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Commission des affaires économiques

Mardi 14 mai 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 75

Présidence de M. François Brottes Président

– Examen, ouvert à la presse, du rapport d’information sur les zones franches urbaines (M. Henri Jibrayel, rapporteur).

La commission a examiné le rapport d’information sur les zones franches urbaines de M. Henri Jibrayel, rapporteur de la mission d’information présidée par M. Michel Sordi.

M. le président François Brottes. Au nom de la commission des affaires économiques, je souhaite la bienvenue au ministre François Lamy, que je remercie d’avoir répondu à mon invitation d’assister à la remise d’un rapport parlementaire qui le concerne. Cette pratique innovante lui permettra non seulement d’entendre sa présentation en temps réel, mais aussi d’y réagir s’il le souhaite. Après tout, le travail des parlementaires a vocation à être repris par ceux qui sont en charge de mettre en œuvre des mesures.

Pendant quelque six mois, Michel Sordi, président de la mission d’information sur les zones franches urbaines, et Henri Jibrayel, rapporteur, ont procédé à moult auditions et déplacements pour répondre aux questionnements que suscitent, au bout de quinze ans d’existence, les dispositifs particuliers pour les zones dites sensibles. Ces dispositifs sont-ils efficaces ? Faut-il les pérenniser en l’état ou les modifier fondamentalement ? Doit-on les appliquer de la même manière sur tout le territoire ? Ce cheminement leur a permis, d’abord, de poser un diagnostic, puis d’élaborer des propositions. Sachant que, parallèlement, monsieur le ministre, vous-même avez lancé une réflexion sur le sujet, nous ne pouvons qu’être intéressés par la confrontation des deux approches.

M. Michel Sordi, président de la mission d’information. Merci, monsieur le ministre, de bien vouloir assister à la remise du rapport que nous avons rédigé, Henri Jibrayel et moi. Il était temps de tirer le bilan des cent zones franches urbaines réparties sur le territoire, tant du point de vue des avantages et inconvénients que des résultats quantifiés. Je laisse le rapporteur vous les présenter et reprendrai la parole pour vous faire part de nos propositions.

M. Henri Jibrayel, rapporteur. Après plusieurs mois de travaux, notre mission d’information sur les zones franches urbaines vous présente aujourd’hui ses conclusions. Je salue la présence du ministre François Lamy qui s’intéresse de près à leur avenir. Notre mission a organisé plusieurs auditions et effectué plusieurs visites dans toute la France afin de nourrir ses travaux de multiples témoignages, expériences et suggestions. Je remercie le président François Brottes d’avoir permis la création de cette mission afin d’évaluer le dispositif des zones franches urbaines et de s’interroger sur son avenir. La loi de finances pour 2012 a, en effet, prolongé le dispositif jusqu’au 31 décembre 2014 sans préciser ce qu’il en serait après.

La loi du 14 novembre 1996 relative au pacte de relance pour la ville a posé le principe de la mise en œuvre, au sein de la politique de la ville, de dispositions dérogatoires au droit commun dans le but de compenser les handicaps économiques ou sociaux de certains quartiers. Les zones franches urbaines (ZFU) ont été créées dans des quartiers particulièrement défavorisés. On en compte aujourd’hui cent, dont quatre-vingt-treize en France métropolitaine et sept en outre-mer. Elles ont été créées en trois vagues successives, à raison de quarante-quatre en 1997, de quarante et une en 2004, puis de quinze, dites de troisième génération, en 2007.

Les ZFU font l’objet d’un régime dérogatoire d’exonérations fiscales et sociales destiné à inciter les entreprises à s’y installer et à embaucher. Les entreprises qui emploient au plus cinquante salariés et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10 millions d’euros bénéficient d’une exonération totale de taxe foncière sur les propriétés bâties et d’impôt sur les bénéfices pendant cinq ans, puis d’une exonération dégressive de l’impôt sur les bénéfices pendant neuf ans. Elles bénéficient également d’une exonération totale de la contribution économique territoriale pendant cinq ans, puis dégressive pendant trois à neuf ans selon la taille de l’entreprise. Ces entreprises sont également totalement exonérées de cotisations sociales patronales de sécurité sociale pendant cinq ans pour les rémunérations en dessous de 1,4 SMIC, et de façon dégressive jusqu’à 2 SMIC. Ces exonérations s’appliquent ensuite de façon dégressive pendant trois à neuf ans, selon la taille des entreprises. Depuis 2012, le bénéfice des exonérations sociales est subordonné à l’embauche d’un salarié sur deux résidant en zone urbaine sensible (ZUS), contre un sur trois auparavant.

Bien que le dispositif soit régulièrement critiqué, notre mission d’information en dresse un bilan globalement positif et propose de le proroger jusqu’au 31 décembre 2017. Le rapport souligne que les résultats des ZFU en matière d’activité économique et d’emploi varient selon les générations de ZFU et leur localisation. Selon l’INSEE, dans les quarante-quatre ZFU instituées en 1997, de 9 700 à 12 200 établissements ont été créés en cinq ans. La deuxième génération de zones franches aurait eu un effet moins positif : fin 2006, les quarante et une ZFU créées en 2004 auraient permis la création de seulement 1 400 à 3 400 établissements. Les ZFU de première génération auraient permis la création de 41 000 à 57 000 emplois alors que celles de deuxième génération n’auraient pas eu d’effet significatif sur l’emploi.

Cependant, la mission considère que ces chiffres doivent être relativisés pour deux raisons. D’une part, le contexte de crise économique explique en partie un certain essoufflement du dispositif ces dernières années. D’autre part, plus du tiers des entreprises qui s’implantent en ZFU sont des auto-entreprises et les auto-entrepreneurs ne sont pas comptabilisés dans les créations d’emplois car ils n’ont pas un statut de salarié. De plus, la mission, s’appuyant sur les déplacements qu’elle a effectués à Mulhouse, Nîmes, Marseille et Toulouse, insiste sur la dynamique créée par les ZFU au plan local et l’effet de levier exercé sur les investissements privés, en particulier dans la construction d’immobilier d’entreprise.

