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Mercredi 30 mars 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 51

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Table ronde sur les propositions que la France pourrait porter après la COP21, avec la participation de M. Ronan Dantec, Sénateur de Loire-Atlantique, vice-président de la commission du Développement durable, des Infrastructures, de l'Équipement et de l'Aménagement du territoire du Sénat ; Mme Anne Chassagnette, directeur de la responsabilité environnementale et sociétale de ENGIE, et Mme Célia Gautier, responsable International et Europe au Réseau action climat-France

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur les propositions que la France pourrait porter après la COP21, avec la participation de M. Ronan Dantec, Sénateur de Loire-Atlantique, vice-président de la commission du Développement durable, des Infrastructures, de l'Équipement et de l'Aménagement du territoire du Sénat ; Mme Anne Chassagnette, directeur de la responsabilité environnementale et sociétale de ENGIE, et Mme Célia Gautier, responsable International et Europe au Réseau action climat-France.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous nous réunissons ce matin pour une table ronde sur les propositions que la France pourrait porter après la COP21 dans la perspective de la mise en œuvre de l'accord de Paris et de la préparation de la COP22 qui se tiendra début novembre à Marrakech.

Nous accueillons M. Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, vice-président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire du Sénat, porte-parole climat de l’organisation des cités et gouvernements locaux unis, Mme Anne Chassagnette, directeur de la responsabilité environnementale et sociétale de Engie, et Mme Célia Gautier, responsable International et Europe du Réseau action climat - France.

Nous devions également accueillir Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, mais son emploi du temps l'a contrainte à décaler sa venue.

La réussite de l'accord de Paris, et plus généralement de la lutte contre le changement climatique, repose sur les actions que pourront engager les collectivités territoriales, les entreprises, les associations ainsi que la société civile, d'où le choix de nos interlocuteurs de ce matin.

M. Ronan Dantec, sénateur, vice-président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire du Sénat. Pour être un peu provocateur, je dirai que la force de l’accord de Paris réside dans son caractère non contraignant. Cet accord est, pour une fois, crédible car il repose sur le volontariat, seule méthode pour garantir un accord dynamique.

L’échec du protocole de Kyoto prouve qu’un accord contraignant, qui n’est pas assorti des moyens de le faire respecter, ne sert à rien. L’accord de Paris a évité cet écueil.

L’accord de Kyoto reposait sur le principe d’une responsabilité commune mais différenciée. Ce principe est juste sur le fond mais inapplicable pour répartir l’effort entre pays émergents, pays en voie de développement et pays industrialisés.

La logique de l’accord de Paris, qui est probablement la seule crédible, est autre : elle s’appuie sur ce que chacun est prêt à faire. Les États mettent sur la table leur contribution – il en manque aujourd’hui une dizaine. Mais l’addition des contributions aboutit à un scénario de réchauffement de trois degrés, c’est-à-dire celui dans lequel les sociétés ne survivront pas. Ce n’est donc pas suffisant.

L’accord de Paris est crédible en ce qu’il s’appuie sur le volontarisme des États mais aussi parce qu’il prévoit un processus de réévaluation régulière des engagements. La première réévaluation aura lieu en 2018, deux ans avant la mise en œuvre de l’accord de Paris, ensuite elle interviendra tous les cinq ans. L’accord dispense dans les prochaines années de se remettre autour d’une table pour définir le cadre de négociation. Cette question est derrière nous. Désormais, l’enjeu est de faire en sorte – c’est relativement simple – qu’en 2018, les États ayant pris des engagements à Paris annoncent qu’ils sont capables de faire mieux, laissant espérer un scénario de hausse de la température de 2,8 degrés, et qu’en 2023, les mêmes reviennent encore plus motivés et nous proposent un scénario à 2,5 degrés, et ainsi de suite pour arriver à rentrer dans les clous des deux degrés à dix ou vingt ans, voire à une élévation de la température de 1,5 degré. Parmi les points importants, l’accord de Paris a le mérite de remettre dans la perspective le scénario à 1,5 degré qui est le seul à limiter vraiment la casse pour les États.

Comment faire ? On connaît les sources d’émission de gaz à effet de serre : notre vie quotidienne, les process industriels, les process énergétiques, les grands choix agricoles. Il est essentiel d’agir, secteur par secteur, très rapidement afin de permettre aux États de s’appuyer non pas seulement sur leurs bonnes intentions mais aussi sur les dynamiques de ces secteurs pour réévaluer leur contribution. C’est dans ce cadre simple – certains diront simpliste – que s’inscrit l’action des acteurs non étatiques.

Porte-parole climat de la principale organisation mondiale de collectivités territoriales, je suis convaincu que l’action territoriale sera centrale.

À Lyon, en juillet dernier, lors du sommet mondial climat et territoires que j’avais coprésidé avec Bernard Soulage, le vice-président de la région Rhône-Alpes, nous avons mis sur la table des propositions. Des territoires, forts de leur expérience d’action sur l’habitat, la mobilité et la planification urbaine, se sont engagés formellement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à travers plusieurs dynamiques mondiales : le pacte des maires européens, le Compact of Mayors, la coalition des grands États nord-américains – Western Regional Climate Action Initiative (WCI). Pour 2020, les engagements représentent environ 2 gigatonnes de réduction d’émissions par rapport au scénario du laisser-faire, soit 13 % de la population mondiale. Si on réussissait à généraliser ces engagements, on dépasserait les 8 ou 9 gigatonnes de réduction d’émissions en 2020, ce qui correspond à la limite indiquée par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pour être dans le scénario des deux degrés. Nous serions donc dans les clous du GIEC. Nous ne sommes pas condamnés à ce que j’appelle le climato-fatalisme. Il est encore possible et crédible d’atteindre cet objectif d’une hausse de la température limitée à deux degrés.

Les autres dynamiques à l’œuvre sont celles des énergies renouvelables : il ne vous a pas échappé qu’aujourd’hui, l’investissement dans ces énergies dans le monde est bien supérieur aux investissements dans les autres énergies. Mais à quelle vitesse le monde va-t-il s’organiser autour d’une production énergétique totalement adossée aux renouvelables ? Le nucléaire n’est pas un sujet à l’échelle mondiale, nous le savons tous. La question de la sortie du fossile et du charbon reste entière puisque cette source d’énergie est encore très concurrentielle, faute de pouvoir taxer le carbone.

Les différentes dynamiques – les territoires dans leur capacité d’organisation de la vie quotidienne et l’énergie – permettent de croire à un scénario favorable.

L’enjeu est d’amplifier et d’accélérer l’action, en répondant à cette question cruciale : peut-on trouver assez de financements à l’échelle mondiale pour accélérer une transition, qui, sur le papier, n’est pas encore suffisamment financée ? Pour ce faire, il faut lier les financements du climat et ceux du développement. En 2015, il n’y a pas eu une seule négociation mais deux, les objectifs de développement durable en septembre et la négociation sur le climat en décembre. C’est la même histoire. C’est en utilisant l’argent du climat au profit du développement que nous aiderons les pays en développement, qui vont émettre de plus en plus de gaz à effet de serre, avec un développement urbain massif, notamment en Afrique si nous ne les accompagnons pas. Cet accompagnement dans une transition écologique concomitante du développement est indispensable si nous ne voulons pas que nos efforts de réduction soient annulés par l’explosion des émissions dans d’autres pays.

Un événement extrêmement important va se dérouler à Nantes, du 26 au 28 septembre, le climate chance, sommet mondial des acteurs du climat, qui, pour simplifier se veut un peu la « pré-COP non étatique ». Cette réunion démontre qu’à côté de la négociation des États, la société civile, dans sa diversité, est capable de discuter. À Lyon, un texte a été signé par les réseaux mondiaux de collectivités territoriales, mais aussi par les organisations mondiales de syndicats, par des grands réseaux d’ONG comme le Climate action network et des grands réseaux d’entreprise. La société civile mondiale est en mouvement ; elle est capable de définir des consensus et des priorités afin d’indiquer aux États la voie à suivre.

Je vous ai livré une vision un peu optimiste du monde, mais c’est dans ma nature. (Sourires) Il est encore possible de rester dans le scénario des 2 degrés, voire de revenir vers 1,5 degré. Il s’agit maintenant d’accompagner rapidement, notamment financièrement, les dynamiques d’acteurs.

Mme Anne Chassagnette, directeur de la responsabilité environnementale et sociétale de Engie. Vous le savez, Engie s’est fortement impliquée lors de la COP21. Nous sommes très heureux du succès des négociations à Paris.

Aujourd’hui, les entreprises sont convaincues de la nécessité de la lutte contre le changement climatique. Elles la prennent en compte en termes de risques et d’opportunités dans leur business model. Elles sont également une source de propositions pour l’élaboration de cadres favorables à une transition vers une économie bas carbone.

Que retenons-nous de cet accord ? Nous sommes particulièrement contents de la reconnaissance de signaux prix carbone, c’est-à-dire de la nécessité de donner un prix au carbone. Pour les acteurs économiques, le prix du CO2 est une composante déterminante du choix entre un investissement bas carbone et un investissement plus fossile.

Nous jugeons également très positive la mise en place d’un processus dynamique, avec un renforcement régulier des efforts. Nous nous félicitons de la reconnaissance du rôle joué par les acteurs non étatiques. Je cite quelques-unes des nombreuses initiatives : le manifeste pour le climat signé par trente-neuf grands groupes français et l’annonce d’investissements très lourds dans le bas carbone et le renouvelable ; le business dialogue qui était un échange entre une quarantaine de grands groupes internationaux et les négociateurs tout au long de la préparation de la COP21 qui va se poursuivre cette année ; l’initiative « Térawatt » que nous avons lancée dont l’objectif est de développer un térawatt de capacité solaire additionnelle d’ici 2030.

