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Commission des affaires économiques

Mardi 17 septembre 2013

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 114

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition de M. Philippe Martin, ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, sur la question des ondes électromagnétiques et de leur impact sanitaire et environnemental

La commission a auditionné M. Philippe Martin, ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, sur la question des ondes électromagnétiques et de leur impact sanitaire et environnemental.

M. le président François Brottes. Je tiens à remercier le ministre pour sa première venue devant notre commission depuis sa prise de fonction, même s’il est un habitué de l’exercice puisqu’il était déjà ici, il y a quelques mois, en tant que président du conseil général du Gers, pour nous exposer son action exemplaire en matière de valorisation des productions locales dans les cantines scolaires. Deux sujets sont à l’ordre du jour de notre réunion de ce soir : tout d’abord celui des ondes électromagnétiques, ensuite la question des concessions des barrages hydroélectriques.

S’agissant des ondes électromagnétiques, je tiens à rappeler brièvement qu’à la suite de l’adoption de la motion de renvoi en commission de la proposition de loi discutée au début de cette année à l’initiative de Mme Laurence Abeille et des membres du groupe écologiste, nous avions convenu qu’il était nécessaire d’approfondir le sujet, concernant notamment le principe de sobriété. À cet effet, un groupe de travail a été constitué au sein de la commission, composé de nos collègues Laurence Abeille, André Chassaigne, Jeanine Dubié, Corinne Erhel, Franck Reynier, Lionel Tardy et Suzanne Tallard. Parallèlement, comme Mme Fleur Pellerin s’y était engagée, le Gouvernement a mis en place un groupe de réflexion composé de MM. Philippe Tourtelier, Jean-François Girard et Stéphane Le Bouler, en vue d’expertiser la faisabilité des dispositions envisagées par la proposition de loi. Par ailleurs, lors de la discussion du mois de janvier, deux rapports étaient attendus : d’une part celui de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), que nous attendons du reste toujours, d’autre part celui du COPIC (anciennement COMOP), qui pour ce qui le concerne a bien été remis aux ministres intéressés, assorti de plusieurs préconisations.

Le débat sur les ondes est réel dans notre pays, alors même que la 4G se développe aujourd’hui un peu partout. C’est pourquoi nous sollicitons votre point de vue, monsieur le Ministre, que je vous propose de présenter dans un exposé liminaire, avant d’ouvrir la discussion avec nos collègues.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ayant été membre de votre assemblée pendant plus de dix années, j’attache au Parlement une importance particulière. En tant que ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, il me revient de mettre en œuvre la feuille de route que le Président de la République m’a confiée. Cette feuille de route, c’est l’excellence environnementale, et je veux l’accomplir avec vous. Nous sommes à la veille de la tenue de la deuxième conférence environnementale, aussi comprendrez-vous aisément que je laisse la primeur de certaines annonces au Président de la République et au Premier ministre, d’ici la fin de cette semaine. Pour ma part, je me suis exprimé cet après-midi même devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les orientations générales de mon ministère et m’attacherai donc plus particulièrement ce soir, devant votre commission, à exposer l’état de la réflexion gouvernementale s’agissant des ondes, puis dans un second temps de l’hydroélectricité.

Les risques sanitaires et environnementaux constituent un sujet important et je tiens à rappeler les initiatives qui ont déjà été prises dans ce domaine : tout d’abord, l’adoption de la proposition de loi du député Gérard Bapt concernant l’interdiction totale du Bisphenol A dans les contenants alimentaires, ensuite le lancement d’une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, dont le rapport du groupe de travail associant l’ensemble des parties prenantes est actuellement en cours de consultation publique, enfin l’adoption d’une proposition de loi, dont l’initiative revient aux parlementaires écologistes, donnant un véritable statut juridique aux lanceurs d’alerte.

Le sujet des ondes fait partie intégrante de la problématique de santé environnementale. C’est depuis la première conférence environnementale un axe de travail prioritaire pour le Gouvernement, et ce pour tout le quinquennat. Le développement des communications s’est en effet accompagné de l’équipement des communes et des particuliers par des antennes relais et des terminaux sans fil générant un rayonnement électromagnétique. Des inquiétudes sont rapidement apparues quant à l’impact sur la santé de ces ondes électromagnétiques.

En 2009, le précédent gouvernement avait lancé plusieurs initiatives pour mieux connaître les risques et chercher à les maîtriser. Comme vous l’avez rappelé dans votre présentation, monsieur le Président, c’est ainsi que vous aviez été amené à présider un comité opérationnel d’expérimentations (COMOP) chargé, d’une part d’examiner la faisabilité technique d’un abaissement de l’exposition du public aux radiofréquences émises par les antennes-relais de la téléphonie mobile, d’autre part de définir et d’expérimenter de nouvelles procédures de concertation et d’information locales pour accompagner les projets d’implantation d’antennes-relais.

Grâce à une ténacité et une force de conviction qu’il n’est pas nécessaire de rappeler, votre action à la tête de ce comité a permis de franchir un cap décisif en mettant autour de la table des parties prenants jusqu’alors peu habituées à discuter sereinement. Ces travaux ont fait l’objet d’un rapport d’étape en août 2011, qui constitue encore aujourd’hui un document de référence.

Au cours du mois d’août dernier, les deux rapports de synthèse du COPIC sur la poursuite de ces expérimentations m’ont été remis, ainsi qu’à la ministre déléguée chargée de l’économie numérique. Ces deux rapports nous disent qu’environ 90 % des niveaux d’exposition sont inférieurs à 0,7 Volt par mètre et 99 % inférieurs à 2,7 Volt par mètre, en deçà donc des limites réglementaires comprises entre 40 Volt par mètre et 61 Volt par mètre.

L’étude met aussi en évidence l’existence de quelques points géographiquement isolés, dits points « atypiques », où l’exposition est sensiblement plus élevée que la moyenne, tout en restant en deçà des seuils réglementaires. Ces points doivent être regardés spécifiquement et il me semble possible d’en impulser un recensement plus sérieux que celui actuellement prévu par la loi, qui n’a même pas été publié à ce jour alors qu’il aurait dû intervenir avant le 31 décembre 2012. Il serait du reste utile de publier un tel recensement chaque année et de doter l’Agence nationale des fréquences (ANFR) des moyens de s’assurer que les points atypiques sont traités de façon adaptée par le ou les opérateurs concernés, ainsi que dans des délais raisonnables. Il s’agit d’une question de sobriété et en même temps d’un moyen pour l’opérateur d’optimiser son réseau.

