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Commission des affaires économiques

Mardi 22 octobre 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 11

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

– Informations relatives à la commission

La commission a auditionné M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. le président François Brottes. La commission des affaires économiques accueille aujourd'hui M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt sur le thème de la politique agricole commune (PAC) et sa mise en œuvre nationale. Il y a eu le temps du bilan de santé, puis de la négociation, enfin de la décision. La France devrait recevoir l’équivalent de 63,7 milliards d’euros d’aides au titre de la PAC sur la période 2014-2020. Il s’agit d’un enjeu extrêmement important pour notre agriculture et nos territoires. Je tiens ici à saluer notre ministre de l’agriculture, qui grâce à ses talents de négociateurs et à sa parfaite connaissance des institutions européennes a pu parvenir à ce beau succès. L’Assemblée nationale n’est pas mécontente de son ministre.

Cette PAC comporte un certain nombre de dispositions offensives et innovantes, notamment le plafonnement volontaire et surtout la modulation poussée des aides. Cette dernière provoque d’ailleurs des réactions très diverses. La FNSEA et les JA ont ainsi des positions très différentes sur le sujet. Et il ne s’agit pas que d’une question de génération.

M. le ministre, nous attendons de plus amples explications sur un sujet qui intéresse l’ensemble de la France rurale, et donc de fait, l’ensemble de la France.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt. Les négociations du cadre financier pluriannuel (CFP) ont été un élément déterminant de la réforme de la PAC. La stratégie française a été de lier la réforme de la PAC aux fonds de cohésion dans la négociation. Cela a notamment permis d’obtenir une revalorisation substantielle des propositions de la Commission européenne et de M. Van Rompuy et de préserver les aides reçues par la France par rapport à la période 2007-2013. Ainsi, en euros courants, la France a reçu 8 milliards d’euros d’aides directes du premier pilier en 2013 et recevra 7,7 milliards d’euros sur la période 2007-2014. De même, s’agissant des aides du développement rural du second pilier, la France a reçu en 2013 1,3 milliard d’euros - il faut noter qu’il s’agit d’un montant élevé, qui s’explique par le fait que l’on se situe à la fin d’un programme – et recevra en moyenne 1,4 milliard d’euros sur la période 2014-2020. Au total, la France percevra 9,1 milliards d’euros sur la période 2014-2020, contre 9,3 milliards d’euros sur la période 2007-2013. Cela représente donc une baisse de seulement 2 %. « Seulement » en effet, au regard des baisses plus importantes que connaît l’UE-15, -4 %, ou l’Allemagne,
-7 %. C’est donc un budget préservé, ce que chacun s’accorde à reconnaître, y compris les organisations professionnelles.

Ce point éclairci, je voudrais maintenant vous décrire le résultat des négociations et vous préciser le contenu de cette PAC 2014-2020.

Le débat s’est d’abord articulé autour de deux sujets : le découplage et la convergence.

S’agissant du découplage d’abord, je me suis engagé depuis longtemps à tenter de conserver autant que possible un lien entre aide et production. La proposition initiale était d’allouer 10 % de l’enveloppe du premier pilier au couplage, ce qui correspondait au montant historique. Avec l’appui sans faille du Parlement européen, la France a réussi à obtenir 13 %, et même 15 % en comptant le couplage des protéagineux et les fourrages.

S’agissant de la convergence, l’objectif initial de la Commission était de parvenir à l’échelle européenne à la même aide à l’hectare, quels que soient la région ou le pays. Il existe un vrai consensus sur la nécessité de sortir des références historiques, qui datent des années 2000. Les droits à paiement unique (DPU) régionaux varient en effet de 150 à 450 hectares ! Et il ne s’agit que de moyennes régionales. Certains DPU atteignent les 2 000 euros l’hectare !

La convergence entraine donc un mouvement de redistribution massive des DPU les plus élevés en faveur des DPU les plus bas. Le paradoxe est que certaines productions qui connaissent des difficultés, notamment l’élevage laitier, disposent de DPU élevés. La convergence totale pénaliserait donc des secteurs que le Gouvernement souhaite aider.

Nous avons donc imaginé un second outil, que l’on appelle paiement redistributif, ou surprime aux premiers hectares. Il s’agit de surprimer les premiers hectares d’une exploitation, correspondant à la moyenne nationale de la taille des exploitations de chacun des Etats membres. En France, ce sera donc 52 hectares. Il faut noter que contrairement à certaines idées reçues, la France ne compte pas de très grandes exploitations, comme l’Allemagne ou l’Espagne. On ne dénombre pas plus de quelques centaines d’exploitations de plus de 500 hectares.

Le paiement redistributif permet de répondre à l’une des directives émises par le président de la République qui était de réorienter la PAC vers l’emploi. Dans le secteur de l’élevage, 100 hectares requièrent l’équivalent de deux unités de travail annuel (UTA), soit deux exploitants, tandis que la même surface en céréales peut être exploitée par une seule UTA. Le paiement redistributif permet donc, en favorisant les premiers hectares, de favoriser l’emploi.

De même, la transparence des GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun) offre la garantie de conserver des chefs d’exploitations dans les exploitations collectives.

Je tiens à attirer l’attention de la représentation nationale sur le fait que le choix d’opter pour le paiement redistributif n’a pas été fait seulement par la France. L’Allemagne, la Bulgarie, la Roumanie ont annoncé qu’elles appliqueraient le principe de la surprime. D’autres pays y réfléchissent également.

Un autre enjeu de la réforme a incontestablement été le « verdissement » c’est-à-dire la transition vers une agriculture plus durable. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, les objectifs en matière de verdissement étaient très bas et il y avait en outre une vraie tentation de renationalisation. Cela aurait entrainé une concurrence intra-européenne entre les pays selon les choix environnementaux qu’ils auraient été amenés à prendre. Je ne pouvais m’y résoudre. Nous nous sommes battus pour que le niveau de 30 % soit applicable à l’ensemble des pays de l’Union européenne. Cela permet notamment d’éviter l’écueil que l’on reproche souvent, et à raison, à la France de « surnormer ». Les trois mesures du verdissement sont la diversification des productions, c'est-à-dire la rotation des cultures, le maintien des prairies permanentes et 5 % de la surface agricole utile (SAU) aménagée en surface d’intérêt écologique (SIE).

Le président de la République a fait plusieurs annonces sur la mise en place nationale de la PAC en France, lors du sommet de l’élevage à Cournon d’Auvergne. Il a notamment indiqué que la convergence s’appliquerait à 70 % d’ici 2020, afin de ne pas déstabiliser certaines exploitations à fort DPU, qui sont souvent petites et d’élevage. En outre, une convergence trop rapide aurait fait courir le risque d’une spécialisation des cultures et production par région, en fonction du seul avantage comparatif local. Or, s’il est bien une chose à laquelle nous tenons, c’est au maintien de la diversité agricole sur l’ensemble du territoire.

S’agissant du niveau de couplage, la France a opté pour les niveaux maximaux de 13 % pour les filières animales, et de 2 % pour les filières de protéines végétales.

Le verdissement ne sera pas calculé selon une base forfaitaire mais exploitation par exploitation, pour favoriser une vraie transition vers le modèle agroécologique.

L’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) sera revalorisée, afin d’encourager le maintien d’une activité agricole y compris dans les zones défavorisées. L’ICHN devrait par ailleurs fusionnée avec la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE). Cela permettra de simplifier significativement les procédures pour les éleveurs. Il reste encore à arbitrer ce qu’il adviendra de la PHAE dans les zones non couvertes par l’ICHN.

S’agissant des mesures agroenvironnementales (MAE), nous allons faire évoluer ce dispositif pour lui donner une dimension systémique. En effet, il s’agit de permettre aux agriculteurs d’anticiper les évolutions nécessaires vers des modèles de production plus vertueux. Ce point est actuellement en cours de négociation avec les organisations professionnelles.

Je voudrais vous présenter encore quelques mesures s’agissant du premier pilier.

La France va engager 1 % de l’enveloppe financière du premier pilier pour des actions en faveur des jeunes agriculteurs. Cela représente près de 80 millions d’euros.

La France va également profiter de la possibilité ouverte de financer une partie de l’assurance récolte. Une partie des régions françaises a connu des aléas climatiques majeurs. Il faut être en mesure d’assurer une certaine mutualisation interrégionale. Les agriculteurs qui subissent ce type d’aléas peuvent connaître des difficultés financières terribles qui remettent en question la viabilité économique de l’exploitation.

Enfin, la France va transférer une partie des fonds du premier pilier vers le deuxième pilier afin d’engager un grand plan d’investissement en faveur des bâtiments d’élevage. Ce plan aura pour objectif d’améliorer les conditions de travail des éleveurs et le bien-être des animaux d’élevage, mais également d’encourager une meilleure performance énergétique des bâtiments. Ce dernier enjeu est la fois écologique et économique. Le plan d’investissement est en phase de finalisation avec les organisations professionnelles.

Je voudrais revenir brièvement sur la meilleure répartition des aides. Celle-ci intervient à plusieurs niveaux : le milliard d’euros qui est redistribué en faveur de l’élevage, le paiement redistributif, à hauteur de 20 % de l’enveloppe du premier pilier – 1,5 milliard d’euros – qui profite à tous les types d’exploitation, le verdissement – au niveau des deux piliers, même s’il reste encore questions à régler, s’agissant par exemple du maïs monoculture dans le Sud-ouest ou en Alsace.

Je veux insister sur la nécessité de favoriser la diversité agricole, le potentiel productif et environnemental des exploitations, le maintien des exploitants agricoles.

Lors d’un récent voyage officiel en Afrique du Sud avec le président de la République, j’ai pu visiter une exploitation laitière près de Durban. Dans ce pays, l’activité laitière est extrêmement concentrée et les fermes oscillent entre 5 000 et 10 000 vaches. Pour financer ces investissements, il faut une rentabilité du capital. Je le dis au passage, il est de l’ordre de 15 % aujourd’hui en Afrique du sud, ce qui fait que le prix du lait en Afrique du sud est largement supérieur à celui qu’on a aujourd’hui en Europe. J’en tire une conclusion : si on allait vers l’industrialisation de l’agriculture, ce qui peut nous pendre au nez – je l’ai bien vu avec le débat sur l’exploitation des mille vachesc’est de faire de la production laitière sans agriculture. Ça peut exister, certains peuvent être tentés d’aller vers là. Nous au contraire, il faut qu’on affirme que pour l’agriculture d’aujourd’hui comme pour celle de demain, nous souhaitons, à la tête des exploitations agricoles, des chefs d’exploitation, des agriculteurs, des éleveurs et des paysans. Voilà ce que je pouvais vous dire en introduction.

