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Commission des affaires économiques

Mardi 4 décembre 2012

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 31

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l’égalité des territoires et du logement, chargé de la ville

La commission a auditionné M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l’égalité des territoires et du logement, chargé de la ville.

M. le président François Brottes. Avant de donner la parole à M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville, je souhaite la bienvenue à M. Jacqui Drollet, président de l’Assemblée de la Polynésie française, accompagné de Mme Jeanne Santini, secrétaire générale de cette assemblée, qui nous font l’honneur d’assister au début de cette audition. M. Drollet a signé hier avec le président Bartolone une convention de partenariat entre l’Assemblée de la Polynésie française et l’Assemblée nationale. Nous sommes heureux de resserrer ainsi les liens avec la Polynésie française, territoire que nous avons encore évoqué il y a peu, lors de la discussion du projet de loi sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement, et nous vous remercions de votre présence.

Je propose aux membres de la Commission de constituer un groupe de suivi de la mise en œuvre de l’accord entre l’État et le groupe ArcelorMittal. Il me semble que cela s’inscrit pleinement dans notre fonction de contrôle de l’action du Gouvernement. Je demande donc aux groupes politiques – désormais au nombre de sept – de me faire connaître, si possible d’ici demain, les noms des collègues qui seraient intéressés.

M. Lionel Tardy. Deux missions d’information dites « flash » viennent d’être lancées, l’une sur le renouvellement des concessions hydrauliques et l’autre sur la régulation dans le secteur des télécommunications. Si je ne me trompe, aucun co-rapporteur n’a été désigné au titre de l’opposition. Quand comptez-vous procéder à ces nominations ? C’est d’autant plus important que les auditions de Mme Marie-Noëlle Battistel sur les concessions hydrauliques ont déjà commencé, et que celles de Mme Corinne Erhel sur les télécommunications débuteront sous peu.

M. le président François Brottes. J’ai en effet souhaité que des rapporteurs issus de l’opposition puissent être désignés pour ces missions d’information « flash ». Il s’agit de Mme Laure de La Raudière pour la mission sur la régulation dans le secteur des télécommunications et de M. Éric Straumann pour celle qui portera sur le renouvellement des concessions hydrauliques. Ces missions courtes n’obéissent pas à des règles de composition très formelles, car elles doivent rendre leurs conclusions dans des délais rapides. Je ne suis cependant pas opposé à ce qu’un autre collègue y participe. L’important est que le travail soit conduit de façon pluraliste.

Mme Laure de La Raudière. Nous pouvons informer tous les membres de la Commission des auditions programmées et les y inviter.

M. le président François Brottes. C’est bien ainsi que nous procédons.

J’en viens à la politique de la ville, monsieur le ministre délégué. Nous avons lancé au début de la législature une mission d’information classique, de six mois, sur les zones franches urbaines (ZFU). Elle est présidée par M. Michel Sordi et le rapporteur en est M. Henri Jibrayel, qui nous fera tout à l’heure un point d’étape sur ses travaux.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Plus de huit millions de nos concitoyens habitent des quartiers relevant de la politique de la ville. Ils subissent au quotidien des inégalités persistantes, que les politiques conduites depuis dix ans n’ont pas vraiment permis de réduire. Il existe 751 zones urbaines sensibles (ZUS), rassemblant au total 4,7 millions d’habitants, auxquelles s’ajoutent 467 contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), 100 zones franches urbaines (ZFU), et 416 zones de redynamisation urbaine (ZRU). C’est donc un territoire assez vaste qui est couvert par cette politique. Le Gouvernement a ouvert en outre un certain nombre de chantiers depuis le début de la législature. Il a mis en place les zones de sécurité prioritaires (ZSP), ainsi que les emplois d’avenir, qui concernent directement les jeunes issus de ces secteurs ; les créations de postes dans l’Éducation nationale ont bénéficié assez largement à ces territoires ; la péréquation, enfin, tend à rééquilibrer le rapport entre les territoires les plus riches et ces secteurs qui comptent souvent parmi les plus pauvres.

Vous avez bien sûr une feuille de route, qui vous a conduit à lancer une vaste concertation. Où en êtes-vous dans la mise en œuvre de l’une, et quels premiers enseignements tirez-vous de l’autre ?

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Le constat que vous avez dressé peut être complété par deux documents. Le premier est le rapport annuel que l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) m’a remis il y a deux semaines, qui fait état d’une progression de 6 points du taux de chômage dans les quartiers dits populaires ou en difficulté depuis 2008, contre 2,3 points en moyenne nationale. La crise frappe donc plus durement dans ces quartiers qu’ailleurs. Le deuxième document auquel nous pouvons nous référer est le rapport que la Cour des comptes a rendu public en juillet dernier. Il porte sur la politique de la ville un regard plutôt sévère, puisqu’il montre qu’en dépit des efforts consentis en matière de rénovation urbaine, la situation sociale dans les quartiers concernés n’a pas évolué. J’observe néanmoins qu’il est difficile d’avoir un suivi précis des populations concernées, puisque les familles dont la situation s’améliore ont tendance à quitter ces quartiers pour être remplacées par des familles encore moins favorisées. Ces territoires concentrent donc toujours les difficultés, mais celles-ci sont le fait d’une population qui se renouvelle.

Suite à ce rapport, j’ai souhaité que soit dressé un « état des lieux » de la politique de la ville. Ce qui caractérise cette politique, c’est en effet la superposition des actions et des dispositifs, à tel point qu’elle est devenue illisible.

Permettez-moi, monsieur le président, de compléter les chiffres que vous avez donnés. Aux 751 ZUS, aux 416 zones de redynamisation et aux 100 zones franches urbaines que vous avez mentionnées, il convient d’ajouter 595 quartiers en rénovation urbaine et 2 492 en contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) ; ces mêmes CUCS concernent 497 villes : 263 ont été signés par une commune seule, 204 par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et 30 par plusieurs communes sans leur EPCI de rattachement. J’ajoute qu’un CUCS sur cinq est cosigné par le conseil régional, et un sur trois par le conseil général. La caisse d’allocations familiales (CAF) ne signe les CUCS que dans 42 % des cas, et les bailleurs sociaux dans 26 % des cas.

Dépourvue d’unité, la politique de la ville n’est pas pour autant adaptée aux situations locales, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Elle est le fruit de l’histoire, et c’est à juste titre que l’on peut parler de « millefeuille ». De l’avis général des acteurs du secteur, il faut donc la revoir dans son ensemble.

La première priorité dans cette entreprise sera de mobiliser les ressources du droit commun. La Cour des comptes constate en effet que les ministères et les opérateurs agissant au nom de l’État en font globalement moins dans les quartiers populaires que dans les autres quartiers. La raison en est simple : la plupart du temps, nos politiques sectorielles ne sont pas territorialisées et ne reconnaissent donc pas les fractures territoriales. Remédier à ce défaut est aujourd’hui un enjeu majeur. C’est ce que nous avons fait pour les emplois d’avenir, et c’est ce que je me fixe comme objectif au travers de deux outils.

Le premier est la signature, d’ici à la fin janvier, de conventions entre le ministère de la ville et les principaux ministères concernés par la politique de la ville – logement bien sûr, intérieur, emploi, santé, éducation, justice, culture, droits des femmes, vie associative et sports... Vendredi dernier, le Premier ministre a adressé à tous une circulaire pour engager le travail. Ces conventions comporteront à la fois des objectifs opérationnels et des engagements précis quant aux crédits et aux effectifs affectés aux politiques de droit commun dans les quartiers. Les objectifs s’inscriront dans un cadre triennal et seront évaluables chaque année.

