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Commission des affaires économiques

Mercredi 17 octobre 2012

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 10

Présidence de M. François Brottes Président et de Mme Frédérique Massat, Vice-Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur La Poste et la « feuille de route numérique »

La commission a auditionné Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur La Poste et la « feuille de route numérique ».

M. le président François Brottes.  Mme la ministre déléguée vient pour la deuxième fois devant notre commission, et je l’en remercie. Il faut dire que le périmètre de son ministère a de quoi nous intéresser au regard de l’actualité. Ce matin, nous avons reçu le président du groupe La Poste et celui de la Banque postale, qui ont eu à répondre à de très nombreuses questions. Sur le sujet, il nous reste à entendre la position de l’État sur le contrat de service public. Si les collègues souhaitent poser d’autres questions, je ne pose pas de restriction, mais peut-être pourrions-nous nous concentrer sur la France fibre, si je puis dire.

Le développement du numérique et de la fibre sur l’ensemble notre territoire est, pour nous, un sujet de préoccupation, car c’est bien la France capitale du numérique que nous visons, pas seulement une région. Madame la ministre, vous avez pris ce chantier à bras-le-corps, dans un contexte difficile puisque le modèle économique des télécommunications est très fragilisé : pertes d’emplois, ventes d’entreprises, réduction de la voilure des investissements ne sont pas sans conséquence sur la pertinence de la quatrième licence.

Vous avez mis en place un observatoire pour juger de l’état d’avancement des investissements puisque, dans la régulation de ce secteur, on a fait en sorte d’associer le service à la concurrence par les infrastructures – sujet tout à fait d’actualité, très lié au déploiement non seulement des réseaux mobile 4G mais aussi de la fibre. La semaine dernière, nous avons eu un débat sur les centres d’appel qui nous a fait entrer dans le sujet de façon partielle. Il y a aussi le débat sur le téléphone sans fil, et bientôt le fil sans le téléphone puisque les opérateurs se querellent sur le point de savoir si le terminal peut faire partie de l’offre ou pas. L’issue de ce contentieux inquiète beaucoup les très nombreux utilisateurs de téléphone mobile de notre pays.

Les télécommunications comportent aussi un pan industriel dont l’avenir est en question. Depuis longtemps, la France est un acteur important dans ce secteur que les errements liés à une ouverture de marché mal maîtrisée ont fragilisé. Comment envisagez-vous de redonner à cette industrie élan et espoir ?

Sans dresser une liste exhaustive des sujets à aborder, nous avons compris que le Premier ministre souhaitait que le rapprochement entre l’ARCEP et le CSA soit étudié. Ce sujet est abordé dans notre commission depuis très longtemps. Depuis que la convergence existe, c’est-à-dire que la télévision est sur le net, la question se pose de la gestion à la fois des usages et des outils de transport par une même autorité de régulation. Sans aller jusqu’à vous demander les conclusions d’un rapport qui n’est pas encore sorti, peut-être aurez-vous une échéance à nous donner.

En période de discussion budgétaire, la fiscalité du secteur peut susciter quelques sujets. Et il faut aussi payer ou rattraper les erreurs du passé. Il semble que la France a été sanctionnée pour avoir prélevé une taxe sur les télécommunications en vue de financer la fin de la publicité sur le service public de la télévision. Cela fait partie de ces cadavres dans le placard qu’on trouve lors du passage de relais entre deux gouvernements.

La neutralité du net est une question qui passionne Corinne Erhel et quelques autres - pas beaucoup –, mais nous ne l’aborderons que si les nombreux sujets économiques et industriels nous en laissent le temps. Qu’à cela ne tienne : quand on intéresse, on revient et je ne doute pas que vous reviendrez, madame la ministre. Pour l’heure, je vous laisse la parole pour une présentation liminaire.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.  Le secteur des télécoms a ce côté paradoxal de tirer derrière lui tout l’écosystème numérique, secteur en croissance et doté de potentiels de développement considérables, tout en étant destructeur d’emplois. Nous avons conduit une réflexion globale sur la manière de relancer à la fois l’investissement et la création d’emplois dans les télécoms, sachant que l’arrivée du quatrième opérateur modifie les conditions et l’équilibre économiques du secteur. Il apparaît aujourd’hui que l’entrée sur le marché du quatrième opérateur n’a pas été très bien anticipée par le précédent gouvernement et qu’elle a un fort impact sur la filière : plans de départs volontaires annoncés ou en passe de l’être chez les opérateurs qui ont le plus souffert de l’arrivée du quatrième opérateur ; difficultés chez les équipementiers ; risques sur les investissements chez les opérateurs télécoms dans le cadre du déploiement de la fibre ou du très haut débit mobile, de la 4G.

Nous avons établi cinq priorités, la première étant l’investissement. Nous avons souhaité nous assurer que l’ensemble des opérateurs était bien dans une logique d’investissement, d’où la mise en place d’un observatoire en collaboration avec l’Agence nationale des fréquences pour la partie déploiement des infrastructures et l’ARCEP pour la partie déploiement des investissements. Cet observatoire, en cours de constitution, nous permettra de suivre mensuellement le rythme des déploiements et des investissements.

Deuxième priorité, encadrer et maîtriser le recours à l’itinérance et à la mutualisation pour trouver un juste équilibre entre les investissements et la couverture du territoire. Le recours à l’itinérance, en ce qu’il représente un frein à l’investissement tant au niveau du BTP que de l’investissement direct des opérateurs, doit être limité dans le temps. Toutefois, une logique de mutualisation doit être envisagée dans les zones les moins denses, où les coûts rendraient une concurrence par les infrastructures absurde économiquement.

Accélérer le développement de la 4G, c’est la troisième priorité, car c’est dans ce domaine que les perspectives d’emplois nous apparaissent les plus importantes. À cette fin, nous avons fait en sorte de libérer plus rapidement que prévu les bandes permettant le déploiement de la 4G. D’abord, en demandant à la direction générale de l’aviation civile, qui utilise la bande 2,6 GHz, de procéder à des nettoyages de fréquences et à les libérer avec six mois d’avance. Ensuite, en expérimentant, à Saint-Étienne, sur la bande des fréquences en or – celles qui ont fait l’objet d’une vente très lucrative pour le budget de l’État il y a deux ans - un lancement de la 4G alors que se pose un problème de brouillage avec les fréquences de la TNT. Pour la première fois, les quatre opérateurs se sont mis d’accord sur une expérimentation en réel pour traiter le problème. Enfin, en libérant les fréquences de la bande des 1 800 MHz, qui ont fait l’objet d’une consultation publique par l’ARCEP et dont l’instruction est en cours. De son côté, puisqu’il est de la responsabilité de l’État de fixer les redevances relatives à la libération de ces fréquences, le Gouvernement réfléchit avec l’ARCEP à un calendrier pour permettre un déploiement plus rapide de la 4G.

La quatrième priorité consiste à mobiliser l’ensemble des leviers disponibles pour le maintien et la création d’emplois dans la relation client en France. Les centres d’appel font partie aussi des effets secondaires de la réorganisation du marché des télécoms. Tout comme les boutiques de distribution, ils sont touchés par l’arrivée du quatrième opérateur sur le plan de l’emploi. Nous avons soumis plusieurs pistes au conseil supérieur de filière ainsi qu’au Conseil national de la consommation : faire appel à la responsabilité sociale des entreprises en renforçant les labels correspondants propres aux centres d’appel ; encourager l’accroissement de la qualité de service dans la relation client en donnant la possibilité aux opérateurs d’offrir des services premium sans pour autant que le service de base gratuit soit dégradé ou surtaxé ; inciter à la création d’emplois en intégrant le critère de l’emploi dans l’attribution des fréquences ou dans le calcul des redevances d’occupation du domaine public hertzien. À cet égard, un accord pourrait être trouvé avec l’ensemble des opérateurs pour que leurs efforts de localisation ou de maintien en France des emplois liés à la relation client soient pris en compte dans le calcul des redevances.

La cinquième priorité, c’est d’accompagner la réflexion sur le modèle économique du secteur en matière de fourniture des terminaux mobiles. Aujourd’hui, les offres SIM only, c’est-à-dire l’achat de la carte SIM indépendamment du terminal, introduites par Free, connaissent un fort développement. Le consommateur doit maintenant avoir le choix entre ces modèles de SIM only avec acquisition du terminal et des modèles de subventionnement, qu’il reste à sécuriser juridiquement. Les contentieux n’étant pas la meilleure façon de régler les problèmes, mieux vaut lancer, en lien avec les services de Benoît Hamon puisqu’il s’agit d’un sujet de consommation, une réflexion avec l’ensemble des acteurs de la filière pour sécuriser le modèle subventionné.

S’agissant de La Poste, le contrat de service public est en cours de renégociation avec le groupe – vous en avez certainement amplement parlé ce matin. Le Gouvernement souhaite renforcer ses missions de service public, bien sûr, mais aussi le convaincre de se placer dans une logique moins défensive face à la baisse de l’activité courrier en l’incitant à innover, à inventer les services publics de demain. L’instruction est lancée avec l’ensemble des parties prenantes, associant étroitement les organisations représentatives du personnel. D’ici à la fin de l’année, un nouveau contrat de service public avec La Poste verra le jour. Les discussions spécifiques, notamment financières, interviendront dans le cadre de la négociation des trois volets selon un échéancier échelonné : la présence territoriale à la fin 2013, l’accessibilité bancaire à la fin 2014, les aides à la presse à la fin 2015.

J’en viens au numérique. En préambule, je précise que si les infrastructures sont un sujet important, je me suis attachée, dans la communication du Gouvernement, à insister sur le développement des usages, la manière dont le numérique pouvait être appréhendé par l’État comme un levier de modernisation de son action, un progrès en matière d’éducation et de santé, deux chantiers très importants pour l’action de l’État. Du point de vue de la méthode, tout le Gouvernement est mobilisé. Un séminaire gouvernemental sur les sujets numériques se tiendra au début de l’année prochaine. Tous les ministères y présenteront, en les hiérarchisant par ordre de priorité, leurs chantiers numériques afin d’avoir une action coordonnée au sein du Gouvernement.