Monsieur le président François Brottes – Quelques éléments sur la règle du jeu de notre audition : on se concentre exclusivement sur la réforme de la politique agricole commune. J’indique que, sur le budget, nous aurons une réunion en commission élargie le 6 novembre à 21 h et un débat dans l’hémicycle le 13 novembre, et que nous nous retrouverons ici pour la loi d’avenir à partir du 11 décembre. C’est pour qu’on ne mélange pas tous les sujets et qu’on soit en cohérence avec la demande que vous avez formulée, à savoir qu’on ne perde pas de temps à discuter d’autre chose aujourd’hui.

J’indique par ailleurs que nous avons demain une réunion à 9h30 sur la proposition de loi FranceAgriMer, qui est importante. Il n’y a pas d’amendements, cela ne devrait pas durer très longtemps. Cela concerne à la fois l’exposition à Milan, mais aussi une forme de rétablissement de l’aide alimentaire. C’est Clotilde Valter, qui est excusée cet après-midi, qui sera rapporteure. Je vous propose que nous nous réunissions à 10h plutôt qu’à 9h30, puisqu’ensuite nous écouterons Anne Lauvergeon à 11h.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, je vous propose de nommer Monsieur Fasquelle comme co-rapporteur de l’avis budgétaire relatif aux entreprises aux côtés de Mme Grommerch. Ils en sont d’accord tous les deux. Je pense que la commission en est d’accord aussi.

J’en viens aux questions : la règle du jeu est que tout le monde peut intervenir, y compris ceux qui ne sont pas membres de cette commission, et ils sont les bienvenus. Simplement, on est sur des séquences de maximum deux minutes, à part Germinal Peiro, qui va être rapporteur de la loi d’avenir, qui peut avoir trois minutes. Même pour lui, trois minutes sera un exercice très difficile, mais je lui donne la parole tout de suite.

M. Germinal Peiro – Je voudrais remercier et féliciter Stéphane Le Foll pour le travail qu’il fait depuis un an et demi en tant que ministre de l’Agriculture. Il faut aussi souligner le travail du Président de la République dans la négociation de la PAC. En disant cela, je ne prends pas beaucoup de risques puisque tous les syndicats agricoles l’ont dit, y compris ceux qui ne l’avaient pas forcément soutenu. Donc je crois qu’il faut redire cela, puisque vous avez manifestement réussi cette négociation de la PAC, d’abord la négociation budgétaire, et ensuite la négociation en interne.

Je voudrais souligner aussi, Monsieur le ministre, que bien entendu, dans une négociation, on ne gagne pas pour tout. On peut avoir des regrets sur cette PAC. On peut considérer qu’elle continuera à être injuste parce qu’elle va tenir compte du nombre d’hectares, de la surface des exploitations. Beaucoup d’entre nous, sur tous les bancs, auraient souhaité qu’elle tienne compte de l’emploi : on voit beaucoup de petites exploitations, de toute petites, avec beaucoup d’emplois, qui vont échapper aux aides de la PAC. Et on continuera à dire que c’est la Reine d’Angleterre ou le Prince Rainier de Monaco qui bénéficient le plus de la PAC en Europe, et là il y a une injustice.

Il y a aussi une injustice dans la mesure où on n’a pas réussi à imposer le plafonnement. Pourtant, le commissaire européen Dacian Cioloş avait prévu la dégressivité à partir de 150 000 € et le plafonnement à 300 000€. C’était déjà très haut. Eh bien les pays, essentiellement les pays du nord, n’ont pas voulu du plafonnement. Mais je crois que pour contrecarrer le fait qu’on n’a pas voulu plafonner, vous avez réussi véritablement ; parce que c’est vous qui l’avez portée, et c’est la France qui l’a portée, vous avez porté l’idée de la surprime au premier hectare, ce qu’on appelle aujourd’hui le paiement redistributif. Vous avez convaincu, non seulement le commissaire Cioloş, mais bon nombre de pays, en tout cas une majorité de pays, qui ont accepté de l’appliquer, donc je crois qu’on peut s’en réjouir. Je crois que ce qu’a annoncé le Président de la République à Cournon aussi est quelque chose de mesuré parce que la convergence des aides, mes chers collègues, n’est absolument pas quelque chose d’évident. L’idée simpliste qui consistait à dire qu’on allait prendre de l’argent aux grandes cultures pour le redistribuer aux petites exploitations, eh bien elle ne fonctionne pas partout, notamment dans les zones de polyculture, notamment dans les zones d’élevage laitier.

Pour parler de ma région, le Périgord, la moyenne des DPU c’est 420 € à l’hectare. Aujourd’hui, on voit bien que les agriculteurs ne sont pas pressés de voir la convergence se mettre en place parce qu’ils vont tous voir une baisse. Heureusement que la surprime aux 52 premiers hectares va permettre de l’atténuer !

Deux mots pour finir. Est-ce que vous pouvez nous donner une indication supplémentaire concernant l’installation des jeunes : comment allez-vous utiliser cet 1 % pour l’installation des jeunes ?

Et un point de détail, mais on ne me pardonnerait pas de ne pas le faire : il y a une toute petite filière, qui s’appelle la culture du tabac, qui concerne 2000 exploitations agricoles dans notre pays, et qui ne pourra plus bénéficier du recouplage, parce que dans sa grande hypocrisie, l’Union européenne a décidé qu’il ne fallait pas aider cette culture. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’on importe 80 % du tabac qu’on consomme, et le jour où on aura tué tous les producteurs de tabac, il restera quand même des fumeurs, et malheureusement des gens malades. Qu’est-ce qu’on pourra faire pour maintenir cette filière qui participe à l’économie du pays ?

Monsieur le président François Brottes – Comme dirait Germinal Peiro, je ne ferai pas trois minutes, j’en ferai quatre ! Je passe la parole à Marie-Lou Marcel, qui est rapporteure du budget.

Mme Marie-Lou Marcel – Monsieur le ministre, on ne peut que saluer la réorientation de la PAC vers l’élevage. Je saluerai également la revalorisation du soutien pour les zones défavorisées, et bien sûr la surprime aux 52 premiers hectares.

J’aurais deux questions sur la production ovine. Elle dispose actuellement d’une enveloppe couplée de 125 millions d’euros. Cette enveloppe était liée à la brebis et permet de maintenir des animaux sur le territoire. J’ai reçu des éleveurs qui craignent un rabot sur cette production, puisqu’en 2010, ces aides étaient modulées. Pouvez-vous me dire à quelle hauteur sera maintenue cette enveloppe ?

Deuxième question sur la majoration ovine liée aux ICHN. Elle serait de 10 % en montagne et de 30 % en piémont et serait liée à l’estive des animaux, et non à la notion de pâturage sur l’exploitation. J’ai des éleveurs chez moi, qui m’ont fait part de leur inquiétude car cela engendrerait une perte importante dans les élevages ovins, notamment en piémont, puisque chez nous, cette production ne part pas en estive.

M. Antoine Herth – Monsieur le Président, vous avez remercié Monsieur Le Foll d’avoir accepté de venir parler devant cette commission. Je pense que c’est le contraire qui aurait dû se passer : que Monsieur Le Foll nous remercie de l’accueillir ici parce qu’il est aujourd’hui enfermé dans un vis-à-vis avec les organisations syndicales, et il n’est jamais bon de négocier ce que vous présentez comme le big bang de la politique agricole en catimini dans votre bureau : il vaut mieux le faire avec l’appui de l’Assemblée nationale, vous y gagnez toujours ! En tout cas, je vois que vos amis sur le banc du parti socialiste vous félicitent d’être revenu avec un budget en baisse de 4 %...

Monsieur le ministre Stéphane Le Foll – 2 % !

M. Antoine Herth - …c’est vrai que c’est mieux qu’une baisse de 7 %, comme les Allemands.

Monsieur le ministre Stéphane Le Foll – Il y a eu des journalistes, je connais tout cela par cœur, et je connais suffisamment de choses là-dessus : moins 4 % c’est pour l’Union à 15, c’est pour les 15 qui étaient à l’origine de la PAC et qui doivent payer aussi pour les nouveaux Etats membres. Moins 7 % pour l’Allemagne. Pour la France je l’ai dit, en passant de 9,3 à 9,1 milliards, c’est moins 2 %. Globalement, on est le pays qui aujourd’hui s’en tire largement le mieux.

Monsieur le président François Brottes – C’était une correction objective du propos, donc je décompte cela du temps de Monsieur Herth, bien évidemment.

M. Antoine Herth – C’est la démonstration qu’il est toujours important d’expliquer, surtout qu’on a tous compris que c’est compliqué, et que quand c’est compliqué, on fait des raccourcis. Certains disent déjà que Monsieur Le Foll a calé la redistribution des aides sur la carte électorale française pour préparer ses futures fonctions. Donc c’est bien de rentrer dans le détail et de regarder les sujets.

Monsieur le président François Brottes – Monsieur Fasquelle est presque moins provocateur que vous.

M. Antoine Herth – Cela dépend des sujets. Il y a effectivement une convergence sur le principe, justement, de la convergence. Elle était inscrite dans le sens de l’histoire, mais toute la question est celle du rythme et du calendrier. Face à l’équation que vous avez écrite, et qui était certes sous influence de vos amis politiques, avec les 50 premiers hectares, avec les 25 premiers hectares, avec, comme le regrettait Germinal Peiro, le fait de vouloir faire du social, cela devenait rudement compliqué.

En tout cas, je crains quand même que cette politique soit en rupture par rapport à l’histoire de la politique agricole commune, puisque vous re-nationalisez la politique en fonction d’objectifs strictement nationaux et vous quittez le champ d’une politique économique. J’attends encore qu’on fasse la preuve qu’on reste bien avec l’application française de la politique agricole commune dans le champ d’une politique économique, et non pas dans un autre domaine.

C’est aussi ce que je regrette, que finalement, on en soit -et c’est bien normal, à ce stade - à discuter qui touche plus, qui touche moins. Toute la question est de savoir quelles sont les conséquences de ces redistributions, comment la dynamique du système va évoluer, comment certains vont s’appuyer sur leurs gains de productivité pour amortir une baisse des aides – on peut en parler sereinement - comment, aussi, il peut y avoir une dérive sur une augmentation des aides, puisqu’il y aura peut-être de la spéculation foncière.

