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Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Patrick Jeantet, candidat à la présidence déléguée du directoire de la SNCF.
M. Jean-Paul Chanteguet. En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et aux termes de l'article L. 2102-9 du code des transports et du décret n° 2015-137 du 10 février 2015, il nous appartient d'auditionner le candidat à la présidence déléguée du directoire de la SNCF, c'est-à-dire à la présidence du conseil d'administration de SNCF Réseau, pour succéder à M. Jacques Rapoport qui, pour raisons personnelles, a donné sa démission avant le terme de son mandat.
C'est la première fois que nous rencontrons M. Patrick Jeantet, actuellement directeur général délégué d'Aéroports de Paris.
J'indique que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) a donné un avis favorable à sa nomination, le 11 mai dernier.
Je rappelle que le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
L'audition de cet après-midi sera donc suivie d'un vote à scrutin secret, pour lequel aucune délégation de vote n'est possible et qui sera effectué par appel nominal.
La Commission du développement durable du Sénat ayant déjà auditionné aujourd’hui M. Patrick Jeantet, le dépouillement aura lieu immédiatement après le vote.
Après vous être présenté, vous nous expliquerez ce qui justifie votre candidature et vous préciserez les orientations et les objectifs que vous poursuivrez dans le cadre de cette belle mission.
M. Patrick Jeantet. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c’est un grand honneur pour moi d’être devant vous pour cette audition qui s’inscrit dans le processus officiel de nomination du président délégué du directoire de la SNCF, qui emporte automatiquement la présidence et direction générale de SNCF Réseau. L’onction du Parlement me conférera une légitimité très précieuse dans le management de l’entreprise. La SNCF est d’abord un service public et SNCF Réseau est gestionnaire d’un patrimoine national, comme l’a souligné M. Jacques Rapoport.
Cette audition sera pour moi l’occasion de vous présenter mon parcours afin que vous puissiez donner un avis éclairé sur ma nomination.
Elle me permettra de vous dire dans quel état d’esprit j’aborde la mission qui pourrait m’être confiée si vous validez ma candidature et quels sont pour moi les grandes priorités et les grands enjeux qui me paraissent attendre le futur président délégué du directoire de la SNCF et le président-directeur-général de SNCF Réseau.
Enfin, elle me fournira la possibilité de recueillir vos commentaires et analyses sur le transport ferroviaire, et la SNCF en particulier.
Pendant les treize premières années de ma carrière, j’ai dirigé de grands projets d’infrastructure, successivement chez Bouygues puis chez Vinci, deux des plus grands groupes mondiaux du bâtiment et des travaux publics, deux grands succès français à l’international. Or SNCF Réseau, avec ses 30 000 kilomètres de voies, ses 600 000 poteaux caténaires, ses nombreux ouvrages d’art et ses tunnels, est d’abord un grand groupe d’infrastructures.
J’ai passé les dix-huit années suivantes dans les services publics : tout d’abord dans le secteur de l’eau et de l’assainissement, puis dans les transports publics terrestres et enfin dans les services aéroportuaires, depuis deux ans et demi, chez Aéroports de Paris (ADP). Or le groupe SNCF est d’abord un grand service public.
En tant que directeur général de Keolis pour la France pendant trois ans, j’ai acquis une bonne connaissance de la délégation de service public à la française, modèle de partenariat entre les collectivités locales et les entreprises, sujet extrêmement important pour SNCF Réseau dans ses relations avec les régions. Par ailleurs, je connais bien le système ferroviaire : en tant que directeur général de Keolis en charge de l’international pendant six ans, j’ai eu l’occasion de développer et de superviser de nombreuses concessions ferroviaires, en particulier au Royaume-Uni et en Allemagne, qui ont des modèles un peu différents du nôtre.
SNCF Réseau est aussi un groupe d’ingénierie et j’ai eu l’occasion chez Aéroports de Paris de diriger et de réformer l’ingénierie. La volonté qui m’a guidé a été de projeter vers le futur l’ensemble des ingénieurs, des techniciens, des agents, lesquels ont parfois tendance à penser que l’âge d’or a eu lieu vingt ans auparavant.
Enfin, mes fonctions chez ADP m’ont conduit à entretenir quotidiennement des relations avec l’État, notamment à travers le contrat de régulation économique qui pourrait s’apparenter au contrat de performance que SNCF Réseau et l’État devraient signer. J’ai aussi pu mettre en place des standards 3 pour améliorer la sûreté dans les aéroports face à la menace terroriste. En outre, j’ai développé le projet CDG Express, dont je préside la société d’études.
Face aux défis auxquels SNCF Réseau fait face, ce qui me paraît le plus important, c’est la capacité à mener un groupe industriel. SNCF Réseau, ce sont 52 000 personnes qu’il faut convaincre, projeter vers l’avenir, 52 000 personnes desquelles dépend le succès de la rénovation et de la modernisation du réseau. J’ai su faire cela, sous la présidence de M. Michel Bleitrach, chez Keolis, fusion de deux groupes de transports publics, Cariane et VIA-GTI, structure qui se rapproche de SNCF Réseau qui procède de la réunion au sein d’une même entité de Réseau ferré de France (RFF), de SNCF Infra et de la direction de la circulation ferroviaire (DCF).
Avant d’aborder les grands enjeux auxquels sont confrontées la SNCF et SNCF Réseau, je voudrais dire quelques mots de la réforme ferroviaire du 4 août 2014. Je veux saluer ici l’implication de MM. Guillaume Pepy et Jacques Rapoport dans sa mise en œuvre, guidée par un triple objectif, tendre vers le plus simple, le plus efficace et le plus économe, triple objectif que je reprendrai bien évidemment à mon compte si vous confirmez ma nomination. Je saluerai aussi le travail qu’a entrepris M. Jacques Rapoport pour réunifier au sein de SNCF Réseau, RFF, SNCF Infra et la direction de la circulation ferroviaire, préalable indispensable pour retrouver une efficacité opérationnelle et par là, améliorer la qualité de service due aux clients. Un premier bilan de la mise en œuvre de la réforme sera prochainement établi par MM. Gilles Savary et Bertrand Pancher. Il nous éclairera utilement sur ce qui doit être amélioré.