La nomination à la direction générale de la modernisation de l’État de Jérôme Filippini, précédemment à la tête de la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l'État, la DISIC, est un bon relais pour nous. Très sensible aux questions numériques, il veillera à ce que celles-ci soient bien prises en compte dans la modernisation de l’État.

S’agissant du très haut débit, l’objectif fixé par le Président de la République est la couverture de l’ensemble du territoire en dix ans, en donnant priorité à la fibre dans le mix technologique. Je l’ai dit la dernière fois, je vois les choses en trois volets. Le premier, c’est de conforter et sécuriser les zones d’intervention de chacun. Aujourd’hui, les opérateurs privés dans les zones AMII et les zones très denses et les collectivités dans les zones moins denses et non rentables doivent être sécurisés dans leurs investissements. Il est donc important de pouvoir très rapidement faire en sorte que les engagements des opérateurs en matière d’investissements et de rythme des investissements soient respectés. C’est tout le sens de l’observatoire, qui doit permettre à l’État de suivre ce rythme et de veiller au respect des engagements. Il faut aussi que les collectivités, lorsqu’elles déploient elles-mêmes leurs réseaux, puissent être accompagnées par une structure d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour que leurs choix technologiques et de financement permettent aux opérateurs de déployer leurs offres dans ces réseaux.

Le rôle de chacun doit être clairement délimité, néanmoins il doit se conformer au pilotage assuré par le Gouvernement en matière de déploiement et de définition du mix technologique. C’est le deuxième volet. Rappelons que, conformément à l’engagement FTTH pour tous, la fibre doit être la technologie privilégiée. Dans les zones où le rapport coût-rendement ou coût-efficacité de la fibre est très élevé, les collectivités pourront, évidemment, proposer des solutions alternatives qui doivent vraiment rester l’exception par rapport à cette règle. La fonction de pilotage de l’État doit s’exercer sur l’industrialisation et la normalisation technologique, ce qui permet de sécuriser les investissements ou le déploiement de services des opérateurs privés, ainsi que sur le suivi du respect des engagements des opérateurs.

Le troisième volet concerne le financement. L’État accompagne déjà financièrement les projets des collectivités via les guichets A et B de la Caisse des dépôts et consignations. Si ces deux guichets sont maintenus, nous sommes en train d’examiner les modalités de conversion du guichet A, dédié aux prêts aux opérateurs, vers le prêt aux collectivités ou aux opérateurs déployant des réseaux de fibre optique. Parce qu’il ne correspondait pas à leurs besoins, ce guichet n’a pas du tout été sollicité par les opérateurs privés qui peuvent, par ailleurs, se tourner vers la Banque européenne d’investissement. Nous examinons, avec Jean-Pierre Jouyet, comment dégager ces financements sous forme de prêts à long terme à des taux attractifs pour les collectivités locales.

Toujours dans le volet du financement, l’État a pour rôle d’assurer la péréquation, puisque le coût du raccordement final n’est pas le même en centre-ville qu’en zone rurale ou de montagne. Il pourra aussi intervenir pour mobiliser les investisseurs privés, BEI ou CDC, cette dernière pouvant engager ses fonds propres dans des projets liés à la fibre en dehors des guichets A et B du fonds pour la société numérique.

Une mission de réflexion a été confiée à M. Pierre Collin et M. Nicolas Colin sur la fiscalité du numérique, qui devient un enjeu important de souveraineté. Aujourd’hui, notre système fiscal n’est pas adapté à l’économie numérique dématérialisée et déterritorialisée. Sur la base des conclusions de leur rapport, attendu pour le mois de décembre, nous ferons en sorte d’appréhender fiscalement les revenus que se procurent certains acteurs, nord-américains en particulier, sur le territoire français auprès du public français sans acquitter ni impôt sur les sociétés ni contribution au financement de la création, sans respecter non plus les obligations en matière de représentation de la diversité culturelle.

La taxation des télécoms, dite taxe Copé, destinée à financer l’arrêt de la publicité sur France télévisions, fait l’objet d’un contentieux devant la Cour de justice européenne qui devrait rendre sa décision au cours du premier semestre 2013, sans plus de précision. Dans cette attente, le Gouvernement a provisionné, dans le PLF pour 2013, 1,3 milliard d’euros, soit vraisemblablement la somme que nous devrons rembourser aux opérateurs pour cette taxe contraire au droit communautaire. La directive télécom interdit, en effet, de taxer les opérateurs à d’autres fins que la régulation du secteur. J’ajoute que la taxe sur les services de télévision, la TST, qui s’applique aux distributeurs et aussi aux opérateurs de télécoms, pourrait également être visée par ce type de contentieux. Le secteur des télécoms nous procure donc, en matière de fiscalité, des sujets de préoccupation qui pourraient avoir de lourdes implications dans le budget de l’État si les contentieux devaient se terminer comme nous pensons qu’ils se termineront.

M. le président François Brottes. C’est maintenant au tour des représentants des groupes de s’exprimer. Nous commencerons, pour le groupe UMP, par M. Lionel Tardy, dont je n’oublie pas qu’il n’était un partisan ni de Hadopi ni de la taxe sur les télécommunications.

M. Lionel Tardy. Enfin, le Gouvernement présente un plan stratégique pour le numérique ! Certes, le contenu en est sans grande surprise et s’inscrit dans la continuité des plans France numérique 2012 et 2020 de votre prédécesseur, au moins sur le fond ; il n’affiche aucune rupture sur les objectifs et ne présente que quelques aménagements cosmétiques de méthode. Manque une action gouvernementale cohérente avec les objectifs annoncés dans ce plan. Il ne sert à rien, madame la ministre, que vous défendiez les start-up du numérique avec différents dispositifs si d’autres au Gouvernement dissuadent par la fiscalité les créateurs d’entreprises de se risquer. Cela dit, je vous accorde que des décisions catastrophiques ont été prises par d’autres que vous, ce qui limite votre responsabilité.

J’ai trois questions précises à vous poser. La première concerne le Conseil national du numérique, qui a explosé au début du mois de juillet, à la suite de la nomination au poste de secrétaire général d’un membre de votre cabinet, M. Jean-Baptiste Soufron. La refonte du Conseil a été annoncée, sans plus de précision sur sa composition, le processus de recrutement de ses membres et les buts poursuivis. Ce silence total laisse craindre l’absence de toute réponse jusqu’à la publication du décret de nomination officielle des membres – on a déjà vu, avec le projet de loi de finances, ce que le Gouvernement entendait par la concertation.

Selon la rumeur, le Conseil compterait trente membres répartis en trois collèges : les universitaires-chercheurs, les milieux économiques et la société civile. Des contacts seraient pris sans qu’on en sache plus. Où en est exactement le recrutement ? En matière de calendrier, quand la concertation sera-t-elle lancée et quand la nouvelle mouture commencera-t-elle à fonctionner ? Le Conseil participera-t-il à la définition de la feuille de route numérique ?

Au cours de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande avait évoqué l’habeas corpus numérique. Que recouvre ce terme ? Quelle forme va-t-il prendre ? Y aura-t-il concertation et dans quel délai ? Là encore, le flou est total autour d’une idée pourtant séduisante, car la notion de liberté numérique, à laquelle je me montre très attaché depuis 2007, est importante.

Plus globalement, je m’interroge sur l’intérêt d’une réflexion nationale tant ces questions relèvent du niveau européen. Ainsi, sur des sujets comme le paquet télécom 2009 transposé en 2011ou la directive sur les données personnelles, actuellement en révision, est-il pertinent d’avoir un dispositif franco-français ?

Pour finir, une question de dernière minute. Ce matin, la présidente de l’Hadopi a présenté son rapport d’activité annuel. Selon elle, sur deux sujets importants, la Haute autorité a atteint les limites juridiques et techniques de ce qu’elle pouvait faire sans même parvenir à remplir la mission que la loi lui a assignée. D’une part, sur l’expérimentation du filtrage par DPI, faute de pouvoir contraindre juridiquement ceux qui s’y livrent à l’en informer, l’Hadopi ne sait que par des canaux non officiels que cela se passe. D’autre part, l’Hadopi renonce, au bout de deux ans d’effort, à élaborer une rédaction des spécifications fonctionnelles que doivent respecter les logiciels de sécurisation, considérant que c’est mission impossible au regard des moyens dont elle dispose. Pour qui connaît un peu le sujet, cela n’a rien de surprenant, je le disais déjà en 2009. Deux solutions s’offrent pour remédier à ces défaillances de l’Hadopi : lui donner plus de moyens ou revoir ses missions. Quel est votre avis ?

Mme Corinne Erhel. La semaine dernière, le Gouvernement a annoncé un train de mesures concernant la filière télécom qui connaît, depuis le début de l’année, un bouleversement des modèles économiques et des tensions extrêmement fortes. Parmi ces mesures, l’observatoire d’évaluation du niveau des investissements des opérateurs me semble un outil intéressant. Selon quel calendrier cet observatoire sera-t-il mis en œuvre ? Le périmètre de cet observatoire englobe-t-il bien la téléphonie fixe et mobile, la 3G et la 4G ? Aura-t-il pour autre mission de veiller à la satisfaction de ses obligations par le nouvel entrant dans la téléphonie mobile tant en matière de couverture que du niveau d’investissement requis pour atteindre les objectifs de couverture qui lui sont assignés à la fin du contrat d’itinérance ? Par la suite, l’observatoire aura-t-il un rôle dans l’évaluation des politiques publiques ?

J’interpelle régulièrement le Gouvernement, l’actuel comme les précédents, sur la situation des équipementiers. Ainsi, Alcatel Lucent, dernier équipementier français employant 9 000 salariés en France, annoncera dans quelques jours la déclinaison en France de son plan social mondial. Soumis à une concurrence internationale extrêmement rude, cet équipementier est également confronté à un ralentissement, plus sensible depuis quelques mois, des investissements des opérateurs à la fois dans le fixe mais aussi en 4G. À terme, la question de la pertinence d’avoir encore – ce que j’espère – un équipementier français risque donc de se poser. Quels engagements le Gouvernement peut-il prendre, en matière de réciprocité notamment, pour répondre aux inquiétudes fortes et légitimes des salariés quant à l’avenir de cette entreprise, porteuse d’enjeux de souveraineté extrêmement importants pour la France et l’Europe ?