Le deuxième outil est le futur contrat de ville – la dénomination n’est pas encore définitive. Ce contrat sera signé plutôt au niveau intercommunal ; ses deux opérateurs seront le préfet et le maire de la commune concernée. Je souhaite qu’il soit obligatoirement signé par un certain nombre de directions départementales ou régionales dépendant d’autres ministères, ainsi que par des opérateurs comme la CAF, Pôle Emploi ou les agences régionales de santé (ARS). Je discute actuellement avec l’Association des régions de France (ARF) et avec l’Assemblée des départements de France (ADF), afin d’obtenir que les régions et les départements soient également tous signataires. Ces contrats porteront à la fois sur des opérations de rénovation urbaine, sur des actions de mobilisation du droit commun et sur des actions spécifiques à la politique de la ville. Je souhaite qu’ils soient mis en œuvre au sortir des élections municipales et sur la durée du nouveau mandat, afin que les élus puissent en définir leur propre vision.

La mise en œuvre de ces contrats de ville devra se fonder sur une réforme de la géographie prioritaire. Nous devons raisonner davantage en termes de territoires qu’en termes de zones ou de morceaux de quartiers. Il faudra bien sûr comparer la situation de ces zones avec celle qui était la leur en 1996, date à laquelle ont été définies les zones urbaines sensibles (ZUS). C’est l’objet des travaux de la commission sur les critères que pilote – notamment – M. Claude Dilain, dans le cadre de la concertation que j’ai lancée le 11 octobre à Roubaix. La technique que nous employons est celle du carroyage, qui consiste à partager chaque zone en carreaux de 200 mètres de côté, à l’intérieur desquels nous observons une série de critères sociaux – pourcentage de population dont les revenus sont inférieurs au revenu médian, taux de chômage… Cela nous permettra d’arrêter la liste des quartiers éligibles en fonction de leur situation sociale. Je sais que ces cartes suscitent des inquiétudes, et je tiens donc à vous rassurer : les communes où subsistent des poches de pauvreté importantes resteront dans le périmètre de la politique de la ville. Mais d’autres ont vu leur situation changer. Certains quartiers disparaîtront donc du périmètre de la politique de la ville à l’issue de la concertation, mais d’autres y feront leur entrée – ce sera sans doute le cas de certaines villes moyennes, ainsi que de centres-villes où des poches de paupérisation sont apparues.

Ce travail en vue de réformer la géographie prioritaire suit son cours. Près de 2 500 quartiers sont aujourd’hui concernés par un CUCS : il est possible que nous ayons 2 500 contrats de ville à l’arrivée. C’est dans ce cadre qu’interviendront le droit commun et le droit commun renforcé. Les crédits de la politique de la ville interviendront en revanche sur les quartiers les plus prioritaires que la concertation aura permis de définir. L’effet de levier des crédits spécifiques à cette politique sera ainsi plus important, et les moyens consacrés aux quartiers prioritaires pourront être accrus.

La concertation devrait s’achever fin janvier. Elle débouchera sur des décisions au cours d’un comité interministériel que le Premier ministre présidera début février et, si nécessaire, sur des mesures législatives dans le courant du premier semestre 2013.

La péréquation est un élément important de la politique de la ville. Le Gouvernement a d’ailleurs proposé au vote du Parlement, dans la loi de finances, une augmentation historique de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de développement urbain (DDU). Nous aurons l’occasion d’en reparler : je proposerai que les 25 millions dont vous avez accru la DDU soient plus spécialement affectés aux 50 communes les plus pauvres. Une circulaire sera par ailleurs adressée aux préfets afin d’assouplir l’attribution de cette dotation et de la déplafonner. Sur certains projets, il est en effet difficile de distinguer ce qui relève de l’investissement et ce qui relève du fonctionnement.

L’exécution du premier programme national de rénovation urbaine (PNRU) se poursuit. Son financement est assuré pour les trois prochaines années, grâce à la lettre d’engagement mutuel qu’ont signée la ministre de l’égalité des territoires et du logement et Action Logement, qui s’engage à hauteur de 800 millions d’euros. J’ai pour ma part l’assurance de disposer chaque année, si besoin est, des 250 à 300 millions de l’État nécessaires pour mener des opérations à bonne fin.

Les élus attendent maintenant une nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain. C’est un travail qu’il nous faudra entamer en 2013. Un certain nombre de ZUS n’ont en effet pas été touchées par ces opérations, et certains quartiers doivent être terminés. Nous devrons trouver le dispositif et les financements pour parachever la réussite que constituent ces recompositions et restructurations de quartiers dans de nombreuses villes de France.

Je vous précise pour finir que j’ai confié à M. François Pupponi mission de me faire des propositions en vue d’améliorer les outils de la péréquation, dans le cadre de la concertation. J’ai également confié à l’ONZUS, présidé par Mme Bernadette Malgorn, une mission d’évaluation de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Il s’agit de collecter les évaluations parcellaires qui ont déjà été faites afin de pouvoir vous présenter un bilan global.

M. le président François Brottes. Nous recevrons Mme Malgorn demain matin.

Avant de donner la parole aux représentants des groupes et à nos collègues qui souhaitent s’exprimer, j’invite M. Henri Jibrayel, rapporteur de la mission d’information sur les zones franches urbaines, à nous présenter le point d’étape que j’ai annoncé.

M. Henri Jibrayel, rapporteur de la mission d’information sur les zones franches urbaines. J’ai grand plaisir à travailler avec le président Michel Sordi. Nous nous sommes rendus il y a peu à Mulhouse, dans son département, où nous avons visité une zone franche qui a pleinement atteint ses objectifs.

Alors que les zones franches ont été créées en 1996, le dispositif n’avait encore fait l’objet d’aucune évaluation. Or ces zones souffrent de trois défauts principaux. Le premier est le manque d’information. Par exemple, il n’existe pas de site Internet spécifique. Les chefs d’entreprise travaillent donc à vue, et sont souvent contraints d’aller à la pêche aux informations dans des conditions difficiles. C’est particulièrement regrettable. Le deuxième problème réside dans les changements successifs de modalités de financement depuis la création des zones franches. Cette instabilité ne peut que perturber et pénaliser les entreprises. Le troisième défaut est l’absence d’outils de contrôle. Aucun des acteurs que nous auditionnons n’est en mesure de nous fournir une évaluation précise du nombre d’entreprises ou d’emplois créés. Bref, on a laissé les chefs d’entreprise, les associations, les préfectures et les élus dans un no man’s land.

Le bilan des zones franches est donc mitigé, et l’on assiste à des détournements dans certaines zones. Les professions libérales – médecins, avocats – s’y installent en nombre, d’aucuns se bornant à y avoir leur boîte à lettres. En revanche, la zone franche que nous avons visitée à Mulhouse est une réussite. On y dénombre 2 500 salariés. Elle a d’autre part fait l’objet d’une requalification urbaine, avec la création de jardins ouvriers et la rénovation de la Cité des Coteaux. Nous avons rencontré des chefs d’entreprise qui ont embauché de nombreux jeunes de la cité. L’objectif est ici pleinement atteint. Mais je l’ai dit, c’est loin d’être le cas partout. Les représentants associatifs de la ZFU de Clichy-Montfermeil, que nous avons reçus récemment, nous ont ainsi fait part de leur déception : ils n’ont pas les outils qu’il faudrait, et le taux de chômage sur le périmètre éligible reste très élevé.