Je retiens aussi les initiatives de la communauté financière – cette implication, assez nouvelle, mérite d’être soulignée. Certains fonds d’investissement ou des banques comme Norges, Bnpparibas, Axa, la Caisse des dépôts et consignations, ont pris des engagements et réorienté leurs activités.

Il faut noter aussi l’engagement des citoyens. Nous avons été partenaires du débat citoyen planétaire sur le climat et l’énergie. Nous avons lancé un débat au sein de notre groupe qui compte 150 000 salariés. Nous sommes tous acteurs de la question climatique – gouvernements, entreprises, collectivités, citoyens.

Nous sommes conscients du défi et des efforts qui restent à accomplir, en particulier dans le secteur énergétique.

L’énergie, en termes de consommation et de production, est à la source de 60 % des émissions mondiales de CO2. Nous sommes donc particulièrement concernés.

Les sociétés travaillent sur une forte réduction de leurs émissions et vont poursuivre ce travail. Engie vise, par exemple, un effort de réduction de 10 % de son taux d’émissions à l’horizon 2020. Nous sommes déjà 20 % au-dessous de la moyenne mondiale.

Nous nous étions fixé l’objectif d’augmenter notre capacité de production électrique renouvelable de 50 % entre 2009 et 2015 – nous avons finalement réussi à atteindre 60 %.

Engie ambitionne d’être le leader de la transition énergétique. Nous sommes déjà leader de l’éolien et du solaire en France et deuxième pour l’hydraulique. Nous nous fixons l’objectif d’ici trois ans au niveau mondial que 90 % de notre résultat opérationnel provienne d’activités bas carbone.

Nous avons pris des décisions fortes l’année dernière, notamment d’arrêter les nouveaux projets charbon. Nous avons depuis fermé deux centrales et nous en avons cédé deux autres. Nous réalisons un gros travail sur notre portefeuille, mais nous ne pouvons pas aller trop rapidement, car le charbon est encore la source de plus de 40 % de la production mondiale d’électricité.

Nous proposons des solutions à nos clients sur la réduction des émissions de CO2, avec de nombreuses offres sur les territoires. Ainsi, quarante-deux partenariats « Terr’inove » couvrent deux millions d’habitants en France. Nous travaillons sur de nouvelles solutions gaz comme le biogaz, le transport routier et maritime au gaz naturel pour les véhicules (GNV) – le gaz est deux fois moins émetteur que le charbon.

Je conclus mon propos par quelques propositions pour aller plus loin qui nous semblent importantes. En premier lieu, il faut continuer à travailler sur la généralisation d'un prix du carbone. Ce prix n’existe pas partout dans le monde. En France, nous sommes plutôt bien lotis. Au niveau européen, le prix n’est pas assez élevé, d’où notre lobbying au sein du groupe Magritte qui réunit des énergéticiens européens pour demander une hausse du prix. Il est paradoxal que des entreprises, qui traditionnellement sollicitent des subventions, demandent à payer le carbone. Mais celles-ci ne souhaitent pas avoir à faire face aux conséquences du changement climatique qui serait catastrophique pour la planète, et donc pour l’économie. Nous soutenons la réforme du marché des quotas européens – EU emissions trading system (ETS). Nous pensons également qu’il faut renforcer les engagements des acteurs et leur suivi : la plateforme NAZCA a été mise en place à cet effet, il faut continuer dans cette voie.

Les travaux sur la transparence des émissions sont importants. Celle-ci existe dans les entreprises qui doivent répondre à de nombreuses questions sur leurs émissions. En la matière, il faut souligner le rôle du Carbon disclosure project (CDP).

Un sujet nous tient également à cœur : l’accès à l’énergie ; plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’énergie. Cette thématique importante n’a pas tellement trouvé d’écho à Paris, espérons que ce ne soit pas le cas pour la prochaine COP, d’autant qu’elle se déroule sur le continent africain. Il est important de travailler en partenariat avec les territoires africains. Engie développe beaucoup de projets au Maroc et en Afrique.

Concernant le financement, les modalités d’attribution des crédits du Fonds vert pour le climat, implanté en Corée, ne sont pas très claires. Comment les entreprises françaises peuvent-elles accéder à ces fonds ?

L’innovation en matière financière doit être poursuivie. Les green bonds – obligations vertes –, par exemple, qui étaient à l’origine émis par des institutionnels, comme la Banque européenne d’investissement, sont désormais dirigés vers les entreprises. Engie a émis le plus gros green bond, d’un montant de 2,5 milliards d’euros.

J’ai évoqué le business dialogue, qui était coanimé par Laurence Tubiana et Gérard Mestrallet. Les entreprises ont apprécié ce dialogue avec les négociateurs, et inversement les négociateurs se sont nourris des discussions avec les entreprises. Nous sommes là pour travailler avec les gouvernements, pour traduire leurs engagements dans les politiques sectorielles.

Nous sommes très contents de cet accord. Il faut maintenir la mobilisation de tous les acteurs. Les entreprises demandent un cadre lisible pour réaliser leurs investissements. Une société comme Engie, dont les investissements s’inscrivent dans le long terme, a besoin d’un cadre, d’un prix du CO2 et de décisions concrètes pour aller de l’avant après cet accord de Paris.

Mme Célia Gautier, responsable International et Europe, du Réseau action climat-France. Le Réseau action climat est une coalition de plus de 900 organisations non gouvernementales, présente dans les négociations internationales depuis l’origine de la convention des Nations Unies sur les changements climatiques.

La COP21 est l’aboutissement d’un cycle mais aussi un point de départ puisque ce texte n’a pas de valeur tant qu’il n’est pas ratifié. L’accord reste à concrétiser dans les politiques publiques et dans les actions des acteurs non étatiques et territoriaux.

C’est à l’aune de cette concrétisation que l’on pourra juger de la crédibilité de l’accord et du rôle de la présidence française de la COP qui, comme vous le savez, se poursuit jusqu’à la passation avec les autorités marocaines à la COP22 en novembre prochain. La France a encore une responsabilité en tant que présidente de la COP. Elle se doit d’être exemplaire pour être crédible dans sa facilitation des négociations.

Comment concrétiser cet accord ? Que peut faire la France ? Quelle est sa responsabilité ?

Au niveau international, de nombreux points restent à préciser, que ce soit sur la mise en œuvre ou sur les règles de fonctionnement de l’accord une fois qu’il sera en vigueur.

Il reste aussi beaucoup de choses à concrétiser au niveau européen. Le paquet énergie-climat 2030 est la traduction de l’accord en Europe, il correspond à la contribution européenne à l’action climatique. Au niveau national, la concrétisation passe évidemment par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et par sa mise en œuvre.

L’enjeu au niveau international dépasse largement celui de la ratification. Celle-ci est évidemment un point essentiel puisqu’elle met en jeu la crédibilité de l’accord. La concrétisation suppose aussi que tous les États mettent en place rapidement des plans de décarbonisation et de transition énergétique pour honorer leurs engagements. Si, dans les deux ou trois ans à venir, ces plans ne sont pas présentés, si les gouvernements ne montrent pas de volonté de réformer leur système politique pour tenir leurs engagements, on pourra douter du respect des contributions nationales présentées en 2015, même si elles courent jusqu’à 2025 ou 2030. Vous comprenez bien qu’il faut mettre en marche le processus politique rapidement.

2018 est un moment clé pour faire le point à la fois sur la mise en place des réformes politiques et sur la volonté des États de rehausser leurs engagements puisque l’accord nous place sur une trajectoire de réchauffement de trois degrés.

Il revient à la France de faire du rendez-vous de 2018 cet instant politique où tous les États annonceront des engagements supérieurs. La responsabilité de la France est aussi engagée au niveau européen puisque, pour l’instant, l’Union européenne n’a pas l’intention d’aller plus loin que le paquet énergie-climat 2030. Or, en l’état, ce paquet est insuffisant pour respecter les trajectoires de long terme de l’accord de Paris, c’est-à-dire une neutralité en gaz à effet de serre qui se traduirait par zéro émission de CO2 au plus tard en 2050. L’objectif européen est aujourd’hui une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95 % en 2050 par rapport à 1990. Il faudrait donc viser le haut de cette fourchette pour respecter l’accord de Paris. Or, la Commission européenne penche plutôt pour le bas de la fourchette. Il faut donc relancer la dynamique au niveau européen. La question du prix carbone est effectivement très importante mais la réforme devra être plus large.

La ministre Ségolène Royal porte au niveau européen l’idée d’une hausse des prix via un corridor de prix carbone sur l’ETS. Cette proposition est intéressante mais elle risque d’être longue à faire accepter au niveau européen, voire de ne jamais l’être tant les oppositions sont fortes. C’est pourquoi en France, se pose la question d’un prix carbone qui permettrait de compenser la forte baisse du prix du pétrole. La consommation de carburant des Français augmente aujourd’hui à cause de la baisse du prix du pétrole. C’est le moment d’augmenter la composante carbone dans les taxes énergétiques pour qu’elle atteigne dès maintenant la valeur tutélaire du carbone – en 2016, 40 euros la tonne de CO2 – et assez rapidement les objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour 2020, c’est-à-dire 56 euros.