Venons-en aux enjeux. La priorité absolue est bien évidemment la sécurité ferroviaire : c’est l’exigence première et la valeur cardinale de la SNCF, elle passe avant toute autre considération et nécessite un travail acharné et sans fin. Les drames de Brétigny et d’Eckwersheim montrent que tous les efforts doivent converger pour que le réseau ferroviaire français soit parmi les plus sûrs du monde. Cette sécurité du transport ferroviaire, nous la devons à nos clients qui ont placé en nous leur confiance quand ils montent dans nos trains, nous la devons aussi à nos employés, qui chaque jour travaillent à l’amélioration du service.
Concernant plus spécifiquement la fonction de président de SNCF Réseau, je voudrais profiter de ma présence devant vous pour vous faire part des grands axes prioritaires de mon mandat, si vous me permettez de l’exercer.
SNCF Réseau est une entreprise industrielle qui produit des sillons et assure des circulations pour que les entreprises ferroviaires clientes délivrent un service de qualité aux passagers. Pour atteindre un haut niveau de qualité, la priorité va d’abord aller à la maintenance et à la régénération du réseau. Comme vous le savez, l’état du réseau ferroviaire est préoccupant et ne garantit pas une qualité de service à la hauteur des exigences des autorités organisatrices et des passagers. De nombreux retards liés aux pannes de caténaires ou de signalisation suscitent un mécontentement légitime parmi les voyageurs. En tant qu’élus de la nation, j’imagine que vous avez souvent à entendre des récriminations sur les faiblesses et les failles du service ferroviaire. Soyez persuadés que j’y serai particulièrement attentif parce que la satisfaction des clients fait partie de ma culture professionnelle, nourrie par trente ans de carrière. Une chose est certaine : un réseau vieillissant ou en mauvais état ne permet pas d’assurer un service de qualité.
Citons quelques chiffres. L’âge moyen de la voie est de l’ordre de trente-deux ans en France contre seulement vingt ans en Allemagne. Sur 600 000 poteaux caténaires, 60 000 sont en mauvais état, 6 000 en très mauvais état. Les caténaires du RER C en Île-de-France ont quatre-vingt-dix ans, celles du RER D soixante-dix ans. Un tiers des tunnels se trouve dans un état médiocre, voire dégradé, sur le réseau ferré national.
Un réseau en bon état est le préalable à toute amélioration du service rendu et au développement du ferroviaire pour les voyageurs et le fret. Ce n’est pas qu’une question financière, c’est aussi un problème opérationnel et un problème de personnel. L’axe stratégique du projet d’entreprise « Réseau 2020 » est de moderniser l’outil industriel de SNCF Réseau. Nous ne devons plus faire des travaux au XXIe siècle comme on les faisait au XXe ou au XIXe siècles.
Cette transformation de la politique industrielle de SNCF Réseau repose sur deux piliers.
Le premier pilier consiste à améliorer voire à redéfinir nos process et à les automatiser. Cela n’est possible qu’en mettant en place des systèmes informatiques modernes et robustes et en profitant du formidable essor du numérique et des automatismes. Cela permettra de rendre les infrastructures plus productives mais aussi de mieux faire les travaux, notamment dans l’objectif d’en limiter l’impact sur le trafic.
Le second pilier est le recours accru aux partenariats industriels, pour aider en particulier à faire face à l’augmentation de la charge de travail liée à l’impérative modernisation du réseau. Cela amène deux défis : premièrement, organiser l’entreprise pour piloter ces partenariats – opération que j’avais lancée chez Aéroports de Paris, qui faisait face au même défi d’une augmentation importante des investissements –, ce qui nécessite d’adapter la gestion des emplois, des carrières et des compétences ; deuxièmement, créer une véritable filière industrielle privée pour externaliser une partie de ces travaux ferroviaires, œuvre de longue haleine car les partenaires privés ont besoin de visibilité à long terme pour procéder aux investissements humains et matériels qui s’imposent. C’est en particulier pour cela, et parce que SNCF Réseau est une entreprise industrielle, que la signature d’un contrat de performance avec l’État est absolument indispensable. Il est prévu par la loi et les discussions sont en cours avec l’État pour sa conclusion. Il est nécessaire que l’ensemble des personnels de se projeter dans l’avenir et de s’engager dans la réalisation du plan stratégique. De cet engagement dépendra le succès ou non de nos plans d’amélioration.
J’en viens aux enjeux financiers, qui sont au cœur des discussions autour du contrat de performance. La loi a prévu la présentation d’un rapport sur la dette de SNCF Réseau et le prochain décret sur la « règle d’or », que vous avez fixée, aidera à atteindre l’objectif de juguler progressivement l’endettement.
Pour SNCF Réseau, le levier principal pour minimiser la dette est sa productivité, sa capacité à s’améliorer. Si vous agréez ma candidature, je ferai mien l’engagement de M. Jacques Rapoport de dégager 500 millions d’euros d’économies en cinq ans, à l’horizon de 2020, grâce notamment à la performance des achats et à l’efficacité de cette nouvelle logique industrielle que je viens de vous décrire rapidement. Ma longue expérience de définition et de réalisation de plans d’amélioration, acquise tant chez Keolis que chez Aéroports de Paris, m’aidera à mener à bien cette politique.
Par ailleurs, pour mobiliser les équipes de SNCF Réseau, rien de tel qu’un transport ferroviaire en plein développement. C’est le cas aujourd’hui : quatre nouvelles lignes à grande vitesse, des contrats de plan en cours de négociation ou de finalisation. En tant qu’élus, vous êtes au cœur du système ferroviaire et je m’attacherai personnellement à nouer entre SNCF Réseau et les élus une relation de confiance, reposant sur une écoute attentive et une prise en compte de vos préoccupations. Mon expérience chez Keolis m’a notamment appris que cultiver ce lien est essentiel pour un fonctionnement harmonieux et performant des politiques de transport.