Au-delà de ces points atypiques, pour l’ensemble de la population cette fois, si l’on n’étudie que la valeur de 0,6 Volt par mètre, on aboutit à la conclusion qu’il faudrait augmenter notablement le nombre d’antennes, jusqu’à trois fois plus dans certaines communes, selon les modélisations, pour rétablir une couverture réseau équivalente. D’autres valeurs, moins basses, n’aboutiraient pas aux mêmes résultats. À noter, enfin, que le basculement vers la technologie 4G pourrait augmenter de 50 % en moyenne l’exposition des populations. La qualité de ces travaux mérite d’être soulignée. C’est pourquoi Fleur Pellerin et moi-même souhaitons que ces réflexions se poursuivent dans une nouvelle instance d’échanges placée sous l’égide de l’ANFR et associant l’ensemble des parties prenantes.

Lors de la première conférence environnementale, le Gouvernement s’est par ailleurs engagé à mettre à jour l’expertise de l’Anses sur les effets sanitaires des radiofréquences. Je peux vous indiquer que nous disposerons de ce rapport pour le 15 octobre prochain. En outre, comme vous l’avez rappelé, monsieur le Président, à la suite de l’examen de la proposition de loi de Mme Laurence Abeille, une mission dite « ALARA » a été installée sur la mise en œuvre du principe de sobriété dans les ondes de téléphonie mobile, dont nous attendons également le rapport pour cet automne. Il me semble légitime que la population souhaite ne pas être exposée à des niveaux d’émissions supérieurs à ceux qui sont nécessaires à son usage.

Le Gouvernement disposera donc d’ici la fin de l’année des éléments scientifiques, expérimentaux et juridiques indispensables à la prise de bonnes décisions. D’ores et déjà, certains principes consensuels me semblent pouvoir être dégagés, concernant la gouvernance autour des projets d’installations d’antennes-relais : l’information du maire par écrit en amont de l’implantation, dès la phase de recherche, la transmission systématique d’un dossier d’information relatif aux futures installations un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable, l’information préalable du maire lors de la modification d’une ou plusieurs installations radioélectriques existantes nécessitant une nouvelle demande d’autorisation auprès de l’ANFR. En effet, s’agissant de ce dernier point, le déploiement de la 4G ne passe pas forcément par l’implantation de nouvelles antennes mais parfois uniquement par la modification des propriétés d’antennes existantes.

Il me semble également nécessaire de prévoir une information très en amont des occupants d’un bâtiment d’habitation en cas d’implantation future d’antennes ainsi, de façon plus générale, que l’animation dans chaque département d’une instance de concertation visant à assurer une mission de médiation relative à toute installation radioélectrique existante ou projetée dont elle serait saisie.

Enfin, la publication par l’ANFR de lignes directrices nationales en vue d’harmoniser les outils de simulation de l’exposition générée par l’implantation d’une installation radioélectrique est le dernier principe que je veux évoquer devant vous. Cet outil pourrait ensuite amener toute personne souhaitant exploiter une installation radioélectrique sur le territoire d’une commune à réaliser une simulation dès lors que le maire de la commune concernée le souhaite.

Telles sont, monsieur le Président, mesdames et messieurs les Députés, les informations que je souhaitais porter à votre connaissance sur la question des ondes, même si nous devons encore continuer de travailler pour progresser sur le sujet.

M. le président François Brottes. Je vous remercie d’avoir salué la qualité du travail accompli au sein du COMOP. Nous avons pu obtenir, à l’époque, l’unanimité des acteurs concernés sur l’élaboration d’un protocole de mesure incontestable. C’était d’autant plus méritoire que ces mêmes acteurs ont par ailleurs plutôt du mal à s’entendre, si ce n’est souvent devant les tribunaux… Les chiffres dont vous avez fait état n’ont en l’occurrence été contestés par personne, ce qui constitue une première étape très importante. Ce faisant, je suis bien conscient qu’il sera plus compliqué d’aboutir à un consensus final sur ces questions.

Je veux également insister sur la nécessité de mesurer la corrélation entre la puissance de réception du téléphone mobile et la fréquence des antennes. Là encore, il y a des seuils sur lesquels il faut se pencher pour compléter le travail déjà accompli, qui n’a pour l’instant pas d’équivalent dans les autres pays.

Mme Laurence Abeille. C’est avec grand plaisir que je vous ai entendu, monsieur le Ministre, qualifier la question des ondes électromagnétiques de question environnementale et sanitaire. Un pas important est franchi ce soir et nous ne pouvons que nous féliciter du fait que le sujet figure au rang des priorités gouvernementales. Le président Brottes a opportunément rappelé les difficultés rencontrées dans le passé pour imposer ce débat, de même que les controverses entre associations environnementales, associations de riverains et agences gouvernementales. Je crois que votre ministère, dans la transversalité de ses missions, peut travailler de façon très utile sur cette problématique qui porte à la fois des enjeux en matière de santé, mais qui concerne également au premier chef le développement de l’économie numérique.

S’agissant des points considérés par vous comme étant consensuels, comptez-vous abroger le décret de 2002 fixant des seuils qui, heureusement pour la santé de tous, ne sont jamais atteints ? Cela suppose de travailler à la fixation de nouveaux seuils acceptables pour la santé publique, qui donneront un cadre au développement des activités concernées. La question des ondes prend aujourd’hui une dimension à l’importance croissante et ne concerne pas seulement la téléphonie mobile et les antennes-relais, mais aussi toutes sortes d’objets quotidiens comme les téléphones dits « DECT », de nombreux jouets ou encore des appareils médicaux. Le développement économique des technologies « sans fil » est sûrement porteur de promesses mais doit aussi nous préoccuper sur le plan du bien-être de chacun. Je ne reviendrai pas sur les risques liés à l’électro-hypersensibilité, je sais qu’une étude de l’Anses est attendue pour 2014.

La 4G occupe en ce moment beaucoup nos écrans publicitaires, mais aussi les associations s’agissant de ses conséquences en termes d’exposition. Si l’on se réfère au rapport du COPIC, l’exposition aux ondes serait ainsi augmentée de près de 50 %, sans qu’il n’y ait eu aucune étude d’impact. Une étude d’impact est-elle envisageable une fois que la 4G sera déployée ?