Autant de réactions qui ne sont pas forcément dans l’intérêt de la ferme France. Et c’est cet intérêt de la ferme France que j’aimerais vous voir expliciter. En tout cas, sachez qu’il faut faire très attention : là où demain il y aura moins d’aides, il y aura aussi plus de taxe carbone, il y aura moins de soutien aux filières biocarburants, et il y aura aussi des prélèvements, en particulier sur les sociétés, pour financer l’augmentation des retraites. Et j’en oublie certainement. Donc attention à ne pas tout cumuler, parce qu’à un moment donné, ça explose.

M. François Sauvadet – Monsieur le ministre, j’ai bien entendu l’objectif, tel que d’ailleurs vous l’exprimez. Qui pourrait s’y opposer ? Vous dites : « On veut plus d’agriculteurs sur le territoire français. » Naturellement ! Nous aussi, on souhaite plus d’agriculteurs sur le territoire français. La question, c’est quelle méthode on va mettre en œuvre pour y parvenir, avec une compétition qui est devenue de plus en plus âpre, avec un contexte économique infra-européen auquel il faut veiller.

Vous avez vu que nous avons perdu un certain nombre de parts de marché, et donc d’exploitants agricoles qui sont soumis à des compétitions très vives, je pense notamment au secteur du lait et au secteur de la viande. Donc la question qui est devant nous est celle des moyens que nous allons mettre en œuvre. Le budget de la PAC, chacun en a convenu, a baissé. Maintenant la vraie question, c’est « Qu’est-ce qu’on fait pour demain ? », avec un calendrier que vous avez vous-même fixé : l’application de la réforme de la PAC sur le territoire national, sur laquelle on ne peut pas s’exonérer de la réflexion globale avec nos partenaires, à laquelle je vous invite, et puis une loi d’avenir qui permet de créer les conditions, avec ce cadre nouveau, pour aborder l’ensemble des problématiques de transmission, de succession, et d’existence tout simplement.

Notre agriculture est confrontée à de graves crises, il ne faut pas l’ignorer, et notamment dans le monde de l’élevage. D’abord il y a eu quelques points positifs, il faut le dire : droits de plantation sur les vignes, et notamment sur le régime d’autorisation, je crois qu’on s’est tous battus pour ça, c’est une bonne nouvelle. Les quotas sucriers, on a repoussé un peu l’échéance, mais il y a aussi des sujets de forte inquiétude : que va-t-on faire après les quotas laitiers ? Je souhaite qu’on ait une agriculture de production qui soit aussi une agriculture de protection de notre territoire. Il ne faut pas que l’on renonce à être une agriculture de production car, derrière, c’est toute l’industrie agro-alimentaire qui est aussi en jeu. Et je voudrais que ce soit réaffirmé comme étant un des objectifs qu’on doit poursuivre ensemble.

Sur la convergence et le plafonnement des aides, notre groupe n’y était pas hostile, je vous le dis très simplement. S’agissant de la convergence, la profession demandait 60 %, vous allez arriver à 70 %. Ce que je vous demanderais c’est qu’on ait vraiment un suivi très attentif des conséquences que cela aura effectivement territoire par territoire et secteur économique par secteur économique. Il faudra que vous preniez l’engagement d’un rendez-vous, en tout cas au bout d’un ou deux ans pour voir les conditions de leur mise en place. Ce qui soulève le plus d’interrogations pour nous tous, c’est cette surprime que vous voulez faire à 52 hectares. Je comprends finalement. Vous nous dites : « les petites exploitations, ce sont celles qui forgent de l’emploi ». Mais en même temps ce sont celles qui, si on veut de l’emploi, ont le plus intensifié sur leur territoire, et c’est ce que vous voudriez, à la limite, modéliser.

Je vous mets en garde : il y a des secteurs entiers aujourd’hui, et notamment les zones intermédiaires, pour lesquels 52 hectares est un chiffre complètement déconnecté de la réalité économique. Ce sont des régions aussi où on protège l’environnement, avec une agriculture extensive qui a par ailleurs été encouragée, qui n’est pas seulement occupationnelle.

Je souhaite savoir quelle est votre vision. Il y a des exploitations, Monsieur le ministre, je vous invite à venir les voir, où indépendamment des aides, on n’exploite plus les prés. On les laisse tomber ! C’est un vrai sujet de préoccupation.

Vous avez avancé sur la voie de la transparence en visant les GAEC. Il n’y a pas que les GAEC ! Je souhaiterais qu’on réfléchisse aussi aux CEA, les EURL, qui étaient aussi des dispositifs d’implication familiale, donc il y a une modélisation à avoir sur des exploitations comme cela.

Sur le verdissement, il faudra que l’on regarde les conditions de sa mise en œuvre. Je ne me satisfais pas des 30 % que vous nous indiquez. Il faudra vraiment que l’on rentre dans le détail, parce qu’on ne peut pas, d’un côté, au niveau du chef de l’Etat, dire « Il y a trop de normes, il y a trop de contraintes », et en même temps ne pas se livrer à un exercice de simplification pour la gestion de nos exploitations. C’est devenu intenable.

En tout cas, il faudra qu’on veille aussi aux conditions de l’environnement de l’exploitant. Vous avez posé le problème de l’assurance récolte. Ce ne sera pas simplement un problème de mutualisation. Les systèmes d’assurance récolte ne peuvent pas intervenir sans soutien public, en tout cas à la lumière de tout ce qu’on a connu ailleurs.

Enfin, deux sujets pour terminer. Sur les quotas, je laisserai mon ami Thierry Benoît les évoquer, mais en tout cas c’est un sujet d’actualité.

Monsieur le ministre Stéphane Le Foll - C’est vous !

M. François Sauvadet – Vous pouvez toujours dire « C’est vous ! », est-ce que cela fait avancer le schmilblick ? Monsieur le ministre, qui est-ce qui est au gouvernement de la France ? Moi je ne suis plus membre du gouvernement de la France. Je l’ai été, j’assume la période où je l’ai été.

Monsieur le président François Brottes – C’est une façon de rappeler que M. Borloo est président de votre groupe, c’est ce que voulait vous dire le ministre, c’est tout. Parlez sans vous émouvoir, monsieur Sauvadet.

M. François Sauvadet – La différence qu’il y a entre vous et moi c’est que moi je suis dans l’opposition et vous vous êtes au gouvernement. Donc il vous faut assumer maintenant ! C’est trop commode de se débarrasser des problèmes en disant : « C’est vous ! ». Mais non, ce n’est plus nous, c’est vous ! Il faut que vous assumiez.

Dernière chose : il y a eu un accord de l’Union européenne qui préoccupe beaucoup le monde de l’élevage : c’est l’accord portant sur des dizaines de milliers de tonnes, avec le Canada notamment. J’aimerais savoir quelle est la position de la France : est-ce que vous allez demander à l’Union européenne d’y renoncer ? Ce sont aussi des sujets qui concernent l’Union européenne et qui nous concernent. J’aimerais avoir des précisions là-dessus. Enfin, sur la loi d’avenir, il y a aussi tout un aspect des choses que vous n’avez pas évoqué…

Monsieur le président François Brottes – Vous empiétez sur le temps de parole de tous les autres membres de votre groupe.

M. François Sauvadet – Je suis à cinq minutes !

Monsieur le président François Brottes – Trente.

M. François Sauvadet – Pour un sujet aussi important ! On vous a demandé, je vous ai demandé, au nom de mon groupe, dont je suis le vice-président à l’Assemblée, qu’on ait précisément un débat sur cette question. Vous pouvez quand même accepter que pour le travail en commission, qu’on ne fait pas dans l’hémicycle, on puisse quand même prendre cinq minutes pour chaque groupe !

Monsieur le président François Brottes – Il y a vingt collègues encore qui souhaitent s’exprimer !

M. François Sauvadet – Eh bien les collègues s’exprimeront ! Mais au moins, que pour chaque groupe, on puisse parler cinq minutes ! Franchement, il y a un problème d’organisation du travail dans cette commission. Il ne faut pas nous imposer deux minutes par groupe.

Monsieur le président François Brottes – Le bureau a tranché ces questions. Je souffrais en vous écoutant parce que je suis dans un département où la surface moyenne est de 37 hectares.

Mme Brigitte Allain – Au regard de la réforme de la politique agricole, on peut voir que l’objectif de la PAC n’a pas été redéfini. La PAC n’a toujours pas de vocation régulatrice, puisqu’elle s’inscrit dans la seule logique mercantile et qu’elle n’affirme pas de droit à la souveraineté alimentaire.

La réforme proposée n’instaure pas de nouvelle régulation ni ne promeut l’emploi. Elle renforce au contraire la concurrence entre les paysans. Malgré tout, le groupe écologiste salue les avancées que vous êtes parvenu à obtenir, en faveur d’une plus juste redistribution et de la transition écologiste. Permettez-moi néanmoins de vous poser quelques questions. Premièrement, si vous avez brillamment obtenu de l’Europe la possibilité de réorienter 2 % des aides vers l’installation des jeunes, la France a choisi de n’y consacrer que 1 % de l’enveloppe. De même 30 % de l’enveloppe est réservée au financement d’une surprime sur les 52 premiers hectares, ce qui constitue une avancée extraordinaire, mais la France a fait le choix de limiter ce financement à 20 % de l’enveloppe. Quelles sont les raisons qui ont motivé ces décisions ? Deuxièmement, envisagez-vous de réformer les instruments de prévention et de gestion des risques, totalement inefficaces en l’état s’agissant des productions en polyculture et des productions viticoles ou arboricoles ? Troisièmement, quel type d’élevage sera concerné par le plan de compétitivité pour l’adaptation des exploitations ? Quatrièmement, concernant le plafonnement du seuil que vous avez mis en place, vise-t-il les plus grosses aides, qui représentent toujours 30 % de l’enveloppe puisque, si j’ai bien compris, vous avez annoncé que 70 % des aides allaient être réorientées ? Enfin, je formule le souhait que la discussion du projet de loi d’avenir permette d’assurer le maintien des paysans sur les territoires, de garantir le développement de l’agro-écologie et de relocaliser les productions, ce que vous appelez vous même de vos vœux. Comptez sur l’investissement de notre groupe sur ces sujets !

