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Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu MM. Jean-Louis Roumégas et Martial Saddier, rapporteurs du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) sur l’évaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air.
Mme la vice-présidente Catherine Quéré, présidente. Je vous prie d’abord d’excuser notre président Jean-Paul Chanteguet, empêché pour raisons de santé. Nous accueillons aujourd’hui nos deux collègues Jean-Louis Roumégas et Martial Saddier, membres du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), devant lequel ils ont présenté, le jeudi 19 mai, un rapport sur l’évaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air.
Comme notre commission s’intéresse particulièrement à cette question, qui est aussi l’une des premières préoccupations environnementales de nos concitoyens, il est de notre intérêt de les auditionner afin qu’ils nous présentent leurs travaux et les propositions qu’ils ont formulées pour améliorer la situation.
M. Jean-Louis Roumégas. Nous avons mené pendant quinze mois ce travail d’évaluation et de contrôle sur les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air, avec l’assistance de la Cour des comptes, pour ce qui est de la pollution de l’air extérieur. À mes yeux, la pollution de l’air intérieur est au moins aussi importante. Nous avons cherché à évaluer le coût économique et social de cette pollution de l’air.
Nous nous trouvons devant un problème sanitaire important. « Garantir le droit à un air sain » : tel est le titre de notre rapport, telle était l’ambition de la première loi sur l’air. L’objectif n’est pas atteint, comme en témoignent les contentieux au niveau européen, pour un certain nombre de zones où les seuils ne sont pas respectés.
Le sujet de la pollution de l’air n’est que partiellement connu. Seule une quinzaine de polluants sont surveillés. Ce sont plutôt les concentrations de polluants qui sont étudiées que l’exposition réelle des personnes à ces polluants. Les interactions entre polluants constituent, de plus, un sujet qui mérite d’être creusé.
Le coût économique et social de la pollution de l’air ne peut être établi, aujourd’hui, de manière précise : il est difficile de déterminer un pourcentage précis de décès prématurés ou de pathologies dus à la pollution de l’air et de chiffrer leur impact financier. L’absentéisme et la morbidité associés à ce phénomène sont sous-évalués et leur coût, pour la société, est considérable. Tout cela mérite aussi d’être approfondi.
L’information de nos concitoyens n’est pas assez sûre ni assez claire. Il faut à la fois approfondir nos connaissances en termes de mesures et de maladies liées à la qualité de l’air, et nos connaissances économiques.
Martial Saddier et moi-même sommes tombés d’accord sur le diagnostic de la situation et sur l’analyse des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air ; nos seules divergences portent sur la fiscalité écologique.
Voici nos propositions. Nous préconisons d’établir un indice synthétique de la qualité de l’air, qui soit commun à toutes les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA). Nous proposons aussi de mettre à disposition du grand public un indice individualisé d’exposition à la pollution de l’air, par exemple, par le biais d’une application sur les téléphones portables, comme en offrent aujourd’hui certaines entreprises privées. Nous voudrions que ce procédé soit repris et porté par les AASQA. Nous proposons aussi de créer des pôles de compétitivité dédiés à l’innovation en matière de pollution de l’air dans les régions les plus touchées par ce phénomène, comme de créer une structure de recherche sur les coûts économiques de la pollution de l’air.
M. Martial Saddier. Je commencerai par des remerciements : au président Jean-Paul Chanteguet, pour s’être attaché au problème de la qualité de l’air et avoir accepté d’organiser cette audition devant vous ; à mon corapporteur Jean-Louis Roumégas, car nous sommes arrivés, malgré nos sensibilités politiques différentes, à un accord sur les grandes lignes, ce qui n’était pas évident, tandis que, sur le reste, nous sommes séparés moins par un désaccord que par des approches différentes de financement ; à Christian Jacob, président de mon groupe politique, qui m’a désigné pour être corapporteur sur ce travail dont l’initiative revient à Jean-Louis Roumégas et à son groupe ; aux magistrats de la Cour des comptes et aux administrateurs du CEC, pour avoir mené un travail de fond ; au Conseil national de l’air, que je préside.
S’agissant de nos analyses et propositions, contenues dans la deuxième partie du rapport, elles mettent notamment l’accent sur la nécessité de clarifier et de simplifier la gouvernance des politiques publiques en matière de qualité de l’air. Après la Conférence de Paris sur le climat ou COP21, il faut arrêter de séparer les questions de qualité de l’air et d’évolution du climat. Toutes les politiques publiques doivent au contraire prendre l’une et l’autre comme axe commun, faute de quoi les mesures prises en faveur de l’une ou de l’autre risquent d’avoir une incidence négative. Lorsque l’on veut activer un levier sur la qualité de l’air, il faut prendre en compte les effets sur le climat, et inversement.
La planification nationale en faveur de la qualité de l’air est instable. Alors que la politique en faveur de la qualité de l’air devrait s’inscrire dans le long terme, les plans nationaux ont été adoptés selon un calendrier heurté, en partie dicté par les risques de contentieux européen. Les pics de pollution de l’air sont également l’occasion d’attirer l’attention du grand public sur le sujet, de manière intense, mais passagère.
Par ailleurs, les outils sont trop nombreux : plans de protection de l’atmosphère (PPA), plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE), schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT)… Il y a aussi beaucoup trop d’acteurs impliqués, ce qui n’est pas gage d’une gouvernance efficace.
Les plans de protection de l’atmosphère (PPA) sont certainement les outils les plus efficaces, mais ils sont insuffisamment déployés sur le territoire national : ils n’en couvrent que 35 % à 40 % et ont été établis il y a une dizaine d’années. Il faudrait réfléchir à une extension de leur utilisation comme à une mise à jour de la méthodologie sur laquelle ils se fondent.
La gestion des pics de pollution est inadaptée. L’on se focalise trop sur eux, et pas assez sur la pollution de fond, calculée en nombre de jours où les personnes se trouvent exposées à un air qui n’est pas sain. Il faut donc changer le logiciel d’approche. Lorsque des mesures sont prises, elles arrivent souvent au moment où un brusque changement météorologique en a ôté l’utilité. Cela brouille la compréhension du grand public. Nous préconisons une signalétique basée sur un code de couleurs clair : zone verte, zone orange, zone rouge.
Nous proposons de mettre en cohérence les politiques de lutte contre le changement climatique et contre la pollution de l’air, de décentraliser davantage la conduite des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air en confiant l’élaboration des plans de protection de l’atmosphère (PPA) aux régions ou aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ainsi que de mieux évaluer les résultats de la lutte contre la pollution de l’air et mieux assurer le financement des AASQA.
Enfin, la gouvernance francilienne des épisodes de pollution est excessivement complexe, car elle fait intervenir le préfet de police, le préfet de région, la région, le maire de la capitale et les ministres… Cela fait beaucoup, la gouvernance devrait être simplifiée. Dans les grandes villes, nous participons au mouvement de ceux qui veulent tourner la page de la circulation alternée et lui préfèrent une identification des véhicules, même sans aller jusqu’à instaurer un péage. Cette identification pourrait être effectuée par des moyens techniques modernes de repérage par caméra, par exemple pour détecter le nombre de personnes présentes dans une voiture. Le cas échéant, il faudrait adopter des modifications de notre législation, car une société d’autoroutes ne peut aujourd’hui légalement le faire. La France doit rejoindre l’évolution qui s’observe dans le domaine de l’identification automatique des véhicules.
En Floride, il n’y a pas de péage, mais un système d’identification existe. Il favorise le covoiturage, qui est détecté techniquement. Cela permet de faire baisser la pollution, sans alourdissement ou allègement de la fiscalité. Nous devons aller vers l’autorisation de cette identification technique, qui doit nécessairement être automatisée.
M. Jean-Louis Roumégas. Nous avons cherché à mettre en lumière les différentes contributions des divers secteurs – secteur routier, agriculture, secteur résidentiel – sur la pollution de l’air, en nous appuyant sur les travaux de la Cour des comptes, qui a relevé qu’ils contribuent de manière inégale à la lutte contre la pollution de l’air.