Le recensement des points atypiques est désormais achevé. À cet effet, je voudrais souligner la compétence et la disponibilité de l’ANFR. Qu’envisagez-vous en matière de nouvelles responsabilités à confier à cette agence ?

De nombreuses associations ont travaillé sur la question des ondes et se sont fortement impliquées dans les débats récents. Le Conseil national de la transition écologique ne pourrait-il pas intégrer en son sein le Rassemblement pour la Planète et l’association « Robin des toits » ? J’y suis pour ma part très favorable.

Quel calendrier législatif pouvez-vous nous proposer aujourd’hui ? Le besoin d’abaisser les seuils d’exposition est aujourd’hui pressant, quitte à multiplier le nombre d’antennes. L’acceptabilité sociale des antennes sera par ailleurs d’autant plus grande que la puissance publique apporte toutes les garanties.

Je conclurai en réitérant notre demande insistante d’abrogation du décret de 2002, doublé du souhait que soit institué par la loi un véritable principe de précaution et de sobriété. Il faut aller de l’avant, et le plus rapidement possible, en la matière !

Mme Suzanne Tallard. L’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques pose beaucoup de questions. Certes, elle affecte peu de personnes, mais de manière parfois violente. L’un des problèmes majeurs réside dans la difficulté à caractériser cette hypersensibilité tant les symptômes varient d’une personne à une autre. L’ANSES a donc lancé un projet qui porte sur la caractérisation des expositions et la métrologie. Par ailleurs, une étude sur l’électrosensibilité est également menée à l’hôpital Cochin. Monsieur le ministre, comment ces études s’articulent-elles ?

M. Antoine Herth. Permettez-moi de dire à titre liminaire que je regrette que cette audition ne porte pas sur tous les sujets qui relèvent de la compétence du ministre. L’écologie est un exercice de haut vol pour un ministre en exercice. Le ministre Philippe Martin va-t-il savoir donner une appétence aux citoyens pour ce sujet ? Va-t-il, pour reprendre l’expression de Mme Cécile Duflot, faire de l’écologie une expérience heureuse ? Les deux sujets qui nous occupent aujourd’hui, les ondes électromagnétiques et les concessions hydroélectriques, sont des sujets importants. Sur le sujet de la gestion des risques, le ministre va-t-il s’adresser uniquement aux consommateurs inquiets sur leurs gestions quotidiens, ou va-t-il trouver le courage de participer au redressement économique et industriel de notre pays ?

M. le président François Brottes. La répartition des compétences entre les commissions permanentes, qui ne date pas de cette législature d’ailleurs, conduit la commission des affaires économiques à entendre, par exemple, M. Frédéric Cuvillier sur les seuls sujets relatifs à la pêche et non ceux relatifs aux transports qui relèvent de la compétence de la commission du développement durable. De même, quand M. Philippe Martin est auditionné par notre commission, il s’exprime, non sur la biodiversité, mais sur l’énergie ou les télécommunications.

M. Hervé Pellois. Je voudrais ici apporter une expérience de terrain. Vous avez indiqué vouloir mettre en place des procédures de concertation. Des initiatives en ce sens existent déjà et fonctionnent bien. Par exemple, l’association des maires de France a élaboré une charte de bonne conduite pour rassembler l’ensemble des opérateurs concernés. Souvent un groupe de travail qui rassemble les riverains concernés est également nécessaire. Ce type de réunion peut conduire à trouver des solutions consensuelles, en déplaçant un pylône de quelques centaines de mètres, dans un endroit moins sensible que celui proposé initialement par l’opérateur.

Les ondes liées aux lignes THT sont également un sujet extrêmement important. Ainsi, certains plans locaux d’urbanisme (PLU) ont failli être remis en cause du fait de la distance insuffisante entre les habitations et les lignes. L’application stricte du principe de précaution requiert une distance de 100 mètres, mais parfois, les maisons se trouvent plus proches des lignes.

Mme Jeannine Dubié. Le COPIC a rendu deux rapports. L’un porte sur les procédures de concertation et d’information locale et émet dix recommandations. L’une d’elle est notamment de nature législative. Elle propose l’information préalable obligatoire de l’occupant avant l’installation d’une ligne. Quelle suite comptez-vous donner à cette recommandation monsieur le ministre ?

Le deuxième rapport porte sur la faisabilité d’un abaissement de l’exposition aux radiofréquences émises par les antennes. S’agissant de la 2G et de la 3G, vous avez parlé d’un abaissement du seuil d’exposition. Toutefois, un abaissement à 0,6 volt/ mètre tel que recommandé par le conseil de l’Europe signifierait une forte baisse de la couverture du réseau en particulier à l’intérieur des bâtiments. La solution serait de reconfigurer le nombre d’implantation des antennes en le multipliant par trois. Que pensez-vous de cette option M. le ministre ?

La 4G augmente l’exposition aux ondes de 50%. Mais cette dernière offre une qualité de service supérieure. Elle est au cœur de la stratégie de développement des entreprises télécoms. Monsieur le ministre, comment faire l’arbitrage entre les différents intérêts ?

Enfin, le Gouvernement compte-t-il prendre des mesures spécifiques s’agissant des écoles, des crèches et des autres établissements accueillant des enfants ?

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, quelle est en France l’évolution des connaissances en matière des principes régissant les ondes et les micro-ondes ? Disposons-nous d’outils de vulgarisation permettant de se renseigner de manière pédagogique sur les ondes et leurs éventuels effets nocifs sur la santé?

S’agissant de l’implantation d’équipements sur le domaine public, je me réjouis des grands principes énoncés par le ministre, notamment s’agissant du rôle du maire comme acteur de proximité. Trop souvent, la négociation s’effectue seulement entre le particulier et l’opérateur, et l’information du maire n’intervient qu’a posteriori, au moment de la déclaration de travaux ou de la déclaration de permis de construire. Il faut renforcer l’information a priori du maire, ce qui permettra d’éviter des pétitions et des tensions. Il faudrait également leur donner le pouvoir de faire évoluer le projet de manière géographique. Donnerez-vous concrètement aux maires un rôle accru en la matière ?

