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Commission des affaires économiques

Mercredi 19 décembre 2012

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 36

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Keryer, vice-président exécutif d’Alcatel-Lucent, Mme Gabrielle Gauthey, vice-présidente affaires publiques et gouvernementales d’Alcatel-Lucent et M. Pascal Homsy, président d’Alcatel-Lucent France

– Informations relatives à la commission

La commission a auditionné M. Philippe Keryer, vice-président exécutif d’Alcatel-Lucent, Mme Gabrielle Gauthey, vice-présidente affaires publiques et gouvernementales d’Alcatel-Lucent et M. Pascal Homsy, président d’Alcatel-Lucent France.

M. François Brottes, président. Chers collègues, avant de débuter l’audition des représentants d’Alcatel-Lucent, je souhaiterais vous faire part de plusieurs informations concernant nos travaux de l’année prochaine. En premier lieu, je vous prie de bien vouloir accueillir Mme Laurence Abeille, du groupe écologiste, qui vient de rejoindre notre commission. Dans le cadre de la niche « écologiste » du 31 janvier 2013, nous examinerons la proposition de loi relative à l’application du principe de précaution défini par la Charte de l’environnement aux risques résultant des ondes électromagnétiques, dont Mme Abeille est la première signataire. C’est pourquoi je vous propose sa nomination en tant que rapporteure.

À la suite de l’échec de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, la conférence des présidents a inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour du 17 janvier 2013. L’examen en commission de ce texte aura lieu le mercredi 9 janvier.

À la suite de l’avis rendu par le Conseil d’État, le rapporteur, que je connais très bien, souhaitera sans doute faire des ajustements au texte voté par l’Assemblée nationale. Nous veillerons à vous transmettre l’ensemble des éléments nouveaux le plus en amont possible, de façon à ce que nous puissions en discuter de manière approfondie en commission.

Mme Laure de La Raudière. Aurons-nous communication de cet avis ?

M. François Brottes, président. Le Conseil d’État, certes saisi à ma demande, a remis son avis au Gouvernement, à qui il appartient de déterminer si cet avis sera rendu public. Je l’interrogerai pour connaître ses intentions sur le sujet.

J’accueille les représentants d’Alcatel-Lucent : M. Philippe Keryer, vice-président exécutif ; Mme Gabrielle Gauthey, vice-présidente des affaires publiques et gouvernementales et M. Pascal Homsy, président d’Alcatel-Lucent France. La décision de vous inviter a été prise à Lannion, alors que certains d’entre nous étions réunis pour les obsèques d’Alain Gouriou, notre regretté collègue, très attaché à l’industrie des télécommunications et à Alcatel en particulier. J’ai rencontré les délégués du personnel, qui m’ont fait part de leurs plus vives inquiétudes concernant la pérennité de leurs postes après les annonces que vous avez faites de suppression de 5 500 emplois dans le monde dont 1 400 en France.

Alcatel-Lucent est issu de la fusion avec Lucent d’Alcatel, fleuron technologique et industriel français. L’État, via la Caisse des dépôts et consignations, est d’ailleurs actionnaire du groupe à hauteur de 3,6 %. À ce titre, ce dernier entre dans le périmètre de la mission de suivi et de contrôle que notre Commission a formée.

Je vous remercie d’avoir accepté de vous présenter « au pied levé » ; nous reconnaissons la difficulté d’un tel exercice, notamment pour un groupe côté dont la moindre annonce peut avoir des conséquences. Mais, face à l’urgence de la situation sociale, il nous est nécessaire de connaître les raisons qui ont présidé à de telles annonces ainsi que leur portée précise. Le marché des télécommunications, en Europe et dans le monde, est secoué : la concurrence y est très forte et les investissements ne sont pas toujours au rendez-vous. Nous avons également eu à connaître de votre groupe lors de l’incident d’Orange.

C’est pourquoi je suis à la fois heureux de vous accueillir, afin que vous apportiez les éclaircissements nécessaires, mais aussi très soucieux.

Je laisse la parole aux représentants des groupes pour une série de questions, auxquelles vous pourrez ensuite répondre.