Nous devons avant tout rassurer les chefs d’entreprise, qui sont d’autant plus inquiets que la fin des zones franches est annoncée pour 2014, et qu’aucun dispositif ne semble devoir leur succéder. Or, au-delà de la rénovation urbaine, ces zones franches ont tout de même permis un certain nombre de réalisations et de créations d’emplois – 14 000 sur les deux zones franches de Marseille, aujourd’hui en plein essor.

Nous avons prévu de nous rendre encore à Lille, à Toulouse, à Nîmes, à Marseille, à Bordeaux et en Martinique. Nous avons en effet besoin d’aller sur le terrain pour dresser un bilan complet que nous devrions remettre au président Brottes et à vous-même, monsieur le ministre délégué, au mois de mars. Cette mission d’évaluation était indispensable pour mettre fin à la navigation à vue qui semble souvent prévaloir. Nous ne pouvons accepter que les emplois ne soient pas au rendez-vous dans certaines zones.

M. Michel Sordi, président de la mission d’information sur les zones franches urbaines. Le dispositif des zones franches avait deux objectifs, la mixité urbaine et l’emploi. Il a en effet bien fonctionné à Mulhouse : les investisseurs sont venus. Sans le dispositif de la ZFU, ils n’auraient construit ni ces bâtiments, ni ces bureaux, ni ces entreprises, et cela aurait été un manque à gagner pour les entrepreneurs du secteur des travaux publics et du bâtiment, mais aussi en termes d’activité.

La question de l’emploi est plus délicate. Les professions libérales qui s’installent en ZFU ont du mal à trouver sur place les qualifications qu’elles recherchent, mais cela ne les a pas empêchées d’honorer leurs objectifs au travers d’emplois de secrétariat ou d’entretien. D’autres entreprises ont pleinement rempli leurs objectifs d’insertion. Je pense par exemple à une boulangerie que nous avons visitée.

Nous allons continuer notre « tour de France » afin de pouvoir vous présenter un bilan qui tienne compte du « rapport qualité-prix » des ZFU. Nous tenons en tout cas à vous remercier de nous avoir reçus l’autre jour, monsieur le ministre délégué.

M. le ministre délégué. Vous nous dites que les chefs d’entreprise s’inquiètent de l’avenir des ZFU, monsieur Jibrayel. Permettez-moi de rappeler que c’est le précédent gouvernement qui a pris la décision de les supprimer à compter de la fin 2014. La question qui se pose est de savoir si nous pouvons trouver un dispositif de substitution, sachant que les zones franches coûtent tout de même 400 millions d’euros par an. Pour mémoire, l’ensemble des crédits de la politique de la ville, volet prévention de la délinquance compris, s’élèvent à 525 millions d’euros. Il faut donc évaluer précisément l’impact de chaque euro dépensé pour ce dispositif.

Visitant moi-même un ou deux quartiers par semaine, je rejoins M. Henri Jibrayel sur l’absence totale d’évaluation au niveau local. On peut dire que le dispositif fonctionne là où les collectivités locales investissent elles-mêmes pour favoriser l’implantation d’entreprises. Lorsque j’ai interrogé les chefs d’entreprise de Marseille sur l’apport de la ZFU, ils ont évoqué les bâtiments construits pour la pépinière, les lignes de bus ouvertes pour désenclaver le quartier, la sécurisation et l’embellissement de l’espace public – bref, tous les facteurs nécessaires à l’implantation d’une entreprise. Ils ne m’ont en revanche pas parlé du dispositif d’exemption. Celui-ci a en effet pour seule vocation de servir de levier. Cela explique que les ZFU n’aient pas fonctionné là où l’on s’est contenté de décréter l’exemption et d’attendre que les emplois poussent tout seuls. Non seulement les emplois ne sont pas venus, mais cela a provoqué des effets pervers : ainsi médecins généralistes et avocats se sont concentrés dans les zones urbaines sensibles en désertant les secteurs périurbains.

Il nous faudra donc imaginer un dispositif complet, qui ne se limite pas aux exemptions. Les collectivités locales doivent prendre des engagements pour favoriser le développement économique, le mécanisme servant alors de levier. Sans doute faut-il également en exclure certaines professions – il est rare qu’un cabinet d’avocats trouve du personnel compétent dans les zones urbaines sensibles – afin de mettre fin aux effets d’aubaine.

Je suis heureux de vous annoncer que nous allons expérimenter à Marseille, Amiens, Clichy et Grenoble un dispositif d’« emplois francs » dans lequel la logique se trouvera inversée dans l’espoir qu’elle se révèle plus vertueuse : les exemptions seront attachées à la personne, et non au lieu d’implantation de l’entreprise, puisqu’elles concerneront les jeunes, issus des quartiers, embauchés en contrat à durée indéterminée (CDI) par une entreprise, où que celle-ci se situe.

M. Lionel Tardy. Je m’exprimerai à la fois au nom de mon groupe – le Rassemblement-UMP – et au nom du groupe UMP.

La Cour des comptes a rendu public en juillet un rapport qui dresse de la politique de la ville un bilan mitigé. À côté de réels succès, il y a de fait de vraies insuffisances. Il reste donc beaucoup à faire. La Cour a formulé un certain nombre de préconisations, dont plusieurs me semblent importantes.

Les dispositifs de la politique de la ville sont trop nombreux et trop éclatés. On finit par ne plus s’y retrouver. Il est donc nécessaire d’y introduire un minimum de cohérence. Le sujet n’est pas nouveau, mais rien n’a bougé à ce jour. Le début de la législature est le meilleur moment pour remettre à plat et rationaliser les différents dispositifs. Quels sont votre plan d’action et votre calendrier à cet égard ?

Je souhaite ensuite vous interroger sur le rapprochement entre les différentes agences, et notamment entre l’ANRU et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ). Que comptez-vous faire sur ce point, et selon quel calendrier ?

La Cour des comptes a aussi soulevé la question de la coordination et de l’impulsion politique au niveau national. La coordination interministérielle est notamment jugée insuffisante. Comment comptez-vous y remédier, sachant que le sujet relève davantage, il est vrai, du Premier ministre ?

Un autre problème est celui de l’évaluation. La Cour considère que nombre d’actions engagées par des associations sont insuffisamment encadrées au début et mal évaluées par la suite. Il semble plus que nécessaire de « muscler » les conventions passées entre l’État et ces associations, dont le rôle est important. L’évaluation sera d’autant plus aisée que la convention aura été précise. Que comptez-vous faire au niveau des services centraux afin d’améliorer ce point ?

M. François Pupponi. Vous avez lancé une grande concertation sur l’avenir de la politique de la ville. Un bilan à mi-parcours en a été dressé il y a quelques jours. Une question émerge régulièrement de la réflexion : vaut-il mieux contractualiser avec l’intercommunalité ou avec la commune ? Les maires redoutent bien sûr d’être dépossédés de cet aspect important de leur politique. Quelle est votre position, et quelles sont les pistes explorées ? Il semble que l’on parle plutôt de l’intercommunalité.

D’autre part, quelle serait la durée du nouveau contrat envisagé ? Quelles sont les pistes de réflexion, sachant que le rapport de la Cour des comptes et celui que j’avais rédigé avec François Goulard sous la précédente législature ont relevé l’absence d’objectifs au moment de la contractualisation et d’évaluation après la mise en œuvre ? Allez-vous enfin proposer la fixation d’objectifs chiffrés, dont la réalisation puisse être contrôlée ?

Pouvez-vous nous en dire plus sur les « emplois francs » ? Quand les premières expérimentations seront-elles lancées ?