M. Daniel Fasquelle. Il s’agit en effet d’un sujet sensible. Il ne faut pas susciter l’espoir des personnes qui souffrent, ou croient souffrir de l’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques. Ces gens doivent néanmoins pouvoir être entendus. Il ne faut pas néanmoins susciter de fausses craintes.

Je ne peux que regretter l’attitude adoptée par la majorité dans la gestion de dossier. Une proposition de loi vidée de sa substance en commission, un renvoi en commission au moment de l’examen en séance publique ensuite, et maintenant ce débat, le sujet méritait mieux. Il semblerait que le parti socialiste et les écologistes ne soient pas, sur ce sujet comme sur tant d’autres, sur la même « longueur d’onde ». On évoque souvent les ondes, et on néglige probablement le fait que ce sont les appareils qui émettent ces ondes qui sont nocifs.

M. le président François Brottes. S’agissant de la méthode, je souhaite rappeler à M. Fasquelle que la méthode décidée au moment du renvoi en commission était la suivante : création d’un groupe de travail parlementaire et d’un groupe de travail gouvernemental, auditions de Mme la ministre Fleur Pellerin et de M. le ministre Philippe Martin. Le COPIC vient de remettre son rapport, l’ANSES s’apprête à remettre le sien. La majorité veut sur ce sujet important ne pas confondre vitesse et précipitation.

Mme Annick Le Loch. Au-delà de la question des antennes relais se pose le sujet de la sensibilisation et de l’éducation citoyenne à un usage raisonné des ondes électromagnétiques. M. le ministre quelle sera l’action interministérielle sur ce point ?

M. Philippe Le Ray. Il faut plus de cohérence dans les schémas de cohérence territoriaux. Lorsque les lignes moyenne et très hautes tensions sont déplacées, il faudrait pouvoir les intégrer dans les SCOT.

M. Razzy Hammadi.  Je vous remercie, Monsieur le Président, et je remercie également le Ministre d’être avec nous comme s’y était engagé le Gouvernement. Comme vous l’avez très justement rappelé, Monsieur le Président, c’est une étape, qui sur un sujet complexe, se nourrit des deux rapports rendus en août, dont celui du COPIC. Subjugué par la portée sur le fond de votre intervention, Monsieur Fasquelle, je voudrais aborder des questions concrètes. Il y d’une part les questions techniques, et, d’autre part, les questions de transparence et de démocratie, qui ont été évoquées d’ailleurs dans l’intervention précédente de notre collègue de l’UDI. Et certaines sont d’ores et déjà abordées par le second rapport du COPIC.

Ce second rapport aborde trois conclusions et trois propositions, et je souhaite recueillir votre avis, Monsieur le Ministre, sur les trois points que sont l’information obligatoire des occupants d’un bâtiment préalablement à l’installation d’une antenne, la transmission obligatoire par l’opérateur d’un dossier d’information au maire sur les projets d’antenne, et la possibilité pour les maires de demander des simulations sur des alternatives aux installations proposées. Nous n’avons pas besoin d’attendre le rapport de l’ANSES, ni le rapport commandé par le Premier Ministre, il vous est possible de nous donner la position du Gouvernement sur ces trois points, pour lesquels, je crois, il y avait un consensus au sein de notre commission lors de la discussion sur la proposition de loi.

Les questions techniques seront résolues par les deux rapports en plus de celui du COPIC, mais il nous faut avancer sur le champ des propositions, et je souhaite donc connaître votre position, Monsieur le Ministre.

M. le président François Brottes. J’interroge notre assemblée, y a-t-il des d’autres questions ? Il n’y en a pas, dans ce cas, M. le Ministre, je vous laisse le soin de répondre à l’ensemble de ces questions.

Philippe Martin, Ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. Je vous remercie, Monsieur le Président. Je commencerai par répondre à M. Antoine Herth, d’abord parce que nous nous suivons depuis longtemps, avant même que lui et moi soyons à l’Assemblée. Veux-je être le ministre de l’écologie heureuse, puisque j’ai bien compris que c’était son inquiétude ou son incertitude ? Je m’étonne d’ailleurs de cette inquiétude, puisqu’il me connaît. Je pense effectivement que l’écologie est loin d’être un obstacle au progrès et au redressement de notre pays. Je considère même qu’elle en est une composante essentielle, que la transition écologique et, au sein de cette dernière, la transition énergétique, sont des parts essentielles du redressement de notre pays. J’en veux pour preuve le travail engagé avec mon collègue Arnaud Montebourg, Ministre du redressement productif, qui a présenté avec le Président de la République, il y a quelques jours, les 34 plans pour une nouvelle France industrielle. Sur ces 34 plans, 16 sont des filières à vocation écologique, qui concernent les batteries, les bateaux avec des énergies renouvelables…Le développement industriel des énergies renouvelables fait partie intégrante de ce redressement. Je pense que la transition énergétique est une solution pour les Français, et que nous devons donc la porter tous ensemble en ayant à cœur d’aider les filières innovantes à se développer. C’est ainsi que le deuxième programme des investissements d’avenir consacrera 50 % de ses financements à des innovations dans le domaine de la transition écologique.

Mais aussi nous devons aussi faire œuvre de simplification du droit de l’environnement, pour que, là aussi, les énergies puissent se libérer. Je vais prendre un exemple parlant : lorsque je constate que’un projet de méthanisation porté par des agriculteurs a nécessité 4 ans de procédures pour sortir de terre, contre à peine 6 mois en Allemagne, nous avons des progrès à faire en terme de simplification. La simplification et la modernisation du droit de l’environnement ne signifient pas l’abaissement de notre niveau de protection, c’est permettre que la transition écologique soit un acteur qui nous emmène, M. Herth, vers un monde meilleur. C’est sur cette voie-là, avec la feuille de route que m’a confié le Président de la République que j’avancerai, avec, j’en suis sûr, votre soutien.

Je reviens aux ondes, et à vos questions. Je vais essayer d’être exhaustif dans mes réponses, à défaut je répondrai par la suite, par écrit.

Tout d’abord, la question de l’impact sur la santé, soulevée en particulier par Mme Laurence Abeille. L’ANSES recommande, compte tenu des possibles effets à long terme, l’application du principe de précaution pour ondes émises par les téléphones mobiles, l’exposition aux antennes étant quant à elle un peu inférieure. C’est un premier élément de réponse.

