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Commission des affaires économiques

Mardi 27 novembre 2012

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 29

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

La commission a entendu M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. François Brottes.  La Commission vous a déjà entendu depuis le début de cette mandature, monsieur le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire, que nous considérons bien ici comme de l’économie, et de la consommation. Mais nous n’avons jamais eu l’occasion d’évoquer avec vous les perspectives de votre ministère et ceux de vos projets qui mobiliseront bientôt notre commission.

Vous savez combien le fil de la consommation est ténu, alors qu’il s’agit d’un élément essentiel de la croissance économique. Au mois de septembre, les dépenses de consommation des ménages en biens ont augmenté de 0,1 % en volume, après avoir reculé de 0,8 % en août. Sur l’ensemble du troisième trimestre, elles augmentent de 0,2 %, après avoir baissé de 0,2 % au deuxième trimestre 2012. En revanche, la consommation alimentaire a baissé de 0,1 %. Quant aux perspectives pour 2013, elles ne sont pas fameuses, à en croire du moins certains analystes – mais nous mettrons tout en œuvre pour les démentir.

Par ailleurs, les négociations commerciales en cours entre distributeurs et producteurs pour 2013 suscitent de fortes contestations. Vous avez, avec vos collègues Stéphane Le Foll et Guillaume Garot, consacré une table ronde à ce sujet le 21 novembre dernier. Doit-on s’attendre à une remise en cause des équilibres fragiles de la loi de modernisation de l’économie, la LME ? Les améliorations proposées par le rapport Vautrin-Gaubert de 2011 sur la mise en application de la LME semblent de ce point de vue faire consensus.

Quant au rapport consacré par Philippe Chalmin aux prix de divers produits commercialisés en grandes surfaces, il a fait polémique. Il montre en effet que, sur cent euros de ventes alimentaires, la marge nette des distributeurs s’élève finalement à seulement 1,9 euro en moyenne, avec une perte 1,90 euro en boucherie, un léger bénéfice de 0,60 euro pour les fruits et légumes, et un bénéfice respectivement de 5,9 euros en volailles et de 5,1 euros en charcuterie. On comprend que ces conclusions aient fait grincer quelques dents chez les producteurs et les transformateurs !

Nous aimerions par ailleurs que vous nous précisiez le calendrier d’examen et le contenu du futur projet de loi « Consommation ».

Le nouveau président de la Commission d’examen des pratiques commerciales, la CEPC, n’a toujours pas été nommé à ce jour : quand cette nomination doit-elle intervenir ?

Comptez-vous autoriser l’action de groupe, à laquelle nous sommes très favorables ?

Autre sujet qui compte beaucoup pour notre commission, la question des indications géographiques protégées sera-t-elle traitée dans le futur projet de loi ? Quelle est la position de la Commission européenne ?

Ce texte comportera-t-il des dispositions relatives au crédit renouvelable ? Comptez-vous proposer la création d’un fichier positif ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je voudrais vous exposer d’abord le contenu des politiques publiques que le Gouvernement compte mettre en œuvre dans le champ de l’économie sociale et solidaire, l’ESS, notamment le projet de loi-cadre relatif à l’économie sociale et solidaire en cours de préparation. Je vous présenterai ensuite dans ses grandes lignes le futur projet de loi relatif à la consommation : celui-ci doit être soumis au conseil des ministres aux alentours de février, pour un examen par le Parlement au cours du premier semestre de 2013.

La politique du Gouvernement dans le domaine de l’ESS, qui ne se résume pas au futur projet de loi-cadre, vise pour l’essentiel trois objectifs : la reconnaissance de l’ESS ; la structuration du champ de l’ESS ; enfin le développement de l’ESS.

La reconnaissance de l’ESS passera essentiellement par le futur projet de loi. Celui-ci proposera une définition du périmètre de l’ESS – elle n’est pas la même pour les acteurs historiques de l’ESS, et les « modernes » de l’entrepreneuriat social – et consacrera sur le plan légal ses principes fondateurs : gestion désintéressée, gouvernance démocratique, redistribution des profits, non-lucrativité.

Le Gouvernement a par ailleurs la volonté de créer un agrément d’entreprise sociale et solidaire, afin que le banquier public, le banquier privé ou la collectivité locale ou le service de l’État donneur d’ordre puissent identifier l’entreprise sociale et solidaire. Cette identification est notamment nécessaire pour le financement de l’ESS par la Banque publique d’investissement – 500 millions d’euros doivent être mobilisés en ce sens -, ainsi que, conformément à la future loi bancaire, par les crédits décentralisés de l’épargne réglementée. En outre, bon nombre d’acteurs de l’ESS et de l’insertion par l’activité économique souhaitent que la commande publique profite davantage à l’ESS, dans le droit fil de la circulaire Fillon relative à l’État exemplaire : alors que celle-ci avait fixé pour objectif que 10 % des marchés publics intègrent des clauses sociales ou des clauses d’insertion, nous en sommes à 1,3 %. Encore faut-il, pour atteindre cet objectif, que le banquier public, le banquier privé, le donneur d’ordre, qu’il s’agisse d’une collectivité locale ou d’un service de l’État, puisse identifier l’entreprise sociale et solidaire.

Le texte définira en particulier la non-lucrativité, qui est interprétée de façon très différente selon les interlocuteurs. Pour moi, un établissement non lucratif n’est pas un établissement qui perd de l’argent ou qui ne fait pas de profit : c’est un établissement qui réinjecte l’intégralité de ses profits, soit sous la forme d’une rémunération des sociétaires, soit sous la forme de fonds propres. En revanche, il n’y pas de rémunération du propriétaire en capital ou de l’investisseur.

Le Gouvernement s’attellera par ailleurs à la structuration de l’ESS, actuellement dispersée. Ce secteur regroupe en effet des acteurs très différents : associations, mutuelles, coopératives, fondations –À ce propos, un débat est actuellement en cours avec le ministère du budget sur l’extension du crédit d’impôt compétitivité emploi aux établissements privés non lucratifs qui ne paient pas l’impôt sur les sociétés mais la taxe sur les salaires afin d’éviter toute forme de concurrence déloyale.

Avec Mme Lebranchu, nous travaillons à formaliser le principe d’une contractualisation des engagements, qu’il s’agisse de ceux des collectivités territoriales ou de l’État, avec les acteurs de l’ESS, afin d’identifier les filières – services à la personne, secteur privé non lucratif dans le domaine sanitaire et social ou médico-social, économie verte, recyclage, etc. – où pourront se construire des stratégies pluriannuelles de développement de l’ESS. Nous voulons que la loi reconnaisse les prérogatives de nos interlocuteurs institutionnels, Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire ou Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, afin de leur permettre d’agir de façon beaucoup plus efficace et utile et d’être des interlocuteurs solides de l’État, des collectivités locales et des acteurs de l’ESS eux-mêmes.

Notre troisième objectif est de développer l’économie sociale et solidaire, via notamment la Banque publique d’investissement et les nouveaux crédits décentralisés de l’épargne réglementée. Nous comptons surtout muscler considérablement les instruments à disposition de nos concitoyens pour développer ce secteur en particulier celui des coopératives. Nous créerons ainsi un nouveau statut de la société coopérative et participative, la SCOP, afin de favoriser la reprise d’entreprises par leurs salariés. Alors que des initiatives de plus en plus nombreuses se manifestent en ce sens, cette reprise est aujourd’hui un véritable parcours du combattant. C’est que les SCOP souffrent d’a priori très défavorables dans le monde judiciaire ou celui des décideurs économiques ou politiques, qui les taxent notamment d’archaïsme, alors qu’elles sont présentes dans tous les secteurs de notre économie, jusqu’aux plus concurrentiels. Nous voulons notamment diminuer la prise de risque de salariés qui souhaitent reprendre leur entreprise, en dissociant pendant une période transitoire – qui pourrait aller de cinq à dix ans – majorité au capital et majorité des droits de vote, afin de laisser aux salariés le temps de devenir majoritaires au capital. Je vous rappelle que 50 000 à 200 000 emplois disparaîtraient chaque année faute de repreneur d’entreprises en bonne santé.

