapport aux autres huiles alimentaires, ces huiles sont soumises à une fiscalité à l’importation très avantageuse, au point que l’on pourrait l’apparenter à une niche fiscale. Même si les filières d’approvisionnement, française et européenne, s’organisent pour réduire les effets néfastes de ces productions sur l’environnement, j’estime important de donner un signal pour encourager une industrie plus vertueuse.
Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression ; en revanche, je serai favorable à l’amendement de la rapporteure qui propose un niveau de taxation plus raisonnable, aligné sur celui de l’huile d’olive, en faisant disparaître l’avantage énorme dont bénéficiait l’huile de palme jusqu’à présent.
S’agissant des filières durables, nous souhaitons travailler avec les pays producteurs à une meilleure certification, qui permettrait de les aider à développer une production durable. Le ministère prépare dans ce cadre un plan d’action cohérent sur ce sujet, afin de garantir une labellisation sérieuse d’une huile de palme durable et à assurer autant que possible une taxation favorable adaptée à cette filière durable.
M. Jean-Yves Caullet. Cette thématique pourrait valoir pour d’autres produits, tel le caoutchouc, qui a connu les mêmes histoires ; du coup, l’économie circulaire qui se trouve désavantagée par rapport à des pneus à bas coût, produits dans le Sud-Est asiatique, avec lesquels nous roulons tous.
Ce qui m’interroge, c’est la limitation de la mesure à l’alimentation humaine : en m’intéressant à la fiscalité sur les carburants, j’ai découvert que l’huile de palme allait être importée afin de fabriquer une catégorie de biocarburant. Nous devrions y réfléchir d’ici l’examen en séance publique.
Mme Laurence Abeille. L’article 27 A introduit par le Sénat porte sur un problème grave : celui des dégâts causés à la biodiversité par la culture des palmiers à huile. La taxation proposée constitue une occasion pour la France d’affirmer sa position vis-à-vis de ce type de culture particulièrement destructrice. Et même si ce projet de loi sur la biodiversité ne concerne pas directement la santé, rappelons que l’huile de palme est souvent décriée pour ses effets sur le système cardio-vasculaire. Enfin, l’argument de Jean-Yves Caullet est tout à fait intéressant.
Autant de raisons pour lesquelles il ne faut surtout pas supprimer cet article ; de même, il serait tout à fait dommage de baisser le montant de taxation proposé par le Sénat. Je rappelle que la mesure prendrait effet en 2020, ce qui laisserait le temps de s’y préparer.
Méfions-nous enfin des discours présentant cette culture comme durable : elle recourt massivement à des produits chimiques, ce qui est peu compatible avec la notion de biodiversité.
Mme Delphine Batho. La remarque de Jean-Yves Caullet au sujet d’importations massives d’huile de palme à des fines énergétiques est importante. Si l’objectif, dans le projet de loi que nous examinons, est de prendre en compte l’impact de la production et de l’exploitation de l’huile de palme sur la biodiversité, cette question ne saurait être mise de côté, tant au regard des volumes concernés que de son impact sur l’agriculture française, du fait de la concurrence déloyale que représente ce type d’importation.
Rappelons aussi qu’il n’y a pas d’équivalence entre l’huile d’olive et l’huile de palme, ni en termes d’incidences sur la biodiversité ni en termes sanitaires ; on ne saurait se fonder sur une telle comparaison pour justifier la suppression de l’avantage fiscal dont bénéficie l’huile de palme.
Enfin, plusieurs amendements qui n’ont pas encore été examinés proposent le maintien du texte du Sénat en excluant du dispositif l’exploitation de l’huile de palme durable ; Mme la secrétaire d’État peut-elle nous indiquer si cette filière est mûre en termes de certification et de traçabilité, de sorte que nous pourrions poser, dès à présent, dans la loi un principe général de taxation des huiles, sans niche fiscale, et d’exemption des filières dites vertueuses ?
Mme la secrétaire d’État. La question des biocarburants ne saurait être négligée, le Premier ministre a d’ailleurs chargé mon ministère de préparer un plan d’action. Je souhaite qu’un signal clair soit émis au sujet de l’huile de palme. Le Sénat s’est borné au domaine alimentaire : je souhaite que les aspects environnementaux et sanitaires soient, eux aussi, pris en compte. Au demeurant, la taxe proposée par cet article paraît relativement exorbitante ; nous préférons qu’elle soit ramenée à un niveau plus raisonnable.
À l’heure actuelle, madame Batho, il n’existe pas de filière certifiée sérieusement vérifiable ; l’idée est de travailler avec les pays producteurs — l’Indonésie et la Malaisie étant les premiers concernés — qui ont besoin de solutions pour pouvoir travailler, afin de mettre ces filières en place.
J’entends que l’on puisse vouloir appeler l’attention en signifiant que la taxe ne concernera pas les filières vertueuses, mais cela n’est pas applicable pour l’heure ; je m’en remets à vous si vous souhaitez adresser ce message – qui peut être signe de bonne volonté – aux pays producteurs dont l’économie dépend fortement de l’huile de palme.
Mme la rapporteure. L’ambassadeur d’Indonésie, que nous avons rencontré, Viviane Le Dissez et moi-même, a évoqué des volumes de production de l’ordre de 25 000 tonnes…
Mme Delphine Batho. La France importe 110 000 tonnes…
Mme la rapporteure. Une bonne part des importations provient de Malaisie, et d’autres des Pays-Bas, qui sont le fait de grandes entreprises.
Mme Viviane Le Dissez. Les chiffres qui nous ont été communiqués sont les suivants : l’Indonésie produit 22 millions de tonnes par an ; 62 000 tonnes d’huile destinée à la consommation et 4 000 tonnes de carburant sont importées par la France. La Malaisie produit 15 millions de tonnes dont 500 000 passent par les Pays-Bas, qui font office de plateforme européenne par laquelle transite la majeure partie des huiles provenant de ces territoires.
Il est vrai qu’aucune comparaison ne peut être établie entre l’huile d’olive et l’huile de palme, alors que la première est taxée à plus de 18 % et la seconde à environ 10 %. Il me semble qu’au minimum, il conviendrait d’harmoniser ces taux, d’autant plus que la tonne d’huile de palme est vendue aux environs de 260 dollars et plus sur les marchés ; vouloir affecter une taxe de 300 euros me paraît très exagéré.
M. Christophe Bouillon. Je salue la démarche de la rapporteure et de Mme Le Dissez, qui ont rencontré des représentants des pays producteurs. La rédaction du Sénat posant problème, Mme la rapporteure propose un autre montant ; en défendant mon amendement, j’ai indiqué que les travaux de la mission d’information sur la taxation des produits alimentaires de nos collègues Véronique Louwagie et Razzy Hammadi étaient en cours. J’aimerais savoir s’il y a urgence ou non : souhaitons-nous avoir une approche globale d’une question qui ne se limite pas à la seule huile de palme ? On recense sept huiles qui connaissent des niveaux de taxations très différents.
Je partage les préoccupations de Mme Delphine Batho, et ils me confortent dans l’idée qu’il s’agit d’une question plus vaste devant trouver sa solution en loi de finances : allez-vous nous demander de voter un montant pour, demain, à la lumière des conclusions des travaux de la mission d’information, nous proposer une autre approche ?
J’ai déposé un deuxième amendement, CD871, qui opère une distinction en faveur des entreprises qui s’approvisionnent en huile de palme certifiée durable. J’ai entendu les doutes de la ministre au sujet des possibilités actuelles de certification de cette filière, mais j’aimerais comprendre : en décembre 2015, la France a signé la convention d’Amsterdam avec l’objectif de 100 % d’huile de palme durable d’ici à 2020 ; j’espère qu’elle considère que la certification est une réalité, sinon, ce ne sont que des mots.