En mettant en avant les acteurs non étatiques et l’agenda des solutions, la France a introduit une novation bienvenue. Il fallait montrer que les choses se déroulaient sur le terrain et donner envie d’agir. Désormais, la France, toujours présidente de la COP21, doit assurer le suivi de ces initiatives et favoriser l’instauration d’une véritable gouvernance permettant de s’assurer que les acteurs tiennent leurs engagements, tout en veillant, dans la mise en œuvre des actions, au respect des droits humains et à la sécurité alimentaire. Le suivi de l’agenda des solutions relève de la responsabilité de la France. Les ONG souhaitent y être associées, à condition que les critères de sélection des initiatives soient définis en amont pour ne pas avoir à nous prononcer sur des projets que nous n’aurions pas soutenus dès le départ. L’agenda des solutions devrait être repris par le Maroc mais il est nécessaire de faire avancer les choses avant, notamment à Bonn.

La France doit se faire l’interprète de l’accord. L’objectif de long terme – la neutralité en gaz à effet de serre dans la deuxième moitié du siècle – est très flou. Ce langage convient à tout le monde, y compris aux producteurs pétroliers et aux énergéticiens.

La bataille qui se joue aujourd’hui est celle de l’interprétation. La France doit être l’ambassadrice de la version dans laquelle il faut financer les plans de décarbonisation au niveau national, donner des prix au carbone dans tous les pays et désinvestir des énergies fossiles.

La France a une responsabilité particulière dans ce domaine puisqu’elle détient des parts importantes dans les deux plus grands énergéticiens français que sont Engie et EDF qui continuent aujourd’hui à investir massivement dans le charbon. Quand bien même un processus est engagé pour ne pas investir dans de nouveaux projets, il reste énormément de centrales dans le monde appartenant à EDF ou à Engie qui continuent d’émettre des tonnes et des tonnes de CO2 chaque année. Céder ces centrales, comme l’a fait Engie cette année, ne résout rien. C’est un transfert de responsabilité mais le jeu est à somme nulle pour le climat. La France doit organiser la fermeture des centrales, dans le souci de la conversion professionnelle des salariés et de la lutte contre la précarité énergétique dans ces pays via le financement des énergies renouvelables.

Je souligne à mon tour l’importance de l’accès à l’énergie en Afrique. La France doit appuyer le financement des énergies renouvelables en Afrique. Les prêts ne suffiront pas, des dons seront nécessaires pour permettre aux communautés vulnérables d’accéder à ces énergies.

M. Christophe Bouillon. Je salue l’organisation de cette table ronde avec les ONG, les entreprises et les territoires qui sont trois points d’appui essentiels pour réussir la mise en œuvre de l’accord de Paris.

Je vous remercie pour cette « piqûre de rappel » sur cet accord historique, en ce sens qu’il est ambitieux, universel et différencié. Mais cet accord porte aussi une exigence. Vous avez dit avec raison qu’il n’est pas un point d’aboutissement, ni un point de départ mais plutôt une étape qui doit être suivie d’autres pour garantir sa réussite.

Comme le dit le cinquième rapport du GIEC, le changement climatique est sans équivoque. L’équivoque n’est donc pas de mise dans les actions concrètes pour mettre en œuvre l’accord de Paris.

En écoutant Ronan Dantec, j’ai d’abord cru à une douche écossaise, qui s’est finalement avérée une douche nantaise, moins froide (Sourires). J’ai décelé dans son propos l’espoir de trouver le chemin de la réussite.

Je retiens des trois interventions le mot de concret, qui appelle quelques questions.

La première concerne le financement qui est un élément essentiel, on l’a vu dans la construction de cet accord, de la crédibilité vis-à-vis des pays du Sud. Où en est-on par rapport à l’objectif de 100 milliards de dollars pour le Fonds vert pour le climat ? Quels sont les premiers projets qui ont été financés et comment ont-ils été sélectionnés ?

La deuxième question porte sur le prix du carbone. Des initiatives ont été prises par les entreprises, les ONG et les territoires : tout le monde est d’accord pour donner un prix au carbone mais ce prix n’est toujours pas fixé. Qu’est ce qui bloque ? Pouvez-vous préciser les oppositions que vous avez évoquées, Madame Gautier ?

La troisième question a trait à la gouvernance. L’accord de Paris est d’abord un succès diplomatique parce que c’est un « machin » onusien, soumis aux principes d’universalité et d’unanimité. À quel moment pourra-t-on passer de cette gouvernance onusienne à une gouvernance plus territorialisée, à l’instar de l’ambition que porte l’initiative de Ronan Dantec ? À quel moment peut-on faire confiance à ces différents acteurs que vous représentez pour définir une autre forme de gouvernance qui nous semble essentielle ?

Autre sujet, les transferts de technologies que vous n’avez pas évoqués peuvent être utiles dans un certain nombre de territoires.

Vous avez rappelé le rôle de Ségolène Royal qui déploie une formidable énergie auprès des États, des territoires et des différents acteurs pour les mobiliser et garantir la réussite de l’accord. La France a certes un rôle particulier à jouer mais que peut-on faire en neuf mois ? Comment faire en sorte d’échapper à la course de lenteur à laquelle semble souvent condamnée l’action des Nations Unies ?

Vous avez évoqué l’alliance solaire internationale, l’ambition d’énergies renouvelables pour l’Afrique. Vous auriez pu également parler de l’initiative portée par le ministre de l’agriculture, le « 4 pour 1 000 ». Comment faire en sorte que toutes ces initiatives trouvent une ambition commune et une articulation pour qu’elles n’en restent pas à l’état de déclaration ?

Dernière question, il manque un acteur essentiel, l’opinion publique. C’est sans doute elle qui fait bouger la Chine sur la pollution atmosphérique dans certaines villes, ou le Canada. Quel rôle lui donnez-vous ?

M. Jean-Marie Sermier. Je me félicite également de la tenue de cette table ronde. Il est important, après avoir été mobilisés pendant la COP21 et les mois qui l’ont précédée pour permettre à la commission du développement durable de peser modestement sur les positions de la délégation française, de continuer à travailler puisque, nous le savons, un long chemin nous attend.

Je ne sais pas si j’ai lu le même accord mais je suis plus pessimiste que certains de ceux qui viennent de s’exprimer. Il n’y a pas eu d’accord (Murmures divers), si ce n’est un accord a minima qui a défini un cadre et un calendrier, un chemin de négociation entre 2015 et 2050, avec des cycles de renégociation tous les cinq ans. Pour nous, cet accord est très minimal parce qu’il n’est pas juridiquement contraignant ; il ne comporte aucun système de contrôle et de sanction.

J’ai entendu la démonstration de notre collègue – un accord non contraignant donne plus d’assurances de succès – mais je ne suis pas sûr d’y adhérer. En tout cas, elle ne permet pas de voir l’avenir avec la sérénité que nous espérions.

Aux termes de l’accord, l’objectif à atteindre est de maintenir la hausse de la température moyenne globale au-dessous de 2 degrés et de poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation à 1,5 degré, ceci pour répondre à la demande de plusieurs pays particulièrement touchés par le réchauffement climatique. Mais, en additionnant les contributions nationales qui sont sur la table, on est loin de cet objectif : si les engagements étaient tenus, on parviendrait à une hausse d’environ 3,5 degrés. Ces engagements, qui ne sont pas contraignants, devront inévitablement être révisés. C’est le principe de la clause de revoyure, qui prévoit un réexamen tous les cinq ans.

L’accord est vague sur les moyens de contenir le réchauffement à deux degrés. Il invite les pays à parvenir à plafonner les émissions de gaz à effet de serre aussi rapidement que possible. Ces mots à faible portée font douter de la possibilité d’atteindre l’objectif.

S’agissant des financements, le texte acte que 100 milliards d’euros seront nécessaires d’ici 2020 et que cette somme correspond à un plancher, comme les pays en voie de développement le demandaient. Mais ces crédits ne sont toujours pas réunis et l’accord se limite à encourager les pays développés à apporter un soutien sur une base volontaire.

On est donc loin d’un accord contraignant. J’ai noté votre souhait, madame, à juste titre, d’avoir un prix du carbone qui aujourd’hui fait défaut. Le président Gérard Mestrallet disait il y a quelque temps « si nous ne faisons rien, c’est une facture que nous léguerons aux générations futures avec un coût de 450 milliards d’euros par an à compter de 2050 ». Ce serait un signal fort que de généraliser le prix du carbone, mais force est de constater que, malgré les demandes insistantes de nombreux pays et organisations, aucun indice ne laisse présager la mise en place de ce prix au niveau mondial.

M. Bertrand Pancher. Je fais partie de ceux qui pensent que cet accord est très décevant. Il comporte quelques avancées mais il ne faut pas se raconter d’histoires : comment parler de victoire lorsque l’addition des contributions nationales aboutit à une hausse de trois degrés et qu’aucune contrainte n’est imposée ? On sait ce qu’il en est des engagements de certains États et de la cupidité de celles et ceux qui tiennent des promesses, notamment dans les États non démocratiques. Je ne crois pas qu’il y ait matière à se réjouir. Je me demande même s’il n’aurait pas été préférable de ne pas signer d’accord du tout pour créer un vrai électrochoc auprès de l’opinion publique (Murmures sur divers bancs). On va dans le mur.

Je note néanmoins quelques avancées : les contributions nationales, Ronan Dantec l’a dit, sont un indicateur intéressant. Il faut faire en sorte que les engagements soient plus précis, plus ambitieux et tenus de façon plus rapide.