Les premiers contrats pour les emplois d’avenir viennent d’être signés. Comment ferez-vous en sorte que ces emplois soient réservés en priorité aux habitants de ces territoires, ainsi que vous vous y êtes engagé ? Comment le contrôle sera-t-il effectué ?

En matière de renouvellement urbain, vous avez obtenu que les financements soient assurés pour les deux prochaines années. En effet, contrairement à ce qui a pu être dit, ce n’était pas acquis à votre arrivée. Action Logement versera 800 millions d’euros, avez-vous déclaré, l’État complétant en fonction des besoins et des « pics de financement » de l’ANRU. Mais vous estimez qu’il est indispensable d’ouvrir une nouvelle phase d’opérations de renouvellement urbain. Pouvez-vous nous donner un calendrier précis, ou faudra t-il attendre pour le connaître la clôture de la réflexion sur la politique de la ville ?

La situation économique et sociale dans ces territoires reste extrêmement difficile. Comment concevez-vous l’action que doit mener le Gouvernement pour l’améliorer ? Si le renouvellement urbain est une réussite, l’ANRU a trop négligé cet aspect du problème : il fait bon vivre dans un quartier rénové, mais un chômeur y reste un chômeur ! Comment la nouvelle phase d’opérations de renouvellement urbain pourrait-elle prendre en compte ces difficultés sociales ?

Mme Brigitte Allain. Ce qu’on appelle politique de la ville recouvre en fait les efforts de l’État et des collectivités pour essayer de réparer les erreurs commises pendant les Trente Glorieuses, qui ont abouti à la création de poches urbaines, souvent enclavées, où étaient mis à mal aussi bien les hommes que le principe d’égalité républicaine. Face à ce constat d’échec, vous proposez en premier lieu, monsieur le ministre délégué, le « dézonage » des territoires définis comme « sensibles ». Cette opération ne va-t-elle pas être au détriment des jeunes des ZUS, déclarés prioritaires pour l’accès aux emplois d’avenir ? N’aurez-vous pas plus de mal à agir en faveur des établissements scolaires en difficulté, des déserts médicaux et des zones souffrant d’un déficit de services sociaux, périscolaires, culturels et sportifs ? Quels nouveaux critères allez-vous définir pour cela ?

En second lieu, et c’est peut-être la réponse aux questions précédentes, vous préconisez la conclusion de contrats de territoire. L’approche nous semble intéressante dans la mesure où elle permettra de créer des synergies entre les acteurs et de rapprocher les centres-villes des quartiers périphériques. Certains instruments pourront y contribuer : ainsi le développement d’une éducation vraiment prioritaire peut favoriser une plus grande mixité des établissements, une amélioration du taux d’encadrement, le développement de l’offre d’enseignement particulier de haut niveau et le retour à des établissements de taille humaine.

À l’opposé de la logique purement financière des zones franches, on peut aussi encourager l’implantation d’activités dans les quartiers populaires en modulant des aides en fonction de leur impact social, comme le fait l’Union européenne. Cela favorisera la création d’emplois qualifiés pourvu qu’on sache mobiliser les habitants, mais aussi les collectivités, les associations et les entreprises existantes. Il conviendra également de faire une place aux réseaux de l’économie sociale et solidaire dans les appels d’offres et de solliciter la Banque publique d’investissement.

Pour désenclaver certains quartiers, il faut accroître l’offre de transport, en particulier grâce à des navettes inter-quartiers plus fréquentes et dont les passages seraient mieux répartis sur la journée. Mais, dans les villes situées en milieu rural, les transports ferroviaires sont en totale inadéquation avec les besoins. Au niveau départemental comme au niveau régional, le séquençage ne tient plus compte des relations entre les petites villes, ce qui nuit au développement de celles-ci. Un progrès sur ce point les rendrait plus attrayantes, ce dont profiteraient les grandes agglomérations.

Comment envisagez-vous la concertation avec les citoyens sur tous ces sujets ? Quels outils communs envisagez-vous entre zones urbaines et zones rurales afin d’assurer l’égalité entre tous les territoires ?

M. André Chassaigne. L’appel à de nouvelles parties prenantes pour les contrats de ville n’est-il pas le signe que l’État n’a plus les moyens d’assurer lui-même certains financements ? Cela étant, l’élargissement des zones urbaines prioritaires peut aider à la résorption de ghettos qui n’ont que trop tendance à s’étendre.

Quant à l’évaluation, elle est sans doute nécessaire, mais il faut être attentif à ce qu’elle ne brise pas les dynamiques qui se sont imposées depuis plusieurs années, en matière immobilière par exemple. Ne cassons surtout pas la mobilisation des associations de proximité !

Le premier programme national de rénovation urbaine (PNRU) arrivant à son terme, il avait été décidé, en 2010, que l’ANRU lancerait un deuxième programme. Les nouveaux contrats dont vous avez parlé concerneront-ils les zones déjà couvertes par le premier ? L’évaluation n’est-elle pas susceptible de bloquer des opérations en cours, comme le chantier ANRU 1 à Thiers ? Mais, M. Pierre Sallenave, directeur général de l’Agence, qui se rendra sur place la semaine prochaine, nous donnera peut-être des informations à ce sujet.

Beaucoup s’inquiètent aussi de la rénovation de quartiers délabrés, telle la cité Gagarine à Ivry-sur-Seine, ou demandent une extension du plan national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), qui ne concerne aujourd’hui que vingt-cinq quartiers. Ces interrogations, est-il besoin de le préciser, portent avant tout sur le financement des opérations. Si celles-ci devaient être remises en cause, ce serait une catastrophe pour les collectivités et associations concernées et, bien évidemment, pour les habitants qu’on priverait de logements dignes. J’ajoute que les problèmes de voirie et d’accessibilité provoqués par les travaux en cours obligent pratiquement à mener ces opérations à terme.

Enfin, le traitement des logements insalubres est une urgence sociale. Récemment, l’incendie d’un immeuble délabré a fait deux morts et deux blessés à Saint-Denis et, au cours des dix dernières années, ce sont trente personnes qui sont mortes pour les mêmes raisons dans cette ville, et six autres à Pantin l’an dernier. Bref, l’insalubrité des logements a causé trop d’accidents dramatiques. En raison de la pénurie de logements et des prix du parc privé, des familles modestes, des travailleurs pauvres, des chômeurs ou des sans-papiers s’en remettent à des marchands de sommeil qui les logent dans des conditions indignes et dangereuses. Qu’entendez-vous faire en leur faveur dans le cadre de la politique de la ville aussi bien qu’en liaison avec le ministère du logement ?

M. le ministre délégué. Comme l’a indiqué la Cour des comptes, monsieur Tardy, il y a en effet trop de zones, qui se superposent et dont certaines ont d’ailleurs perdu toute réelle pertinence – ainsi les zones de redynamisation urbaine. La réforme de la géographie urbaine prioritaire, préparée par l’ancien gouvernement – qui avait pour ce faire missionné M. Gérard Hamel, président de l’ANRU –, a été abandonnée en 2009 pour être reportée, sur décision du Premier ministre d’alors, à la fin de 2014. Le Gouvernement, lors du conseil des ministres du 22 août, a décidé de la reprendre : une nouvelle géographie prioritaire, fondée sur des critères objectifs, sera donc proposée à la fin du mois de janvier prochain, à l’issue de la concertation en cours, avant d’être soumise à un comité interministériel des villes au début du mois de février. Elle trouvera ensuite sa traduction législative dans un texte relatif à l’égalité des territoires ou au logement, avant la fin du premier semestre de 2013.