M. André Chassaigne. Tout d’abord, je tiens à le souligner, je suis parfaitement d’accord avec la position que Mme Brigitte Allain vient d’exposer. Ainsi, si les objectifs de la PAC n’ont malheureusement pas été redéfinis, cette réforme comporte des avancées qu’il convient également de reconnaître. Contrairement à ce qu’a laissé entendre M. Germinal Peiro, les organisations syndicales ne sont pas toutes sur la même longueur d’ondes et adoptent des positions bien plus nuancées que celle exposée par la FNSEA à la suite de l’intervention de M. le Président de la République à Cournon d’Auvergne. J’en tiens pour preuve un courrier de la Confédération paysanne, daté du 14 octobre dernier, que j’ai justement sous les yeux. Le constat est sévère, notamment sur le décalage entre les attentes exprimées et la politique proposée. De même, le MODEF, qui m’a transmis une analyse de cette réforme, considère que le compte n’y est pas. Saluons donc les avancées mais restons réalistes ! En ce qui me concerne, je suis surpris de voir que la convergence des aides ne concernera que 70 % de l’enveloppe et non sa totalité alors qu’il s’agit d’une mesure élémentaire de justice sociale. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? S’agissant des aides sur les 52 premiers hectares, pourquoi la part de l’enveloppe est-elle limitée à 20 % alors qu’il était initialement prévu, et attendu, d’y consacrer 30 % ? Quant aux aides à l’installation, si 1 % de l’enveloppe leur est réservé, ce qui n’est pas rien, pourquoi ne pas avoir conservé le seuil 2 % ? Ces choix ont pu être interprétés par certains comme une victoire du syndicat majoritaire dans ce pays et de ceux qui jusqu’à présent étaient les principaux bénéficiaires de la PAC. Je vous remercie donc par avance de nous éclairer sur ces sujets. Je n’accuse personne évidemment mais, avouons-le, ces soupçons ont jailli à la suite du discours de M. François Hollande à Cournon. Au-delà, je souhaite vous interroger sur deux points précis. En premier lieu, partagez-vous les inquiétudes exprimées par l’association des élus de montagne s’agissant de la participation des départements et des régions au nouveau fonds de modernisation de l’élevage ? Je sais que d’autres ici pourraient être intéressés par votre réponse. En deuxième lieu, le Comité des régions d’Europe estime que la fin des quotas doit être accompagnée et a formulé des propositions concrètes en ce sens, notamment afin d’éviter un recul de la production laitière dans les zones d’élevage. Que pensez-vous de ces propositions ? En troisième lieu, ne croyez-vous pas qu’il faille mobiliser des leviers collectifs territoriaux aux niveaux national et régional dans le cadre de programme de développement rural, notamment afin de favoriser les innovations agro-écologiques ?

Mme Jeannine Dubié. Monsieur le ministre, le groupe RRDP salue votre détermination qui a permis d’obtenir de réelles avancées. La PAC est un sujet essentiel pour la France, et sa mise en œuvre emporte des conséquences concrètes sur nos territoires. Dans ce contexte, le groupe RRDP se réjouit du recours à la procédure de codécision, pour la première fois s’agissant de la réforme de la PAC, car elle constitue un réel progrès démocratique. Le Parlement européen peut désormais manifester sa volonté propre sur des sujets controversés et même si nos collègues parlementaires européens n’ont pas obtenu pleine satisfaction, il s’agit d’un premier pas qui en appelle d’autres. Pour revenir au sujet, comme beaucoup d’autres parlementaires, ceux de notre groupe ont longtemps dénoncé l’injustice du système de répartition en vigueur. Le rééquilibrage des aides publiques entre les grandes cultures et celles qui souffrent déjà d’une concurrence déloyale, comme l’élevage et les fruits et légumes, devait être une priorité de la nouvelle PAC. Vous êtes parvenu à obtenir un accord en vue d’une PAC plus équitable, mais il reste encore des marges de manœuvre, notamment pour soutenir les petits exploitants, qui créent de l’emploi. Le groupe RRDP soutient pleinement la mise en œuvre de politiques contracycliques, de même que l’instauration de mécanismes de régulation de marché, afin de compenser l’inéquité actuelle. Ainsi, le groupe RRDP est très attaché à l’attribution d’une surprime portant sur les 52 premiers hectares et au plafonnement à 200 000 euros par exploitation agricole. Je poserai deux questions. Premièrement, alors que les récents scandales concernant la viande de cheval  ont révélé au grand public une financiarisation, pernicieuse, d’un système fondé sur l’existence de circuits d’approvisionnement faisant parcourir à la viande plusieurs milliers de kilomètres, comment la réforme de la PAC peut-elle permettre de lutter contre cette financiarisation et encourager les circuits cours ? Deuxièmement, comme M. Joël Giraud l’a souligné, la filière porcine française a perdu en dix ans un million de porcs et des centaines d’éleveurs. La production porcine de montagne a connu un recul relativement plus important que la moyenne française et, aujourd’hui, la cote d’alerte est atteinte. Les fermetures de sites pénalisent fortement les territoires. Monsieur le ministre, comment comptez-vous agir pour enrayer ce phénomène ?

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, avant de vous laisser la parole pour répondre à cette première salve de questions, je souhaite rappeler la règle que nous nous sommes fixés : hormis le cas de l’examen d’un projet de loi, nous avons supprimé les questions de groupe, traditionnellement posées par un orateur de chaque groupe désigné à cet effet. Le temps imparti est donc de deux minutes par intervenant, quitte à ce que les membres des groupes les moins importants en volume puissent s’exprimer à plusieurs reprises. Comme chacun ne semble pas avoir mémorisé cette règle, il me semblait important de la rappeler. Cette organisation du travail permet de fluidifier les échanges, comme M. Benoît pourra l’expliquer à M. Sauvadet.

Monsieur Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Merci Monsieur le Président. Il est toujours difficile de contenter tout le monde, nous le savions et je l’assume. En ce qui me concerne, ma position n’a toutefois pas varié. Dès l’origine, M. François Hollande et moi-même avions pour objectif de rééquilibrer le système d’aides, sans déséquilibrer les exploitations. Aujourd’hui, nous allons redistribuer un milliard d’euros, au travers de l’ensemble des mesures, vers l’élevage et les zones de handicaps naturels. Cette décision nous permettra de maintenir des exploitations agricoles dans des zones où, soyons honnête, elles éprouvent des difficultés structurelles à perdurer. Si certains ne partagent pas ce constat et ses conséquences, qu’ils l’assument. De notre côté, nous assumons notre choix.

S’agissant des aides sur les 52 premiers hectares, certains d’entre vous ont tenté d’opposer l’intensif à l’extensif. C’est un fait, toutes les exploitations bénéficieront de ces aides. Certes la quantité de travail à fournir ou la taille de l’exploitation varient selon les filières, par exemple entre l’élevage et la production végétale, mais ce n’est pas le fait d’une décision du ministre ! Ce sont simplement les conditions de productivité du travail qui l’imposent. Je ne peux pas laisser dire que je pénalise les zones extensives.

Concernant la convergence des aides, il s’agit d’une décision prise par M. Jacques Chirac en 2003. La surprime sur les 52 premiers hectares est un choix stratégique, qui vise à maintenir des exploitants agricoles. Nous avons tous des exemples en tête, chaque fois qu’un GAEC perd un chef d’exploitation, le montant des aides diminue. Il s’agit donc de rendre les choses plus transparentes afin de garantir que lorsqu’un GAEC rassemble initialement x membres, il soit toujours formé du même nombre de personnes. Or, à mes yeux, une politique publique mettant en œuvre 7,7 milliards d’euros doit tenir compte de l’emploi. Bien évidemment, ce choix, qui me semble juste, ne remet pas en cause notre logique de maintenir en France tous les types d’agriculture.

Certains d’entre vous m’ont demandé quel était mon projet agricole ? Ma réponse est claire : combiner, au travers des formes collectives de l’exploitation agricole, la performance économique et l’agro-écologie. Sur le premier point, il nous faut maintenir, voire améliorer, notre niveau de production alors que, je le rappelle, les rendements céréaliers n’ont pas évolué en vingt ans dans notre pays. C’est pourquoi à l’occasion du colloque sur l’agro-écologie auquel j’ai participé à l’INRA, j’ai fixé des indicateurs au rang desquels figure le niveau de la production. Il nous faut produire de manière intelligente, alors que les rotations de demain ne seront pas celles d’aujourd’hui. Sur le second point, tous les agronomes considèrent aujourd’hui comme un impératif de combiner l’économie et l’écologie. J’en suis moi-même convaincu. Des agriculteurs mobilisés sur la performance économique et écologique au service de l’ensemble de l’agriculture, voilà mon projet. Chaque semaine, je vois dans la France agricole se créer des groupements d’intérêt économiques et environnementaux, en Haute-Marne pour citer un exemple, afin de regrouper les forces et de construire des modèles de production plus économiques et plus écologiques. L’examen du projet de loi relatif à la loi d’avenir sera justement l’occasion de discuter de la mise en place de ces GIEE.

Contrairement à ce qui a été avancé par certain, la PAC ne se renationalise à l’échelle européenne. Les écarts entre les différents pays étaient beaucoup plus importants dans le cadre actuel que ce qu’ils seront au terme de la nouvelle PAC s’agissant des droits à paiement unique (DPU). Il ne s’agit pas d’une renationalisation. Néanmoins, il nous a fallu trouver des adaptations pays par pays du fait de la mise en place de la convergence des aides. En effet, ce choix vise à ramener tout le monde au même niveau à l’échelle européenne. Or, pensez à la France, à l’Espagne, à l’Italie, ou d’autres, c’est impossible en quatre ans ! La politique agricole commune est de plus en plus commune, mais la transition suppose des adaptations.

S’agissant des aides à l’installation, nous avons effectivement retenu 1 % de l’enveloppe et non 2 %. Rappelons-le, près de 6 000 jeunes agriculteurs bénéficient du cadre actuel. En comptant les installations hors-cadre, près de 8 000 jeunes agriculteurs s’installent chaque année. Nous nous sommes fixés comme objectif d’atteindre 10 000 installations. Pour ce faire, nous avons estimé les besoins financiers et fondé notre décision à partir de ces estimations. Si nous avions retenu 2 % et que la somme n’était pas totalement dépensée, vous m’auriez convoqué pour me reprocher de mobiliser de l’argent public sans être capable de le dépenser utilement. Nous avons simplement ajusté l’enveloppe à nos besoins. Pour rappel, le premier pilier ne constitue qu’une une possibilité de financement tandis que le deuxième pilier, qui est conservé, est une réelle source de financement. Au total, près de 200 millions d’euros seront consacrés à l’aide à l’installation. Tant mieux ! Il nous faut poursuivre cette action.