Parmi les points positifs, figurent notamment les prises de position des grands groupes industriels, du monde de la finance et de l’assurance, en particulier lors du business and climate summit à l’UNESCO en mars 2015, au cours duquel a été lancé un appel pour un prix du carbone. Mais il ne suffit pas d’appeler à un prix du carbone si on n’imagine pas le mode de régulation qui l’accompagne. Le prix est-il fixé par les États ou un système de régulation mondiale ? Quel système de régulation imaginez-vous ?

J’ai été très frappé par l’essor de la croissance verte. On a commencé à évoquer la croissance verte à partir des années 2009 et 2010. J’ai le sentiment d’un basculement à partir de 2015. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les mouvements financiers internationaux, l’agenda du G20, ou le développement des green bonds. L’Europe va-t-elle y retrouver ses petits ? Il n’y a jamais eu autant d’argent dans le monde, tout le monde voit un intérêt à le placer dans la croissance verte. Mais c’est le modèle anglo-saxon, et non le modèle européen, qui domine. Quel peut-être le poids de la France et de l’Europe dans la finance verte et dans sa régulation ?

M. Denis Baupin. L’histoire dira si 2015 est l’année du basculement. À écouter le dépit de certains, on finirait par penser que cet accord est vraiment extraordinaire. Entendre les représentants du parti des gaz de schiste – dont le président considère que l’environnement « ça commence à bien faire » et regrette d’avoir signé le pacte écologique –, venir ici donner des leçons en matière d’écologie et de respect des engagements en matière de gaz à effet de serre, c’est assez amusant. Le dépit doit être profond (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains).

Je pense que cet accord est très important mais il n’a été possible qu’à la faveur du basculement qu’a connu l’année 2015 à bien d’autres égards. Le premier basculement est lié au croisement des courbes de prix des énergies – la baisse du coût des énergies renouvelables et l’augmentation du prix des autres énergies. L’année 2015 aura été la première année où les investissements nouveaux en matière énergétique auront majoritairement concerné les énergies renouvelables.

Le basculement concerne aussi la finance : les investisseurs prennent conscience que les investissements dans des centrales à charbon ou des mines de charbon ont peu de chance d’être rentables, compte tenu des suites qui seront données aux accords sur le dérèglement climatique.

Enfin, le basculement s’observe dans les collectivités locales. Des milliers de collectivités locales s’engagent en faveur du 100 % énergies renouvelables. Mais, plus généralement, de nombreuses initiatives laissent à penser que nous sommes peut-être à ce moment où la communauté internationale – même s’il eut été préférable que l’accord soit contraignant – bascule. Je pense que l’accord de Paris n’est pas principalement juridique mais politique : il donne le signal d’un engagement de l’ensemble de la communauté internationale. Monsieur Pancher, avec ce que nous avons connu à Copenhague, j’ai du mal à croire qu’un échec à Paris aurait été un électrochoc ; je pense au contraire qu’il aurait entraîné plus de désespérance.

Désormais, seule la mise en œuvre compte évidemment. L’engagement européen n’est pas au niveau, notamment si l’on veut limiter la hausse des températures à 1,5 degré. Il faut renforcer les directives en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’efficacité énergétique, de développement des énergies renouvelables.

En France, la programmation pluriannuelle de l’énergie doit être à la hauteur de la loi relative à la transition énergétique et des engagements de la COP de Paris – elle nous engage en tant que Français – à la fois sur la production énergétique et sur la mobilité ; celle-ci pèse dans nos émissions de gaz à effet de serre, il faut aller vers des véhicules plus sobres et plus propres.

Quel est votre avis sur la proposition, portée notamment pas les Brésiliens et un certain nombre d’États pendant la COP et qui a été inscrite dans le document final, de « positive pricing » ? Elle repose sur l’idée, qu’à défaut de prix universel du carbone pour le moment, il serait judicieux de donner une valeur économique à la réduction des émissions de carbone. C’est beaucoup plus simple à mettre en place car il n’est pas nécessaire d’impliquer tous les pays. Comment cette dynamique pourrait-elle s’enclencher d’ici la COP22 ?

M. Jacques Krabal. Je remercie le président de respecter l’engagement qu’il avait pris de faire de l’après COP21 un fil rouge du travail de notre commission. Nous devrions nous garder sur ce sujet de positions excessivement partisanes. Rien n’est acté. La signature de cet acte diplomatique n’est pas un résultat mince, elle est inédite. On ne peut pas bouder son plaisir. Je ne dirai pas aujourd’hui que c’est une réussite mais parler d’échec me semble également excessif. Pour que cet accord fonctionne, il faut que nous nous engagions tous, sans aucune arrière-pensée.

Vous avez exposé les avancées et les attentes pour les collectivités territoriales et les entreprises. Il manque un panorama des suites de l’accord au niveau mondial, européen et français. À cet égard, je salue l’initiative d’inviter Mme Laurence Tubiana mais je souhaiterais que nos ministres puissent nous présenter un point d’étape ainsi que les modalités de préparation de la COP22.

Je me félicite de l’appréciation positive de Ronan Dantec sur l’engagement des collectivités territoriales. Le rassemblement de Nantes me semble être une excellente chose. Nous devons tous y participer. Les territoires à énergie positive pour la croissance verte seront-ils des acteurs de ce rassemblement ? Certains ont regretté l’absence de la société civile mais il appartient aussi aux élus locaux de la mobiliser.

Le prix du baril de pétrole, le prix du gaz ainsi que la volonté forte et continue, ici et ailleurs, de soutenir la filière nucléaire : ce sont autant de facteurs qui ne semblent pas favoriser les investissements dans les projets novateurs et l’encouragement aux énergies renouvelables au niveau mondial. Cette perception est-elle exacte ?

Comment faire pour donner un prix au carbone ? Quelles sont les pistes de réflexion pour mieux répondre à cette problématique essentielle, notamment lors de la COP22 ?

Vous n’avez pas abordé la question de l’eau qui n’a pas été très présente dans la COP21 alors qu’elle constitue un enjeu très fort dans de nombreux pays.

Qu’en est-il des 100 milliards promis pour le Fonds vert pour le climat ? Si on veut la réussite de la transition dans les pays en voie de développement, ces fonds doivent impérativement être mobilisés.

Mme Sylviane Alaux. Je fais partie de ceux qui considèrent que le 12 décembre, nous avons vécu un moment historique. Mais je ne me voile pas la face. Chacun en a conscience, nous abordons maintenant la partie la plus difficile à gagner. Mme Laurence Tubiana, elle-même, déclarait : « il faut avancer sur le processus de mise en œuvre, remettre en marche la machine de négociation et poursuivre l’agenda de l’action. »

S’il est possible de se mettre d’accord au niveau international, il faut admettre que les États sont parfois un peu empêtrés dans leurs politiques nationales qui les mettent en contradiction avec leur signature de cet accord historique.

Avec le grand écart entre la volonté internationale affichée et les politiques nationales prises dans leurs contradictions internes, comment peut-on mettre en œuvre cet élan commun ? Peut-on croire aujourd’hui que les acteurs non étatiques peuvent devenir un jour des moteurs plus pertinents que les États ?

M. Jacques Kossowski. La COP21 a été l’occasion pour de nombreuses entreprises de prendre des engagements en matière de développement durable. Ainsi le forum Caring for climate, qui réunit quelque 450 entreprises internationales, a tenu à montrer publiquement son implication dans la transition énergétique. De même, trente-neuf entreprises françaises, parmi lesquelles Alstom, Engie, Vinci, Michelin ou la Société générale, ont signé un manifeste pour le climat dans le but de mobiliser, d’ici 2020, 45 milliards d’euros dans des investissements industriels et 80 milliards d’euros de financement pour des projets dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les technologies bas carbone. On ne peut que se féliciter de telles initiatives qui vont dans le bon sens, tout en espérant que ces objectifs soient bien atteints.

Si les grands groupes ont la capacité financière et logistique de s’impliquer dans le processus de la COP21, qu’en est-il pour les PME ? Les entreprises intermédiaires seront-elles les grandes oubliées de cet enjeu planétaire ? Comment voyez-vous leur place aux côtés des acteurs institutionnels et des grandes entreprises ? Comment peut-on mieux les associer aux changements de l’après COP21 ?

M. Stéphane Demilly. « Les difficultés de l’après-COP21 se multiplient », « Le casse-tête de la ratification de l’accord de Paris », « COP21 : transformer les bonnes intentions en actions » : tels sont les titres que l’on peut lire dans la presse depuis l’adoption en grande pompe de l’accord de Paris pour le climat, le 12 décembre dernier. Quatre mois plus tard, une fois retombée l’euphorie de l’instant, l’impatience se fait sentir, comme en témoignent les questions de mes collègues.

Les miennes seront au nombre de deux. La première a trait à la ratification officielle de cet accord, car nos concitoyens doivent savoir que, malgré l’impression qui a pu leur être donnée le 12 décembre dernier, le plus dur reste à faire. Chaque État partie doit en effet désormais ratifier cet accord selon un processus interne, accord qui n’entrera en vigueur que lorsqu’au moins 55 pays représentant 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre l’auront ratifié. Cela prendra donc du temps : certains observateurs évoquent fin 2017 ou début 2018. Je souhaiterais avoir votre sentiment sur ce point.

