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Commission des affaires économiques

Mercredi 29 mai 2013

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 81

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le thème : « vers quelle transition énergétique ? » avec la participation de :  M. Thierry Wahl, secrétaire général du débat national sur la transition énergétique, M. Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et M. Bruno Rebelle, directeur de Transitions, agence conseil en développement durable, ancien dirigeant de Greenpeace, membre du comité de pilotage du débat sur la transition énergétique

– Informations relatives à la commission

La commission a organisé une table ronde sur le thème : « Vers quelle transition énergétique ? » avec la participation de : M. Thierry Wahl, secrétaire général du débat national sur la transition énergétique, M. Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), M. Bruno Rebelle, directeur de Transitions, agence conseil en développement durable, ancien dirigeant de Greenpeace, membre du comité de pilotage du débat sur la transition énergétique

M. le président François Brottes. Chers collègues, avant de débuter la séance d’aujourd’hui, je souhaiterais vous faire part de plusieurs points intéressant la Commission. Je vous propose tout d’abord la candidature de M. François Pupponi comme rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires économiques sur le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Étant donné l’ampleur de la charge de travail qui s’annonce, je vous propose dans le même temps de délimiter le champ de la saisine pour avis aux articles portant sur le logement.

M. François Pupponi. Ainsi que sur les dispositions portant sur les établissements fonciers.

(…) Nomination du rapporteur.

M. le président François Brottes. Je vous soumets également la candidature de Mme Marie-Hélène Fabre en tant que rapporteure au nom de notre Commission sur la proposition de résolution européenne n°906 de M. Le Roux et de Mme Quéré sur la réforme des droits de plantation de vigne, à la condition que cette proposition soit adoptée par la Commission des affaires européennes.

(…) Nomination du rapporteur.

Notre agenda de travail s’annonce particulièrement chargé jusqu’à l’interruption des travaux fin juillet. Nous serons amenés à finaliser le travail sur l’auto-entrepreneur, en présence de Mme la ministre, le rapport de la mission d’information sur l’hydroélectricité de Mme Battistel et de M. Straumann ainsi que celui sur la filière bovine, de MM. Marc et Peiro. Nous examinerons par ailleurs les textes suivants : politique de la ville – peut-être avant l’été –, décentralisation, consommation, économie réelle et emploi industriel, logement – qui ne devrait comprendre que 80 articles au lieu des 150 prévus initialement, mais sans doute a-t-il été procédé à des regroupements… Enfin, nous ne devons pas perdre de vue le sujet d’aujourd’hui : la transition énergétique qui est, je le rappelle, de la compétence de notre commission.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, vos propos vont dans le sens de mon intervention. En raison du nombre de réunions et du nombre d’intervenants à chacune d’entre elles, il me semble qu’il serait nécessaire d’avancer la date de début des réunions de commission du mercredi de 10h à 9h30. Cela nous permettrait de pouvoir assister à ces réunions dans leur totalité, sans être obligés de partir avant la fin.

M. le président François Brottes. Je prends note de votre requête, M. Tardy.

Nous accueillons aujourd’hui, pour cette table ronde, trois personnalités qualifiées et au centre du débat national sur la transition énergétique. M. Thierry Wahl, secrétaire général du débat, est la personne la plus autorisée à en évoquer l’avancement. M. Bernard Bigot, administrateur général du CEA, grand centre de recherche français dans le domaine de l’énergie, pourra évoquer la dimension technologique du sujet, notamment en matière d’énergies renouvelables et de stockage de l’électricité. Enfin, M. Bruno Rebelle, membre du comité de pilotage du débat national sur la transition énergétique, est notamment connu pour avoir dirigé Greenpeace France.

M. Thierry Wahl, secrétaire général du débat national sur la transition énergétique. Ma position dans le débat national sur la transition énergétique est singulière : je suis la seule personne qui ne puisse avoir de position de fond sur le sujet, mon rôle étant de permettre à toutes les personnes qui en ont une de l’exprimer. Ceci étant posé, je vais vous présenter l’état d’avancement du débat, ses perspectives, ainsi que les sujets qui ont été le plus souvent abordés.

Le débat national sur la transition énergétique (DNTE) a été lancé suite à la conférence environnementale de septembre dernier. S’il s’est tenu si tôt après les élections présidentielles, c’est qu’il porte sur des sujets structurels et à fort contenu symbolique : la lutte contre le changement climatique – à ce sujet, nous attendons un nouveau rapport du GIEC dans les prochaines semaines, qui sera sans doute alarmant – ; le prix de l’énergie pour les ménages, dans un contexte de forte hausse de la précarité énergétique – si la facture énergétique moyenne des ménages a augmenté raisonnablement, ce sont les écarts entre ménages qui préoccupent – ; le prix de l’énergie pour les entreprises, notamment énergo-intensives, dans un contexte de forte exposition à la concurrence internationale ; le déficit abyssal de la facture énergétique nationale qui, avec 69 milliards d’euros, est du même niveau que celui la balance commerciale ; l’avenir du parc nucléaire français historique et la question de la prolongation de sa durée de vie. Sur ce dernier sujet, je souligne qu’il ne faut pas surévaluer la place de l’électricité, et du nucléaire en particulier, dans notre mix énergétique, car elle ne représente que 22% de la consommation finale d’énergie en France – 18% pour le nucléaire.

Le DNTE s’est structuré autour de quatre questions. Deux questions étaient transversales : quel bouquet énergétique à l’horizon 2025, 2030 et 2050 ? Quel financement pour la transition énergétique ? Deux autres questions étaient davantage thématiques : il s’agissait du développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Ces quatre axes ont fait l’objet de nombreuses séances de travail depuis la fin décembre.

Le Conseil national du débat national en constitue le « cœur parisien » ; mais n’oublions pas que le débat territorial est bien réel. Les initiatives foisonnent, dans toutes les régions. Nous avons dénombré 800 événements locaux et 1100 contributions individuelles ou collectives. Les connexions sur notre site Internet http://www.transition-energetique.gouv.fr/ se comptent par centaines voire milliers. Lors du week-end de Pâques, les acteurs de l’énergie avaient ouvert leurs portes : 200 000 personnes ont visité des équipements énergétiques. Enfin, la journée citoyenne du 25 mai 2013 a été un succès, et Mme la ministre vous enverra des dossiers qui en attestent.

Le DNTE entre dans sa dernière ligne droite. Le Conseil national terminera ses travaux en juillet et fera état de ses propositions lors de la deuxième conférence environnementale, les 20 et 21 septembre prochains. Le gouvernement remettra un projet de loi de programmation au milieu de l’automne, qui constituera l’aboutissement du travail du DNTE et le commencement du vôtre, Mesdames et Messieurs les parlementaires.

M. Bruno Rebelle, membre du comité de pilotage du débat national sur la transition énergétique. En tant que partie prenante au débat, je vais vous présenter les points d’accord et les dissensions que j’ai identifiées. Je me permettrai également de présenter mon point de vue personnel sur le sujet de la transition énergétique.

Il existe un consensus sur la priorité : atteindre l’objectif du facteur 4 de lutte contre le changement climatique. Cependant, un certain nombre d’acteurs – je pense plus particulièrement aux grandes entreprises – expriment leurs difficultés à faire primer cet objectif sur leur propre objectif de compétitivité. La difficulté de fond réside, me semble-t-il, dans l’inexistence d’un cadre international de traitement du problème du réchauffement climatique.