En ce qui concerne la production ovine, la garantie des aides couplées est assurée. Certes, il y a un débat sur les estives ou sur les prairies. Sur ce point, toutes les zones de compensation de handicap verront leurs aides revalorisées, en particulier la production bovine, qui est particulièrement concernée. Je vous rassure, personne n’a l’intention de pénaliser la production ovine, qui n’est d’ailleurs pas la plus épargnée aujourd’hui.

Je ne reviendrai par sur la carte électorale, il n’y a pas de sujet.

Il nous faut faire des choix économiques. Prenons le système laitier français : un GAEC composé de trois associés et produisant 600 000 ou 800 000 litres, conformément aux quotas, demeure compétitif par rapport à des productions de 5000 ou 10 000 vaches en Afrique du sud. Il n’y a pas lieu de craindre d’être dépassé en termes de compétitivité ou de production. Nous en sommes convaincus, le modèle collectif demeure pertinent.

J’en viens à présent à la filière céréalière. Suite aux études que nous avons menées, nous avons décidé de conserver une aide à l’hectare, qui sera revalorisée pour les 52 premiers hectares, et baissera au-delà de 100 hectares. En moyenne, elle atteindra un montant de 200 euros, conformément à l’objectif que nous nous étions fixé pour maintenir aux zones céréalières des conditions de production équivalentes, ou un peu plus faibles mais toujours convenables, par rapport à d’autres pays producteurs de céréales. N’y voyez pas le choix de renoncer à une agriculture française économiquement performante. La baisse de la production et le fait que la France se soit fait dépasser ne date pas d’hier. En tout état de cause, on ne peut accuser la prochaine réforme : cette baisse a débuté il y a 15 ans – ne chipotons pas sur les dates ! – et s’est déroulée dans le cadre actuel. Le nouveau cadre vise à inverser la tendance.

La rénovation des bâtiments d’élevage concernera des productions qui ne touchent rien aujourd’hui. Je pense notamment à la production porcine et à la production de volaille. Les bretons comme les élus de montagne savent ce qu’il en est s’agissant de l’évolution de la filière porcine. Dans le même temps, nous tenons compte des exigences écologiques.

Le verdissement de l’agriculture a d’ailleurs été évoqué. Simplifions-nous les choses ou les complexifions-nous ? La réponse est claire. Aujourd’hui, les normes sont établies par type d’exploitation : on surajoute constamment des couches ou des directives. Si vous êtes confronté à un problème phytosanitaire, il existe une directive spécifique. De même pour l’eau, les oiseaux, et demain, l’utilisation des sols. Le droit est établi par strates successives, et c’est aux exploitants de s’adapter. Pour une fois, le dispositif est pensé de manière globale. Les mesures agro-environnementales (MAE) seront renouvelées et, en ce qui me concerne, j’ai pleinement confiance dans les agriculteurs pour combiner économie et écologie. Je vois d’ailleurs ce mouvement à l’œuvre, sur le terrain. Il ne s’agit donc pas d’une complexification mais d’une simplification. Bien sûr je mesure l’ampleur des progrès à réaliser en ce domaine. C’est d’ailleurs l’objet du projet « agro-écologie » lancé avec l’INRA. La modernisation de l’enseignement agricole, qui sera discuté à l’occasion de l’examen du projet de loi d’avenir, entre dans cette logique. L’enjeu est de faire évoluer les modèles de production afin de sortir du « tout normes environnementales ». En somme, l’essentiel est d’être capable d’arrêter des objectifs environnementaux communs plutôt que de porter des jugements sur les moyens utilisés par les agriculteurs. Ils sont assez grands, il y en a parmi vous, pour savoir comment faire. Nous voulons mettre un terme à cette surréglementation.

Sur la question de la redistribution, nous avons évité d’aller à 100 % de convergence car les transferts auraient eu des conséquences dramatiques, et non compensables, dans certaines zones, notamment d’élevage. S’agissant des 52 premiers hectares, 20 % de l’enveloppe suffisait complètement à nos objectifs en matière de promotion de l’emploi.

Nous aurons un débat suite aux travaux des groupes spécialisés de FranceAgriMer sur chaque filière en matière de production et de débouché. Chaque filière devra fournir des grands choix stratégiques. Je souhaiterais avoir ce débat également à l’Assemblée Nationale, car cela doit bien s’articuler avec la loi d’avenir.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur le ministre. Je m’engage à ce que nous nous penchions sur le travail mené par FranceAgriMer et à ce que nous prenions vraiment le temps de faire le point. Une journée complète ne me semble pas de trop. Ce faisant, je crains que cela ne puisse intervenir avant le passage en commission du projet de loi d’avenir.

M. Dominique Potier. Je fais partie de ceux qui ont pu espérer que nous allions plus loin et plus vite, mais je constate en même temps que le mouvement actuel est historique, qu’il s’agisse de la redistribution, du rééquilibrage ou de la nouvelle chance donnée à l’agro-écologie. Je voudrais dire à mon collègue Antoine Herth que ce n’est pas faire du social que de donner sa chance à tous les entrepreneurs et de les mettre sur un pied d’égalité. Mes questions porteront sur les régions intermédiaires et le lait. Malgré la légère remontée des prix, la tentation reste grande pour beaucoup de passer au « tout céréales ». L’aide à l’herbe dans les régions de plaine, avec la fusion ICHN/prime à l’herbe, restera-t-elle équilibrée ? Par ailleurs, l’aide évoquée par le Président de la République à l’unité de production laitière est-elle toujours d’actualité ? Des moyens ont-ils pu être effectivement mobilisés ? S’agissant des aides MAE systémiques, je vous soutiens totalement. En tant que président du Comité Ecophyto, je sais que nous pouvons opérer une réduction de 30  % de phytosanitaires en faisant mieux mais que pour faire autrement, il faut des rotations, de la diversité, un nouvel équilibre des systèmes. La poursuite de nos objectifs environnementaux passe par l’agro-écologie, la double performance et l’économie circulaire. Trouvera-t-on suffisamment de moyens dans le deuxième pilier pour accompagner de manière significative le maintien de cette polyculture élevage ? Enfin, rééquilibrer les aides en matière de foncier, favoriser l’agro-écologie et limiter l’agrandissement, tout cela passe par un contrôle des structures et un registre des agriculteurs. Sommes-nous prêts, dans la loi d’avenir, à nous doter de moyens forts qui garantissent une triple performance économique, environnementale et sociale ?

M. le président François Brottes. Je souhaite que nous restions concentrés sur la réforme de la PAC et non sur la loi d’avenir…

M. Daniel Fasquelle. Je remercie en premier lieu le président Brottes d’avoir organisé cette audition, qui avait été réclamée à de nombreuses reprises et avec insistance par le groupe UMP. Le ministre vient nous vanter ses résultats mais il ne faudrait pas oublier le travail qui a été fait par la majorité précédente en vue de sanctuariser la PAC. Je pense évidemment à Jacques Chirac, à Bruno Le Maire ou à Michel Barnier. Je n’oublie pas non plus le poids déterminant de Nicolas Sarkozy dans la nomination de Dacian Ciolos en tant que commissaire européen. Dans le domaine agricole, la France a défendu des positions constantes qu’il faut savoir reconnaître et sur lesquelles vous avez pu prendre appui. Ce faisant, je m’interroge sur les décisions que vous venez de prendre.

S’agissant de l’aménagement du territoire et le revenu agricole, comme me le disent les agriculteurs du Pas-de-Calais, ce sont les aides qui font leurs revenus et par conséquent, ce que vous mettez en place entraînera une baisse de leurs revenus. Vous allez ainsi déstabiliser des exploitations de taille moyenne, ce qui sort du schéma souvent caricatural du rééquilibrage entre « grands » et « petits ». Que répondez-vous à ces agriculteurs que vous allez déstabiliser et qui risquent d’abandonner la production laitière en raison de la mise en œuvre de votre politique ?

Par ailleurs, nous n’avons quasiment pas encore évoqué le sujet mais votre réforme aura forcément un impact sur la compétitivité de l’agriculture française. Je pense à des secteurs très exposés à la concurrence, dans lesquels les aides vont diminuer. Même si ce n’est pas directement le sujet de notre rencontre, je ne peux pas ne pas évoquer la question de l’écotaxe poids lourds, la diminution annoncée du budget de l’Etat ou encore la multiplication des impôts et des taxes qui pénalise aujourd’hui, entre autres, les agriculteurs. Tout ceci pèse forcément sur notre compétitivité.

Un dernier point concernant les MAE, nous savons, sur le terrain, que tout cela est concrètement très compliqué à mettre en œuvre. Je voudrais attirer votre attention sur la nécessité, dans le cadre du deuxième pilier, d’un véritable travail de simplification afin de faire en sorte que ce qui sera décidé « en haut » soit effectivement appliqué « en bas ».

M. le président François Brottes. Je rappelle que notre commission s’était saisie pour avis du texte sur l’écotaxe.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le ministre, vous êtes très attachés à la diversité de l’agriculture et nous apprécions ce que vous faites dans ce sens. Ainsi, dans ma circonscription, on trouve de l’élevage, la production de la noix de Grenoble et dans quelques semaines, nous devrions obtenir l’inscription du Saint-Marcellin comme indication géographique protégée.

M. le président François Brottes. La commission soutient le Saint-Marcellin ! (Sourires)

Mme Michèle Bonneton. Certains agriculteurs font beaucoup d’efforts dans le domaine environnemental et disent que le verdissement n’est pas suffisant dans les zones hors handicaps naturels, en particulier pour la prime à l’herbe et la restauration de la biodiversité. Il semble ainsi qu’il ne soit pas tenu compte du maintien de races locales, parfois moins productives. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les modalités d’attribution des aides agroenvironnementales et en faveur de l’agriculture biologique ?

Par ailleurs, qu’en est-il de la recherche publique en faveur du développement de l’agro-écologie ? Quels crédits, quels personnels, quelle décentralisation la caractérisent ?

Enfin, même si ça n’est pas directement lié à la PAC, les éleveurs s’interrogent sur l’accord signé avec le Canada en ce qui concerne en particulier les importations de viande. N’instaurons nous pas une concurrence peu loyale ? Des normes de qualité sont-elles prévues ?

Mme Pascale Got. Comment voyez-vous la déclinaison concrète du pilier environnemental de la PAC ? Je pense notamment aux biocarburants, à l’agroforesterie, à la compatibilité entre biodiversité et développement agricole, ou encore entre développement agricole et gestion de l’eau. Que pensez-vous par ailleurs du système d’équivalence du verdissement et allez-vous y avoir recours ?

