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Commission des affaires économiques

Mardi 15 octobre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 7

Présidence de M. François Brottes Président

– Examen de la proposition de résolution européenne sur la stratégie numérique de l’Union européenne.

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Corinne Erhel, la proposition de résolution européenne sur la stratégie numérique de l’Union européenne (n° 1410).

Mme Laure de La Raudière. Permettez-moi, monsieur le président, de faire une remarque préliminaire : c’était la première fois que j’avais à travailler sur une proposition de résolution européenne et la procédure employée pour l’adoption de ce type de texte ne m’a guère paru satisfaisante.

J’ai assisté à la présentation du texte par Axelle Lemaire et Hervé Gaymard devant la commission des affaires européennes : le temps consacré à cet examen ne permettait que difficilement d’amender la proposition de résolution, que la commission a adoptée tel quel à l’unanimité. Quand la commission saisie au fond s’empare à son tour de ce texte, sa tâche s’en trouve un peu compliquée ; c’est d’autant plus fâcheux qu’entre-temps, il aura pu apparaître à l’examen – notamment pour qui se trouve dans l’opposition – que certains points auraient dû être modifiés.

D’autre part, si la commission saisie au fond n’examine pas le texte adopté par la commission des affaires européennes – lequel n’a donc pu, faute de temps, être amendé –, ce dernier est considéré comme adopté, ce qui, vous en conviendrez, fait problème. Aussi vous saurais-je gré de faire part de mes observations à la Conférence des présidents.

M. le président François Brottes. J’en prends bonne note, madame de La Raudière, mais je vous ferai remarquer qu’un vote à l’unanimité de la commission des affaires européennes sur une proposition de résolution ne nous a jamais empêchés d’avoir un avis divergent !

Mme Laure de La Raudière. Dans ce cas, peut-être la commission des affaires européennes ne devrait-elle pas voter sur le texte ?

M. le président François Brottes. Si, car si, au bout d’un mois, aucune autre commission ne s’en est saisie, elle doit le transmettre directement aux instances européennes et au Gouvernement.

Mme Laure de La Raudière. Dans ce cas, il serait bon que le texte nous soit communiqué cinq jours avant son examen par la commission des affaires européennes, afin que nous puissions l’amender !

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure de la commission des affaires européennes. Votre préoccupation est légitime, madame de La Raudière, mais ce texte fait suite à un rapport d’information que j’ai cosigné avec M. Hervé Gaymard – qui est également co-rapporteur de la proposition de résolution. Des discussions politiques ont donc eu lieu en amont.

En outre, il s’agit d’un texte relativement bref sur un sujet que vous maîtrisez parfaitement : il était parfaitement possible d’engager un débat sur le fond à l’occasion de son examen par la commission des affaires européennes.

Surtout, il s’est écoulé une semaine depuis : vous aviez largement le temps de déposer des amendements !

Mme Laure de La Raudière. Il n’en demeure pas moins qu’il eût été bon de disposer du rapport d’information et de la proposition de résolution une semaine avant son examen par la commission des affaires européennes, de manière à pouvoir travailler correctement.

M. le président François Brottes. Je rappelle que le calendrier européen est particulièrement serré, puisqu’il impose à la France de s’exprimer avant le 24 octobre. Mais je transmettrai votre demande à la présidente de la commission des affaires européennes.

Venons-en maintenant au texte lui-même.

Mme Corinne Erhel, rapporteure. La stratégie numérique de l’Union européenne est un sujet clé non seulement pour nos industries et pour nos économies, mais aussi pour tous les citoyens européens. La proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd’hui a été présentée par nos collègues Axelle Lemaire et Hervé Gaymard et adoptée la semaine dernière par la Commission des affaires européennes, en amont du Conseil européen des 24 et 25 octobre prochains.

Deux initiatives récentes démontrent la volonté des États membres de l’Union européenne d’approfondir le sujet et de se concerter sur les grandes orientations à donner à la politique commune en la matière : le projet controversé de « paquet télécoms » présenté par la commissaire Neelie Kroes et l’inscription pour la première fois de l’économie numérique à l’ordre du jour du prochain Conseil européen.

Je ne peux que me féliciter de cette évolution, car le numérique est un levier de croissance et d’emploi dont il faut soutenir le développement en Europe. Une approche coordonnée à l’échelon communautaire est nécessaire à cet essor dans chacun des pays de l’Union et la mise en place d’une véritable stratégie industrielle sur l’ensemble de la filière apparaît indispensable. Les récentes annonces d’Alcatel-Lucent, sur lesquelles nous reviendrons lors de l’audition de M. Michel Combes, me confortent dans cette idée.

La France apparaît comme un élément moteur sur cette question, notamment au travers de la contribution qu’elle présentera au Conseil européen de la fin du mois et du mini-sommet européen qui a réuni, le 24 septembre dernier, à l’initiative de Fleur Pellerin, huit États membres de l’Union afin de promouvoir, au-delà de la seule question des télécommunications, une Europe du numérique.

Les grandes orientations soutenues par la France comportent quatre volets.

Le premier vise à développer une politique industrielle et une vision stratégique communes en matière d’économie numérique, afin de constituer un environnement propice et de permettre l’émergence de champions européens susceptibles de jouer un rôle sur le marché mondial.

Le deuxième promeut une égalité de traitement entre tous les acteurs du numérique, en matière de régulation, de droit de la concurrence, de protection des données personnelles et de fiscalité.

Le troisième est consacré aux moyens de créer un environnement de confiance, notamment s’agissant du transfert de données personnelles vers des pays où le niveau de protection est inférieur au nôtre.

Enfin, la France appelle à renforcer la place de l’Union européenne dans les instances mondiales de la gouvernance de l’Internet.