La démarche de certification est bien plus sérieuse que ce que j’en ai entendu dire à l’instant ; les sociétés qui s’y engagent sont évidemment au fait des exigences qu’emporte cette notion. C’est pour cela que mon amendement CD871 vise à promouvoir une démarche incitative, afin d’encourager le plus grand nombre d’entreprises utilisant l’huile de palme en France à s’engager dans des démarches de certification afin d’éviter les dégâts environnementaux qui ont été évoqués et qui, pour la plupart, relèvent du passé.
Je pose donc deux questions : comment nous déterminerons-nous à l’égard des travaux de la mission d’information ; s’il existe un doute sur la certification, pourquoi prendre au niveau international des engagements tels que cet objectif de 100 % d’huile de palme durable à l’horizon 2020 ?
M. Gérard Menuel. À première vue, la proposition du Sénat pourrait paraître séduisante, mais elle semble ignorer les efforts fournis depuis plusieurs années par plusieurs entreprises pour développer une filière durable et lutter contre la déforestation au bénéfice de planteurs dont la plupart sont indépendants. Elles s’approvisionnent uniquement en huile de palme durable et sont porteuses, avec leurs homologues européennes, d’un vrai projet environnemental.
La proposition du Sénat annihilerait leurs efforts alors même que ces entreprises sont unanimement reconnues et soutenues par des ONG et les experts scientifiques qui présentent l’huile de palme durable comme l’une des solutions susceptibles au défi de nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050 avec un impact environnemental minimal.
Cette taxation pourrait être contraire à l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), à l’accord de New York sur les forêts, signé par la France en 2004 ; mais surtout, elle irait à l’encontre de l’accord d’Amsterdam dans lequel la France s’est engagée, il y a quelques semaines, à soutenir les entreprises vertueuses.
M. Dino Cinieri. Nous sommes confrontés à un enjeu économique et fiscal, car notre huile d’olive est plus taxée que l’huile de palme alors qu’elle n’a pas un impact négatif sur l’environnement. Cependant, une taxation spécifique de l’huile de palme n’est pas la bonne solution : il ne s’agit pas d’un produit toxique, et ses qualités nutritionnelles sont avérées à la condition de la consommer avec modération, comme c’est le cas pour le beurre.
Le véritable enjeu est la transformation de cette filière qui, directement ou indirectement, fait vivre plusieurs millions de familles en Asie et en Afrique ; il faut développer les filières durables et lutter contre la déforestation. Des progrès ont été réalisés, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), par exemple, travaille depuis des années au développement de semences améliorées afin d’augmenter la productivité et limiter la déforestation. Une démarche globale est entreprise depuis dix ans, à la fois par les industriels, les Gouvernements, les ONG les raffineurs, les entreprises utilisatrices, les distributeurs, les utilisateurs finaux et les producteurs locaux pour changer les pratiques culturales et, aujourd’hui, 90 % environ de l’huile de palme produite dans le monde est couverte par des engagements de zéro déforestation. L’adoption de cet article 27 A fragiliserait les efforts réalisés par l’ensemble des acteurs de la filière – producteurs, ONG, gouvernements, raffineurs, entreprises utilisatrices, distributeurs et utilisateurs finaux – pour développer des solutions collaboratives permettant de mettre un terme à la déforestation.
M. Jean-Louis Bricout. Les enjeux environnementaux et de santé publique ne sauraient être ignorés ; pour autant, arbitrer une question de fiscalité dans le cadre d’un débat concernant la biodiversité ne me paraît pas opportun. Il conviendrait, pour le moins, de disposer au préalable d’une étude de l’impact économique d’une telle mesure sur nos entreprises et de savoir si une harmonisation fiscale est prévue à l’échelle européenne ; par ailleurs, il serait préférable de disposer des conclusions du rapport de la mission d’information sur la taxation des produits alimentaires. Cette disposition relève plutôt de la loi de finances.
M. Philippe Plisson. Cela fait des années que nous entretenons ce débat au sujet de l’huile de palme, de la déforestation et des problèmes que soulèvent ces questions. Aujourd’hui, alors que nous sommes sur le point d’adopter de bonnes mesures, on trouve des raisons de ne pas les prendre. Je conçois qu’il soit nécessaire d’en mesurer les effets, mais la proposition de la rapporteure me semble équilibrée : elle permettrait au moins de mettre la fiscalité applicable à l’huile de palme au même niveau que les autres huiles que nous consommons. Ce serait la moindre des choses.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je persiste à penser qu’une nouvelle taxe relève de la loi de finances, et pas d’un texte relatif à la biodiversité.
La culture d’huile de palme représente 39 % de la production mondiale d’huile végétale en occupant 7 % seulement de la surface agricole. Cela est bien plus faible que la culture du soja, du colza ou du tournesol qui occupent respectivement 61 %, 18 % et 14 % de cette surface.
Cette manière que nous avons de nous décharger de notre culpabilité coloniale m’inquiète quelque peu… (Murmures)
Mme la secrétaire d’État. Cela n’a rien à voir !
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cela a totalement à voir. L’implantation de ces palmeraies en Indonésie et en Malaisie est directement liée à l’implantation coloniale hollandaise, portugaise et anglaise. Et les Français portent la même responsabilité en d’autres lieux : on ne se pose pas la question au sujet de l’arachide ou de la disparition de la forêt primaire en Europe à laquelle le blé est venu se substituer ! (Murmures)
Notre point de vue ne peut pas se fonder sur notre confort français et européen ; nous ne pouvons pas être les seuls au monde à l’adopter en donnant l’image d’une France qui rétrécit et donne des leçons de morale. En revanche, l’harmonisation du régime fiscal pesant en France sur les diverses huiles me paraît raisonnable : c’est le travail de la mission d’information sur la taxation des produits alimentaires.
Aujourd’hui, le revenu moyen d’une palmeraie à huile est de 2 100 euros à l’hectare, contre 200 pour une rizière. C’est cela, la réalité économique ! Et prétendre que nous allons accompagner et aider l’Indonésie et la Malaisie se développer de manière intelligente – car c’est bien ce qu’on voulait dire – a un petit relent d’attitude coloniale quelque peu condescendante. Ce sont des gens tout à fait intelligents et formés, qui vivent dans un pays situé là où il est, en zone intertropicale, et où poussent des palmiers qui produisent de l’huile de palme, ce qui en fait une culture tout à fait pertinente. Arrêtons de nous poser en donneurs de leçons !
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ces amendements sont-ils maintenus ?
La Commission rejette successivement les amendements CD872 et CD881.
La Commission examine ensuite, en présentation commune, les amendements CD436 de M. Martial Saddier, CD1072 de la rapporteure et CD871 de M. Christophe Bouillon.
Mme la rapporteure. J’ai par avance défendu tout à l’heure l’amendement CD1072. Le but est de taxer un peu plus les huiles provenant d’animaux marins protégés, notamment la baleine ; c’est un signal que nous pouvons adresser.
Mme la secrétaire d’État. L’intention est louable ; toutefois, dans la mesure le commerce et l’utilisation des produits provenant de ces animaux sont interdits, le texte visé me semble obsolète…
Mme la rapporteure. Certes, mais si l’on supprime la mesure alors qu’il reste encore du commerce de ces huiles, elles ne seront plus taxées du tout. Ce serait embêtant…
Mme la secrétaire d’État. Effectivement, s’il reste malgré tout des importations, c’est une vraie question, et je remercie Mme la rapporteure de l’avoir soulevée. Afin d’éviter toute erreur éventuelle, je propose de mûrir la réflexion jusqu’à la séance publique, car nous parlons là d’un commerce interdit.