Mme Corinne Erhel. Les télécommunications sont un secteur clé pour l’économie française. Votre entreprise joue un rôle majeur dans le développement et le fonctionnement des réseaux, mais la pression commerciale entre les opérateurs et la concurrence importante de sociétés vous placent dans une situation difficile. En France, 9 000 salariés sont concernés. C’est pourquoi nous avons besoin de visibilité. Quelles sont vos intentions et votre stratégie en Europe et en France ? Plus précisément, quel est le devenir des sites en région parisienne mais aussi en Province : Lannion, Orvault, Eu, Calais, Rennes, Brest, etc.

Vous avez présenté la déclinaison finale de votre plan social, il y a un peu plus de deux semaines : il prévoit 5 500 suppressions de postes dans le monde, 3 300 en Europe, 1 353 en France.

Il existe une incertitude sur le nombre d’emplois de R&D concernés : la direction d’Alcatel-Lucent annonce 250 suppressions, contre 340 pour les organisations syndicales. Pourtant, votre directeur général avait annoncé qu’il n’y aurait pas de suppressions d’emplois dans le domaine de la R&D. Qu’en est-il exactement ?

L’état des marchés, mais également vos priorités commerciales, vous poussent à vous concentrer vers les clients asiatiques et américains. Cela conduira-t-il, ainsi que peuvent le percevoir les salariés, à ce que vous abandonniez progressivement le marché européen à vos concurrents ?

Les informations parues dans la presse s’agissant de votre stratégie de financement sont porteuses d’inquiétude pour une activité que nous considérons comme stratégique – le bon fonctionnement des réseaux est en effet un impératif de sécurité et de souveraineté. Y-a-t-il des projets de cession d’actifs concernant votre filiale de câbles sous-marins ; votre filiale entreprises ; vos brevets ? Dans les négociations en cours avec les organismes financiers, la solution évoquée de gager certains de vos actifs est-elle réellement envisagée ? Sur quelles activités : IP, sous-marin, brevets ? Y-a-t-il une possibilité que le groupe perde des activités en cas de difficulté – ce que personne ne souhaite ? Cette situation serait particulièrement grave.

Le plan social que vous prévoyez semble être une réaction à la tendance du marché mobile en France, sans cesse orienté vers la baisse des investissements et des coûts. La 4G pourrait-elle constituer un relai de croissance ?

Enfin, quelle est l’orientation de la R&D sur les marchés nord-américain et asiatique ?

Mme Laure de La Raudière. Le secteur des télécommunications est en forte croissance en France et dans le reste du monde, notamment en ce qui concerne les équipements de réseau, qui constituent votre cœur d’activité : 3G, 4G, montée en débit de nos réseaux, déploiement du très haut débit, etc. Les besoins n’ont jamais été aussi forts, et pourtant vous annoncez un plan de suppression de 5 500 emplois dans le monde. Il ne peut donc y avoir qu’une raison à cela, c’est que vous perdez des parts de marché. Quelle est votre stratégie pour contrer ce mouvement ?

Quelle part de votre chiffre d’affaires consacrez-vous à la R&D ; comment vous situez-vous sur ce point par rapport à vos concurrents ? Autrement dit, avez-vous toujours les moyens de maintenir votre offre à un niveau technologique de pointe ? Inversement, la très haute technicité est-elle une bonne option, dans un marché sans cesse à la recherche du low cost ?

Quelles actions menez-vous pour valoriser vos offres auprès de vos clients opérateurs, et pour contrer vos concurrents chinois ?

La pénétration des routeurs et des éléments de réseau sur des points stratégiques du réseau, ou même sur tous les équipements d’extrémité, c’est-à-dire dans les box des particuliers, constitue-t-elle une menace pour la perte de souveraineté et la sécurité ? Souhaitez-vous que la France porte un message sur ce sujet au niveau européen ?

Quel est votre sentiment sur vos offres d’équipement en matière de réseau 4G et de déploiement de la fibre optique ?

Enfin, l’épuisement du stock d’adresses IPV4 et l’enjeu des adresses IPV6 sont-ils des sujets dont la représentation nationale doit se préoccuper ?