Ma seconde question porte sur le prix du carbone. Nous sommes bien entendu nombreux à considérer qu’il constitue un outil indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique. Or, aucune solution satisfaisante à l’échelle internationale n’a encore été trouvée. Une idée fait cependant son chemin, celle de tarifer le CO2, non pas en aval des chaînes de production, mais en amont, c’est-à-dire lors de l’extraction des trois produits à l’origine des émissions liées aux usages énergétiques – le charbon, le pétrole et le gaz – plutôt qu’au moment de l’émission de CO2. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

M. Florent Boudié. Je regrette les propos caricaturaux de certains de nos collègues, notamment Jean-Marie Sermier et Bertrand Pancher. Il s’agit d’un véritable accord et non d’un accord a minima – on peut même parler d’un succès diplomatique, compte tenu de la règle onusienne de l’unanimité. Mais cet accord est fragile ; sa ratification sera longue. On sait, en outre, que les contributions nationales aboutissent à un réchauffement global compris entre 2,7 et 3 degrés, bien au-delà de la limite recommandée par les scientifiques. Par ailleurs, la prochaine révision des engagements est prévue en 2025, de sorte que l’on risque de perdre dix ans. Enfin, un grand nombre de pays, notamment l’Inde, ont conditionné la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre aux aides financières et aux transferts technologiques.

La France doit prendre ses responsabilités, après le vote de la loi sur la transition énergétique. En 2015, 1 000 mégawatts d’énergie éolienne ont été raccordés au réseau alors qu’il en faudrait 1 800 mégawatts pour atteindre l’objectif d’une réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité en 2025.

Bref, l’après-COP21 exige une sorte d’emballement. Or, dans les États démocratiques, je crois beaucoup à la force des acteurs non étatiques, à une approche territoriale et à la capacité de mobilisation de la société civile, des collectivités territoriales, des entreprises et des ONG. Les initiatives ne manquent pas en la matière ; il s’agit de les organiser et de les faire converger en les inscrivant dans une logique beaucoup plus intégrée. Aussi souhaiterais-je savoir comment vous envisagez d’ouvrir la gouvernance climatique et quelle forme institutionnelle pourrait prendre cette nouvelle gouvernance que vous appelez tous de vos vœux. La présidence française, qui se prolonge jusqu’au mois de novembre, peut-elle encore prendre des initiatives dans ce domaine ? En a-t-elle les moyens et, surtout, la volonté ?

Mme Laurence Abeille. Il est assez piquant d’entendre nos collègues du groupe Les Républicains réclamer, à propos de l’accord sur le climat, des contraintes qu’ils ne cessent de combattre par ailleurs. (Murmures)

M. Yves Nicolin. Nous ne parlons pas de la France, mais des autres pays !

Mme Laurence Abeille. Je concentrerai mon intervention sur les grands oubliés de la COP21 en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Je veux parler de certaines pratiques agricoles, en particulier l’élevage. Comment pourrait-on intégrer la problématique de ce secteur dans les débats et insister sur le lien entre dérèglement climatique, biodiversité et déforestation ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Nous savons tous que le dérèglement climatique affecte en premier lieu les pays les plus pauvres, en particulier les femmes qui y vivent. Nous attendions donc de l’accord de Paris qu’il leur permette d’accéder à des financements afin de développer des projets de lutte contre le dérèglement climatique. Or, force est de constater que la prise en compte de la situation des femmes n’a pas beaucoup avancé à Paris. Comment pourrions-nous relancer cette question en vue de la COP22 ?

M. Guillaume Chevrollier. Pour espérer atteindre les objectifs de la COP21, il est indispensable de réussir à faire baisser le prix de l’énergie propre, ce qui suppose de favoriser l’innovation. Il y a en effet beaucoup à faire pour rendre les énergies renouvelables compétitives, surtout à l’heure où le prix du baril de pétrole se situe entre 30 et 40 dollars. Prenons l’exemple du continent africain. Celui-ci dispose d’importantes ressources pétrolières mais il est le premier à être affecté par le dérèglement climatique. Or, c’est le continent qui est le plus propice au développement des énergies renouvelables. Quelles mesures concrètes peut-on prendre pour l’aider à relever ces défis ?

Par ailleurs, comment alimenter le Fonds vert pour le climat, créé à Copenhague en 2009 ? Les pays riches ont promis de verser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour financer les politiques climatiques des pays les plus vulnérables qui s’engagent à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, cette enveloppe n’a recueilli qu’à peine 10 milliards de dollars en 2014. Quelles garanties avons-nous que le paiement sera effectué ?

M. Yannick Favennec. Mes deux questions portent sur la mise en œuvre de l’accord. Trois mois après sa signature, force est de constater que le départ, certain ou probable, de ses quatre principaux artisans – Laurent Fabius, Christiana Figueres, Ban Ki-Moon et Laurence Tubiana – n’est pas un très bon signal, alors que beaucoup reste à faire pour transformer la feuille de route en plan d’action. De fait, les engagements des États ne permettront pas de maintenir le réchauffement en deçà de deux degrés. Il faut donc désormais concrétiser les objectifs ambitieux annoncés en décembre et se doter rapidement des outils adéquats, en particulier d’un mécanisme de révision des ambitions.

La présidente de la COP21, Ségolène Royal, ainsi que certains ministres européens, ont plaidé en faveur de la révision du marché carbone européen, de la réduction des émissions non couvertes par ce marché, de l’avancement des législations européennes en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Toutefois, le risque d’immobilisme est toujours présent, puisque l’Union européenne peut décider de s’en tenir au dispositif qui a été fixé par le Conseil européen en octobre 2014 sans se préparer à des engagements plus ambitieux. L’enjeu pour l’Europe est donc de rester très active et de donner l’exemple. Elle doit notamment émettre un ensemble de signaux positifs, afin de confirmer son intention de donner une visibilité politique à un nouveau régime climatique issu des exigences de la COP21. Ainsi, faut-il attendre que les 28 États membres ratifient l’accord, sachant que cela peut prendre du temps, ou faut-il mettre en place une procédure accélérée qui permettrait une ratification de l’accord par la Commission européenne d’ici à la fin de l’année ?

M. Michel Lesage. Nicolas Hulot rappelle souvent les raisons pour lesquelles il considère la COP21 comme un succès. Tout d’abord, il s’agit d’un accord universel, signé par 195 pays, dont beaucoup n’étaient pas parties prenantes à la conférence de Copenhague – je pense à la Chine et à l’Inde. Le monde s’est donc mis en marche, au-delà même des États puisqu’un certain nombre d’entreprises et la société civile se sont investies dans ce domaine. Ensuite, et c’est une avancée considérable, la notion d’adaptation au changement climatique est employée à parité avec celle d’atténuation. La prise en compte du changement climatique est donc réelle ; elle est désormais acquise, alors que les sceptiques étaient encore nombreux il y a peu. Certes, la ratification – je ne doute pas qu’elle interviendra dans les semaines et les mois qui viennent – et la concrétisation des engagements qui ont été pris sont nécessaires.

J’en viens à mes questions. Premièrement, ces changements peuvent-ils intervenir dans le cadre du modèle économique existant ? C’est une question sociétale capitale. Deuxièmement, si l’on parle beaucoup de la diminution des gaz à effet de serre, on évoque plus rarement la préservation et la restauration des écosystèmes : zones humides, forêts, eau. Enfin, en matière de gouvernance, l’Europe est défaillante, alors qu’elle s’est construite autour des questions énergétiques. Comment se doter de ces outils de gouvernance qui sont la condition du succès à terme de la COP21 ?

M. Jean-Pierre Vigier. L’accord de Paris a été signé par 195 pays, mais il n’entrera en vigueur qu’après sa ratification par 55 pays représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Si l’on veut qu’il entre en application avant 2020, conformément à l’objectif qui a été fixé, il faut absolument qu’il soit rapidement ratifié. Ma question est donc simple : des mesures sont-elles envisagées pour inciter les États à ratifier cet accord ?

Mme Marie Le Vern. Ma question s’adresse plus particulièrement à Mme Célia Gautier, puisqu’elle concerne les initiatives citoyennes, militantes et associatives. La mobilisation des opinions publiques était un enjeu important du processus qui a conduit à l’accord de Paris. Le point d’orgue de cette mobilisation devait être la grande marche pour le climat, prévue le 28 novembre mais qui n’a pu avoir lieu pour des raisons compréhensibles. Fort heureusement, dans plusieurs autres villes de France et du globe, de nombreuses initiatives ont été prises dont les médias se sont fait l’écho.

Toutefois, des doutes se sont exprimés sur l’implication et l’information d’une frange de l’opinion, notamment les jeunes. Un sondage d’octobre 2015 révélait ainsi que 71 % des 15-30 ans estimaient que la COP21 ne permettrait pas d’atteindre l’objectif de deux degrés. Toutefois, 66 % d’entre eux étaient convaincus que l’on pouvait encore agir positivement pour réduire nos émissions et éviter le pire, y compris en s’engageant personnellement. Ce sondage nous apprend donc que les jeunes font peu confiance aux solutions institutionnelles mais qu’ils ne cèdent pas pour autant au scepticisme et se sentent concernés. Je veux y voir un motif d’espérance, mais cela nous oblige à rester vigilants pour qu’une partie de cette génération ne passe pas à côté des enjeux de la COP21, qui sont importants. Car c’est une réussite, et il est bon de le rappeler puisque certains, ici, sont dans le déni.

Quel bilan tirez-vous de la mobilisation de l’opinion et des consciences, en particulier des jeunes ? Comment envisagez-vous l’après-COP21 et quels sont les moyens et les pratiques de nature à maintenir l’intérêt et la mobilisation ?