Nous comptons également mettre en place un droit préférentiel de rachat de leur entreprise par les salariés. Il s’agit, non pas d’exclure toute autre offre de reprise, mais de laisser aux salariés le temps suffisant pour constituer leur offre sans mettre en danger la viabilité de l’entreprise.

Nous souhaitons par ailleurs créer un statut de coopérative d’habitants et améliorer le statut des coopératives d’activités et d’emploi, les CAE. En bref, nous voulons diffuser le modèle coopératif, en lien avec les grands acteurs du monde coopératif, notamment avec les coopératives agricoles ou celles de la distribution.

Certaines dispositions de ce texte modifieront le code de la mutualité. Nous envisageons ainsi, sans que cette proposition ait encore été arbitrée, de créer un certificat mutualiste, instrument de financement qui permettrait aux mutuelles de lever des fonds propres sans être assorti d’un droit de vote.

Je précise enfin que cette loi hébergera également des dispositions relatives au financement de la vie associative et à sa sécurisation, que nous élaborons actuellement avec le ministère de Mme Fourneyron.

Tels sont les axes autour desquels ce projet de loi s’organisera. Il ne s’agit pas de rendre hommage à l’ESS, mais de fabriquer la loi que les acteurs du secteur attendaient.

Le projet de loi « Consommation » est également très attendu. Il comptera un certain nombre de « plats de résistance » : l’action de groupe, l’encadrement du crédit à la consommation, notamment du crédit renouvelable, le renforcement des moyens de la DGCCRF, enfin l’extension des indications géographiques protégées.

Les gouvernements de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy avaient envisagé de mettre en place l’action de groupe, sans jamais y parvenir. Conformément à l’engagement de François Hollande, nous souhaitons autoriser une telle procédure en cas de préjudice économique, à l’exclusion du champ de l’environnement ou de la santé. Je suis pour cette raison favorable à ce que ce dispositif figure dans le code de la consommation. L’objectif est de doter les consommateurs d’une voie de recours ex post afin qu’ils puissent obtenir réparation de préjudices éventuels dans le cadre de contentieux de masse. Si ce dispositif, très attendu par le mouvement consumériste, ne suscite pas l’enthousiasme du MEDEF ou de l’AFEP, il me semble que tout le monde reconnaît aujourd’hui la nécessité de sa création. Reste à discuter des modalités de la procédure : qui pourra porter une telle action ? Quels filtres seront installés ? Comment sera assurée la participation des plaignants ? Je suis évidemment disposé à débattre avec vous de tous ces points.

En matière d’encadrement du crédit renouvelable, la loi Lagarde a eu des effets positifs, mais il faut aller plus loin. Aujourd’hui, en effet, selon les observations de la DGCCRF, les forces de vente proposent un crédit renouvelable dans neuf cas sur dix, alors que la loi dispose que le consommateur doit avoir le choix entre crédit renouvelable et crédit amortissable. Nous souhaitons qu’au-delà de 1 000 euros l’existence d’une offre de crédit alternative soit garantie. Cela passe par une meilleure formation des forces de vente et le renforcement de la capacité de la DGCCRF de faire respecter la loi par les établissements de crédit.

La question essentielle est celle de la création d’un registre national du crédit, ou « fichier positif ». La proposition de loi des députés de l’UDI visant à la création d’un tel fichier positif, qui a été rejetée la semaine dernière, était à mon avis prématurée. Avant de vous faire une telle proposition, j’ai saisi la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, de la question de savoir si la création d’un tel fichier posait un problème de conformité avec les libertés publiques. Il faudra également évaluer le coût de la mise en place de ce registre – les estimations varient de 40 millions à 500 millions d’euros. Il conviendra également de déterminer l’identifiant à partir duquel ce registre serait constitué et les informations qui y figureraient.

Cet instrument, dont beaucoup de pays européens disposent déjà, n’éliminera certes pas le surendettement ; en revanche, il responsabilisera davantage les prêteurs.

Le projet de loi proposera par ailleurs de doter la DGCCRF des moyens de mieux exécuter sa mission. Ses agents pourront ainsi enquêter sous le masque du « client mystère », alors qu’ils sont aujourd’hui obligés de décliner leur qualité. Nous proposerons également d’élargir la palette des sanctions administratives à leur disposition. Je rappelle en outre que nous avons maintenu en loi de finances les effectifs de la DGCCRF dans les départements, alors que la RGPP avait provoqué leur réduction drastique. La réforme de l’administration territoriale de l’État, la RéAT, n’avait pas non plus facilité l’organisation des services sur le territoire.

L’extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés est également envisagée, dans le sillage de l’affaire Laguiole. Nous réfléchissons actuellement avec la DGCCRF aux conditions de dépôt d’une demande d’IGP pour des produits manufacturés : il s’agit de déterminer le lien entre les qualités de fabrication d’un produit et un territoire. Il faut savoir que l’instruction de ce dossier fera peser des charges importantes sur le budget de la DGCCRF.

Enfin le projet de loi « Consommation » tendra à renforcer la lutte contre les clauses contractuelles abusives, en précisant les conditions dans lesquelles une clause abusive supprimée d’un contrat le sera également de tous les contrats identiques conclus par des consommateurs avec le professionnel concerné.

M. Daniel Fasquelle. Les précédents étrangers prouvent que le fichier positif ou l’action de groupe sont à manipuler avec précaution. L’exemple de la Belgique montre que le fichier positif est une fausse bonne idée, présentant plus d’inconvénients que d’avantages. Quant à l’action de groupe, on connaît les dérives auxquelles elle donne lieu aux États-Unis, où elle enrichit davantage les avocats qu’elle ne protège les consommateurs, au détriment des entreprises. Il faut prendre le temps d’étudier soigneusement ces sujets, qui ont déjà donné lieu à des propositions de loi émanant des deux côtés de l’hémicycle.

D’une façon générale, nous avons déjà réfléchi et travaillé aux solutions que vous nous proposez. Ainsi, j’ai déposé, avec plusieurs de mes collègues, une proposition de loi, que notre commission examinera demain matin, visant à mieux protéger les indications géographiques. Je me suis inspiré, pour élaborer ce texte, des débats que le Parlement avait consacrés à cette question à l’occasion de l’examen du projet de loi de Frédéric Lefebvre renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. J’espère que cette initiative sera couronnée de succès, ce qui allégera d’autant le contenu de votre projet de loi.

Votre projet de loi proposera-t-il des solutions aux problèmes posés par les contrats d’abonnement à la téléphonie mobile – durée des contrats, liberté de changer d’opérateur, etc.- ou aux conflits entre bailleur et locataire, telle l’obligation d’un document partagé à propos de l’état des lieux ? Proposera-t-il des moyens de protéger les clients du commerce électronique, par exemple en cas de faillite d’une entreprise ?

Je ne crois pas sortir de votre champ de compétence en attirant votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que les associations de consommateurs dénoncent comme extrêmement dangereuse la proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie. Je m’inquiète également de la baisse des crédits du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, qui risque de déstabiliser le commerce en milieu rural.

Par ailleurs, je ne doute pas de la sincérité du soutien que vous affichez envers l’économie sociale et solidaire, mais je remarque que le budget 2013 fait peser des menaces sur ce secteur, notamment sur les associations spécialisées dans le service à la personne.

Enfin, les professionnels de santé dénoncent le texte, que nous examinerons dans quelques jours, autorisant les mutuelles à mettre en place des réseaux de soins, gros à leurs yeux de risques d’une dérive à l’américaine vers des soins bas de gamme. J’aimerais avoir votre sentiment sur ce point.

M. le président François Brottes. Apparemment nous ne fréquentons pas les mêmes associations de consommateurs, monsieur Fasquelle, puisque les représentants de l’UFC-Que choisir m’ont encouragé à tenir bon sur la tarification progressive.

M. Razzy Hammadi. Nous nous félicitons que notre commission soit ainsi associée en amont à l’élaboration de deux projets de loi que nous examinerons au cours du premier semestre 2013 et dont l’intérêt dépasse les clivages partisans.