L’une des critiques fréquemment adressées aux ZFU est que celles-ci ne reposeraient que sur le transfert d’activités déjà existantes, les entreprises y ayant été attirées par les exonérations au détriment d’autres quartiers. La mission a constaté qu’un tel effet d’aubaine avait joué lors de la mise en œuvre du dispositif mais que, actuellement, la part des créations d’entreprise par rapport aux transferts s’élevait à 76,4 %, soit à peine moins que dans les unités urbaines de référence. Lors de ses déplacements, la mission a rencontré de nombreux chefs d’entreprise qui ont fait le choix de s’installer de façon pérenne dans une ZFU. Les ZFU ont fortement contribué à la mixité fonctionnelle, qui était l’un des principaux objectifs fixés par la loi de 1996 : l’installation d’entreprises a permis en particulier le développement de commerces de proximité, ce qui a amélioré l’image des quartiers et la vie quotidienne de leurs habitants.

Pour différentes raisons, la mission estime que le coût des ZFU tel qu’évalué par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), qui s’élève à 419 millions d’euros en 2011, ne reflète pas toutes leurs retombées positives. Il conviendrait, tout d’abord, de déduire de ce coût les allégements dits Fillon qui auraient bénéficié aux bas et moyens salaires et qui présentent un faible différentiel avec les allégements de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises en ZFU. Le dispositif ZFU a exercé un effet de levier important sur les investissements privés et a engendré des recettes fiscales, notamment par le biais de la TVA. Enfin, la vision purement comptable du coût des ZFU conduit à ignorer toutes les retombées positives en termes de mixité fonctionnelle, d’amélioration de l’image des quartiers, de dynamique urbaine et d’équipements.

Le rapport identifie plusieurs explications au fait que certaines ZFU n’ont pas atteint tous leurs objectifs.

Premièrement, l’érosion des avantages sociaux liés à l’implantation en ZFU du fait de la mise en œuvre, depuis 2003, de l’allégement Fillon, faisant passer l’écart de taux de cotisation entre les établissements situés en ZFU et les autres de dix points en 1997 à deux points en 2006.

Deuxièmement, le manque de foncier et d’immobilier disponibles. Au départ, les ZFU ne disposaient pas toutes du même potentiel. De plus, certaines sont aujourd’hui victimes de leur succès, l’arrivée à saturation ayant pour résultat le plafonnement des implantations d’entreprises.

Troisièmement, le manque d’accompagnement pour les entreprises, qu’il s’agisse de l’information sur le dispositif, du recrutement, de l’aide à la création d’entreprise ou de la prévention des contrôles. La mission souligne en particulier le manque d’un dispositif adapté pour le recrutement et l’emploi, alors même que la loi impose aux entreprises le recrutement d’un salarié sur deux résidant en ZUS pour bénéficier des exonérations de cotisations sociales.

Quatrièmement, l’insuffisance du pilotage au niveau local. Les ZFU qui ont réussi sont celles pour lesquelles les collectivités territoriales se sont investies et ont mis en œuvre un vrai pilotage associant les différents acteurs. On ne peut que regretter la suppression, en 2004, des comités d’orientation et de surveillance qui regroupaient dans chaque ZFU, sous la présidence du préfet, les élus, les représentants des organismes consulaires et les services de l’État.

Cinquièmement, l’absence de stratégie économique globale au niveau de l’agglomération. Les ZFU ayant le mieux réussi sont celles qui se sont inscrites dans un véritable projet de développement économique et dans lesquelles les collectivités locales ont réalisé les investissements nécessaires pour attirer les entreprises : transports, voirie, équipements publics, télécommunications.

Sixièmement, le manque d’articulation avec la rénovation urbaine, qui concerne 80% des ZFU.

Septièmement, l’absence d’évaluation systématique des résultats au niveau local. L’ONZUS a pour mission de collecter un certain nombre d’indicateurs socio-économiques définis par la loi, mais le manque de suivi dans chaque ZFU ne permet pas la mise en œuvre d’un réel pilotage obéissant à une vision stratégique.

La réflexion sur le devenir des ZFU après 2014 s’inscrit dans le contexte de la réforme de la politique de la ville que vous avez initiée, monsieur le ministre. Dans un rapport publié en juillet 2012, la Cour des comptes critiquait la trop grande complexité et le manque de lisibilité des instruments de la politique de la ville. Lors de votre audition par la commission, le 4 décembre 2012, vous aviez annoncé votre volonté de soumettre au Parlement une réforme de cette politique à la fin du premier semestre 2013. Dans cette perspective, le Comité interministériel des villes a rendu publique, le 19 février dernier, une liste de décisions résultant de la concertation nationale « Quartiers, engageons le changement », tenue entre octobre 2012 et janvier 2013. Il s’agit principalement de simplifier et resserrer la géographie prioritaire actuelle autour d’un nombre ciblé de « quartiers prioritaires » – 1 000 au maximum, contre 2 500 actuellement –, définis sur la base de la part de population à bas revenus, et de graduer l’intervention de l’État en fonction des besoins sociaux et de la capacité contributive des collectivités concernées. La mission est favorable à une simplification du zonage et à une meilleure articulation entre les différents instruments de la politique de la ville. À ce titre, elle salue le travail issu de la concertation nationale.

Parallèlement, dans le domaine de l’emploi, le Gouvernement met en œuvre une expérimentation sur trois ans des emplois francs, qui visent les résidents des ZUS de moins de trente ans. Les entreprises qui les embaucheront en CDI pourront bénéficier d’une aide de 5 000 euros. Une première vague de 2 000 emplois francs est prévue en 2013 sur dix sites : Amiens, Grenoble, Clichy-Montfermeil, Marseille, Toulouse, Lille, Saint-Quentin, Fort-de-France, Perpignan et Sarcelles. La mission estime que les emplois francs et les zones franches ne doivent pas reposer sur des logiques antagonistes mais qu’il convient de rechercher une synergie entre les deux dispositifs.