M. Laurent Furst. Les insupportables leçons de morale qui nous sont données rendent cette réunion pénible… (Murmures divers)

La COP21 m’apparaît comme une démarche positive car, en tant qu’outil de communication et d’information de la population, elle a pleinement joué son rôle. Par ailleurs, si la France veut parler au monde – et c’est un peu son travers que de vouloir donner des leçons au monde entier –, elle doit se montrer exemplaire. À cet égard, sa situation est, certes, plutôt favorable comparée à celle des autres pays développés, puisque ses émissions de gaz à effet de serre sont relativement contenues. Cependant, elle le doit au nucléaire, au développement de l’énergie hydraulique, notamment, qui a été beaucoup encouragé dans notre pays, et des énergies renouvelables, mais aussi à des éléments négatifs, en particulier la désindustrialisation.

En ce qui concerne la diminution des émissions de gaz à effet de serre, on cite toujours le secteur des transports. Mais on oublie, et je le regrette, que le secteur médico-social, notamment les hôpitaux, est également un grand consommateur d’énergie, à cause du chauffage – la saison de chauffe y dure neuf mois – et de la climatisation. Or, aucune politique publique n’est menée pour réduire la consommation d’énergie de ces établissements. Si la France veut parler à la communauté internationale, elle doit être exemplaire dans tous les secteurs.

M. Guy Bailliart. Je me situe, quant à moi, dans le camp des optimistes. Nous sommes confrontés à une mutation économique mondiale décisive. Si, comme prévu, elle s’effectue rapidement, elle sera dominée, au plan mondial, par ceux qui contrôleront les techniques, les brevets et les financements. La question de la recherche, des brevets et des échanges de technologies est donc centrale. Il suffit de se rappeler ce qui s’est passé, en Afrique, dans le domaine des techniques d’irrigation ou des énergies fossiles en Afrique pour prendre conscience du danger qui nous guette.

Il a été question d’aides liées, c’est-à-dire de financements liés à une économie plus respectueuse de l’environnement. Chacun sait quels ont été les désastres provoqués par l’aide liée dans les pays sous-développés : la plupart du temps, on privilégie l’investissement au détriment de la maintenance, du suivi et de la mise à niveau. Ce sont des sujets centraux dont on parle très peu. N’oublions pas qu’une mutation économique s’accompagne toujours d’une mutation de pouvoir et d’une mutation financière.

M. Martial Saddier. Je ne m’autoriserai à faire qu’une seule remarque sur le contenu de l’accord de Paris. L’hiver qui s’achève fut le plus chaud jamais enregistré puisque la température moyenne a dépassé la normale de deux degrés, sachant que, dans une partie du territoire métropolitain, on est déjà à plus deux degrés…

J’en viens à ma question. L’argent est évidemment l’une des clés de la réussite, avec l’engagement politique. Mais une réflexion est-elle menée sur les rôles respectifs des États et des territoires, notamment, pour ce qui est de la France, des collectivités territoriales ?

Mme Suzanne Tallard. L’accord de Paris, dont je me réjouis, entrera en vigueur en 2020, à condition qu’il soit ratifié par 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Outre sa ratification au cours de l’été 2016, comme le souhaite Mme la ministre de l’écologie, quelles actions notre pays peut-il mener ou promouvoir, sans attendre 2020, pour freiner le plus tôt possible l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ? Ce volontarisme que j’appelle de mes vœux conforterait le rôle pionnier de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Surtout, l’État amplifierait l’élan de la COP21 en entraînant les collectivités, les entreprises et les particuliers.

Par ailleurs, du 5 au 7 avril prochain, se tiendra à Pau le sommet qui rassemblera les décideurs stratégiques des marchés de gaz et de pétrole en eaux profondes. Sous la houlette de l’entreprise française Total, se réuniront de hauts responsables d’entreprises pétrolières internationales – Shell, Exxon, Repsol, BP – ainsi que les différents opérateurs de l’exploration, du forage et de l’exploitation en eaux profondes du pétrole et du gaz. L’objectif de ce sommet est « de mettre en commun toutes les compétences permettant la réduction des coûts et l’augmentation de l’exploitation du pétrole et du gaz, de développer des champs en eaux profondes et de permettre l’avancement de l’exploration et de la production globale ». Ainsi, moins de quatre mois après l’accord de Paris, les pétroliers, dont Total, entreprise présente au Bourget en décembre dernier, se réunissent pour envisager d’accentuer encore l’exploitation des énergies fossiles, dont les conséquences néfastes sur l’environnement et le climat ne sont plus à démontrer. Ce sommet s’apparente à une provocation, et il se tiendra en France ! Comment celle-ci peut-elle agir pour interdire ou tenter de faire interdire partout, dans le cadre de la COP21, le développement de l’exploitation du pétrole et du gaz en eaux profondes ? De fait, les entreprises ne semblent pas toutes prêtes à participer à la transition énergétique que nous appelons de nos vœux, ni même à la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre.

Mme Florence Delaunay. J’illustrerai ma question par deux exemples. Le premier vient d’être évoqué par Suzanne Tallard, mais je crois bon d’y revenir. Le rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie, World energy outlook 2012, préconise de laisser dans le sol deux tiers des réserves prouvées des combustibles fossiles afin de ne pas dépasser les deux degrés de réchauffement maximal – la bourse de Londres aurait déjà anticipé ce passif. Selon cette préconisation, il n’y aurait aucune raison de poursuivre des explorations et forages toujours plus profonds pour extraire du pétrole et du gaz. Pourtant, le salon NCE Deepwater development rassemblera à Pau les plus grandes entreprises de forage en eaux profondes. Il est clair qu’en la matière, rien ne contraint ces multinationales à changer de cap, même s’il semble opposé aux objectifs de la COP21.

Mon second exemple concerne la géothermie. Lors d’une visite de Ségolène Royal en 2014, le directeur de la centrale géothermique de Bouillante, en Guadeloupe, a affirmé que la géothermie apportait une contribution majeure à la transition énergétique. Dans ce cadre, un fonds de développement de la géothermie, GEODEEP, a été créé et, dans la perspective de la COP21, l’État s’est engagé à investir 50 millions d’euros pour développer la géothermie. Or, d’ici à mai prochain, le BRGM et sa filiale SAGEOS vendront, pour le même montant, l’usine de Bouillante à une entreprise américaine, Ormat Technologies, qui contrôlera 85 % du capital. Avec les investissements prévus, l’usine produira 20 % de l’énergie consommée par les Guadeloupéens. Raccordée au réseau depuis trente ans, l’usine est la seule centrale géothermique en activité de France. Elle fait partie intégrante des outils de la transition énergétique. Bien que mal gérée par le BRGM, elle aurait pu rester dans le giron national, notamment au sein d’ENGIE, ou faire l’objet d’une action territoriale.

Ma question est donc la suivante : comment donner aux États les moyens législatifs, juridiques et financiers de mettre en œuvre les objectifs de l’accord de la COP21 ?

M. Serge Bardy. Je souhaiterais, en tant que membre de la plateforme nationale pour la RSE, aborder la question de la responsabilité sociale et environnementale ; je le ferai sous deux aspects. Le premier concerne le reporting extra-financier, moyen privilégié de renforcer la RSE. Lors de la conférence Rio+20, en juin 2012, avait été créé sous l’impulsion de la France le Groupe des amis du paragraphe 47, qui vise à promouvoir le développement du reporting extra-financier, très lié à celui du développement durable. L’idée est intéressante, car le combat de la société civile contre les grands intérêts privés globalisés est un peu celui de David contre Goliath ; or, dans ce combat, l’accès aux données est une arme cruciale. Les entreprises doivent en effet garantir la transparence de l’impact environnemental et social de leurs activités – le social et l’environnemental sont les deux faces d’une même pièce –, pour que la régulation soit efficace et équitable.

Le second aspect concerne les entreprises transnationales. Le Parlement débat actuellement d’une proposition de loi relative à ce sujet et un projet de traité international contraignant a été mis sur la table par certains pays au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ce projet de traité concerne non seulement le respect des droits humains, mais aussi la prévention des catastrophes environnementales.

Sur ces deux aspects, et sur la RSE en général, notre pays est leader, notamment parce que le capitalisme français est un capitalisme de grandes entreprises. Nous devons conforter ce leadership et être une force de proposition, par exemple en réactivant le Groupe des amis du paragraphe 47 ou en allant plus loin sur le devoir de vigilance des multinationales et l’accès à la justice des victimes de catastrophes environnementales causées par les entreprises.

Je souhaiterais évoquer, par ailleurs, le rôle de la société civile. Sans doute avez-vous vu le film Demain, qui a remporté un beau succès. Cet engouement traduit la volonté de chacun de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, localement, par des initiatives aussi innovantes que simples. Les États sont parfois des canaux, puisqu’il faut en passer par eux pour signer l’accord de Paris, mais ils peuvent être aussi des obstacles à la réalisation des objectifs fixés par la COP21. Ma question est très simple, presque naïve : la France ne pourrait-elle pas soutenir activement les initiatives citoyennes locales, s’ériger en pays refuge et relais de cette société civile foisonnante ?

M. Jean-Yves Caullet. Je veux rappeler tout d’abord que tous les carbones ne se valent pas : le carbone stocké que l’on déstocke et celui du biogaz ou du bois, qui s’inscrit dans une économie circulaire, ne sont pas identiques. Quelle est la part de la substitution aux matériaux fossiles, matériaux de construction aussi bien qu’énergétiques, que l’on peut accorder dans le cadre de la réussite de l’agenda des solutions à cette conception de la substitution ? N’oublions pas que la photosynthèse est encore, à ce jour, le capteur solaire le plus efficace et qu’elle présente l’avantage de stocker directement ses produits alors que le photovoltaïque pose des problèmes d’intermittence.