L’action de groupe est aujourd’hui une nécessité pour protéger les consommateurs, même s’il convient, monsieur le ministre délégué, de réfléchir aux moyens de se protéger des dérives à l’américaine et de la logique de l’avocat « chasseur de primes ».

Le renforcement de la lutte contre les clauses abusives est tout aussi nécessaire. Pouvez-vous nous indiquer plus précisément quelles seront les modalités de ce qui peut s’analyser comme une sorte de renversement de la charge de la preuve ?

Nous nous félicitons également de la modernisation annoncée de la DGCCRF, avec l’autorisation du recours à la technique du client mystère, le renforcement des sanctions. A été également envisagée l’institution de systèmes de rating auxquels participeraient les consommateurs.

Je ne reviendrai pas sur la question du crédit renouvelable, sinon pour dire que l’état de surendettement n’est peut-être pas tant dû au montant du crédit qu’au cumul de plusieurs crédits renouvelables.

Le projet de loi « Consommation » devrait également améliorer les rapports entre les producteurs et la grande distribution. Cependant il serait peut-être nécessaire de faire respecter la loi actuelle par certains grands distributeurs avant même de voter une nouvelle loi. Pouvez-nous donner plus d’informations sur la table ronde du 21 novembre dernier ?

M. André Chassaigne. Je voudrais d’abord, monsieur le ministre, que vous nous précisiez le périmètre de votre ministère. Je voudrais savoir en particulier si votre compétence s’étend à trois domaines où beaucoup reste à faire. Ainsi du secteur du tourisme social et associatif, qui a beaucoup souffert ces dernières années, alors qu’il est extrêmement important pour les familles les plus modestes. Il en va de même pour les établissements d’insertion par le travail des salariés en situation de handicap, notamment les ESAT, qui rencontrent de plus en plus de difficultés. Le troisième domaine où il reste beaucoup à faire est celui du prix des produits agricoles, qui se caractérise par l’absence de connexion entre prix d’achat et prix de vente : à cet égard, il faudrait peut-être envisager la mise en œuvre de mécanismes tels qu’un coefficient multiplicateur pour mettre fin aux abus de la grande distribution.

J’aimerais par ailleurs que vous précisiez certaines de vos propositions dans le domaine de l’ESS. S’agissant de l’introduction de clauses sociales dans les marchés publics, vous contenterez-vous de faire appliquer la loi telle qu’elle existe déjà ou comptez-vous aller plus loin ?

Deuxièmement, vous avez évoqué la possibilité d’une labellisation des entreprises respectant les principes fondateurs de l’économie sociale et solidaire. Or beaucoup d’entreprises qui revendiquent un statut d’entreprise sociale et solidaire manifestent un respect à géométrie variable de ces principes, notamment celui de la non-lucrativité : je pense à certains réseaux bancaires ayant pignon sur rue. Comment traiterez-vous les entreprises qui prétendent de façon abusive relever de ce type d’économie ?

Vous avez évoqué la création d’un « droit de préférence » au bénéfice des salariés souhaitant reprendre leur entreprise. Ne vaudrait-il pas mieux établir clairement un « droit de préemption » des salariés en cas de cession de leur entreprise comme envisage de l’instituer une proposition de loi qui doit être prochainement déposée ?

Mme Michèle Bonneton. L’ESS regroupe actuellement des activités très diverses et des établissements de tailles extrêmement variables, certaines faisant des profits, d’autres non. Ne faudrait-il pas réorganiser cette myriade d’acteurs par catégories d’entreprises, avec des droits et des devoirs différenciés ?

Vous nous assurez que la BPI adoptera une stratégie spécifique envers l’ESS et l’innovation sociale : elle sera bienvenue car le retard dans les subventions met parfois l’existence même des petites structures en péril. Ne faudrait-il pas créer en outre un fonds souverain des collectivités locales, qui serait habilité à intervenir dans le secteur de l’ESS pour, entre autres, favoriser la pérennité des structures ?

Pouvez-vous préciser comment vous comptez réformer le code des marchés publics afin de permettre un accès réel des entreprises de l’ESS à ces marchés ? Les chambres consulaires intégreront-elles l’ESS ?

Allez-vous mettre en place un soutien fort à l’épargne solidaire pour financer des actions solidaires hors spéculation et des actions de proximité créatrices d’emplois ?

Ne faudrait-il pas, pour améliorer la visibilité de l’ESS, que notre pays prenne une initiative en faveur de la création d’un label public européen destiné à distinguer les produits et services de l’ESS ?

Ferez-vous par ailleurs des propositions pour améliorer le fonctionnement des associations ? Comment leur donner les moyens de se faire mieux entendre ?

La labellisation IGP, notamment de produits manufacturés, se fondera-t-elle sur un cahier des charges exigeant, garantissant un label de qualité valorisant les savoir-faire régionaux et comportant des critères sociaux et environnementaux, à la différence des labels octroyés à des fins commerciales, qui brouillent le message à destination des consommateurs ?

M. Joël Giraud. Je voudrais d’abord saluer la nomination d’un ministre chargé de l’économie sociale et solidaire : nous attendions depuis longtemps qu’un gouvernement se préoccupe de ces questions.

L’ESS a démontré sa capacité à créer des emplois, en particulier en milieu rural : ce secteur assure 20 % des emplois de mon département des Hautes-Alpes. Elle permet de créer sur ces territoires des commerces, des entreprises innovantes et diversifiées assurant des services à destination des nouveaux ruraux d’origine urbaine.

J’observe qu’aujourd’hui les donneurs d’ordre de la commande publique négligent encore trop la faculté qu’ils ont de réserver une partie de leurs marchés à l’ESS, notamment par peur panique du contrôle d’État, dont les exigences en matière de mise en concurrence sont parfois abusives. Je pense en particulier au secteur de la formation, où les appels d’offre publics sont la proie de véritables raiders du privé, ceux-ci sous-traitant ensuite la commande à l’ESS par incapacité de satisfaire aux prescriptions du cahier des charges.

Je voudrais également souligner l’importance des réseaux associatifs dans les territoires ruraux, où ils permettent de mettre en synergie les actions avec les partenaires publics. Or ce sont souvent les acteurs les plus négligés de ce secteur, ce qui est problématique pour le devenir de nos territoires.

Je suis par ailleurs préoccupé par le financement de l’ESS dans le monde rural, qui, faute d’une implantation géographique suffisante des banques de ce secteur, est souvent contraint de recourir au réseau bancaire traditionnel.

Je déplore également que les entreprises de l’ESS soient exclues de la plupart des contrats de plan État-Région ou des contrats de territoire du simple fait de leur statut.

Je voudrais souligner enfin la nécessité, pour le développement du tourisme social et associatif, que les dispositifs tels que les futurs contrats de génération ou contrats d’avenir intègrent la saisonnalité.

M. le ministre délégué. Nous connaissons les dérives de l’action de groupe à l’américaine, qui enrichit davantage les cabinets d’avocats qu’elle ne répare le préjudice du consommateur. C’est pour parer à ces dérives que nous voulons mettre en place un certain nombre de filtres. Nous proposerons ainsi au Parlement que ce soit principalement les associations de consommateurs agréées qui aient la capacité de porter l’action et qu’il revienne au juge de décider de sa recevabilité. L’agrégation des consommateurs à la procédure devrait à mes yeux obéir à une logique d’opt in plutôt que d’opt out, qui considère a priori tout consommateur lésé comme partie prenante de la procédure. L’objectif n’est pas de multiplier les procédures, mais de mettre en place un instrument de régulation ex post qui incite à la médiation.

Selon le MEDEF, l’action de groupe risquerait de favoriser un recul du PIB. Or le Centre d’analyse économique a mis en évidence qu’aux États-Unis l’action de groupe a provoqué un transfert de points de PIB des entreprises vers les consommateurs. Nous veillerons à ce que le dispositif ne puisse pas être détourné de sa finalité, qui est de protéger le consommateur, pour attenter à la réputation d’une entreprise.