M. Jean-Claude Mathis. Pour faire face à un marché hyperconcurrentiel, vous venez de solliciter une ligne de crédit auprès des banques Crédit suisse et Goldman Sachs de 1,615 milliard d’euros. Pour obtenir ce prêt, vous avez gagé une partie de vos brevets français et américains et vous vous êtes engagés à rembourser 500 millions de dollars et 381 millions d’euros avec des liquidités issues de futures cessions. Cette opération s’est conclue à un taux élevé : 7,25 % et 8 % sur marchés, moyennant une commission de 73 millions d’euros aux établissements arrangeurs de l’opération. Vous avez souligné qu’il s’agit d’un engagement pluriannuel qui donne de la marge de manœuvre financière à Alcatel-Lucent, notamment pour exécuter votre plan d’économie de 1,2 milliard d’euros. Vos salariés sont inquiets car vos filiales, qui comprennent 8 400 personnes, doivent supprimer 1 350 postes en France dans les semaines qui viennent. Vos problèmes structurels de rentabilité demeurent donc. Pouvez-vous nous préciser comment se dérouleront les éventuelles cessions d’actifs et la création d’un consortium de valorisation des brevets, qui pourra accueillir des industriels américains et permettra au groupe de demeurer copropriétaire des brevets ? Quelles sont les perspectives pour les salariés français ?

M. Franck Reynier. Le secteur des télécommunications et des réseaux, qui est l’objet d’évolutions technologiques constantes, connaît un essor particulièrement important : c’est un domaine porteur d’avenir. Votre groupe est en pleine restructuration ; vous avez annoncé un plan de baisse des coûts de 1,25 milliard d’euros d’ici la fin 2013 et la suppression de 5 500 postes dans le monde dont environ 1 350 en France, au sein du groupe Alcatel-Lucent et de ses filiales. Ce sont ainsi 6 % de vos effectifs au plan mondial, et 14 % de vos effectifs en France qui s’apprêtent à disparaître. Comment expliquer le sort particulier dévolu à la France ? Le coût du travail et le contexte économique et fiscal ont-ils pesé dans votre décision ? Je souhaiterais également connaître la part de votre activité de recherche qui est consacrée à l’innovation en France.

Vous avez également annoncé avoir obtenu un crédit d’un montant de 1,6 milliard d’euros. Comment cette somme sera-t-elle utilisée ? Allez-vous la mettre à profit pour accroître votre compétitivité et financer des projets innovants en France ?

M. Joël Giraud. Des craintes ont été exprimées hier par le Gouvernement concernant le risque qu’Alcatel-Lucent perde la propriété de ses brevets à la suite de l’accord de crédit de 1,6 milliard d’euros conclu par l’équipementier avec le Crédit suisse et Goldman Sachs. En effet, Alcatel-Lucent a annoncé vendredi un accord portant sur des facilités de crédit de premier rang garanties, entre autres, par le portefeuille de propriété intellectuelle du groupe, qui détient près de 29 000 brevets. Le Gouvernement craint que ce gage permette aux banquiers de s’emparer de brevets estimés à 5 milliards d’euros dans le cas où Alcatel-Lucent n’honorerait pas son prêt.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’économie numérique, a multiplié les contacts informels afin de mettre d’accord Bercy, l’Elysée, Matignon et la Caisse des dépôts et consignations. Bercy travaille sur deux pistes. La première consisterait à faciliter des cessions d’actifs supplémentaires, dans l’activité « entreprises » ou dans les communications sous-marines. La seconde porterait sur la création d’un consortium de valorisation des brevets, qui pourrait accueillir des industriels américains et permettrait notamment au groupe de demeurer copropriétaire des brevets.

Un trader de Goldman Sachs confiait hier que le gouvernement français faisait du lobbying pour réduire le périmètre des actifs gagés. Il ajoutait que le Gouvernement ne bloquerait pas - et ne pourrait d’ailleurs pas bloquer - les prêts de Goldman Sachs et du Crédit suisse, car il ne peut pas se permettre de prêter directement à l’entreprise les fonds dont elle aura besoin au cours des trois prochaines années.

À ma connaissance, Alcatel-Lucent n’a pas fait de commentaires. J’aimerais donc les entendre aujourd’hui.