L’industrie et les transports sont les secteurs qui ont le plus progressé. La première a progressé essentiellement pour des raisons réglementaires, grâce à l’application de normes sur les émissions de polluants dont le contrôle est relativement aisé pour les services de l’État. Dans les transports, l’on a progressé essentiellement par l’évolution des motorisations, qui sont devenues beaucoup moins polluantes : le secteur doit cependant continuer ses efforts, car il est encore l’un de ceux qui produisent le plus de polluants.
Plusieurs raisons contribuent cependant aux limites de la lutte contre la pollution de l’air dans le secteur des transports. Premièrement, la fiscalité des carburants et le taux réduit de TICPE en faveur du gazole subventionnent l’achat des voitures diesel, qui émettent pourtant plus de NOx et de particules fines que les voitures essence : ce n’est pas logique. Deuxièmement, la dernière version du bonus-malus et la prime de conversion, créée en 2015, sont axées sur la réduction des gaz à effet de serre et donc du CO2. Ils n’aident quasiment pas les consommateurs à acheter les voitures essence les moins polluantes.
Troisièmement, le transport routier de marchandises a réduit fortement ses émissions mais continue de polluer, surtout pendant le dernier kilomètre de livraison. Les solutions alternatives – camions et véhicules utilitaires roulant au gaz ou à l’électricité – existent, mais elles sont encore trop coûteuses. Contrairement à ce qui se pratique ailleurs en Europe, il n’y a pas encore de transport de charges vers des véhicules propres sur le dernier kilomètre.
Quatrièmement, l’un des outils les plus efficaces, qui permet d’agir sur le nombre et la qualité des véhicules en circulation, à savoir les zones à basses émissions, n’a toujours pas été mis en œuvre en France. Vingt villes se sont engagées à le faire, mais les premières zones ne pourront pas voir le jour avant 2017. À l’inverse, Londres, Milan et Berlin ont mis en place cet outil depuis environ dix ans. Il ne s’agit pas seulement de rendre possible un péage, comme on le connaît à Londres, mais de définir aussi des zones réglementées réservées aux véhicules propres.
Cinquièmement, le scandale Volkswagen a mis en lumière les failles des tests d’émission des véhicules en laboratoire. Les conditions réelles d’utilisation doivent servir de base à l’évaluation.
Aussi avons-nous formulé des propositions : rendre les aides au renouvellement du parc plus incitatives, en créant, à côté du bonus-malus, centré sur le changement climatique et prenant en compte le CO2, un bonus-malus « pollution atmosphérique » prenant en compte le NOx et les particules, ainsi qu’en instituant une prime à la casse ciblée sur les véhicules très polluants, poids-lourds, véhicules utilitaires lourds (VUL) et autocars anciens ; s’agissant du transport de marchandises, développer l’offre de poids-lourds et de VUL roulant à l’électricité ou au gaz naturel pour véhicules (GNV) et faciliter les ruptures de charge destinées à utiliser de tels véhicules pour effectuer le dernier kilomètre de livraison.
Il conviendrait aussi d’agir sur le nombre de véhicules en circulation en instaurant des zones à faible émission reposant sur l’identification obligatoire des véhicules en fonction des normes Euro – les vignettes annoncées par la ministre de l’écologie vont en ce sens – et l’octroi de facilités de circulation aux véhicules les moins polluants incitant les entreprises à mettre en place le covoiturage et en assurant la prise en charge, par l’employeur, de la moitié des frais engagés par les covoitureurs. Ils le font déjà pour l’abonnement aux transports en commun, mais des outils numériques permettent de mesurer le degré d’utilisation des véhicules et le nombre de passages, données qui pourraient être prises en compte dans les plans de déplacement des entreprises.
Appliquer le nouveau cycle d’essai des véhicules en conditions d’usage réelles et créer une autorité européenne de surveillance des niveaux d’émission des véhicules, qui soit indépendante des États membres et des constructeurs et procède à des contrôles aléatoires sur le parc roulant.
M. Martial Saddier. J’en viens au rôle de l’industrie. C’est la première fois, je crois que les contributions des divers secteurs d’activité sont analysées de manière aussi fine. Nos travaux nous ont ainsi permis d’apprécier le très bon score obtenu par l’industrie en matière de réduction des émissions. C’est le secteur qui a fourni le plus d’efforts en la matière, avec des résultats concrets, sur les vingt dernières années. Certes, ces résultats sont difficilement quantifiables, car le produit n’est pas une réalité palpable, d’où une perception peut-être incomplète chez certains de nos concitoyens.
En tout état de cause, Les données du centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) font état d’une baisse sensible de la plupart des polluants émis par l’industrie manufacturière entre 1990 et 2003 : – 97 % pour le chrome, – 89 % pour le cadmium, – 78 % pour le dioxyde de soufre, – 71 % pour l’arsenic, – 48 % pour le NOX et près de – 35 % pour le monoxyde de carbone. Autant dire, pour les premières valeurs, que les particules ont quasiment disparu.
Pour traiter une pollution industrielle de plus en plus diffuse, un travail de fond devrait être mené pour identifier les installations classées (ICPE), soumises à simple déclaration, les plus polluantes. Car il faut fluidifier l’information.
Ces installations, contrairement aux ICPE soumises à autorisation préfectorale, ne sont pas inspectées régulièrement, mais peuvent faire l’objet d’un contrôle dit périodique, effectué par des organismes agréés, qui concerne 2 500 à 3 000 établissements par an. Or, les rapports des organismes agréés ne sont pas adressés aux services de l’État et les maires ne sont pas informés des contrôles périodiques effectués dans leur commune.
Les résultats de ces évaluations devraient donc être transmis aux préfets et aux maires. Par ailleurs, un fonds « air-industrie » devrait être expérimenté pour aider les industries qui souhaitent mettre en œuvre les techniques de dépollution les plus performantes. Ce dispositif d’incitation financière devrait être conçu sur le modèle du fonds air-bois de l’ADEME, qui subventionne le remplacement des appareils de chauffage les moins performants. Il s’agit d’aller au-delà de la norme, mais une discussion doit s’engager avec la Commission européenne pour voir si le dispositif ne risque pas de tomber sous le coup du régime des aides d’État.
La Cour des comptes a souligné que l’agriculture et le secteur résidentiel-tertiaire, dont les émissions évoluent peu, quand elles n’augmentent pas, étaient relativement épargnés par la fiscalité, et échappaient à l’application du principe pollueur-payeur. Il se trouve que ces deux secteurs, aussi différents soient-ils, partagent plusieurs caractéristiques : les émissions sont quasiment stables, les sources de pollution sont diffuses, difficilement quantifiables et partant difficilement taxables. Enfin, la qualité de l’air est la résultante d’autres politiques, poursuivant d’autres objectifs.
Qu’il s’agisse d’agriculture ou de bâtiment, les émissions sont stables, bien que les sources soient différentes. Dans un cas comme dans l’autre, les émissions sont diffuses, saisonnières et difficilement quantifiables, ce qui rend compliqué le principe pollueur payeur.
Attention, il ne s’agit pas de stigmatiser les agriculteurs, mais plutôt de mieux les informer sur les effluents. Certaines techniques qu’ils emploient peuvent d’ailleurs être à l’origine de rejets dont la gravité n’est accentuée que lorsqu’ils sont combinés avec la pollution urbaine, par exemple avec un air déjà dégradé et chargé en NOx. Un travail de sensibilisation doit avoir lieu. L’INRA doit conduire des recherches, tandis que le monde agricole doit être accompagné s’agissant des possibilités d’enfouissement des effluents d’élevage, en suivant une approche par type.
S’agissant du résidentiel, la qualité de l’air découle de la politique énergétique qui vise la sobriété, laquelle passe par une meilleure performance énergétique des bâtiments. Or, celle-ci résulte d’une bonne isolation et de l’optimisation du rendement des appareils de chauffage. Il ne faut ni trop aérer, ce qui consomme de l’énergie, ni trop confiner, mais plutôt trouver le juste équilibre entre la qualité de l’air intérieur, la qualité de l’air extérieur et le rendement du chauffage.