Mme la rapporteure. Je retirerai volontiers mon amendement, il me semblait important de souligner cette incongruité et de lever un certain nombre de doutes ; si nous pouvions le faire d’ici à la séance publique, je serais totalement d’accord.
M. Jean-Yves Caullet. Je réitère ma remarque sur les huiles alimentaires : la situation n’est pas meilleure pour les animaux marins.
L’amendement CD1072 est retiré.
M. Gérard Menuel. Vous disiez tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, que vous partagiez l’idée d’adresser un signal. C’est précisément ce que nous proposons avec l’amendement CD436 en conditionnant la contribution additionnelle à la taxe spéciale sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah destinées à l’alimentation humaine à des critères de durabilité environnementale. Une telle disposition permettra d’encourager les progrès, d’accélérer la transformation de la filière et de répondre ainsi aux enjeux actuels de la déforestation.
Mme la rapporteure. L’intention de favoriser la culture de l’huile de palme réalisée dans les meilleures conditions environnementales possibles est louable ; certains acteurs de la filière ont engagé des démarches allant dans ce sens, et leurs efforts doivent être salués. Mais il existe trois démarches de certification au sein des pays producteurs bénéficiant du soutien des autorités nationales et, pour l’une d’entre elles, d’un soutien non gouvernemental.
Certaines certifications semblent n’être que de façade ; il convient d’attendre les conclusions de la mission d’information sur la taxation des produits alimentaires ainsi que le plan d’action commandité par le Premier ministre afin de disposer de plus d’éléments relatifs à la certification. Aussi, à ce stade je demande le retrait de cet amendement au profit de mon amendement CD130 dont je vous ai déjà parlé et qui vous sera soumis dans un instant.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement CD436 entraînerait une baisse de recettes pour l’État, il est surprenant qu’il ait passé le barrage de l’article 40 de la Constitution…
Sur le fond, nous ne pouvons plus nous satisfaire de certifications non contrôlées. C’est dans ce contexte qu’un plan d’action a été demandé à mon ministère ; il prendra naturellement en compte les conclusions des travaux de la mission d’information conduite par Razzy Hammadi sur la taxation des produits alimentaires et nous essaierons d’avancer avec les pays producteurs afin de déterminer une méthode de certification sérieuse qui ne laissera plus la place au doute.
Prévoir dès aujourd’hui d’adresser un message à la profession en indiquant que ceux qui peuvent prouver que leur huile provient d’une production durable bénéficieraient d’une réduction ou d’une exonération de la taxe serait pour l’heure inopérant. Cela étant, si les députés tiennent à envoyer un message de caractère symbolique, cela relève de leur responsabilité ; je m’en remettrais à leur sagesse.
M. Christophe Bouillon. Mon amendement CD871 procède du même esprit, il s’agit d’adresser un message aux producteurs.
La Commission adopte l’amendement CD436.
L’amendement CD871 est retiré.
La Commission étudie ensuite l’amendement CD130 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Je l’ai déjà défendu.
La Commission adopte cet amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CD131 de la rapporteure.
Elle est saisie des amendements identiques CD305 de M. Dino Cinieri, CD513 de Mme Laurence Abeille et CD929 de M. Gérard Menuel.
M. Dino Cinieri. Le projet de loi crée une Agence française pour la biodiversité ambitieuse dont le périmètre est très large, or aucune disposition particulière ne prévoit de moyens adaptés à cette ambition.
La question des moyens de cette agence a fait l’objet de « l’appel de Strasbourg » le 22 mai 2015 à l’occasion de la conférence nationale intitulée « L’Agence française pour la biodiversité, quel projet commun ? »
Le Sénat ayant instauré une taxe sur l’huile de palme en prenant pour principal argument que cette production constitue une atteinte majeure à l’environnement, l’amendement CD305 vise à affecter le produit de cette taxe à l’Agence française pour la biodiversité. Les 150 millions d’euros apportés par cette taxe à l’horizon 2020 constituent une réponse proportionnée aux ambitions affichées.
Mme Laurence Abeille. L’amendement CD513 a le même objet.
M. Gérard Menuel. L’amendement CD929 également.
Mme la rapporteure. Avis favorable à l’adoption de ces amendements.
Mme la secrétaire d’État. Vous savez à quel point l’Agence française pour la biodiversité me tient à cœur… Je dois toutefois rappeler que la taxe sur les huiles végétales est affectée à la mutualité sociale agricole (MSA), rien ne justifierait qu’une taxe additionnelle assise sur les mêmes mécanismes de marché soit affectée à une autre politique nationale, sachant que l’affectation d’une taxe doit demeurer chose exceptionnelle ; mon avis est donc défavorable.
Mme la rapporteure. Peut-être me suis-je mal exprimée : la taxe est affectée à la MSA, mais nous parlons ici de la surtaxe, et c’est elle qui, dans la logique de mon amendement précédemment adopté, pourrait être affectée à la biodiversité. De fait, retirer la taxe de base à la mutualité sociale agricole risquerait de déstabiliser le régime.
M. Gérard Menuel. Je retire l’amendement CD929 à la faveur des arguments développés.
M. Jean-Yves Caullet. Ce type de taxe peut concerner d’autres produits, on l’a vu, et préfigurer une fiscalité écologique sur les matières premières.
Le principe est celui de la non-affectation des taxes. Les moyens de l’agence de la biodiversité doivent s’inscrire dans le cadre budgétaire. Si nous commençons par lui affecter une petite recette, qui peut être vertueuse, chaque fois que nous allons améliorer la fiscalité écologique des matières premières d’origine végétale, nous serons contraints d’en affecter le produit de la même manière. Je préfère que nous nous en tenions à la non-affectation de cette surtaxe.
Mme la rapporteure. Sachant que la taxe elle-même est affectée, en l’espèce à la Mutualité sociale agricole, pourquoi la surtaxe ne le serait-elle pas ?
M. Jean-Yves Caullet. La taxe est affectée à la MSA. Affecter la surtaxe au même objet ne pose pas de problème conceptuel. Mais donner une ressource affectée à l’agence, et celle-là précisément, s’apparente selon moi à un préciput sur son financement qui devrait relever du budget de l’État. Ce serait adresser un signal bizarre et dommageable, à terme, sur les modalités de financement de l’agence de la biodiversité.
Mme la rapporteure. Je ne tiens pas à créer de problème : l’agence devra effectivement pouvoir voler de ses propres ailes. J’entends l’argument de M. Jean-Yves Caullet et je propose à chacun des auteurs de retirer leur amendement.
M. Dino Cinieri. Je retire mon amendement CD305.
Mme Laurence Abeille. Je maintiens le mien.
Les amendements CD305 et CD929 sont retirés. La Commission rejette l’amendement CD513.
La Commission adopte l’article 27 A ainsi modifié.
Chapitre Ier
Institutions locales en faveur de la biodiversité
Parcs naturels régionaux
Article 27 (article L. 333-1 du code de l’environnement) : Modalités de création et de renouvellement du classement d’un parc naturel régional
La Commission examine l’amendement CD634 de M. Christophe Bouillon.
Mme Viviane Le Dissez. Cet amendement supprime la mention de l’autorité de l’État compétente pour rendre l’avis motivé sur l’opportunité des projets de parcs naturels régionaux car cette précision ne relève pas du niveau législatif.
Mme la rapporteure. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable également.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD1, CD2, CD3 et CD4 de la rapporteure.
La Commission adopte l’article 27 ainsi modifié.