Deuxième élément d’accord : l’évolution de la demande conditionne les différentes configurations de couverture des besoins. De ce point de vue, les économies d’énergie constituent un levier essentiel.

Permettez-moi de souligner la quantité de données désormais disponibles, qui témoigne d’un important effort de partage d’informations depuis une quinzaine d’années. L’analyse de ces données abondantes permet d’établir un troisième constat, à savoir que, quelles que soient les options retenues, la transition énergétique est rentable pour le pays à moyen terme, c’est-à-dire à l’horizon 2020, et même très rentable à plus long terme, à l’horizon 2030 – 2050. Dans un contexte de prix élevés de l’énergie – ce qui reste l’hypothèse la plus probable –, l’accent mis sur l’efficacité énergétique permettrait de dégager un bénéfice de l’ordre de 1 300 milliards d’euros en 2050 ; en cas de prix bas de l’énergie, on estime ce bénéfice à 300 milliards d’euros, ce qui illustre bien les enjeux économiques de cette transition pour le pays. Naturellement, des investissements additionnels sont nécessaires, évalués entre 30 et 45 milliards d’euros annuels, mais ils doivent être appréciés au regard d’une rentabilité future qui est certaine.

Quatrième constat : dans un contexte où le pays est à la recherche de ressources et d’emplois supplémentaires, les efforts de diversification énergétique représentent un important levier puisqu’on évalue leur impact potentiel entre 500 000 et 600 000 emplois créés à l’horizon 2030. Autrement dit, la transition énergétique ne doit pas être considérée comme une contrainte mais, au contraire, comme un levier de sortie de crise.

En écho aux propos de M. Thierry Wahl, permettez-moi de souligner quelques enseignements forts de la « journée citoyenne » du débat national sur la transition énergétique. Organisée dans 11 régions métropolitaines et 3 régions ultra-marines, cette journée s’est appuyée sur des panels de citoyens, tirés au sort afin d’assurer une représentation équilibrée de différentes catégories socioprofessionnelles, et invités à délibérer sur les questions de transition énergétique, à partir d’un protocole identique. En l’espèce, les participants étaient conviés à une séance de présentation d’une heure, suivie d’un débat de 40 minutes, puis d’une délibération individuelle afin d’obtenir des résultats proches de ceux d’un « sondage informé ». Il ressort de cette consultation que, dans sa grande majorité, le public perçoit de manière positive l’idée de transition énergétique et est prêt à consentir des efforts pour s’engager dans cette voie, en réduisant notamment l’énergie consommée pour le logement et la mobilité. Il ressort également de cette journée que les citoyens sont en attente d’un accompagnement technique et d’une exemplarité de l’Etat et des collectivités publiques dans ce domaine ; ils sont même prêts à payer plus cher l’énergie consommée si cet effort est susceptible d’avoir des répercussions positives sur la santé et l’environnement. Ainsi, contrairement à une idée reçue selon laquelle les citoyens se soucient peu de la transition énergétique et ne sont préoccupés que par la question de l’emploi, il existe de réelles attentes dans ce domaine.

Naturellement, certains points durs du débat demeurent, liés à la capacité à se projeter dans le « monde d’après ». De fait, notre politique énergétique a été définie dans les années 60 et n’a pas été revue depuis ; il en résulte un pilotage à vue – depuis les chocs pétroliers – qui doit être remplacé par un pilotage stratégique pour lequel il convient de se doter d’outils adaptés. À l’heure actuelle, le débat sur le « mix énergétique » tend à se focaliser sur l’électricité – qui représente certes 22 % du bouquet – mais d’autres sources d’énergie, en particulier les énergies renouvelables, sont également importantes et davantage créatrices d’emplois. J’en termine en faisant part de ma conviction que, si une tension non résolue demeure sur la diminution de la part du nucléaire dans le mix, nous en sortirons avec le temps.

M. le président François Brottes. Je vous remercie pour cette présentation et passe la parole à notre collègue Patrice Prat, qui représente notre Commission lors du débat national sur la transition énergétique, afin qu’il nous fasse part de son « ressenti » quant à son déroulement et à ses résultats.

M. Patrice Prat. Le contexte dans lequel se sont déroulés les travaux vient d’être rappelé, c’est la raison pour laquelle je n’y reviendrai que brièvement. Il ressort de la restitution qui vient d’être faite de cette consultation l’idée qu’une forme de consensus existe sur la nécessité de revoir notre « mix énergétique » et de lutter contre les effets du changement climatique. Pour ma part, je suis moins optimiste sur la perception du citoyen quant à ces changements, en particulier sur l’idée qui paraît prévaloir selon laquelle la question du financement serait moins importante que celle d’un accompagnement technique. Il me semble, au contraire, que la question du coût reste une préoccupation majeure. En ce qui concerne le déroulement des travaux, leur démarrage m’est apparu assez laborieux mais il existe indéniablement une dynamique dans les régions. La ministre, Mme Delphine Batho, attend beaucoup des remontées de ce qui aura été exprimé au niveau local et je crois qu’effectivement des éléments intéressants émaneront de certaines régions « pilote », qui font preuve d’une réelle vitalité dans le débat. Au-delà des ambitions exprimées à l’horizon 2025, je souhaite que l’on garde en mémoire les réalités et l’histoire de certaines de nos filières – comme la filière nucléaire – qui doivent être préservées et dont la compétitivité constitue un enjeu majeur. Il convient de faire preuve de réalisme plutôt que d’exprimer des ambitions démesurées. Des inquiétudes existent face auxquelles un effort de pédagogie est nécessaire.

M. le président François Brottes. Le secteur de l’énergie est un secteur où les besoins évoluent en permanence ; il est donc difficile de séparer la réflexion de l’action. Cette combinaison est au cœur du travail du Commissariat à l’énergie atomique – le CEA – qui se consacre désormais également à la recherche dans le domaine des énergies alternatives.

M. Bernard Bigot. Le président Brottes a bien résumé la situation du CEA dont j’ai l’honneur d’être l’administrateur général, tout en présidant le comité de coordination de l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE), qui regroupe 19 opérateurs impliqués dans le développement des connaissances dans le secteur de l’énergie. Dans le débat actuel, une certitude me paraît incontournable : la situation actuelle du pays n’est pas tenable. Avec la moitié de l’énergie primaire provenant des énergies fossiles, qui représentent par ailleurs les deux tiers de notre consommation finale et qui sont intégralement importées, nous nous trouvons, en effet, dans une situation de dépendance dont les coûts sont, en outre, insupportables. La facture pétrolière, qui s’élevait à 20 milliards d’euros en 2003, représentait 69 milliards d’euros l’année dernière. Face à un tel défi, la communauté scientifique se mobilise dans le but de développer des technologies innovantes, en prenant en compte plusieurs phénomènes. Premièrement, les économies d’énergie et l’efficacité énergétique sont des impératifs qui reposent sur des mesures organisationnelles et des changements de comportements. Deuxièmement, l’énergie représente l’oxygène de toute société et représente un élément clé de son fonctionnement économique. Troisièmement, une situation de forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur n’est pas tenable. Il convient donc de parvenir à orienter la production domestique dans des filières où la création de valeur doit être encouragée ainsi que la constitution de champions industriels, tournés vers l’exportation.