Grâce à la circulaire du Premier ministre du 30 novembre dernier, je signerai des conventions avec les différents ministères concernés, l’enjeu étant, comme le souligne la Cour des comptes, de mobiliser le droit commun dans les quartiers concernés par la politique de la ville. Celle-ci n’a pas vocation à se substituer aux politiques d’emploi, d’éducation ou de sécurité : elle doit plutôt en être un levier. J’en veux pour preuve, outre l’action interministérielle, les conventions que mon ministère signera avec des agences et des opérateurs de l’État. L’une d’entre elles, par exemple, vise à assurer une présence pérenne des agents de Pôle emploi dans les zones urbaines sensibles.

Le ministère de l’intérieur a choisi les zones de sécurité prioritaires en concertation avec le ministère de la ville. Il s’agit maintenant de définir les conditions d’une action cohérente de ces deux ministères, ainsi que du ministère de la justice, en matière de prévention et de répression. Bref, la mobilisation interministérielle est totale, la circulaire définissant un cadre très précis et concret pour les conventions. Certes, il faudra bousculer un peu les habitudes de certaines administrations, qui n’ont pas pour habitude de territorialiser leurs interventions.

Même si les futurs contrats devront conjuguer rénovation urbaine et cohésion sociale, l’ANRU et l’ACSÉ ont des rôles très différents et ne sont pas de taille comparable. Je ne suis donc pas favorable à leur rapprochement. La meilleure solution, à mon sens, est de modifier l’ACSÉ, en la rapprochant notamment du Secrétariat général du Comité interministériel des villes (SG-CIV), afin de disposer d’un outil plus musclé. Dans le cadre du dialogue interministériel en cours, l’objectif est d’avoir un outil mieux adapté aux besoins du terrain, notamment dans les départements.

Sur l’évaluation de l’action des associations, je ne partage pas l’avis de la Cour des comptes. Depuis dix ans, les associations ont vu leurs crédits diminuer de 15 à 30 %, quand elles n’ont pas disparu. Certaines d’entre elles œuvrent sur le terrain depuis des années, et de façon remarquable. La logique bureaucratique qui consiste à leur demander de faire leurs preuves chaque année est néfaste, car elles ont avant tout besoin de visibilité. Dans cette optique, j’ai donné pour consigne aux administrations placées sous ma responsabilité de privilégier les conventions pluriannuelles d’objectifs, lesquelles seront de toute façon évaluées. J’ajoute que cette logique d’évaluation trop systématique cantonne l’ACSÉ à un rôle purement administratif, alors qu’il devrait être d’animation sociale.

Mon projet, monsieur Pupponi, est que la contractualisation intervienne au niveau intercommunal, avec un co-pilotage du préfet même si le maître d’œuvre de la politique de la ville reste évidemment le maire. Une difficulté demeure, toutefois, en région Île-de-France où les intercommunalités sont souvent trop petites et ont parfois été créées par rejet de l’autre. On ne résoudra pas les problèmes sociaux à Clichy-sous-Bois/Montfermeil ou à Grigny/Viry-Châtillon, par exemple, tant que ces collectivités fonctionneront en vase clos. Il faudra donc adopter là d’autres périmètres pour la contractualisation. Je souhaite en tout cas que le projet de loi dit « Duflot 2 » contienne des mesures en faveur de la mixité sociale, avec des règles d’attribution des logements sociaux plus claires.

La durée des nouveaux contrats sera celle du mandat municipal, à savoir six ans. Aux objectifs nationaux en termes d’emploi, d’éducation, de sécurité de santé ou de culture – celle-ci étant à mes yeux un puissant outil d’animation dans les quartiers –, seront adjoints au niveau local des objectifs plus précis.

Le désenclavement, qui passe par le développement des transports collectifs, est un enjeu majeur qui, malheureusement, n’a pas été reconnu comme tel jusqu’à présent.

La question des emplois francs sera traitée dans le cadre du texte relatif aux contrats de génération. Les expérimentations pourront ainsi commencer dès le 1er mars prochain dans les quatre villes que j’ai citées, choisies en raison de la diversité de leur taille et de leur degré de dynamisme économique. J’ai obtenu de Bercy que ces emplois soient financés par une partie des sommes correspondant aux exonérations de cotisations patronales dans les ZFU, dont l’extinction est programmée. Mais il faudra bien évidemment vérifier que le dispositif ne génère pas d’effets pervers.

Le soutien au développement économique dans les quartiers ne peut se limiter à des dispositifs d’exonération fiscale : il passe aussi, par exemple, par le désenclavement. J’ai souhaité, et l’Assemblée m’a suivi, que la Banque publique d’investissement se dote rapidement d’une stratégie spécifique en la matière. M. Jean-Pierre Jouyet en est d’ailleurs tout à fait d’accord. Nous allons donc faire en sorte, non seulement de soutenir les initiatives qui ont fait leurs preuves, mais aussi de les généraliser, ce qui a trop peu été le cas jusqu’à présent.

Le terme de « dézonage » n’est pas approprié, madame Allain : l’objectif est de redéfinir le zonage actuel en fonction d’une nouvelle géographie prioritaire. Plutôt que de zones, je préfère au demeurant parler de territoires, ce qui ouvre la possibilité d’une action plus cohérente et globale, sans frontières coupant des rues en deux – et n’interdira pas de consacrer davantage de moyens à certains.

Le désenclavement et les transports collectifs doivent faire partie de la politique de la ville, je le répète ; mais l’État n’a pas à se substituer aux collectivités, qui auront à trouver les solutions adéquates dans le cadre des contrats, qu’il s’agisse de l’ouverture de nouvelles lignes de bus ou, par exemple, d’aides à l’obtention du permis de conduire.

La concertation avec les habitants s’engagera à partir du mois de janvier prochain, à travers quatre forums dédiés. Il conviendra cependant, après la tenue du comité interministériel, de mettre en place des instances de dialogue permanentes. À l’échelon de la commune ou du département, voire de la région ? Cela reste à décider mais, en tout état de cause, aucune opération de rénovation urbaine ne peut réussir sans l’assentiment des populations. Les ralentissements ou les blocages ne sont pas toujours dus, en effet, à des raisons techniques.

Mon objectif, monsieur Chassaigne, n’est pas d’aller chercher de nouveaux financements, mais de mobiliser ceux des administrations et opérateurs de l’État, afin de diriger les politiques publiques vers les quartiers qui en ont besoin. La Cour des comptes ne dit pas autre chose, d’ailleurs, lorsqu’elle relève qu’à la rentrée 2011, l’académie de Créteil a accueilli 4 000 élèves de plus et perdu 400 postes, quand celle de Paris, qui n’a accueilli que 1 000 élèves supplémentaires, s’est vu attribuer 20 postes de plus. L’objectif des conventions passées avec les ministères comme des contrats locaux est d’inverser ces logiques, à travers la mobilisation de toutes les ressources de droit commun – de l’État, de ses opérateurs et de toutes les collectivités.

Les opérations décidées dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) ne sont pas davantage remises en cause, puisque le budget de ce programme est assuré pour les trois prochaines années : il atteint 44 milliards d’euros, dont seulement la moitié avait été financée lorsque j’ai pris mes fonctions.

Qu’il convienne de mener à leur terme les programmes laissés inachevés ne fait pas de doute : je sais que, dans certains quartiers où les opérations ont commencé très tôt, les habitants ne comprennent pas pourquoi tel secteur a été rénové et pas tel autre. Il importe d’autre part de préserver une ingénierie constituée à grand-peine. Reste que tout cela a un coût, et qu’il faudra donc débattre, l’an prochain, des financements nécessaires à de nouvelles opérations. Je suis évidemment ouvert à toutes les idées, dans un contexte budgétaire contraint.