S’agissant de la création d’un registre national du crédit, la doctrine du Gouvernement n’est pas encore complètement arrêtée. En tout état de cause il n’y a pas de comparaison possible avec la situation en Belgique. En France 78 % des dossiers de surendettement déposés à la Banque de France comprennent huit crédits à la consommation, et 50 % plus de dix. On peut toujours prétendre que ce n’est pas le crédit qui est responsable du surendettement ; il est indéniable cependant que la souscription d’un crédit renouvelable est excessivement facile dans notre pays. Par ailleurs, les grands opérateurs du crédit disposent déjà de fichiers leur permettant d’estimer la solvabilité de leurs clients.

L’arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile a rendu en partie obsolètes les dispositions de la loi Lefebvre relatives aux abonnements de téléphonie mobile, notamment en suscitant la multiplication des offres sans durée d’engagement.

S’agissant des dispositions relatives au logement, je suis en train de débattre avec ma collègue Cécile Duflot de l’opportunité de les insérer dans le projet de loi « Consommation » ou dans un projet qu’elle présentera.

En ce qui concerne le commerce électronique, le texte transposera la directive européenne traitant de toutes les questions relevant de la vente à distance. Il s’agit d’une directive d’harmonisation maximale créant un level playing field dans toute l’Union européenne, ce qui permettra une meilleure protection du consommateur.

La nomination du nouveau président de la Commission d’examen des pratiques commerciales, la CEPC, doit intervenir dans les jours qui viennent.

Nous comptons renforcer la lutte contre les clauses contractuelles abusives en donnant à la DGCCRF les moyens, quand une clause abusive est identifiée dans un contrat, de demander au juge d’ordonner la suppression de cette clause dans tous les contrats de même nature.

Le diagnostic posé par le rapport Chalmin sur les marges des distributeurs me confirme dans la conviction qu’il ne faut pas bouleverser les équilibres de la LME. En revanche, il faut la faire appliquer dans toutes ses dispositions, notamment celles qui permettent aux fournisseurs de la grande distribution qui auraient subi un préjudice d’obtenir réparation. Je comprends bien que la hausse du coût des matières premières réduit les marges des producteurs, ce qui les conduit à vouloir qu’elle soit répercutée sur les prix pratiqués par la grande distribution, mais je me refuse à ce que seul le consommateur paie la facture d’un aménagement de la LME. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler lors de la table ronde, si certains acteurs du monde agricole souffrent de la hausse du prix des matières premières, d’autres en profitent. Il faudrait sans doute réfléchir à la mise en œuvre de mécanismes de transfert à l’intérieur du monde agricole, afin d’éviter que la grande distribution et ses fournisseurs ne s’entendent pour reporter la charge supplémentaire sur le dos de celui qui se trouve en bout de chaîne, à savoir le consommateur.

Le tourisme social entre évidemment dans le périmètre de mon ministère, monsieur Chassaigne, puisque, comme l’a souligné M. le Président, celui-ci est un ministère économique qui s’intéresse aux conditions de financement et de création d’emplois de toute structure de l’économie sociale et solidaire œuvrant dans le secteur concurrentiel et susceptible de faire appel à des instruments de financement, publics ou privés, de l’économie.

À ce titre, nous nous intéressons aux besoins du tourisme social, comme nous nous intéressons plus généralement aux conditions de financement de l’ensemble des acteurs de l’ESS, monsieur Giraud. Le problème, c’est que ces conditions, par exemple la fiscalité, diffèrent en fonction du statut de l’établissement, SCOP, coopérative agricole, mutuelle, association ou fondation. C’est pourquoi nous nous attacherons à renforcer les capacités de financement de chacune de ces catégories. Dès la mission de préfiguration de la BPI, j’ai exprimé le souhait que plus aucune structure de l’ESS ne soit privée d’accès au financement public en raison de son statut, comme c’est le cas aujourd’hui : OSÉO a refusé de financer des SCOP exclusivement en fonction de leur statut juridique. Même de grands acteurs associatifs ou mutualistes de l’innovation sociale peinent à trouver des partenaires pour financer leur développement en raison d’un manque d’acculturation chez un certain nombre de financeurs publics de la réalité de l’ESS. C’est pourquoi nous voulons construire un instrument garantissant à tous un égal accès aux financements. Certes, la Caisse des dépôts et consignations gère des dispositifs de financement plus favorables à l’ESS, notamment dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, le PIA. Il reste cependant à inventer un instrument permettant à tous les acteurs de l’ESS de trouver dans la BPI et la CDC des partenaires capables de répondre aux besoins spécifiques du monde associatif, coopératif ou mutualiste. C’est la raison pour laquelle, si je suis satisfait par principe de l’affichage de 500 millions d’euros en faveur de l’ESS, ce sont surtout la définition de la doctrine d’intervention de la BPI et son fonctionnement concret qui m’importent, car c’est là que se jouera l’avenir du financement de l’ESS. Je rappelle que le Président de la République s’est engagé à ce que neuf dossiers de financement de PME sur dix, qu’elles relèvent de l’économie classique ou de l’ESS, soient instruits localement.

À mes yeux, la labellisation ou l’agrément concernera des PME de l’économie sociale et solidaire plutôt que des banques coopératives : celles-ci seront reconnues par la loi comme concourant au développement de l’ESS. Si votre question revient à me demander si toutes les filiales du réseau du Crédit agricole ou de la BPCE relèvent du champ de l’ESS, je vous réponds par la négative : beaucoup n’en relèvent pas. J’observe cependant que ces banques coopératives ont pu surmonter leurs difficultés parfois liées à des comportements peu vertueux grâce à la solidité de leurs caisses régionales.

J’entends proposer une définition inclusive de l’ESS qui n’exclut personne a priori. Cependant la labellisation vise avant tout à permettre à une entreprise d’insertion par l’économique, à une SCOP ou encore à une association d’avoir accès aux financements et à la commande publics.

Avant d’évaluer ce qu’il faudrait ou non modifier dans le code des marchés publics, je préfère que les pouvoirs publics aient la volonté de faire mieux avec les outils existants. Il y a aujourd’hui la volonté politique de donner plus de place aux clauses sociales et aux clauses d’insertion dans les appels d’offre des services de l’État.

En ce qui concerne le financement, je vous rappelle que la loi de finances pour 2013 augmente d’ores et déjà de 10 millions d’euros le financement de l’insertion par l’activité économique. En 2013, une fois que nous connaîtrons les conclusions du rapport conjoint que nous avons, avec Michel Sapin, commandé à l’inspection générale des affaires sociales et à l’inspection générale des finances sur le financement de l’insertion par l’activité économique, nous ferons des propositions en la matière. Celles-ci porteront notamment sur l’aide au poste dont le montant actuel est depuis longtemps jugé insuffisant par les entreprises d’insertion pour leur permettre de remplir leur mission.

Vous avez évoqué les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT. Comme les associations intermédiaires, les AI, ou les entreprises d’insertion, EI, leur rôle est d’insérer dans le marché du travail des salariés très éloignés de l’emploi, tout en étant en concurrence avec des entreprises classiques. Cette mission d’intérêt général induit des contraintes et des coûts justifiant l’aide de l’État. Nous voulons faire le point sur les financements des structures d’insertion par l’activité économique, qu’il s’agisse des AI, des ateliers et des chantiers d’insertion ou des EI, afin de trouver les moyens de mieux répondre aux défis de l’insertion par l’activité économique.

M. le président François Brottes. Je souhaite attirer votre attention sur un point précis, monsieur le ministre : plus l’on constitue de groupements d’achat, plus on exclut les PME des marchés publics. C’est un vrai sujet.

Mme Marie-Lou Marcel. Permettez-moi de revenir sur les indications géographiques. Le 8 octobre s’est tenue à Laguiole, avec la participation de Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, une table ronde sur la problématique des marques. Vous savez que la commune de Laguiole ne peut plus utiliser son nom, qu’un homme d’affaires s’est approprié à des fins commerciales pour vendre des produits qui n’ont rien à voir avec le savoir-faire local, puisqu’ils sont fabriqués en Asie. Le problème est que le nom de Laguiole est porteur de valeurs en termes d’environnement et de qualité. Vous réfléchissez actuellement avec la DGCCRF aux conditions dans lesquelles les indications géographiques pourraient être étendues aux produits manufacturés. Le projet de loi sur la consommation traitera-t-il de ce sujet ?