L’ensemble de ces préoccupations s’inscrit dans un contexte où la réduction des impacts sanitaires et environnementaux – en particulier la réduction des émissions de gaz à effet de serre – constitue un enjeu majeur. Dès lors, la substitution des énergies fossiles est essentielle, en développant notamment la complémentarité entre l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables, toutes deux produites au niveau domestique, tout en veillant à la préservation d’un socle permettant une fourniture continue d’énergie. À cet égard, la production d’énergie nucléaire s’avère appropriée. Je rappelle par ailleurs que l’Allemagne, qui a fait le choix de renoncer au nucléaire, importe désormais d’abondantes quantités de lignite provenant notamment d’Australie.

Dans le cadre de l’ANCRE, trois scénarios ont été retenus comme base de travail : un premier scénario de très grande sobriété énergétique repose sur une nette diminution de la consommation énergétique, le développement des énergies renouvelables et un recours résiduel au gaz pour garantir la continuité de la production énergétique ; un deuxième scénario est fondé sur l’utilisation mixte de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables ; un troisième scénario privilégie la diversification des sources avec l’utilisation des bioénergies et le recours aux systèmes locaux.

Ces trois scénarios s’inscrivent dans un cadre où, conformément à nos engagements internationaux, la France doit diminuer d’un facteur 4 ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 et où la part de l’énergie nucléaire ne doit pas excéder 50 % à l’horizon 2025. Or, la consommation énergétique dans les secteurs de l’habitat et des transports dépend à 75 % des énergies fossiles. Certes, des perspectives sont ouvertes en faveur d’une utilisation croissante des énergies renouvelables dans ces secteurs, comme l’illustre le développement d’un véhicule hybride ou tout électrique par exemple. Toutefois, ces trois scénarios ne peuvent respecter le cadre qui vient d’être rappelé sans rupture technologique majeure. Il existe, en effet, des goulets d’étranglement qui doivent être surmontés ; s’ils ne le sont pas, ces objectifs s’avèreront illusoires. La capture de CO2 représente une voie mais l’une des deux exigences doit être relâchée pour ne pas compromettre l’ensemble des efforts engagés. Ces contraintes sont résumées par 18 critères – dont des critères économiques et technologiques – qui sont en train d’être intégrés aux scénarios de l’ANCRE.

M. le président François Brottes. Je me félicite de ces échanges sans langue de bois et donne, à présent, la parole aux représentants des différents groupes.

M. Yves Blein. Le débat qui a été engagé est essentiel dans la mesure où il engage la nation pour plusieurs décennies. C’est donc sur la qualité de ce débat que je souhaiterais insister. Compte tenu des enjeux, ce débat peut-il être considéré comme populaire – je veux dire par là, ouvert à un public non initié, non averti et non passionné ? A-t-il permis de réunir un grand nombre de Français ? Le sujet abordé est, en effet, essentiel et la fabrication de solutions doit associer le plus grand nombre pour assurer leur appropriation et une adhésion aux pistes retenues. Ce débat a-t-il, enfin, été éclairant ? J’entends par là : les points de vue exprimés l’ont-ils été de manière partagée ou n’a-t-on eu que l’expression de postures – par exemple : pour ou contre le nucléaire, l’exploitation du gaz de schiste, etc. ? Je souhaite ainsi rebondir sur l’idée, exprimée par M. Bruno Rebelle, d’un assez large consensus sur la nécessité de lutter contre le changement climatique : s’agit-il d’un consensus « mou » ou suffisamment explicite pour permettre l’audace et une prise de risques, nécessaires dans ce domaine ? Je termine en précisant que si la participation à cette journée nationale était importante, la contribution du Parlement ne l’est pas moins et nous espérons pouvoir être régulièrement associés à ces initiatives, comme c’est le cas aujourd’hui.

M. Eric Straumann. Le débat qui a été lancé s’inscrit dans la continuité du Grenelle de l’environnement car le changement climatique correspond à une réalité forte et notre pays s’est engagé sur des objectifs à l’horizon 2050. Il est important au regard du poids des dépenses énergétiques dans le budget des ménages – à cet égard, le rôle la fiscalité ne doit pas être occulté – mais aussi pour des motifs de compétitivité et au regard des déficits. Enfin, l’indépendance et la sécurité énergétiques sont des questions essentielles. Le développement des énergies renouvelables est indispensable dans un contexte de croissance de la demande mondiale – du fait notamment du développement des pays d’Asie et d’Afrique – et d’essor de nouvelles technologies fortement consommatrices d’électricité comme la voiture électrique ou les pompes à chaleur. Dans la consultation qui vient d’être lancée, quelle est la place des PME dans ce débat, qui relève plus d’un débat d’initiés que d’une question susceptible d’intéresser un large public ? S’agissant de la transition énergétique, il s’agit d’une notion qui s’est développée, dans les années 80, en Allemagne et en Autriche et sur les résultats de laquelle il serait intéressant d’avoir un retour. L’abandon du nucléaire par l’Allemagne a été évoqué ainsi que sa contrepartie, d’importantes importations de charbon. Pour autant, il semblerait que la France ait été importatrice nette d’électricité l’année dernière : qu’en est-il exactement ? Par ailleurs, où en est-on sur le photovoltaïque ? Des techniques simples, comme le solaire thermique, semblent en perte de vitesse alors même que certaines régions – comme l’Alsace – s’étaient efforcées de les promouvoir il y a déjà longtemps. À cet égard, la question des subventions publiques est centrale dans la mesure où elles seraient à l’origine d’une augmentation du prix des installations photovoltaïques. Enfin, l’hypothèse d’une fermeture de la centrale de Fessenheim en 2016 est-elle crédible ? On évoque un coût de 5 à 6 milliards d’euros.

M. André Chassaigne. Je regrette que le débat national sur la transition énergétique n’ait pas été à la hauteur des enjeux, et ceci pour différentes raisons. Tout d’abord, certaines décisions avaient déjà été prises, de façon hâtive. Je pense en particulier à la question de l’énergie éolienne, qui aurait dû faire partie du débat. Ensuite, il n’y a pas eu d’élan comparable à celui suscité par le Grenelle de l’environnement, qui a en effet permis le développement d’une pédagogie et une évolution des comportements. Celle-ci ne doit pas seulement être le fait des citoyens mais aussi de l’ensemble des secteurs économiques. Enfin, le nombre des participants au débat a été excessivement restreint, ce qui explique qu’il soit perçu comme trop confidentiel.

La transition énergétique doit être un véritable choix politique, elle ne saurait se résumer à des réponses techniques. Pour cette raison, un lien doit être fait avec les enjeux politiques mondiaux, par exemple les différences de réglementation en matières sociale et environnementale entre les différents Etats. Les négociations commerciales en cours entre l’Allemagne et la Chine témoignent de l’importance de ces enjeux. Par ailleurs, les réponses techniques qui peuvent être apportées ne doivent pas faire oublier la nécessité des économies d’énergie.

Dans le domaine de la recherche, je souhaiterais avoir votre avis sur les politiques menées dans trois domaines essentiels : le développement des possibilités de stockage de l’électricité, le captage et le stockage du carbone – déterminant dans la lutte contre le changement climatique – et l’amélioration du rendement du photovoltaïque.

M. Franck Reynier. Je tiens à rappeler le rôle du Grenelle de l’environnement, qui, avant le débat actuel, a permis une très large concertation et a responsabilisé l’ensemble des acteurs. Il importe maintenant de poursuivre et d’accompagner les changements de comportements qui avaient été proposés. L’efficacité énergétique ne suffit pas : il faut aussi de l’efficacité politique et nous avons à ce titre une responsabilité collective.