Par ailleurs, on parle de vente à perte et de pratiques abusives et prédatrices de la part des concurrents. Alcatel est-il à proprement parler victime d’une concurrence pleinement déloyale de la part de ses concurrents, en particulier chinois ? Que peut faire le législateur et, plus globalement, la puissance publique pour favoriser une concurrence équitable ?

De manière plus générale, au-delà du cas d’Alcatel, quelle est, en votre qualité de praticien et d’expert, votre analyse sur les questions de compétitivité, de production en France, de concurrence internationale et de redressement de l’industrie française ? Quelles doivent être, selon vous, les priorités stratégiques de l’action des pouvoirs publics ?

M. François de Rugy. Certains salariés de votre groupe expriment des préoccupations quant à la pérennité d’une activité importante en France et en Europe, et redoutent un recentrage des activités aux États-Unis. Quelles sont les perspectives industrielles d’Alcatel-Lucent à l’échelle française et européenne ?

La concurrence internationale vous paraît-elle loyale ?

Quel regard portez-vous sur la politique menée par l’Europe dans le secteur des télécommunications ?

Pour évoquer le cas de Free, ce modèle low cost existant dans le domaine des télécommunications pèse-t-il sur Alcatel-Lucent et, plus généralement, sur les fournisseurs ?

Quelles sont les perspectives à court terme liées au prêt qui vous a été accordé ?

Quels moyens peuvent être mis en œuvre pour protéger vos brevets ? Souhaitez-vous un partenariat avec l’État, par le biais du FSI ? Quelles sont les perspectives éventuelles de cessions d’actifs ?

En tout état de cause, je crains que tout cela n’ait que peu d’influence sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, qui fait actuellement l’objet de discussions et de négociations.

M. Philippe Armand Martin. Vous avez investi 55 milliards d’euros pour constituer un réservoir de propriété intellectuelle, principalement concentré sur l’Europe et les États-Unis. Or, ce portefeuille n’a rapporté que 2 milliards d’euros de royalties à l’équipementier télécom au cours des dix dernières années, ce qui est bien peu par rapport à vos concurrents. Quelle est votre stratégie pour commercialiser la propriété intellectuelle de votre groupe et ainsi accroître le montant des royalties ?

Mme Corinne Erhel. À vos yeux, quelle forme doit prendre l’intervention de la puissance publique ? Que pensez-vous en particulier d’une participation accrue de l’État au capital, d’une action du FSI ou d’une intervention de la Caisse des dépôts et consignations ? Je rappelle que, de notre point de vue, vos activités présentent un caractère stratégique.

M. Philippe Keryer, vice-président exécutif d’Alcatel-Lucent. Je rappellerai dans un premier temps qu’Alcatel-Lucent est le leader mondial des techniques de télécommunications. Nous fabriquons des éléments de réseaux mais ne sommes pas présents dans les activités dites de terminaison. Nous ne produisons donc ni de « box », ni de terminaux mobiles. Nous sommes l’un des deux seuls acteurs qui, à ma connaissance, traite de l’ensemble des technologies – technologies fixes, mobiles, fibre optique, technologies du cœur de réseau, routeurs. Nous sommes présents dans 130 pays et employons 96 000 personnes de par le monde. Notre chiffre d’affaires en 2011 s’est élevé à 15,3 milliards d’euros.

Il se répartit géographiquement entre l’Amérique du Nord, à hauteur de 38 %, l’Union européenne, l’Afrique et le Moyen-Orient, à hauteur de 30% et le reste du monde, à hauteur de 32 %. Ces ratios ont eu tendance à légèrement évoluer en faveur de l’Amérique du Nord ces dernières années. Je tiens à souligner qu’Alcatel-Lucent est la seule société française présente en 2012 dans le classement réalisé par le MIT des cinquante sociétés les plus innovantes au monde, tous secteurs d’activité confondus.

En matière de recherche et développement, Alcatel-Lucent emploie 22 000 ingénieurs et investit 2,4 milliards d’euros. Elle compte 29 000 brevets actifs et enregistre chaque année 2 600 nouveaux brevets.