La présente proposition de résolution européenne nous permet, à nous parlementaires, de nous emparer à notre tour de ce sujet majeur et de contribuer à la définition des ambitions françaises. Je salue donc l’initiative d’Axelle Lemaire et Hervé Gaymard et les remercie pour leur travail de grande qualité, auquel je me permettrai d’apporter quelques précisions à la faveur de son examen par notre Commission.

Mais, avant d’entrer dans le détail du texte, je voudrais insister sur quelques aspects généraux.

Tout d’abord, il importe de doter l’Union européenne d’une politique industrielle ambitieuse et volontaire dans le secteur numérique et, en complément d’initiatives nationales parfois très volontaristes – à titre d’exemple, un tiers des plans pour la « nouvelle France industrielle » concernent le numérique –, de consolider nos ambitions à l’échelon communautaire afin de permettre à nos entreprises de faire face à une concurrence internationale très forte. Favoriser un tel développement, c’est favoriser l’emploi, l’innovation et les investissements.

Prenons un exemple d’actualité : les équipementiers ; en dix ans, l’ensemble des fabricants de terminaux européens, qui jadis dominaient le marché, ont disparu. Il est essentiel de reconstruire une filière industrielle européenne en matière de numérique, de télécommunications et d’équipements, qui fournisse les éléments à même d’assurer à la fois un fonctionnement sûr des réseaux et la souveraineté numérique de l’Europe.

Cette ambition industrielle devra s’accompagner d’un encouragement à l’investissement dans les infrastructures fixes et mobiles et dans les services numériques, grâce à la mobilisation des crédits des programmes-cadres de recherche et développement, des fonds structurels et de la Banque européenne d’investissement (BEI).

Le corollaire de cette ambition industrielle est notre volonté de faire émerger des acteurs économiques forts, disposant de la taille critique nécessaire pour pouvoir s’implanter et se maintenir sur le marché mondial : tel est le sens de la préconisation en faveur d’un financement de l’innovation, notamment via la création de fonds de fonds paneuropéens. C’est ainsi que nous créerons de la valeur et des emplois.

Comme Laure de La Raudière et moi l’avons observé dans le cadre de la mission d’information sur le développement de l’économie numérique, l’Europe est dotée de compétences de haut niveau, qu’il convient de valoriser. Il nous faut continuer à développer la coopération et les synergies dans le secteur de la recherche, dans le cadre de l’Espace européen de la recherche et d’Horizon 2020.

Les préoccupations environnementales doivent également être prises en considération.

La proposition de résolution appelle à concevoir une fiscalité coordonnée, en s’appuyant sur les travaux en cours au sein de l’OCDE, afin de lutter efficacement contre l’évasion fiscale et l’érosion des bases taxables. Une telle action devrait renforcer l’équité des marchés et l’intégrité des systèmes fiscaux européens.

Il importe également de réfléchir à une meilleure répartition de la valeur dans la filière numérique, afin d’éviter que certains acteurs ne freinent le développement des autres, au détriment de l’innovation.

Une politique numérique européenne doit aussi garantir la protection des données, que celles-ci soient individuelles ou liées à l’entreprise : la donnée est aujourd’hui un gisement de valeur majeur.

Enfin, la proposition de résolution appelle à bâtir un environnement économique et culturel propice à l’appropriation et à la diffusion des savoirs numériques. Cela passe par la mise en place de filières de formation initiale adaptées aux emplois de demain, mais aussi de formations professionnelles continues susceptibles d’assurer l’adaptation toujours plus rapide des compétences aux nouveaux métiers du numérique. Il convient également de rendre les filières numériques plus attractives pour les femmes.

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure de la commission des affaires européennes. Saurons-nous prendre le tournant de l’économie numérique ? Inexistant il y a cinq ans, le marché des applications mobiles représente aujourd’hui 11 milliards d’euros par an et il est prévu qu’il génère 16 milliards d’euros d’ici à 2016 ; dans la seule Union européenne, il emploie 530 000 salariés : les enjeux en termes d’emploi et de croissance sont donc considérables.

Cependant, en se focalisant sur le marché intérieur et sur les infrastructures plutôt que sur l’innovation industrielle et l’écosystème, l’Europe est en retard d’une guerre. Elle vient une fois encore de l’afficher avec une certaine naïveté : la Commission européenne a récemment déposé, comme texte phare de la fin de son mandat, une proposition de règlement sur les réseaux de télécommunications alors que les enjeux stratégiques se situent désormais du côté des plateformes de services géantes, portes d’entrée privilégiées pour accéder à l’Internet.

Au-delà des considérations micro- et macroéconomiques, le numérique a une importance éminemment politique – tout comme l’eurent, il y a une soixantaine d’années, le charbon et l’acier, lorsqu’il fut décidé de bâtir une communauté européenne pour gérer en commun ces deux secteurs.

La Commission européenne a bien publié, il y a trois ans, une « stratégie numérique », qui figurait parmi les sept initiatives phares de la stratégie « Europe 2020 » et à propos de laquelle elle a lancé à mi-mandat un processus de révision, mais elle peine à définir une doctrine déclinable en actions concrètes en sorte que l’Europe conquière, sur ce marché, une place à la hauteur des enjeux et de ses ambitions.

Sous l’impulsion de Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, la France a affiché sa volonté politique à l’échelon européen et elle s’efforce de coordonner son action avec celle d’autres États membres afin de faire émerger des solutions déclinables dans la réglementation communautaire. En témoigne l’organisation d’un mini-sommet européen du numérique à Paris, en septembre dernier, afin de préparer le Conseil européen de la semaine prochaine, qui sera consacré au sujet.