Concernant la tarification des péages, qui procure une partie substantielle des recettes de SNCF Réseau, j’ai conscience que le président de ce groupe occupe une place particulière et autonome dans le groupe SNCF, sous le contrôle de l’ARAFER. Ce dont je suis persuadé, c’est qu’il est absolument nécessaire de trouver des financements pour la remise en état et la modernisation du réseau ferroviaire. Je m’engage à ce que SNCF Réseau donne tout l’éclairage nécessaire à l’ARAFER, aux autorités organisatrices et à l’État pour que les autorités compétentes puissent trouver le juste point d’équilibre entre les péages et les subventions.
Pour finir, je souhaite aborder le thème de l’égalité d’accès des entreprises ferroviaires à l’infrastructure, condition impérative pour qu’une concurrence puisse s’exercer. Cette concurrence existe déjà pour le fret et pour le transport international de passagers et elle se précise pour l’ensemble du transport de passagers avec l’arrivée probable du quatrième paquet ferroviaire. Vous pouvez compter sur moi pour veiller à ce que SNCF Réseau traite de façon égale toutes les entreprises ferroviaires. Je peux me porter d’autant plus garant de cette indépendance dans l’attribution des sillons que l’ARAFER a donné un avis favorable à ma candidature et que vous avez voté une loi qui m’apporte toutes les garanties pour exercer cette fonction essentielle en toute indépendance.
En conclusion, permettez-moi de dire mon espoir que les grandes orientations du groupe SNCF que je viens d’évoquer, notamment celles de SNCF Réseau, seront de nature à améliorer la performance du service rendu. La SNCF participe au rayonnement de la France, SNCF Réseau est dépositaire d’un bien national précieux, l’infrastructure ferroviaire, élément du service public ferroviaire. Je suis certain que nous partageons tous une grande ambition pour le transport ferroviaire, pour ce magnifique service public auquel tous nos concitoyens sont profondément attachés et qui fait l’admiration de nombreux visiteurs étrangers.
Je me suis présenté devant vous aujourd’hui avec la volonté de servir cette ambition en tant que président délégué du directoire de la SNCF et président-directeur-général de SNCF Réseau.
Mesdames, messieurs les députés, je m’en remets à votre appréciation, vous remercie de votre attention et me tiens prêt à répondre à vos questions.
M. Jean-Paul Chanteguet. Je vais maintenant donner la parole à un orateur de chacun des groupes.
M. Rémi Pauvros. Monsieur Patrick Jeantet, nous sommes heureux de vous recevoir aujourd’hui. Vos fonctions à Keolis vous ont déjà donné une expérience de cette grande maison qu’est la SNCF. À titre personnel, je suis sensible au fait que vous ayez commencé votre carrière par une belle réussite, le tunnel sous la Manche, exemple que j’utilise souvent dans mes travaux sur le projet de canal Seine-Nord Europe.
Vous avez abordé la modernisation du réseau sans cacher les questions que soulève l’endettement de SNCF Réseau. Vous ne serez pas étonné que nous revenions sur ce sujet. Votre prédécesseur, M. Jacques Rapoport, à l’occasion de différentes auditions, n’a pas masqué son inquiétude devant la double charge que constituent la résorption de cette dette et le financement des dépenses rendues nécessaires par la rénovation d’un réseau ancien comme par l’entretien et la sécurisation des voies.
À la fin de l’année 2014, la dette de SNCF Réseau atteignait 36,8 milliards d’euros. Nous pouvons considérer globalement qu’elle s’élèvera à 50 milliards d’ici à 2020, en particulier du fait de l’impact des quatre lignes à grande vitesse, qui sera de 1,5 milliard à 3 milliards d’euros, selon les estimations de mon collègue Gilles Savary.
Ma première question est simple : vous reprenez à votre compte l’engagement de M. Jacques Rapoport de faire 500 millions d’euros d’économies sur cinq ans, comment comptez-vous assurer dans le même temps la rénovation des réseaux ?
Ma deuxième question porte sur la sécurité, enjeu qui nous préoccupe tous. Elle appelle non seulement une rénovation des réseaux mais aussi leur modernisation, particulièrement pour ce qui concerne la signalisation et l’information. Pourriez-vous nous donner des précisions ?
Enfin, j’aimerais en savoir plus sur votre approche des lignes de transport express régional (TER). Comment comptez-vous clarifier la situation, notamment dans vos relations avec les régions ? Qu’en est-il de l’application des préconisations du rapport de M. Philippe Duron sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire (TET) ?
Nous avons porté la loi du 4 août 2014 pour que sa nouvelle organisation permette à la SNCF d’être plus performante et de s’ouvrir aux perspectives du quatrième paquet ferroviaire. Nous vous souhaitons de relever avec succès le défi que vous vous êtes fixé.
M. Yves Albarello. Monsieur Patrick Jeantet, le Gouvernement a mis du temps avant de désigner un candidat à la succession de M. Jacques Rapoport. La mission qui vous sera confiée sera très compliquée. Vous devrez arbitrer entre le nécessaire besoin de sécurité et la création de nouvelles lignes.
SNCF Réseau, gestionnaire des infrastructures ferroviaires, est responsable de l’entretien et du bon fonctionnement de 30 000 kilomètres de lignes. L’accident de Brétigny a suscité une prise de conscience de la nécessité d’approfondir l’effort de régénération du réseau, qui est mené depuis plusieurs années mais qui s’est avéré insuffisant. En Île-de-France, le réseau va continuer de se dégrader, selon un rapport de la Cour des comptes qui qualifiait son état d’inquiétant du fait des risques qu’il comporte pour la sécurité. Vous héritez donc d’un réseau fragilisé dont vous devrez assumer la responsabilité.