Aussi la puissance publique doit-elle inciter les particuliers à renouveler les appareils anciens, sur le modèle du fonds air-bois mis en place en Haute-Savoie, et à veiller à entretenir convenablement leurs appareils en les sensibilisant à l’enjeu quand leurs appareils sont défectueux. Permettez-moi, sinon de vous faire une démonstration sur la manière d’allumer un feu de bois (Rires), du moins de vous exposer qu’il faut, contrairement à ce qu’il est souvent affirmé, bourrer les bûches sous le petit bois et le papier, et non l’inverse, pour diminuer la pollution à l’allumage. Nos amis suisses n’ont pas hésité à distribuer des dépliants dans les maisons pour informer la pollution, de façon à limiter l’émission de particules fines à l’allumage.
M. Jean-Louis Roumégas. La pollution de l’air intérieur est un sujet relativement nouveau dans le paysage politique et la politique menée dans ce domaine illustre la prise de conscience progressive des experts qui a précédé celle des politiques. Celles-ci reflètent le progrès des connaissances concernant l’importance du milieu sur la santé. Or, dans le monde occidental, les individus passent jusqu’à 80 % de leur temps à l’intérieur. Il faut donc lier la politique de lutte contre la pollution de l’air intérieur et de pollution contre l’air extérieur.
La France a agi quasiment en pionnier avec la création de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur, qui a produit des données et conduit plusieurs études sur les milieux et sur les populations ont été menées par ailleurs pour mesurer la qualité de l’air intérieur.
Une réglementation par seuil a été en outre adoptée. Des valeurs-guides réglementaires pour l’air intérieur (VGAI) ont été ainsi définies pour le formaldéhyde et le benzène. À partir des valeurs établies par l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), le Haut conseil en santé publique propose des valeurs d’action rapide pour le formaldéhyde, le benzène, le naphtalène, le tri- et le tétra-chloréthylène et les particules fines, des valeurs d’information et de recommandation pour le formaldéhyde.
L’information du public et des professionnels est de plus assurée par plusieurs dispositifs, comme l’étiquetage des matériaux de construction ou de décoration, en vigueur depuis le 1er janvier 2013 et qui tient compte du formaldéhyde et des composants organiques volatils, mais aussi d’autres substances toxiques. L’on attend également l’étiquetage du mobilier pour 2020. À titre personnel, je suis aussi favorable à un étiquetage des produits d’entretien qui peuvent contenir des polluants volatiles.
L’accompagnement des malades par des conseillers médicaux en environnement intérieur est également prévu. À Paris, la visite est remboursée si elle est prescrite par un spécialiste. À Tours, les associations visitent les patients admis aux urgences pour une crise d’asthme sévère. De cette façon, les bonnes pratiques peuvent se diffuser. La Sécurité sociale peut rembourser leur intervention à titre curatif, mais non à titre préventif. Je le regrette.
Contrairement à ce que l’on imagine généralement, l’air intérieur est plus pollué que l’air extérieur. Cela tient d’abord aux équipements, tels que les meubles constitués de bois collé ou agglomérés, aux appareils de chauffage mal réglés, puisque l’intoxication au CO fait encore une centaine de victimes par an, ou aux polluants tels que les cheminées à foyer ouvert, mais aussi au stockage de déchets. Cela tient également aux activités humaines : cuisson qui dégage des particules, bricolage, ménage reposant sur l’utilisation de produits d’entretien parfois mal rebouchés et mal stockés, présence d’animaux au poil allergisant, comme les chats, tabac, encens et bougies parfumées… La mode de ces dernières fait parfois oublier qu’elles dégagent du benzène. Citons enfin les matériaux de construction et de décoration.
Aussi avons-nous formé des propositions. Il convient de faire de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) le pivot de l’action en santé-environnement, ainsi que de lancer une campagne nationale de sensibilisation aux risques de pollution de l’air intérieur, car la méconnaissance des effets des déodorants, pour ne citer qu’eux, est grande. Il faut enfin concilier qualité de l’air et normes en matière de logement : les bâtiments à forte performance énergétique ont des normes d’aération parfois incompatible avec une bonne qualité de l’air intérieur. Je m’interroge même sur l’opportunité d’un diagnostic de la qualité de l’air d’un logement analogue au diagnostic obligatoire de performance énergétique.
J’en termine par la fiscalité environnementale, sujet sur lequel nous avons, Martial Saddier et moi-même, des approches différentes. J’ai proposé d’en finir avec le privilège accordé au gazole, pour que la fiscalité du diesel soit portée au niveau de celle qui frappe l’essence. À terme, il pourrait même être plus taxé qu’elle.
Sur le transport routier de marchandises, nous avons regretté l’abandon de l’écotaxe, qui a fait perdre aux solutions alternatives de transport une manne d’investissement, à hauteur d’un milliard d’euros. En ce qui me concerne, je propose d’augmenter la taxe à l’essieu, qui est appliquée aux véhicules de plus fort tonnage et qui a été abaissée dans la perspective de l’entrée en vigueur de l’écotaxe.
En ce qui concerne la TGAP air, les taux acquittés par l’industrie sont très faibles comparés aux dommages environnementaux suscités par ses émissions et au coût d’application des techniques de dépollution les plus performantes. Il convient donc d’augmenter ces taux pour les rendre supérieurs au coût marginal de dépollution, comme cela se pratique ailleurs dans l’Union européenne, en vertu du principe pollueur-payeur.
M. Martial Saddier. De mon côté, je pense qu’il ne faut pas modifier la fiscalité des carburants, car cela affecterait à la baisse le prix des véhicules d’occasion et les ventes de véhicules neufs. En quinze ans, le diesel a perdu quinze points de parts de marché. Un rééquilibrage s’observe donc, sans recours à une augmentation de la fiscalité.
Elle compromettrait du reste la réalisation de l’objectif européen de niveau moyen d’émissions de dioxyde de carbone, qui est fixé à 95 grammes de CO2 par kilomètre à partir de 2020 pour le parc de voitures neuves, pour lequel le diesel est incontournable.
Par conséquent, il faut maintenir la fiscalité sur les carburants et privilégier le retrait, par des aides incitatives, des véhicules essence et diesel les plus anciens : remplacer un vieux véhicule par un plus récent, quelle que soit son énergie, est toujours très profitable à la réduction des émissions de CO2 et de polluants.
M. Jean-Louis Roumégas. Pour conclure, je dirais qu’il ne faut pas céder au catastrophisme, car les politiques de lutte contre la pollution de l’air ont fait la preuve de leur efficacité. Elles trouveront même un second souffle si nous mettons de l’ordre dans la gouvernance et que nous adoptons une approche sectorielle. L’objectif de notre législation demeure une bonne qualité de l’air.
Nous espérons que notre rapport servira de source d’inspiration des futures politiques publiques. Nous serons entendus demain, au ministère de l’écologie, par le conseil supérieur de la qualité de l’air.
Mme Françoise Dubois. Au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, je voudrais dire que la pollution de l’air est un fléau sanitaire et environnemental majeur. Selon le dernier rapport du Sénat, son coût pour la société est estimé à plus de 100 milliards d’euros par an. Le coût global de la pollution de l’air serait même, d’après plusieurs études scientifiques, encore plus élevé que celui du réchauffement climatique. C’est en effet ce qu’ont affirmé les estimations de l’OCDE ou de Guillaume Sainteny, éminent fonctionnaire du ministère de l’environnement.
Il ne faut pas opposer les deux, bien sûr, mais comme vous le notez dans votre rapport, nos politiques publiques en matière environnementale peuvent parfois être contradictoires. En soutenant la biomasse, on soutient à la fois une énergie faible en carbone mais qui est productrice de particules fines. De même, notre politique en matière automobile montre souvent que nous avons largement sous-estimé les émissions de dioxyde d’azote ou de particules fines en nous concentrant sur le CO2.