Article 27 bis (article L. 141-10 du code de l’urbanisme) : Inscription de dispositions des chartes de parcs naturels régionaux dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT) (supprimé)
La Commission maintient la suppression de l’article 27 bis.
Article 28 (art. L. 333-3 du code de l’environnement) : Missions du syndicat mixte d’aménagement et de gestion d’un parc
La Commission est saisie de l’amendement CD77 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il est juridiquement inexact de parler de communes « signataires » de la charte de parc naturel. Les communes peuvent approuver la charte ou y adhérer, mais elles n’en sont pas signataires. Il est donc préférable de faire référence au territoire des communes « classées ».
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement ainsi que l’amendement rédactionnel CD5 de la rapporteure.
Elle en vient à l’amendement CD23 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement propose de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, permettant aux syndicats d’aménagement et de gestion des parcs de proposer des harmonisations des différents SCOT dont le périmètre recoupe le périmètre de leur parc – plusieurs SCOT peuvent en effet coexister sur le territoire d’un parc naturel. Il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
M. Michel Heinrich. Cette disposition me paraît inutile et pose de nombreuses questions tant sur la forme que sur le fond.
Sur le fond, les périmètres des parcs naturels régionaux (PNR) ne correspondent jamais à un périmètre complet de SCOT. En outre, la nature juridique de ces propositions d’harmonisation et leur caractère obligatoire restent flous. Cette disposition crée une rupture d’égalité entre les personnes publiques associées, notamment avec l’État et la région. Enfin, les PNR ont déjà la possibilité de présenter des propositions, soit en qualité de personnes publiques associées, soit lors de la consultation obligatoire, avant l’enquête publique, sur l’élaboration ou la révision du projet de schéma.
L’obligation de compatibilité du SCOT à la charte du PNR apporte de surcroît la garantie que les propositions du parc sont prises en compte.
J’avoue ne pas comprendre l’utilité de cet amendement. Le directeur de la fédération des parcs naturels régionaux de France que j’ai rencontré partage ma perplexité.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 28 ainsi modifié.
Article 28 bis (article L. 333-4 [nouveau] du code de l’environnement) : Inscription dans la loi de la Fédération des parcs naturels régionaux
La Commission examine l’amendement CD6 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’expression « a vocation à regrouper l’ensemble des parcs » pourrait être interprétée comme créant une obligation pour tous les parcs régionaux d’adhérer à la fédération des parcs naturels régionaux. Il est préférable d’employer le terme « représenter », qui figure dans l’article 31 ter pour une autre association, les réserves naturelles de France.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement ainsi que l’amendement rédactionnel CD7 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l’article 28 bis ainsi modifié.
Article 29 (article L. 581-14 du code de l’environnement) : Règlements locaux de publicité sur le territoire d’un parc naturel régional
La Commission est saisie des amendements de suppression CD415 de M. Dino Cinieri et CD971 de M. Gérard Menuel.
M. Dino Cinieri. Le projet de loi précise qu’en l’absence d’orientations et de mesures relatives à la publicité dans la charte de parc naturel régional, il serait impossible aux collectivités compétentes d’élaborer les règlements locaux de publicité. Cette disposition porte de facto atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales puisque la faculté des collectivités compétentes est subordonnée à l’accord du syndicat mixte d’aménagement et de gestion du parc naturel régional.
Par conséquent, il convient de maintenir la rédaction actuelle de l’article L. 581-14 du code de l’environnement qui impose la compatibilité des règlements locaux de publicité avec les chartes de parcs naturels régionaux.
M. Gérard Menuel. Je souhaite également le maintien de la rédaction actuelle de l’article L. 581-14 du code de l’environnement.
Si, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’obligation de compatibilité avec un document de rang supérieur est parfaitement compatible avec le principe de la libre administration des collectivités territoriales, il n’est en revanche pas acceptable sur le plan constitutionnel qu’une collectivité publique, en l’espèce, un syndicat de parc naturel régional, dispose d’un droit de veto sur les décisions d’une autre collectivité, en l’espèce, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de règlements locaux de publicité.
Mme la rapporteure. Les règlements locaux de publicité doivent être compatibles avec les chartes de parc. Cette règle a été introduite à l’article L. 333-1 du code de l’environnement par la loi ALUR. L’article 29 ne crée donc pas une contrainte nouvelle, ni un droit de veto. J’émets donc un avis défavorable à ces deux amendements.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CD8 de la rapporteure.
La Commission adopte l’article 29 ainsi modifié.
Article 31 : Prorogation du classement de certains parcs et modalités d’intégration de certaines communes au syndicat mixte d’aménagement et de gestion d’un parc
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD9 de la rapporteure puis elle adopte l’article 31 ainsi modifié.
Réserves naturelles de France
Article 31 ter (article L. 332-1 du code de l’environnement) : Inscription dans la loi de Réserves naturelles de France
La Commission adopte l’article 31 ter sans modification.
Établissements publics de coopération environnementale
Article 32 (Intitulé du titre III du livre IV de la première partie et articles L. 1431-1 à L. 1431-8 du code général des collectivités territoriales) : Établissements publics de coopération environnementale
La Commission est saisie de l’amendement CD82 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à revenir au texte adopté par l’Assemblée en première lecture, prévoyant d’élargir les missions qui pourront être confiées à des établissements publics de coopération environnementale (EPCE) afin de doter les conservatoires botaniques nationaux et le futur conservatoire écologique de Guyane d’un statut juridique adapté.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission en vient aux amendements identiques CD304 de M. Dino Cinieri et CD927 de M. Gérard Menuel.
M. Dino Cinieri. Compte tenu de leur très forte implication dans les politiques territoriales en faveur de la biodiversité́, mon amendement vise à̀ permettre aux conservatoires d’espaces naturels agréés au titre du L. 414-11 du code de l’environnement d’être associés à la création et à la gouvernance des EPCE.
M. Gérard Menuel. L’amendement CD927 est défendu.
Mme la rapporteure. La décision de création d’un EPCE ne relève pas des associations mais des collectivités publiques. En revanche, les représentants des associations peuvent siéger au conseil d’administration et participer activement à la gouvernance des EPCE, grâce la précision introduite par le Sénat. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
L’amendement CD927 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CD304.
Puis elle adopte les amendements rédactionnels CD10 et CD84 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l’article 32 ainsi modifié.
Article 32 bis AA (article L. 332-3 du code de l’environnement) : Principe de libre exercice des activités humaines dans les réserves naturelles
La Commission est saisie des amendements de suppression CD24 de la rapporteure, CD514 de Mme Laurence Abeille, CD940 de M. Gérard Menuel et CD949 de M. Jean-Yves Caullet.
Mme la rapporteure. L’article 32 bis AA, introduit au Sénat, pose le principe du libre exercice, sans restriction, de toutes les activités humaines dans les réserves naturelles, qu’il s’agisse de la chasse, du sport, de la circulation des véhicules, des travaux, les éventuelles limitations ou interdictions n’étant que des exceptions à ce principe. Cette logique va trop loin. Je vous propose donc de supprimer cet article. La rédaction actuelle de l’article L. 332‑3 du code de l’environnement prévoit d’ores et déjà que, dans les réserves naturelles qui sont des territoires d’excellence en matière de préservation de la diversité biologique, les activités humaines peuvent être limitées ou interdites et que l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes est pris en compte.
Mme Laurence Abeille. Mon amendement CD514 vise également à supprimer cet article qui introduit une ambiguïté en posant comme principe que les activités susceptibles d’avoir un fort impact sur le patrimoine naturel s’exercent dans le respect des objectifs de protection de la réserve. Les réserves naturelles sont des territoires d’excellence pour la préservation de la biodiversité et les règles qui s’y appliquent doivent être respectées, d’autant que l’acte de classement d’une réserve naturelle tient déjà compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes dans la mesure où elles sont compatibles avec les intérêts définis à l’article L. 332-1 du code de l’environnement.