Voilà, brièvement présenté, le contexte dans lequel s’inscrit la présente proposition de résolution européenne, initiative qui a été prise au sein de la commission des affaires européennes et qui reste certainement insuffisante ; mais la procédure employée reflète aussi, madame de La Raudière, les conditions de travail au sein de cette commission, à laquelle participent les députés en sus de leur commission principale et dont les moyens humains et techniques restent limités au regard des enjeux politiques. Toujours est-il que ce texte a le mérite de souligner l’ambition qui doit être la nôtre au-delà des clivages partisans et d’affirmer la voix de la France sur la thématique du numérique au niveau européen. Cette ambition appelle trois types de mesures : une régulation des plateformes de services digitaux ; le financement de l’innovation ; la construction d’un environnement adapté – ce que l’on pourrait appeler un « écosystème numérique ».

Hervé Gaymard et moi-même recommandons de définir une véritable politique industrielle dans le secteur numérique, afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de productivité, de croissance et d’emploi. Nous préconisons, de manière consensuelle, d’encourager l’investissement, de faciliter l’accès au financement de l’innovation et de diriger l’effort stratégique d’investissement vers des expérimentations technologiques et commerciales à fort enjeu industriel.

Voilà l’objectif visé par ce texte. J’espère que nous saurons, avec la rapporteure, vous convaincre de l’importance de confier un mandat parlementaire à notre Gouvernement pour qu’il défende cette ambition à l’échelon européen.

Mme Laure de La Raudière. Ne vous méprenez pas sur le sens de ma remarque, qui ne portait que sur la procédure : je soutiens la démarche du Gouvernement et celle de la commission des affaires européennes en faveur de l’économie numérique, car il est essentiel que l’Europe et la France prennent ce virage. D’ailleurs, vous connaissez mon engagement en la matière !

L’Europe est le bon niveau pour agir. Toutes les mesures que l’on a pu prendre en matière de régulation ou de fiscalité à l’échelon national n’ont fait que handicaper les acteurs français sans pour autant développer l’économie numérique. Je suis donc d’accord pour intervenir à l’échelon européen et pour que l’Europe défende ses valeurs fondamentales, particulièrement face aux États-Unis et à la Chine.

Deux sujets me paraissent particulièrement importants.

D’abord, la régulation des réseaux : beaucoup a déjà été fait, mais il faut ne pas baisser la garde. Nous devons protéger le budget européen destiné au financement des infrastructures ; le fait de ne pas en parler ne doit pas être compris comme un signe de désintérêt pour ces crédits, qui se sont malheureusement érodés.

Ensuite, les fournisseurs de services Internet se développent bien souvent sur des schémas de monopoles mondiaux ; il faut faire attention aux éventuels abus de position dominante et aux risques de distorsion de concurrence d’origine fiscale.

La proposition de résolution européenne reprend ces thèmes, et je trouve cela particulièrement intéressant.

Mme Frédérique Massat. Je remercie Mme Erhel pour son exposé, ainsi que Mme Lemaire et M. Gaymard pour leur proposition de résolution. Le groupe socialiste se réjouit de cette initiative novatrice, née d’une volonté du Conseil européen d’associer les parlements nationaux à cette réflexion.

Le texte comporte des propositions relatives à la stratégie industrielle, aux infrastructures, à la protection des données, à la fiscalité et à la régulation qui vont dans le bon sens. Il nous faut « muscler » ces aspects-là, à l’échelon tant national qu’européen. Le plan « France très haut débit » contribuera également à le faire. Nous nous en félicitons par avance, et nous sommes d’accord avec les amendements présentés par la rapporteure.

Une question à ce propos, monsieur le président : est-ce bien notre Commission, saisie au fond, qui produira le texte définitif ?

M. le président François Brottes. La procédure dans notre assemblée veut que toutes propositions de résolution européenne soient soumises à l’examen préalable de la commission des affaires européennes. Dans un second temps, les propositions de résolution sont renvoyées à la commission compétente. Enfin, si la Conférence des présidents le décide, ces textes peuvent être inscrits à l’ordre du jour de la séance publique.

Mme Brigitte Allain. Je salue cette proposition de résolution européenne car le développement de l’économie numérique comporte des enjeux très importants, tant économiques et sociaux que culturels.

Les mesures et préconisations visant à créer un environnement propice au développement de l’économie numérique et à l’appropriation du numérique par les citoyens, tout en veillant à protéger ceux-ci contre les risques et les dérives de ces nouvelles technologies, qui pèchent certainement par leur fort tropisme économique. J’en veux pour preuve que la guerre des prix féroce et rapide ainsi que les stratégies liées aux décisions des actionnaires axées sur la rentabilité ont produit des effets négatifs sur toute la filière ces derniers mois : chez tous les opérateurs, ce ne sont que suppressions de postes ou conditions de travail insoutenables. Les investissements des acteurs européens dans la recherche sont en baisse et la concurrence tous azimuts produit des effets irrationnels. La surenchère en matière de réseaux GSM, 3G, 4G conduit au mitage du territoire et au bain d’ondes ; l’implantation peu optimale des antennes relais a des conséquences non négligeables sur la santé humaine ; pourtant, des préconisations existent pour multiplier le nombre de ces antennes afin de diminuer le niveau d’exposition des riverains.

Les enjeux économiques et sanitaires ne doivent pas faire oublier la fracture numérique ; il faut insister sur le fait que les inégalités d’accès au numérique concernent non seulement les populations, mais aussi les territoires – les espaces ruraux en étant les premières victimes. Aujourd’hui, le privé conserve les projets économiquement intéressants, laissant à l’initiative publique ceux qui ne le sont pas : il est nécessaire de revoir ce mode de fonctionnement, par exemple en mutualisant les équipements et en mettant en place des coopérations. Ce n’est pas ce que préconise l’Europe aujourd’hui. La présente proposition de résolution peut contribuer à alimenter la réflexion en la matière.