M. Philippe Armand Martin. Contrairement à ce qui a pu être dit, tous les organisations syndicales ne sont pas aujourd’hui satisfaites, si j’en crois notamment les échos qui me parviennent de la région Champagne Ardennes, où la baisse annuelle directe devrait être de 128 millions d’euros. Le cœur de l’enveloppe annuelle est atteint et nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs en matière de rééquilibrage, notamment en faveur de l’élevage. Le transfert des aides du premier au deuxième pilier va du reste ajouter aux difficultés des agriculteurs. Pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous entendez prendre en faveur des régions comme celle dont je suis l’élu qui sont ainsi touchées par la baisse directe des aides du premier pilier ?

Sur les 50 premiers hectares, le mécontentement est également manifeste car les agriculteurs craignent que la PAC, contrairement à ce que vous affirmez, ne soit plus une politique économique mais une politique sociale. C’est pour cela qu’ils demandent que la convergence des aides soit progressive et n’aboutisse pas à un effet de seuil trop important pour les exploitations agricoles.

Le passage acté des droits de plantation en autorisations est satisfaisant mais il reste à gérer cette question sur le plan national, pour savoir qui fait quoi et qui redistribue. Vous avez encore du travail sur ce point et je vous interroge donc sur vos intentions.

Mme Frédérique Massat. Je remercie M. André Chassaigne d’avoir fait référence aux débats que nous menons collectivement au sein de l’Association nationale des élus de la montagne. A cet égard, je veux aussi remercier le ministre qui a accepté, à notre demande, la mise en place d’un groupe de travail propre à la montagne, avec les élus concernés, qui est associé depuis un an aux projets en cours d’élaboration.

Je veux revenir sur le sujet de la convergence. Permettez-moi de rappeler en effet, par rapport à ce qui était dit concernant les 70  %, que toute la profession agricole n’était pas sur cette position et que certains demandent beaucoup plus.

Notre collègue André Chassaigne a également évoqué les bâtiments d’élevage. Pouvez-vous nous donner des informations sur les éléments de critères retenus pour le fonds de modernisation ? Les coûts en zone de montagne étant beaucoup plus élevés qu’ailleurs, une différenciation sera-t-elle opérée selon les territoires ou en fonction des difficultés rencontrées ? Dans la mesure où les départements et les régions sont souvent appelés à se mobiliser dans le cadre de cofinancements, je profite de l’occasion pour rappeler l’attachement des élus de la montagne à ce que cette politique demeure dans le giron national et puisse faire l’objet d’une péréquation.

Pouvez-vous nous fournir des informations supplémentaires par rapport aux sommes qui seront consacrées à l’ICHN ?

Enfin, vous n’avez pas abordé le sujet du versement anticipé de certaines aides de la PAC. Je crois savoir qu’il y a eu des avancées en la matière, notamment pour les éleveurs bovins qui vont bénéficier d’avances de 80  % sur la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes. La situation de leur trésorerie sera ainsi rendue plus confortable.

M. Thierry Benoit. J’aborderai la question de la dépendance de l’Union européenne vis-à-vis des importations de protéines végétales, notamment de soja. Pensez-vous que l’Europe a pris la mesure de cet enjeu ? En France en particulier, lorsque nous parlons de l’autonomie fourragère des exploitations d’élevage, y consacrer 150 millions d’euros est-il suffisant ? A cet effet, je veux appuyer le propos de mon collègue François Sauvadet sur les connexions entre l’amont et l’aval, c'est-à-dire entre l’agriculture, l’industrie agroalimentaire et l’industrie au sens large. Faisons-nous vraiment le nécessaire en la matière ?

Concernant la directive sur les travailleurs détachés, le sujet touche évidemment le monde agricole. Parviendrons-nous enfin à encadrer cette directive qui nous pose de vrais problèmes ?

Enfin, à propos de l’écotaxe, le Grenelle I, voté à l’unanimité, a en effet acté le principe d’une conversion écologique au travers d’une taxe. Dans un contexte économique particulièrement dégradé, je vous interpelle, monsieur le ministre, afin que vous puissiez relayer auprès du Premier ministre et du Président de la République notre demande de suspension de la mise en œuvre de l’écotaxe. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de votre première réponse où vous rappeliez que c’est la majorité précédente qui l’avait votée. A une situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles et je suis au fond persuadé que vous partagé, en tant que ministre de l’agriculture, la préoccupation qui est la nôtre.

M. le ministre. Sur la fusion des ICHN et des PHAE qui doit intervenir dans les zones à handicaps, on est en train de maintenir cette aide mais sous une autre forme. Le but, c’est de pouvoir fusionner là où il existe une indemnité compensatrice de handicap et, en revanche, on bénéficierait d’un dispositif spécifique différent lorsqu’on ne se situe pas en zone de handicap.

Sur la question du couplage sur le lait, on va aller vers une partie d’aide couplée à la vache laitière. Quant au montant, je ne peux actuellement vous le donner puisque nous sommes en pleine période de négociations.

Sur les MAE / système / diversité / baisse des intrants, on va effectivement être dans le système que vous évoquiez. On a tout de même là une difficulté qui consiste à ce que, à l’échelle européenne, pour engager une MAE, il faut que les agriculteurs subissent préalablement un coût, le principe de la MAE étant justement sa dimension compensatrice. La logique est donc différente de la nôtre puisque nous souhaitons, au contraire, que la prise en compte de l’environnement fasse gagner quelque chose aux agriculteurs. C’est pour cette raison que les GEE sont si importantes afin que nous puissions développer ces systèmes sur des exploitations entières. Le but de tout ce dispositif est d’accroître les marges des agriculteurs puisque, si vous maintenez votre production et que, dans le même temps, vous utilisez moins d’intrants, votre marge va mécaniquement s’accroître. Or, en l’espèce, ça ne peut justifier de MAE alors qu’on se situe pourtant dans le cadre d’une politique environnementale ! Par ailleurs, sur ce sujet, on va bénéficier de 140 à 150 millions d’euros supplémentaires sur le deuxième pilier, obtenus grâce aux négociations menées.

Pour répondre à la question sur le registre des agriculteurs, je n’y suis pas opposé mais sa mise en œuvre sera très compliquée. Elle le sera d’autant plus que nous avons effectué une réforme de l’installation, en passant de la SMI (surface minimum d’installation), qui établit un rapport entre l’installation et la surface, à l’AMA (activité maximale d’assujettissement) qui permet, lors de l’installation, de prendre en considération non la surface mais l’ensemble des revenus qui vont être dégagés par l’installation du jeune agriculteur. C’est d’ailleurs, je pense, un dispositif beaucoup plus complet pour appréhender une installation, d(autant que ce sont ces critères qui seront pris en compte pour l’assujettissement à la MSA (mutualité sociale agricole).

Sur la question des productions laitières dans le Pas-de-Calais, on se trouve dans une situation d’élevage très intensif avec un haut niveau de DPU : c’est la raison pour laquelle on n’a choisi que 70 % de convergence et qu’on a des paiements redistributifs, car si on a peu d’hectares et de l’élevage laitier, on aura une revalorisation des 52 premiers hectares pour compenser justement ce qui est en partie dû à la perte de convergence. Ensuite, une fois posés ces principes, que cela ne nous empêche pas de regarder au cas par cas ; j’en profite d’ailleurs pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que si des agriculteurs vous soumettent concrètement leur situation, n’hésitez pas à les renvoyer sur mon ministère afin que, compte tenu des divers éléments qu’ils nous donneront, nous puissions leur indiquer le niveau des aides dont ils pourront bénéficier.

Sur la question de la prime à l’herbe hors montagne, je pense vous avoir déjà répondu lorsque j’ai parlé de la PHAE.

Sur la question du bio, l’objectif est clair : nous souhaitons doubler ce qui est mis en place aujourd’hui pour l’agriculture biologique.

Sur les races menacées, il existe des mesures spécifiques dans le deuxième pilier mais il faudra que vous me donniez des détails sur l’espèce à laquelle vous faites référence, la Villarde, une vache laitière de la région du Vercors.

Pour répondre à une autre question, je suis là aussi très clair : bien évidemment, les régions, comme les conseils généraux d’ailleurs, peuvent participer en fonction de leurs possibilités et de ce qu’elles souhaitent faire. Je vous informe d’ailleurs que nous lancerons au printemps prochain une opération « Le Printemps des terroirs » afin de créer, notamment entre l’État et les régions, une dynamique collective en vue de la mise en œuvre de la Politique agricole commune au mois de janvier 2015.

Quant au système d’équivalence sur le verdissement, on va peut-être l’utiliser sur le maïs en Alsace et dans le Sud-Ouest, ce système ne pouvant être mis en place que dans les régions où l’on ne peut pas faire de rotation parce que les surfaces sont trop petites.

Pour répondre à la question de Mme Massat, je partage votre point de vue selon lequel il faut de meilleures performances sur les bâtiments d’élevage. Si je regarde les ICHN, qui correspondent environ à 300 millions d’euros, l’objectif est de toute façon le même : améliorer les conditions de production dans l’élevage tout en améliorant le bien-être animal, les conditions de travail des agriculteurs et en faisant des économies d’énergie.

Sur la question de la recherche, sachez que celle-ci est pleinement mobilisée. Tout d’abord, le BTS ACSE (Analyse et Conduite des Systèmes d’Exploitation), qui forme les élèves pour être de futurs chefs d’exploitation, comporte désormais une formation à l’agro-écologie pour véritablement former les futurs agriculteurs et non les contraindre. Ensuite, l’INRA (Institut national de la Recherche Agronomique) agit également puisqu’il comporte, depuis la semaine dernière, une chaire d’agro-économie. Si je prends l’exemple de l’apiculture, sachez que nous consommons environ 40 000 tonnes de miel par an mais nous n’en produisons que 15 000 tonnes ! Nous sommes totalement dépendants sur ce produit, ce qui nous oblige à importer une grande partie de notre consommation. L’INRA fait donc un certain nombre de recherches sur les abeilles ; parallèlement, il importe d’organiser la filière, de commercialiser et surtout de valoriser notre production.

Sur l’autonomie des protéines végétales, nous allons disposer, avec le couplage sur les 2 %, d’environ 150 millions d’euros. La question cruciale qui se pose alors consiste à savoir si l’on saupoudre ces 150 millions d’euros entre les exploitations afin de favoriser l’autonomie ou si l’on préfère organiser de véritables filières protéines végétales afin de gagner en indépendance en ce qui concerne les terres fourragères. Grâce notamment au méteil, on s’oriente de manière volontariste vers la deuxième option qui nous permettrait, en changeant nos modèles, d’avoir de 80 à 95 % d’autonomie fourragère.