Par ailleurs, on parle de sauts technologiques très simples et très importants au niveau local. Pour le chauffage ou la cuisson des aliments, par exemple, la simple adjonction de quelques briques pour améliorer le rendement d’un feu ouvert permet de diminuer de 40 % à 50 % la pression sur la ressource forestière dans des pays où elle est la seule source de combustibles pour l’alimentation. C’est de ce type d’innovations ou de transferts de technologies qui n’intéressent pas forcément les groupes les plus réputés du CAC40 que dépendent également les conditions de travail des femmes, qui sont très souvent chargées de ce type de tâches au sein des familles.

Enfin, quelle est la part d’investissement qui pourrait être consacrée à la reconquête forestière, à son adaptation au changement climatique – car elle est à la fois une arme contre le réchauffement climatique et une victime potentielle de celui-ci – et à l’optimisation de la récolte des bienfaits de la forêt, qui n’a rien à voir avec la déforestation ?

M. Ronan Dantec. Il m’est impossible, compte tenu du temps qui m’est imparti, de répondre à l’ensemble de vos questions. (Rires) Toutefois, la quasi-totalité d’entre elles seront à l’ordre du jour du sommet que j’organise les 26, 27 et 28 septembre à Nantes, où une centaine de forums et d’ateliers permettront de faire globalement le point sur les actions menées – je pense notamment à la constitution d’une coalition sur l’eau ou à la situation des femmes. Le comité d’orientation du sommet étant composé des neuf groupes majeurs de la négociation internationale, aucune des grandes questions ne devrait nous échapper. Je vous donne donc rendez-vous à Nantes au mois de septembre.

De fait, on constate que si le débat est global, des questions très précises sont immédiatement soulevées. Là est la difficulté : nous devons pouvoir nous appuyer sur une matrice mondiale crédible, qui croise les engagements des États et les dynamiques des secteurs, afin de nous accorder sur un scénario partagé qui intègre les questions de développement et les enjeux économiques de chaque État et de chaque territoire. C’est extraordinairement complexe mais, tant que nous n’aurons pas affiné cette démarche, nous en resterons à cette espèce de bouillonnement de questions. Il faut parvenir à en faire une synthèse, et c’est toute la difficulté de la négociation sur le climat.

Je n’aborderai que trois thèmes. Tout d’abord, l’opinion publique, qui est une question clé. Certains intervenants se sont montrés pessimistes, notamment Bertrand Pancher, que j’ai connu plus optimiste.

Plusieurs députés. Nous aussi ! (Sourires)

M. Ronan Dantec. Cet accord est-il positif ? Est-ce un accord en trompe-l’œil ou un échec collectif ? Pour tout vous dire, nous avions plus ou moins décidé collectivement, avant la COP, d’annoncer, une fois qu’elle serait terminée, qu’elle avait été un succès. Nous ne voulions pas, en effet, que se reproduise ce qui s’était passé à Copenhague, où l’on était arrivé en affirmant que l’avenir du monde se jouait là, avant de devoir reconnaître qu’on avait échoué. Si l’on affirme que l’on n’y arrivera pas, nos sociétés, qui sont tout de même conscientes de la gravité de la situation, décideront de s’adapter. Or, si le réchauffement est de trois ou quatre degrés, s’adapter, c’est d’abord faire face à des migrations et à des guerres, et donc investir dans des unités de production de fil barbelé et de kalachnikov. Aussi devons-nous absolument tenir un discours qui permette à chacun d’assumer positivement sa part de responsabilité, faute de quoi nous allons vers un repli rapide.

Je rappelle tout de même qu’un réchauffement d’un degré – c’est-à-dire la situation actuelle –, cela correspond à la fameuse sécheresse qui a sévi en Chine il y a une dizaine d’années. Elle a provoqué une importante baisse de la production de ce pays, une augmentation du prix des produits alimentaires dans un marché mondialisé, la cherté de la vie, qui est à l’origine des printemps arabes, et une accélération de l’exode rural en Syrie. C’est donc l’histoire immédiate de ces dix dernières années ! Aujourd’hui, on ne sait que faire avec un million de réfugiés : imaginez ce qu’il en serait avec les deux milliards d’habitants de l’Afrique !

Le monde du réchauffement climatique n’est pas un monde d’adaptation technologique ; c’est un monde de désagrégation, et nos sociétés le perçoivent plus ou moins. Dès lors, si on ne leur présente pas un scénario de stabilisation du climat, les mandats politiques qui nous seront confiés seront des mandats de protection contre l’Autre. Nous y sommes déjà, d’ailleurs ! Notre responsabilité politique consiste donc à élaborer, dans ce monde imparfait composé d’acteurs aux intérêts divergents, un scénario. Et le seul scénario possible, c’est celui du volontarisme. Or, l’accord de Paris est intéressant à cet égard, puisqu’il rassemble les contributions de 185 États qui jouent le jeu dans ce cadre-là. En outre, il s’agit désormais de négocier des dynamiques d’action. Cet accord marque donc une étape précieuse en ce qu’il définit un cadre pour vingt, trente ou quarante ans.

Beaucoup de questions ont porté sur le prix du carbone et les grands enjeux économiques. Nous sommes, de ce point de vue, dans le moment de la contradiction. Longtemps, on s’est senti dans l’obligation de faire un petit quelque chose : on élaborait un plan climat, on accrochait trois panneaux photovoltaïques sur le toit de la mairie, et cela suffisait pour l’article qui paraissait dans la presse locale. Aujourd’hui, nous sommes dans le temps de la contradiction : dès lors que prévaut un scénario de stabilisation du climat, nous sommes obligés de nous demander comment nous allons adapter nos économies et nos propres logiciels de développement dans le cadre d’une compétition qui s’est imposée à l’échelle mondiale. Ces confrontations-là, il va falloir se les coltiner.

« Ton territoire, me demande-t-on souvent, n’est-ce pas celui où est prévu un projet d’aéroport fondé sur un développement exponentiel du trafic aérien ? » Dès que l’on quitte l’échelle globale pour revenir à l’échelle locale, les confrontations réapparaissent. Les partisans de ce projet de transfert d’aéroport – et il peut y en avoir parmi vous – considèrent encore aujourd’hui que la logique libérale de la compétition territoriale justifie, au regard de la situation de l’ouest de la France dans l’Europe, que l’on investisse dans un tel projet. Or, il est clair que si le transport aérien continue de croître à la vitesse actuelle, il nous sera impossible de stabiliser le climat. Voilà une contradiction absolue ! Et comme, de surcroît, la France vend beaucoup d’avions, favoriser une diminution du trafic aérien peut poser problème… Nous ne savons pas dépasser ces contradictions. L’exemple du territoire nantais est intéressant à cet égard, puisque, dans le même temps, il finance le sommet sur le climat – et ce n’est pas une opération de greenwashing, car le président de ce sommet est un opposant résolu au projet d’aéroport – et il est probablement, avec celui de Grenoble, le seul territoire qui parviendra à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici à 2030 parce que, depuis des décennies, il investit dans la mobilité, la planification, l’habitat.

Cette remarque vaut également pour les grandes régulations économiques. Notre crainte majeure, s’agissant de la ratification du traité, elle est liée à la position des États-Unis, compte tenu des réserves émises par la Cour suprême. Pensez-vous vraiment que l’on puisse signer le TAFTA sans savoir si les Américains s’engagent en faveur d’une régulation climatique ? En ce qui concerne le prix du carbone, la question qui se pose est celle de savoir comment il peut être décliné dans le cadre de la fameuse responsabilité commune mais différenciée, c’est-à-dire, à la limite, une équivalence d’unités carbone entre les marchés chinois, européen et américain, mais pas forcément au même prix. Il faut creuser cette idée, sur laquelle nous aurons un dialogue de haut niveau lors du sommet de Nantes.

J’en viens à la gouvernance du climat. Ce qui est en jeu ici, c’est la capacité d’acteurs culturellement et politiquement différents, dont les intérêts sont divergents, de se mettre d’accord. La question est donc complexe, mais je crois que nous avons avancé sur ce point, notamment grâce aux acteurs non étatiques – je pense notamment aux villes. À leur niveau, la gouvernance est en effet plus facile car, à l’échelle mondiale, les différentes réponses aux défis climatiques sont assez proches : il faut agir sur la planification, la mobilité, l’habitat et l’inclusion sociale. On crée ainsi des cultures transversales mondiales. Pour conclure en une phrase, je dirai qu’une des responsabilités de la France, après le Plan d’action Lima-Paris – et nous sommes en train de prendre du retard –, c’est de réussir à finaliser avant Marrakech une gouvernance composée d’acteurs non étatiques ; c’est un point-clé.

Mme Anne Chassagnette. Je m’en excuse par avance, mais je ne pourrai pas répondre à toutes vos questions, très riches et intéressantes.

En ce qui concerne le prix du CO2, je veux saluer les travaux de la Banque mondiale, qui aide les États à mettre en place des mécanismes de tarification du carbone, qu’il s’agisse de marchés ou de taxes. En France, Mme Ségolène Royal a proposé à l’Union européenne la création d’un corridor afin de renforcer le prix du carbone. De fait, pour qu’une telle mesure ait un véritable impact sur le climat, il faut agir au niveau européen, et non national. Or, c’est très difficile, car certains États européens sont opposés au prix du CO2. En effet, celui-ci entraînerait un renchérissement du coût de l’énergie et aurait des effets sociaux dans les pays émergents ou dans ceux qui, en Europe, sont très focalisés sur le thermique. Toutefois, les entreprises qui ont intégré la dimension climatique se battent en faveur d’un prix du CO2, qui permettrait d’aller vers une économie bas carbone, finalement moins risquée pour les entreprises.