M. Lionel Tardy. Je félicite les auteurs de cette proposition de résolution pour leur initiative : c’est en effet la première fois qu’un Conseil européen sera centré sur le numérique – regrettons toutefois qu’il n’y soit pas exclusivement dédié, comme c’était initialement prévu –, et je me réjouis que l’Assemblée nationale apporte sa modeste pierre à un édifice géant et complexe, au moyen d’un texte qui, je l’imagine, fera l’unanimité, puisque ses objectifs sont partagés par tous.

Je félicite aussi la ministre, Mme Fleur Pellerin, pour les initiatives qu’elle a prises – spécialement pour le mini-sommet européen qu’elle a organisé le 24 septembre. Que la France soit chef de file sur ces questions est pour moi une grande satisfaction. Néanmoins, prenons garde que de telles initiatives ne soient perçues comme une volonté d’agir seuls, de passer en force, ou comme un accès de nombrilisme. Dans le domaine du numérique comme ailleurs, nous ne sommes pas seuls et nous n’avons pas plus de leçons à donner qu’à recevoir – mais cela ne nous empêche pas d’avoir des idées novatrices et de les défendre.

Sur cette proposition de résolution bienvenue, je me contenterai donc de quelques propositions d’amendements marginaux. Les mots ont un poids : il ne faut pas prendre le risque d’envoyer de mauvais signaux à nos partenaires européens.

M. Daniel Fasquelle. Une résolution européenne n’a pas une très grande portée juridique ; et effectivement, à la lecture du présent texte, on s’aperçoit qu’il s’agit pour l’essentiel d’une déclaration de principes. Je regrette que l’on n’ait pas été plus clair et plus précis sur certains points.

Par exemple, on préconise d’investir dans les réseaux, mais sans préciser dans quel objectif. Or, ce qui est important, c’est que chaque citoyen européen ait accès à l’Internet et au numérique !

S’agissant des plateformes de services, nul besoin d’être un expert pour savoir que ce qu’on utilise aujourd’hui, c’est Google, Facebook ou Twitter, c’est-à-dire des outils non européens. En quoi ce texte changera-t-il la donne ?

De même pour les terminaux : nous utilisons tous des IPhone, des Samsung, des HTC ou des Sony. Je ne vois pas comment cette résolution aboutira à ce que l’on construise à nouveau des terminaux européens !

Bref, j’ai du mal à comprendre où tout cela est censé nous mener. J’aurais préféré une résolution de combat – car vous avez raison : il s’agit d’un sujet majeur, sur lequel nous avons pris beaucoup de retard.

M. le président François Brottes. Permettez-moi de vous signaler, monsieur Fasquelle, que les appareils des marques que vous avez citées comprennent des puces qui sont fabriquées en France – certaines venant de Crolles ! D’où l’intérêt de soutenir la filière des nanotechnologies avec volontarisme.

Mme la rapporteure. Madame de La Raudière, vous avez raison : l’Europe doit impérativement prendre le virage du numérique. C’est une transformation qui touche tous les secteurs et toutes les organisations – et c’est un des principaux leviers de croissance.

Si l’on veut développer une économie numérique qui concilie les objectifs sociétaux, d’aménagement du territoire, économiques et environnementaux, il importe de mettre en œuvre une politique de déploiement efficace des réseaux fixes – majoritairement par fibre optique – et des réseaux mobiles, car cela correspond à une demande des citoyens et des consommateurs.

Il faut aussi encourager les investissements dans les infrastructures fixes et mobiles et faire émerger des champions européens de dimension mondiale. Il existe plusieurs propositions en ce sens. Les travaux de la mission d’information sur le développement de l’économie numérique que nous menons ensemble montrent que nous disposons en Europe – notamment en France – de talents, de compétences et d’instruments d’amorçage, mais que les outils de capital-développement font défaut – contrairement à ce qui se passe aux États-Unis ou en Asie. C’est pourquoi la contribution française propose la constitution de fonds de fonds paneuropéens, afin de bénéficier d’un effet de levier supplémentaire.

Quant à la stratégie industrielle, on voit bien que l’Europe pâtit de son absence. Nous avons en France, avec Alcatel-Lucent, l’un des fleurons de l’économie numérique, mais qui se trouve actuellement en difficulté tant industrielle que financière, et qui subit la concurrence très vive d’équipementiers asiatiques, non seulement sur les prix, mais aussi en matière technologique. On n’a pas suffisamment pris la mesure de ce sujet en amont ; derrière se profilent des questions liées à la sécurité des réseaux et à la souveraineté numérique. Il faut que la France joue un rôle moteur dans ce domaine, car de nombreux emplois sont en jeu.

Vous l’avez souligné, monsieur Tardy : grâce à l’action de la ministre Fleur Pellerin, la France est chef de file sur le numérique : la contribution française et le mini-sommet européen de septembre ont proposé une vision de ce que devait être l’Europe du numérique. Il ne faut surtout pas rater le virage !

Mme Axelle Lemaire. Qu’il n’y ait pas de malentendu, monsieur Fasquelle : la présente proposition de résolution va bien au-delà de la déclaration de principes et si les questions du déploiement des réseaux et du droit égal d’accès au numérique sont moins traitées, c’est qu’elles sont déjà incluses dans l’agenda numérique européen tel qu’il a été défini il y a trois ans. Il ne servirait à rien de les rappeler ! Ce que nous voulons, c’est aller au-delà.