La mission d’information formule quatorze propositions, dont la principale est la prolongation du dispositif des ZFU jusqu’à fin 2017, dans un objectif de stabilisation institutionnelle. Les ZFU ont permis la mise en œuvre d’une dynamique extrêmement positive. Leur maintien est une nécessité, compte tenu de la situation économique et de l’évolution du chômage, qui s’élève à plus de 25 % dans les ZFU, et jusqu’à 40 % chez les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. De tous les acteurs que nous avons pu rencontrer et que nous avons interrogés sur un éventuel dispositif de remplacement, aucun n’a pu nous en proposer un d’équivalent. Dans le contexte actuel, faire disparaître les zones franches serait vraiment une aberration. Il faut les pérenniser jusqu’en 2017, quitte à conduire en parallèle votre expérimentation sur les emplois francs. De mitigé au départ, le bilan nous a paru finalement plutôt positif. Sur chaque site où nous nous sommes rendus, nous avons pu voir des actions positives et des acteurs souhaitant la prorogation du dispositif.

M. Michel Sordi, président de la mission d’information. Nos cinq premières propositions visent à assurer la stabilisation économique et fiscale, la principale étant, vous l’aurez compris, de proroger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2017 en maintenant le déplafonnement de la rémunération jusqu’à 1,4 fois le SMIC. Vient ensuite le retour de la clause d’embauche locale à une embauche sur trois, sans obligation chronologique, afin de coller à la réalité du recrutement. En effet, devant la difficulté pour les entreprises de trouver un gisement de main-d’œuvre dans les quartiers sensibles, cette clause pouvait avoir un effet dissuasif. Nous proposons encore de stabiliser juridiquement et fiscalement le dispositif des ZFU jusqu’au 31 décembre 2017 pour garantir aux entreprises un environnement stable ; d’inscrire le dispositif dans le « choc de simplification » défendu par le Président de la République en allégeant la procédure ; de limiter les effets d’aubaine en interdisant notamment de nouvelles implantations de professions libérales.

Les cinq propositions suivantes s’inscrivent dans le cadre de la stabilisation institutionnelle. La n° 6 consiste à organiser un véritable pilotage local des ZFU. Des comités devraient être créés à cet effet, impliquant le préfet ou son représentant en charge de la politique de la ville, le maire ou le président d’EPCI, différents élus locaux et nationaux, les chambres consulaires ainsi que les représentants des entreprises et des salariés de la ZFU, mais aussi les associations liées au projet.

Renforcer l’articulation avec la politique de l’emploi en rendant systématique l’implication de Pôle Emploi constitue le point n° 7. On ne doit plus entendre des anecdotes telles que celle du chef d’entreprise qui, soucieux de remplir ses obligations de recruter un poste sur deux dans le périmètre du quartier sensible, se voit refuser par Pôle Emploi des indications sur les candidats habitant dans le périmètre sous prétexte de non-discrimination à l’embauche. Cela passe par la mise en place d’un référent spécifique à ces quartiers au sein des agences et d’un système informatisé également spécifique permettant l’accompagnement et le suivi des demandeurs d’emploi.

Mieux diffuser l’information en direction des bénéficiaires potentiels des dispositifs, demandeurs d’emploi résidant en ZFU comme créateurs d’entreprises, est le point n° 8. Le n° 9 consiste à accompagner les entreprises sur les aspects juridiques et fiscaux, en particulier les très petites entreprises, ce qui permettrait de mieux encadrer les contrôles exercés par les services de l’État et de réduire les effets d’aubaine. Enfin, le point n° 10 propose la création d’un portail sur internet avec un système d’alerte en cas de modification des règles fiscales ou juridiques.

Les propositions n°s 11 à 14 ont pour objectif la stabilisation géographique. La onzième vise à refonder le zonage en lien avec la réforme de la géographie prioritaire, en procédant à la suppression des ZFU les plus anciennes arrivées à maturité et qui ne disposent plus de réserve foncière, en créant de nouvelles zones franches urbaines en fonction des besoins locaux constatés, ainsi qu’en complétant celles qui disposent encore de foncier afin de favoriser le retour sur investissement des SEM ou des collectivités. Ces évolutions devront s’appuyer sur un diagnostic précis des disponibilités foncières et immobilières.

La douzième proposition vise à réaliser ou renforcer les équipements nécessaires à l’attractivité des ZFU. Dans certaines de ces zones, les transports représentent un véritable problème, mais il faut également améliorer les voiries, les télécommunications, le cadre de vie.

Treizième proposition, développer la formation, en amont comme en cours de contrat, en aidant les entrepreneurs à former des personnes qu’ils pourront embaucher par la suite. Cette action pourrait être conduite en partenariat avec les organismes compétents – chambres des métiers, commerce et artisanat, formation en alternance, services de la région.

Quatorzième et dernière proposition, créer une synergie entre les zones franches urbaines et les emplois francs. Il serait opportun de les combiner en adaptant les réponses aux réalités du terrain et des individus. Les deux dispositifs ne doivent pas se fonder sur des logiques antagonistes et, en tout état de cause, il faut pérenniser le dispositif ZFU, ne serait-ce que dans l’attente d’un retour d’expérience sur le dispositif des emplois francs.

Je termine en soulignant qu’Henri Jibrayel et moi-même avons une vision très proche du devenir du dispositif.

M. le président François Brottes. Nous avons bien compris que, en préconisant la pérennisation du dispositif, le rapporteur et vous-même défendez le principe de la discrimination positive durable.

M. Daniel Fasquelle. Le groupe UMP approuve les propositions, en particulier celle consistant à prolonger le dispositif jusqu’à la fin de 2017, mais a néanmoins quelques remarques à formuler.

Il est très certainement utile de se concentrer sur les quartiers où il faut développer l’emploi et lutter contre la pauvreté, mais cela ne doit pas nous dispenser d’une réflexion plus générale sur la compétitivité de l’économie française. D’une certaine façon, on entend développer ces entreprises en faisant exception aux règles qui pèsent sur les autres. Or, dans le contexte de compétition mondiale et européenne, on attend une vraie politique qui améliore la compétitivité de notre pays, et on l’attend en vain depuis un an.