Au mois de novembre dernier, M. Jacques Rapoport avait annoncé une série de décisions destinées à « remettre de la rigueur à tous les étages », tâche d’autant plus difficile que SNCF Réseau est le terminal du déficit structurel du système ferroviaire français. Son endettement, en hausse de 3 milliards d’euros l’an dernier, atteint désormais 42,3 milliards. Pour compliquer les choses, l’ARAFER vous demande de revoir de fond en comble, d’ici à 2018, les tarifs des péages ferroviaires. Ce sera une opération sans nul doute difficile, qui risquera d’entraîner une diminution de vos ressources puisque l’ARAFER a jugé « arbitraire et non conforme aux principes tarifaires prévus par la réglementation » votre projet de barème prévoyant un gel des redevances. De plus, vous ne pouvez rien attendre de l’État qui ne verse pas l’intégralité des subventions pourtant votées par notre assemblée, notamment celles qui concernent le fret.
En ma qualité d’administrateur du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), je ne peux m’empêcher de vous parler des lignes A et B du RER, les plus fréquentées du réseau avec chacune plus d’un million de passagers chaque jour. En matière de ponctualité, aucune de ces deux lignes n’atteint l’objectif contractuel de 94 % de trains arrivant avec moins de cinq minutes de retard : le taux est de 81 % pour le RER A et de 85,6 % pour le RER B. Dans la pratique, il ne se passe guère de semaines sans que les usagers n’aient à subir un retard ou une suppression de train, situation que l’on retrouve sur les lignes de trains de banlieue. Tous ces désagréments ont des conséquences financières pour votre établissement puisqu’entre 2010 et 2014, les malus versés au STIF par la SNCF en raison du non-respect des objectifs contractuels ont été multipliés par trois, passant de 6,3 millions d’euros à 19,5 millions d’euros. Même si des efforts ont été consentis depuis 2011, le retard pris est tel qu’il faudra probablement plus de dix ans pour que les voyageurs constatent une amélioration.
Devant cette situation qui n’a rien d’idyllique, comment envisagez-vous votre mission ? Quelles seront vos priorités ? Dans quel sens iront vos arbitrages ? Quelles seront vos propositions de tarification pour les péages ? Soutiendrez-vous le projet du CDG Express ? Enfin, aurez-vous les moyens de dire non à une commande qui vous paraîtrait non rentable pour l’avenir de la SNCF ?
Je vous remercie pour vos réponses et vous assure du soutien du groupe Les Républicains qui votera en faveur de votre nomination.
M. Bertrand Pancher. Monsieur Patrick Jeantet, les défis sont immenses pour notre pays dans le domaine ferroviaire. Le premier d’entre eux n’est pas technique, mais d’abord politique, c’est la responsabilité de l’État stratège et du Parlement : nous n’avons pas donné au réseau ferroviaire les moyens de son développement ces dernières années. Vous héritez d’infrastructures en mauvais état. Il revient à l’État de porter une stratégie et de fournir enfin des moyens financiers à la hauteur des enjeux. Les chiffres sont impressionnants, nous le savons. Le déploiement des réseaux de transport du Grand Paris exigerait 50 milliards d’euros dans les cinq ans qui viennent selon les estimations de la Cour des comptes, et les investissements nécessaires pour rénover le réseau existant réclameraient 2 milliards chaque année, alors qu’il n’y a pas un centime supplémentaire pour répondre aux promesses faites depuis des années.
Il faudra aux responsables de la SNCF tenir tête à l’État, en refusant de s’engager dans des dépenses qui n’auraient pas de contreparties financières précises, et assurer la résorption du déficit courant de la branche ferroviaire. Le groupe UDI a voté en faveur de la réforme ferroviaire parce qu’il a cru en la parole de M. Guillaume Pepy et de votre prédécesseur, M. Jacques Rapoport, s’agissant du déficit : sur ses 3 milliards annuels, 1,5 milliard serait consacré au remboursement de la dette, 500 millions d’euros d’économies seraient faits par SNCF Mobilités et 500 millions d’économies, par SNCF Réseau. Qu’en est- des prélèvements de l’État ? Où en est-on du plan d’économies de 500 millions sur cinq ans ?
Autre enjeu d’importance : le cadre social. Où en êtes-vous dans ces négociations difficiles ? Quelle est votre stratégie dans ce domaine ? Comptez-vous laisser pourrir la situation en laissant l’État prendre ses responsabilités ?
J’aimerais aussi vous interroger sur la transparence des comptes. Même si nous croyons dans la parole des dirigeants, nous préférerions disposer de chiffres précis, contrôlés par des organismes indépendants et auxquels nous aurions accès. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
La question des relations avec l’ARAFER n’est pas simple. Certains aimeraient, semble-t-il, pouvoir se passer de ses avis. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Enfin, quand le contrat de performance avec l’État sera-t-il signé ?
M. Jacques Krabal. Je vous souhaite tout simplement bon courage et bonne chance, monsieur Patrick Jeantet. (Sourires)
Si j’ai voté la loi de réforme ferroviaire, c’est que je pensais que la situation ne pouvait être pire. Or aujourd’hui, elle s’est fortement aggravée. Je ne m’étendrai pas sur les problèmes liés à la dette ou aux relations avec l’ARAFER, j’insisterai plutôt sur les problèmes de gouvernance. À aucun moment, je n’aurais pu imaginer que SNCF Réseau, SNCF Mobilités et SNCF seraient à ce point cloisonnées. Il n’est pas possible de continuer à fonctionner de la sorte.
Des logiques de lignes doivent être mises en place. La gestion de la gare de Château-Thierry relève de trois entités territoriales de la SNCF : avec dix interlocuteurs différents, personne ne sent responsable de quoi que ce soit alors que l’état des infrastructures est préoccupant – j’ai pu en faire moi-même le constat depuis le poste de conduite d’un train. Cela fait plus de deux ans que nous demandons que les arbres soient élagués, rien n’est fait, et pour la quatrième fois depuis le début de l’année, un arbre est tombé sur les caténaires. Depuis trois mois que je réclame la mise en place d’une table ronde, je me heurte au même silence, que je m’adresse aux responsables du TER « Vallée de la Marne » ou du Transilien. Comment allez-vous faire pour travailler en partenariat avec l’ensemble des acteurs afin qu’il y ait un responsable identifié ?