Le chiffre d’affaires français s’élève à 750 millions d’euros, ce qui représente 5 % de l’activité du groupe si l’on exclut la production de câbles sous-marins. La France compte pour 12,6 % des effectifs, dont près d’un tiers – 3 200 personnes – sont employés dans le domaine de la R&D. Le siège social est situé en France. Notre pays est la principale base d’exportation pour le groupe, ainsi que son principal centre logistique pour les activités européennes. Il est aussi le deuxième centre mondial de R&D du groupe derrière les États-Unis.

En matière de production, des activités importantes sont situées en France, à Calais – câbles de sous-marins –, à Eu – prototypage, – et Lignac – antennes.

En termes de marchés, la France se positionne en troisième position, derrière les États-Unis et la Chine. Il faut toutefois noter que l’activité a tendance à y reculer. En effet, alors qu’en 2008, le chiffre d’affaires en France s’élevait à 980 millions d’euros, il est de 750 millions d’euros en 2011.

Certains d’entre vous m’ont interrogé sur la croissance de l’activité télécom. Celle-ci est toute relative. Certes, le trafic télécom connaît une croissance importante. Certes, les télécoms ont engendré de profonds changements dans l’économie. Cependant, la filière est parallèlement confrontée à de grandes difficultés liées à la forte concurrence qui s’exerce dans ce secteur. Le trafic n’augmente pas assez rapidement pour que les investissements consentis deviennent profitables pour les opérateurs. Il y a en outre un fort effet conjoncturel, l’année 2012 ayant connu un ralentissement de la croissance chinoise. Les seules zones qui connaissent une croissance sont l’Amérique du Nord, l’Amérique latine et la Corée, où il y a d’importants investissements dans les technologies de nouvelles générations.

M. Philippe Keryer. Tout n’est pas noir dans notre entreprise. On peut néanmoins considérer a posteriori que 2011 a été une embellie car 2012 aura été une année très difficile : on a ainsi été capable de passer d’une situation de strict redressement à une phase plus délicate aujourd’hui. Si l’on regarde les perspectives économiques dans les mois à venir, un ralentissement a priori conjoncturel se fait jour en Chine, celui-ci étant plus difficile à évaluer en Europe . Il nous faut donc prendre des décisions dans ce contexte très compliqué. Le groupe Alcatel-Lucent disposait d’environ 5 Mds€ de liquidités en juin 2012. Or, nous sommes soumis à une pression constante de la part de nos investisseurs qui examinent avec attention le montant de ces liquidités par rapport à la consommation de cash et aux déficits que nous avons accumulés ces dernières années. Il ne faut en effet pas oublier que nous devons rembourser environ 2,2 Mds€ d’ici au 1er janvier 2015. C’est la raison pour laquelle nous avons examiné l’avenir de notre groupe dans ce contexte global afin de nous adapter au marché dans lequel on évolue. Sur les activités de vente, d’avant-vente et de structure, on opère différemment selon les parties du monde considérées. Nous avons donc adopté un plan global de baisse des coûts (appelé dans notre jargon « Plan performance ») qui va notamment se traduire par une réduction de nos effectifs, principalement chez les commerciaux et les administratifs.

Je souhaiterais à ce stade insister sur deux grands atouts au sein de notre groupe : nous avons une relation très forte avec nos clients, notamment les plus grands, et nous faisons beaucoup en faveur de l’innovation – ce n’est pas pour rien que nous comptons 7 prix Nobel dans l’entreprise et que nous déposons autant de brevets. Il est d’ailleurs très important de relever que nos ratios de R & D sont préservés en dépit de la conjoncture à laquelle nous devons faire face.

Je souhaiterais également faire un point sur notre activité en France. Tout d’abord, sachez que le ratio de R & D y est plus fort que dans le reste du monde. La France a été peu touchée par les efforts consentis dans le reste du monde ; on a, bien au contraire, fait des efforts en 2012, notamment pour répondre aux demandes de nos clients américains.