Vous avez également souhaité que les régions participent au débat comme à l’accompagnement des producteurs. Comment entendez-vous les y associer ?

Mme Pascale Got. On dit souvent du secteur de l’économie sociale et solidaire qu’il est un géant économique et un nain politique. Ce qui est certain, c’est qu’il existe des marges de progression pour sa valorisation et sa promotion, notamment sur nos territoires et indépendamment du Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CNCRES).

Au-delà du label que vous avez évoqué, entendez-vous faire des propositions sur le mode de gouvernance et sur la fiscalité de l’ESS ?

M. Alain Marc. Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous préciseriez le champ de l’ESS, qui est difficile à cerner. Vous nous avez également parlé de l’agrément des entreprises de l’ESS. Souvent, les systèmes sont ainsi faits qu’au départ, ils servent les intérêts de ceux qui les ont construits et ont une finalité. Mais à la longue – et cela vaut pour le système coopératif comme pour beaucoup d’autres – ils perdent leur finalité. Vous avez évoqué à cet égard les mésaventures de certaines banques, mais nous aurions pu parler de la coopération agricole ou d’autres domaines que je ne citerai pas. Y aura-t-il des clauses de « revoyure » pour vérifier que les entreprises qui bénéficient des avantages de l’ESS répondent toujours aux conditions de l’agrément ?

M. Dominique Potier. Vous souhaitez avoir une vision inclusive de l’ensemble du secteur bancaire. Ne pourrait-on néanmoins encourager l’émergence d’un secteur bancaire authentiquement coopératif ? Pour l’heure, nous sommes un peu dans le bricolage. Ne faudrait-il pas forger – à l’échelle locale ou nationale – des outils bancaires s’inspirant véritablement d’un esprit alternatif au système capitaliste libéral classique ? Les expériences existent ; il faut les développer.

Par ailleurs, peut-on envisager d’améliorer la signalisation de l’obsolescence des produits, notamment à destination des milieux qui ont le moins accès à la culture ?

Enfin, entendez-vous revenir sur l’obligation de certaines catégories sociales de travailler les jours fériés, les jours de mémoire et un grand nombre de dimanches ?

M. le président François Brottes. Avant que Frédérique Massat n’intervienne, je tiens à lui exprimer notre solidarité et notre soutien devant le saccage dont sa permanence a été victime le week-end dernier. De tels agissements n’ont pas leur place en démocratie.

Mme Frédérique Massat. Mes trois questions portent sur le droit de la consommation.

Je sais que vous n’êtes pas le chef de file de la réforme bancaire, monsieur le ministre. Mais dans la mesure où vous y serez associé, je souhaite vous interroger sur les frais bancaires. Bien que nous en ayons déjà discuté, rien n’a vraiment été fait en ce domaine. Nous comptons donc sur vous.

J’évoquerai également le démarchage abusif. Le système Pacitel, qui devait permettre aux abonnés qui le souhaitent de ne pas être importunés au téléphone, présente des lacunes. Est-il prévu de légiférer en la matière ?

Un certain nombre de points restent par ailleurs à traiter en matière d’e-commerce. Une directive européenne va contraindre la France à faire évoluer sa législation s’agissant du prix d’appel, appelé à disparaître, ou encore des délais de rétractation, qui pourraient doubler. Nous avions il est vrai besoin de mesures plus coercitives.

M. Éric Straumann. J’ai été interpellé par une entreprise de services solidaire de ma circonscription – le foyer Espoir, qui emploie plusieurs centaines de personnes – au sujet des appels d’offres, dont elle se voit régulièrement écarter. Vous envisagez d’améliorer la législation, sans pour autant modifier le code des marchés publics. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, comment vous permettrez à ces entreprises de rester « dans le coup » ? Les collectivités locales prévoient rarement des clauses permettant d’avantager ce type d’entreprises.

M. Philippe Kemel. Lors de la dernière discussion budgétaire, vous avez dit, monsieur le ministre, que vous souhaitiez que l’économie sociale et solidaire et ses différentes structures puissent bénéficier de financements de l’innovation sociale, tant les conditions des appels d’offres et de la concurrence ont créé des situations difficiles pour elles. Quels dispositifs envisagez-vous en matière d’appel à projets ? Comment et quand seront-ils mis en œuvre ?

J’évoquerai également la problématique du fichier national des crédits. Tout fichier est délicat à mettre en œuvre. Dans la mesure où le système bancaire détient déjà de nombreuses informations, l’obligation de domiciliation bancaire à chaque crédit renouvelable, voire la domiciliation bancaire unique, ne seraient-elles pas plus faciles à gérer qu’un nouveau fichier ?

M. Henri Jibrayel. Faudra-t-il en passer par une réforme des tribunaux de commerce pour faire prévaloir les droits des salariés prioritaires pour la reprise de leur entreprise en SCOP ? Comment concevoir la mobilisation des fonds de la BPI à cet effet ?

M. Yves Blein. Je me réjouis que le Gouvernement ait créé un ministère de l’économie sociale au sein de celui de l’économie. Le vingtième siècle s’est ouvert avec l’Exposition universelle de Paris, dont on ne retient le plus souvent que la tour Eiffel, oubliant que son pavillon le plus important était dédié à l’économie sociale. Puissions-nous retenir du vingt-et-unième siècle la nomination du premier gouvernement comportant un ministère de l’économie sociale rattaché à celui de l’économie – que vous honorez !

Quel usage les entreprises de l’ESS font-elles des emplois d’avenir ? Comment les préparer aux contrats de génération ?

Il est fondamental que les entreprises de l’économie sociale puissent accéder au crédit d’impôt compétitivité emploi, dans le respect de leurs spécificités propres. Un premier geste utile pourrait consister à les exonérer de taxe sur les salaires sur les emplois d’avenir qu’elles créent.

En ce qui concerne les marchés publics, je partage votre avis : une réforme du code ne serait pas nécessairement appropriée. Gardons-nous d’affaiblir la compétitivité de ces entreprises en voulant les mettre à l’abri de la concurrence. Mieux vaut former les élus locaux à un meilleur usage du code des marchés publics, qui permet de choisir les entreprises en fonction de critères précis.

M. Hervé Pellois. Vous avez évoqué les dossiers de surendettement, dont le nombre est en augmentation. Nous avons été saisis par des salariés de la Banque de France, inquiets des fermetures qui s’annoncent. En Bretagne, seuls deux des cinq centres qui traitent actuellement les dossiers de surendettement devraient subsister, alors même que le traitement de ces dossiers exige une proximité avec les personnes concernées. Je m’interroge donc sur l’intérêt de concentrer ce traitement sur un ou deux sites par région.

Un mot sur l’utilisation des clauses sociales. Un chef d’entreprise m’a fait observer hier que certaines entreprises, qui répondent correctement aux appels d’offres, n’en utilisent pas moins une main d’œuvre bon marché venant de l’étranger, dont les conditions de travail laissent parfois à désirer. Veillons donc à ce que les entreprises qui sont désignées respectent bien la philosophie du travail qui est la nôtre.

M. le ministre délégué. Nous connaissons bien le problème qu’a soulevé Mme Marcel à propos des IGP. Un certain nombre de produits dont notre imaginaire associe la fabrication à un territoire sont en réalité fabriqués ailleurs. Le cas de Laguiole est évidemment emblématique, mais de nombreux autres noms de territoires sont devenus des noms génériques associés à des produits – je pense, par exemple, à l’eau de Cologne ou à la crème Chantilly. Deux questions se posent donc. En quoi l’indication géographique respecte-t-elle le droit des marques ? Le droit des marques permet-il de garantir que l’association d’un territoire à un produit est un gage de qualité ? La réponse que nous apporterons à ces questions ne peut résider que dans le cahier des charges, qui doit être élaboré avec les professionnels, de façon à ce que le consommateur qui achète un produit qu’il pense lié à un territoire puisse être sûr que le process de fabrication, la qualité, le métal utilisé pour le couteau – pour reprendre l’exemple de Laguiole – répondent bien à ses attentes. De ce point de vue, la proposition de loi du groupe UMP visant à mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales reste lacunaire. L’association des professionnels à la définition du cahier des charges et le choix de la structure qui instruira le dossier sont donc très importants ; ce sont des points sur lesquels nous travaillons.