Votre rapport souligne avec force ces contradictions et c’est bien là le rôle du comité d’évaluation et de contrôle. Évaluer la cohérence, l’efficacité, l’efficience de nos politiques publiques. La commission du développement durable a elle aussi vocation à déminer ces sujets complexes.
Aussi, notre groupe vous félicite pour l’exhaustivité de votre rapport qui bouscule les schémas établis. Il a d’autant plus de force qu’il s’inscrit dans une démarche transpartisane. Toutefois, depuis 2012, je tiens à rappeler l’action importante de notre majorité pour lutter contre la pollution de l’air.
La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte y a dédié un volet entier. Concernant la mutation du parc automobile vers des véhicules moins polluants, nous fixons des objectifs ambitieux : 50 % pour la flotte de l’État, 20 % pour la flotte des collectivités locales ; pour les sociétés d’autocar, 50 % de la flotte d’ici 2025 et la totalité en 2025.
La loi donne la possibilité pour les collectivités de créer des zones de circulation restreintes réservées à une certaine catégorie de véhicules. Depuis le 1er septembre 2015, la ville de Paris peut limiter l’accès aux poids lourds. La loi encourage fortement le développement de la voiture électrique par un objectif de 7 millions de points de charge. Le financement est assuré par les collectivités, le plan d’investissement d’avenir, et la Caisse des dépôts. Le bonus-malus de 10 000 euros est un soutien très important à l’achat de véhicules électriques.
Le préfet et le maire sont aussi habilités à fixer plus facilement des limitations de vitesse dans leurs agglomérations, et à fixer des conditions spéciales de circulation et de stationnement pour les véhicules à faible émission. Le projet loi rend aussi obligatoire les plans de mobilité pour les entreprises employant plus de cent salariés sur le même site. La loi introduit la possibilité pour les concessionnaires d’autoroute d’établir des tarifs préférentiels pour les véhicules à faible émission ou ceux effectuant du covoiturage.
Ce projet de loi est une véritable boîte à outils dans laquelle peuvent se servir l’État et les collectivités pour agir localement. Le ministère de l’écologie a justement lancé l’appel à projet « Villes Respirable en 5 ans » pour accompagner les collectivités locales prioritaires justes après la publication de la loi.
Nos concitoyens sont également préoccupés par les mesures d’urgence lors de pics de pollution. Face à ce défi, l’Assemblée nationale a adopté, en janvier dernier, la proposition de loi de notre collègue François de Rugy visant à accélérer le déclenchement des mesures d’urgence en cas de pic de pollution.
Dès le 7 avril 2016, le Gouvernement a publié un arrêté préfigurant l’adoption de cette loi, permettant de mettre en place les mesures d’urgence dès le 3e jour au lieu du 4e et de les maintenir plus longtemps en fonction des prévisions météorologiques.
Enfin, le Gouvernement a annoncé d’ici maintenant 4 ans la convergence de la taxation de l’essence et du diesel, et en finir avec un avantage de moins en moins justifié par des arguments industriels dépassés. Les Français sont de plus en plus en plus sensibles à l’enjeu sanitaire du diesel.
Et vous le précisez, à juste raison, nous pouvons aller encore plus loin. À ce titre, la publication prochaine du plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques doit envoyer des signaux. C’est d’autant plus nécessaire que comme vous l’avez bien dit, la qualité de l’air est la première préoccupation environnementale des Français.
Aussi, je souhaite vous interpeller sur plusieurs points qui m’interrogent. Les collectivités locales ont aujourd’hui envie de s’engager plus fortement dans la décision en cas de pic de pollution. Certains souhaitent rendre automatique les mesures d’urgence dès lors que le seuil réglementaire est franchi. Pensez-vous que le Gouvernement aurait dû aller jusque-là et se priver du pouvoir d’appréciation du préfet ?
Le GART, la mairie de Paris et le ministère de l’environnement ont abouti à un accord ambitieux pour restreindre la circulation des véhicules les plus polluants, avec six vignettes de couleurs différentes, contre les quatre envisagées à un moment. Que pensez-vous de cet accord ?
Enfin, je souhaiterais recueillir votre sentiment sur la dernière Conférence environnementale en matière de pollution de l’air.
Une question supplémentaire concernant les véhicules anciens. En tant que députée du Mans, ville emblématique de l’automobile, je rencontre régulièrement les associations de passionnés de véhicules de collection qui organisent de nombreuses manifestations festives : défilés, expositions, rallyes… Ils sont inquiets des possibles évolutions réglementaires. Il serait bien de ne pas intégrer ces véhicules aux véhicules usagés polluants qui circulent sur nos routes et ne pas les taxer en conséquence. Quel est votre avis sur le sujet ?
M. Jacques Kossowski. Lancé par des membres de notre groupe politique, Les Républicains, le Grenelle II de l’environnement a relancé la politique de lutte contre la pollution de l’air.
Dans votre rapport, vous montrez du doigt le transport routier de marchandises comme fort émetteur de polluants. Votre proposition n° 9 porte sur le développement de véhicules utilitaires au gaz naturel ou à l’électricité ; vous préconisez aussi un maillage de stations de gaz et de recharge électrique sur le territoire.
Certes, ce sont des pistes à privilégier, mais je m’interroge néanmoins sur l’idée de mettre en place de nouvelles possibilités de ferroutage de marchandises sur les transports de longue distance. Est entrée en service, en mars dernier, une autoroute ferroviaire reliant l’Espagne au Royaume-Uni, via Calais et Le Boulou, dans le Sud de la France. Voilà 1 200 kilomètres de route qui ne sont pas empruntés par les camions ; 30 000 à 40 000 remorques sans chauffeurs pourront ainsi être transportées. En termes de mobilité durable, ces chiffres sont intéressants.
Deux autres autoroutes ferroviaires existent déjà en France, l’une entre le Luxembourg et Le Boulou, l’autre entre Chambéry et Turin. Pensez-vous que le ferroutage puisse encore connaître une phase importante de développement, notamment en direction de l’Allemagne ? Structurer les acteurs ferroviaires français leur permettrait-il de répondre à ce besoin, s’il est identifié ?
Vous préconisez le développement du véhicule électrique. Soit, mais j’attends encore le déploiement des bornes de rechargement, car les utilisateurs de ces véhicules ont encore trop souvent peur de tomber en panne au bout de 80 ou de 100 kilomètres.
S’agissant des produits d’entretien, il ne faudrait pas hésiter à les assortir de photographies illustrant leurs possibles effets nocifs, comme on le fait pour le tabac, même si ce serait sans doute un sujet difficile pour les entreprises. Je suis, en tout état de cause, complètement d’accord avec vous sur le fait qu’il faut simplifier les explications données aux particuliers.
Quant à l’écotaxe, ne pensez-vous pas qu’il pourrait y avoir une discussion à reprendre avec ses opposants ? Il en va tout de même d’un milliard d’euros par an.
M. Stéphane Demilly. Au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je tiens à remercier nos collègues pour ce rapport qui met en lumière une réalité terrible : nous parlons de la qualité de l'air dans notre pays depuis des années et, parallèlement, des outils de base de mesure des polluants, qu'il peut sembler évident de mettre en place, n’existent toujours pas.
Vous écrivez notamment, je vous cite : « Seuls une quinzaine de polluants sont surveillés. Le dispositif actuel de surveillance ne permet en outre que de mesurer les concentrations de polluants dans l'air ambiant et non de quantifier l'exposition réelle des personnes à ces substances. Les interactions entre polluants, ou « effets cocktail », constituent, de plus, une terra incognita ».
Alors qu'il ne se passe pas une journée, notamment l'été, sans que la qualité de l'air ne soit évoquée dans les débats ou dans les différents médias grand public, le constat que vous dressez est donc particulièrement accablant pour nos politiques publiques dans ce domaine.
Votre première proposition est d'ailleurs intitulée : « Mieux connaître le niveau de pollution de l'air ». Vingt après la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, dite loi Laure, de 1996, concernant, « la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » – dont vous saluez pourtant les résultats – nous n’avons donc toujours pas d'indicateurs efficaces pour connaître la qualité de l'air.