Tous les pays de l’Union fustigent les stratégies d’optimisation fiscale de Google ou d’Amazon, mais la France est le seul à évoquer la notion de fiscalité coordonnée. Il en va de même en ce qui concerne l’impératif de neutralité du réseau, la nécessité d’utiliser toutes les possibilités de financement existantes, y compris au sein de la BEI, la création d’un « Small Business Act » européen afin de donner aux PME européennes un accès préférentiel aux marchés publics, la lutte contre les oligopoles grâce à un nouveau régime de gouvernance qui permettrait aux PME de jouer un rôle dans la concurrence internationale, ou encore la gestion des noms de domaine – pour le moment assurée essentiellement par un organisme américain, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) – et la protection des données personnelles – l’affaire PRISM ne figure pas à l’ordre du jour du prochain Conseil européen. Autant de sujets dont la proposition de résolution rappelle l’importance et sur lesquels elle propose des idées novatrices. Je le répète : il s’agit, non pas de minimiser l’importance de certains sujets, mais d’élargir l’ordre du jour européen et de le rendre plus ambitieux.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique.

Article unique

La Commission est d’abord saisie de l’amendement CE18 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer la référence à la « civilisation numérique ». Le numérique transforme nos modes de consommation, nos modèles économiques et nos conditions de vie, au point qu’on le compare souvent à l’électricité ; toutefois, il ne serait venu à l’idée de personne à l’époque de parler de « civilisation électrique » !

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE19 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à reconnaître l’échelon européen comme « un niveau optimal », et non comme « le niveau pertinent », pour une stratégie numérique ambitieuse : il ne faudrait pas que toute initiative nationale en matière de numérique soit considérée comme inopérante !

La Commission adopte l’amendement.

Elle en arrive à l’amendement CE36 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. La rédaction actuelle du texte fait référence au « retard accusé par l’Europe dans la répartition des parts de marché de l’économie numérique ». Or c’est avant tout le partage de la valeur entre les acteurs, notamment entre acteurs européens et acteurs hors Union européenne, qu’il convient de rééquilibrer.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CE20 de la rapporteure.

La Commission étudie, en discussion commune, les amendements CE41 de la rapporteure, CE1 de Mme Laure de La Raudière et CE10 de M. Lionel Tardy.

Mme la rapporteure. Je propose, à l’alinéa 12, de compléter la liste des exigences auxquelles doit satisfaire la régulation du numérique : elle doit concilier « les exigences d’investissement, d’emploi, de compétitivité des entreprises, d’innovation, de respect des données à caractère personnel, de protection des consommateurs, d’aménagement du territoire, de développement des usages et de sécurité des réseaux ». Cette formulation reprend celle que Laure de La Raudière et moi-même avions adoptée dans notre rapport relatif à l’impact de la régulation sur la filière des télécommunications.

Mme Laure de La Raudière. Ne pourrait-on préciser que la régulation doit être « favorable au développement » ?

Mme la rapporteure. Soit, je rectifie mon amendement en ce sens.

M. Lionel Tardy. Il convient de substituer au respect de la vie privée la protection des données personnelles : c’est à quoi tend mon amendement, mais je note que celui de la rapporteure va dans le même sens…

La Commission adopte l’amendement CE41 rectifié.

En conséquence, les amendements CE1 et CE10 tombent.

L’amendement CE11 de M. Lionel Tardy est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE21 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’Union européenne s’étant d’ores et déjà dotée d’une stratégie numérique, le « digital agenda », il s’agit dès lors moins, à l’alinéa 14, d’appeler à l’élaboration d’une politique numérique autonome que de rappeler la nécessité de conforter la place du numérique dans l’agenda européen et d’inviter l’Union à adapter sa stratégie en la matière aux nouveaux enjeux.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine, en présentation commune, les amendements CE2 et CE35 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je souhaiterais – c’est l’objet de l’amendement CE2 – que l’on supprime le début de l’alinéa 15. En effet, comme je l’ai indiqué à Mme la ministre Fleur Pellerin lors de son audition, si le groupe UMP approuve la démarche proactive du Gouvernement, il ne partage pas toutes les orientations figurant dans sa contribution.

À défaut d’obtenir cette suppression, je proposerai par l’amendement CE35 de rédiger ainsi le début de l’alinéa 15 : « Approuve et soutient la démarche proactive du Gouvernement français ». Pour un groupe d’opposition, c’est déjà beaucoup accorder !

Mme la rapporteure. Madame de La Raudière, consentiriez-vous à une rédaction qui se lirait ainsi : « Approuve les grandes orientations de la contribution de la France au Conseil européen et soutient la démarche proactive du Gouvernement » ? L’objectif de la résolution est, en effet, de montrer que notre Parlement a, sur la question du numérique, une position commune.

Mme Laure de La Raudière. Madame la rapporteure, je suis évidemment plus favorable à la rédaction des deux amendements que j’ai déposés. Si nous sommes dans l’ensemble enclins à voter cette proposition de résolution – dont nous partageons les objectifs –, certaines orientations ne sont pas en accord avec nos souhaits. C’est à vous de faire un pas en direction de l’opposition pour arriver à une position commune, en purgeant la résolution de toute source de différend politicien.

M. Lionel Tardy. La démarche « proactive » du Gouvernement français constitue une très bonne chose, d’autant que les initiatives françaises au niveau européen restent rares. L’idéal serait d’ailleurs qu’elle ne se limite pas au seul Conseil européen de la semaine prochaine, mais se poursuive ultérieurement. Cependant, cette démarche peut froisser les susceptibilités de nos partenaires ; il faut donc qu’elle soit concertée avec eux, afin que la France ne se retrouve pas isolée.

M. le président François Brottes. Une résolution de ce type n’a de force que si elle est votée par une large majorité des groupes politiques nationaux. Les orientations qu’il est ici question de soutenir ne sont que celles de la politique numérique, non les orientations de politique générale du Gouvernement !