Autre sujet, à la fois pour les territoires et les citoyens : le très haut débit. Outre la feuille de route qu’il a présentée, le Gouvernement a annoncé, lors de la table ronde en juillet dernier à Bercy, la mise en place d’une cellule de gouvernance en vue d’améliorer le traitement, la péréquation et l’articulation des procédures. Quand cette cellule sera-t-elle activée ?

Fervente défenseure de la fibre optique, porteuse d’enjeux à la fois d’aménagement du territoire et industriels et économiques considérables, je m’interroge, comme d’autres, sur la lisibilité du financement permettant d’atteindre les objectifs. Comment sera-t-il assuré et le sera-t-il de façon pérenne ?

N’en déplaise au président de la commission, de même que le rapprochement de l’ARCEP et du CSA, la neutralité de l’internet n’est pas déconnectée du sujet. Quelles sont les actions spécifiques envisagées pour les volets liberté d’expression et espace d’innovation ?

Enfin, madame la ministre, pourriez-vous nous présenter les mesures en faveur des PME prévues dans le PLF, notamment leur articulation avec la Banque publique d’investissement ? Ce point est très important pour les territoires qui s’engagent dans l’aménagement et développent localement des écosystèmes en faveur du numérique.

M. Thierry Benoit. Madame la ministre, vous venez de nous présenter vos cinq grandes priorités. Pour le groupe UDI, la priorité des priorités, c’est de corriger les inégalités entre les territoires à travers l’accès au haut débit et au très haut débit.

Aujourd’hui, à l’issue de l’appel à manifestations d’intentions d’investissement, nous disposons d’une carte des grandes agglomérations et villes moyennes qui présentent manifestement un intérêt pour les opérateurs privés. Le rôle de l’État va consister à évaluer les besoins et les usages et à épauler les territoires les plus fragiles. Vous avez élaboré une feuille de route qui fixe un objectif de couverture du territoire en très haut débit à échéance de dix ans, et prévu de créer une structure d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour sécuriser les territoires dans leurs investissements. Pouvez-vous en dire plus sur cet outil ?

Le mix technologique défini par le Gouvernement donne la priorité à la fibre optique tant que le rapport coût-rendement est acceptable. De quel budget disposez-vous pour accompagner les territoires dans ce déploiement, sachant que les régions et les départements se sont engagés dans divers schémas de cohérence, d’aménagement régional ou d’aménagement numérique dont la mise en œuvre nécessitera la participation de l’État ?

Les opérateurs ont manifesté leur intérêt pour les territoires rentables. Dans les territoires à faible densité de population, les partenariats public-privé pourraient constituer un moyen intéressant de déploiement de la fibre optique, que le groupe UDI considère, lui aussi, comme une priorité absolue. Le Gouvernement entend-il encourager de tels dialogues entre puissance publique, collectivités locales comprises, et opérateurs privés ?

À la suite de la panne de réseau qui a affecté Orange au mois de juillet, le Gouvernement avait annoncé son intention de prendre un décret imposant des audits de sécurité de leurs réseaux aux opérateurs. Où en est ce décret ?

Depuis quelque temps, Arnaud Montebourg évoque l’idée d’une fusion entre Orange, France télécom et Deutsche Telekom. Le Gouvernement est-il enclin à encourager ce type de rapprochement afin d’assurer aux opérateurs nationaux historiques une position performante sur la scène internationale ?

Enfin, l’arrivée du quatrième opérateur sur le marché de la téléphonie mobile et la stratégie d’ouverture à la concurrence conduite par l’ARCEP ont fait l’objet de nombreuses critiques, en particulier l’insuffisante couverture réseau de Free mobile. L’ouverture à la concurrence devait favoriser la diminution des forfaits mobile chez les opérateurs historiques ; le Gouvernement dispose-t-il d’éléments d’appréciation à cet égard ?

Mme Michèle Bonneton. Je souhaiterais avoir des précisions sur l’état actuel de la couverture du territoire en fibre optique et sur les perspectives envisagées. L’objectif de couverture maximale dans les zones à faible densité de population ne pourra certainement pas être atteint à l’horizon fixé de dix ans. Le maintiendrez-vous quand-même ou vous résoudrez-vous à d’autres solutions, telles que l’itinérance, et selon quelles modalités de financement et quelles échéances ?

Les pertes d’emplois touchent actuellement les centres d’appel mais, dans les années à venir, elles risquent de concerner beaucoup d’autres services susceptibles d’être délocalisés hors de France. C’est, en tout cas, ce que prévoient certains économistes. Quelles mesures immédiates et d’anticipation pourraient être de nature à freiner, voire à stopper, cette évolution ?

S’agissant de La Poste, de quelle façon le Gouvernement compte-t-il renforcer ses missions de service public ? En prendra-t-il le financement en charge avec des moyens publics ? Parmi les innovations qu’il souhaite encourager, on parle beaucoup de la lettre recommandée numérique et de la vente de téléphonie mobile, mais il y en a certainement bien d’autres.

M. le président François Brottes. Mme la ministre va répondre aux porte-parole des groupes, puis nous passerons aux questions d’autres collègues.

Mme la ministre. Monsieur Tardy, en matière de fiscalité, le Gouvernement a démontré, au cours des dernières semaines, combien il souhaitait encourager les entreprises de croissance, les start-up mais aussi les PME. Ainsi, il a introduit, par voie d’amendements au projet de loi de finances, des aménagements de la fiscalité des personnes qui sont de nature à rassurer les acteurs de la nouvelle économie. Le même PLF prévoit l’extension du crédit d’impôt recherche aux dépenses d’innovation, l’exonération des plus-values de cession en cas de cession de parts de jeune entreprise innovante, le renforcement du statut JEI, toutes mesures favorables à cette nouvelle économie.

La composition du Conseil national du numérique sera finalisée d’ici à la fin du mois d’octobre. Nous l’avons souhaitée plus ouverte et strictement paritaire – il ne comptait précédemment que deux femmes sur dix-huit membres. Sa composition permettra au Conseil de conduire ses travaux de manière indépendante puisque la société civile et les milieux universitaires seront mieux représentés. Il y aura une articulation importante avec le comité stratégique de la filière numérique, qui sera nommé, lui aussi, avant la fin de ce mois.

Des événements et incidents récents ont renforcé notre conviction de la nécessité de mettre en place la protection des données personnelles, l’habeas corpus numérique. Les applications numériques recueillant de plus en plus de données personnelles, la protection de la vie privée s’en trouve menacée. Le Gouvernement doit, par des actions combinées, limiter les risques ; c’est donc autour de ces questions que s’articulera la réflexion que j’engagerai avec mes collègues Christiane Taubira et Manuel Valls et à laquelle nous associerons la CNIL.

Nous souhaitons inviter les grandes plates-formes du net à améliorer la transparence des informations personnelles qu’elles détiennent et des conditions dans lesquelles elles les traitent. Hier, le G29, c’est-à-dire l’ensemble des équivalents européens de la CNIL, a demandé des explications à Google et a formulé des recommandations pour que la sécurité des données personnelles et l’information des utilisateurs soient mieux assurées. Nous suivons de près ses travaux, persuadés qu’une action coordonnée à l’échelle internationale est nécessaire pour éviter les pratiques de dumping sur les niveaux de protection des données personnelles, en tout cas entre pays européens, sachant que les opérateurs peuvent très facilement se délocaliser en fonction des niveaux de taxation et de protection des données personnelles. Je discuterai de ces questions demain avec mon homologue allemand ; je l’ai déjà fait avec mes homologues espagnol et italien. Il s’agit là, effectivement, d’un sujet d’envergure européenne et il doit être traité à l’échelle correspondante.

Je pense que le Gouvernement peut raisonnablement s’engager à présenter au Parlement, au cours du premier semestre 2013, un corpus de règles visant à garantir la protection des données personnelles et de la vie privée sur internet. Aujourd’hui, les sondages montrent que, dans une large proportion, nos concitoyens s’inquiètent de la manière dont sont traitées les données personnelles qu’ils communiquent sur des fichiers de plus en plus nombreux. Il faut réguler ce foisonnement en respectant un équilibre qui assure à la fois la protection des données personnelles de nos concitoyens et la liberté d’expression qui doit prévaloir sur internet. C’est une réflexion qui devrait être articulée avec celle qui porte sur l’utilisation des fichiers de police et qui est de la responsabilité de Christiane Taubira.

S’agissant d’Hadopi, une mission interministérielle a été confiée à Pierre Lescure pour réfléchir à l’avenir de cette institution et plus généralement à la manière de repenser l’exception culturelle à l’ère numérique. Dans l’attente de ses conclusions, je n’ai pas d’autre commentaire à apporter que ceux que nous avons faits pendant la campagne : Hadopi n’a pas rempli ses missions de réflexion sur le développement de l’offre légale sur internet et sur le renforcement de la confiance des consommateurs. Pierre Lescure examinera certainement avec attention ces aspects, qui ont leur importance dans une démarche de lutte contre le piratage et d’encouragement à l’achat.

Madame Erhel, l’observatoire des déploiements des opérateurs mobile aura deux objectifs principaux : le contrôle effectif du réseau 3G, de Free en l’espèce mais pas seulement, et le suivi de la politique d’investissement et d’emploi de tous les opérateurs. Grâce à l’observatoire, nous disposerons de chiffres à jour sur le nombre de nouvelles stations 3G et 4G que chaque opérateur projette de déployer et qui sont déclarées à la commission des sites et des servitudes de l’Agence nationale des fréquences, sur le nombre de stations que chaque opérateur déclare opérationnelle, sur le montant d’investissement annuel par opérateur dans la construction de stations 3G et 4G avec le détail des montants investis dans les équipements passifs et les équipements actifs, ou encore sur le montant d’investissement annuel par opérateur dans la maintenance, ainsi que sur le nombre d’emplois créés et supprimés par chaque opérateur dans son activité mobile. Nous aurons ainsi un panorama complet sur les déploiements, l’investissement et l’emploi.