S’agissant d’une possibilité d’abrogation du décret de 2002, ce sujet fera partie des discussions que nous pourrons avoir au sein du gouvernement une fois remis le rapport de l’ANSES. Dans l’intervalle, il est plus intéressant à mon sens de travailler dans un premier temps sur les points les plus exposés, ce que l’on appelle les points les plus atypiques.

À la remarque de Mme Abeille sur l’absence de simulations pour la 4 G, des simulations ont bien été faites, et nous allons continuer à travailler avec le COPIC sur la question de l’impact de la 4 G car il apparaît d’ores et déjà que cette dernière augmente l’exposition de l’ordre de 50 % environ.

Madame Abeille, vous m’avez également interrogé sur l’attribution de nouvelles responsabilités à l’ANFR. L’ANFR va animer l’instance d’échanges, et elle poursuivra la mise en œuvre les mesures de champs sur demande des communes, mais aussi des associations.

Sur le point plus particulier de l’association Robin des Toits, elle est déjà membre du COPIC. Les membres de cette association se sont volontairement retirés des réunions, mais leur retour est possible à tout moment s’ils le souhaitent. Je vous précise d’ailleurs que je me suis moi-aussi entretenu avec les responsables du regroupement « Rassemblement pour la Planète », et que je ferai en sorte qu’ils puissent être associés aux différentes instances mises en place, je pense en particulier au Conseil National de la Transition Ecologique.

Sur la question du calendrier législatif enfin, là encore, il me semble plus pertinent d’attendre les retours de l’ANSES et de la mission ALARA pour décider des suites à adopter, et je reviendrai alors bien évidemment vers vous.

M. Pellois a souligné l’importance de la concertation autour des projets d’antennes. Ce sujet fait bien partie de ceux que j’ai cités, et lesquels nous pouvons avoir un consensus, un dialogue entre les maires et les opérateurs. Le Gouvernement, avec le soutien du Parlement, sera allant sur cette question du dialogue nécessaire entre opérateurs et maires. J’étais jusqu’à récemment président du conseil général d’un petit département rural, le Gers, et j’ai pu mesurer le désarroi que peuvent éprouver les maires, et leur incapacité à mener ce dialogue avec des opérateurs qui peuvent parfois intervenir de manière abrupte. D’où l’importance de la concertation en amont, sur le terrain.

Enfin, pour les ondes THT, le gouvernement a demandé à l’ANSES d’actualiser pour 2014 son expertise.

À Mme Jeanine Dubié, je veux rappeler ma ligne de conduite : il me semble légitime que les citoyens souhaitent ne pas être exposés à des niveaux d’émission supérieurs à ceux nécessaire à son usage. C’est bien cela le « principe de sobriété » étudié par la mission ALARA.

Monsieur Benoit, nous travaillons à un outil pédagogique sur les ondes. Il s’agit là d’un engagement de la première conférence gouvernementale : rendre plus pédagogique les rapports des agences sanitaires, et les diffuser en ligne. Je signale que le site radiofréquences.gouv.fr rassemble des informations riches et pédagogiques sur le sujet.

Pour votre question sur le rôle des maires, le Conseil d’État l’a précisé : ils n’ont pas à ce jour compétence pour réglementer les implantations des antennes, mais ils ont un rôle central à jouer dans la gouvernance que je vous ai exposée, et qui permet un développement apaisé des réseaux sur le terrain.

S’agissant de l’impact sanitaire potentiel des lignes THT, je vous renvoie au rapport qui sera remis par l’ANSES fin 2014, mais d’ici là le principe de précaution d’une bande d’éloignement de 100 m sera appliqué pour toutes les nouvelles écoles et crèches.

Quant aux suggestions faites de prendre en compte dans les SCOT les antennes, le déplacement des lignes moyenne et haute tension, à condition que cela reste une faculté, mon expérience d’élu local me fait penser que cela peut permettre en effet de planifier, informer, concerter, trouver des solutions.

Monsieur Hammadi, s’agissant de la concertation autour des projets d’antennes, nous pouvons en effet l’améliorer, et les mesures que je propose me semble très proches de vos préconisations, avec l’information préalable des maires et l’amélioration des dossiers des opérateurs avec des simulations de champs pour informer le public sur l’impact de l’antenne.

Autre question qui m’a été posée, celle de l’information des consommateurs. Aujourd’hui, tous les téléphones mobiles vendus en France sont accompagnés d’une information sur le débit d’absorption spécifique, ce qui permet au consommateur de choisir le modèle le plus sobre.

La question sur les personnes électrohypersensibles concerne plus le ministère de la santé, et l’ANSES rendra en septembre 2014 son expertise, sur la base des études expérimentales en cours, en particulier celle réalisée à l’hôpital Cochin pour améliorer l’accueil et l’accompagnement des personnes hypersensibles.

Quant à la proposition du COPIC de multiplier le nombre d’antennes par trois, en privilégiant donc les petites antennes, c’est une question difficile mais si le dialogue local permet d’aboutir, cela permet de partager l’exposition aux ondes, plus de personnes exposées, mais à des valeurs et des champs moins élevés.

Voilà quelques éléments de réponses, étant entendu comme vous l’avez dit, Monsieur le Président, que le dossier est loin d’être clos.

M. le président François Brottes. Je vous remercie Monsieur le Ministre. Chacun l’aura noté, y compris M. Fasquelle, bon nombre de chantiers sont ouverts, le gouvernement avance, les parlementaires doivent continuer à l’accompagner. Mme Abeille, vous pouvez constater, vous l’avez fait dans son intervention, que le renvoi en commission permet bien d’approfondir le dossier.

Nous allons aborder maintenant notre deuxième sujet. Les deux rapporteurs désignés par la commission, Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Éric Straumann, ont présenté tout à l’heure le résultat de leurs travaux sur la mise en concurrence éventuelle des concessions des barrages. C’est un travail initié depuis plusieurs mois. Cet après-midi, les propositions faites par les rapporteurs ont suscité nombre de questions chez nos collègues, aussi Monsieur le Ministre, je vous propose, si vous en êtes d’accord, de laisser les rapporteurs répondre puisqu’ils n’ont pas pu le faire dans le temps imparti à la réunion de la commission cet après-midi, et je vous donnerai ensuite la parole.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je vais en effet répondre aux questions posées par nos collègues, en regroupant à la fin de mon propos les deux sujets principaux qui se sont dégagés des interventions, et mon collègue Éric Straumann apportera les compléments éventuellement nécessaires.