Dans une France de plus en plus urbaine, s’intéresser aux quartiers, c’est bien, mais il ne faut pas le faire en oubliant la ruralité. Les zones de revitalisation rurale feraient un thème de rapport intéressant. Il y aurait beaucoup à dire sur le développement de l’emploi et de l’activité économique en milieu rural, car la France rurale souffre et est touchée de plein fouet par la crise.

Dans l’éventualité du prolongement du dispositif, il conviendrait de mettre à profit le temps supplémentaire ainsi obtenu pour mettre en application les autres propositions du rapport et avoir une réflexion plus globale en matière de politique de la ville afin d’instaurer une vraie cohérence entre rénovation urbaine, création de telles zones et formation notamment. On sait parfaitement que l’éloignement des centres de formation des sites où sont implantées les entreprises et où vivent les jeunes est un handicap, et d’autant plus s’il s’accompagne de difficultés de mobilité. En la matière, un travail est à engager avec les régions, les chambres de commerce et surtout les chambres de métiers.

En matière d’emploi, on constate sur le terrain une multiplication des intervenants : Pôle Emploi, mission locale, plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE), maisons de l’emploi. Une réflexion doit viser à installer une meilleure cohérence entre les différents acteurs chargés d’aider les personnes en recherche d’emploi, y compris la multiplicité de ceux qui interviennent dans le secteur de la formation. Les zones franches pourraient constituer un terrain utile d’expérimentation pour la coordination de tous ces acteurs.

Nous approuvons donc les propositions qui sont faites, tout en considérant qu’il faut aller au-delà et mettre à profit le temps qui nous sera laissé pour avoir une réflexion plus globale sur la politique de la ville et la compétitivité de l’économie française.

M. François Pupponi. Fervent défenseur des ZFU, je salue à mon tour le rapport qui tempère les conclusions négatives auxquelles parviennent depuis quelques années les rapports de la Cour des comptes et autres inspections générales, qui ne s’intéressent qu’au coût trop élevé du dispositif au regard des emplois créés. Or les ZFU ont aussi permis de sauver des emplois, certes difficilement quantifiables, et constitué un outil de lutte contre le syndrome du rideau baissé. Empêcher la destruction d’emplois dans ces quartiers est tout aussi important que d’en créer. Nous avons donc, avec ce rapport, un état des lieux objectif.

Parmi les propositions avancées, je salue celle de la prorogation du dispositif. Il y a deux ans, alors que nous étions tous d’accord dans l’hémicycle sur ce point, le Gouvernement précédent avait arbitré autrement pour des raisons budgétaires. Il serait paradoxal de faire monter en puissance la rénovation urbaine, en rénovant les quartiers, en y créant des centres commerciaux et des activités, et d’arrêter dans le même temps les seuls dispositifs vraiment créateurs d’emplois. La proposition de relier les zones franches urbaines à la refondation de la politique de la ville préconisée par le ministre va dans ce sens.

Autre mesure salutaire, la simplification. Un entrepreneur qui souhaite s’installer dans ces zones a du mal à obtenir, moins d’ailleurs de la part des services fiscaux que de l’URSSAF et d’autres organismes, des renseignements sur les conditions d’exonération. On le laisse faire et, alors qu’il pense pouvoir bénéficier des exonérations, trois ans plus tard, il est frappé de redressement. La simplification est donc de nature à rassurer les chefs d’entreprise en leur permettant de savoir où ils vont.

Une troisième proposition fondamentale concerne les comités de pilotages, peu répandus dans les précédentes générations de ZFU. Il y a pourtant un grand intérêt à ce que l’ensemble des acteurs puisse travailler ensemble à l’évolution de la zone franche.

Reste que je ressens de la gêne sur quelques sujets. D’abord, s’agissant de l’emploi local, je m’interroge sur la pertinence du retour à un emploi sur trois comme réponse à la difficulté de recruter. Le problème vient de ce que le service public de l’emploi ne fonctionne pas selon une logique de discrimination positive permettant aux habitants de ces territoires d’avoir un accès prioritaire à l’emploi. C’est ce dysfonctionnement qu’il faudrait rectifier. Ensuite, je suis favorable à la réduction de l’effet d’aubaine pour les professions libérales, sauf peut-être lorsqu’il s’agit du remplacement d’un professionnel de santé. Un médecin qui vient en remplacer un autre devrait pouvoir accéder aux zones franches, faute de quoi on risque de créer des déserts médicaux.

Mme Michèle Bonneton. Je remercie nos collègues pour ce rapport très approfondi, tant sur le bilan que sur les propositions.

En ce qui concerne le bilan, il est difficile d’évaluer précisément dans quelle mesure les zones franches urbaines ont réellement profité aux habitants et aux entreprises locales, tout comme il est difficile d’évaluer le coût de chaque emploi créé puisqu’on n’en connaît pas précisément le nombre.

Depuis la création des ZFU, de nouvelles mesures ont été prises – allégements des contributions sociales sur les bas salaires, emplois d’avenir, crédit d’impôt compétitivité-emploi – qui ont probablement réduit leur intérêt. Ne vaudrait-il pas mieux revisiter complètement ce dispositif plutôt que d’envisager son prolongement jusqu’en 2017 ? Cela dit, je comprends qu’il puisse y avoir un enjeu de plus grande visibilité pour les acteurs.

Faut-il continuer une politique fondée sur un zonage ou aller vers une politique de droit commun et des aides ciblées sur certains secteurs, comme celui de la santé dans certaines zones urbaines ou certains territoires ruraux déshérités ?

Merci à M. le ministre de bien vouloir nous faire part de ses propositions.