M. le président François Brottes. L’ARCEP ne faisait pas le travail ?

Mme la ministre. Ce n’était pas précisé dans son cahier des charges, c’est pourquoi nous le faisons. Certains éléments, tels que le suivi des déploiements des opérateurs, relèveront plutôt de l’ANFR, alors que le suivi des investissements des opérateurs mobile et de leurs politiques d’emploi pourra être assigné plus spécifiquement à l’ARCEP.

L’observatoire pourra être mis en place avant la fin de l’année, peut-être même courant octobre ou novembre, dès que les modalités opérationnelles auront été vérifiées avec l’ARCEP et l’ANFR.

Les difficultés d’Alcatel sont les mêmes que celles des équipementiers partout dans le monde, elles ne sont pas propres à la France. Nokia Siemens et ZTE ne sont pas épargnés. Aujourd’hui, la croissance sur la 4G est localisée essentiellement en Amérique du Nord, où le chiffre d’affaire croît de 11 % alors qu’il chute de 7 % en Europe et de 4 % en Asie. Cela s’explique principalement par la politique volontariste d’exclusion des équipementiers chinois que les Américains mènent dans les secteurs à infrastructures sensibles, parti que prennent d’autres pays, comme l’Australie.

En se battant pour que le secteur des télécoms retrouve sa croissance, l’État peut contribuer à soutenir l’acteur historique majeur qu’a été Alcatel. L’accélération du calendrier du déploiement de la 4G et du très haut débit fixe est de nature à améliorer ses perspectives de chiffre d’affaires, d’investissements et de marchés publics ou privés. Ayant à cœur de sauvegarder ses emplois, nous travaillons à sensibiliser l’ensemble des opérateurs à l’idée d’un patriotisme européen. Le bon positionnement d’Alcatel sur le très haut débit fixe nous encourage aussi à accélérer le plan très haut débit, qui pourra être bénéfique pour sa croissance.

Actuellement, une enquête diligentée par la Commission européenne sur d’éventuelles pratiques de dumping qui bénéficieraient à deux équipementiers, Huawei et ZTE, est en cours. Ses conclusions sont très attendues, mais les principaux ressorts de croissance restent dans l’accélération des chantiers 4G et très haut débit.

La cellule d’appui au très haut débit telle que je l’imagine est une structure assez souple qui pourrait être un service à compétence nationale rassemblant des compétences à la fois techniques et financières. Idéalement, il regrouperait des personnels détachés de l’ARCEP et du commissariat général à l’investissement ou de la Caisse des dépôts, qui apporteraient aux collectivités territoriales une assistance à maîtrise d’ouvrage, c’est-à-dire une aide technique dans le cadre de leurs marchés publics avec les cabinets de conseil qui les aident à faire leurs schémas directeurs d’aménagement numérique du territoire, à travailler sur le mix technologique ou sur l’adéquation entre ce mix technologique et la réalité de leur territoire, ainsi qu’un accompagnement en matière de financement.

Aujourd’hui, le schéma de déploiement du très haut débit est relativement clair, et nous en sommes au chiffrage du plan qui est un exercice relativement compliqué. L’ARCEP avait annoncé un chiffre de 22 milliards qui ne tenait pas compte du raccordement final. Un chantier aussi considérable nécessite une certaine précision, aussi affinons-nous ce chiffre avec l’ARCEP et les services de la DGCIS. Par ailleurs, nous travaillons sur le modèle de rentabilité pour les opérateurs de ces réseaux en y intégrant les incertitudes très fortes qui existent sur le rythme de bascule de l’ADSL ou du cuivre vers la fibre. Ces incertitudes rendent le modèle économique assez difficile à définir. Nous travaillons avec les projections que chacun des opérateurs a élaborées pour affiner ce chiffrage avant de nous lancer plus avant.

Pour ce qui est du financement, le 1,9 milliard d’euros qui avait été sanctuarisé au sein de la CDC dans le cadre du FSN devrait permettre, selon la Caisse, de continuer à procéder à des investissements jusqu’à mi-2014. Le guichet dédié aux opérateurs doté d’un milliard, une fois converti en guichet de prêt aux collectivités locales, devrait également constituer une source de financement importante. Bien entendu, avant d’aller plus loin dans les perspectives de financement, nous devons définir clairement le financement global du plan très haut débit. Ce n’est qu’alors que la CDC pourra être sollicitée sur ses fonds propres pour d’autres projets. Pour ce qui est de la part de l’État, il nous a semblé prématuré d’inscrire des crédits dans le PLF pour 2013 alors que nous sommes en train d’affiner les chiffrages du plan. Vraisemblablement, des solutions de financement par l’État pourront être présentées au premier trimestre de l’année prochaine, peut-être même à la lumière des décisions prises par la Commission européenne sur d’autres taxes qui pèsent sur les opérateurs de télécoms.

La réflexion sur la neutralité du net devra être menée conjointement avec celle relative aux droits et libertés sur internet. J’ai suggéré d’organiser, à la fin du mois ou au début de novembre, une table ronde avec tous les acteurs concernés afin de réfléchir ensemble à la manière de traiter cette question duale avec, d’un côté, un volet économique qui concerne le mode de gestion par les opérateurs des accords de peering avec les distributeurs de contenus, et, d’un autre côté, un volet liberté d’expression. Si les deux sujets doivent être traités ensemble, il faudra toutefois veiller à ce qu’ils le soient de façon différenciée. À l’issue de cette rencontre, nous pourrons déterminer s’il est souhaitable de légiférer ou pas sur cette question.

S’agissant de la BPI et de son implication dans les mesures en faveur des PME, le texte a été présenté ce matin en conseil des ministres et a fait l’objet d’une conférence de presse. L’exposé des motifs en mentionne un point qui nous intéresse au premier chef : «  La BPI appuiera deux priorités nationales pour la croissance et la compétitivité : le soutien à l’innovation et l’accompagnement des entreprises à l’international. Elle apportera son soutien à la stratégie nationale de développement des secteurs de la conversion numérique,… ». J’avais beaucoup insisté pour que la doctrine d’emploi de la BPI accorde une grande importance à la conversion numérique de notre économie, c’est-à-dire à l’accompagnement des PME dans la transition numérique. Je rappelle que la Banque publique d’investissement est la banque des TPE, PME et ETI, et qu’elle sera vraiment consacrée à répondre aux défaillances des marchés qui aujourd’hui barrent l’accès des PME au crédit bancaire et aux fonds propres. La politique du Gouvernement en faveur des PME, pour les aider à faire davantage de dépenses d’innovation, à mieux s’exporter et à accomplir leur transition numérique, pourra donc fortement s’appuyer sur la BPI dont les moyens sont très importants.

Monsieur Benoît, je pense, en effet, que les partenariats public-privé pour les territoires peu denses peuvent constituer une réponse. C’est d’ailleurs aussi la raison d’être de la structure de pilotage à compétence nationale. Dans de nombreux cas, les collectivités territoriales sont peu armées pour négocier face aux opérateurs privés et ce service pourrait avoir vocation à les accompagner dans cette démarche. De même, les régions pourraient avoir un rôle de coordination et de négociation vis-à-vis des opérateurs, tant il est vrai qu’elles sont sans doute plus fortes qu’une agglomération ou qu’un conseil général isolé. Oui, l’État encouragera l’investissement des opérateurs privés, y compris dans les zones peu denses, à condition de disposer d’un cahier des charges technique et d’un modèle économique sécurisé. C’est, en effet, nécessaire pour parvenir à la couverture intégrale de tout le territoire en très haut débit.

Le décret autorisant mon ministère à demander des audits de sécurité et les modalités de leur financement aux opérateurs est actuellement devant le Conseil d’État. Je devrais normalement le signer dans les tout prochains jours.

J’en viens à l’idée d’une fusion entre Orange et Deutsche Telekom. Rappelons qu’aux États-Unis, il y a deux gros opérateurs plus quelques petits, qu’en Chine c’est à peu près le même type de schéma et qu’en Europe ils sont 120, ce qui peut susciter des velléités en matière de concentration. Certains investisseurs étrangers commencent à s’intéresser aux opérateurs historiques de pays voisins. Aujourd’hui, Orange et Deutsche Telekom présentent beaucoup de synergies, par exemple sur des centrales d’achat ou des opérations dans d’autres pays, en particulier la Grande-Bretagne, et des discussions sont en cours, également avec France télécom, pour en développer d’autres, notamment à l’international où les implantations sont assez complémentaires. On n’en est pas encore à réfléchir à la fusion, mais il est vrai que c’est là un moyen pour les opérateurs de réaliser des économies d’échelle et de conquérir davantage de marchés.

Dans quelle mesure l’arrivée du quatrième opérateur a contribué à faire baisser les prix, je n’en ai pas avec moi les chiffres détaillés. Néanmoins, chacun a pu constater qu’aussi bien Orange et SFR que Bouygues ont réagi, de manière plus ou moins rapide d’ailleurs, et se sont alignés sur les offres les moins chères de Free en proposant des services désormais différenciés, cela peut-être au prix d’une complexité accrue des forfaits. Aujourd’hui, la France se situe dans une fourchette basse de prix, tant en ADSL qu’en téléphonie mobile. Il y a bien eu un effet prix et un effet innovation en termes de services, les opérateurs s’adaptant à différentes clientèles. L’arrivée du quatrième opérateur a donc dopé les capacités d’innovation commerciale des autres opérateurs.

Madame Bonneton, je réitère ici l’engagement du Président de la République d’une couverture intégrale du territoire en très haut débit. Si l’État veut reprendre la main sur le pilotage de ce chantier, c’est bien pour que les territoires aujourd’hui mal couverts en haut débit, souvent des territoires péri-urbains ou ruraux, soient prioritaires dans le déploiement du très haut débit. Certaines régions ont déjà intégré une parité de déploiement dans leurs schémas en prévoyant une prise en zone dense, une prise en zone mal couverte, afin d’éviter des disparités dans le rythme de déploiement. Je l’ai dit au salon Ruralitic d’Aurillac, il s’agit là d’un enjeu crucial d’attractivité du territoire, et pour les entreprises et pour les personnes, de plus en plus nombreuses, qui travaillent à distance, pour qui l’effectivité de l’offre de haut débit et de très haut débit sur le territoire est primordiale. Les territoires ruraux ne doivent pas être les laissés-pour-compte de la transition numérique, nous y veillerons scrupuleusement.