Plusieurs questions ont trait à la fiscalité. Le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire ne comportera aucune disposition sur ce point, qui ressort de la seule loi fiscale. Vous savez néanmoins que la loi de finances rectificative adoptée en juillet dernier exclut les SCOP de l’augmentation du forfait social sur la participation et l’intéressement. Nous posons aujourd’hui la question de la taxe sur les salaires, puisqu’un certain nombre d’acteurs de l’ESS sont en concurrence avec des acteurs privés classiques qui vont bénéficier du crédit d’impôt compétitivité emploi, dont les acteurs de l’ESS se verront pour leur part privés, puisqu’ils ne payent pas d’impôt sur les sociétés. Certains observeront qu’il leur suffirait de changer de statut pour pouvoir bénéficier de ce crédit d’impôt. Mais dans la mesure où nous souhaitons consolider un modèle d’entreprise et un modèle économique non lucratifs, je préfère défendre la solution consistant à ouvrir selon les mêmes modalités le bénéfice de ce dispositif fiscal aux structures assujetties à la taxe sur les salaires. Cet alignement me semble important.

M. Potier a évoqué l’obsolescence programmée des produits. C’est un sujet sur lequel nous travaillons, mais que le projet de loi ne traitera pas – il est trop tôt pour cela. Je distinguerai pour ma part trois types d’obsolescence programmée. Le premier ressort du stratagème : vous achetez sans le savoir une machine qui a été programmée pour mourir au bout d’un an ; il y a donc tromperie. Le second type d’obsolescence programmée correspond à une obsolescence dite subjective : les techniques marketing vous poussent à renouveler des biens d’équipement qui pourraient encore fonctionner quelques années. Le dernier type d’obsolescence est lié non à l’obsolescence du bien en question, mais à son environnement technologique : par exemple, votre tablette tactile fonctionne, mais vous ne pouvez pas y télécharger toutes les applications apparues après que vous l’ayez achetée.

Je souhaite que nous réfléchissions avec les professionnels et les entreprises volontaires sur la durée de vie des biens d’équipement et sur les cycles d’innovation. Veillons cependant à ne pas freiner l’activité : les cycles d’innovation doivent aussi être encouragés pour favoriser l’activité et la création d’emplois. Il y a donc un équilibre à trouver. En revanche, nous devons lutter de manière plus efficace contre l’obsolescence programmée qui relève de la tromperie du consommateur, et promouvoir une véritable éducation à la consommation.

Comment vérifier qu’une entreprise agréée répond toujours aux principes de l’ESS – gestion désintéressée, gouvernance démocratique, non-lucrativité ? Il existe déjà dans le monde coopératif une « révision coopérative » : tous les cinq ans, une autre coopérative vient vérifier que l’entreprise respecte toujours les grands principes coopératifs. Ce système de révision périodique par d’autres acteurs du secteur pourrait certes être envisagé pour le contrôle du label de PME sociale et solidaire. Mais dans la mesure où ce label ou cet agrément ouvre droit à des financements publics, j’estime que l’État a son mot à dire dans ce contrôle. Or dans le modèle de la révision coopérative, la régulation est opérée par le secteur lui-même.

J’en viens à l’accès aux marchés publics. Nombre d’associations ont vu conditionner l’essentiel de leur financement à la réponse à des appels à projets, ce qui a fortement tari l’initiative associative. Si la collectivité publique ne subventionne les associations qu’en fonction de ses idées et de ses projets, elle freine l’innovation sociale et l’initiative associative, puisque les associations ne se financent qu’en répondant à un cahier des charges défini par les collectivités territoriales. Rien n’interdit à celles-ci de subventionner une association, car il n’existe pas d’obligation systématique de mise en concurrence. Mais, dès lors que celle-ci s’impose, nous voulons qu’un nombre beaucoup plus élevé de marchés publics intègre des clauses sociales. Cela suppose que le soumissionnaire, à défaut de pouvoir assurer lui-même des heures en insertion par l’activité économique (IAE), puisse travailler avec des entreprises qui lui en fournissent ; cela suppose aussi une bonne formation du donneur d’ordre public. Bref, il y a à travailler sur l’accompagnement et l’environnement de la prise de décision, tant du côté des donneurs d’ordre que de celui des soumissionnaires. C’est la raison pour laquelle je préfère soutenir politiquement les clauses sociales et les clauses d’insertion plutôt que modifier le code des marchés publics. Il ne conviendrait d’envisager cette modification qu’en cas d’échec de la démarche que je viens de décrire.

En ce qui concerne l’e-commerce, la transposition de la directive « droits des consommateurs » apportera un certain nombre de changements : allongement du délai de rétractation, qui passe de 7 à 14 jours, instauration d’un délai maximal de livraison de 30 jours… le professionnel supportera également le risque d’endommagement des biens pendant le transport jusqu’à ce que le consommateur en prenne possession. Cette directive protégera donc beaucoup mieux les consommateurs, y compris en ce qui concerne le démarchage abusif, madame Massat. Le dispositif Pacitel ne fonctionne pas bien, car les démarcheurs n’ont pas l’obligation de consulter la liste des personnes inscrites. Il faut donc rendre obligatoire l’extraction de ces personnes des listings d’appel. Je souhaite que cette disposition figure dans la loi.

Vous avez évoqué le problème des frais bancaires. Je présiderai la commission sur le surendettement dans le cadre de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté avec François Soulage, président du Secours catholique, qui vient d’ailleurs de se prononcer, à titre personnel, en faveur d’un registre national du crédit. Un peu plus de 200 000 dossiers de surendettement ont été ouverts cette année, contre 230 000 en 2011. Cela reste considérable, d’autant qu’en France, l’endettement moyen est de 40 000 euros par dossier, ce qui est bien supérieur à ce que l’on constate dans le reste de l’Europe.

La Banque de France réorganise aujourd’hui son réseau. S’agissant de l’accueil des familles surendettées, un principe a toutefois été retenu, monsieur Pellois : le maintien de tout bureau d’accueil accueillant plus de 1 000 familles par an. Si les centres de gestion seront à l’avenir moins nombreux, il n’est toutefois pas question de réduire la voilure pour ce qui concerne l’accueil des personnes surendettées.

L’actualité en matière de SCOP est particulièrement riche dans votre département, monsieur Jibrayel. J’ai reçu il y a quelques jours à Marseille les salariés de l’usine Fralib qui ont déposé un projet de SCOP. Je puis par ailleurs vous indiquer que la Garde des Sceaux prépare un projet de réforme de la justice commerciale, que je crois nécessaire sans m’avancer davantage sur ce sujet. En tant que ministre de l’économie sociale et solidaire, j’ai pu constater que la justice commerciale aurait besoin d’acculturer la réalité du monde coopératif – je vous laisse la libre interprétation de la formule. Pour faire court, j’ai le sentiment que certaines décisions s’expliquent davantage par des préjugés à l’égard du modèle coopératif que par la réalité du dossier économique proposé.

J’en viens à une question de M. Chassaigne sur la différence entre le droit de préférence et le droit de préemption pour les salariés qui souhaitent s’installer en SCOP. Le droit de préférence dit bien ce qu’il veut dire : à offres égales, le juge doit pencher pour celle qui permet aux salariés de reprendre leur affaire ou leur entreprise. Tel est le droit de préférence que nous entendons créer. Pour qu’il soit effectif, il faut disposer de suffisamment de temps pour formuler une offre à partir du moment où les instances représentatives du personnel (IRP) sont informées par le chef d’entreprise du projet de cession de son activité.

On note aujourd’hui une forte montée en puissance des acteurs de l’ESS dans la création des emplois d’avenir. J’ai signé la semaine dernière avec la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS) d’Île-de-France une convention pour la création de 3 000 emplois d’avenir. La mobilisation ne fait que croître. Mais je tiens à le redire, les acteurs de l’ESS ne se mobiliseront en faveur des emplois d’avenir qu’à condition que les collectivités locales concourent à leur création, non seulement comme employeurs directs, mais aussi comme co-financeurs. Je pense par exemple aux départements dans le secteur sanitaire et social ou médico-social. Je me réjouis que les conseils généraux recrutent des emplois d’avenir, mais ils ont aussi vocation à cofinancer leur création dans le secteur non lucratif.