Ce qu’il faut d’abord, c’est rétablir la confiance. La ligne qui reliait La Ferté-Milon à Fismes a été fermée sans que quiconque soit prévenu, ce n’est pas concevable ! Au-delà des aspects financiers, les méthodes sont à revoir. Comme en politique, nos concitoyens n’y croient plus : ils savent quand ils partent, mais ils ne savent plus quand ils vont rentrer.
M. Christophe Bouillon. Monsieur Patrick Jeantet, vous allez avoir le bonheur d’occuper une belle fonction, à la tête d’une grande entreprise publique qui fait partie du patrimoine des Français. Les défis qui sont devant vous sont de taille et nous ne doutons pas que votre clairvoyance et votre expérience vous aideront à les relever.
Vous aurez l’occasion de rencontrer de nombreux élus, des élus heureux, d’autres moins, d’autres encore pas du tout. Élu normand, je suis à demi-heureux : heureux du projet de ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN), que je soutiens dans sa globalité, mais pas du tout heureux de certains éléments de sa mise en œuvre. Je suis farouchement opposé à la réalisation d’un nouveau tronçon de 34 kilomètres pour la section prioritaire Rouen-Yvetot : absolument rien ne la justifie. Maintenir la ligne actuelle permettrait le gain de temps espéré sans sacrifier pour autant les terres agricoles et le cadre de vie des habitants sur un territoire quasiment saturé.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur Patrick Jeantet, on ne peut qu’admirer votre volonté de prendre les rênes de SNCF Réseau quand on sait les défis qui vous attendent. La démission de M. Jacques Rapoport aura permis de prendre la mesure des fragilités dont souffre la SNCF : les économies réalisées pendant trente ans sur les investissements de rénovation ont fragilisé le réseau ferroviaire français, lequel est aujourd’hui dans un triste état. Des problèmes de sécurité se posent, comme l’ont montré les accidents dramatiques que nous avons connus. À cela s’ajoute l’endettement de SNCF Réseau qui atteint des sommes colossales : plus de 40 milliards d’euros. Quant à la situation sociale, elle n’est guère reluisante : les grèves se succèdent alors que les réformes sociales sont attendues des Français. Ces mouvements sociaux mécontentent les usagers, déjà exaspérés par les tarifs trop élevés pratiqués par la SNCF qui les font parfois se détourner du train.
Nous soutenons votre candidature tout en formant le vœu que vous parviendrez à procéder aux réformes qui s’imposent dans ce contexte compliqué, un espoir qui nous semble permis compte tenu des réformes que vous avez réussi à mener à bien dans le cadre de vos précédentes fonctions.
M. Yannick Favennec. Que l’on s’adresse à des cheminots, à des usagers ou à des élus locaux, on se rend compte que l’un des principaux sujets qui fâchent en matière de transport ferroviaire, c’est l’état du réseau des TER, motif de bien des grèves depuis le début de l’année. Cette situation est liée pour partie à une pénurie de conducteurs, provoquée par une réduction de l’offre de la part de la SNCF. Cela provoque la colère des régions, qui financent ces trains, et celle des usagers qui les empruntent. Je le mesure régulièrement dans ma région des Pays de la Loire.
Les TER connaissent globalement un fort succès avec, sur 28 000 kilomètres de réseau, 4,3 millions d’usagers, soit 30 % du total des voyageurs transportés par la SNCF. J’aimerais connaître vos projets pour le réseau des TER, notamment en ce qui concerne l’amélioration de la ponctualité des trains et la réduction des annulations.
M. Florent Boudié. J’évoquerai deux sujets sur lesquels il me semble important de connaître votre position même s’ils concernent moins SNCF Réseau que le groupe SNCF dans sa globalité.
Depuis plusieurs mois, le groupe Alstom s’inquiète de l’état des commandes du TGV du futur, ce qui dénote son extrême dépendance à l’égard de la SNCF. En la matière, l’État adopte une position contradictoire : d’un côté, il pousse à la rationalisation et au désendettement du groupe SNCF ; de l’autre, il incite le groupe à conclure de nouvelles commandes qui permettront de solvabiliser les sites français de production d’Alstom – je pense en particulier au site de La Rochelle.
Ma deuxième question porte sur le chantier de la gare Saint-Jean à Bordeaux : le chantier de rénovation vient d’être interrompu cet après-midi en raison de la découverte d’un taux trop élevé de plomb. Pensez-vous que cela aura une incidence sur le calendrier de mise en service de la nouvelle ligne à grande vitesse, dont l’inauguration est prévue en juillet 2017 ?
M. Gérard Menuel. Monsieur Patrick Jeantet, vous allez entrer dans une grande maison que vous connaissez déjà bien. Votre formation et votre parcours donnent une forte crédibilité à votre candidature. Mais que de défis devant vous alors que la dette atteint plus de 40 milliards d’euros et que le réseau est affecté par une forte dégradation. Je prendrai l’exemple du département de l’Aube. Les silos embranchés qui servent à stocker les plus de 2 millions de tonnes de blé à exporter chaque année sont connectés à un réseau capillaire en très mauvais état. Et sur la ligne Paris-Bâle, le tronçon Paris-Troyes n’est toujours pas électrifié malgré trente ans d’efforts financiers. Les opérateurs sont mis en position de devoir financer à la fois le transport et la remise en état des infrastructures Un problème de service public se pose pour tous les départements éloignés des grandes villes.
M. Stéphane Demilly. En 2013, le secteur des transports a contribué à hauteur de 27 % aux émissions de gaz à effet de serre en France, et parmi ces 27 %, ce ne sont pas moins de 92 % que l’on doit aux transports routiers. Il y a une marge de progression gigantesque pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le domaine des transports en France. Au-delà du travail mené pour développer les véhicules dits propres, c’est bien sûr sur les transports en commun que nous pouvons agir, en particulier le rail. Malheureusement, il existe deux terribles freins à son attractivité : le prix du billet pour les personnes voyageant seules et pour les publics n’entrant pas dans les catégories de tarif réduit, et surtout la fiabilité du réseau. C’est sur ce dernier point que je souhaiterais vous interroger.