Parmi les mesures en faveur de l’emploi dans les télécoms, en particulier dans les centres d’appel, les modalités de fixation du niveau de redevance pour l’utilisation de la bande des 1 800 MHz me paraissent des plus incitatives. Plutôt que de passer par la réglementation, ce qui pourrait poser des problèmes de compatibilité avec le droit communautaire, nous préférons trouver un accord de place entre les opérateurs qui, en contrepartie d’engagements en termes d’emplois, essentiellement dans les centres d’appel, bénéficieraient d’ajustements de la redevance. Pour profiter de cette incitation très forte, les opérateurs sont prêts à faire des efforts pour maintenir et même créer des emplois. Autre mesure, la possibilité de renforcer les labels de qualité de service est de nature à favoriser l’emploi sur le territoire national et européen.

La discussion sur le contrat de service public de La Poste est en cours d’engagement. Depuis 2003, la qualité de service de La Poste, qui se mesure au taux de lettres distribuées à J+1, a régulièrement augmenté. Aujourd’hui, le groupe a dépassé son objectif. À la suite d’une concertation avec La Poste, les organisations syndicales et les associations de consommateurs, un nouvel objectif de qualité de service à J+2, auparavant inexistant, a été assigné pour la lettre recommandée.

Le service public, dans le cadre des missions de La Poste, c’est aussi la présence territoriale. Nous veillerons à ce que les 17 000 points de contact répartis sur l’ensemble du territoire soient maintenus et que le dialogue constructif avec les collectivités territoriales se poursuive. Globalement, celles-ci sont plutôt satisfaites des points de contact, y compris de ceux qui ont été transférés dans les mairies ou les commerces, qui assurent une présence postale encore forte.

En matière d’innovation, la réflexion porte sur les nouveaux services que La Poste peut apporter, en particulier pour contrebalancer la baisse de l’activité courrier. Elle s’oriente vers des offres en matière de sécurité numérique, avec les coffres forts numériques, par exemple. Sur ces sujets, La Poste fait beaucoup de recherche et développement mais communique assez peu, et l’État souhaite l’accompagner dans ses efforts d’innovation en direction de sa clientèle tant d’entreprises que de particuliers.

Mme la vice-présidente Frédérique Massat. Nous passons aux questions des différents intervenants, qui ne peuvent excéder deux minutes.

M. Hervé Pellois. S’agissant des zones AMII, j’ai l’impression que les élus locaux, une fois choisi un opérateur, ne sont plus associés à la suite des opérations, c’est-à-dire au déploiement des réseaux. On leur donne des dates très vagues de raccordement  – 2017 pour la ville centre, entre 2015 et 2020 pour les vingt-trois communes périphériques – sans autre élément de nature à les rassurer. Pour la liaison de leurs zones d’activité, par exemple, ils ne peuvent répondre aux questions des entreprises sur le déploiement des réseaux. Pour l’instant, rien ne bouge, et ils s’inquiètent d’autant plus qu’ils n’ont aucune garantie que ces réseaux seront installés aux dates indiquées par les opérateurs ni que ces derniers encourrons des sanctions en cas de manquement à la réalisation des objectifs. Une autre source d’inquiétude est le financement de chacune des collectivités locales.

M. Alain Marc. Jusqu’à présent, la plupart des collectivités territoriales se sont fortement engagées pour compenser l’absence d’obligation faite aux opérateurs de couvrir 100 % du territoire. Certaines y ont englouti des sommes considérables pour un résultat pas toujours probant, puisque, en raison du relief tourmenté de certains départements, la téléphonie mobile n’est pas encore partout. J’espère que vos intentions, dont je me réjouis, se traduiront dans les faits.

En ma qualité de premier vice-président du conseil général de l’Aveyron, je peux témoigner que les collectivités territoriales sont aujourd’hui étranglées par l’augmentation du coût du social parallèlement à la baisse des ressources. Si nous devons intervenir pour compenser les déploiements de fibre optique qui n’auront pas été faits, nous ne le pourrons pas. Vous parliez, madame la ministre, de prêter de l’argent aux collectivités locales. Pour moi, ce serait les enfoncer encore plus. L’État ne devrait-il pas plutôt accorder une aide directe à celles qui sont défavorisées par leur géographie ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Aujourd’hui, lorsqu’un élu souhaite retirer la dernière cabine téléphonique de son village, cabine qui ne fonctionne plus depuis plusieurs années, ni avec des pièces ni avec une carte bleue, on lui oppose le maintien du service universel et on lui demande de prendre la responsabilité de sa rupture, effective depuis plusieurs années déjà, même si, paraît-il, des appels d’urgences peuvent y être passés au moyen d’une carte rechargeable que personne, bien sûr, n’a sur soi. L’ARCEP n’exige-t-elle véritablement que cette présence d’une cabine téléphonique pour le respect du service universel ? Y a-t-il une évolution à attendre ?

Outre les zones blanches de tout opérateur, nous sommes souvent interpellés sur l’absence de couverture réseau par l’opérateur Free. Pouvons-nous avoir quelques éléments d’explication ?

Enfin, je veux rappeler la nécessité de garantir l’accès au très haut débit mais aussi à la téléphonie mobile dans l’ensemble des territoires ruraux et de montagne, où les difficultés restent encore nombreuses. Ces mêmes zones sont régulièrement touchées par des interruptions récurrentes du réseau de télévision depuis le passage au numérique. L’accès difficile ou inexistant au très haut débit, à la téléphonie mobile et au tout numérique dans ces territoires constitue trois handicaps que l’on se doit de surmonter au nom de l’égalité des territoires et de leur développement économique.

M. Eric Straumann. La fiscalité est un enjeu important de souveraineté, c’est aussi un enjeu budgétaire. Je travaille en ce moment sur le budget du tourisme, et je retrouve régulièrement des exemples d’opérateurs de réservation sur internet qui captent jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires, les sommes partant à Las Vegas ou ailleurs sans avoir subi le moindre prélèvement en France alors que les cocontractants et les prestations y étaient localisés.

Que penser de la volonté de Vivendi de se séparer de SFR ?

Si les opérateurs nous sollicitent pour installer des antennes en ville, ils nous laissent nos difficultés en zones rurales. Un mécanisme par lequel toute acceptation d’antenne en ville serait conditionnée à l’installation en contrepartie d’un relais en zone rurale est-il juridiquement envisageable ?

Enfin, un maire peut-il imposer à l’opérateur qui l’a sollicité pour construire une antenne-relais d’y installer les autres opérateurs présents dans notre pays ?

Mme Béatrice Santais. Je souhaite illustrer l’urgence qu’il y a à remédier à l’inégalité de couverture en très haut débit qui affecte les territoires ruraux ainsi que ses conséquences en matière de développement économique. La vallée de la Maurienne abrite deux laboratoires fleurons de la recherche publique française : le laboratoire souterrain de Modane situé au cœur du tunnel du Fréjus et l’Office national d’étude et de recherche aérospatiale implanté à Avrieux, tout près de Modane. Ces deux laboratoires d’excellence ont l’impérieuse nécessité d’échanger des informations à très haut débit et en toute sécurité, ce qui conditionne la survie même de ces activités dans notre vallée. Ils ont aujourd’hui des projets d’agrandissement et de pérennisation de leur activité mais sont totalement bridés par l’absence du haut débit numérique. Cette situation est tout à fait paradoxale alors que de nombreuses sociétés dont l’État est actionnaire majoritaire ont déployé dans la vallée leur propre fibre mais la louent à des prix exorbitants et inaccessibles. Ainsi, la Société française du tunnel routier du Fréjus demande 1,4 million d’euros pour quinze ans, comme Artéria sur les lignes électriques haute tension, et RFF 3,8 millions d’euros pour quinze ans également.

Le conseil général de la Savoie, en charge du schéma numérique du territoire, a lancé une délégation de service public mais force est de constater que, dans des territoires peu peuplés et où la demande des particuliers n’est pas très forte, la loi du marché n’est pas des plus pertinentes. Les opérateurs d’envergure nationale ne sont pas enclins à faire de l’aménagement du territoire alors que, dans la vallée italienne voisine de Suse, la région Piémont met gratuitement, pour trois ans, à la disposition des entreprises et des particuliers une fibre optique. Cette vallée n’est distante de Modane que de douze kilomètres.

Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour favoriser un réel aménagement du territoire équilibré, en particulier en matière d’accès au très haut débit, qui est une source non négligeable d’emploi. Localement, nous avons aussi des propositions à vous faire.

M. François Sauvadet. L’aménagement numérique est, en effet, un enjeu majeur d’équilibre, d’attractivité et d’aménagement du territoire. Madame la ministre, vous avez rappelé l’objectif très ambitieux à dix ans, qui nécessitera de mobiliser très rapidement des sommes très importantes. Il faudra nous préciser selon quel calendrier et comment seront mobilisés les 22 milliards dont on parle.

S’agissant des zones AMII, certains opérateurs fragilisés disent que les investissements seront difficiles à réaliser mais maintiennent leur offre de services et leur intention d’investir sur les zones les plus denses, ce qui, d’ailleurs, est susceptible de déséquilibrer tout modèle départemental. Quels outils allez-vous mettre en place pour vous assurer du suivi ?

Quid des collectivités qui ont déjà voté leur schéma départemental d’aménagement numérique, comme va le faire vendredi mon département de la Côte d’or ? Vous avez évoqué la nécessité d’une coordination régionale : banco ! À condition, toutefois, de laisser la maîtrise d’ouvrage aux départements qui, dans une même région, ont à gérer des réalités très disparates des points de vue géographique, politique et démographique. De grâce, n’allez pas créer des outils de complexification ! Oui à une coordination, mais gardons des souplesses pour permettre les initiatives que pourraient être amenées à prendre les collectivités, sachant que, pour l’essentiel, les agglomérations figurent dans les zones AMII.