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure de la commission des affaires européennes. Une résolution adoptée par un Parlement national avant la tenue d’un Conseil européen sert à montrer aux autres États que ce Parlement approuve la contribution de son pays. La France est, avec le Royaume-Uni, le seul État à avoir déposé un texte, mais la proposition britannique ressemble beaucoup à celle de la Commission européenne, et n’évoque que le marché intérieur, se concentrant sur la manière de faciliter l’utilisation d’Internet pour les transactions en ligne.

Supprimer la référence expresse à la contribution du Gouvernement viderait la résolution de sa substance. Essayons de trouver une rédaction qui n’implique pas que vous approuvez l’ensemble de la contribution. On pourrait par exemple parler de l’économie générale, du sens général ou des grandes lignes du texte du Gouvernement.

M. le président François Brottes. Axelle Lemaire soulève un point important : comment peut-on approuver la méthode si l’on n’approuve pas le fond ?

La séance est suspendue quelques instants.

Mme Laure de La Raudière. La rédaction que vous proposez, madame la rapporteure, ne nous convient pas totalement, mais je suis consciente de la contrainte politique et je souhaite éviter tout débat politicien. Je m’y rallierai donc, tout en regrettant que vous ne vous rapprochiez pas de ma position.

Mme la rapporteure. Cette rédaction nous paraît de nature à satisfaire tout le monde. Sur un sujet majeur pour la France comme pour l’Europe, il est essentiel d’avoir une démarche positive.

M. le président François Brottes. Voici donc comment sera formulé l’alinéa 15 : « Approuve les grandes orientations de la contribution de la France au Conseil européen et soutient la démarche proactive du Gouvernement français vis-à-vis des autres États membres et de la Commission européenne ».

Mme la rapporteure. Un amendement de synthèse – CE43 – adoptant cette rédaction pourrait nous mettre tous d’accord.

M. Daniel Fasquelle. L’adjectif « proactive », bien qu’à la mode, est-il réellement nécessaire ? Il risque de heurter nos partenaires.

Mme la rapporteure. Vous avez pourtant, M. Lionel Tardy et vous, jugé la démarche de la France intéressante et positive.

M. le président François Brottes. Il ne faut pas donner le sentiment, en supprimant cet adjectif, que nous renonçons au volontarisme. Accepteriez-vous de remplacer le terme « proactive » par « constructive », qui n’a plus ce caractère unilatéral ? Si tel est le cas, cette proposition pourrait faire l’objet d’un second amendement – CE44 – que je serais heureux de déposer.

M. le président François Brottes. Aux termes des amendements CE43 et CE44, l’alinéa 15 sera donc ainsi rédigé : « Approuve les grandes orientations de la contribution de la France au Conseil européen et soutient la démarche constructive du Gouvernement français vis-à-vis des autres États membres et de la Commission européenne ».

Les amendements CE2 et CE35 sont retirés.

La Commission adopte les amendements CE43 et CE44.

La Commission est saisie de l’amendement CE12 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet amendement propose d’insérer, après l’alinéa 15, un nouvel alinéa exprimant le souhait que la France joue un rôle moteur « en concertation avec les autres États membres et la Commission européenne », cela pour ne pas donner le sentiment de vouloir brusquer nos partenaires européens.

Mme la rapporteure. Avis plutôt défavorable car cette résolution est destinée à faire part aux instances européennes de la position de notre Assemblée. Ces précisions ne me semblent pas non plus nécessaires après l’adoption de l’amendement CE43.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement CE37 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à souligner la contribution du numérique à l’emploi, à l’innovation et à la compétitivité, mais aussi l’importance d’une politique industrielle en la matière pour garantir la souveraineté européenne dans ce domaine.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CE23 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit ici d’insérer un alinéa précisant qu’il faudra développer « une approche de filière industrielle européenne, fondée sur la prise en compte des intérêts économiques et sociaux de l’ensemble des acteurs, des équipementiers aux opérateurs ». Les équipementiers de la filière télécom sont souvent considérés à tort comme relevant de la « vieille industrie », alors qu’ils représentent au contraire des fleurons technologiques. Il faut souligner l’importance de leur rôle en matière d’innovation, de technologies, d’emploi et d’investissements – importance que Laure de La Raudière et moi-même avons déjà notée dans notre rapport.

Mme Laure de La Raudière. Je suis d’accord avec vous, mais je crains que la rédaction proposée, dans son souci de précision, n’exclue l’industrie du logiciel – pourtant partie intégrante de l’industrie du numérique. Je suggérerai de s’arrêter à « l’ensemble des acteurs », en supprimant « des équipementiers aux opérateurs ».

Mme la rapporteure. Compte tenu de l’actualité, il me semble indispensable de mentionner les équipementiers. Mais on pourrait peut-être, en effet, mentionner aussi l’industrie du logiciel…

M. le président François Brottes. Cela risquerait de compliquer la rédaction. L’expression « des équipementiers aux opérateurs » couvre toute la chaîne, y compris l’industrie du logiciel. En effet, les équipementiers intègrent l’intelligence des logiciels dans le matériel qu’ils produisent ; cette intelligence est ensuite utilisée par les opérateurs qui font appel à ces équipements pour proposer de multiples services.

Mme Laure de La Raudière. C’est vrai des logiciels utilisés dans les télécommunications, mais beaucoup servent d’autres filières, tout en relevant de l’industrie du numérique.

Mme la rapporteure. J’ai tenu à mentionner les équipementiers car l’Union européenne a trop négligé le sujet, au risque de compromettre, comme on le voit aujourd’hui, l’emploi dans ce secteur, mais aussi, à terme, la sécurité des réseaux, voire la souveraineté numérique. Certes, une rédaction telle que « l’ensemble des acteurs du numérique et des télécommunications » les inclurait de fait, mais il me paraît dommage de ne pas les citer.