Je ne doute pas de vos capacités à relever les nombreux défis qui vous attendent à la tête de SNCF Réseau. Il sera d’ailleurs intéressant que vous puissiez faire bénéficier la SNCF de votre expérience internationale, vous que la presse présente comme un « X-Ponts globe-trotter qui a travaillé aux quatre coins de la planète ».
Usager du rail moi-même et élu d’un territoire sur lequel les habitants sont nombreux à avoir besoin du train chaque jour pour aller travailler, je ne suis pas du tout satisfait de la situation actuelle. Le réseau ferroviaire est à bout de souffle et les incidents se répètent. Que ce soit sur la ligne Amiens-Lille qui traverse mon territoire ou sur la ligne Amiens-Paris, il ne se passe pas une journée sans qu’un train soit retardé ou, pire, annulé.
Je suis conscient que ces problèmes ne relèvent pas uniquement de SNCF Réseau mais la SNCF forme un tout pour nos concitoyens et en tant que candidat à la présidence délégué du directoire, je souhaite connaître votre plan d’action en ce domaine.
SNCF Réseau souffre d’une dette colossale. Selon des informations publiées dernièrement, elle atteindrait 43 milliards d’euros. Pouvez-vous nous confirmer ces chiffres et nous préciser votre stratégie pour revenir à l’équilibre financier dans les années qui viennent ?
M. Jean-Louis Bricout. Monsieur Patrick Jeantet, vous vous apprêtez à remplir une bien belle mission et je soutiendrai votre candidature. J’ai besoin toutefois d’être rassuré avant de me prononcer.
Vous aurez à résoudre une difficile équation : résorber 42 à 43 milliards d’euros de dette, rénover 30 000 kilomètres de réseau, effectuer 500 millions d’économies sur cinq ans. Cela imposera des arbitrages souvent douloureux, dont les territoires les plus éloignés, ruraux, d’accès difficile, feront les frais en tant que variable d’ajustement.
Élu de la Thiérache dans l’Aisne, je peux vous dire comme ce territoire enclavé dépourvu d’infrastructures routières a besoin d’investissements pour rénover et moderniser ses réseaux ferroviaires, en particulier les lignes TET, comme il a besoin aussi de gares entretenues, ouvertes et sûres.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les perspectives d’investissement ?
M. Julien Aubert. La situation de SNCF Réseau me fait penser à celle d’EDF : elle est à la veille d’un grand carénage qui va coûter plusieurs dizaines de milliards d’euros et l’on se demande où nous pourrons les trouver.
Conséquence du rapprochement des différentes entités, vous êtes questionné à la fois sur le réseau et sur les problèmes relevant des autres entités du groupe. Et en matière de problèmes, on peut dire que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est servie : des réfugiés montés à Nice pour occuper des TGV et mettre à sac des wagons ; des personnes rentrant dans les cabines de pilotage des TER pour y dormir et dont l’expulsion réclame le concours de la police – on se demande d’ailleurs pourquoi l’accès des cabines de pilotage n’est pas sécurisé alors que l’état d’urgence est décrété ; des retards multiples, particulièrement pour les TER, pour lesquels notre région détient le record de France.
Mais c’est sur le tunnel du Montgenèvre que j’aimerais plus particulièrement vous interroger. Quelle est votre position sur le projet de percement soutenu par la région PACA pour désengorger le fret ?
M. Guy Bailliart. En Normandie, nous aimons beaucoup la SNCF mais nous avons souvent le sentiment de ne pas être payés de retour. (Sourires) C’est vrai des lignes d’usage quotidien comme des grandes lignes, qui accumulent retards et inconforts.
Dans ces conditions, la ligne nouvelle Paris-Normandie a fait naître beaucoup d’espoirs. Elle a fait l’objet d’une concertation très longue et féconde. La conclusion assez largement partagée dans ce qui était encore la Basse-Normandie était qu’il convenait de privilégier le « Y » normand constitué d’une branche vers Le Havre, d’une autre vers Cherbourg via Lisieux et Caen. Sans faire de procès d’intention à quiconque, on ne peut ignorer les rumeurs récentes qui font état de délais et de choix inquiétants pour ce projet, particulièrement pour la branche Ouest. Qu’en est-il ?
Mme Marie Le Vern. J’aimerais connaître votre position sur plusieurs dossiers, monsieur Patrick Jeantet.
En tant qu’élue normande, je reviendrai tout d’abord sur la LNPN dont SNCF Réseau est le maître d’ouvrage. La décision finale pour le tracé sera prise en 2017 mais la concertation est d’ores et déjà lancée. Quelle sera votre politique de dialogue avec les élus locaux et les citoyens ?
S’agissant de la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique, il a été décidé, en 2011, de faire reposer son financement sur un partenariat public-privé contracté entre l’État, les collectivités, le consortium Lisea et SNCF Réseau à hauteur de 1 milliard d’euros. Ce choix a été source de difficultés : les banques se sont montrées réticentes à soutenir ce projet. Quel est, selon vous, l’avenir de ce mode de financement ?
Quelles sont les options à la disposition de SNCF Réseau pour l’entretien et le renouvellement des lignes classiques ? Sur lesquelles porterez-vous vos choix prioritairement ?
J’en viens à la dimension sociale de SNCF Réseau. L’EPIC comptait 52 000 employés au 1er janvier 2015. J’aimerais connaître la répartition des postes et savoir quelles évolutions des effectifs vous envisagez ? À quels recrutements procéderez-vous et à quel niveau de formation et de qualification ? Quel pourcentage représente le recours à la sous-traitance ?
Enfin, quelle est la situation sociale de SNCF Réseau ? Quelle est votre position sur l’évolution du statut ?