L’efficacité énergétique concerne un très grand nombre de secteurs, elle représente donc un immense potentiel pour l’emploi et le développement technologique. La rénovation thermique des logements doit être une première priorité, c’est pourquoi le groupe UDI demande qu’un taux réduit de TVA s’applique aux travaux de rénovation, ce qui aurait un impact positif tant sur l’économie que sur le pouvoir d’achat. Dans le domaine des transports, il est souhaitable d’encourager la multimodalité, de développer les infrastructures dans les domaines ferroviaire et fluvial mais aussi de soutenir l’innovation, en particulier pour les véhicules électriques.

Enfin, la question de l’approvisionnement énergétique et des ressources est essentielle. Les énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, biomasse, hydraulique, géothermie, énergies marines) ne peuvent être gérées comme les autres en raison de leur intermittence, il faut trouver des solutions adaptées de stockage et de gestion des réseaux. Différents enjeux sont liés : nous devons respecter nos engagements européens et internationaux de réduction des gaz à effet de serre et de l’impact du carbone mais la question du coût de l’énergie est un élément important de compétitivité. Au plan stratégique, nous devons veiller à notre indépendance énergétique.

Dans le domaine de l’électronucléaire, faut-il allonger la durée de vie du parc ? Quelles sont les nouvelles générations de réacteurs que nous devons envisager ? Comment sera assurée la sûreté nucléaire ?

Le groupe UDI sera particulièrement attentif aux propositions du Gouvernement sur le mix énergétique à moyen et long terme ainsi qu’aux financements.

M. Denis Baupin. Je salue la première historique que constitue le débat national sur la transition énergétique, ainsi que l’implication très forte de la ministre. Je regrette en revanche la faible participation parlementaire, d’autant plus que l’absentéisme important au sein du collège parlementaire fait l’objet de réactions négatives des autres participants. Ce débat est particulièrement important, il permet d’identifier les points de désaccord mais aussi de faire émerger des consensus, notamment sur les engagements internationaux de la France ou sur la réduction de la part du nucléaire voulue par le Président de la République.

Il existe des convergences entre les différents scénarios énergétiques. Le respect de l’objectif dit du « facteur 4 » dans le domaine climatique implique une réduction de 20 à 50% de notre consommation énergétique, ce qui est un élément de performance pour l’économie. Si l’Allemagne et le Royaume-Uni ont le même objectif de réduction de 50% de leur consommation énergétique d’ici 2050 c’est qu’il est créateur d’emplois. Dans le cadre du débat national, le groupe de travail sur la compétitivité que j’ai co-présidé avec le MEDEF a adopté à l’unanimité 17 recommandations. Il convient de réfléchir aux conséquences de la transition énergétique. Les secteurs intensifs en énergie, qui représentent 5 % de notre économie, doivent être protégés. Pour beaucoup d’autres secteurs, la transition énergétique peut au contraire favoriser la croissance. Vous avez d’ailleurs cité deux « champions » industriels, Schneider et Saint-Gobain, qui sont extrêmement performants en matière d’efficacité énergétique. Selon tous les scénarios, la transition énergétique est bénéfique au plan économique. C’est au contraire l’inaction qui serait pénalisante.

En ce qui concerne le parc nucléaire français, et comme le constate la Cour des Comptes dans un récent rapport, rien n’est prévu pour le remplacement des centrales vieillissantes, qu’il s’agisse de la prolongation de leur durée de vie, de leur remplacement par de nouvelles centrales ou du développement de nouvelles énergies. Quels que soient les choix qui seront faits, leur mise en œuvre sera coûteuse, il convient de déterminer les solutions les moins pénalisantes. Les représentants de l’autorité de sûreté nucléaire ont souvent l’occasion de venir s’exprimer à l’Assemblée nationale, devant notre commission, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et demain lors du débat en séance sur la sûreté nucléaire, au sujet des conséquences de la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de 40 ans. On ignore quelles centrales pourraient être prolongées, à quel coût et quelles seraient les conditions de sûreté nucléaire. Je considère qu’il est préférable de réduire les risques en diminuant la part du nucléaire, ce qui permettra de limiter notre dépendance par rapport à une seule source d’énergie.

M. le président François Brottes. Monsieur Baupin, il convient de distinguer deux temps de débat, celui du débat citoyen puis celui du débat au Parlement. À cet égard, je souhaite la constitution, au sein de notre commission, d’un groupe de travail sur la transition énergétique. Je souligne également qu’en tant que parlementaires, nous sommes très sollicités, ce qui peut expliquer que notre participation au débat national ait été limitée. En tout état de cause, il est important de disposer d’un éclairage émanant d’une représentation large de la société, avant d’avoir à nous prononcer par voie législative.

M. Joël Giraud : L’ensemble des familles politiques a compris la nécessité de « décarboner » notre société, bien qu’il existe d’importants désaccords sur le nucléaire. Je salue à mon tour la dynamique créée par le Grenelle de l’environnement, qui avait d’ailleurs évité les sujets relatifs à l’énergie pour parvenir au consensus. Il s’agit maintenant de savoir comment perpétuer ce mouvement dans un contexte de crise. La transition énergétique est une réforme structurelle de long terme mais il est difficile de la traduire dans la réalité. Il existe d’ailleurs des incohérences entre le discours et l’action, par exemple la séparation du ministère du redressement productif et du ministère de l’écologie, l’abandon de la grande réforme fiscale, la déconnexion de l’écologie et des problématiques sociales. Le groupe RRDP souhaite qu’un lien soit fait entre les trois piliers du développement durable : économique, social et écologique. Certes, de grands chantiers ont été lancés : le débat national sur la transition énergétique, l’efficacité énergétique, le comité sur la fiscalité écologique, l’écotaxe poids lourds, les mesures d’urgence en faveur de l’éolien et du photovoltaïque, le plan méthanisation. Il sera cependant difficile de concilier tous les objectifs identifiés dans le cadre du débat national : la croissance économique, la justice sociale, l’équilibre de la balance commerciale, la productivité économique et l’écologie.

Je souhaiterais des éléments de réponse sur trois sujets. Quel est le coût réel de l’électricité nucléaire ? Celui-ci fait l’objet de controverses et le récent rapport de la Cour des Comptes a égratigné le mythe. Le chantier de Bure, le démantèlement des centrales nucléaires, les réacteurs de quatrième génération voient leurs factures s’alourdir régulièrement. Comment choisir un scénario et construire des hypothèses crédibles dans ce contexte d’incertitude ?

Quel système de tarification progressive pourrait être adopté ? Nous sommes favorables à un approfondissement de la péréquation, dans un objectif d’équité. Quels pourraient être les instruments d’un futur système : aides, subventions à la rénovation, chèques, tarifs moins élevés ? Comment concilier les exigences de justice sociale et la nécessité d’un signal-prix favorisant la réduction de la consommation ?

Enfin, quelles sont les justifications du classement de certaines rivières en « catégorie 1 », notamment dans les zones de montagnes, alors que ces cours d’eau pourraient permettre de disposer de ressources en énergie hydraulique ? Dans certaines zones, le classement en catégorie 1 conduit à écarter 75 à 80 % du potentiel énergétique.

M. Dino Cinieri. Selon une étude récente sur la transition énergétique, une majorité de Français sont prêts à modifier leurs habitudes dans le domaine des transports, du chauffage et de la consommation. L’inaction reporterait la responsabilité sur les générations futures et accentuerait notre dépendance vis-à-vis des pays producteurs d’énergies fossiles. Ma région, Rhône-Alpes, est la première en matière de solaire thermique et la cinquième pour le solaire photovoltaïque. Pour ce secteur, je souhaiterais savoir si une simplification de la réglementation est envisagée, notamment en ce qui concerne le monde agricole.