S’agissant des outils à mettre en place, comment allez-vous procéder compte tenu des enjeux financiers ? Allez-vous fixer un objectif national de couverture dans les zones peu denses et leur consacrer prioritairement des moyens, qui seront forcément limités, pour une montée en débit territorialisée ? Allez-vous opposer aux projets que nous pourrions vous proposer votre plan, par exemple d’une montée en haut débit dans les deux premières années, puis d’une montée à très haut débit suivant le calendrier de dix ans ? Avez-vous l’intention de soutenir l’initiative locale tout en mettant en œuvre un plan qui ne laisse pas des zones en déshérence ?

Mme Annick Le Loch. La charte des relations inter-entreprises vise à poser des règles de bonnes pratiques entre les grands comptes et les TPE et les PME, très enracinées sur nos territoires. Les grands donneurs d’ordre ont la responsabilité de soutenir leur filière d’activité, l’obligation d’entretenir un dialogue constant avec leur réseau de sous-traitants, ce qu’ils ne font pas toujours. Que pensez-vous de la mise en œuvre de cette charte ?

Dans notre pays, 4 000 entreprises par mois sont mises en redressement ou en liquidation judiciaire. Leur sort est entre les mains des tribunaux de commerce où ne siègent que des commerçants et des chefs d’entreprises, sans représentant des salariés. À mes yeux, ces tribunaux ont un rôle amiable et préventif qui est aujourd’hui peu actionné. Pensez-vous que ce soit le cas et cette dimension préventive a-t-elle un intérêt ?

Mme la ministre. L’inquiétude des collectivités s’agissant des zones AMII vient du fait que les engagements des opérateurs et les conventions qui sont parfois conclues n’ont pas de caractère juridique liant. Le pilotage national est conçu pour faire respecter ces engagements et assurer un suivi des investissements, en faisant remonter les informations nécessaires aux contrôles. À défaut du respect de ces engagements dans le calendrier prévu, une substitution des collectivités locales à l’initiative privée est envisageable, même si ce n’est pas prévu pour l’instant. Le délai fixé par le Président de la République est si ambitieux qu’on ne peut pas se permettre de constater une carence au bout de cinq ans et d’avoir à repartir de zéro. C’est pourquoi, en mettant en place un ensemble de règles, nous nous assurons du respect des engagements des opérateurs et du respect par les collectivités locales de cahiers des charges techniques permettant aux opérateurs de déployer des offres, en même temps que nous sécurisons les investissements des opérateurs et les collectivités locales.

Le financement du chantier, qui va se dérouler sur une dizaine d’années, doit être pérenne. Pour l’instant, nous pouvons faire appel à un guichet de prêt, certes, mais aussi à un guichet de subvention, le guichet B. C’est bien par ce biais que l’État devra intervenir pour assurer la péréquation. Il est bien évident que la majorité des territoires ruraux sont jugés non rentables puisque la densité de population y est insuffisante pour garantir aux opérateurs un niveau de rentabilité suffisant. À l’évidence, il y a lieu pour l’État de compenser. La péréquation consistera à faire en sorte que la prise ne coûte pas plus cher aux collectivités ou aux habitants dans ces zones que ce qu’elle coûte en centre-ville.

Pour le moment, nous nous reposons sur les crédits encore disponibles à la Caisse des dépôts, mais nous avons plusieurs pistes, que nous soumettrons prochainement à l’arbitrage du Premier ministre, pour abonder ce fonds de subventionnement de manière pérenne à la hauteur de ce qui est nécessaire pour la partie incombant à l’État.

Madame Battistel, je dois me renseigner auprès de l’ARCEP sur la pertinence des cabines téléphoniques pour assurer le service universel. Aujourd’hui, le sujet apparaît assez particulier et je n’ai pas d’élément en ma possession pour vous répondre.

Le reproche qui est souvent fait aux enquêtes effectuées par l’ARCEP pour suivre le rythme de déploiement du réseau de Free c’est qu’elles ne reflètent pas vraiment le niveau de couverture réelle. Dans le cadre de ses missions, l’observatoire aura obligation de vérifier le trafic réel transporté sur les réseaux propres de Free. La difficulté aujourd’hui, c’est de pouvoir distinguer ce qui est véhiculé par les réseaux d’Orange, d’un côté, et par les réseaux d’Iliad-Free, de l’autre.

Je suis bien consciente que la résorption de la fracture numérique dans les territoires ruraux est un enjeu majeur. À cet égard, le plan national très haut débit doit être envisagé comme l’expression de la volonté du Gouvernement non seulement de faire accéder l’ensemble de la population au potentiel économique et de diffusion de l’information et de la connaissance de cette technologie, mais aussi de résorber la fracture numérique par l’aménagement du territoire. Aujourd’hui, 50 % de la population n’a pas accès à un haut débit de qualité qui permet de profiter d’une offre triple-play – c’est mon cas. Dans le schéma de déploiement que nous proposerons, priorité sera accordée aux zones actuellement moins bien loties en haut débit. D’ailleurs, la proposition de M. Straumann d’implanter, pour les réseaux mobile, des antennes-relais de façon paritaire entre zones urbaines et zones rurales est déjà appliquée pour le très haut débit. Dans certaines régions, les collectivités ont imposé aux opérateurs de déployer une prise en ville, une prise en zone rurale. On peut très bien envisager, dans le cadre des conventions passées avec les opérateurs, d’imposer cette parité dans le déploiement, voire un déploiement plus rapide dans les zones moins bien couvertes.

En matière de fiscalité, la stratégie commerciale des acteurs comme Google est un vrai problème. Ces entreprises participent, certes, au développement et à l’éclosion de l’économie numérique, mais en usant de stratégies qui consistent à partir du moteur de recherche pour aller sur des marchés adjacents. On a vu, l’été dernier, que des acteurs de shopping en ligne, y compris français – Twenga a d’ailleurs a déposé un recours contre Google pour abus de position dominante devant la Commission européenne – pouvaient être balayés du marché en l’espace de quelques heures pour peu que l’algorithme, de Google en l’occurrence, soit modifié sur quelques paramètres. Actuellement, la SNCF et certains voyagistes en ligne se mobilisent parce qu’ils sont concernés par la même évolution. C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’une réflexion d’ensemble soit menée sur la fiscalité de ces acteurs, sur la manière de les faire contribuer au financement à la fois des infrastructures et des contenus, et de les empêcher d’abuser de leur position dominante sur le search et de faire une concurrence déloyale à des acteurs locaux qui peinent à les concurrencer compte tenu de leurs comportements d’optimisation fiscale.

Nous comptons beaucoup sur la mission que nous avons diligentée pour traiter ces sujets, dont certains relèvent du domaine concurrentiel et sur lesquels nous travaillons avec l’autorité de la concurrence et la CNIL. La difficulté, c’est qu’on se heurte toujours à la question du marché pertinent pour considérer que Google est en position dominante sur un marché. D’où la nécessité d’avoir une démarche concertée avec nos partenaires européens.

S’agissant de Vivendi, je suis plutôt concernée par SFR qui est un acteur majeur du secteur des télécoms considéré comme sensible. Il fait partie de ces entreprises dont l’actionnariat est regardé de près par l’État parce que ses activités sont considérées comme stratégiques pour la France. Nous sommes donc attentifs à la manière dont l’actionnariat va évoluer et discutons étroitement avec le groupe Vivendi et la direction générale de SFR de la réorganisation de cette société dans le cadre des nouvelles orientations que prendra le groupe.

Madame Santais, il y a effectivement un véritable impératif à déployer le très haut débit pour les établissements publics. Le plan de déploiement du très haut débit veillera à accorder la priorité aux zones d’activité économique et aux établissements publics, tels que les hôpitaux, les écoles, les collèges, les universités, les laboratoires de recherche parce qu’ils en ont plus besoin à brève échéance que les particuliers et que c’est un moyen de garantir l’attractivité des territoires.

Monsieur Sauvadet, je n’ai pas parlé du rôle de mise en cohérence des régions pour leur donner la maîtrise d’ouvrage sur les collectivités locales qui ont déjà voté leur schéma directeur d’aménagement numérique. Il est bien évident que la maîtrise d’ouvrage doit être faite à l’échelon le plus pertinent, qui peut être de niveau infra-départemental, une grosse agglomération ou un gros bassin d’emploi, ce qui requiert, effectivement, une souplesse du cadre puisque cet échelon n’est pas le même d’une région à l’autre. L’idée était plutôt d’avoir une instance de mise en cohérence pour assurer l’interopérabilité des réseaux, une harmonie des choix techniques, éventuellement une force de négociation plus importante vis-à-vis des négociateurs et éventuellement des économies d’échelle, bref de faire jouer des synergies.

Nous soutiendrons l’initiative locale dès lors que les schémas directeurs auront été pris et qu’ils s’inscriront dans la cohérence recherchée. Il n’est pas question de revenir sur les initiatives déjà engagées puisque, je le sais, des marchés ont déjà été passés. C’est la raison pour laquelle l’idée d’un opérateur mutualisé qui nous forcerait à remettre tout à plat ne nous paraît plus envisageable aujourd’hui.

Madame Le Loch, les bonnes pratiques entre les grands groupes et les PME est un sujet qui nous préoccupe beaucoup. Dans certaines filières, comme l’aéronautique, une telle organisation fonctionne assez bien. Airbus a fait beaucoup d’efforts pour donner à ses sous-traitants de rang un, deux ou trois une visibilité sur le plan de charge du donneur d’ordre, ce qui permet aux PME de s’ajuster et d’avoir de bonnes perspectives à moyen et long terme. C’est là un modèle à suivre, même s’il n’est pas forcément applicable dans toutes les filières qui, pour certaines, doivent être mieux organisées. Nous allons nous appuyer, avec Arnaud Montebourg, sur la conférence nationale de l’industrie pour redynamiser ce dialogue de filière.

Le Pacte PME est une charte de bonne pratique qui va dans le bon sens, et nous encouragerons toutes les entreprises publiques ou dans lesquelles l’État a des participations qui ne l’ont pas encore fait à la signer. En fait, les difficultés rencontrées sont plutôt d’ordre culturel. Les PME ont beaucoup de réticence à s’inscrire dans des relations avec les grands groupes, par crainte des comportements prédateurs en matière de propriété intellectuelle. Certaines grandes entreprises font, en effet, de l’innovation collaborative avec des PME et partent ensuite avec les licences et les brevets. Il y a donc toute une réflexion à construire pour que la démarche puisse être vraiment collaborative entre PME et grands groupes. À cet égard, toute initiative qui relève des pôles de compétitivité ou des clusters va dans le bon sens. Avec Nicole Bricq, nous voulons également faire en sorte que les PME accompagnent beaucoup plus les grands donneurs d’ordre dans leur démarche d’exportation.