M. Gérard Menuel. L’amendement CD940 est défendu.
M. Jean-Yves Caullet. Mon amendement CD949 procède de la même lecture. Les dispositions actuelles indiquent clairement que l’acte de classement tient compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes et que celles-ci peuvent être réglementées ou interdites. Je ne saisis pas ce qu’apporte cet article en cherchant à dire la même chose en sens inverse… Les situations existantes, qui semblent donner satisfaction, ne sont pas remises en cause, bien au contraire, si l’on conserve le texte actuel.
Mme la secrétaire d’État. Les réserves naturelles sont des territoires d’excellence pour la préservation de la diversité biologique et géologique. C’est ce qui justifie la possibilité donnée par le code de l’environnement de réglementer ou d’interdire dans ces espaces toute action susceptible de nuire au patrimoine naturel.
Il n’est pas souhaitable de poser le principe que toutes les activités humaines peuvent s’exercer dans les réserves. Le code de l’environnement permet déjà de prendre en compte l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes. Il garantit également la participation de l’ensemble des parties prenantes au travers de l’enquête publique et par diversions consultations.
En outre, la notion d’utilisateur habituel des territoires concernés, introduite par cet article, paraît ambiguë et insuffisante pour couvrir l’ensemble des parties concernées.
Je suis donc favorable à l’adoption de ces amendements.
M. Philippe Plisson. L’article 32 bis AA vise à inverser la charge de la preuve en posant le principe que la pratique des activités dans les réserves est la règle et non l’exception. Il permet ainsi de supprimer un certain nombre de contentieux, nés d’interprétations très diverses sur le territoire.
Prenons le cas, par exemple, des palombières, qui sont des équipements à poste fixe qu’on ne peut pas déplacer. Les réserves de chasse étant, elles, souvent mobiles, une palombière peut se retrouver au milieu d’une réserve, et la règle veut que l’on continue à y chasser. L’application de la disposition que vous défendez suscite souvent des controverses et peut conduire à la fermeture d’un équipement.
La rédaction proposée pour l’article L. 332‑3 du code de l’environnement n’empêche pas les interdictions, ni les discussions. Mais elle fixe comme postulat de départ que les activités traditionnelles peuvent continuer à être exercées dans les réserves naturelles.
La Commission adopte ces amendements.
En conséquence, l’article 32 bis AA est supprimé et les amendements rédactionnels CD11 et CD12 de la rapporteure tombent.
Espaces naturels sensibles
Article 32 bis A (article L. 113-9 du code de l’urbanisme) : Compatibilité entre la politique des espaces naturels sensibles et le schéma régional de cohérence écologique (SRCE)
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD13 de la rapporteure. Puis elle adopte l’article 32 bis A ainsi modifié.
Article 32 bis BA (article L. 215-21 du code de l’urbanisme) : Incorporation automatique dans le domaine public des sites « espaces naturels sensibles » acquis par préemption
La Commission examine, en présentation commune, les amendements CD655 de M. Jean-Yves Caullet et CD1075 de la rapporteure.
M. Jean-Yves Caullet. Il s’agit de faire en sorte que les terrains, qui peuvent être de nature différente – une partie intéressant le domaine public, une autre ne présentant pas d’intérêt –, puissent rester cessibles. La disposition prévue par l’article 32 bis BA est, semble-t-il, contraire à plusieurs textes, en particulier au code général de la propriété publique.
Mme la rapporteure. Je laisse à Mme Viviane Le Dissez le soin de présenter l’amendement CD1075.
Mme Viviane Le Dissez. La rédaction actuelle de l’article 32 bis BA n’est pas satisfaisante. Lorsqu’un organisme acquiert une propriété, une partie de celle-ci peut ne pas correspondre aux objectifs poursuivis par l’organisme qui sera amené à revendre cette partie – le conservatoire du littoral, en l’occurrence.
Il est donc important de ne pas incorporer tout de suite dans le domaine public l’ensemble de la propriété mais d’attendre et de se donner les moyens d’une décision appropriée. L’amendement CD1075 que je vous présente avec la rapporteure propose une nouvelle rédaction de l’article répondant à ces exigences.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable sur l’amendement CD1075.
L’amendement CD655 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CD1075. Puis elle adopte l’article 32 bis BA ainsi modifié.
Article 32 bis B (article L. 215-21 du code de l’urbanisme) : Généralisation des plans de gestion des sites « espaces naturels sensibles »
La Commission adopte l’article 32 bis B sans modification.
Article 32 bis C (article L. 213-8-2 du code de l’environnement) : Possibilité pour les agences de l’eau de déléguer leur droit de préemption aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER)
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD14 de la rapporteure. Puis elle adopte l’article 32 bis C ainsi modifié.
Établissements publics territoriaux de bassin
Article 32 bis (article L. 213-12 du code de l’environnement) : Missions des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB)
La Commission est saisie de l’amendement CD291 de M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri. Le périmètre des établissements publics territoriaux de bassin est aujourd’hui limité à la gestion de l’eau, y compris la prévention des inondations depuis la loi du 27 janvier 2014 sur la modernisation de l’action publique territoriale et de l’affirmation des métropoles.
Il n’est pas souhaitable de multiplier les acteurs chargés des missions de préservation de la biodiversité aquatique, à l’heure où le gouvernement manifeste sa volonté de simplification administrative.
Mme la rapporteure. Nous avons eu ce débat en première lecture. Les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) ont notamment pour mission de faciliter les actions dans les domaines de la gestion intégrée et durable de l’eau par bassin hydrographique et de la préservation des zones humides, qui incluent les actions de restauration et de préservation des trames bleues.
Ils contribuent à la mise en œuvre des orientations nationales pour la préservation et la remise en état des continuités écologiques ainsi qu’à la stratégie nationale de la biodiversité. Il est donc utile de préciser leur mission en matière de préservation et de restauration de la biodiversité. J’émets un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la secrétaire d’État. L’alinéa 3 précise que les EPTB doivent se saisir de la mission de gestion et de restauration de la biodiversité aquatique, ce qui peut paraître contraignant pour certains établissements gérant exclusivement des nappes souterraines. Cependant, la préservation et la restauration de la biodiversité aquatique sont déjà comprises dans les missions de ces établissements. Cet alinéa apporte donc une précision qui n’est pas nécessaire, voire qui peut être gênante pour certains établissements.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 32 bis sans modification.
Article 32 ter AA (article L. 5421-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) : modalités de transformation d’un organisme interdépartemental en syndicat mixte
La Commission adopte les amendements rédactionnels CD15 et CD16 de la rapporteure. Puis elle adopte l’article 32 ter AA ainsi modifié.
Article 32 ter A (articles L. 5215-22, L.5216-7 et L. 5217-7 du code général des collectivités territoriales et article 59 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) : GEMAPI : représentation-substitution des EPCI aux communes au sein des syndicats
La Commission adopte l’article 32 ter A sans modification.
Article 32 ter B (article L. 151-36 du code rural et de la pêche maritime et article 56 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) : Dispositions de coordination relatives à la « taxe GEMAPI »
La Commission adopte l’amendement de précision CD17 de la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 32 ter B ainsi modifié.
Article 32 ter C (article 1530 bis du code général des impôts) : GEMAPI : possibilité pour les communes et les EPCI de lever la « taxe GEMAPI » même s’ils ont transféré la compétence à un syndicat mixte
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD18 de la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 32 ter C ainsi modifié.