Mme Laure de La Raudière. Dans ce cas, pourquoi ne pas écrire « y compris les équipementiers », en supprimant la mention des opérateurs ?

M. le président François Brottes. En effet, cette formulation valoriserait les équipementiers sans exclure les autres acteurs.

Mme la rapporteure. Très bien, optons pour la rédaction suivante : « en développant une approche de filière industrielle européenne, fondée sur la prise en compte des intérêts économiques et sociaux de l’ensemble des acteurs du numérique et des télécommunications, y compris des équipementiers ».

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle étudie l’amendement CE24 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Si une part importante des investissements doit être consacrée aux infrastructures de réseaux aussi bien fixes que mobiles, il ne faut pas pour autant oublier les services numériques. Les fonds européens doivent aller à l’ensemble de ces secteurs.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE3 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement tend à simplifier la rédaction de l’alinéa 18.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Nous avons besoin d’outils d’investissement qui comprennent à la fois le capital-risque, le capital-développement, etc., mais le point essentiel ici est la création de fonds de fonds paneuropéens.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE25 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. C’est un amendement rédactionnel : d’une part, l’expression « innovations technologiques » me paraît plus approprié que celle d’« expérimentations technologiques » ; d’autre part, il convient de marquer que la liste proposée n’est pas exhaustive.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE26 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Plutôt que de pôles multidisciplinaires, il convient ici de parler de pôles de recherche au sens large, tout en précisant qu’il faudra renforcer les synergies européennes en la matière.

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure de la commission des affaires européennes. Pour notre commission, loin d’impliquer une concentration des acteurs du ou des secteurs industriels concernés, le terme « multidisciplinaire » renvoie plutôt à une approche multi-facettes des questions numériques. Si cet univers a évidemment partie liée avec l’économie, il amène également des philosophes, des linguistes ou des artistes à s’interroger sur les nouveaux rapports entre l’individu et le collectif ou sur la place des nouvelles technologies de communication au sein de la société. L’outil numérique nous ouvre à tout un monde autre, et l’approche multidisciplinaire – qui inclut toutes les disciplines scientifiques, y compris les sciences humaines, ainsi que les approches sociétales – me semble la plus féconde à cet égard.

Mme la rapporteure. Je comprends mieux, maintenant, l’utilité du mot.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement CE13 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. En matière d’économie numérique, imposer les règles par le haut – erreur déjà commise par le passé – apparaît plus néfaste encore que dans d’autres domaines, non seulement parce que cette démarche constitue un signal négatif et se révèle généralement contreproductive, mais aussi parce que les règles établies sans concertation sont souvent contournables. Afin d’éviter ces écueils, l’amendement précise que toute gouvernance ou régulation doit faire l’objet d’une concertation.

Mme la rapporteure. Avis favorable, sous réserve de remplacer « en concertation avec les acteurs du secteur » par « après consultation des acteurs du secteur ».

M. Lionel Tardy. J’en suis d’accord.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle est saisie de l’amendement CE4 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Afin de ménager nos partenaires européens, je souhaiterais supprimer la notion de « régulation », du reste couverte par celle de « gouvernance ».

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les deux termes n’étant pas exactement équivalents, il ne me paraît pas gênant de maintenir les deux.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels identiques CE27 de la rapporteure et CE6 de Mme Laure de La Raudière.

Elle adopte de même les amendements rédactionnels identiques CE5 de Mme Laure de La Raudière et CE42 de la rapporteure.

La Commission est saisie de l’amendement CE7 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement, qui comprend une partie purement rédactionnelle – remplacer « la constitution et la consolidation d’oligopoles numériques abusant de leur position dominante » par « l’abus de position dominante de certains acteurs du numérique » –, tend également à s’assurer que les fournisseurs de service Internet et les opérateurs ne privilégieront pas certains acteurs au détriment d’autres. Cette exigence de neutralité concernerait tant les plateformes de services Internet que les fournisseurs de communications électroniques.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. Daniel Fasquelle. Cette résolution, trop centrée sur le marché intérieur, néglige de ce fait les enjeux mondiaux. Lutter contre les oligopoles à l’intérieur de l’Europe risque de faire obstacle à l’émergence de champions susceptibles de faire ensuite le poids à l’échelle mondiale. La position européenne sur beaucoup de sujets présente cette même ambiguïté, le souci de la concurrence l’emportant sur celui de la politique industrielle.

Mme la rapporteure. Les abus de position dominante et la constitution d’oligopoles – notamment extérieurs à l’Union européenne – empêchent les entreprises européennes de développer l’innovation et de devenir des acteurs de dimension mondiale.

M. Daniel Fasquelle. Cet alinéa est mal rédigé : ce n’est pas la constitution d’oligopoles – parfois nécessaire –, mais les abus de ces derniers qui sont condamnables. La formulation proposée par Laure de La Raudière me paraît plus heureuse.

Mme la rapporteure. Mais j’ai donné un avis favorable à son amendement !

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CE14 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. La rédaction actuelle de l’alinéa 24 peut laisser penser que la constitution d’oligopoles et les abus de position dominante ne sont propres qu’au numérique. De plus, il serait dommage que la résolution empêche l’émergence d’oligopoles européens de niveau mondial. Je propose donc de reprendre la rédaction employée à l’alinéa 30 à propos des droits d’auteur – « de la même manière qu’elles le sont hors du champ numérique » – pour montrer que les mêmes règles s’appliquent à tous les secteurs de l’économie.

Mme la rapporteure. Le fait d’avoir adopté l’amendement CE7 de Mme de La Raudière vide le vôtre de son sens.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE15 de M. Lionel Tardy, CE8 de Mme Laure de La Raudière et CE38 de la rapporteure.