Vous proposez ainsi, notamment, la création de pôles de compétitivité dédiés à l'innovation en matière de pollution de l'air dans les régions les plus touchées. J'ai plusieurs questions sur cette proposition : à quelles régions pensez-vous prioritairement, en dehors de l'Île-de-France ? Ne peut-on pas imaginer plutôt une structure nationale qui aurait des ramifications territoriales ? Et, enfin, comment imaginez-vous le fonctionnement et l'organisation de ces pôles de compétitivité ?
M. Patrice Carvalho. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport de nos collègues, Jean-Louis Roumégas et Martial Saddier, sur l'évaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l'air.
Il donne tout d'abord la mesure de ce que représente cette pollution en termes de santé publique et de coûts. Par là même, il établit l'urgence d'agir. Ainsi le coût annuel de la mortalité et de la morbidité associées à la pollution de l'air extérieur s'évalue à 30 milliards d’euros selon la Cour des comptes ou entre 68 et 97 milliards d’euros pour la commission d'enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution.
Le coût estimé de la prise en charge de quatre maladies respiratoires représente un à deux milliards d’euros pour le système de soins, soit 15 % à 30 % du déficit de la branche maladie. J'ajoute que, dans nos villes, 60 % de la population respire un air pollué et qu'on enregistre, chaque année, une augmentation des maladies respiratoires et cardio-vasculaires dues notamment aux particules fines.
Le rapport contient toute une série de préconisations, avec parfois des avis différents entre les deux rapporteurs. Je m'en tiendrai à quelques points. Tout d'abord, la gestion des pics de pollution : ceux intervenus en mars 2014, puis en mars 2015, en Île-de-France et sur le nord du pays, ont montré que nous avions un problème dans l'anticipation et dans la réactivité.
Au final, les mesures prises l'ont été alors que le pic de pollution s'achevait. Il en est ainsi parce que la chaîne de décision est d'une complexité et d'une lourdeur, qui paralysent l'action. Elle fait, en effet, intervenir le préfet de police, le préfet de région, la région, la ville de Paris, le ministère de l'écologie, les uns et les autres étant tiraillés entre la nécessité d'intervenir et la crainte de mécontenter l'opinion publique. Il faut simplifier tout cela.
En janvier 2016, nous avions examiné une proposition de loi de nos collègues écologistes visant à l'automaticité du déclenchement de mesures d'urgence en cas de pic de pollution. J'avais soutenu cette idée. J'ajoute que la décision doit relever d'une seule autorité. Celle du préfet semble la mieux adaptée, comme le proposent les rapporteurs.
Nous étions, avec ce point, sur l'action contre les effets de la pollution. Venons-en à l'action sur les causes et, en particulier, sur un sujet qui fâche, à savoir la fiscalité. Les rapporteurs ont des avis divergents en ce qui concerne la fiscalité sur les carburants. Jean-Louis Roumégas est partisan de supprimer le différentiel de taxation entre le gazole et l'essence. Durant des années, les automobilistes ont été incités à s'équiper en diesel.
Je suis député d'une circonscription à la fois rurale et semi-urbaine. Les populations ont besoin d'un véhicule pour leur déplacement et, comme ils sont conduits à faire des trajets de plusieurs kilomètres, ils se sont équipés en véhicules diesel. Et à présent, il faudrait les pénaliser ? Je suis plus proche de ce que préconise Martial Saddier. D'abord, les moteurs diesel d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier. Les technologies ont considérablement évolué. Ce à quoi il faut aider, c'est au renouvellement du parc diesel d’ancienne génération et des aides incitatives sont nécessaires.
Second point relatif à la fiscalité : la taxation poids lourds. En l'occurrence, je me sens plus proche de Jean-Louis Roumégas. Je ne reviens pas sur le fiasco de l'écotaxe. (Sourires) Nous en avons beaucoup parlé ici. Il reste que le transport de marchandises par la route est le moins taxé de tous les modes de transports, alors qu'il est le plus polluant et le moins sûr.
Un rééquilibrage est nécessaire, si nous voulons que s'opère un transfert vers des modes de transports écologiquement plus vertueux, à savoir le rail et la voie d'eau. Pour y parvenir, il faut actionner, pas exclusivement mais notamment, le levier de la fiscalité. Dans le cas contraire, nous pourrons nous fixer les plus ambitieux objectifs, nous n'aurons aucune chance de les atteindre.
Aujourd’hui, le diesel ne pollue pas davantage que l’essence. Mais Paris souffre d’être traversé tous les jours par des voitures et des camions qui font des trajets longue distance, par exemple pour aller jusqu’à Bordeaux. L’Île-de-France devient un poumon de pollution (Sourires), car rien n’est fait pour détourner ces véhicules, rien n’est prévu dans le projet du Grand Paris.
Quant aux particules fines, le lœss qui a été apporté par effet éolien et qui rend les terres fertiles n’est rien d’autre que cela à l’origine… Il serait possible d’y voir une richesse minérale qui se dépose au cours du temps. Les pneus et les plaquettes de frein seront toujours nécessaires pour conduire une voiture, c’est une question de mécanique pure. Comment voulez-vous les supprimer ?
M. Jean-Louis Bricout. Je vous remercie pour ce travail qui nous permet aujourd’hui de découvrir un rapport de qualité.
Je me concentrerai sur la qualité de l’air dans le secteur résidentiel. Dans votre rapport, vous dites que le secteur est à la traîne, qu’il s’agisse de l’entretien, du rendement ou encore du type de chauffage ou d’isolation d’un logement. Je ne peux que souscrire à votre analyse au regard de ce que je constate sur mon territoire.
En effet, de nombreux logements dans les bourgs centres, tels que celui de ma circonscription, sont de véritables passoires thermiques. Cela précipite les populations dans une forme d’insécurité économique. J’ai beaucoup lutté contre ce problème en tant que maire. Dans le cadre de ses pouvoirs de police, le maire peut en effet agir sur l’insécurité physique dans le logement, et y ordonner des travaux. Il ne peut toutefois agir sur la précarité énergétique et la forme d’insécurité économique qui lui est associée.
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) pourrait constituer une base. Mais j’ai vu qu’il n’est pas opposable. Vous travaillez cependant sur cette question, à laquelle je suis très sensible, car c’est vraiment un moyen coercitif pour lutter contre ceux qu’il faut bien appeler des marchands de sommeil, en améliorant au final la qualité de l’air et la performance des logements.
M. Guillaume Chevrollier. Je remercie nos deux collègues pour leur rapport intéressant, qui met en lumière le manque de connaissances sur le sujet des pollutions, les interactions étant souvent mal étudiées. Il faudrait effectivement mieux faire connaître les principaux facteurs de pollution.
Vous soulignez un point essentiel, celui de la pollution de l’air intérieur, pollution aux conséquences non négligeables du fait du temps passé à l’intérieur, notamment par les urbains, alors que, dans les bâtiments basse consommation (BBC), l’on recommande de ne pas ouvrir les fenêtres. Il serait important aussi que chacun puisse mesurer la qualité de l’air de son logement ou de son bureau. Dispose-t-on des outils nécessaires, qui pourraient être généralisés ?
Vous soulignez d’autre part, avec justesse, le défaut de notre pays qui a créé beaucoup trop de structures, d’organismes, dont les rôles sont méconnus ou se chevauchent. Là encore la simplification serait bienvenue.
À propos de la pollution agricole, il me semble essentiel, comme vous le soulignez, d’approfondir la recherche sur l’épuisement des sols plutôt que de critiquer les agriculteurs qui tentent, comme ils le peuvent, d’y remédier.
S’agissant de votre divergence de vues sur la politique fiscale, je partage la position de mon collègue Martial Saddier. Arrêtons de céder au matraquage fiscal et cherchons plutôt des mesures incitatives efficaces pour garantir la bonne qualité de l’air.