Réserves de biosphère et zones humides d’importance internationale
Article 32 ter (Chapitre VI du titre III du livre III et articles L. 336-1 et L. 336-2 [nouveaux] du code de l’environnement) : Réserves de biosphère et espaces remarquables
La Commission adopte l’article 32 ter sans modification.
Agence des espaces verts de la région Île-de-France
La Commission examine l’amendement CD637 de Mme Viviane Le Dissez.
Mme Viviane Le Dissez. Cet amendement vise à rétablir l’article adopté en première lecture par l’Assemblée nationale afin de permettre à l’Agence des espaces verts de la région d’Île-de-France d’exercer un droit de préemption analogue à celui du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement et l’article 32 quater est ainsi rétabli.
Article 32 quinquies (article L. 113-21 du code de l’urbanisme) : Consultation de l’Agence des espaces verts de la région Île-de-France
La Commission est saisie des amendements identiques CD322 de M. Dino Cinieri et CD789 de M. Gérard Menuel.
M. Dino Cinieri. Les programmes d’actions pour les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains sont aujourd’hui définis en concertation avec les communes et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. L’avis de l’Agence des espaces verts de la région d’Île-de-France ne se justifie pas, d’autant que ses compétences portent sur la mise en œuvre de la politique régionale en matière d’espaces verts, de forêts et de promenades, ce qui exclut l’agriculture périurbaine. L’amendement CD322 vise donc à supprimer cet article.
M. Gérard Menuel. L’amendement CD789 est défendu.
Mme la rapporteure. Parmi ces diverses activités, l’Agence des espaces verts d’Ile-de-France acquiert des espaces agricoles qu’elle loue par bail rural aux agriculteurs, dans le but de préserver une agriculture de proximité en Ile-de-France.
Solliciter son avis sur les programmes d’actions pour les espaces agricoles et naturels périurbains me semble donc pertinent. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements. Cela étant, il n’est pas question que la consultation de cette agence se substitue à l’accord des communes. Mon amendement CD51 rectifié précisera dans ce sens la rédaction de l’article 32 quinquies.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
La Commission rejette ces amendements.
Puis elle adopte l’amendement CD51 rectifié de la rapporteure.
La Commission adopte l’article 32 quinquies ainsi modifié.
Article 32 sexies : Inscription dans la loi de la mission des parcs zoologiques
La Commission examine l’amendement CD27 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet article ajouté par le Sénat est purement déclaratif et n’apporte rien sur le plan normatif. Il ne paraît donc pas utile de le conserver.
Mme la secrétaire d’État. Indiquer dans la loi que certains parcs zoologiques exercent une mission de conservation de la biodiversité et d’éducation du public n’a pas d’effet normatif et ne recouvre pas toujours la réalité.
Il serait plus efficace d’écrire que tous les parcs zoologiques « doivent » exercer cette mission. Je m’en remets à la sagesse de la Commission, tout en considérant que cet article ne devrait pas être adopté en l’état.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 32 sexies est supprimé.
Chapitre II
Mesures foncières et relatives à l’urbanisme
Section 1A
Obligations réelles environnementales
Article 33 AA (Article L. 411-2 du code de l’environnement) : Évaluation par une tierce expertise de l’absence d’autre solution satisfaisante pour une dérogation à une espèce protégée
La Commission examine l’amendement CD39 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer l’article 33 AA qui introduirait la possibilité pour l’autorité administrative d’avoir recours à une tierce expertise menée par un organisme indépendant et aux frais du pétitionnaire dans le cadre de l’application de l’article L.412-1 du code de l’environnement. En effet, l’article proposé ne précise pas les conditions à remplir pour qu’un organisme soit indépendant, et le mode de financement de l’expertise ne garantit de toute façon pas l’indépendance de l’avis rendu. En outre, la valeur juridique de l’avis rendu par ledit organisme n’est pas précisée, ce qui pourrait donner lieu à des contentieux. Enfin, l’ouverture d’une telle possibilité laisse entendre que l’autorité administrative n’est pas indépendante lorsqu’elle rend ses décisions.
Mme la secrétaire d’État. Les arguments présentés en faveur de la suppression de cet article peuvent se comprendre : il s’agit au fond de renforcer la mise en œuvre de la séquence visant à « éviter, réduire, compenser » les impacts sur les milieux naturels. En effet, ces impacts ne concernent pas que les espèces protégées et les dispositions prises concernant les étapes « éviter » et « réduire » doivent être appliquées correctement et très en amont du projet. C’est pourquoi il serait sans doute plus efficace de traiter ce sujet dans un cadre plus général que celui de la réglementation relative aux espèces protégées – en l’occurrence, dans celui des ordonnances de modernisation du droit de l’environnement.
Si votre Commission souhaitait néanmoins maintenir ces dispositions, je proposerais que l’article soit amendé de telle sorte que l’autorité administrative puisse exiger la production, aux frais du demandeur, d’une analyse critique des scénarios alternatifs au projet portant atteinte aux espèces protégées, effectuée par un organisme expert extérieur choisi en accord avec l’administration. Concernant l’amendement de suppression de l’article, je m’en remets à la sagesse de la Commission.
Mme la rapporteure. Il est important de rappeler le triptyque « éviter, réduire, compenser » et, surtout, l’ordre des priorités qu’il fixe : éviter d’abord, puis réduire et, en dernier lieu, compenser. Dès lors, l’expertise d’un organisme indépendant devrait être effectuée très en amont de la compensation, voire au tout début du projet, afin que les atteintes à la biodiversité puissent être d’emblée évitées. Je ne suis pas opposée au maintien de l’article sous réserve qu’il y soit explicitement mentionné à quel stade du projet l’expertise doit être conduite, en vue d’éviter de telles atteintes. En l’état de sa rédaction, cet article issu du Sénat est insatisfaisant car il semble mettre en doute les experts consultés. La priorité doit être d’éviter les atteintes à la biodiversité. Je vous propose donc de retirer l’amendement de suppression et de revoir la formulation de l’article 33 AA d’ici au débat en séance afin de trouver un dispositif plus adapté.
Mme Laurence Abeille. Dans ces conditions, il nous faudrait pouvoir disposer d’une proposition de rédaction au plus tôt : chaque mot compte dans cet article complexe, dont il nous faudra examiner la formulation dès que possible.
Mme la secrétaire d’État. Je ferai de mon mieux ! (Sourires)
L’amendement CD39 est retiré.
La Commission adopte l’article 33 AA sans modification.
Article 33 A (art. L. 163-1 à L 163-5 [nouveaux] du code de l’environnement) : Obligations de compensation des atteintes à la biodiversité par un maître d’ouvrage
Mme la secrétaire d’État. Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 33 A résulte des travaux parlementaires, en particulier du remarquable travail accompli par la rapporteure, Mme Geneviève Gaillard. Dans la conception et la mise en œuvre de leurs projets, les maîtres d’ouvrage doivent définir des mesures adaptées pour éviter, réduire et, en dernier lieu et en l’absence d’autre solution, compenser leurs impacts négatifs sur l’environnement.
Je tiens d’emblée à rassurer la Commission concernant les intentions du Gouvernement : le projet de loi ne remet naturellement pas en cause la séquence « éviter, réduire, compenser ». Ces dispositions de droit commun ne sont pas modifiées dans l’article L. 122-1 du code de l’environnement, bien au contraire : le projet d’ordonnance de modernisation de l’évaluation environnementale, qui transpose la directive de 2014 en cours de débat au Conseil national de la transition écologique, conforte le principe selon lequel les maîtres d’ouvrage doivent en priorité éviter et réduire les atteintes à l’environnement, et seulement en dernier recours les compenser.