Mme Frédérique Massat. Vous avez évoqué quatre scénarios : la sobriété, avec une demande énergétique divisée par deux ; l’efficacité, avec également une réduction de 50% de la demande énergétique ; la décarbonisation ; la diversification. Quelle est votre estimation du coût de chaque scénario et de son financement ? Quel serait leur impact sur l’emploi ?

Pouvez-vous nous donner des précisions sur les propositions présentées par le groupe de travail le 23 mai dernier : la réorientation de l’épargne, la progressivité de la tarification, des mesures spécifiques pour les secteurs électro-intensifs ?

Enfin, comment favoriser l’émergence d’une Europe de l’énergie ? Des propositions existent-elles ?

M. Jean-Claude Mathis. Monsieur Wahl, vous avez évoqué l’ancienneté de certaines centrales nucléaires. Cette énergie, bien qu’elle doive être étroitement surveillée et contrôlée, présente de nombreux avantages : elle n’émet pas de gaz à effet de serre, le prix de revient de l’électricité est bas. De plus, ce secteur est l’un des fleurons de l’industrie française. Quelle politique pourrait selon vous être menée dans un objectif de soutien à la recherche nucléaire, de développement des énergies renouvelables et d’économie d’énergie ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous avez estimé que les Français sont prêts à payer plus cher leur énergie. Je partage votre avis si cela ne porte pas atteinte à leur pouvoir d’achat, c’est-à-dire si l’augmentation du coût est compensée par une baisse de la consommation. Le développement des énergies renouvelables dépend des possibilités de stockage, il faut donc encourager la recherche et l’innovation dans ce domaine. Il conviendrait également de mieux utiliser l’hydroélectricité, qui mérite un cadre particulièrement protecteur.

M. Alain Marc. Je remercie les intervenants pour leur exposé très synthétique et les éléments de réflexion très intéressants dont ils nous ont fait part. Il serait souhaitable que l’ensemble des citoyens puisse disposer d’une synthèse du débat national, ce qui éviterait les approximations et l’utilisation d’arguments parfois surprenants.

Il serait souhaitable qu’une modification législative intervienne afin de remédier au suréquipement dans le domaine de l’hydroélectricité, même si des marges de manœuvre existent. D’autre part, comme le montrent les auditions du groupe de travail sur l’élevage dont je suis membre, les agriculteurs souhaitent la fin du monopole de RTE pour le raccordement à l’électricité photovoltaïque.

Mme Brigitte Allain. Vous avez abordé la question essentielle du pilotage stratégique pour la reconversion énergétique.

J’aborderai un point particulier. La méthanisation peut permettre la valorisation des déchets et la production d’électricité et de chaleur mais il peut exister des conflits d’usages si les matières premières utilisées sont des matières alimentaires. Les agriculteurs ne doivent pas être transformés en « énergiculteurs » sans que soit menée au préalable une réflexion sur les conséquences de ce type d’utilisation.

M. Daniel Fasquelle. Nous le savons tous, l’énergie est vitale tant pour l’indépendance de notre pays que pour la compétitivité de nos entreprises. Il s’agit donc d’un sujet qu’il faut aborder avec précaution car il concerne l’avenir de notre pays. Bien évidemment, je suis d’accord pour donner la priorité aux économies d’énergie. Néanmoins, puisqu’il faut mettre tous les sujets sur la table, comme l’a indiqué M. Baupin, je vous poserai deux questions. Premièrement, que pensez-vous de l’exploitation des gaz de schiste ? L’expérience américaine est plutôt positive, puisque la compétitivité des entreprises s’est améliorée, des emplois ont été créés et des industries relocalisées. Deuxièmement, le développement de l’énergie éolienne, traité de manière maladroite par la loi dite « Brottes », me paraît s’opposer parfois à l’intérêt économique de nos territoires, particulièrement les plus touristiques, où des emplois sont détruits du fait des éoliennes.

M. le président François Brottes. Je note tout de même que le Conseil constitutionnel n’a pas jugé bon de censurer la maladresse évoquée…

Mme Corinne Erhel. Le développement des énergies renouvelables, notamment les énergies marines, constitue un vecteur essentiel de croissance pour certains territoires, comme la Bretagne, et un atout réel pour la France. Je pense notamment aux nombreux projets d’éoliens offshore, d’éolien flottant ou d’hydroliennes. Néanmoins, pour constituer ces filières d’avenir, il est impératif d’anticiper et de lancer des formations adaptées dès maintenant, tant sur l’aspect strictement technologique que pour les activités de maintenance. Cet aspect fait-il partie de votre réflexion et, surtout, pensez-vous à territorialiser ces formations ?

M. Alain Suguenot. Bien évidemment, tout le monde s’accorde sur la nécessité d’économiser l’énergie mais, comme pour les retraites, personne ne veut payer. Tâchons de ne pas faire du graal énergétique un enfer économique. Le meilleur moyen d’éviter de donner l’impression que les décisions sont déjà prises est de ne pas réitérer l’expérience de la fiscalité des ordures ménagères, dont la hausse a encore été renforcée par la dernière loi de finances. Il me semble essentiel d’adopter une approche de proximité. À ce sujet, la dimension territoriale n’est-elle pas essentielle ? Une transition énergétique, portée par les territoires, au plus près des acteurs locaux et des populations me paraît indispensable si nous voulons maîtriser les coûts et – pourquoi pas ? – accompagner les populations dans la maîtrise de leur consommation et la lutte contre l’augmentation du prix des énergies. Ne l’oublions pas, small is beautiful, et les territoires doivent être associés à cette démarche. Il faut conforter une politique énergétique au niveau des territoires, inventer – nous avons parlé de méthanisation – des moyens appropriés aux réalités.

Enfin, s’agissant du stockage de l’énergie, des progrès ont-ils été constatés dans la recherche ? L’hydroélectrique a notamment été évoqué et il me semble que, pour l’instant, il s’agisse de la seule énergie que l’on parvienne à stocker.

M. Hervé Pellois. De nombreuses initiatives existent pour rattraper les retards en matière d’énergies renouvelables. Ceci exige des efforts de recherche mais également des simplifications administratives, cela a déjà été souligné. À titre d’exemple, le plan méthanisation, lancé par le ministère de l’agriculture, ne sera une réussite que si l’on simplifie les dossiers administratifs, notamment en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement ou d’obtention de l’agrément sanitaire. À l’heure actuelle, il faut parfois deux ans d’études pour mener à bien des projets d’un budget de 10 000 à 20 000 euros.

M. François Vannson. Evidemment, ce débat sur la transition énergétique est d’importance au regard des défis sociaux, environnementaux et économiques que nous connaissons. Toutefois, il nous faut l’aborder de manière pragmatique. Certes il faut donner une impulsion, comme cela avait été le cas avec le Grenelle de l’environnement, mais il me paraît essentiel de tenir compte des aspects techniques et scientifiques. À l’occasion de récentes auditions, des professionnels du secteur de l’énergie m’ont indiqué qu’en ce qui concerne l’éolien et le photovoltaïque, ces énergies posent un certain nombre de problèmes techniques. Sur certains territoires, venteux et ensoleillés, les réseaux sont rapidement en situation de surtension, ce qui témoigne à nouveau de l’absolue nécessité de développer les solutions de stockage.