S’agissant des copropriétés dégradées, une convention a été signée entre mon ministère, celui du logement, la région Île-de-France et l’Agence foncière d’Île-de-France, pour la mise en œuvre d’un plan en faveur du Bas Clichy. Cette expérimentation nous servira à définir les outils législatifs qui vous seront sans doute proposés dans le cadre du projet de loi « Duflot 2 ».

Mme Frédérique Massat. Sur quels sujets l’élue de montagne que je suis peut-elle interpeller un ministre de la ville ? Nous sommes parfois un peu jaloux des nombreux dispositifs que vous avez énumérés, même si la solidarité entre les territoires est bien entendu normale. Cependant, la création de zones franches rurales n’est-elle pas envisageable ? Les zones de revitalisation rurale (ZRR) ne bénéficient pas, en effet, des mêmes avantages fiscaux que les zones franches urbaines.

Les radios associatives, que l’on trouve dans les territoires ruraux comme dans les villes, s’inquiètent du sort que va connaître le groupement d’intérêt public ÉPRA, Échanges et productions radiophoniques. Cette banque de programmes, créée sous le gouvernement Bérégovoy, a eu une action très bénéfique, au point de devenir un modèle en France et en Europe. Pourtant, son avenir semble menacé. Quelles initiatives envisagez-vous pour y remédier ?

Mme Catherine Vautrin. Je prends acte de votre volonté de revoir la géographie prioritaire à partir de critères objectifs et d’évaluations précises : il en va tout simplement, en effet, de la crédibilité de la politique de la ville. Avez-vous l’intention d’associer à cette entreprise les conseils généraux et régionaux, dont beaucoup sont dirigés par des élus de votre majorité, et qui peuvent assurément mieux faire ?

D’autre part, il est peut-être temps de s’interroger sur la libre affectation de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Un compte rendu annuel est établi pour chaque conseil municipal, mais beaucoup d’éléments pourraient relever du droit commun. Cette question entre-t-elle dans votre champ de réflexion ?

Quant à l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (ÉPARECA), son bilan semble plutôt positif, mais ses crédits sont en diminution sensible dans le projet de loi de finances pour 2013. Quelle est votre analyse sur ce point ?

Je ne pensais pas évoquer les zones de sécurité prioritaires (ZSP) mais, puisque vous l’avez fait, je rappellerai que, dans ma circonscription, le quartier Croix-Rouge, qui fut l’un des premiers à bénéficier des programmes de l’ANRU, connaît de réels problèmes de sécurité. Pourtant, il n’a pas été retenu au nombre des ZSP. Sur quels critères s’est-on appuyé pour le choix de ces zones ? N’ayant pas obtenu de réponse du ministère de l’intérieur, j’espère en avoir du ministère de la ville…

M. Kléber Mesquida. Le 11 octobre dernier, monsieur le ministre délégué, vous avez lancé, à Roubaix, la concertation « Quartiers : engageons le changement ! ». Dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage est le double de la moyenne nationale, un tiers des habitants vive sous le seuil de pauvreté et un quart renonce à des soins pour des raisons financières. La concertation nationale, qui s’inscrit dans la feuille de route du Gouvernement présentée en conseil des ministres le 22 août, a pour objectif de mobiliser le plus grand nombre d’acteurs de la politique de la ville. Un comité opérationnel réunissant 150 personnes travaillera sur les différentes thématiques : nouvelle géographie prioritaire, modalités de contractualisation, projets de territoires, contenu des politiques sectorielles. Enfin, le Gouvernement a décidé d’associer les habitants des quartiers à l’expertise à travers les rencontres « avis citoyens ». Pouvez-vous tirer un premier bilan de cette concertation ?

M. Michel Piron. Comme il est doux d’entendre saluer des actions lancées par la précédente majorité ! (Sourires.)

M. le président François Brottes. Vous n’avez pas toujours été doux avec elle, monsieur Piron… (Sourires.)

M. Michel Piron. J’attends les preuves de ce que vous avancez, monsieur le président…

En ces temps de contraintes budgétaires, il faut certes concentrer l’effort sur des territoires prioritaires mais, pour les déterminer, vous prévoyez, monsieur le ministre délégué, de recourir à un « carroyage » géographique. Dans l’Antiquité, le symbole de la perfection était plutôt le cercle. Je redoute donc une vision quelque peu impériale…

Plus sérieusement, aux priorités que l’on a mentionnées, il convient d’ajouter les transports, tant la relation entre la périphérie et le centre des villes est essentielle, notamment en région parisienne. N’oublions pas non plus les enjeux socioculturels : c’est à l’école maternelle et primaire que se décide à 80 % l’intégration des futurs adultes. Je rappellerai aussi qu’un rapport d’information « transpartisan » a été établi, par nos collègues Pupponi et Goulard, sur l’évaluation des aides aux quartiers défavorisés.

D’autre part, si j’approuve le choix du périmètre intercommunal, on a toutes chances d’aboutir à des résultats en tuyaux d’orgues, en raison du nombre de ministères concernés. Qui fera la synthèse ? Pour poser la question plus précisément, votre ministère en a-t-il les moyens ?

Vous avez en partie levé nos interrogations en ce qui concerne les opérateurs des contrats de ville, mais qui instruira et financera ces contrats ? La réponse est sans doute loin d’être univoque, hélas. Quant au financement que vous avez obtenu – ce que je salue –, couvrira-t-il ce qu’il est convenu d’appeler la deuxième bosse de l’ANRU ?

M. Éric Straumann. Les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) permettent d’agir en faveur du « mieux vivre ensemble ». À Colmar, les acteurs locaux en saluent la pertinence ; mais le rapport de la Cour des comptes a relevé des problèmes de pilotage et, surtout, d’évaluation de ces dispositifs. Qu’en est-il ? D’autre part, comment ces contrats s’articuleront-ils avec les contrats de ville ?

Mme Audrey Linkenheld. Je remercie M. le ministre délégué pour son écoute et pour l’attention qu’il porte à chaque territoire.

Le bilan de la rénovation urbaine est globalement positif, comme on dit, même si on ne peut en attendre la solution à tous les problèmes. Le succès de l’ANRU réside dans le travail partenarial qu’elle a su engager, ce qui lui a permis d’adapter l’impulsion nationale aux spécificités de chaque territoire. Toutefois, si, comme je le souhaite, on élabore un deuxième PNRU, il faudra y prendre en compte les limites du premier. Certaines règles ont par exemple été appliquées de façon un peu uniforme ; or, quand bien même les territoires seraient jugés prioritaires en fonction de critères objectifs et transparents, ils ne se ressemblent pas : quelques-uns d’entre eux ont vu se développer, non plus des poches de pauvreté, où l’on peut agir en faveur des populations tout en évitant la « gentrification », mais, si vous me passez l’expression, de véritables tapis de pauvreté, pour lesquels la solution à moyen terme est plutôt la diversification sociale. Au reste, l’achèvement de la rénovation de certains quartiers concerne davantage les poches que les grands espaces de pauvreté, où, en raison des arbitrages passés, les travaux n’ont même jamais commencé. De fait, même si l’on disposait des financements, il serait impossible, dans certains territoires du Nord-Pas-de-Calais ou de l’Île-de-France, de détruire des logements par milliers et de reloger les populations. L’approche doit donc être différente. Partagez-vous cette analyse ? Si oui, avez-vous une idée des garde-fous que l’on pourrait instaurer, y compris à l’aide de règles nationales, dans un prochain PNRU ?