M. Yves Blein. Je remercie également le président et le rapporteur de la mission pour la qualité de leur travail. Député de la ville de Vénissieux qui comporte une ZFU, je peux témoigner qu’il s’agit d’un dispositif très utile, et j’apporte mon soutien plein et entier à la proposition de son maintien. Je veux rassurer M. Fasquelle : on est loin du jour où l’on devra s’inquiéter des déséquilibres de compétitivité dans l’économie française que pourraient créer les entreprises installées en zone franche urbaine. Les 20 milliards consacrés au crédit d’impôt compétitivité-emploi me semblent répondre largement au problème de compétitivité de l’économie française.

La difficulté d’adéquation entre les offres d’emplois et les publics disponibles est ressentie non seulement dans les zones franches urbaines, mais aussi dans les emplois d’avenir. De ce fait, on aurait peut-être intérêt à développer auprès des entrepreneurs sur ces territoires des services de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour identifier et préparer, avant même que les emplois soient créés, les personnes qui seraient susceptibles de les occuper.

M. Alain Marc. Comme M. Pupponi, je m’interroge sur les restrictions à poser à l’installation des professions libérales, plus précisément des professionnels de santé. En milieu rural, le classement en zone de revitalisation rurale est un des facteurs qui encourage ces professionnels à venir, mais c’est encore largement insuffisant. Permettre aux successeurs des médecins qui partent à la retraite de bénéficier du dispositif serait un moyen de ne pas faire des déserts médicaux de ces zones déjà déshéritées.

Mme Éricka Bareigts. Moi aussi, je salue le travail très éclairant de nos collègues. La finalité du dispositif est la création d’emplois sur des territoires en très grande difficulté. Dans ma circonscription, le chômage touche 30 % de la population et 60 % des jeunes. Pour peu qu’on y mette en place une gestion prévisionnelle des emplois et un service public de l’emploi efficace et actif, la ZFU peut être une chance pour de jeunes diplômés qui n’arrivent pas à s’imposer sur ces territoires dans les TPE et PME. Jouer sur le niveau de plafonnement pourrait être une piste : pour attirer des cadres de bon niveau, il faut des salaires en correspondance.

M. Éric Straumann. À mon tour, je félicite nos collègues pour la qualité de leur rapport. Les ZFU ont été initiées par Alain Juppé au milieu des années 90. Elles ont donné de bons résultats, en particulier à Mulhouse où la ZFU des Coteaux a permis de limiter les dégâts. La proposition de créer de nouvelles zones franches urbaines pourrait intéresser d’autres villes. Dans mon secteur, à Colmar par exemple, la situation s’est considérablement dégradée au cours des derniers mois, avec des fermetures d’entreprises. Quels seraient les critères à remplir pour ouvrir d’autres zones franches urbaines ?

M. Christophe Borgel. Je félicite, moi aussi, la mission que nous avons eu le plaisir d’accueillir à Toulouse. Les zones franches urbaines poursuivaient deux buts : l’un d’aménagement des quartiers par l’implantation d’entreprises, l’autre d’accès à l’emploi des habitants de ces quartiers. Or le deuxième but n’a pas été atteint. Dans de nombreuses ZFU, en effet, les entreprises qui s’implantaient n’offraient pas des emplois correspondant aux habitants de leur quartier. Le nouvel équilibre proposé dans le rapport permet d’atteindre les deux objectifs en remédiant à l’inadéquation des offres d’emploi aux habitants du quartier, vivement critiquée lors du débat organisé à Toulouse. Le dispositif des emplois francs qui viendra compléter celui des ZFU permettra d’atteindre parfaitement le double objectif d’une présence d’activité économique au sein des quartiers et d’emploi de leurs habitants, qui connaissent un taux de chômage particulièrement fort.

Mme Catherine Vautrin-Pennaforte. Comme les intervenants précédents, je félicite le président et le rapporteur de la mission, dont je partage l’analyse.

La présente question s’adresse plutôt à M. le ministre puisqu’elle concerne la position de Bruxelles sur le sujet. Pour avoir porté la troisième génération de ZFU, je me souviens de négociations pas très simples avec la commissaire européenne à la concurrence de l’époque, Mme Kroes. La position de la Commission a-t-elle évolué ?

Les ZFU comptent pour beaucoup dans l’attribution de la DSU puisque le rapport entre population en zone franche urbaine et population en zone urbaine sensible constitue un paramètre de l’équation. Le maintien du dispositif entraînerait-il l’attribution d’accompagnements financiers particuliers pour les villes comptant des ZFU sur leur territoire ?

L’action conjointe de l’ANRU, de l’EPARECA et du dispositif ZFU constitue un tiercé gagnant qui permet de ramener de façon importante de l’emploi dans les quartiers. Comment appréciez-vous ce sujet ?

Mme Marie-Lou Marcel. Le Gouvernement a lancé, sur dix sites, l’expérimentation des emplois francs visant à favoriser l’emploi de jeunes issus de quartiers en difficulté. L’entreprise qui s’installera dans un tel quartier ne bénéficiera pas, comme dans les zones franches urbaines, d’exonérations de charges mais elle recevra une aide de 5 000 euros. Comment ces deux dispositifs vont-ils s’articuler ? Les emplois francs succéderont-ils aux ZFU ou les deux vont-ils coexister ?

M. Michel Piron. Je m’associe aux remerciements prodigués au rapporteur et au président de la mission sur un sujet difficile. Je me réjouis de la proposition de pérennisation d’un outil qui date de 1996. Ce n’est pas rien puisque plus de 300 000 emplois sont concernés en ZFU. Quelques observations cependant.

Le rapport l’a souligné, il n’y a pas suffisamment de synergies entre la réflexion sur la politique de rénovation urbaine et les zones franches, ce que les urbanistes appellent dans leur jargon la mixité fonctionnelle. Quel est votre sentiment à cet égard ?

Les problèmes que soulève la clause d’embauche locale sont liés au fait qu’elle porte sur une zone. Dès lors, il convient de définir le bon périmètre de ce zonage. Pour y faire tenir le lien emploi-habitat, ne faudrait-il pas élargir l’échelle d’appréhension ? Une clause de localisation trop exigeante me laisserait perplexe. Les difficultés de mobilité me semblent aussi déterminantes qu’un zonage trop étroit, tous deux susceptibles de tuer dans l’œuf les essais de réactivation par l’emploi de certains quartiers. Sur ce sujet aussi, j’aimerais connaître votre sentiment.