M. Philippe Kemel. Vous nous avez indiqué que dans l’idéal, entre 300 et 1 300 milliards d’euros d’économies pourraient être générés. Mais quel est le montant d’investissement nécessaire pour parvenir à ce résultat ? Même si le citoyen adopte généralement un discours convenu sur l’économie d’énergie, il ne réagit qu’à l’indice prix. Par ailleurs, la réalité varie selon les territoires, ne serait-ce que parce que les comportements et habitudes sont différents. À titre d’exemple, la consommation d’énergie nécessaire au chauffage est plus importante dans le nord que dans le sud de notre pays. La loi à venir sur la décentralisation ne serait-elle pas l’occasion de confier aux régions la compétence de définir des politiques énergétiques adaptées, notamment en matière de rénovation de l’habitat ?

Mme Audrey Linkenheld. J’ignore si les citoyens sont prêts à payer leur électricité plus chère, mais tous sont inquiets de leur facture, en particulier lorsqu’ils sont locataires dans le parc social ou dans le parc privé. C’est d’ailleurs certainement ce qui les pousse à rechercher des économies d’énergie. Certes, un accompagnement technique est essentiel pour stimuler les opérations de rénovation de l’habitat mais je pense également qu’une aide financière permettrait de passer à l’acte. Le 21 mars dernier, le Président de la République a annoncé un certain nombre de mesures à ce sujet. Comment celles-ci, qui ont déjà fait l’objet d’une réunion d’un comité de pilotage co-présidé par Mmes Delphine Batho et Cécile Duflot, s’articuleront avec le débat national en cours et le projet de loi à venir ?

M. Dominique Potier. Ma question rejoint celle posée par Philippe Kemel. À long terme, il est rentable d’avancer sur la transition énergétique – de 300 à 1 300 milliards d’économies selon les scénarios – mais le coût à court terme est très important pour les particuliers comme pour la collectivité d’ailleurs. Quelle banque, quel niveau d’emprunt, quelle stratégie publique de financement seront nécessaires pour permettre à notre pays d’enclencher ce cycle vertueux. Le système privé ne semble pas forcément en mesure de répondre aux enjeux. Faudra-t-il une action nationale ou européenne ?

M. Thierry Wahl. Je vais tâcher de répondre aux premières questions, avant de laisser la parole aux autres intervenants, plus compétents que moi sur certains des sujets abordés. S’agissant du plan de rénovation énergétique des bâtiments, François Hollande a annoncé un premier plan de rénovation afin de mettre en œuvre les premières mesures. Ce plan s’inscrit dans le cadre du débat national dont l’objectif est d’identifier les actions de long terme permettant de satisfaire les impératifs d’économie d’énergie. Comme M. Rebelle le rappelait, il s’agit de maîtriser fortement la demande à moyen et long termes, alors que le logement et les transports représentent 80% de la consommation d’énergie et 50% des émissions de gaz à effets de serre.

Au sujet des territoires, et de leur diversité, il est évident qu’il convient de mener un débat national, voire européen – je précise à ce stade que Mme la ministre Delphine Batho est très attentive à l’établissement d’un plan européen et le 20 juin, nous tiendrons une réunion du conseil national en partie consacrée à ces sujets – mais il est tout aussi évident que la gouvernance territoriale occupe une place importante. Cela concerne à la fois les relations entre collectivités et celles entre les collectivités et les opérateurs. Pour ce faire, il nous faudra également améliorer les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie.

S’agissant des différents scenarios, aujourd’hui, nous dépensons 37 milliards d’euros par an sur des questions énergétiques. Les scenarios du futur tiennent compte de choix différents : arrêt partiel ou total du parc nucléaire, renouvellement du parc nucléaire, etc. Ils comprennent des investissements dits fatals, c’est-à-dire ceux que l’on sera obligé de faire du fait des décisions déjà prises dans le passé. Par ailleurs, ce que nous appelons un bénéfice, ou un retour, c’est le solde net pour la Nation, entre le montant des investissements nécessaires et le bénéfice pour la Nation des économies d’énergie réalisées. Or, ce solde est positif dans tous les cas.

Le financement provient essentiellement des opérateurs, privés ou publics. S’agissant d’acteurs comme Alstom, Schneider ou Saint-Gobain, ces investissements sont d’ailleurs prévus dans les plans de charge prévisionnels tant la transition énergétique constitue pour eux un impératif. Dans ce contexte, il est fondamental que les pouvoirs publics adressent les bons signaux, sans que cela se traduise forcément par une hausse des coûts pour la puissance publique. En revanche, les outils de financements structurels mis en place doivent être mobilisés pour la transition énergétique – je pense notamment à la BPI, au PIA ou à la BEI.

En ce qui concerne l’emploi et la formation, nous avons créé un groupe de travail dédié à cette question nous faisons en sorte d’anticiper au maximum les besoins de demain et de nous situer au plus près des bassins de vie et des bassins d’énergie.

Les procédures sont complexes, cela a été dit, et pas seulement s’agissant du développement des énergies renouvelables. Il est donc nécessaire pour les pouvoirs publics d’assurer aux acteurs la lisibilité législative et réglementaire.

Les PME occupent une place essentielle et nous ne parviendrons pas à réaliser la transition énergétique sans elles. D’ailleurs, la CGPME siège au sein du collège employeurs du conseil national.

Certains d’entre vous ont pointé un certain manque de visibilité par rapport au Grenelle de l’environnement. Certes, l’écho dans la presse nationale est moindre qu’à cette époque. Néanmoins, je tiens à souligner que nous ne disposons pas des mêmes moyens. Par ailleurs, alors que le Grenelle était un débat national, il s’agit à présent d’un débat territorialisé. Nous organisons de très nombreux événements – 84 en Rhône-Alpes par exemple. Nous ressentons un réel attrait sur les territoires, mais également par le biais du site internet ; les chiffres parlent d’eux-mêmes : 200 000 personnes lors des trois journées du patrimoine fin mars, 280 000 visiteurs uniques sur le site, soit bien plus que pour le Grenelle, 1 100 contributions reçues. Néanmoins, c’est vrai, il nous est difficile d’avoir une capillarité des plus fines et de toucher ainsi toute la population, directement dans les villages ou les quartiers.

M. Bernard Bigot. J’aborderai plusieurs sujets. Premièrement, il est évident que nous avons des progrès à faire en matière d’efficacité énergétique. Nous rejetons en chaleur près de 140 millions de tonnes équivalent pétrole, soit ce que nous achetons en produits fossiles. La première source d’efficacité énergétique, c’est une meilleure utilisation de la chaleur produite. À titre d’exemple, une seule centrale nucléaire suffirait à assurer la totalité des besoins de chauffage de la ville de Paris : on pourrait donc très bien utiliser durant l’hiver cette chaleur d’origine nucléaire.

Deuxièmement, il convient d’optimiser l’utilisation des ressources énergétiques dans les procédés industriels et agroalimentaires, en insistant sur l’amélioration technologique.

Troisièmement, il est nécessaire de fournir un effort particulier dans la rénovation des bâtiments, ce qui touche à la fois aux matériaux utilisés et aux principes mêmes de construction. Pour ce faire, il nous faut notamment apporter une aide aux artisans : à titre d’exemple, si des murs et des châssis de fenêtre sont performants, mais pas la liaison entre les deux, dans ce cas, le retour sur investissement est nul voire négatif.