M. Michel Sordi. Les zones franches urbaines ont sans doute généré des effets d’aubaine pour certaines professions libérales ; mais ces installations représentent de réels investissements et attirent une clientèle certes souvent étrangère au quartier, mais qui contribue à améliorer son image…

La petite commune dont je suis maire a, avec le soutien de l’ANRU, financé des programmes de rénovation à hauteur de 2 millions d’euros. Aujourd’hui, nous sommes au milieu du gué et les habitants attendent que soient tenus les engagements pris. Terminons donc ce qui a été commencé !

M. le ministre délégué. Madame Massat, je ne suis pas chargé des territoires ruraux – ni d’ailleurs des questions d’emploi, de logement, de sécurité ou de santé. Ma mission est de chercher à réduire les concentrations de pauvreté dans les villes. Cela étant, la future géographie prioritaire à laquelle nous travaillons intégrera des villes moyennes ou de petites villes situées dans les territoires ruraux, au lieu de se limiter comme auparavant à la périphérie de villes plus importantes. En effet, ces communes sont confrontées depuis plusieurs années à des difficultés qu’elles n’ont pas les moyens de résoudre – et, disant cela, je ne pense pas seulement aux moyens financiers, mais aussi à l’ingénierie nécessaire.

À l’intention de Mme Vautrin, je précise que mon objectif est de parvenir à un accord avec l’ARF afin que toutes les régions signent les futurs contrats, et que nous avons engagé la même démarche auprès de l’Association des départements de France (ADF).

Sans préjuger des conclusions du rapport de M. François Pupponi, je pense qu’il existe des moyens de faire figurer dans les budgets communaux les recettes et dépenses engagées au moins au titre de la « DSU cible », par exemple sous forme d’annexe. Cela pourrait aider les élus à orienter leurs efforts. Reste à savoir s’il faut obligatoirement un débat en conseil municipal sur la politique de la ville, enjeu par définition commun aux différents services communaux.

S’agissant de l’ÉPARECA, je ne suis pas tout à fait d’accord avec Mme Vautrin : les résultats sont contrastés et le nombre de quartiers ayant conclu une convention avec l’établissement – une vingtaine – n’est pas suffisant. Il faudrait d’autre part envisager un rapprochement avec l’ANRU, les missions de ces deux organismes étant complémentaires : la rénovation urbaine impose de traiter des commerces.

En ce qui concerne enfin les critères de choix des zones de sécurité prioritaires, je suggère à Mme Vautrin d’interroger mon collègue ministre de l’intérieur. Notre travail commun a consisté à vérifier que les quartiers proposés étaient également prioritaires pour la politique de la ville. Le ministère de l’éducation nationale va du reste faire de même : il abandonnera son propre zonage au profit de la future géographie prioritaire de la politique de la ville – ce qui confirme, monsieur Piron, que j’obtiens non seulement des moyens, mais des résultats sur le terrain interministériel ! Mais peut-être le quartier mentionné par Mme Vautrin pourra-t-il être retenu parmi les ZSP de la troisième vague.

Monsieur Mesquida, je vais vous faire parvenir ainsi qu’à tous les commissaires le bilan écrit que nous avons dressé de la première étape de la concertation. Je rappelle qu’il s’agit d’une concertation opérationnelle, c’est-à-dire une concertation qui vise à définir les outils permettant d’atteindre les objectifs fixés par le conseil des ministres. Nous approchons du consensus, ce qui n’était pas acquis d’avance, sur la géographie prioritaire et sur ses critères ainsi que sur le caractère intercommunal du contrat, sur sa durée et sur la nécessité d’une articulation cohérente avec les autres contrats. Ainsi, le contrat de ville sera un élément du futur contrat de territoire et intégrera les autres dispositifs existants, dont le programme de réussite éducative.

Pour en revenir aux questions que pose une action par nature interministérielle, monsieur Piron, un engagement a été souscrit et la signature par le Premier ministre de la circulaire dont j’ai parlé confirme sa volonté de me donner les moyens d’agir auprès de mes collègues. Les ressources du droit commun doivent en effet être mobilisées par le haut – via les conventions interministérielles – autant que par le bas – grâce aux contrats. Ce ne sera pas simple, les administrations ne disposant pas toujours des mêmes outils, mais je suis plutôt confiant. Les contrats, je l’ai dit, seront instruits au niveau intercommunal, d’où viendra également l’ingénierie, le financement étant assuré par tous les partenaires – État, collectivités, agences et opérateurs de l’État – et la mise en œuvre par le maire.

Monsieur Straumann, les CUCS – qui devaient prendre fin en 2009 mais ont été prorogés jusqu’en 2014 – vont disparaître au profit des contrats de ville qui, je le répète, intégreront tous les dispositifs de la politique de la ville à partir de 2014. Certains CUCS expérimentaux, qui mobilisaient déjà davantage le droit commun, vont être évalués ; leur bilan paraît être très contrasté.

Madame Massat, nous travaillons sur les missions de l’ÉPRA avec le ministère de la culture, dont il relève également, en vue de le restructurer et de lui fournir les moyens dont il a besoin. En effet, ses crédits ont été divisés par deux au cours des dernières années et deux tiers des financements vont aujourd’hui à la structure et non aux actions qu’elle mène.

Reste la grande question posée par Mme Linkenheld et à laquelle je ne saurais répondre de manière définitive pour l’instant. Une fois achevée la concertation sur les outils de la politique de la ville, nous pourrions réfléchir en 2013, avec les commissions compétentes de l’Assemblée nationale, à une nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain, en tenant compte de l’évaluation, afin de déterminer les opérateurs, les clés de financement et les actions – de démolition par exemple – les plus adaptés à chaque territoire.

Mme Pascale Got. Bon nombre d’élus se plaignent de la primauté accordée à la vidéosurveillance dans le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD: 60 % de son enveloppe seraient consacrés à ces équipements en 2012 ! Quelle est votre position sur ce point, monsieur le ministre délégué ?

D’autre part, malgré la définition dans les zones périurbaines et rurales de SCOT et d’inter-SCOT qui réservent une place importante à l’habitat et débouchent sur des politiques globales et ambitieuses, on continue de déplorer un déséquilibre en défaveur de ces territoires, qu’il s’agisse de l’aide au logement social, de la règle de constructibilité ou de la distribution des prêts locatifs aidés. Ne conviendrait-il pas de traiter ce problème ?

M. Dino Cinieri. Selon le rapport publié par la Cour des comptes en juillet 2012, la répartition des rôles entre les collectivités, notamment entre les communes et les communautés de communes, reste imprécise. Le poids des villes-centres gêne parfois le déploiement des actions en faveur des quartiers qui peuvent être situés à leur périphérie, sur le territoire d’une autre commune. Ne faudrait-il donc pas préciser au niveau national le rôle de chaque échelon dans la mise en œuvre de la politique de la ville ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Dans les territoires « urbains-ruraux », généralement des villes moyennes, la politique de la ville et les plans de cohésion sociale sont bien souvent mis en œuvre à l’échelon des intercommunalités ou des communautés d’agglomération. De nombreux départements ont expérimenté la conduite de politiques de l’emploi au niveau des territoires et certains outils y ont fait leurs preuves. C’est en particulier le cas des maisons de l’emploi et de la formation. Avec quels partenaires celles-ci vont-elles contractualiser, s’agissant en particulier de la formation ? D’autre part, comment envisagez-vous d’intégrer l’école aux contrats de territoire ?