L’objet du présent article consiste précisément à mieux encadrer les mesures compensatoires. À ce titre, le Gouvernement tire les enseignements des contentieux récents suscités par des projets contestés. Le projet de texte prévoit que les mesures compensatoires demeurent sous la seule responsabilité du maître d’ouvrage titulaire de l’autorisation et respectent l’équivalence écologique, qu’elles soient soumises à un agrément lorsqu’elles sont réalisées par un tiers, qu’elles fassent l’objet d’un suivi renforcé et soient stockées dans un système d’information dédié, qu’elles s’accompagnent de sanctions administratives en cas de défaillance et qu’elles permettent à l’autorité administrative d’exiger du maître d’ouvrage la constitution de garanties financières. L’État peut ainsi se prémunir contre le risque de faillite du maître d’ouvrage avant même que celui-ci n’ait pu satisfaire à ses obligations de compensation environnementale.
D’autre part, l’article 33 A prévoit des solutions alternatives à l’acquisition foncière des sites de compensation, vécue comme une double peine dans le monde rural dont les terrains sont d’abord grignotés par les projets eux-mêmes puis par les mesures compensatoires prescrites, et qui ne présentent pas toujours une garantie de pérennité car l’aménageur ne gère pas ces sites de compensation dans la durée. L’article 33 A permet donc au maître d’ouvrage de satisfaire à ses obligations de compensation en signant des contrats avec les propriétaires de terrains, notamment agricoles et forestiers. Les contrats civils attachés aux terrains et comportant une obligation réelle environnementale, en particulier, offrent les garanties de pérennité requises. En confiant les mesures compensatoires à un prestataire dit « opérateur de compensation », le maître d’ouvrage pourrait également, le cas échéant, acquérir des unités de compensation écologiquement équivalentes à ses obligations auprès d’une réserve d’actifs naturels agréée par l’État. Cette voie intéressante est en cours d’expérimentation et le projet de loi prévoit de l’encadrer.
Toutes ces dispositions sont contractuelles et conclues avec l’accord de l’ensemble des parties. En particulier, le propriétaire du terrain accueillant les mesures compensatoires reste libre d’accepter les termes du contrat, de le résilier dans les termes prévus dans le contrat initial et de disposer de son terrain comme il l’entend à l’issue du contrat passé avec le maître d’ouvrage. Dans tous les cas, le maître d’ouvrage demeure responsable de la bonne mise en œuvre de la compensation prescrite.
Enfin, plusieurs députés ont déposé des amendements visant à supprimer les réserves d’actifs naturels au motif qu’elles participeraient à la financiarisation de la nature. Or, ces réserves respectent le principe de la compensation en nature et de l’équivalence écologique. En d’autres termes, il ne s’agit pas pour le maître d’ouvrage de solder ses obligations de compensation par un chèque, mais de contractualiser avec l’opérateur ayant réalisé la mesure compensatoire équivalente en amont en présentant des garanties.
Ce dispositif a donné lieu à plusieurs expérimentations, par CDC Biodiversité en plaine de Crau depuis 2008 et, depuis 2015, par EDF, par la société Dervenn et par le conseil général des Yvelines. Les premiers résultats semblent positifs. S’il fonctionne, ce dispositif aura pour avantage de permettre l’anticipation et la mutualisation des mesures compensatoires. En définitive, l’encadrement réglementaire et le recours à un agrément préalable de l’État offrent les garanties permettant d’éviter les dérives que vous craignez, y compris l’arrêt des réserves d’actifs s’ils ne s’avèrent pas concluants.
La Commission examine l’amendement CD766 de Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Je persiste et signe en présentant cet amendement de suppression de l’article, parce qu’il subsiste dans ce texte un déséquilibre entre « éviter » et « réduire » d’une part, et « compenser » de l’autre. Malgré les dispositions en vigueur du code de l’environnement qu’a rappelées Mme la secrétaire d’État, la réalité est souvent la suivante : les deux premières étapes sont négligées au profit de la troisième.
En outre, je suis opposée au dispositif de réserve d’actifs naturels – le choix des termes est d’ailleurs significatif – dans un moment où la priorité devrait être d’affirmer que la biodiversité est un bien commun qui ne saurait donner lieu à marchandisation.
Mme la rapporteure. Si j’ai proposé la réécriture de l’article précédent sur les experts indépendants, c’est parce que j’estime que l’expertise en question doit être exigée dès le déclenchement d’un projet. On ne peut éviter les atteintes à l’environnement d’un projet que si le maître d’ouvrage peut s’appuyer sur une expertise fiable et complète. Certains maîtres d’ouvrage – en nombre certes insuffisant – parviennent aujourd’hui à éviter ces atteintes. Il faut donc renforcer la séquence « éviter » et « réduire ». Il est vrai que la compensation va davantage de soi car la loi prévoit plusieurs outils à cette fin, y compris les réserves d’actifs. Même si l’on peut débattre de leur appellation, elles constituent un outil parmi d’autres, que nous allons encadrer très précisément. D’autres amendements visent à ce que des agriculteurs et d’autres structures puissent être opérateurs de compensation. Les trois expérimentations de réserves d’actifs semblent ne pas présenter de problèmes particuliers de financiarisation, de monétarisation ou de spéculation sur la biodiversité – ce que nous voulons évidemment éviter. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement CD766.
Elle passe à l’amendement CD897 de Mme Marie Le Vern.
M. Christophe Bouillon. Cet amendement vise à préciser que les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité ne peuvent concerner que les atteintes réversibles, c’est-à-dire celles qui peuvent être compensées. En effet, la disparition définitive d’une espèce et la destruction d’un écosystème unique constituent des atteintes irréversibles qu’aucune mesure, même ambitieuse et durable, ne saurait compenser à due proportion. De même, le principe d’équivalence écologique ne saurait être respecté dès lors que l’on entend compenser la disparition d’une espèce par la préservation d’une autre. En conséquence, tout projet qui aurait pour effet de porter une atteinte irréversible à la biodiversité devrait être abandonné ou modifié afin de le conformer aux principes de la compensation écologique.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : le caractère juridiquement flou du terme « réversible » risque de se traduire par de nombreux contentieux ; il ne me semble donc pas opportun de l’employer dans la loi.
Mme la secrétaire d’État. Par cet amendement, vous soulignez que les atteintes irréversibles à la biodiversité, c’est-à-dire la disparition définitive d’une espèce ou d’un écosystème, sont inacceptables et vous avez raison. Cependant, d’autres mesures comme la liste des espèces protégées et le réseau Natura 2000 protègent d’ores et déjà spécifiquement les espèces et espaces à forts enjeux et satisfont votre préoccupation. Je vous propose donc de retirer cet amendement.
M. Christophe Bouillon. Vous m’avez convaincu.
L’amendement CD897 est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD28 de la rapporteure.
Puis elle examine l’amendement CD521 de Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Cet amendement vise à prévoir la réalisation d’un inventaire exhaustif de la faune, de la flore et des écosystèmes affectés par un projet avant même la définition de mesures compensatoires. On ne peut en effet envisager de compenser que ce que l’on connaît. À titre d’exemple, si un secteur d’alimentation d’une espèce est détruit, un nouvel espace lui permettant de s’alimenter doit être prévu en compensation.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. La fixation des conditions dans lesquelles les mesures compensatoires seront prises relève davantage du domaine réglementaire. Il n’est pas nécessaire de prévoir des inventaires systématiques dans la loi, d’autant plus qu’il n’est pas certain qu’ils soient toujours réalisables ; il faut donc être prudent. Sans doute vaudrait-il mieux que le Gouvernement fixe la méthode selon laquelle les espèces sont prises en compte.