Je voudrais enfin faire une dernière observation, au sujet de l’Europe. L’air n’a pas de frontières. Quelle convergence y a-t-il entre les politiques nationales de l’air au sein de l’Union européenne ? Comment la France se positionne-t-elle par rapport à ses partenaires européens ?
M. Yannick Favennec. La Cour des comptes a eu l’occasion de souligner récemment que « la politique de lutte contre la pollution de l’air n’est pas encore stabilisée », en évoquant un « empilement de dispositifs hétérogènes, dont tous n’ont pas pour objectif explicite et premier l’amélioration de la qualité de l’air ».
De plus, l’objectif de lutte contre la pollution de l’air entre parfois en contradiction avec les objectifs d’autres politiques publiques, notamment la lutte contre le réchauffement climatique. L’accent mis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre a ainsi conduit à favoriser certaines technologies qui émettent des polluants atmosphériques nocifs à court terme, comme le dioxyde d’azote ou les particules fines. C’est, en particulier, le cas des mesures prises pendant des années en faveur du diesel ou du chauffage au bois. Il apparaît également que les interventions au niveau national perturbent les mesures prises au niveau local et peuvent retarder ou même limiter la mise en œuvre d’outils efficaces. Outre cette incohérence des politiques de lutte contre la pollution de l’air et la cacophonie qui prévaut dans leur mise en œuvre, il ne faut pas négliger l’implication de tous les agents économiques, qui doit être beaucoup plus forte, y compris celle des particuliers.
C’est pourquoi je souhaiterais savoir comment vous proposeriez d’harmoniser les différentes actions menées aux niveaux européen, national et local, en vue d’une plus grande efficacité, mais aussi savoir comment vous proposez d’inciter les agents économiques à s’impliquer davantage dans la lutte contre la pollution atmosphérique, et notamment les agriculteurs. Dans votre rapport, vous soulignez qu’ils sont, par l’élevage et par la culture, « des sources de pollution atmosphérique en raison des effluents d’élevage, d’une part, et de l’utilisation à la fois d’engrais et de produits phytosanitaires par les cultivateurs, d’autre part ».
Il est vrai que nos agriculteurs traversent une crise grave qui ne leur permet pas de faire face à des normes ou à des contraintes supplémentaires. Comment comptez-vous favoriser l’information des agriculteurs ? Comment faire davantage de pédagogie ?
Quant aux collectionneurs de véhicules anciens, je rejoins les remarques de notre collègue Françoise Dubois, en plaidant pour qu’ils ne soient pas sanctionnés sur l’autel de leur passion, que je partage par ailleurs.
Mme Catherine Beaubatie. Monsieur le Président, messieurs les rapporteurs, chers collègues, je vous remercie pour ce rapport très fourni qui pointe les atouts et les faiblesses de notre politique en matière de pollution de l’air. Il illustre l’utilité du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale.
Comme vous, je regrette que nous ne soyons pas allés jusqu’au bout de l’écotaxe. Lorsque j’entends qu’il faut réunir autour de la table ceux qui s’y sont opposés, je me dis que le débat sera relancé dans quelques mois ou dans quelques trimestres. Ceux-ci seront certainement prêts à accéder à des requêtes qu’il avait refusées jusqu’alors.
Sur votre rapport, je vous interrogerai sur deux points. Après avoir évoqué le traitement des pics de pollution, vous préconisez une plus forte décentralisation en matière de lutte contre la pollution de l’air par une cogestion entre les régions et les EPCI. Comment envisagez-vous la mise en œuvre d’une telle réforme, dans le sens de la décentralisation que vous voulez ?
Le deuxième point sur lequel je souhaite vous questionner est celui de la qualité de l’air intérieur. Vous nous dites qu’il est plus souvent pollué que l’air extérieur. À la page 13 du document distribué, vous notez qu’il demeure des zones d’ombre dans le monde du travail, mais aussi dans le cas du radon. Dans la circonscription dont je suis l’élue, des kits de mesure du radon sont mis à disposition des particuliers dans les mairies, et cela est essentiel pour le suivi de la pollution de l’air intérieur. Des travaux de dépollution doivent parfois être envisagés.
Quels sont les outils pédagogiques à développer pour que les particuliers soient mieux informés de la pollution de l’air intérieur ? Je crois qu’il y a des zones d’ombre dans ce domaine-là, car beaucoup ne savent pas.
M. Julien Aubert. J’ai entendu vos propositions en faveur d’une décentralisation accrue de la politique de l’air, où régions et établissements publics de coopération intercommunale seraient le niveau cohérent. Il est vrai que les régions sont compétentes en matière de transport et de protection de l’environnement, mais les départements jouent un rôle important dans le domaine sanitaire et social.
Pourquoi ne pas confier aux conseils départementaux le soin de lutter contre la pollution de l’air, en mettant l’accent sur l’aspect sanitaire et l’impact social de cette politique ? D’ailleurs, comment prenez-vous en compte l’échelon métropolitain ? Il me semble que les grandes agglomérations ont un rôle évident à jouer.
Bien sûr, je comprends cependant que si toutes les collectivités voulaient s’en occuper, le sentiment se répandrait vite qu’il n’y a finalement ni responsable ni pilote dans l’avion.
Mme Suzanne Tallard. Votre rapport a le mérite de vouloir coordonner les politiques existantes, qui sont en effet si diversifiées qu’on n’en voie plus la cohérence ni la lisibilité. Vous formulez également des propositions les plus concrètes possibles, qui sont susceptibles d’une mise en œuvre aisée.
S’agissant de la circulation alternée, devons-nous comprendre qu’elle ne rime à rien ? J’ai été surprise par la dureté, ou du moins la fermeté, de votre propos. Dans les cas où elle a été mise en œuvre, ne pouvons-nous en mesurer les conséquences ?
En matière de transport de marchandises, j’ai trouvé très intéressante votre analyse de la question du transport sur le dernier kilomètre. La Rochelle a désormais dépassé le stade l’expérimentation pour mettre en œuvre de vraies solutions. Connaissez-vous l’exemple d’autres pratiques en France ?
Quant à la pollution de l’air intérieur, vous avez évoqué l’interaction des émanations de produits d’entretien ménager, des objets de décoration et de l’ameublement. Où en sont les travaux de recherche sur ce point ?
M. Gabriel Serville. Votre rapport permet de poser un regard plus technique sur le sujet majeur que constitue la qualité de l’air que nous respirons. Cette étude s’appuie entre autres sur le rapport de la Cour des comptes de décembre 2013 ; dans son propos introductif, elle précise que son propos ne porte que sur le territoire métropolitain.
Sans faire de catastrophisme, pour reprendre le terme de notre collègue Jean-Louis Roumégas, je vous invite tout de même à partager une inquiétude au sujet de la pollution engendrée en Guyane par le lancement des fusées Ariane, Vega et Soyouz. Je voudrais évoquer les retombées tant dans le Centre spatial guyanais que dans les deux communes voisines de Kourou et de Sinnamary.
Dans ce contexte, la responsable du suivi environnemental du Centre national d'études spatiales (CNES) précise qu’après plus de quatorze ans de surveillance, aucun impact n’a été constaté de la part du lancement d’Ariane V. Or, je voudrais rappeler tout de même que chaque lancement d’Ariane V correspond à l’émission de 150 tonnes d’alumine, 120 tonnes d’un mélange de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone et de 90 tonnes de gaz chlorhydrique.
En 2007, mon prédécesseur Mme Christine Taubira, dans un rapport évoquant le lancement de Soyouz, mentionnait que nul ne peut arguer d’une innocuité absolue de cette activité industrielle. Aujourd’hui, l’un des deux bureaux d’études indépendants qui ont été mandatés par le CNES évoque le manque de pertinence des méthodologies déclinées durant les dernières décennies.
Lorsque la Cour des comptes explique que, depuis cinq ans, des plans nationaux se sont succédé sans évaluation des mesures mises en œuvre, ne pensez-vous pas qu’il incomberait à l’Union européenne de mettre en place les outils réglementaires et technologiques susceptibles d’améliorer le suivi de l’impact sur la santé de l’homme de l’activité spatiale, qui relève d’une ambition européenne partagée ?