La question des juridictions consulaires relève plutôt de Christiane Taubira. Effectivement, les tribunaux de commerce ont un rôle préventif à jouer, et j’attirerai son attention sur cette question très importante que vous soulevez.

M. le président François Brottes. Je vous propose quelques questions complémentaires.

M. Damien Abad. Les collectivités territoriales, dans leur mission de déploiement de la fibre optique dans les territoires peu rentables où les opérateurs privés renoncent à aller, se heurtent souvent à des obstacles juridiques. Un contentieux important a été porté devant l’ARCEP, portant sur la propriété des infrastructures de génie civil et la difficulté de faire respecter par France télécom le droit de passage des autres opérateurs par ses infrastructures. Est-il envisageable de décider que, à l’expiration des conventions d’occupation du domaine public initialement conclues avec France télécom, l’ensemble des ouvrages soit réintégré au patrimoine des collectivités gestionnaires afin que celles-ci puissent continuer à garantir ce droit de passage des opérateurs privés de télécoms en mettant à disposition des réseaux ouverts et neutres, et à jouer leur rôle d’aménagement ?

Mon collègue Jean-Charles Taugourdeau m’a chargé de vous interroger sur la liquidation judiciaire de l’entreprise Thomson Angers Technicolor, qui a été prononcée le 11 octobre par le tribunal de commerce de Nanterre, assortie d’une procédure de licenciements dans le cadre de laquelle les salariés recevront leur lettre vendredi 26 octobre. Il apparaît que Technicolor n’a toujours pas fait de proposition concrète concernant l’abondement d’un PSE à la hauteur de ce qui s’est déjà fait dans le groupe, bien que le directeur ait reconnu devant l’intersyndicale la responsabilité sociale du groupe. Madame la ministre, vous aviez dit aux salariés vouloir tout faire pour éviter cette liquidation judiciaire et appuyer les deux projets de reprise des groupes Eolane et Minerva en concluant une garantie de charge d’un an avec le groupe France télécom dont l’État est actionnaire. Où en êtes-vous aujourd’hui ? N’avez-vous pas annoncé, le 9 octobre, un train de mesures pour favoriser l’investissement et l’emploi dans le secteur des télécoms ?

Par ailleurs, par quelles mesures allez-vous soutenir le projet d’Angers Loire-Métropole de rachat des biens immobiliers et d’équipement dans le but de continuer une activité industrielle sur le site de Thomson avec priorité d’embauche des salariés licenciés ?

Mme Pascale Got. Madame la ministre, comptez-vous stabiliser le cadre fiscal et juridique des entreprises et des investisseurs ? Avons-nous quelques chances de voir arriver enfin un Small Business Act à la française qui puisse simplifier l’environnement économique, fiscal et juridique des PME ?

Vous n’avez pas beaucoup parlé des pôles de compétitivité. Voulez-vous continuer à les implanter dans une logique d’aménagement du territoire ou allez-vous favoriser l’interdisciplinarité ? Ces pôles sont nombreux sur le territoire, mais relativement isolés les uns des autres. Établir des passerelles entre eux et envisager la concentration pour certains secteurs d’activité pourrait s’avérer fort judicieux.

M. Jean-Marie Tetart. Je suis satisfait que vous considériez le département comme l’échelon pertinent. Alors que beaucoup de schémas départementaux sont approuvés et presque au stade du lancement, il est urgent que nous connaissions les formes que pourra prendre la solidarité nationale pour apporter du financement aux zones rurales. De ces réponses dépendront un certain nombre de négociations, tant avec les opérateurs qu’avec les syndicats de communes et les intercommunalités.

Beaucoup de maîtrises d’ouvrage seront partagées avec les intercommunalités, et sans doute faudrait-il envisager que la compétence de déploiement de la fibre optique soit prise en charge par les collectivités locales de ce niveau.

Mme Frédérique Massat. Les territoires de montagne représentent 5 millions d’habitants à titre permanent et ils sont fréquentés régulièrement par 13 millions de personnes. Conscients de la difficulté d’assurer la couverture en fibre optique très rapidement, les élus de ces territoires revendiquent néanmoins le bénéfice du très haut débit. Quel mix technologique pouvez-vous leur proposer ?

L’instauration d’une véritable politique de péréquation est revendiquée sur ces zones et la mise en place d’un pilotage national, avec l’assistance à maîtrise d’ouvrage, est attendue. La grosse inquiétude concerne le financement pour ces zones peu denses, en particulier s’il est assuré sous forme de prêts aux collectivités territoriales : puisque c’est par l’impôt qu’ils seront remboursés, cela va engendrer une inégalité entre les citoyens. Par ailleurs, il faudra bien alimenter le fameux fonds d’aménagement numérique du territoire, dont on a beaucoup parlé sous la dernière mandature. Comment ?

S’agissant des 17 000 points de contact de La Poste, je rappelle qu’ils constituent une obligation inscrite dans la loi. Si les collectivités se satisfont de la transformation de leurs bureaux de poste en agences postales communales, ce n’est que contraintes et forcées : soit elles l’acceptent, soit il n’y a plus rien sur leur territoire. Qui plus est, les horaires d’ouverture sont décidés par La Poste, ce qui pose problème.

Si vous voulez faire de Paris la grosse capitale du numérique avec un quartier dédié, quid du reste du territoire : hors Paris, point de salut ?

M. le président François Brottes. Les points de contact peuvent être aussi des relais poste commerçants, ce qui les fragilise davantage dans un contexte où les dépôts de bilan se multiplient.

Je crois savoir qu’une société autour de Paris-Saclay dispose d’un privilège exorbitant du droit commun en ayant le droit de siphonner l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire au bénéfice de Paris. Les autres SEM ou établissements publics de la région n’ont pas cette possibilité. C’est une disposition de la loi sur le Grand Paris, contre laquelle les élus non franciliens s’étaient fortement mobilisés parce qu’elle introduit un vrai déséquilibre. Même si nous voulons tous que la France devienne capitale du numérique, nous devons éviter de renforcer de tels déséquilibres.

M. Christophe Borgel. Les différentes auditions auxquelles j’ai procédé dans le cadre de mon rapport pour avis sur le budget de la recherche industrielle ont fait ressortir que la cybersécurité dans le monde industriel était un sujet de préoccupation, en particulier dans des secteurs stratégiques. En la matière, notre pays souffre de retard et une initiative publique pour accélérer la recherche et redresser la situation dans un contexte de compétition internationale acharnée serait la bienvenue. Partagez-vous ce diagnostic ?

Mme Audrey Linkenheld. Le financement de l’aménagement numérique me semble, à ce jour, très insuffisant pour couvrir les besoins à la fois dans les zones denses et dans les zones peu denses, auxquelles on sait que les opérateurs ne s’intéresseront pas de manière spontanée, laissant cette charge aux collectivités locales qui auront besoin d’aide pour la remplir.

Mercredi dernier, l’entreprise Surcouf a été placée en liquidation judiciaire, décision qui fait peser une menace sur 379 emplois de ma circonscription. Selon la ministre des PME et de l’économie numérique que vous êtes, cette liquidation est-elle la conséquence de difficultés ponctuelles liées à la gestion de l’entreprise ou de difficultés plus structurelles ? Comment remédier à ces difficultés et apporter des réponses tant aux salariés menacés aujourd’hui qu’à ceux qui pourraient l’être demain ?

M. Lionel Tardy. Après l’installation, l’an dernier, de la mission gouvernementale Etalab, l’ouverture du portail data.gouv.fr en décembre 2011 et le lancement de plusieurs projets pour doper l’initiative, dont un concours d’applications utilisant les données publiques, l’open data en France a tendance à faire du sur-place, et des voix s’élèvent pour dénoncer les blocages administratifs. Il semblerait que l’administration souhaite revenir sur plusieurs principes, notamment celui de la gratuité des données. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

En matière de protection des données personnelles et de la vie privée, internet soulève deux problématiques majeures : l’éducation, qui peut parfaitement faire l’objet d’une politique en France pourvu que le Gouvernement s’y attache ; l’encadrement et la protection, domaines dans lesquels on est rapidement confrontés à des problèmes juridiques et d’extraterritorialité des données, dont la solution doit être recherchée au niveau européen plutôt que franco-français. À cet égard, faut-il approfondir le dialogue avec les pays voisins, y compris avec les États-Unis ?

Le cloud computing est une technologie qui rebat les cartes, elle concerne plus de 2 500 éditeurs en France. Chacun est conscient de la pertinence du cloud souverain. Pouvez-vous dire quelques mots sur les projets Andromède, Numergy piloté par SFR-Bull et Cloudwatt piloté par Orange-Thalès, à la présentation duquel vous avez assisté. Ce sont des atouts importants pour éviter tous les problèmes d’extraterritorialité des données.

Mme la ministre. Monsieur Abad, votre proposition concernant la propriété des réseaux et le droit de passage est tout à fait judicieuse. Je demanderai au ministère de l’économie et des finances et à la DGCIS d’en conduire l’instruction juridique et d’examiner de quelle manière il serait possible de réintégrer dans le patrimoine des collectivités locales les fourreaux de France télécom. Il n’y a pas lieu, en effet, de réaliser des investissements redondants : dès lors que les fourreaux existent, il paraît logique de les utiliser pour tirer la fibre. À l’issue de la réflexion, je vous adresserai une réponse écrite.

Nous suivons la situation de Thomson Angers depuis plusieurs mois. Le problème de cette usine, c’est qu’elle avait été filialisée par Technicolor, qui était son unique client, pour fabriquer des décodeurs. Or il n’y a plus aucun site de fabrication de décodeurs en Europe puisque l’Union européenne ayant diminué les droits sur les importations de décodeurs, il est très difficile aujourd’hui de lutter contre la concurrence des pays à faibles coûts de main-d’œuvre.