Puisque, pour vous comme pour vos prédécesseurs, gouverner c’est choisir, parmi les priorités que vous allez être obligés de dégager, quel périmètre d’action privilégiée allez-vous retenir à l’échelle nationale ?

Mme Audrey Linkenheld. À mon tour, je m’associe aux satisfactions exprimées ainsi qu’aux interrogations soulevées par François Pupponi. J’en ajoute une relative à la proposition de supprimer les ZFU les plus anciennes qui ne disposent plus de réserve foncière. Tout comme mon collègue préconisait de maintenir le bénéfice du dispositif aux successeurs de certains professionnels libéraux, je propose d’envisager la même chose pour les ZFU anciennes dont la vitalité dépend du turn over. La zone franche de Lille compte 1 500 entreprises et 3 800 salariés ; 42 % des entreprises seulement sont implantées depuis 2008, et pour autant, la ZFU est pleine. Serait-il envisageable de conserver aux entreprises, venant en remplacement d’autres, le bénéfice du dispositif, pour ne pas risquer de voir, à terme, une ZFU pleine se vider ?

M. Michel Sordi, président de la mission d’information. Puisque l’Europe et la concurrence ont été évoquées, je peux apporter un témoignage en tant qu’élu du Haut-Rhin. Je suis convaincu que la zone franche de Mulhouse a permis de maintenir en Alsace des entreprises qui, sans cela, seraient passées de l’autre côté de la frontière. C’est donc un aspect tout à fait positif.

Le coût annuel de 420 millions d’euros rapporté au nombre d’emplois peut paraître élevé, en effet. Sauf qu’il faut réintégrer tous les travaux d’aménagement, de voirie et de construction réalisés, qui ont aussi généré des emplois ainsi que de la TVA.

La simplification est indispensable pour remédier à cette maladie française de toujours compliquer les choses. Les quelques dérapages possibles seraient un moindre mal par rapport aux multiples plaintes d’entrepreneurs frappés par des redressements de l’URSSAF ou des services fiscaux alors qu’ils étaient parfaitement de bonne foi.

Les ZFU qui fonctionnent le mieux sont celles qui sont dotées d’un comité de pilotage se réunissant régulièrement pour traiter les problèmes et échanger des informations.

S’agissant de l’emploi local, j’ai souvenir d’une association d’insertion présente dans une ZFU qui faisait un travail remarquable, meilleur même que Pôle Emploi qui n’était pas assez immergé dans le quartier. Cette association réussissait à trouver des personnes employables par les entreprises. C’est ce qui nous fait dire que ces associations d’insertion doivent être intégrées dans le comité de pilotage.

J’ai bien entendu le reproche selon lequel les ZFU ont vidé les centres-villes des médecins, mais je ne serais pas choqué que le successeur d’un médecin quittant la zone franche puisse bénéficier du dispositif. Dans notre souci d’équilibre, nous ne devons pas oublier que les professions libérales font venir dans les zones des clients qui vont consommer, et que cela crée une dynamique. Ainsi, une avocate me disait s’être implantée dans une zone franche urbaine par opportunisme. Déjà bien installée en ville, elle n’avait pas besoin de démarrer mais voulait bénéficier des avantages fiscaux. Elle a rempli ses obligations d’emploi et a fait construire un bâtiment de bureau. Elle est toujours là aujourd’hui bien que ne bénéficiant plus des aides. Le résultat est donc positif.

Pour les diplômés résidant en ZFU, effectivement, il faut peut-être revoir l’échelle. Au regard des problèmes de recrutement dans les zones sensibles, cet aspect est proportionnellement moins important, mais on doit aussi y réfléchir.

Ce n’est pas à moi de définir les critères d’ouverture de ZFU, mais il me semble qu’on devrait pouvoir prendre en compte l’évolution préoccupante des chiffres du chômage.

M. Henri Jibrayel, rapporteur. Pour répondre à François Pupponi et à Audrey Linkenheld, nous ne visons pas les professions libérales qui exercent leur activité en zone franche mais celles les groupements d’infirmiers ou de médecins qui venaient uniquement profiter de l’effet d’aubaine. Bien entendu, les remplaçants qui exercent réellement dans la zone franche continueraient à bénéficier du dispositif.

Notre proposition de revenir de un emploi sur deux à un sur trois nous a été inspirée par les difficultés à recruter des jeunes formés que rencontrent les employeurs, même les plus farouchement soucieux de respecter les critères.

M. le président François Brottes. Vous sentez bien, monsieur le ministre, que la commission vous apporte un soutien unanime dans la quête d’arbitrages favorables dans ce domaine. Vous avez bien fait de venir : vous repartirez les poches pleines, et nous avec, sinon des engagements, du moins un avis sur ce travail extrêmement sérieux effectué par nos collègues.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Je vous remercie, monsieur le président, de m’avoir invité à participer à cette réunion de travail. Cette pratique peu commune a ceci d’intéressant qu’elle permet d’entendre à la fois les auteurs et les questionnements que leurs travaux ont suscités. Je remercie également le président de la mission et le rapporteur dont le travail va être utile. Vous comprendrez bien que je ne vais pas prendre position aujourd’hui sur l’ensemble des propositions, mais je répondrai néanmoins à certaines interrogations soulevées dans le rapport.