Mme Marie Le Vern. Tout d’abord je me joins aux félicitations et aux remerciements déjà exprimés pour le travail que vous avez effectué avec ce rapport, qui n’esquive ni les sujets difficiles, ni vos différences d’approche, ce qui en fait un document de grande qualité.
Je souhaiterais revenir sur la difficulté que pointe la Cour des Comptes, et que vous avez soulignée, de « parler simplement de la qualité de l’air ».
Vous expliquez notamment que les indices synthétiques de qualité de l’air, conçus pour les agglomérations, sont difficilement utilisables en milieu rural et dans les petites villes, et c’est pourquoi vous plaidez pour la création d’un indice à la fois commun à toutes les associations agréées et surtout utilisables et compréhensibles par chacun.
J’aimerais tout d’abord bien comprendre la difficulté qu’il y a à utiliser les indices traditionnels en zone rurale. Vous évoquez une question d’échelle des mesures. N’y a-t-il pas aussi un enjeu autour de ce qui est mesuré, puisqu’à l’évidence l’on n’est pas exposé aux mêmes sources de pollution atmosphérique à Paris ou en plein cœur du Pays de Bray ?
Au passage, comment expliquer que jusqu’ici aucun indice spécifique n’ait été construit pour surveiller spécifiquement les régions rurales ?
En tout état de cause on ne peut que souscrire à votre préconisation n° 7 d’un indice synthétique commun et lisible. À ce stade, à quoi pourrait ressembler, selon vous, cet indice et surtout comment serait-il capable de surmonter les difficultés que votre rapport liste : multiplicité des polluants, « effet cocktail », clarté pour chacun ?
M. Lionel Tardy. Je vous félicite de l’exposé exhaustif de votre rapport sur l’évaluation des politiques de lutte contre la pollution de l’air. Vous expliquez que les plans de protection de l’atmosphère (PPA) sont l’un des outils les plus efficaces. Ils sont pourtant peu utilisés là où ils sont facultatifs, notamment dans les agglomérations de moins de 250 000 habitants.
Pourquoi une si faible utilisation et comment inciter à une plus large utilisation de cet outil par les agglomérations ?
M. Gilles Savary. En matière de lutte contre la pollution de l’air, je pense que nous devons aller à l’essentiel, non à l’accessoire. Comment les particuliers pourraient-ils admettre d’être mis en cause pour des safaris de vieilles voitures, des grillades ou des barbecues, alors que notre collègue Gabriel Seville nous a décrit les retombées du lancement de fusées Ariane en Guyane. N’empoisonnons pas la vie de nos concitoyens !
Je partage le point de vue des rapporteurs quant aux transports. S’agissant de l’écotaxe, j’estime qu’il faudra y revenir, peut-être en confiant sa perception aux régions, quand elles seront compétentes en matière routière. La taxe devrait cependant porter alors sur tous les véhicules, et pas seulement sur les poids lourds, qui ne représentent, rappelons-le, que 15 % du secteur des transports.
Au niveau européen, j’avais beaucoup poussé en faveur de l’utilisation du centre spatial guyanais pour le lancement de fusées Soyouz. Les émanations nocives provoquées par ce lancement mettent quatre heures à se dissiper. Pour Ariane V, appareil hyper-polluant, dont le lancement dégage des quantités énormes de produit quasi-défoliant, il faut quinze jours… N’abandonnons le traitement de ce dossier à la raison d’État.
M. Michel Heinrich. Je voudrais revenir sur la question de l’écotaxe. Vous estimez que les régions et les EPCI sont le bon niveau territorial pour lutter contre la pollution de l’air. Pourquoi ne pas préconiser la possibilité pour les régions de mettre en place une écotaxe, comme vient de le suggérer notre collègue Gilles Savary ?
Pour ce qui est d’allumer le feu, cher collègue Martial Saddier, nous en connaissons autant dans les Vosges que dans la vallée de l’Arve… (Rires) Plus sérieusement, comment est financé le fonds air-bois, là où ce dispositif existe ? J’ai compris qu’il permettait le versement de 1 000 euros à toute personne désireuse de transformer son feu à l’âtre, mais je ne sais pas par qui ce versement est effectué.
M. Jacques Alain Bénisti. Même si le projet du Grand Paris Express va permettre de réduire considérablement la pollution de l’air par une diminution très sensible du trafic de véhicules, à hauteur de 150 000 unités de moins en petite couronne, le chantier en lui-même, qui s’étalera sur dix ans, risque malheureusement de générer une aggravation très importante de la pollution atmosphérique, à cause des milliers de camions qui font véhiculer des centaines de milliers de tonnes de déblais dans des zones très peuplées et déjà touchées par la pollution de l’air.
Il a été suggéré d’utiliser les voies ferrées existantes, exploitées aujourd’hui à seulement 15 %. Mais la SNCF peine à répondre à cette exigence, en ne proposant que 20 % d’évacuation des terres par voie ferroviaire. Vous êtes-vous penchés sur ce sujet ? Espérons que votre rapport aura autant de suites que le rapport sur les nuisances aéroportuaires.
M. Yves Albarello. La semaine dernière, à l’invitation de Carlos Tavares, président de Peugeot, un certain nombre de députés et sénateurs étaient invités à découvrir, à l’occasion de l’innovation day, le futur véhicule Peugeot qui sera mis sur le marché en 2019, outre les véhicules mixtes à locomotion électrique et essence ou diesel. Le modèle électrique du futur disposera d’une autonomie de 450 kilomètres, avec la possibilité d’une recharge très rapide de la batterie, à raison de 12 kilomètres par seconde, ou d’une recharge complète en une demi-heure pour une batterie au lithium.
De préférence à la circulation alternée, vous envisagez une circulation graduée, en fonction de la nature des véhicules. N’y aurait-il justement pas lieu, à partir de 2019 et en prenant en compte leur autonomie accrue, de laisser d’abord passer les véhicules électriques ?
M. Jean-Louis Roumégas. Oui, la gestion des pics de pollution réclame davantage d’anticipation, alors que l’on n’agit aujourd’hui qu’au bout de deux jours, quand l’événement est déjà passé et a déjà eu des effets toxiques avérés.
Quant à la circulation alternée, elle est efficace en soi, mais elle n’est pas pédagogique. Mieux vaut interdire la circulation des véhicules les plus polluants. Cela favoriserait d’ailleurs, à long terme, le renouvellement du parc. Des zones réglementées, réservées aux véhicules propres, sont également envisageables.
L’on propose de laisser aux autorités locales le soin de décider la gestion de la gestion de l’air, qui est toujours un objet de polémiques, tandis qu’un seul aspect du sujet est souvent traité. C’est pourquoi nous proposons un système de seuils vert, jaune et rouge. Aujourd’hui, l’impression est répandue que la pollution n’existe que lorsqu’un pic est atteint, tandis qu’il n’y en aurait pas le reste du temps. Rien n’est plus faux.
Le système par couleurs, inspiré de celui de la météo, est beaucoup plus lisible. Il montrerait à chacun que la pollution de l’air est permanente et chronique. Des mesures spatialisées de la pollution sont du reste possibles, au kilomètre près. Des entreprises proposent déjà des applications numériques pour cela. Ces données sont importantes pour les allergies, l’asthme et pour suspendre les activités sportives en zone urbaine quand une zone est polluée.
Il est vrai que le Grenelle de l’environnement fut l’occasion de relancer la politique de lutte contre la pollution de l’air, dont le ferroutage est un enjeu et qu’il convient de développer. En France, au cours des dernières années, le transport routier a gagné sur le transport ferroviaire, alors que nous disposons du meilleur réseau ferroviaire européen. Sur les distances supérieures à 500 km, le transport ferroviaire est pourtant la bonne solution. Pour améliorer les choses, il faut espérer de la SNCF, ou d’ailleurs d’autres opérateurs, une offre plus intéressante en termes de tarifs comme de flux ; la réglementation ne peut être la seule solution.