Les effectifs en France ont certes baissé de 6 % depuis 2008 mais la baisse a été moins importante que dans le reste du groupe, qui a connu une diminution de 8% du total de ses effectifs sur la même période. Il faut tout de même rappeler qu’il y a eu une érosion de l’activité en Europe, qui a nécessité un plan de suppression d’emplois plus important en France que dans le reste du monde. Dans le cadre d’une gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, nous avons constamment privilégié le dialogue social pour favoriser les départs en retraite anticipée et éviter ainsi les licenciements purs et simples. Nous souhaitons maintenir le niveau de R & D à son niveau actuel en France, d’autant que nous bénéficions d’un environnement particulièrement favorable, qu’il s’agisse du crédit d’impôt recherche ou des pôles de compétitivité. Nous avons d’ailleurs pris la décision de regrouper à Villarceaux la totalité de nos activités de R & D situées actuellement à Paris–Sud. Ce pôle comprendra ainsi près de 3 000 personnes, ce qui en fera le deuxième pôle mondial en R & D pour le groupe ; l’efficacité en sera d’autant plus forte.

Enfin, nous devons travailler sur notre bilan et trouver des bouffées d’oxygène en matière de refinancement. Nous avons voulu nous donner des marges de manœuvre suffisantes en matière financière. Après avoir examiné en détail les différentes solutions envisageables, le conseil d’administration de notre groupe a donné son accord au plan négocié avec le Crédit Suisse et Goldman Sachs, qui apparaissait comme la meilleure option. Dans un marché en pleine mutation et confronté à de nombreuses incertitudes, il est fondamental que nous puissions apporter des certitudes et des éléments de pérennité à nos clients, de nature à faciliter les engagements de moyen et de long terme. Par ailleurs, on doit désendetter le groupe et appliquer le Plan que nous avons précédemment défini. Si les activités du groupe sont garanties – nanties par des actifs –, nous ne souhaitons pas pour autant céder les nantissements - notamment les brevets - car ils constituent l’avenir du groupe. Je veux vous rassurer sur ce point.

M. le président François Brottes. Je vous remercie ; je signale par ailleurs que nous inviterons également les délégués du personnel de votre groupe, auquel nous tenons et dont la stratégie nous intéresse au plus haut point. Je me permettrai une dernière question : les investissements en télécommunications se portent-ils mieux dans les pays où il y a une forte concurrence entre opérateurs ou, au contraire, dans ceux où il y en a peu ?

M. Philippe Keryer. On peut répondre à votre question en faisant un parallèle entre les équipementiers et les opérateurs. Il existe dans ce groupe des activités qui se portent très bien, dans lesquelles nous sommes leaders sur le marché (je pense notamment aux routeurs, au transport optique…), où il existe une importante innovation mais où existent également des problèmes de taille critique. Le déploiement du très haut débit fixe et mobile est facilité dans les espaces où il existe des acteurs de taille critique, capables de consentir aux investissements nécessaires. C’est pourquoi les États-Unis, qui étaient en retard il y a quelques années encore, sont désormais en avance sur le très haut débit.

L’Europe n’a pas cette taille critique. Nous ne pouvons avoir de stratégie commune à l’ensemble du territoire car les besoins sont très variables selon les États. Cela rend difficile une approche cohérente sur les investissements de long terme pour lesquels les retours ne sont pas immédiats.

M. le président François Brottes. Une toute dernière question relative au marché australien, où il y a eu un volontarisme fort par rapport au très haut débit : êtes-vous présent sur ce marché ?

M. Philippe Keryer. Oui, tout à fait.

M. le président François Brottes. Je vous remercie et je vous donne rendez-vous, mes chers collègues, au mois de janvier. La séance est levée.

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Information relative à la commission

La commission a nommé Mme Laurence Abeille, rapporteure sur la proposition de loi relative à l’application du principe de précaution défini par la Charte de l’environnement aux risques résultant des ondes électromagnétiques (n° 531).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 19 décembre 2012 à 10 heures

Présents. - M. Damien Abad, Mme Laurence Abeille, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Joël Giraud, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Thierry Benoit, M. André Chassaigne, M. Jean-Michel Couve, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Razzy Hammadi, M. Henri Jibrayel, M. Armand Jung, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Le Loch, M. Serge Letchimy, M. Michel Liebgott, M. Yves Nicolin, M. Michel Piron, Mme Josette Pons, M. Bernard Reynès, M. Michel Sordi, M. Alain Suguenot, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistait également à la réunion. - M. François de Rugy