Mme Michèle Bonneton a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’un bien comme les autres, c’est une évidence également pour nous, et il doit donc avoir un traitement différencié. Il nous faut également être attentifs à la maîtrise du prix de l’électricité pour les consommateurs et pour les électro-intensifs. Quant au choix qui sera fait par le Gouvernement, M. le Ministre Martin pourra y répondre mieux que je ne le ferai moi-même. Je note simplement qu’il a donné une orientation, et nous comptons sur lui pour que le travail de fond fourni dans le cadre de cette mission puisse être pris en compte, et ouvre le débat parlementaire.

Je peux rassurer Mme Frédérique Massat, présidente de l’ANEM – et cela se sent à chacune de ses interventions - : l’un des objectifs de cette mission était bien la prise en compte de l’impact sur les territoires de montagne, où de nombreux ouvrages hydrauliques sont exploités, tant sur le plan de l’aménagement des territoires, de l’emploi local que du prix de l’électricité pour le consommateur. C’est d’ailleurs ce qui nous a conduits à écarter la solution de la mise en concurrence.

La réponse à la question sur la suite à donner aux préconisations du rapport, compte tenu des orientations annoncées par le Ministre, relève plutôt du Gouvernement, aussi je vais laisser le Ministre y répondre tout à l’heure.

La sécurité des barrages a été l’une de nos préoccupations, et nous pensons que l’opérateur historique est le plus à même de l’assurer aujourd’hui. M. Dino Cinieri, je vous précise que cela concerne à notre sens tant la sécurité des ouvrages que la sécurité du système électrique.

La prolongation des concessions, évoquée par plusieurs collègues, pose un problème de mise en œuvre au regard des règles européennes. Elle ne pourrait se faire par avenant, car le droit de la concurrence exige que, lorsque l’équilibre économique du contrat est profondément modifié, il y ait remise en concurrence. Retenir cette solution n’est pas impossible, mais cela nécessite des aménagements législatifs, et une collaboration étroite avec les services du ministère.

La prolongation des concessions est la solution qui recueille le plus de faveurs. Mais notre souhait est aussi d’ouvrir un débat, et de nourrir avec ce rapport une réflexion plus poussée sur des solutions alternatives, en collaboration avec les services du ministère, pour faire émerger ce qui serait le choix optimal pour non seulement l’hydraulique française mais surtout l’équilibre dans le cadre de la transition énergétique. L’hydraulique est pour nous le pilier de la réussite de cette transition énergétique : comment en effet développer les énergies renouvelables sans la maîtrise de cet outil de stockage qu’est l’hydraulique ? Par ailleurs, la libéralisation de ce marché ne nous paraît pas cohérente avec la maîtrise des coûts pour les consommateurs et pour les électro-intensifs.

Nous serons donc très attentifs à vos propos, Monsieur le Ministre, car la solution que vous préconisez nous semble être en contradiction totale avec l’objectif de réussite de la transition énergétique. Elle est à nos yeux défavorable aux consommateurs, défavorable aux électro-intensifs, défavorable à la réussite de la transition énergétique, et donc défavorable à l’excellence environnementale dont vous parliez en préambule.

Je tiens à évoquer également la question des « recettes perdues », dont la démonstration n’a pas été faite à notre sens puisque l’État détient 84 % des actions d’EDF. Quant à la rente hydraulique, elle profite à notre avis davantage aux consommateurs qu’à l’exploitant aujourd’hui.

M. Éric Straumann. J’ai été très étonné que le Gouvernement prenne une position avant que nous rendions le rapport, et je suis heureux de constater que ma collègue ne s’est pas laissée influencer par la position officielle.

Il y avait également une question de Michel Sordi au sujet d’une situation non acceptable sur le territoire national, à savoir celle de la discrimination entre le Rhône et le Rhin. Manifestement les élus du Rhône en 2003 ont été beaucoup plus efficaces que les élus alsaciens puisque les collectivités locales encaissent dans le Rhône environ cent millions d’euros de redevances pour des barrages construits à la même époque et selon les mêmes techniques, quand l’Alsace n’en perçoit quasiment aucune. Il faut vraiment aligner le régime du Rhin sur celui du Rhône car les conseils généraux, qui connaissent aujourd’hui de grosses difficultés, ont besoin de ces recettes. L’opérateur historique devrait ainsi entrer en négociation avec les collectivités alsaciennes.

L’autre aspect de la question est que l’Alsace perd cinquante millions d’euros en redevances non perçues sur les barrages et va perdre également sept millions d’euros de recettes fiscales avec la fermeture annoncée de la centrale nucléaire de Fessenheim. Cela fait beaucoup pour une petite région.

M. le président François Brottes. Le contenu du rapport faisant l’unanimité parmi tous les groupes de la commission sur la forme et sur le fond, je propose que nous autorisions sa publication.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je suis très heureux de pouvoir m’exprimer sur ce sujet, mes collègues Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve n’ayant pu se joindre à moi.

Votre commission, Monsieur le Président, a débattu du rapport réalisé par Marie-Noëlle Battistel et Éric Straumann sur le renouvellement des concessions hydrauliques.

Je voudrais leur dire, ainsi qu’à vous, que dans ma conception de notre relation de travail, débattre, construire avec les parlementaires ce qui deviendra ensuite des politiques gouvernementales, sera ma ligne de conduite.

Dire cela, l’affirmer même solennellement à cet instant, c’est bien évidemment regretter qu’une réponse du Gouvernement à un référé de la Cour des comptes ait pu être publiée avant que nous ayons eu un échange de fond sur les travaux menés par votre commission. Je préfère vous le dire sans détour, ni artifice.

De la même manière je veux dire qu’une réponse à un référé de la Cour des Comptes ne saurait constituer à elle seule une politique gouvernementale. Le sujet est complexe, il comporte un volet industriel, un volet territorial, un volet environnemental et enfin un volet économique et budgétaire qui doivent être traités ensemble pour constituer, comme c’est notre ambition, une politique globale de l’hydro-électricité en France.