Lorsque vous avez évoqué 128 millions d’euros de pertes en Champagne Ardennes, Monsieur le député, je pense que ce chiffre est excessif ou, du moins, demande à être vérifié même si l’on doit s’occuper de cette région, notamment en ce qui concerne la production de luzerne. Ce que je peux vous dire, c’est que nous devons, de manière générale, porter une attention toute particulière aux régions qui dépendent aujourd’hui de l’agriculture après avoir beaucoup perdu dans l’industrie.

Sur la question de savoir si les îles bretonnes peuvent bénéficier d’ICHN, oui, bien sûr : même s’il y a peu d’élevage dans l’île de Groix, il faut les faire bénéficier des dispositifs permettant de compenser des handicaps.

Sur l’EMAA (énergie, méthanisation, autonomie, azote), c’est un sujet majeur, notamment pour la Bretagne. Le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé la mise en place d’une procédure d’enregistrement pour les établissements classés ; je peux vous annoncer que les décrets sur ce sujet vont paraître en fin de semaine. Le but est d’assouplir et de simplifier la procédure sans pour autant remettre en cause ni le nombre d’unités d’azote à l’hectare, qui reste à 170, ni les objectifs environnementaux qui restent de la première importance. Il va donc y avoir trois niveaux : un premier niveau où seule la déclaration suffira (pour les exploitations de moins de 450 porcs), un deuxième niveau nécessitant un enregistrement (entre 450 et 2 000 porcs) et un troisième niveau nécessitera une autorisation (au-delà de 2 000 porcs). En ce qui concerne la volaille, nous sommes très proches d cadre européen. Ces décrets vont donc être soumis à enquête publique cette semaine afin de mettre en œuvre le Plan « Azote total» début 2014. La Bretagne aura ainsi une expérimentation à mener, qui sera d’ailleurs reprise dans la loi d’avenir. Les régions qui choisissent l’azote total pourront ainsi elles aussi expérimenter entre l’azote minéral et l’azote organique : quand un agriculteur aura de l’azote organique en excédent il pourra la substituer à de l’azote minéral qu’il importe d’habitude.

M. le président François Brottes. Je vous remercie Monsieur le ministre et je laisse la parole aux intervenants pour une deuxième série de questions.

Mme Marie-Hélène Fabre. J’aurais une question à vous poser, Monsieur le ministre, sur la convergence interne. Dans les références historiques des aides à l’hectare, il y avait quatre grands axes et, notamment, celui des productions méditerranéennes. Comment peut-on prendre en considération leurs spécificités dans le cadre de la convergence interne ? Dans les discussions sur les zones soumises à contraintes naturelles, les critères de la Commission européenne prennent-ils en compte les spécificités méditerranéennes ? Enfin, je souhaiterais revenir sur la question qu’a posée notre collègue Philippe-Armand Martin sur les droits de plantation.

M. Philippe Le Ray. À vous entendre, Monsieur le ministre, on ne peut que partager toutes les bonnes intentions du Gouvernement mais plusieurs questions se posent néanmoins.

Sur la production laitière, on ne parle plus de l’aide laitière directe alors qu’elle concerne pourtant de nombreux agriculteurs. Qu’en est-il ?

Sur les MAE systémiques, il faudra en rediscuter car elles ne sont pas adaptées à toutes les exploitations.

Sur la transparence financière des GAEC, il en existe de très nombreux avec plus de trois associés (6, 7 ou 8) ; or, vous avez dit que nous étions toujours plafonnés à 3 exploitations groupées au maximum pour bénéficier des aides de la politique agricole commune. Qu’en est-il ?

Sur le sujet des protéines, je pense qu’on mélange fourrages et protéines pures ; ce qui est certain, c’est qu’on importe encore beaucoup de protéines.

Sur la réforme de l’élevage, je rappelle que ni l’élevage porcin, ni l’élevage avicole ne sont concernés par la politique agricole commune : il faut clarifier tout cela.

Enfin, sur l’idée consistant à privilégier les 52 premiers hectares, il faut réfléchir à ce système en différenciant selon les régions car 52 hectares en Lozère, ce n’est pas la même chose que dans le Beauce.

Mme Jacqueline Maquet. L’élevage français a perdu en dix ans de 15 à 25 % de ses producteurs selon les secteurs et le Président de la République a déclaré : « quand la production de l’élevage recule c’est toute une filière qui s’effondre et c’est la ruralité qui est menacée dans ses fondements ». Depuis que vous êtes aux responsabilités vous avez choisi d’œuvrer pour une PAC plus juste avec une redistribution en faveur de l’élevage et de l’emploi, ce qui est très positif.

Cependant la région Nord-Pas-de-Calais risque de ne pas y trouver son compte. Ainsi, concernant la convergence des aides, les disparités sont aujourd’hui très grandes puisque si une exploitation reçoit en moyenne 268 euros par hectare, ce montant peut atteindre 375 euros pour un élevage bovin laitier à base de maïs contre 150 euros pour un élevage ovin. Comment peut-on réduire ces inégalités ?

L’objectif annoncé est que chaque agriculteur bénéficie d’au moins 70 % de l’aide moyenne alors que les plus privilégiés dans le mode de calcul antérieur verront leur dotation diminuer. Ne pensez-vous pas que les grands céréaliers seront favorisés et que les élevages de bovins seront quant à eux les plus défavorisés dans cette hypothèse ?

Le Nord-Pas-de-Calais devrait être, avec la Picardie et la région Île-de-France, l’une des régions les plus touchées par cette restructuration. En effet, dans ce scénario les agriculteurs régionaux verront globalement leurs aides diminuer. J’ai bien écouté votre réponse Monsieur le ministre et je ne manquerai pas de vous consulter au cas par cas mais je souhaite appeler votre attention sur la situation particulière de ces trois régions.

M. Jean-Claude Mathis. La viande de cheval a été écartée des productions agricoles pouvant bénéficier du soutien couplé dans la nouvelle PAC. Ce choix est susceptible d’entraîner la disparition de bon nombre de chevaux et notamment des chevaux de trait. Il y a aujourd’hui 700 000 équidés dans notre pays qui sont la propriété d’agriculteurs, cette activité génère 46 000 emplois directs et valorise plusieurs milliers d’hectares d’herbe et de céréales. Quelles mesures de soutien entendez-vous prendre en faveur de cette filière équine ?

Le programme d’aide au secteur viti-vinicole se place dans le cadre des financements du règlement de l’OMC qui permet ce type d’aide pour une période de cinq ans. Or il s’avère que l’exécution de ce programme se heurte à la difficulté de concilier les mesures d’aide sur des actions pluriannuelles avec une enveloppe budgétaire annuelle. La Commission européenne a certes accepté de relever le taux d’avance pour les aides à l’investissement à 50 % pour la période 2013-2015. Pouvez-vous nous préciser la mise en œuvre de cette mesure ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous êtes attentif à l’élevage et à la montagne et vous l’avez prouvé. Je souhaite particulièrement insister sur la revalorisation de l’ICHN pour les zones de haute montagne. Ces zones sont en effet celles qui connaissent le plus fort taux de handicap naturel et pour lesquelles nous avons par ailleurs des inquiétudes quant au renouvellement des générations. Dans le cadre de l’augmentation de l’enveloppe consacrée aux ICHN à l’horizon 2020 et alors que vous prévoyez de rendre éligibles à ces aides les producteurs laitiers des zones défavorisées simples, ne pourrait-on envisager un signal à plus court terme en faveur des zones de haute montagne qui concerne un nombre limité de bénéficiaires (3 000 sur les 50 000 des ICHN) ? Une telle réévaluation aurait un fort impact territorial pour un impact budgétaire relativement modéré.

Je souhaite également appeler votre attention sur les aides aux bâtiments d’élevage. Les actions en faveur des économies d’énergie sont certes nécessaires mais le financement des bâtiments d’élevage en zone de haute montagne l’est tout autant. Les montants subventionnables sont plafonnés alors que les coûts sont fortement majorés en montagne, les aides y sont donc proportionnellement moins importantes. Avez-vous des propositions à ce sujet ?

M. Éric Straumann. Je voudrais aborder deux sujets que vous connaissez bien, le premier est celui de la mise en œuvre de la directive « nitrates » en particulier en plaine d’Alsace où il y a de moins en moins d’éleveurs. Il est à craindre que si cette directive est appliquée pleinement il n’y en aura plus du tout.

Deuxième sujet, comment évolue le dossier du dumping social que nous subissons de la part de pays comme l’Allemagne. Ainsi le secteur du maraichage a perdu 30 % de sa surface de production dans notre pays en l’espace de 15 ans alors qu’il s’est accru de 15 % en Allemagne durant la même période. Cette tendance est particulièrement remarquable pour ce qui concerne les asperges pour lequel les chiffres atteignent 70 % pour la France et 50 % pour l’Allemagne. Cette situation pose la question d’une forme de concurrence déloyale.

M. Thierry Benoit. Vous confirmez ce que vous avez déclaré au Télégramme de Brest il y a 48 heures au sujet des régimes d’enregistrement et du décret. En revanche, pourquoi le décret et l’arrêté doivent-ils faire l’objet d’une enquête publique ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. En matière d’installations classées l’enquête publique est obligatoire. C’est ce qui engendre un décalage entre l’annonce politique et la réalisation concrète.

M. Yves Daniel. Je me félicite des avancées qui ont marqué l’adoption de la nouvelle PAC. Mais il est incontestable que cette réforme s’inscrit dans un calendrier long alors que l’élevage aurait besoin de réponses rapides car on observe que de plus en plus d’éleveurs abandonnent la production, notamment la production laitière qui est pourtant génératrice d’emplois, de plus-values d’activité et de croissance. La question de l’urgence à intervenir dans ce secteur est donc bien réelle.

Il existe différents modèles d’élevage réunis sous une appellation commune, notamment l’élevage conventionnel et l’élevage bio. Nous assistons aujourd’hui à une évolution du prix du lait bio qui se rapproche de plus en plus de celui du conventionnel, je crains que cette tendance incite certains éleveurs bio à repasser en élevage conventionnel en raison de la perte de revenu occasionnée. Ce type de problématique qui ne peut être résolu dans le cadre de la PAC doit être abordé à l’échelon national et particulièrement au cours de la discussion prochaine de la loi d’avenir de l’agriculture et la forêt.