La BPI jouera bien sûr un rôle dans la création des SCOP. Dès lors que l’on crée un nouveau modèle de SCOP où les salariés seraient minoritaires dans le capital au départ, l’intervention d’un tiers sera nécessaire pour atteindre le seuil fixé. Ce tiers pourra être la BPI, ou un organisme délégataire avec lequel elle travaille.

M. Germinal Peiro. Le secteur coopératif, qui est très développé dans notre pays, en particulier dans le domaine agricole, est exonéré de l’impôt sur les sociétés. Cette exonération a parfois été remise en cause ces dix dernières années. Pouvez-vous nous assurer que le secteur coopératif continuera à en bénéficier ? Bénéficiera-t-il par ailleurs du crédit d’impôt compétitivité emploi ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le crédit à la consommation joue un rôle important dans l’économie française : il permet aux ménages de faire face à leurs besoins et encourage la consommation. C’est donc un moteur de croissance. Le revers de la médaille, c’est qu’il prend des formes qui sont plus ou moins lisibles pour le consommateur. Je pense notamment au crédit renouvelable, qui présente un certain nombre de risques pour les ménages les plus fragiles. 200 000 personnes entrent chaque année dans le surendettement : c’est considérable. Vous avez évoqué une évolution des missions de la DGCCRF, qui permettrait d’améliorer le contrôle en ce domaine. Quelles autres mesures envisagez-vous pour encadrer le crédit renouvelable, et surtout le cumul de ce type de crédits ?

Mon autre question portait sur l’accès aux dispositifs de type OSÉO pour l’ESS. Vous y avez répondu – je vous en remercie.

M. Dino Cinieri. J’évoquerai pour ma part les emplois d’avenir. Lors de votre visite dans le département de la Loire en septembre dernier, vous avez abordé avec les acteurs locaux la situation de l’épicerie sociale et solidaire de la commune de Firminy. Cette structure animée par une équipe de bénévoles est à la fois une épicerie sociale qui pratique des prix bas pour les familles en difficulté et une épicerie de quartier pratiquant des prix normaux pour les familles aux revenus moyens. J’ai rencontré récemment le collectif alimentaire de l’épicerie solidaire des Quatre ponts, qui vient en aide aux plus nécessiteux sur les communes de Saint-Just-Saint-Rambert, Chambles et Saint-Martin. Ces épiceries sont aujourd’hui confrontées à des difficultés financières qui menacent leur pérennité, alors que les populations les plus fragiles en ont un besoin vital. Ma question porte donc sur l’exonération partielle de cotisations et l’utilisation des emplois d’avenir par ces associations, dont les charges et les salaires grèvent fortement le budget. Comment les soutenir ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Les SCOP sont des outils essentiels de redressement économique, mais l’évolution vers le statut de coopérative n’est pas simple. Aussi paraît-il nécessaire de mettre en place un accompagnement institutionnel et financier des entreprises en difficulté qui souhaitent évoluer vers ce statut. Entendez-vous leur proposer des outils juridiques et financiers adaptés ?

Mme Jacqueline Maquet. Le surendettement est à l’origine de nombreuses situations de détresse. Le crédit renouvelable présente des risques, plus encore en cette période de crise où nombre de ménages sont fragilisés. Pourquoi ne pas interdire tout simplement le crédit renouvelable pour promouvoir le seul crédit amortissable, et envisager, pour les personnes très modestes, la création d’un crédit social inférieur à 3 000 euros, avec un taux annuel plafonné et une durée d’amortissement responsable ?

Mme Annick Le Loch. Le 22 novembre dernier, lors du Salon européen de l’éducation, vous avez annoncé avec le ministre de l’éducation nationale la signature prochaine d’un accord-cadre portant sur l’enseignement de l’économie sociale et solidaire à tous les niveaux de la scolarité. Je salue cette initiative, mais j’aimerais connaître les objectifs précis de cet accord-cadre.

Mon autre question concernait le dispositif Pacitel. Vous y avez donc répondu. Plus généralement, comment mettre fin aux démarchages abusifs dont de trop nombreuses personnes sont encore victimes, que ce soit par voie téléphonique ou par voie postale ?

M. Frédéric Roig. L’économie résidentielle et les circuits courts de distribution sont un enjeu essentiel pour le développement de nouveaux modes de consommation, lié, d’une part, au manque de visibilité des variations de prix et de la traçabilité ainsi qu’à la question des marges dans la grande distribution, et, d’autre part, au potentiel de consommation sur des bassins de vie de proximité, synonyme de développement économique local. La réduction des intermédiaires et des coûts de transport pour les entreprises agro-alimentaires de taille intermédiaire ou petite, notamment les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), permet le développement d’une agriculture de qualité dans nos territoires. Avec la politique de labels et l’orientation de certaines filières de l’économie résidentielle, elle contribue aussi à poser la question de la transition énergétique. Il est aujourd’hui nécessaire de continuer à structurer ces nouveaux modes de consommation au travers d’une politique d’investissement, de formation et de développement des entreprises de l’ESS. Nous avons longuement évoqué ce soir ses moyens et ses outils, notamment en matière de réseaux. Comment les articuler avec des dispositifs de droit commun, notamment les dispositifs de micro-crédit ?

Mme Audrey Linkenheld. J’avais prévu, monsieur le ministre, d’attirer votre attention sur l’habitat participatif, qui touche à l’ESS, mais cette question fait certainement partie de celles sur lesquelles vous travaillez avec la ministre du logement, puisqu’elle est à la frontière de vos deux ministères.

Ma seconde question porte sur la partie « consommation » de vos attributions, et plus précisément sur l’assurance emprunteur. Le comité consultatif du secteur de la finance a remis le 24 septembre au ministre de l’économie et des finances un rapport sur l’impact de la loi Lagarde. Celle-ci avait notamment supprimé la possibilité pour les banques d’imposer au souscripteur d’un prêt immobilier l’adhésion au contrat d’assurance proposé par la banque. Or, selon le bilan dressé par le comité consultatif, le comportement des banques est encore loin d’être exemplaire sur ce point. Plusieurs pistes d’amélioration ont été proposées, notamment en ce qui concerne l’information des consommateurs ou le montant des frais de délégation. Le projet de loi sur la consommation comportera-t-il des dispositions sur l’assurance emprunteur ? Quelles sont les pistes de réflexion sur lesquelles vous travaillez ? Envisagez-vous des possibilités de recours pour les consommateurs ou des sanctions pour les banques récalcitrantes ?

M. Régis Juanico. Le Président de la République a indiqué début novembre que le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) s’appliquerait à toutes les entreprises. Or les organismes sans but lucratif telles que les associations ou les mutuelles, qui appartiennent pour la plupart au champ de l’ESS, ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés, mais à la taxe sur les salaires. Rappelons que ces organismes représentent près de 10 % des emplois privés. Ils exercent leur activité dans des secteurs où la concurrence se fait de plus en plus forte : hébergements pour les personnes âgées, établissements de santé, hospitalisation ou aide à domicile... bref, ils sont en concurrence, dans les appels d’offres, avec des sociétés de capitaux qui bénéficieront du CICE sous forme d’une baisse de leur impôt sur les sociétés. Il y a donc un risque de distorsion de concurrence en l’absence de compensation pour ces organismes via un crédit de taxe sur les salaires. Le Gouvernement s’y dit attentif. Nous serons nous-mêmes vigilants : si le Gouvernement ne le prévoit pas lui-même dans le projet de loi, nous déposerons un amendement créant un crédit de taxe sur les salaires, équivalent au crédit d’impôt, pour ces organismes à but non lucratif.