La Cour des comptes, comme c’est sa mission, entendait alerter le Gouvernement sur le fait que, faute d’avoir été renouvelées à temps, certaines concessions attribuées à EDF sont aujourd’hui prorogées de fait, ce qui prive le budget de l’État du produit des redevances qui auraient dû être appliquées lors du renouvellement de ces concessions.

Le Gouvernement répond à cette situation de la manière suivante : « sans préjuger des conclusions de la mission parlementaire en cours », et « à ce stade de sa réflexion », la solution d’un renouvellement s’appuyant sur une mise en concurrence avec lancements d’appels d’offres était la solution qu’il était conduit à privilégier. Et d’ajouter qu’alors qu’elles ont été historiquement attribuées ouvrage par ouvrage et au fur et à mesure de leur construction, il serait préférable de regrouper les concessions par vallées pour préserver la cohérence de la chaîne d’exploitation des barrages et définir une date d’échéance des concessions unique par vallée – en raccourcissant la durée des concessions les plus longues d’une durée équivalente à la prolongation des plus anciennes –, ce que l’on appelle techniquement la méthode des « barycentres ».

Ce que le Gouvernement met en avant dans cette réponse, c’est donc d’abord une méthode.

Cette méthode est un héritage. Elle résulte des engagements pris au nom de la France par le précédent Gouvernement en 2010 - je le dis à Messieurs les parlementaires de l’opposition. La France, qui se trouvait alors sous le coup de deux contentieux européens, s’était engagée à ouvrir à la concurrence non seulement tout le secteur de l’aval (c’est-à-dire de la vente de l’électricité), ce qui a été fait au mieux des intérêts des consommateurs avec la loi NOME, fortement critiquée par François Brottes, mais aussi l’amont, c’est-à-dire le secteur de la production de l’électricité. C’est dans ce compromis général que se sont trouvées englobées les concessions hydrauliques, alors même que les barrages sont une composante de notre patrimoine national.

Cette méthode résulte aussi et plus fondamentalement, des choix qui ont été faits au cours des dix dernières années et, au premier chef, du choix porté par une autre majorité devenue aujourd’hui opposition, par la loi du 9 août 2004, de transformer EDF qui était un établissement public en une société anonyme de droit privé. Ce changement de statut a été opéré sans régler le problème des concessions, alors qu’on aurait tout à fait pu les renouveler à l’époque pour une durée de 40 ans au profit de l’opérateur historique.

Le fait que le titulaire des concessions hydrauliques actuel soit une société privée, dont l’État est certes actionnaire à hauteur des deux tiers du capital mais qui n’en est pas moins une société privée, a changé la donne. Pourquoi ? Parce que toute solution consistant à faire revenir dans les mains de l’État, ou dans des mains publiques, l’exploitation des barrages, implique nécessairement de revoir le statut d’EDF, en totalité ou partiellement. Il faut pousser le raisonnement jusqu’au bout : en totalité, cela impliquerait une renationalisation de EDF. En partie, cela impliquerait un démantèlement de l’opérateur pour y distinguer une filiale qui pourrait ensuite devenir publique, sous la forme d’un EPIC, puis rompre tout lien avec EDF, soit en suscitant un nouvel opérateur public.

Enfin, le statut de Société anonyme d’EDF fait entrer le renouvellement des concessions dans le droit commun des délégations de service public, strictement encadrées tant par le droit national, avec la loi Sapin, que par le droit de l’Union européenne. Et cet encadrement impose une application stricte du droit de la concurrence, ce qui rend non pas impossible mais extrêmement difficile d’imaginer un scénario où l’État attribuerait directement à un opérateur public l’exploitation des barrages sans appel d’offres.

Ce rappel m’a semblé nécessaire : nous devons tous avoir conscience que la voie qui est ouverte pour des solutions alternatives à la mise en concurrence est étroite. Le Gouvernement, pour sa part, et c’est ce qui fonde l’option qu’il privilégie jusqu’à maintenant, estime que cet héritage crée une situation de non - retour. La création d’un nouvel intervenant, public, chargé de la production hydraulique, établissement qui devrait avoir des clients serait un concurrent d’EDF et le priverait d’un coup de tous ses moyens de production de pointe, alors que l’on peut envisager, dans le cadre des appels d’offres à venir qu’EDF en conserve une partie non négligeable.

Voilà pour l’argumentation de la position retenue. Ce n’est donc pas une position idéologique, mais une option réaliste qui intègre les choix qui nous ont précédés.

J’ai bien conscience que nous sommes à un tournant de notre politique énergétique et que nous avons une responsabilité particulière. Marie-Noëlle Battistel et d’Éric Straumann ont imaginé d’autres possibilités, envisagé d’autres scénarios. Je respecte bien évidemment cette vision. C’est peut-être la dernière fois que nous pouvons avoir un véritable débat sur l’avenir de notre appareil productif alors que la montée en puissance des énergies renouvelables, intermittentes par nature, rend nécessaire de disposer de l’énergie de pointe des barrages et d’en garder la maîtrise.

Je vais donc prendre connaissance attentivement de votre rapport et je vous assure que nous re-débattrons de ce sujet, à la lumière de cette lecture.

Une politique de l’hydro-électricité en France doit, à mes yeux, viser deux objectifs :

Le premier est de soutenir nos industriels électro-intensifs. Je suis attaché au maintien de la compétitivité de notre énergie. Et le contexte actuel est complexe. La sauvegarde de certains sites (comme Saint Jean de Maurienne) nécessite des acrobaties conceptuelles afin de rester dans le cadre européen et d’offrir des offres compétitives en assurant à nos industriels une visibilité sur le long terme.

Je souhaite que nous travaillions collectivement à une solution pérenne pour les électro-intensifs. La victoire n’est pas garantie mais le renouvellement des concessions hydro-électriques pourrait constituer une opportunité à saisir. Une discussion pourrait s’amorcer avec la Commission européenne et pourrait trouver une concrétisation dans la loi de transition énergétique.

Je crois savoir que vous faites des propositions en ce sens et je veux que nous en débattions ensemble.

Le second objectif est de donner aux collectivités territoriales une nouvelle place dans notre système hydro-électrique. Les collectivités territoriales souhaitent avoir un rôle important dans le processus, voire une participation dans les futurs exploitants. Je sais que vous faites des propositions et que vous les avez également rencontrées. D’ores et déjà je vous fais la proposition d’une table ronde avec les collectivités intéressées pour approfondir ces questions.