Mme Josette Pons. Je voudrais revenir sur la question des bâtiments d’élevage pour laquelle vous avez déjà apporté un certain nombre de précisions. Est-ce que les ateliers de découpe, les abattoirs temporaires ou les abattoirs de proximité entrent dans le champ de ces bâtiments ? Les ateliers temporaires sont très importants pour l’organisation de certaines fêtes religieuses.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. En ce qui concerne la dernière question, des négociations sont en cours et j’y accorde beaucoup d’importance. Je peux déjà indiquer que ce sera possible pour les ateliers de découpe, en revanche je ne peux pas apporter à ce stade de réponse sur les autres installations citées.

L’agriculture méditerranéenne va bénéficier des transferts liés à la convergence et aux paiements redistributifs. Pour une région comme PACA ou Languedoc Roussillon qui avaient les aides les plus faibles, ce transfert pourrait atteindre 40 % afin de répondre aux besoins.

Pour les droits de plantation, nous avons obtenu le retour aux autorisations et il convient désormais d’ouvrir les négociations pour définir les enjeux stratégiques de la filière vitivinicole. Nous connaissons un problème puisque nos exportations dans ce domaine croissent en valeur mais diminuent en volume alors que la demande internationale s’accroit. Il y aura des arbitrages à rendre autour de l’augmentation qui peut être de 1 %, notamment entre les différentes régions productrices. La question de la chaptalisation est en cours de règlement.

En matière de production laitière la convergence ne joue pas sur les exploitations intensives avec des hauts niveaux de DPU. Le transfert s’effectue à hauteur de 70 %, ce qui est déjà important mais il est nécessaire de le limiter afin de ne pas pénaliser ce type d’exploitation.

S’agissant du plan Protéines, d’aucuns, notamment en Bretagne, souhaitait que l’on se focalise sur la luzerne afin d’aller vers l’élevage. J’ai choisi d’arbitrer en faveur des protéagineux et de la luzerne pour œuvrer en faveur de la filière. Le choix des protéagineux répond à la volonté de cultiver du soja, notamment dans le Sud-ouest. La question qui se pose est de savoir comment organiser la production et la transformation pour conserver ce potentiel de protéines végétales quelles que soient les évolutions de prix. En effet, on a pu observer par le passé que si la rentabilité allait vers la vente directe de protéines, les paysans stoppaient la production de protéines fourragères. Cela apparaît logique, si l’on peut acheter moins cher de la nourriture pour le bétail et que l’on peut vendre sa production plus cher pour un autre usage. Il convient donc de disposer d’une véritable filière. La production peut être régionalisée et il faut réussir à coupler la production et l’utilisation pour l’élevage, avec l’aide des coopératives pour réussir cette autonomie fourragère française et européenne.

52 hectares ne représentent pas la même chose en région parisienne et en Bretagne, c’est la raison pour laquelle en région parisienne les exploitations sont plus grandes avec moins d’UTA et qu’en Bretagne les 52 hectares ont un impact plus important, tout en sachant que la productivité de la terre est différente.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Sur la viande de cheval, les droits à paiement unique (DPU) seront transformés en droits à paiement de base (DPB). Le soutien sera donc maintenu pour les agriculteurs qui en bénéficiaient déjà et ceux qui n’en ont pas actuellement pourront en obtenir, et même faire appel aux soutiens du deuxième pilier.

Au sujet de la disparité des droits à paiement unique, une redistribution doit être effectuée en Île de France, Nord-Pas de Calais ou en Picardie. La convergence des aides assure une redistribution qui fait perdre une partie de ces aides dans certaines régions. Il s’agit d’augmenter les aides attachées aux premiers hectares pour compenser la perte d’aides globale. Il faudra se pencher pour ces régions dans la future loi d’avenir pour l’agriculture, sur les dispositifs du groupement d’intérêt économique environnemental (GIEE) ou des mesures agro-environnementales (MAE) en compensation de la perte d’aides due à la sortie du DPU.

Pour la montagne et la haute montagne, il s’agit des estives et des pâturages herbeux situés au-dessus de 1000 m ou 1200 m tournés essentiellement vers l’élevage et où les handicaps liés à l’altitude sont plus importants. La question de pouvoir augmenter le montant de l’aide pour les investissements dans des bâtiments d’élevage est à étudier, de même que la revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN). Pour cette dernière, le montant risque d’être minime, il faut donc vérifier ce qu’il représente.

Au sujet du coût du travail, soulevé par le député de l’Alsace M. Straumann, deux éléments jouent un rôle majeur.

Il y a d’abord la directive « Détachement » extrêmement utilisée en Allemagne pour ses abattoirs (80 %) et le travail saisonnier, et qui pénalise la France qui ne l’utilise pas à des niveaux équivalents.

En second lieu, le salaire minimum dans le secteur agricole et agro-alimentaire n’existe pas en Allemagne pour l’instant, mais une coalition des socio-démocrates s’apprête à demander un SMIC à 8,50€ de l’heure, donc un rapprochement avec la situation française est envisageable. Et cela est important pour les futures négociations dans le cadre de la PAC. En France, le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le dispositif du travailleur occasionnel demandeur d’emplois (TO-DE) viendront aider les exploitations agricoles à maintenir leur compétitivité et éviter ainsi de reproduire la situation des asperges par exemple, pour lesquelles la production en Allemagne s’est développée tandis qu’en France, elle a périclité.

La question de M. Yves Daniel sur le prix des produits issus de l’agriculture biologique se pose pour le lait et le vin. Aujourd’hui la production biologique de ces deux denrées se fait en quantité, ce qui rend la valorisation des prix moins bonne. Le vin court même le risque le plus important car les prix sont parfois identiques entre production biologique et production traditionnelle. Par conséquent, augmenter la surface agricole utile pour les cultures biologiques fait courir un risque énorme, et amènerait les agriculteurs à demander des aides compensatoires au ministre, difficilement accordables. C’est pourquoi a été élaboré avec l’Agence Bio, un plan « Ambition bio » qui prend en compte la production, la transformation et la distribution.

Tout l’enjeu réside dans l’organisation de la filière biologique qui doit se développer afin de maîtriser la production.

Mme Brigitte Allain. Tout comme Yves Daniel, la question de l’agriculture biologique retient mon attention, mais également celle du prix du lait et de l’arrêt des quotas. En effet, si l’on attend la mise en œuvre de la nouvelle PAC, il n’y aura plus de producteurs, sachant que des fermes produisant plus de 500 000L de lait par jour, sont amenées à cesser leur activité faute de moyens.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. La question de « l’après quotas » nécessite un travail à l’échelle européenne. Elle a fait l’objet d’une réunion le 23 septembre 2013, non pas sur les mesures proposées par la Commission européenne mais sur des propositions de la France et d’autres pays relatives aux alertes ou au suivi des marchés. En effet, un pays ne peut pas décider d’augmenter sa production de manière autonome. Par exemple, les Pays-Bas se sont fixé comme objectif d’augmenter la productivité de 10 % par vache laitière et de 10 % par troupeau en prévision d’exportations croissantes de poudre de lait. Or la question de l’exportation de poudre de lait au niveau mondial du fait d’une demande importante doit être étudiée sérieusement, car si ces poudres reviennent sur le marché européen faute de débouché, ce sera une catastrophe. Il faut donc réguler la production et responsabiliser les producteurs européens.

En outre, il faut revoir la manière dont sont mis en œuvre les contrats, car les producteurs de lait manquent de visibilité. Par exemple, la loi sur la consommation présentée par Benoît Hamon, prévoit, dans le cadre des négociations commerciales, un dispositif de prise en charge des coûts de production entre le transformateur et le distributeur. La future loi d’avenir pour l’agriculture prévoira également, dans les contrats entre agriculteurs et transformateurs, la prise en compte de ces coûts de production.

Par ailleurs, on atteint aujourd’hui, un prix de 25 € pour 1 000 L de lait. La médiation de début 2013 a donc fonctionné, si bien que lors de la réunion il y a 15 jours avec les acteurs laitiers, est apparue la nécessité d’avoir une interprofession responsable, dans son rapport avec la grande distribution. Sera donc votée dans la loi d’avenir pour l’agriculture un mécanisme de médiation par filière selon lequel le ministre de l’agriculture et celui de l’économie (par le biais de la DGCCRF), devront se mettre d’accord pour enclencher une médiation pour les négociations commerciales. En comparaison, l’augmentation du prix du lait en Allemagne est apparue avant la France et pour un montant plus élevé. La France a accompli des progrès mais il faut continuer. Une rencontre est prévue entre l’interprofession laitière et la grande distribution le 12 décembre prochain.

Enfin, je suis d’accord avec M. Straumann sur la directive nitrates adoptée en janvier-février 2011. La France a fait plusieurs propositions d’améliorations car elle se trouve actuellement en contentieux avec l’Union européenne, à la Cour de justice de l’Union européenne pour mauvaise transposition de cette directive. Par exemple, la France a fait en sorte qu’il soit possible de stocker le fumier pailleux sur champ, de manière à ne pas obliger les agriculteurs à investir dans des infrastructures de stockage de même qu’elle a réfléchi à des solutions pour remonter les pentes ou redéfinir des zones vulnérables. En vérité, il faut éviter de trop contraindre les agriculteurs sans quoi l’envie d’adaptation et donc in fine la production, seront remises en cause.

En conclusion, l’agro-écologie est fondamentale car elle permet d’introduire une dimension environnementale dans les modèles de production, sans être forcé d’ajouter des normes environnementales contraignantes, plaçant ainsi les agriculteurs en position dynamique. Les objectifs sont ambitieux, des progrès ont été réalisés mais l’enjeu de l’agro-écologie est réel.

M. le Président François Brottes. Je vous remercie et sachez que la commission des affaires économiques est unanimement attachée à ce qu’une solution soit trouvée pour les coopératives et le bénéfice du CICE.

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Informations relatives à la commission

La commission a nommé M. Daniel Fasquelle, co-rapporteur sur l’avis « Économie : entreprises » (n° 1430).

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 22 octobre 2013 à 17 h 15

Présents. - Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. André Chassaigne, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. François Sauvadet, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart

Excusés. - M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, M. Jean-Claude Bouchet, M. Dino Cinieri, M. Joël Giraud, Mme Anne Grommerch, M. Razzy Hammadi, M. Thierry Lazaro, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Clotilde Valter

Assistaient également à la réunion. - M. François André, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, Mme Kheira Bouziane, M. Guy-Michel Chauveau, M. Charles de Courson, M. Yves Daniel, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, Mme Annie Genevard, Mme Edith Gueugneau, Mme Isabelle Le Callennec, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Franck Montaugé