M. le ministre délégué. Les dispositions fiscales en matière d’impôt sur les sociétés sont assez favorables aux coopératives, monsieur Peiro. Quant à savoir si elles pourraient jouir du CICE, c’est un point qui n’est pas tranché à ce jour. J’ai moi-même été saisi par le monde coopératif, et j’en ai bien sûr informé MM. Moscovici et Cahuzac. Les arbitrages seront rendus dans les jours qui viennent. Au regard du régime fiscal des coopératives, il n’est pas certain qu’ils le soient en faveur du monde coopératif.

Le crédit à la consommation a été évoqué par plusieurs d’entre vous. La vraie question posée par le crédit renouvelable est celle du crédit de trésorerie. La part des crédits qui sont souscrits pour rembourser d’autres emprunts tend en effet à augmenter dans le crédit renouvelable. Or souscrire un crédit renouvelable pour payer son loyer ou rembourser un autre crédit, c’est entrer dans un cercle infernal. Nous voulons rompre celui-ci en évitant notamment qu’un prêteur puisse accorder le « crédit de trop » à une personne qui basculera du même coup dans le surendettement. Il n’y a pas de solution unique. Même en créant un fichier positif ou registre national des crédits, nous ne parviendrions pas à éradiquer le phénomène. L’objectif doit donc être de lutter contre ce « crédit de trop ».

Je ne crois pas qu’il faille interdire le crédit renouvelable, madame Maquet : pour un petit montant, il peut répondre parfaitement à un besoin de l’économie ou des familles. C’est un instrument pour faire vivre le crédit à la consommation et permettre aux ménages d’accéder à des biens ou à des services dont ils ont besoin. En revanche, il devient dangereux lorsqu’il est utilisé de manière systématique à d’autres fins. Il faut néanmoins reconnaître que depuis la loi Lagarde, les crédits renouvelables concernent davantage de petits montants. L’encadrement des délais de remboursement a également permis de réduire le coût global du crédit pour les familles. Sur ce point, la loi Lagarde a incontestablement eu des effets positifs. Le projet de loi sur la consommation s’attachera à l’améliorer encore.

Nous pensons en tout cas qu’il convient de maintenir le crédit à la consommation, de même que le crédit renouvelable, mais sous une forme beaucoup plus encadrée que jusqu’à présent.

Quels moyens donner au monde coopératif pour développer l’expertise des solutions qui s’offrent aux SCOP ? J’ai annoncé dernièrement au Congrès de la Confédération générale des SCOP (CGSCOP) l’ouverture de sept chantiers, parmi lesquels la possibilité de créer des groupes de SCOP, le droit de préférence, la possibilité de créer des start up en SCOP. Je tiens cependant à préciser que sans les unions régionales de SCOP (URSCOP), il n’y aurait pas de SCOP. Ces unions régionales jouent en effet un rôle déterminant dans l’accompagnement des salariés qui souhaitent reprendre leur entreprise. C’est pourquoi j’ai annoncé que jusqu’à un million d’euros – contre 50 000 euros aujourd’hui – pourraient être consacrés à la CG SCOP et aux URSCOP pour accompagner les initiatives sur le terrain. Nous allons créer un environnement juridique favorable à la création de SCOP. Encore faut-il que les instruments d’accompagnement s’étoffent.

Le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire s’attachera aussi à promouvoir la reconnaissance légale des CRESS. Nous disposerons ainsi d’un interlocuteur institutionnel reconnu par la loi, vers lequel tout porteur de projet pourra se tourner pour être accompagné dans le montage de celui-ci.

M. Cinieri a évoqué les épiceries solidaires, qui sont d’autant plus nombreuses que les gens ont faim et qu’ils ont peu d’argent pour consommer. Telle est hélas la réalité que nous rencontrons dans le département de la Loire, comme dans nombre de nos territoires. Il n’est que de regarder le nombre de personnes qui sont réduites à fréquenter les Restos du cœur ou les épiceries solidaires pour se procurer non seulement de quoi se nourrir, mais aussi un certain nombre de produits de première nécessité, pour constater que la pauvreté a augmenté en France.

Les épiceries solidaires sont bien sûr éligibles au dispositif des emplois d’avenir. Bon nombre d’entre elles en créent. Un certain nombre d’emplois sur lesquels déboucheront les premières conventions en faveur des emplois d’avenir que j’ai signées depuis le début du mois sont tournés vers ces établissements qui jouent un rôle décisif pour garantir l’accès à la consommation des ménages les plus pauvres et emploient souvent à la fois – à l’instar des grandes associations caritatives – des salariés et des bénévoles. Nous avons donc commencé à préparer – voire à signer – des accords-cadres en matière de création d’empois d’avenir avec tous les grands réseaux de l’ESS. C’est une bonne nouvelle pour les jeunes comme pour le fonctionnement de ces structures.

Je vous confirme que j’ai arrêté le principe d’un accord-cadre sur l’enseignement de l’économie sociale et solidaire avec le ministre de l’éducation nationale, madame Le Loch. Il n’est pas question de nous substituer à la Commission nationale des programmes pour décider ce qui devra figurer dans les programmes scolaires ou dans les manuels : à elle de voir comment enseigner la « biodiversité économique » dans le cadre des cours d’économie. Pour avoir une stratégie de croissance inclusive et développer un secteur qui pèse 10 % du PIB, commençons par dire aux élèves qu’il existe ! Tel n’est pas le cas aujourd’hui : les seuls modèles d’entreprises enseignés sont les modèles d’entreprises classiques de sociétés par capitaux. Les sociétés de personnes concourent pourtant elles aussi à la création d’emplois, de richesses et de valeur. C’est le sens de cet accord-cadre.

Pour votre information, on recense aujourd’hui 72 masters d’économie sociale ou liés à l’entrepreneuriat social. De plus en plus d’écoles de commerce forment à ces disciplines ou au management spécifique des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Ce développement des outils de formation est au diapason de la réalité d’un secteur qui aspire à se développer, mais aussi de celle des politiques publiques nouvelles portées par ce Gouvernement.

Frédéric Roig connaît bien l’économie sociale et solidaire. J’ai eu l’occasion de m’intéresser aux expérimentations conduites dans son département. Le Languedoc-Roussillon est à cet égard une région aussi dynamique que toutes les autres… Permettez-moi de prendre un exemple pour illustrer ce dont nous avons besoin avec la BPI. Elle devra répondre aux besoins en financement importants, de l’ordre de 15 à 20 millions d’euros par exemple, de tel grand établissement mutualiste qui veut créer un établissement intergénérationnel, allant de la crèche à la prise en charge de personnes âgées dépendantes ou en perte d’autonomie, tout en continuant – directement ou par le biais d’organismes délégataires tels que les agences départementales d’insertion (ADI) – à faire du micro-crédit pour favoriser puis consolider la création de quelques emplois dans des circuits courts ou dans l’économie résidentielle. Cet équilibre ne sera pas facile à trouver. C’est pourquoi nous travaillons à doter la BPI d’une ingénierie particulière.

L’assurance emprunteur ne figurera pas dans le projet de loi sur la consommation, madame Linkenheld, mais dans le projet de loi bancaire, qui imposera à l’établissement prêteur des délais pour l’instruction de la demande d’assurance déléguée, et interdira la perception de frais liés à l’étude d’une demande d’assurance déléguée lors de la conclusion du prêt. Nous améliorerons ainsi l’application de la loi Lagarde. Nous sommes ici dans le même cas de figure que pour l’offre alternative de crédit renouvelable ou amortissable : certaines dispositions de la loi relèvent trop de la bonne volonté des établissements de crédit. Il faut donc mieux encadrer la pratique, qui reste trop loin de la lettre de la loi.

M. le président François Brottes. Vous vous êtes montré particulièrement rigoureux dans vos réponses et très à l’écoute de la Commission, monsieur le ministre. Je vous en remercie. Ces sujets concrets nous passionnent, car nous y sommes confrontés tous les jours dans nos permanences.

Nous attendons donc de pied ferme le grand projet de loi sur la consommation que vous nous présenterez au premier trimestre 2013.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 27 novembre 2012 à 17 heures

Présents. - M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Joël Giraud, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Razzy Hammadi, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier

Excusée. - Mme Ericka Bareigts

Assistaient également à la réunion. - M. Régis Juanico, M. Christophe Léonard, M. Jean-René Marsac