Quatrièmement, s’agissant des transports, un véhicule électrique se situe dans un facteur de rendement de niveau trois. L’efficacité d’un moteur électrique peut atteindre 94 % alors qu’un moteur thermique ne dépassera pas 15 ou 20 %. Même en prenant en compte un facteur divisant égal à trois lié au ration énergie primaire sur une énergie finale, le bilan énergétique est avantageux. Le développement de l’énergie électrique, d’origine nucléaire et renouvelable, est favorable à l’amélioration de l’efficacité énergétique. Alors que notre pays compte 36 millions de véhicules particuliers, il faudrait simplement augmenter de 15% notre production énergétique.

Cinquièmement, les énergies renouvelables n’en sont actuellement qu’à leur printemps. En somme, nous disposons de marges de progression considérables. Dans le domaine éolien, des améliorations significatives ont déjà pu être constatées. Dans le domaine du solaire, il reste de forts progrès à faire. Ainsi des panneaux photovoltaïques, puisqu’il nous est possible d’atteindre des rendements de 24 % alors que la moyenne se situe actuellement autour de 15 % Mais au-delà, le vrai défi, c’est la durabilité des équipements. Alors que certains équipements fabriqués en France il y a trente ans n’ont quasiment pas perdu leur rentabilité, d’autres produits, issus de pays que je ne nommerai pas, perdent déjà 7 à 8 % de rendement en trois années. Au-delà, il convient de développer le solaire thermique, notamment par le développement des dispositifs intégrés au bâti.

Sixièmement, il est impératif de développer le stockage local de l’énergie, car les énergies renouvelables produites localement devraient être utilisées localement. L’enjeu n’est pas la connexion au réseau de RTE, tant il est aberrant d’exporter le matin l’énergie qu’on devra importer le soir. Nous devons développer le stockage local pour une consommation locale. Même sans atteindre un taux de 100 %, nous réduirons les goulets d’étranglement sur les réseaux. Certains d’entre vous ont évoqué les échanges entre la France et l’Allemagne. L’Allemagne dispose de 30 gigawatt de puissance photovoltaïque installée, soit la moitié de la capacité du parc nucléaire français. Pourtant, l’an dernier, l’Allemagne a exporté tous les mois en France, faute de pouvoir stocker l’énergie produite. Cette exportation s’est en conséquence faite en valeur négative. C’est pour cette raison que la logique de réseau est essentielle. De plus, l’année dernière, le réseau a été saturé pendant 40% du temps sur 187 jours.

M. le président François Brottes. Permettez-moi à ce sujet de vous interroger sur un possible surdimensionnement des réseaux de transport, notamment du fait de l’impossibilité de stopper la production photovoltaïque, à l’inverse de la production éolienne où il suffit de mettre à l’arrêt une éolienne. En conséquence, les investissements dans les réseaux sont colossaux alors qu’en modulant la source d’énergie, nous pourrions mieux contrôler la production et ne pas procéder à ces investissements extravagants. Ce problème, qui me semble techniquement connu, n’est pas suffisamment régulé.

M. Bernard Bigot. La clé, c’est le stockage, y compris le stockage hydraulique, c'est-à-dire faire du pompage temporaire. Quel est le sens d’exporter pendant 3-4 heures dans une journée dans un sens pour ré-importer ensuite dans le sens inverse. C’est cette logique d’une économie globale.

Un dernier point : la France a la chance d’être un pays fortement forestier et fortement agricole.

Sans impacter les besoins prioritaires que sont les besoins alimentaires et même industriels, il existe des marges considérables pour l’utilisation de la biomasse française : pour produire des hydrocarbures de synthèse qui viennent de subsituer aux hydrocarbures importées, des technologies sont en train de se développer par le biais de la recherche sur les biocarburants de deuxième ou de troisième génération.

Il y a les problématiques de la méthanisation déjà évoquées, avec des progrès très importants accessibles dans des délais relativement proches.

Dans tous les domaines des énergies renouvelables, la démarche à adopter est certes d’investir dans la recherche, mais surtout, il faut pouvoir passer du laboratoire au démonstrateur. La France doit accepter la logique du démonstrateur et ne pas se précipiter vers des déploiements importants de technologies certes innovantes mais dont il n’y a pas eu le retour d’expérience pour en tirer tout le bénéfice. Des parcs sont installés à grands frais alors que nous nous privons d’aller dans une progressivité vers une amélioration continue.

Il faut encourager l’Etat à soutenir des démonstrateurs à des échelles appropriées pour pouvoir attendre les retours d’expérience afin de retirer tous les bénéfices des innovations.

Pour terminer, je vais essayer de répondre aux questions sur le nucléaire. Il faut d’abord rejeter l’argument sur les coûts : pour la première fois au monde, un pays a fait l’effort, en saisissant la plus haute instance d’audit des finances publiques - à savoir la Cour des comptes - de la réalité des coûts du parc existant aujourd’hui.

La première conclusion de ce travail remarquable est que sur un parc nucléaire de 30 ans, le prix de l’électricité en France, toute charge assumée, c’est-à-dire comprenant la recherche, la construction, l’exploitation, le démantèlement et la gestion des déchets, est composé à 90% de l’investissement, d’où l’intérêt, quand un investissement est fait, d’en tirer le meilleur parti. Les 10 % restants ne concernent que l’exploitation, dont la gestion des déchets.

La deuxième conclusion concernant le parc installé aujourd’hui, est qu’il existe des marges de progrès en termes de conception de sûreté. C’est l’apprentissage à travers la propre pratique de la France mais aussi des grands accidents symboliques connus de tous. Il y a une nécessité d’investissements par rapport au développement du parc dans les années 1975-1990.

Ce renchérissement du coût n’est pas incommensurable : il ne peut sérieusement être envisagé qu’à hauteur maximum de 10 % à 15 %. Nous pouvons l’affirmer avec certitude au CEA par notre expérience dans le domaine.

Il faut trouver de bonnes raisons pour ne pas poursuivre les investissements dans le nucléaire, et la raison du coût trop élevé n’en est pas une.

Concernant les déchets radioactifs, la vision est claire : il faut retraiter les combustibles usés, séparer les matières valorisables et conditionner de façon sûre les déchets de haute activité à vie longue avec la perspective de les stocker en profondeur. C’est tout l’enjeu du débat actuel.

Pour terminer sur le nucléaire en général, n’oublions pas que le nucléaire est un investissement de long terme. À titre d’exemple, l’Allemagne a ruiné, par une décision politique en 2011, ses possibilités de revenir dans le nucléaire. La France doit donc conserver un consensus sur l’intérêt et la vision globale de sa politique énergétique à long terme. C’est tout l’enjeu de la transition énergétique : donner une vision partagée par l’ensemble des acteurs du pays.

Par ailleurs, il est nécessaire de faire évoluer et renouveler le parc nucléaire mais cela doit se faire dans la progressivité. Par exemple, aujourd’hui aux États-Unis, des centrales utilisées depuis 55 ans fonctionnent toujours avec un rendement de 95% sur l’année. Leur renouvellement est conditionné par la sûreté, mais c’est aussi le résultat d’une vision industrielle et économique.

Enfin, l’industrie nucléaire n’est crédible que si l’on construit régulièrement des équipements. Flamanville est l’illustration d’une phase de réapprentissage de construction de centrales à partir de 2005 après un arrêt de plusieurs années faute de marché mondial. Pour éviter de tels à coups, il est nécessaire pour les entreprises françaises de construire régulièrement des centrales et l’enjeu de l’export est extrêmement fort.