La prorogation ou non du dispositif est la première des interrogations que nous sommes amenés à poser puisqu’il est programmé pour s’arrêter à la fin de 2014. Je regrette que M. Fasquelle, qui souhaite le prolonger jusqu’en 2017, n’ait pas été plus persuasif sous le mandat précédent. Si la commission est unanime à le souhaiter, il n’en reste pas moins que ce point fera l’objet d’une discussion avec mes collègues de Bercy et avec la Commission européenne. Dans le temps qu’il nous reste, votre rapport sera très utile au Gouvernement. Moi-même, j’ai demandé une évaluation au Conseil économique, social et environnemental, qui doit rendre son rapport à la fin de l’année. En engageant des discussions parallèlement, on devrait pouvoir prendre des décisions au début de l’année prochaine, voire en loi de finances initiale. Quoi qu’il en soit, je reste persuadé qu’il existe un dispositif pertinent, celui-là ou un autre.

Le rapport le souligne, le bilan des ZFU est contrasté, même s’il doit être nuancé en raison des difficultés d’évaluation. Il est vrai que, face à un dispositif qui engage une somme aussi conséquente que 420 millions d’euros, ne pas pouvoir connaître le nombre d’emplois réellement créés peut constituer un problème. Il importe de continuer à chercher à distinguer entre la part de l’effet d’aubaine et la part des créations d’emplois réellement dues aux mesures de façon à déterminer si l’argent est dépensé à bon escient et à travers un dispositif adapté.

Le rapport conforte néanmoins certaines de mes convictions. En matière de simplification, par exemple, nous sommes tous d’accord pour essayer de l’introduire dans les zones franches existantes avant la fin de 2014, afin de permettre aux chefs d’entreprises d’avoir plus d’informations plus rapidement.

Je partage également l’avis de la mission sur la nécessité de mettre en place des comités de pilotage des zones franches urbaines. En réalité, ces zones fonctionnent quand les élus se sont engagés. Moi-même, j’ai eu l’occasion d’interroger les chefs d’entreprises d’une des ZFU de Marseille sur leurs motivations à s’y implanter. Ils m’ont parlé de la sécurité du quartier qui s’était améliorée, de la desserte en transports collectifs, de l’amélioration de l’espace public, de la possibilité de logement pour les salariés. À aucun moment, ils ne m’ont parlé du régime d’exonération. C’est bien la confirmation que l’implantation dans un quartier dépend de la réunion d’un certain nombre de conditions et aussi de l’image du quartier. Ce qui m’amène à dire que si dispositif il doit y avoir, il doit être plus contraignant envers les collectivités locales au regard des engagements qu’elles doivent prendre pour l’amélioration de la vie du quartier. Bien entendu, et je rejoins là la mission, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, il faut une articulation totale entre le travail des élus et celui des différents intervenants du plan national de rénovation urbaine pour créer en priorité les conditions favorables à l’installation d’entreprises, indépendamment d’un dispositif d’exonération ou d’exemption qui permet seulement de mettre le pied à l’étrier. Si le quartier n’est pas sécurisé ou qu’il n’est pas desservi par les transports, l’entreprise fermera et le dispositif n’aura servi à rien. Quoi qu’il arrive, il faudra créer des obligations vis-à-vis des collectivités locales.

J’ai pu constater aussi que certaines zones franches urbaines ont créé pour des professions libérales, en particulier les médecins, un effet d’aubaine majeur qui a provoqué la désertification des zones péri-urbaines. Il faut en tenir compte sans toutefois tomber dans l’excès inverse en excluant totalement les professions libérales du dispositif, ce qui conduirait le peu de médecins qui restent dans les quartiers prioritaires à s’en aller.

Si un nouveau dispositif doit exister, il devra être cohérent avec le nouveau dispositif de redéfinition de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Voilà qui tombe bien, j’ai l’intention de déposer un projet de loi devant le conseil des ministres pour le début du mois de juillet. Nous aurons l’occasion d’en débattre et, j’espère, de l’adopter dans les mois qui viennent, pourvu que l’embouteillage parlementaire soit résorbé. Mon objectif est de sécuriser totalement l’ensemble du dispositif de la politique de la ville pour que les règles du jeu soient connues et se libérer de la perspective des élections municipales. Nous aurons l’occasion d’en parler avant puisqu’on est en train de faire les simulations sur la géographie prioritaire et que je proposerai au Parlement de ne retenir qu’un seul critère pour la rendre la plus objective possible. Une fois cette géographie prioritaire retenue, elle devra être totalement homogénéisée avec l’ensemble des autres dispositifs, particulièrement les zones franches urbaines, dans les contrats de ville. Je connais certaines villes où la zone franche urbaine n’est pas dans le quartier prioritaire, mais à côté. Certes, des habitants du quartier sensible peuvent aller travailler dans la zone franche, mais lorsqu’il y a une déconnexion des deux zonages, c’est un dévoiement du système. En tout cas, je travaillerai pour la simplification, la lisibilité à la fois de la géographie prioritaire, du contrat de ville et de l’ensemble des dispositifs pour qu’on ait vraiment un seul dispositif global.

S’il doit y avoir un dispositif destiné à remplacer les ZFU ou à les proroger, je souhaite qu’il y ait aussi un volet commerce de proximité, qui joue le rôle de lien social au sein du quartier. On connaît tous ces épiceries multiservices qui sont capables, en cas de difficultés de fin de mois, sinon de faire crédit du moins de couper les pâtes en deux pour aider les familles. Il faut pouvoir à la fois maintenir ces commerces et attirer d’autres commerces de proximité. Je pense qu’il faudrait pouvoir travailler à la parcelle, c’est-à-dire donner à la main du préfet, en lien avec les élus, la capacité d’agir sur tel ou tel commerce. L’affaire est complexe juridiquement, elle sera difficile à expliquer à mes collègues de Bercy qui n’aiment pas trop les dispositifs à la carte, mais je pense qu’elle représente un enjeu majeur pour les quartiers.

Pour l’après-2014, il faut concevoir un dispositif qui soit lié à une boîte à outils du développement économique dans les quartiers prioritaires. Les emplois francs sont un des outils, et il m’intéresse qu’ils soient expérimentés sur les dix sites indiqués pour identifier les possibles effets d’aubaine ou pervers, ou d’éventuelles difficultés d’application. Je signale, même s’il n’est pas destiné à remplacer les ZFU, que le dispositif emplois francs est financé sur la part qui était payée à l’ACOSS par le ministère de la ville sur les exonérations de cotisations patronales. C’est de l’argent recyclé, mais c’est aussi de l’argent en moins pour un futur dispositif ZFU.