La direction de Technicolor a une très grande responsabilité dans la situation : d’une part, elle n’a pas anticipé cette évolution du secteur ; d’autre part, elle a rompu un contrat de fourniture de boxes liant l’entreprise à France télécom, estimant ne pas pouvoir tenir les délais, compte tenu de la complexité de cette nouvelle box à forte valeur ajoutée. Lorsque nous avons fait le tour des opérateurs susceptibles d’assurer un plan de charge transitoire afin de laisser le temps à d’éventuels repreneurs de se manifester auprès du tribunal de commerce, Orange a été le seul à faire une proposition de reconditionnement de boxes pour des marchés étrangers. Les repreneurs et le tribunal de commerce ont jugé cette offre insuffisante pour rendre les offres de reprise viables.

La filialisation rend les relations entre Technicolor et Thomson Angers assez peu claires du point de vue juridique, et la direction joue sur cette complication pour ne pas assumer ses responsabilités vis-à-vis des salariés. Avec le cabinet de Michel Sapin, nous pressons la direction de Technicolor, qui est peu coopérative, de prendre ses responsabilités et de financer le plan social. Nous mettrons la pression qu’il faudra, car ces gens ont eu une attitude inadmissible dans la gestion de cette liquidation.

Un Small Business Act à la française fait effectivement partie de nos réflexions dans le cadre de l’accompagnement des PME que le Gouvernement a érigé en priorité : il est normal de soutenir la croissance et l’expansion de 97 % des entreprises françaises. Aujourd’hui, les PME ne bénéficient pas des marchés publics à la hauteur de ce qu’elles représentent dans le tissu économique, et le Président de la République a répété, à plusieurs reprises, son souhait de voir ces marchés s’ouvrir davantage à ces entreprises. Nous réfléchissons à la possibilité de réserver certains marchés publics à des PME innovantes, mais nous devons travailler sur la faisabilité juridique de ce projet et sur son eurocompatibilité. Nous pensons qu’il y a là un levier important pour aider les PME à croître et à gagner des marchés.

Les pôles de compétitivité sont un des éléments de discussion que nous avons avec les régions, qui jouent un rôle majeur dans le soutien à l’innovation. Récemment, un audit a mis en évidence que certains de ces pôles étaient très performants en termes de création d’emplois et de chiffre d’affaires cependant que d’autres avaient plus de mal à décoller. La définition de notre vision industrielle doit donc intégrer une réflexion sur les synergies à mettre en place dans le cadre de rapprochements de certains de ces pôles. C’est ce dont nous discutons avec l’Association des régions de France, et bientôt avec l’Association des départements de France, dans le cadre d’un travail interministériel sur la compétitivité.

Monsieur Tetart, oui, il faut élaborer un modèle de subventionnement par l’État du déploiement du très haut débit dans les zones rurales non rentables. L’outil de péréquation qui sera abondé sera donc constitué d’une partie subventions. En réalité, peu de choix s’offrent à nous ; il ne peut s’agir que d’une participation du budget de l’État, des contribuables ou des opérateurs. Nous inclinons vers le co-investissement par les opérateurs et nous sommes en train d’affiner le chiffrage pour soumettre à l’arbitrage du Premier ministre les modalités de financement de la péréquation.

Si l’idée est bien de faire de la fibre le droit commun dans le déploiement du très haut débit, elle peut s’avérer trop coûteuse dans certaines zones, notamment de montagne. Les mix technologiques que nous envisageons feront appel à la fois aux technologies satellitaires, radio, 4G de très haut débit mobile et éventuellement, mais le moins possible, au cuivre. La structure de pilotage national sera aux côtés des collectivités qui ont beaucoup de zones rurales et de montagne ou qui rencontrent des problèmes de déploiement de la fibre jusqu’à l’habitant. Elle les accompagnera pour définir le mix technologique le plus approprié.

Dans le cadre de la renégociation du contrat de service public, nous serons très attentifs à ce que le réseau des points de contact de La Poste contribue à l’aménagement du territoire et que l’obligation d’accessibilité nationale et départementale inscrite dans la loi soit respectée. Aujourd’hui, le réseau postal français est le troisième en Europe, après ceux de l’Irlande et du Portugal. Nous veillerons à ce que ce réseau dense et diversifié continue à satisfaire ses obligations légales. Dans la mesure où il est financé par des abattements de taxes locales, c’est une exigence qui paraît logique. En tout cas, le contrat de service public donnera bien lieu à une discussion avec l’AMF, les élus concernés et la direction de La Poste.

L’idée, avec le quartier numérique, est de développer en France une logique de clusters. Aujourd’hui, notre économie numérique est très dynamique mais trop éclatée, et les exemples d’Israël et de la Silicon Valley montrent bien que la concentration physique est un facteur majeur de succès. Il ne s’agit pas de jouer Paris contre la province mais de mettre en œuvre une stratégie d’attractivité de la région capitale, ainsi que partout dans les territoires où les écosystèmes sont en place mais peinent à se constituer dans une zone géographique délimitée. Une réflexion vient d’être engagée avec François Lamy et le ministère de l’économie et des finances sur la délimitation de zonages où pourraient s’appliquer des dispositifs dérogatoires en matière de fiscalité et de cotisations sociales de nature à favoriser le développement de clusters physiques. Ce qui compte pour nous, c’est de faire des vitrines de l’économie numérique en rassemblant tous les acteurs existants – recherche, universités, grandes entreprises et PME – en un seul endroit qui ferait office d’incubateur. Cette logique, nous souhaitons la mettre en œuvre dans la région capitale, mais aussi dans tous les territoires capables de la soutenir.

La cybersécurité est un sujet crucial, j’en ai d’ailleurs fait un des éléments de ma communication sur la stratégie du Gouvernement pour le numérique au conseil des ministres. La souveraineté se décline dans plusieurs domaines : technologique pour la sécurité des systèmes et des réseaux informatiques, traitement des données, économie, fiscalité, Europe. Le caractère sensible de la souveraineté technologique rend difficile toute initiative publique sur cette question, aussi le traitons-nous dans un cadre interministériel. D’autres pays, comme les États-Unis ou l’Australie s’en sont saisis mais, n’étant pas contraints, comme nous, par le droit européen, il leur est plus facile d’exclure certains acteurs de leurs marchés publics. Ce sujet fait l’objet de notre part d’une réflexion très poussée que nous pourrions évoquer, lors d’une discussion très spécifique, avec les parlementaires intéressés. Une mission publique a été, un temps, envisagée pour traiter cette question, mais cela n’est pas apparu comme le moyen le plus adéquat.

Je n’ai pas d’élément particulier à communiquer sur l’entreprise Surcouf qui me semble être victime, comme d’autres sociétés, telle la FNAC, qui ont sans doute mieux résisté parce qu’elles étaient plus puissantes ou appartenaient à de grands groupes, de l’e-commerce. Face à des concurrents soumis à des régimes de TVA ou fiscaux différents, il est, en effet, difficile de maintenir une offre attractive. Je saisirai mes services, ainsi qu’Arnaud Montebourg et Sylvia Pinel de ce dossier.

Monsieur Tardy, la gratuité des données n’est pas une question nouvelle, mais elle n’a pas connu d’avancée, notamment en ce qui concerne les données de l’IGN, des musées ou de la recherche. Avec le séminaire de réflexion que Marylise Lebranchu a lancé sur la réforme de l’État et la nomination au poste de directeur général de la modernisation de l’État de M. Filippini, qui connaît très bien ces questions, j’ai bon espoir que nous puissions avancer rapidement sur l’ouverture des données publiques. C’est un chantier qui, par ses deux aspects de développement économique et création de valeur ainsi que de transparence de la vie démocratique, me semble important à relancer. Beaucoup de villes ont déjà pris des initiatives et il importe qu’à son échelon, l’État avance et fasse preuve de modernité.

La protection des données doit effectivement faire l’objet d’un gros travail. Nous souhaitons redynamiser les espaces publics numériques parce que nous nous sommes rendu compte qu’ils n’étaient pas du tout des cybercafés mais des lieux où les gens viennent s’informer et s’acculturer aux réseaux sociaux et à internet. Avec l’appui de contrats d’avenir, ces endroits peuvent tout à fait être propices à la diffusion d’une pédagogie sur la question des données personnelles. L’affaire récente sur Facebook montre bien combien il est compliqué, y compris pour des gens très connectés et très avertis, de protéger ses données personnelles et de savoir quelles options cocher pour être sûr de ne pas diffuser ce que l’on ne souhaite pas. Tout ce travail de pédagogie peut être fait, et même depuis le plus jeune âge. Vincent Peillon a indiqué qu’une réflexion pourrait être menée avec l’éducation nationale, des jeux sérieux pourraient servir de support pour apprendre aux enfants les dangers qu’il y a à exposer ses données personnelles sur les réseaux sociaux.

Enfin, le programme Investissements d’avenir finance deux projets complémentaires de cloud : Numergy et Cloudwatt. Ceux-ci nous paraissent intéressants parce qu’ils ont une masse critique plus élevée que les offres proposées jusqu’à présent par le privé et qu’ils permettent de développer des services de type IAAS, infrastructure as a service, de gérer les demandes des entreprises qui sont très fluctuantes dans le temps, bref des projets à forte valeur industrielle. L’appel à projet est toujours ouvert et des financements sont encore disponibles pour d’autres projets de clouds qui ne répondent pas forcément aux mêmes besoins. Cette matière de localisation et de maîtrise des données, sanitaires ou administratives par exemple, nous paraît d’ailleurs un enjeu de souveraineté numérique crucial.

M. le président François Brottes. Madame la ministre, je vous remercie sincèrement pour l’attention que vous avez portée à chacune de nos questions, sacrifiant en cela aux exigences d’un vrai travail de commission. Revenez quand vous voulez !

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 17 octobre 2012 à 16 h 15

Présents. - M. Damien Abad, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, Mme Pascale Got, M. Henri Jibrayel, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, M. Alain Marc, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart

Excusés. - M. Franck Gilard, M. Jean-Charles Taugourdeau

Assistaient également à la réunion. - M. Serge Bardy, M. Alain Calmette, M. Jean-Yves Caullet, Mme Fleur Pellerin