Sur l’écotaxe, je partage le regret exprimé par beaucoup au sujet de son abandon.
Quant à l’air intérieur, nous avons besoin d’outils pédagogiques car il est sujet à une pollution diffuse. Dans cette perspective, le rôle que peuvent jouer les collectivités est limité. Ce sont les particuliers qu’il faut toucher, en les sensibilisant à un meilleur usage de l’habitat. L’habitat privé comme les bâtiments publics tels que les écoles doivent bénéficier, dès leur conception, d’une aération meilleure. Il faut être attentif aux émanations de produits d’entretien mal rebouchés, mais aussi aux problèmes de moisissure posés par une hygrométrie trop abondante, ce qui peut être une cause d’asthme.
Aussi le grand public doit-il être informé. Pour ce faire, un étiquetage des produits d’entretien mérite d’être généralisé sous l’angle de la qualité de l’air. Il en existe déjà pour certains produits. La présence d’étiquettes va permettre de sensibiliser les consommateurs comme les producteurs. Ce sont les mesures d’information qui sont, à notre sens, les plus incitatives. Pourquoi d’ailleurs ne pas développer un diagnostic de l’air intérieur, sur le modèle du diagnostic énergétique exigé à la vente ou à la location de locaux d’habitation ? Il serait certes compliqué d’en établir un, polluant par polluant, mais des appareils ne coûtant que quelques centaines d’euros permettent déjà de mesurer la concentration globale des produits volatiles dans l’air. Cela serait une base pour corriger la situation. Le métier des conseillers en air ou en environnement intérieur mériterait d’être développé.
Madame Marie Le Vern, je conviens bien volontiers que les indices de mesure de la qualité de l’air sont plutôt conçus pour le milieu urbain et s’appliquent mal en milieu rural. Il faudrait les adapter.
Quant à une écotaxe régionale, nous n’y avons pas pensé, mais dispose-t-on vraiment des outils techniques et la volonté politique est-elle d’ailleurs là pour ce faire ? Du point de vue juridique, la loi le permet-elle aux régions ?
M. Patrice Carvalho. Il faut surtout une volonté politique !
M. Jean-Louis Roumégas. S’agissant des véhicules électriques, nous avons entendu l’association représentant les fabricants : l’AVERE considère que le marché va exploser d’ici deux ans, car l’autonomie des batteries aura doublé dès 2017 et elle atteindra rapidement 300, puis 400 ou 500 kilomètres. Le temps de charge sera réduit par de nouvelles solutions techniques. Tout dépendra de la puissance des bornes : sur les autoroutes, il en faudra de très puissantes, mais, en milieu urbain, des bornes normales de type domestique, là où les véhicules stationnent, permettent aux batteries de se recharger pendant la nuit.
Le coût à l’achat restera cependant un enjeu, mais il pourrait baisser si nous changeons d’échelle industrielle. Le véhicule hybride se vend à peu près au même prix. Mais il ne constitue, aux yeux des industriels, qu’un modèle de transition, tandis que le modèle électrique est un modèle de long terme.
Cela pose aussi le problème de la source de l’énergie électrique utilisée par ces véhicules. Permettez-moi seulement de dire que l’énergie produite par une seule centrale nucléaire suffirait à l’alimentation d’un parc de quinze millions de véhicules.
M. Martial Saddier. Chère collègue Françoise Dubois, je conviens avec vous de la nécessité de simplifier la gouvernance. La lisibilité reste trop faible dans les territoires et auprès de nos concitoyens. Il ne s’agit certes pas d’évincer le préfet du processus de décision sur les PPA. Mais la procédure actuelle n’est pas idéale, sur le plan pédagogique, et gagnerait à s’appuyer davantage sur l’adhésion des élus locaux.
Quant aux vignettes, le débat de fond porte sur l’identification des véhicules qui entrent dans une zone donnée. Cette identification doit être automatique. A contrario, la circulation des véhicules anciens ne constitue pas un enjeu… S’ils ne restaient qu’eux ! Ne braquons pas nos concitoyens par des mesures contre les véhicules de collection.
Mme Françoise Dubois. Les passionnés sont cependant inquiets de voir leur voiture intégrée dans le système des vieux véhicules.
M. Martial Saddier. Ce n’est pas la volonté que nous avons exprimée, ce n’est pas notre position en tout cas.
Pour les stations de gaz naturel, une première a été inaugurée sur autoroute au Mont-d’Or. Elle offre, par exemple, une possibilité de locomotion plus propre aux véhicules utilitaires qui constituent une source de pollution parfois peu connue dans les grandes villes. Il faudrait revoir la politique des grands fleuves pour trouver des solutions alternatives, en revoyant leur statut juridique.
Des solutions seraient aussi à expérimenter en matière de sels de déneigement. Des recherches pourraient permettre de trouver des solutions pour limiter l’émission de particules fines du fait de leur épandage.
S’agissant des véhicules électriques, la Cour des comptes s’est en effet demandé s’ils étaient totalement propres. Il faudrait analyser le recyclage des batteries qu’ils utilisent. Je souligne tout de même que ces batteries constitueraient la seule source de stockage de masse de l’énergie électrique. Elles pourraient au demeurant servir, à terme, à l’alimentation de logement, maison ou appartement. Mais évitons sur le véhicule électrique un débat semblable dans dix ans à celui que nous connaissons aujourd’hui sur le diesel, à qui l’on reproche d’avoir été trop encouragé.
Quant aux pôles de compétitivité, trois régions pilotes pourraient être la région Île-de-France, la région PACA et la région Rhône-Alpes. Des recherches méritent en effet d’être conduites. En PACA, l’écobuage préventif mené pour éviter les feux de forêt est une pratique sur laquelle il faut réfléchir, car il émet indéniablement des particules fines.
Pour ce qui concerne l’information des agriculteurs, le ministère de l’agriculture doit être notre porte d’entrée. Les exploitants savent qu’ils ont tout un réseau d’interlocuteurs structurés autour d’eux.
Cher collègue Julien Aubert, c’est la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République qui a confié l’élaboration des plans de protection de l’atmosphère (PPA) aux régions ou aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), puisqu’elle leur a attribué des compétences en matière de tourisme, d’agriculture, d’innovation, de recherche, d’économie…
S’agissant de la circulation alternée, nous reprochons seulement à ce type de mesure de focaliser l’attention sur les pics de pollution, alors qu’elle devrait se porter sur la pollution de fond. Par ailleurs, la circulation alternée permet aussi bien à des véhicules hyper-polluants de circuler. Nous préférons l’identification des véhicules et le covoiturage.
Quant à un indice synthétique de la qualité de l’air, je tiens à rappeler que la mesure à tout moment de cette qualité ne remonte qu’à 2007. Il existe six cents points de mesure en France, les stations étant situées au bord des routes ou en ville. Je regrette qu’il n’y en ait pas en zone rurale.
Monsieur Gilles Savary, vous avez raison de dire que nous devons aller à l’essentiel. Quant au ferroutage, il a encore de l’avenir devant lui, comme le montre l’inauguration du tunnel du Saint-Gothard.
Monsieur Michel Heinrich, le fonds air-bois est financé à 50 % par l’ADEME et pris en charge pour le reste par les collectivités territoriales concernées, régions, départements et communautés de communes.
Mme la vice-présidente Catherine Quéré, présidente. Je vous remercie de cette présentation passionnante qui nous a beaucoup appris.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 1er juin 2016 à 9 h 30
Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, M. Florent Boudié, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Karine Daniel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. Julien Dive, M. Philippe Doucet, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Alain Leboeuf, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville, Mme Suzanne Tallard, M. Pascal Thévenot, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. - M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Paul Chanteguet, M. David Douillet, M. Philippe Duron, M. Christian Jacob, M. Patrick Lebreton, Mme Viviane Le Dissez, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Bertrand Pancher, M. Napole Polutélé, M. Jean-Marie Sermier, M. Patrick Weiten
Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Jean-Louis Roumégas, M. Lionel Tardy