Par ailleurs, le renouvelable est désormais compétitif : il peut, dans de nombreuses régions du monde, notamment en Afrique, où la source d’énergie est très abondante, se passer de subventions. Ainsi, ENGIE a choisi d’investir dans des projets rentables. Grâce aux évolutions technologiques et à la diminution des coûts, notamment des panneaux solaires, nous pouvons désormais donner accès à l’énergie. Nous travaillons donc beaucoup sur cette question, qui peut être abordée lors de la conférence de Marrakech, laquelle devrait, du reste, traiter également la thématique des femmes car l’Afrique est très concernée.

Oui, les territoires se réapproprient les questions énergétiques et veulent des solutions concrètes. Donc la gouvernance évolue, et la décentralisation se développe. Ainsi, l’organisation d’ENGIE a été modifiée le 1er janvier dernier ; elle est désormais très décentralisée et pensée de manière géographique.

Par ailleurs, il est vrai que les différents types de carbone ne se valent pas. Nous travaillons beaucoup, quant à nous, sur la thématique du biogaz. Ainsi les déchets de la région parisienne permettent de générer du biogaz qui alimente ensuite les bus de la RATP. Ce type de cercles vertueux peut tout à fait être développé, notamment en France.

L’opinion publique joue en effet un rôle-clé. Dans le domaine de l’énergie, on assiste à une véritable révolution sociétale : le consommateur veut décider de ses choix énergétiques et être producteur d’énergie. Nous avons d’ailleurs de nombreux liens avec la société civile, les citoyens et les ONG, avec qui nous entretenons un dialogue permanent. Les sondages montrent que les salariés attendent de leur entreprise qu’elle ait un impact positif sur la société. Quant à la société civile, elle attend beaucoup plus des grandes entreprises que des hommes politiques. Notre rôle à nous est donc d’être actifs, d’être force de proposition et d’assumer cette responsabilité.

Peut-être les PME donnent-elles moins de la voix et ont-elles moins d’équipes qui consacrent du temps à la problématique du climat, mais elles ne sont absolument pas absentes sur le terrain. Nous sommes, du reste, partenaires de certaines d’entre elles, notamment dans le domaine de l’innovation et des nouveaux business model correspondant à la problématique du climat. Les PME s’investissent donc beaucoup. Elles sont notamment présentes au Global compact de l’ONU, qui réunit ces entreprises autour des thèmes de la responsabilité sociale et environnementale et du climat. Elles sont très actives et très demandeuses car leurs salariés souhaitent vraiment des évolutions positives dans ce domaine.

En ce qui concerne plus particulièrement la responsabilité sociale et environnementale, nous sommes très conscients de notre rôle et nous travaillons beaucoup sur la transparence, voire sur l’intégration, qui consiste à fonder nos décisions opérationnelles d’investissement sur des critères qui ne sont pas uniquement économiques mais aussi environnementaux et sociaux. Nous sommes engagés dans cette démarche, et nous publions, depuis l’année dernière, un rapport intégré qui témoigne de cette démarche auprès de nos partenaires. S’agissant du devoir de vigilance, je serai très prudente. Les entreprises doivent être volontaires en la matière. Imposer trop de contraintes aux entreprises françaises nuirait en effet à leur compétitivité par rapport aux entreprises des autres pays. Je ne pense donc pas qu’il faille légiférer sur ces questions, mais plutôt inciter les entreprises à s’améliorer.

Mme Célia Gautier. Si je devais résumer le sentiment de Réseau action climat sur l’accord de Paris, je dirais qu’il aurait pu être bien pire mais qu’il aurait dû être bien meilleur… Mais nous sommes ici pour parler de l’après-COP21.

En ce qui concerne la ratification de l’accord, le principal enjeu ne réside pas, selon moi, dans la position des États-Unis ou celle des autres grands États émetteurs, qui ont annoncé qu’ils ratifieraient dans les prochains mois, mais bien dans celle de l’Union européenne, puisque la Pologne souhaite que tous les détails de la politique climat-énergie européenne soient précisés et votés avant une ratification. Je suis donc favorable à une ratification par l’Union européenne en tant que telle avant une ratification individuelle. Il faut néanmoins avancer sur les différentes législations européennes qui mettront en œuvre la contribution de l’Union européenne à la COP21 et qui viseront à la dépasser. Nous devons ainsi inclure dans la législation européenne le principe d’une révision tous les cinq ans, qui n’est pas actuellement présent dans les projets de la Commission.

Par ailleurs, où en est-on du financement des pays du sud et du Fonds vert ? L’an dernier, le gouvernement français a commandé à l’OCDE une étude qui retrace l’ensemble de ces financements, au-delà du Fonds vert, qui n’en regroupe qu’une petite partie : les États développés comptabilisent aussi des prêts, des financements via les agences bilatérales et, dans certains cas, les crédits à l’export. Ce rapport a été contesté par de nombreux pays en développement. L’enjeu de la COP22 est donc de parvenir à un meilleur équilibre entre les demandes de ces pays et les chiffres de l’OCDE. On atteindra probablement 100 milliards en 2020, mais la part dépensée sous forme de dons, notamment en faveur de pays les plus vulnérables qui n’attirent pas les investissements privés, doit augmenter, en particulier pour l’adaptation aux impacts du changement climatique. Aujourd’hui, ces dons ne représentent qu’une infime partie des financements climat.

De nombreuses questions ont porté sur le prix carbone et sur les blocages qui existent dans ce domaine. Il est évident que certaines entreprises ne souhaitent pas que ce prix augmente eu Europe. Un prix carbone européen serait certainement plus efficace en termes d’impact sur le climat, mais on ne peut pas attendre l’Europe, quand le prix du pétrole est au niveau actuel. Quels sont les secteurs qui bloquent actuellement une évolution dans ce domaine ? Il s’agit du secteur industriel, notamment les cimentiers, qui demandent toujours plus de subventions et de crédits carbone gratuit, alors qu’ils sont largement bénéficiaires du système européen d’échange de quotas, de sorte qu’ils sont assis sur un stock de quotas qu’ils n’ont pas utilisés et qu’ils pourront revendre.

Avant d’inciter à mener une action positive de réduction des gaz à effet de serre, il faudrait arrêter d’investir de l’argent public dans les activités qui sont à l’origine du changement climatique. C’est le premier chantier auquel vous devez vous attaquer, en tant que parlementaires, avant 2020. En Europe, on ne peut pas continuer à subventionner les énergies fossiles. Or, on les subventionne plus dans les pays de l’OCDE que dans les pays en développement. Je pense notamment à l’exploration des nouvelles sources d’énergie fossile, y compris en eaux profondes. Une réforme rapide est nécessaire dans ce domaine, si nous voulons envoyer les bons signaux économiques. Du reste, le fait que les énergies renouvelables se développent aussi vite est assez exceptionnel ; cela montre bien qu’elles sont compétitives car les énergies fossiles sont beaucoup plus subventionnées.

La mobilisation de l’opinion publique, en particulier des jeunes, est un grand défi. Pour les organisations de la société civile telles que la nôtre, il s’agit de mobiliser au-delà des questions climatiques, car ce dont nous parlons, c’est un changement de société. La question a été posée de savoir s’il était possible de lutter contre le changement climatique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre à hauteur des ambitions affichées dans l’accord de Paris dans le cadre du modèle économique actuel : très clairement, non. Un changement radical de notre modèle de consommation et de production d’énergie est nécessaire. Limiter le réchauffement à 1,5 degré implique en effet une économie complètement différente, notamment en ce qui concerne le travail et l’investissement, sujets dans lesquels les jeunes peuvent s’impliquer.

Nous pensons également que, face aux incohérences gouvernementales, la désobéissance civile est un axe de mobilisation : il continuera à y avoir des actions de résistance locales face aux projets « climaticides » des énergéticiens et des États, tels que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou les mines de charbon en Allemagne.

Que faire en France ? À cet égard, la question de savoir comment le gouvernement français va favoriser l’agenda du désinvestissement auprès des institutions françaises me paraît importante, notamment après la résolution votée par votre assemblée l’an dernier. Il nous paraît en effet nécessaire que de plus en plus d’acteurs publics, et d’acteurs privés dont l’État est actionnaire, commencent à se désinvestir des énergies fossiles.

Enfin, je souscris aux propos qui ont été tenus sur la gouvernance. L’agenda des solutions et celui de l’action Lima-Paris sont l’occasion de tester un modèle de gouvernance multi-acteurs. À notre sens, il se joue de manière sectorielle, dans les coalitions qui ont été construites dans le cadre de l’agenda des solutions, qu’il s’agisse des collectivités, de l’efficacité énergétique ou des renouvelables. La gouvernance doit être multipartite, à condition que les initiatives incluses dans cet agenda puissent être sélectionnées selon des critères qui soient également adoptés selon une gouvernance équilibrée. Les ONG peuvent participer, dans ce cadre, au suivi des engagements et de l’action. Mais nous souhaitons, par exemple, que l’initiative de Total sur les fuites de méthane, qui n’est absolument pas transformationnelle dans la mesure où la dépendance aux énergies fossiles est maintenue, soit exclue de l’agenda des solutions. Quoi qu’il en soit, il nous paraît essentiel de réfléchir à la gouvernance dès cette année, avant la COP22.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mesdames, Monsieur le Sénateur, je vous remercie.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 30 mars 2016 à 9 h 45

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Guy Bailliart, M. Alain Ballay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Alain Calmette, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, M. Charles-Ange Ginesy, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Pascal Thévenot, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Julien Dive, Mme Geneviève Gaillard, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistait également à la réunion. - M. Denis Baupin