M. Alain Marc. Selon la Cour des comptes, la participation des habitants à l’élaboration et à la validation des projets relevant de la politique de la ville demeure limitée. Et dans les rares zones où elle est plus développée, la politique de communication prendrait le pas sur la concertation. Monsieur le ministre délégué, que comptez-vous faire pour que les citoyens soient bien informés, mais aussi et surtout parties prenantes des politiques que vous allez conduire ?

M. Henri Jibrayel. Monsieur le ministre délégué, si j’apprécie votre prudence s’agissant du PNRU 2, je suis inquiet à l’idée qu’il pourrait ne pas voir le jour. Dans les quartiers nord de Marseille, 90 à 95 % des cités HLM regroupant chacune une dizaine de milliers d’habitants sont dans un état lamentable. Sans ce nouveau programme, leurs habitants, qui ne peuvent pas déménager, seront condamnés à vivre dans des immeubles insalubres et dans des conditions abominables. La future politique de la ville ne peut pas faire l’économie du PNRU 2. Certes, nos prédécesseurs n’ont pas financé l’ANRU ou ne l’ont financée qu’à 50 % ; vous avez trouvé 20 milliards d’euros pour mener les opérations à leur terme, c’est très bien ; mais que fera-t-on ensuite ?

Des quatre plans de sauvegarde lancés à Marseille – sur douze dans tout l’Hexagone –, l’un a réussi mais les trois autres ont lamentablement échoué, laissant le terrain aux marchands de sommeil et aux SCI qui louent des appartements insalubres au mépris de la loi. Si on ne relance pas ces plans, les habitants seront là aussi condamnés à rester sur place faute de pouvoir être relogés en HLM – il en manque 30 000 à Marseille.

Alors qu’avec les zones franches urbaines, on a requalifié les quartiers et mené la rénovation urbaine, on laisserait en l’état des cités éligibles, comme La Castellane ou La Bricarde, faute de PNRU 2 ? C’est incohérent. Il ne suffisait pas de créer des dispositifs, monsieur Piron : il fallait les pérenniser !

M. Jean-Claude Mathis. Dans son rapport annuel, la présidente de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), que nous recevrons demain, constate que la crise touche davantage les habitants des quartiers, notamment les habitantes, que le reste de la population nationale. Pour la première fois en cinq ans, le taux de chômage des femmes en ZUS est plus élevé que celui des hommes, et celles qui ont la chance d’avoir un emploi sont souvent réduites au travail précaire ou à temps partiel. Comment remédier à cette situation ?

M. le ministre délégué. Le problème, monsieur Mathis, est que les chiffres cités par Mme Malgorn sont tirés d’une étude de l’INSEE qui remonte à 2008. Nous l’avons signalé à l’ONZUS lors de la présentation de son rapport. Cinq ans plus tard, il nous semble que la situation a changé, sans cependant pouvoir le mesurer puisque la seule statistique annuelle dont nous disposions est celle du taux de chômage global dans les quartiers.

Monsieur Jibrayel, le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés : il y aura une nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain. Mais quand, comment et où ? Telle est la question. Sur le dernier point, j’ai une petite idée de la réponse car je n’imagine pas que, sur les 751 ZUS existantes, l’on ne fasse rien pour les 326 qui n’ont pas été concernées par ces opérations. C’est là l’effet des possibilités de dérogation ouvertes par l’article 6 de la loi du 1er août 2003. Je ne doute pas que vous aurez tous à cœur, lors de l’examen de la nouvelle géographie prioritaire, de refuser l’introduction de dispositions similaires.

Bien qu’il eût été logique de mener à terme le PNRU 1 avant d’engager le PNRU 2, nous allons devoir chercher, sans attendre 2017 ou 2018, les moyens de financer de nouvelles opérations ; mais il faudra d’abord évaluer le PNRU 1 et définir un nouveau cadre, ce à quoi nous nous employons. À Marseille, nous avons déjà lancé une première opération à La Castellane et à Air Bel, que nous devons impérativement désenclaver pour des raisons de sécurité. Quant aux plans de sauvegarde, nous en reparlerons dans le cadre de la loi Duflot, en vue de prendre en compte les copropriétés dégradées dans les nouvelles opérations de rénovation urbaine, comme elles l’ont déjà été dans certains endroits, par exemple à Miramas.

Monsieur Marc, le constat de la Cour des comptes rejoint le mien. Je souhaite mettre en place des outils pérennes pour organiser une participation réelle des habitants, mais l’État ne pourra dialoguer avec eux à la place des élus.

Madame Fabre, je vais conclure avec le ministère du travail et de l’emploi une convention sur les instruments de la « territorialisation » des politiques de l’emploi, aujourd’hui insuffisante – on l’a vu avec les emplois d’avenir. Quant à la convention avec le ministère de l’éducation nationale, je souhaite qu’elle traite au moins de deux sujets : la scolarisation des enfants de deux à trois ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et la répartition des moyens humains entre les départements prioritaires et les autres. Il faudra également se pencher sur le problème du remplacement des enseignants absents : on dit – mais est-ce vrai ? – qu’un enfant scolarisé en Seine-Saint-Denis jusqu’au baccalauréat perdrait à cause de ces absences l’équivalent d’une année de cours !

Je m’efforcerai ainsi de trouver avec chaque ministère des objectifs concrets qui se prêtent à l’évaluation, assortis d’outils structurels.

En ce qui concerne la vidéoprotection, madame Got, nous avons « rectifié le tir » pour l’an prochain, puisque les crédits consacrés à ces équipements seront ramenés de 30 millions cette année à 20 millions. Mais j’imagine aussi qu’à force d’installer des caméras de surveillance, vient le moment où il n’est plus besoin d’en ajouter… En tout état de cause, le ministre de l’intérieur serait mieux placé que moi pour vous répondre précisément sur ce point. Ce que je puis dire, c’est qu’il ne manquera pas un euro pour les élus qui voudraient installer des dispositifs de vidéoprotection.

Cela étant, ma mission n’est pas d’installer dans les quartiers des caméras, mais bien de l’humain – au service de la prévention, de l’aide aux victimes, de la lutte contre la récidive, etc. Souvent d’ailleurs, c’est parce que l’on a supprimé la présence humaine que l’on installe ces dispositifs, alors que rien ne remplace le contact, la nuit, entre le médiateur et une famille en difficulté ou un jeune délinquant qu’il connaît.

Enfin, monsieur Cinieri, il est prévu que le futur contrat de ville répartisse très clairement les rôles entre le contractant, l’opérateur et les financeurs.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur le ministre délégué. Si je comprends bien, nous avons rendez-vous pour une loi Duflot sur le logement qui inclura vos mesures de politique de la ville.

M. le ministre délégué. Je souhaite en tout cas que l’examen des dispositions législatives relatives à la politique de la ville soit engagé au cours du premier semestre de 2013, en sorte que les contrats de ville puissent entrer en vigueur dès le lendemain des élections municipales.

M. le président François Brottes. Nos collègues auront en tout cas du mal à ne pas inviter la politique de la ville dans les débats sur la loi relative au logement !

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 4 décembre 2012 à 16 h 15

Présents. - Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, Mme Audrey Linkenheld, M. Alain Marc, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Michel Piron, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Vautrin

Excusés. - Mme Ericka Bareigts, M. Bernard Reynès, M. Jean-Marie Tetart

Assistait également à la réunion. - M. Philippe Bies