M. le président François Brottes. Merci. Monsieur Baupin, vous pourrez continuer les échanges avec M. Bigot si vous l’invitez au débat sur la sûreté nucléaire demain soir.

M. Bruno Rebelle, membre du comité de pilotage du débat national sur la transition énergétique. En premier lieu, il est intéressant de noter les deux différences de dynamiques entre le Grenelle de l’environnement et le débat national pour la transition énergétique : le Grenelle parlait peu d’énergie et a écarté le nucléaire et il n’a pas prévu les mécanismes de financement des différentes mesures proposées.

Malgré la présence de nombreux acteurs de terrain dans les villages et les banlieues, je regrette que le débat national sur la transition énergétique ne soit pas assez populaire et pas assez relayé médiatiquement ; de même, la gouvernance collective et les modes de représentation écartent de facto les PME tandis que les institutions de représentation restent dans la ligne du Medef, ce qui déséquilibre le débat.

Sur le fond, la transition énergétique est en débat aujourd’hui car la France a de vrais problèmes à résoudre, en dehors de la facture énergétique nationale élevée.

Je suis d’accord avec la priorité donnée à l’efficacité énergétique, et ajouterais qu’il y a un vrai souci de formation des acteurs et d’accompagnement dans le bâtiment. La mobilité reste un gros chantier à creuser avec la création d’un groupe de travail et le financement de la transition énergétique est encore en réflexion, en prenant exemple sur le système allemand de la KfW qui donne grande satisfaction.

Tout cela témoigne de la nécessité d’une articulation entre le cadre européen, le cadre national avec la mobilisation des grands acteurs et au niveau des territoires pour aboutir aux mécanismes les mieux adaptés à la mobilisation des ressources nécessaires.

En deuxième lieu, concernant les énergies renouvelables - et on peut être confiant sur l’arrivée d’un « été » des énergies renouvelables après « le printemps » - il faut insister sur la diversité des solutions. Cela renvoie à un problème de hiérarchie des normes, notamment en matière d’hydro-électricité. Il s’agit de déterminer la hiérarchie entre les objectifs de diversification de la production et de recours aux énergies renouvelables, et les normes de protection de l’environnement et de conflits d’usage. C’est un vrai débat sur lequel la société dans son ensemble doit apprendre à construire des arbitrages collectifs. La loi ne suffira pas à proposer des solutions acceptables sur le terrain. Selon les associations pour la protection de l’environnement, en matière d’hydroélectricité, pour gagner 10% de production, cela nécessiterait de déclasser 4% des tronçons de cours d’eau concernés. C’est quelque chose qui mériterait d’être mis en débat de manière responsable.

En matière d’emploi, 15 000 emplois ont été perdus en 2012 à cause des atermoiements du mécanisme de financement du secteur solaire. Certes, il faut bien réfléchir au reclassement des employés de la centrale nucléaire de Fessenheim quand elle sera fermée, mais cela représente six fois moins que les emplois perdus l’an dernier dans le solaire. Il faut donc garder la mesure des chiffres et raisonner en bilan net d’emplois, comme ce fut le cas avec le groupe de travail du débat sur les transitions professionnelles pour voir comment des emplois perdus au cours de la transition énergétique dans un secteur peuvent être compensés par des emplois gagnés dans d’autres secteurs.

Un potentiel énorme existe pour la production de chaleur et d’électricité, la création d’emploi et l’innovation. Par exemple, à La Réunion, l’Ademe, la DREAL et des industriels du secteur s’allient pour constituer en matière d’énergies renouvelables une plaque-tournante de déploiement industriel dans l’océan indien.

La recherche en matière de stockage de l’électricité est un enjeu majeur. L’Allemagne est en avance et la France doit lui emboîter le pas en évitant de se centrer sur de fausses bonnes solutions comme le gaz de schiste. En effet, rien n’indique que la rentabilité économique en France ou en Europe sera égale à celle des États-Unis eu égard à la régionalisation du marché du gaz et aux conditions de coût et d’exploitation très différentes. Il est nécessaire de pousser davantage les études avant même de commencer à explorer le potentiel des gaz de schiste sur le territoire.

En troisième lieu, dans le secteur nucléaire, il y a encore beaucoup à faire sur l’estimation du coût de production, la fourchette allant de 33€/MWh à 75€/MWh selon les sources, ce qui rend difficile l’adoption d’une stratégie globale.

Il faut d’ailleurs prendre avec prudence les propos de M. Proglio annonçant 130 milliards d’euros de dépenses pour la prolongation du parc nucléaire sans justification et à l’aide d’un plan comptable absolument pas sérieux : trouvez-moi un comptable qui soit capable d’établir un plan de gestion sur vingt-sept millions d’années !

M. Bernard Bigot. Pourquoi vingt-sept millions d’années ?

M. Bruno Rebelle. C’est la demi-vie du plutonium.

M. Bernard Bigot. Vous vous trompez, la demi-vie du plutonium est de 14 000 ans.

M. Bruno Rebelle. Le plan comptable reste toujours aussi difficile à établir. Il semble que le contrôle parlementaire et gouvernemental devrait intervenir sur cette entreprise publique afin de permettre un dialogue plus poussé sur la destination de ces 130 milliards d’euros. D’ailleurs, sur les 1 100 citoyens interrogés, seulement 8% a considéré que la prolongation des centrales nucléaires était un sujet majeur, contre 46% en faveur des investissements en énergie renouvelable et 37% pour l’efficacité énergétique.

En outre, il est nécessaire de simplifier les procédures pour favoriser le printemps des énergies renouvelables. La gestion du réseau est également une question majeure et la création d’un groupe de travail spécifique est en cours. Enfin, la place des territoires est essentielle : les nouveaux schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie pourraient devenir, à défaut d’être prescriptifs, des supports d’animation des efforts en matière de transition énergétique au niveau des territoires.

Pour terminer, le facteur temps ne doit pas être négligé : la transition énergétique en Allemagne produit actuellement une augmentation de consommation de charbon et de lignite, mais selon les chiffres et les observateurs allemands, ce pic n’est que transitoire pour mieux atteindre le facteur 4 des émissions de gaz à effet de serre à terme.

Enfin, l’Europe est incontournable pour la transition énergétique notamment pour la régulation du marché de l’électricité et des connexions électriques, en particulier pour éviter les dysfonctionnements évoqués tout à l’heure de production allemande d’électricité solaire sans débouché de distribution, ce qui est aussi valable pour l’éolien.

L’Europe est également indispensable pour la régulation du marché carbone surtout dans le contexte d’échec du marché mondial en la matière, et pour une véritable politique industrielle de développement des énergies renouvelables (énergies marines, biomasse, solaire thermique et à concentration…).

M. le président François Brottes. Merci de votre attention à tous. Je vous rappelle que cet après-midi à 17h30, nous avons une autre réunion sur le même sujet.

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* *

Informations relatives à la commission

La commission a nommé

– M. François Pupponi rapporteur pour avis sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (sous réserve de son dépôt) ;

– Mme Marie-Hélène Fabre rapporteure sur la proposition de résolution européenne sur la réforme des droits de plantation de vigne (n° 1086).

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 29 mai 2013 à 10 heures

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, M. Alain Marc, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Yves Nicolin, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, M. Frédéric Barbier, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Armand Jung, Mme Laure de La Raudière, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, M. Serge Letchimy, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - M. Denis Baupin, M. François Vannson