Enfin, on ne peut concevoir aujourd’hui un barrage sans un projet territorial comprenant un volet environnemental fort. Le renouvellement des concessions peut être, j’en suis convaincu, une opportunité de remettre les choses à plat en donnant l’occasion à l’ensemble des parties prenantes et des usagers de l’eau de faire valoir leurs intérêts et leurs points de vue, et notamment, de demander l’application de nouvelles prescriptions environnementales.

Je ne peux terminer sans évoquer deux points : le premier est la question de l’emploi. Le renouvellement des concessions ne constitue pas une menace pour l’emploi. Il pourrait même donner lieu à des créations d’emplois au niveau local: par exemple les emplois induits par les nouveaux investissements (travaux de suréquipement) stimuleront également l’ensemble de la filière industrielle, qui compte déjà 11 000 emplois directs (équipementiers, génie civil, intégration environnementale).

Je ne méconnais pas les difficultés que ne manqueront pas de poser les transferts des agents sous statut en cas de changement de concessionnaire. Sur ces points encore, je souhaite que nous prolongions nos échanges.

L’impact d’une mise en concurrence sur les ménages est également un point sur lequel nous devrons avoir des échanges approfondis.

La question d’un risque d’augmentation des coûts pour les ménages n’est pas une question à traiter à la légère :

De mon point de vue, les ménages continueront à bénéficier des tarifs réglementés de l’électricité. Il n’y aura pas d’impact par rapport à la situation actuelle car les tarifs réglementés seront construits par addition de différentes composantes : prix de l’électricité nucléaire, complément d’électricité au prix de marché, coûts d’acheminement, coûts commerciaux et taxes, rémunération normale.

Les coûts des concessions hydro-électriques n’auront donc pas, a priori, d’influence sur les prix payés par les ménages. La question est plutôt de savoir si la rente est captée par l’État à travers la redevance ou si elle transite via EDF dont l’État récupère une partie par les dividendes.

Voilà ce que je tenais à vous dire, Messieurs et Mesdames les députés, alors que vous venez d’apporter votre contribution à cet important débat sur l’avenir de nos concessions hydrauliques. Mais mon message essentiel est que nous nous reverrons et que je souhaite construire avec vous la politique de l’hydro-électricité de la France.

M. le président François Brottes. Merci, Monsieur le ministre, d’avoir permis l’ouverture sur un débat et un travail coopératif sur ce sujet extrêmement sensible. Je propose que ceux qui souhaitent vous interroger puisse le faire maintenant.

Mme Brigitte Allain. Vous avez évoqué, Monsieur le ministre, des décisions de l’ancien Gouvernement qui engageraient trop aujourd’hui l’actuel et qui l’empêcheraient de prendre certaines décisions ou de revenir sur certaines d’entre elles. Pouvez-vous nous préciser de quelles décisions il s’agit et les rapporteurs peuvent-ils nous dire s’ils sont d’accord avec ce diagnostic ?

M. Yves Blein. Je souhaitais seulement faire une remarque selon laquelle les entreprises électro-intensives ont besoin de réponse sur le coût de l’énergie et sur sa stabilité.

M. Jean-Luc Laurent. Je vous remercie à mon tour, Monsieur le ministre, pour les éclairages que vous nous avez apportés. Cela dit, je souhaiterais faire deux observations.

Tout d’abord, je suis assez stupéfait que le Gouvernement, qui avait pourtant arrêté une méthode de travail en collaboration avec le Parlement, prenne des décisions avant même que le rapport sur l’hydroélectricité ne soit validé par la Commission des affaires économiques, puisque celle-ci n’en a eu connaissance qu’aujourd’hui, en fin d’après-midi.

Ensuite, l’intérêt national ne peut être guidé par les seuls choix techniques et le seul désir de maintenir une concurrence libre et non faussée. L’hydroélectricité est l’un des fleurons de notre industrie ; il faut veiller à ne pas prendre à son égard de décision hasardeuse et seulement comptable.

M. Antoine Herth. Les explications du ministre sont intéressantes. La position exprimée me convient plutôt à une exception près, qui est celle du clivage partisan que vous introduisez. À mon sens, vous avez deux sortes de parlementaires : ceux que l’on peut rapidement qualifier de « libéraux » et ceux, dont je fais partie, qui sont également les défenseurs d’une sorte de « pré carré colbertiste ». Or, si vous souhaitez changer les choses, c’est à mon avis sur cette deuxième catégorie qu’il faudra vous appuyer.

M. le président François Brottes. Madame et Monsieur les rapporteurs, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, co-rapporteur. Je souhaite remercier l’ouverture dont fait preuve le ministre et nous sommes, je pense, tout à fait d’accord pour travailler avec les services du ministère sur ces sujets. C’est une alternative à la simple mise en concurrence à laquelle nous répondons positivement.

M. Éric Straumann, co-rapporteur. Je rappelle que l’ancienne majorité devait faire face aux mêmes problématiques. Je suis de tendance plutôt libérale mais je rappelle que ces barrages ont un rendement net de 90 % et je pense qu’il faut donc tout faire pour les défendre, les conserver et ne pas les laisser à un acteur privé qui bénéficierait ainsi d’une rente tout à fait exceptionnelle.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, je vous laisse répondre.

M. Philippe Martin, ministre de l’environnement. L’exercice n’est pas facile ! Le changement de statut d’EDF est un élément qui doit être pleinement pris en compte pour gérer cette situation. Je signale également que la Commission européenne (notamment la direction générale de la concurrence) observe ce que l’on fait, notamment au regard des autres pays qui nous entourent : on ne peut agir librement. Je m’engage à me servir de ce rapport, à prendre appui sur ses observations et ses propositions.

M. le président François Brottes. Je vous remercie Monsieur le ministre. J’interroge la commission pour savoir si elle autorise la publication du rapport.

(La commission autorise la publication du rapport).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 17 septembre 2013 à 21 h 30

Présents. - Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Razzy Hammadi, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Fabrice Verdier

Excusés. - Mme Corinne Erhel, Mme Laure de La Raudière, M. Lionel Tardy, Mme Clotilde Valter

Assistaient également à la réunion. - Mme Laurence Abeille, Mme Delphine Batho, Mme Sophie Errante, Mme Suzanne Tallard