J’attire l’attention sur une décision prise par le Président de la République, il y a une dizaine de jours, lors des assises de l’entreprenariat, faisant obligation à la Banque publique d’investissement de créer un fonds d’amorçage plutôt destiné au développement économique des quartiers prioritaires. J’y travaille actuellement avec les responsables de la BPI. La demande est fortement exprimée par les jeunes créateurs des quartiers prioritaires de pouvoir disposer d’un soutien et d’un accompagnement de la part de la BPI. La décision a été prise ; il faut maintenant la mettre en œuvre.

Vous connaissez peut-être cet appel de responsables associatifs de quartiers à la création d’une fondation pour aider le développement économique. Cet appel date d’un mois. Je suis en relation avec les responsables concernés. La fondation FACE Agir contre l’exclusion, présidée par Gérard Mestrallet, est intéressée par le dossier. Une fondation qui recueillerait des fonds auprès d’entreprises ou de personnes privées pourrait effectivement constituer un des outils de la palette de développement économique dans les quartiers. L’initiative vient à point nommé, alors que le fonds du Qatar n’est jamais devenu réalité. Un dispositif qui émane des forces vives des quartiers doit être soutenu, et c’est ce que fera le Gouvernement.

Deux éléments de la palette ne doivent pas non plus être négligés. D’abord, les clauses d’insertion sur les marchés publics, et pas uniquement de rénovation urbaine. C’est le chantier auquel je travaille actuellement, qui comprend un volet formation et qualification. Je suis en contact avec de nombreux chefs d’entreprise qui font des propositions pour améliorer les dispositifs d’insertion, dont nous n’oublions pas que la finalité première est la création d’emplois ou la facilitation de l’accès à l’emploi pour les habitants des quartiers.

Certains d’entre vous ont douté de la capacité de Pôle Emploi à désigner des jeunes issus des zones urbaines sensibles. Lors de son déplacement aux Mureaux, le Président de la République a parrainé une convention passée entre le ministère de la ville et Pôle Emploi aux termes de laquelle l’agence s’engage, d’une part, à signer tous les futurs contrats de ville, donc à s’impliquer vraiment dans les contrats de travail sur les quartiers prioritaires, d’autre part, à flécher 400 de ces 2 000 créations d’emploi prévues cette année vers les quartiers prioritaires, ainsi qu’à assurer, par redéploiements, une permanence physique à l’intérieur de chacun de ces quartiers. La convention a été signée la semaine dernière, et nous négocions maintenant pour que Pôle Emploi ait à sa disposition des outils informatiques permettant de repérer des personnes issues de ZUS ou de quartiers prioritaires. Voilà qui devrait améliorer les choses.

S’agissant des jeunes diplômés, je rappelle que le dispositif des emplois d’avenir prévoit une dérogation pour les bac + 3 dans les zones urbaines sensibles. Or celle-ci est insuffisamment utilisée. Michel Sapin en a convenu et il devrait recommander à Pôle Emploi et aux missions locales de faire preuve d’un peu plus de souplesse. Le dispositif emplois francs complète l’ensemble des actions en direction des jeunes. Il vise à repérer plus tôt les jeunes qualifiés et, en étant le seul dispositif d’aide à l’emploi pour les jeunes jusqu’à trente ans, il est conçu pour répondre à toutes les situations.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur le ministre. Nous ne vous interrogerons pas aujourd’hui puisque le jeu consistait pour vous seulement à réagir au rapport. Vous serez notre invité lorsque votre texte viendra devant l’Assemblée nationale.

Deux observations avant de nous séparer. D’abord, n’oubliez pas la remarque du président Sordi sur les zones frontalières. La Belgique, comme le Luxembourg, l’Allemagne ou la Suisse peuvent constituer des éléments perturbateurs, en tout cas de nature à modifier la donne par rapport à d’autres secteurs.

Ensuite, nous avons un souci en matière d’urbanisme commercial, question chère à Michel Piron, qui n’a pas réussi à faire aboutir un excellent texte sous la majorité précédente. Un texte sur la consommation va nous arriver, qui concerne essentiellement le code du commerce et pas du tout celui de l’urbanisme ; un autre va concerner l’urbanisme, dont on n’est pas certain qu’il puisse héberger une réforme de l’urbanisme commercial ; vont venir aussi plusieurs textes sur les collectivités territoriales qui prétendent s’intéresser à l’urbanisme. Pour ma part, je ne suis pas un farouche partisan du PLU intercommunal qui règlerait tout, y compris l’urbanisme commercial. À vous de nous dire dans quel cadre cette question pourrait être traitée. Je vous renvoie aux études faites par M. Piron et certains de ses collègues au cours de la mandature précédente, qui font encore l’objet de retours. Notamment, nous avons eu récemment des informations sur la manière dont les Allemands ont traité la répartition des commerces dans les territoires pour améliorer et la diversité et la concurrence. L’Allemagne fait partie de l’Union européenne, il n’y a pas de raison de ne pas reprendre chez nous les bonnes idées qui y sont développées. Nous avons beaucoup d’amendements prêts, reste à trouver le véhicule législatif adapté.

Merci, monsieur le ministre, d’avoir accepté cette invitation ; merci à nos collègues Michel Sordi et Henri Jibrayel pour l’excellent travail qu’ils ont accompli au cours des derniers mois.

Le rapport est adopté à l’unanimité par les membres de la commission, sa publication est autorisée.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 14 mai 2013 à 16 h 30

Présents. - M. Frédéric Barbier, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. François Pupponi, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, Mme Catherine Vautrin, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Dino Cinieri, M. Joël Giraud, M. Razzy Hammadi, Mme Annick Lepetit, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau

Assistaient également à la réunion. - M. Mathieu Hanotin, M. Régis Juanico, Mme Ségolène Neuville, M. Michel Piron