M. Gilles Savary. Monsieur Patrick Jeantet, je vous remercie de votre exposé préliminaire qui confirme notre conviction que vous êtes sans doute l’homme de la situation. Nous savons que cette proposition de nomination a mis du temps à émerger et il est très important que M. Jacques Rapoport soit rapidement remplacé. La fonction que vous êtes appelé à remplir sera sans doute l’une des plus compliquées à assumer dans les années à venir, compte tenu de la situation détestable qui prévaut aujourd’hui. La politique du tout-TGV menée pendant des années a abouti à une dégradation profonde du réseau, mise en évidence par l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Nous devons aujourd’hui être sur tous les fronts, avec des finances qui ne nous le permettent pas.
Votre prédécesseur disait qu’il était à court de moyens de production, autrement dit qu’il ne pouvait pas tout assumer. Il a d’ailleurs demandé au ministre de différer certaines opérations liées aux contrats de plan. Quel est votre sentiment sur les moyens de production dont vous disposez ? Comment comptez-vous faire face à tous les engagements qui ont été pris par vos prédécesseurs et surtout par l’État ?
Disposez-vous d’une comptabilité analytique suffisante pour calculer les péages ? La loi est claire : c’est le coût complet qui importe. Or l’ARAFER ne parvient pas à obtenir les informations sur sa constitution.
À quel niveau évaluez-vous l’effort supplémentaire de l’État – passé de 600 millions dans les années 2005-2006, à 1 milliard en 2011 pour atteindre 2,5 milliards aujourd’hui – pour assurer correctement l’ensemble des objectifs fixés ?
Je terminerai par la gouvernance. Non seulement notre réforme a eu le mérite de placer l’ensemble des cheminots s’occupant du réseau sous les ordres de SNCF Réseau mais elle a permis d’assurer son indépendance, qui se manifeste à travers les avis conformes de l’ARAFER. Cette indépendance se marque par rapport à SNCF Mobilités mais pas seulement. Pendant trop longtemps, le lien de subordination propre aux entreprises publiques a fait de la SNCF comme des autres entreprises publiques une boîte noire sur laquelle les parlementaires n’avaient aucune visibilité.
Un contrat de performance sera signé avec l’État, le décret fixant la règle d’or de financement sera bientôt publié. Nous aimerions assurer le suivi de l’ensemble de ces outils stratégiques. Nous ne voulons pas que SNCF Réseau connaisse la même dérive que le schéma national d’infrastructures de transport (SNIT), corne d’abondance de projets irréalisables, suscités par le souci du ministre en connivence avec ses subordonnés de SNCF Réseau de faire plaisir à tous les élus de France et de Navarre avec les conséquences que l’on sait.
M. Patrick Jeantet. Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, pour vos questions à travers lesquelles vous vous êtes fait l’écho des problèmes graves que rencontre SNCF Réseau.
Je commencerai par la sécurité, question primordiale soulevée par M. Rémi Pauvros. SNCF Réseau et le groupe SNCF ont mis en place deux programmes à la suite de l’accident de Brétigny : le programme Vigirail, qui concerne les infrastructures, en particulier les aiguillages, et leur remplacement ; le programme Prisme, de nature managériale, qui vise à ce que l’ensemble des acteurs de SNCF, du haut en bas de la pyramide, s’engage à assurer la sécurité. C’est ainsi que je serai moi-même formé à la sécurité ferroviaire dans le cadre d’un séminaire de deux jours, si vous confirmez ma nomination.
Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur mes priorités.
Elles iront tout d’abord à la rénovation, qui consiste à refaire des éléments de voie complets, et à la maintenance, qui consiste à réparer. Cela suppose d’agir dans deux domaines : le domaine financier – cette année, 4,9 milliards d’euros y seront consacrés – et le domaine des ressources humaines. L’expertise ne se crée pas en deux minutes, elle implique d’établir un plan de gestion prévisionnelle des compétences pour mener à bien un plan de maintenance prévisionnelle. À cet égard, le contrat de performance est indispensable pour disposer d’une vision de long terme.
Je me consacrerai aussi aux projets de développement, en me conformant bien sûr à la règle d’or que vous avez fixée pour juguler la pression sur l’endettement. Si la dette nette dépasse dix-huit fois la marge opérationnelle, tout nouveau projet de développement devra reposer sur des financements extérieurs à SNCF Réseau. Son rôle sera alors d’éclairer les choix techniques.
Nous accompagnerons les régions, qu’il s’agisse de la maintenance ou du développement. Les contrats de plan État-région sont en négociation. Cela supposera bien évidemment une concertation. En ce domaine, SNCF Réseau a une expérience, une expérience réussie à ma connaissance. Il est absolument vital de dialoguer avec les élus et si je constatais des problèmes, je m’y attaquerai prioritairement, fort de mon expérience chez Keolis où deux jours par semaine, je rencontrais des élus pour trouver avec eux les moyens de développer les transports publics.
Éclairer les choix des collectivités suppose d’établir une transparence des comptes, transparence à travers la comptabilité analytique nécessaire pour déterminer les tarifs de péages, mais aussi transparence des investissements. En France, nos grandes sociétés publiques n’ont pas de culture de la transparence, j’ai pu le constater chez ADP. Or pour avoir travaillé dans les pays anglo-saxons où cette culture est beaucoup plus forte, j’en connais les bienfaits. Je m’attacherai à faire changer les choses au sein de SNCF Réseau.
Sur le plan d’économies de 500 millions d’euros, monsieur Bertrand Pancher, je ne peux vous répondre car je ne dispose pas des éléments nécessaires pour vous apporter des précisions. Comme je fais mien cet objectif, sachez que je procéderai à des vérifications au plus vite car l’échéance de 2020 est proche.
Plusieurs questions ont porté sur le cadre social. Les négociations menées actuellement sont extrêmement importantes à plusieurs titres. Le décret-socle et la convention collective sont deux éléments fondamentaux pour poursuivre l’ouverture à la concurrence. Ces textes établiront les règles du jeu communes à l’ensemble des acteurs futurs et seront le gage d’une concurrence équitable. En ce qui concerne l’accord d’entreprise négocié au niveau de SNCF, il marque un important changement culturel avec le passage d’une gestion réglementaire du social à une gestion contractuelle, comme dans les entreprises privées. Dans des moments de remise à plat d’un système social, il est inévitable qu’il y ait des crispations et donc des grèves. Mais soyez assurés que toutes les équipes concernées sont mobilisées pour que les diverses négociations aboutissent le 1er juillet prochain.