M. Lionel Tardy. Les listes ne sauraient être exhaustives. En l’occurrence, définir les valeurs fondamentales de l’Union européenne me paraît délicat ; je propose donc de ne pas les spécifier, laissant cela implicite.

Mme Laure de La Raudière. La confidentialité des données personnelles ne constitue pas, à mes yeux, une valeur. De plus, la notion de « données personnelles » n’est pas juridiquement définie. Je propose d’évoquer plutôt « le respect de la vie privée et du secret des affaires ».

Mme la rapporteure. Je propose pour ma part de remplacer les mots « confidentialité des données personnelles » par « protection des données personnelles et du secret des affaires » – notion couramment employée en droit européen. N’oublions pas, en effet, qu’à côté des données personnelles des individus, il faut également protéger celles des entreprises, cruciales pour l’économie.

Je donne un avis défavorable à l’amendement de M. Tardy, car il me paraît utile de rappeler les valeurs fondamentales de l’Union européenne, et je propose à mes deux collègues de se rallier à mon amendement CE38.

M. Lionel Tardy. Je ne supprime pas la référence aux valeurs fondamentales de l’Union européenne ; je propose simplement de supprimer la liste qui les détaille.

Mme Laure de La Raudière. Je veux bien me rallier à votre amendement, madame la rapporteure, mais, je le répète, la notion de « données personnelles » n’est pas définie juridiquement, à la différence de celle de « respect de la vie privée »

Mme Axelle Lemaire. Mme de La Raudière a raison.

M. le président François Brottes. Son amendement m’apparaît en effet préférable.

Mme Axelle Lemaire. Je proposerai d’évoquer « le respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne, incluant les droits humains et la promotion de la démocratie, et du principe de protection des données personnelles et du secret des affaires ». Le printemps arabe, la censure en Syrie ou le difficile développement des réseaux autonomes en Chine constituent autant de sujets qui montrent l’importance, en matière d’Internet, des valeurs européennes. Mais s’il est important de les mentionner, il faut les distinguer des autres principes à respecter – comme celui de la protection des données –, qui sont de nature différente.

Mme la rapporteure. Mon amendement tendrait alors à substituer aux mots « la confidentialité des données personnelles », les mots « le principe de protection des données personnelles et du secret des affaires » ? Soit.

Les amendements CE15 et CE8 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CE38 rectifié.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE39 de la rapporteure, CE9 de Mme Laure de La Raudière et CE22 de M. Lionel Tardy.

Mme la rapporteure. Je propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 26, en référence au projet de règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Il s’agit d’affirmer le soutien de l’Assemblée à cette initiative, tout en simplifiant la rédaction initiale.

Mme Laure de La Raudière. Je retire mon amendement, bien que je le préfère à la rédaction proposée par Mme la rapporteure.

M. Lionel Tardy. L’amendement CE22 est défendu.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

L’amendement CE9 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE39.

En conséquence, l’amendement CE22 tombe.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE28 de la rapporteure.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE40 de la rapporteure et CE16 de M. Lionel Tardy.

Mme la rapporteure. Mon amendement – proche de celui de M. Tardy – tend à compléter ainsi l’alinéa 28 : « et en soutenant les initiatives engagées en ce sens par l’Organisation de coopération et de développement économiques » (OCDE).

M. Lionel Tardy. Nous comprenons tous que c’est à l’échelle de l’Union européenne – et non des États – qu’il faut agir en faveur de certains secteurs de l’économie numérique. De même, c’est à celle de l’OCDE qu’il convient de s’attaquer à l’évasion fiscale et à l’érosion des bases, tout simplement parce que cette évasion dépasse les frontières de l’Union européenne. Malheureusement, celle-ci ne peut pas, à elle seule, faire grand-chose ; en revanche, elle peut apporter sa contribution et ses idées à l’OCDE. Une réflexion est d’ailleurs en cours dans le cadre du projet Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices – Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) –, lancé par le G20 en juillet 2013.

Mme la rapporteure. Je propose à M. Tardy de se rallier à ma version.

L’amendement CE16 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE40.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE29 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement CE34 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. S’agissant des droits d’auteur, il ne faut pas reproduire l’erreur consistant à calquer le modèle traditionnel sur le numérique. Au contraire, il faut réfléchir à une réforme de la propriété intellectuelle visant à mieux intégrer les nouveaux enjeux induits par le développement de ce domaine. Dans certains cas, en effet, les droits d’auteur peuvent bloquer la liberté d’information et les possibilités offertes par le numérique. Ainsi, en matière de liberté de panorama – exception prévue dans une directive européenne mais non consacrée dans le droit français –, ils gênent la diffusion des œuvres sur Internet.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Dans la mesure où, par l’adoption de l’amendement précédent, nous venons de supprimer « au même titre qu’ils le sont hors du champ numérique », votre amendement me paraît satisfait.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CE30 de la rapporteure.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE17 de M. Lionel Tardy et CE31 de la rapporteure.

M. Lionel Tardy. L’amendement CE17 est défendu.

Mme la rapporteure. Défavorable. La formation et l’appropriation des savoirs en matière de numérique apparaissent essentiels pour réussir la conversion au numérique.

L’amendement CE31 vise à reformuler l’intitulé du point 6, en cohérence avec les objectifs de ce dernier.

L’amendement CE17 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE31.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CE32 de la rapporteure.

Elle est enfin saisie de l’amendement CE33 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à ajouter un alinéa relatif à la formation professionnelle continue et à l’adaptation des compétences aux futurs métiers, afin de souligner l’importance de ces objectifs.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte à l’unanimité la proposition de résolution européenne modifiée.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 15 octobre 2013 à 17 heures

Présents. - Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Frédéric Roig, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Joël Giraud, Mme Annick Le Loch

Assistaient également à la réunion. - Mme Monique Iborra, Mme Axelle Lemaire