Mme la secrétaire d’État. Même avis. L’étude d’impact prévoit déjà l’obligation de réaliser un inventaire, et des diagnostics similaires sont d’ores et déjà imposés pour la délivrance des autorisations administratives accordées aux projets, qu’il s’agisse des études d’incidences concernant les projets relevant de la loi sur l’eau et des dérogations d’espèces ou des études d’impact. En outre, cet amendement ne vise que les seuls diagnostics naturalistes, alors que les mesures de compensation peuvent porter sur d’autres impacts comme les obstacles aux crues et les pollutions sonores, par exemple.
La Commission rejette l’amendement CD521.
Elle passe à l’amendement CD546 de Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Cet amendement concerne une nouvelle fois la compensation – preuve que ce texte porte davantage sur le volet « compenser » que sur les deux autres volets du triptyque, « éviter » et « réduire ». Il vise à définir le principe de compensation. L’obligation de résultat est d’autant plus essentielle qu’il est difficile de définir a priori le résultat de la compensation. L’aménageur doit donc modifier son projet de compensation afin d’obtenir le résultat escompté, s’assurer que les mesures de compensation sont effectives pendant toute la durée des impacts et les ajuster le cas échéant.
D’autre part, les mesures permettant d’éviter ou de réduire les atteintes à la biodiversité doivent être prises dès lors qu’elles sont possibles et ne sauraient être remplacées par des mesures de compensation. En tout état de cause, il est indispensable de rappeler que l’abandon du projet constitue une option possible dès lors qu’aucune compensation satisfaisante ne peut être effectuée. Certaines espèces et certains écosystèmes sont irremplaçables, et leur destruction n’est donc pas compensable.
Mme la rapporteure. Je suis d’accord avec vous… Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Par cet amendement, vous insistez sur la nécessité de respecter la séquence visant à « éviter, réduire, compenser » les impacts des projets sur les milieux naturels. Vous avez raison sur le fond, et votre amendement est parfaitement conforme à la doctrine nationale « éviter, réduire, compenser » publiée par le ministère de l’environnement en 2012. C’est le principe même qui fonde l’acte administratif autorisant un projet d’aménagement qui affecte l’environnement, conformément à l’article L.122-1 du code de l’environnement. Cela étant, les ordonnances de modernisation du droit de l’environnement qui sont actuellement débattues au Conseil national de la transition écologique confortent ces dispositions. S’il n’est donc pas nécessaire d’y revenir dans le présent article, j’y suis néanmoins favorable sur le fond.
Mme Delphine Batho. Je propose de rectifier cet amendement en remplaçant son dernier mot, « envisagé », par le mot « décidé », faute de quoi l’amendement serait vain.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cela change fondamentalement le sens de l’amendement…
Mme Delphine Batho. C’est le sens que veulent lui donner ses auteurs, d’après ce que j’ai cru comprendre. Sinon, on se paye de mots…
Mme la rapporteure. J’y serais a priori favorable (Sourires) : vient en effet un moment où il faut décider de cesser un projet lorsque les mesures de compensation ne donnent pas satisfaction. N’étant cependant pas certaine que le terme proposé soit le plus adapté, je suis réservée.
Mme Laurence Abeille. Tel qu’il est rédigé, l’amendement que je défends aboutit en effet nécessairement à ce que l’abandon du projet soit « décidé », et non pas seulement « envisagé ». Il s’agit de cas sans doute exceptionnels, la plupart des projets donnant lieu à des mesures d’évitement, de réduction ou de compensation satisfaisantes, mais la proposition de rectification me semble pertinente.
M. Jean-Yves Caullet. Je comprends ce qui inspire cette proposition, mais l’abandon d’un projet ne constitue pas une décision juridique. Chaque projet fait l’objet d’une autorisation, qui peut ou non être délivrée.
Mme la secrétaire d’État. Prenons garde à ne fermer aucune porte : faut-il impérativement abandonner un projet dont les atteintes à la biodiversité ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées, ou ne doit-il pas simplement être révisé sous un autre angle pour trouver d’autres solutions ? Il me semble trop restrictif d’imposer l’abandon d’un projet ; l’amendement initial de Mme Abeille, au contraire, laissait plusieurs options ouvertes, puisqu’il permet non seulement d’abandonner un projet, mais aussi, le cas échéant, d’en revoir la copie si nécessaire.
Mme la rapporteure. Sans doute vaudrait-il mieux remplacer le dernier membre de phrase par les mots suivants : « le projet doit être réexaminé ».
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous propose de mettre aux voix l’amendement tel quel et, si besoin est, de proposer une rédaction différente lors du débat en séance publique.
La Commission adopte l’amendement CD546.
Puis elle examine les amendements identiques CD83 de la rapporteure, CD221 de M. Martial Saddier, CD323 de M. Dino Cinieri et CD790 de M. Gérard Menuel.
Mme la rapporteure. Les mesures de compensation écologique sont généralement appliquées en milieu agricole ou forestier. L’amendement CD83 vise à élargir leur possibilité de mise en œuvre à des contrats conclus directement entre le maître d’ouvrage et des exploitants agricoles ou forestiers, qui sont eux aussi des artisans de la biodiversité.
M. Michel Heinrich. L’amendement CD221 a le même objet. La contractualisation directe entre maître d’ouvrage et exploitants agricoles ou forestiers est d’autant plus efficace qu’elle est mise en œuvre de manière volontaire et sans recourir à un opérateur intermédiaire, souvent très coûteux pour les maîtres d’ouvrage, en particulier lorsque les projets sont d’ampleur limitée.
M. Dino Cinieri. En effet, l’article tel qu’il est rédigé prévoit de restreindre la liste des personnes susceptibles de mettre en œuvre les mesures de compensation aux opérateurs de compensation écologique, aux maîtres d’ouvrage ou aux gestionnaires d’actifs naturels, d’où l’amendement identique CD323.
M. Gérard Menuel. L’amendement identique CD790 me semble judicieux, en effet, car la rédaction actuelle est trop restrictive.
Mme la secrétaire d’État. Je suis tout à fait favorable à ce principe, même si cette possibilité est d’ores et déjà ouverte dès lors que les exploitants agricoles ou forestiers sont eux-mêmes reconnus comme opérateurs de compensation, ce qu’ils peuvent par exemple demander via leurs structures collectives agréées.
Mme Delphine Batho. Si cette précision est insérée au II de l’article, quelle sera alors la durée d’engagement des intéressés ?
Mme la rapporteure. Tout contrat suppose une durée d’engagement ; en l’occurrence, elle devra être suffisamment longue pour que le contrat porte ses fruits – sans pour autant aller jusqu’à 99 ans, cela va de soi. Elle dépendra des négociations librement conduites entre les parties et des résultats obtenus.
Mme Laurence Abeille. Je suis tout à fait opposée à cette proposition. En l’état, le texte permet déjà à des exploitants agricoles ou forestiers d’être opérateurs de compensation ; avec ces amendements, néanmoins, les uns et les autres se retrouvent placés au même niveau au point que l’on ne sait plus distinctement qui fait office d’opérateur – pourtant un pilier essentiel du dispositif. Se pose en outre la question de la durée de l’opération. Il me semble donc incongru d’introduire un tel élargissement à ce stade du texte.
La Commission adopte les amendements identiques CD83, CD221, CD323 et CD790.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du lundi 7 mars 2016 à 20 h 45
Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, Mme Viviane Le Dissez, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré
Assistaient également à la réunion. - Mme Danielle Auroi, Mme Delphine Batho, M. Dino Cinieri, M. Jean Launay, Mme Anne-Yvonne Le Dain