Le projet du CDG Express vise à desserrer la contrainte aéroportuaire qui conditionne le développement du tourisme en France. Le maillon faible de notre organisation est l’accès à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. C’est le seul aéroport d’envergure mondiale à ne pas disposer d’une liaison directe avec le centre-ville. Ce projet est donc absolument nécessaire. Il est important de souligner que son financement sera exclusivement supporté par les passagers aériens, à travers le prix du billet et une taxe ; il ne pèsera en rien sur les Franciliens, qui profiteront de ses retombées économiques. Par ailleurs, 150 millions d’euros d’investissement sont consacrés à la sanctuarisation du trafic du RER B : en situation dégradée, il pourra circuler de manière optimale sur les voies du CDG Express, parallèles à celles qu’il emprunte habituellement.
Monsieur Jacques Krabal, j’ai bien compris comme les problèmes de la gare de Château-Thierry vous tenaient à cœur. Je m’engage à venir vous voir et à réunir les responsables locaux de SNCF Réseau et SNCF Mobilités afin que nous puissions aller dans le détail pour trouver des solutions.
S’agissant des gares en général, la loi que vous avez votée a considérablement amélioré leur gestion. Il n’existe aujourd’hui plus qu’une seule direction de l’immobilier au niveau de l’EPIC de tête, laquelle assure une gestion pour compte pour les deux EPIC opérationnels, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Autrement dit, il n’y a plus qu’un seul interlocuteur quand il y en avait deux auparavant. Il s’agit d’approfondir la mise en œuvre de cette réforme. Nous savons que des problèmes à Lille ont déjà pu être réglés.
Pour la Normandie, je ne connais pas non plus le détail des dossiers. Je me pencherai sur le tronçon Rouen-Yvetot pour vous fournir des précisions, monsieur Christophe Bouillon. Je me rendrai dans cette région comme dans toutes les régions de France pour rencontrer les élus régionaux, les directeurs régionaux de SNCF Réseau et leurs équipes.
Comment vivre avec l’ARAFER ? Dès lors que l’objectif est d’ouvrir à plus de concurrence, un régulateur est nécessaire pour arbitrer les questions essentielles que sont les tarifs des péages et l’attribution des sillons. Certes, aujourd’hui, SNCF Mobilités représente 97 % des péages, mais il est souhaitable de trouver le bon équilibre dès maintenant pour préparer les évolutions à venir que j’ai pu entrevoir au Royaume-Uni où le régulateur doit démêler des litiges fréquents entre opérateurs et gestionnaires d’infrastructures. Je ne méconnais la complexité des relations avec l’ARAFER. Il nous faut apprendre à vivre ensemble, il en va de la réussite de la réforme.
L’électrification de la ligne Paris-Troyes est un projet décidé par l’État, sous maîtrise d’ouvrage de SNCF Réseau. Je m’engage, monsieur Gérard Menuel, à ce qu’il soit mené à bien sans toutefois pouvoir vous donner de dates puisque je ne connais pas le détail du dossier.
Sur le tunnel du Montgenèvre, monsieur Julien Aubert, je reviendrai vers vous quand j’aurai une meilleure connaissance du projet.
Enfin, j’apprends en même temps que vous, monsieur Florent Boudié, les problèmes rencontrés à la gare Bordeaux-Saint Jean. Il est normal que le chantier soit arrêté si un niveau important de plomb a été détecté. Les équipes reprendront les travaux dès que possible après décontamination.
Quant à la question que vous avez posée sur Alstom, groupe industriel national et international qui constitue un acteur clef, elle relève de SNCF Mobilités. Il en va de même, monsieur Yannick Favennec, pour votre question sur les conducteurs de TER. Je ne manquerai pas d’en faire part au président de SNCF Mobilités, M. Guillaume Pepy.
J’en viens aux ressources humaines, madame Marie Le Vern. Je ne peux répondre précisément sur les perspectives de recrutement, le niveau de formation, le pourcentage de sous-traitance externalisé. Nous avons substantiellement augmenté les investissements destinés à la modernisation et la maintenance ces dernières années. Pour les mettre en œuvre, les moyens humains sont essentiels. La stratégie que SNCF Réseau a commencé à suivre est double. Elle consiste tout d’abord à moderniser le fonctionnement des équipes en interne, en développant la part de l’informatique et des automatismes, ce qui prendra du temps car cela nécessite de former nos personnels à de nouvelles technologies. Elle vise par ailleurs à recourir davantage à l’externalisation, ce qui suppose que la filière ferroviaire privée se développe en investissant dans les trains de maintenance, mais aussi dans l’expertise humaine, ce qui suppose une bonne visibilité. L’externalisation stimulera l’interne et permettra de faire face à l’augmentation des volumes des travaux de maintenance et de modernisation de la voie, des caténaires et de la signalisation.
Enfin, sur les grèves, notre point de vue est que la négociation sociale doit rapporter plus que la grève. La direction et le Gouvernement se consacrent chaque jour à la négociation.
Sur toutes les autres questions plus précises, je ne dispose pas des éléments nécessaires pour apporter des réponses mais je m’engage à le faire le plus rapidement possible, si vous voulez bien accepter ma nomination.
M. Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie.
*
Après le départ du candidat, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs étant Mme Marie Le Vern et M. Julien Aubert.
Les résultats du scrutin sont les suivants :
Nombre de votants
Bulletins blancs ou nuls
Abstention
Suffrages exprimés
Pour
Contre
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 24 mai 2016 à 17 h 15
Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Karine Daniel, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, Mme Viviane Le Dissez, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Gilles Savary, M. Pascal Thévenot
Excusés. - M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, Mme Florence Delaunay, M. Julien Dive, Mme Geneviève Gaillard, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Franck Marlin, M. Napole Polutélé, Mme Barbara Romagnan, M. Martial Saddier, M. Gabriel Serville, M. Patrick Weiten